Ouvrir - Ordre des ingénieurs du Québec

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Ouvrir - Ordre des ingénieurs du Québec
CONSEIL DE DISCIPLINE
ORDRE DES INGÉNIEURS DU QUÉBEC
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
N° : 22-08-0360
DATE : Le 20 avril 2009
______________________________________________________________________
LE CONSEIL : Me Jean-Guy Légaré, avocat
Président
Me Suzanne Lamarre, ing.
Membre
Mme Françoise Poliquin, ing.
Membre
______________________________________________________________________
JEAN-PIERRE RAYMOND, ing., ès qualités de syndic adjoint de l’Ordre des
ingénieurs du Québec
Partie plaignante
c.
DOMINIQUE FORTIER, ing.
Partie intimée
______________________________________________________________________
DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SUR SANCTION
______________________________________________________________________
[1]
Le Conseil de discipline de l’Ordre des ingénieurs du Québec, (ci-après « Le
Conseil ») s’est réuni à Montréal le 3 février 2009, pour entendre et disposer d’une
plainte disciplinaire ainsi libellée :
PLAINTE RÉ-AMENDÉE
«Je, soussigné, Jean-Pierre Raymond, ingénieur, régulièrement inscrit au tableau de l'Ordre des
ingénieurs du Québec, en ma qualité de syndic adjoint dudit ordre professionnel, déclare ce qui suit :
Madame Dominique Fortier, ingénieure, régulièrement inscrite au tableau de l'Ordre des ingénieurs du
Québec (037050), a refusé ou négligé de satisfaire à certaines obligations imposées par le Code de
déontologie des ingénieurs (R.R.Q., c. I-9, r.3) plus particulièrement :
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1. À Montréal, le ou vers le 29 août 2000, dans le cadre d’un mandat pour la conception et la
préparation de plans et devis pour un mur de soutènement pour la propriété située au 685, rue
Rémillard, Auteuil, en émettant le plan CS-1, l’ingénieure Dominique Fortier a exprimé et émis
des avis qui étaient incomplets ambigües et qui n’étaient pas basés sur des connaissances
factuelles suffisantes, contrevenant ainsi aux articles 3.02.04 et 2.04 du Code de déontologie des
ingénieurs (R.R.Q., c. I-9, r.3).
2. À Montréal, le ou vers le 25 septembre 2000, dans le cadre d’un mandat pour la conception et la
préparation de plans et devis pour un mur de soutènement pour la propriété situé au 685, rue
Rémillard, Auteuil, en émettant la « Révision générale » du plan CS-1, l’ingénieure Dominique
Fortier a exprimé et émis des avis qui étaient incomplets ambigües et qui n’étaient pas basés sur
des connaissances factuelles suffisantes, contrevenant ainsi aux articles 3.02.04 et 2.04 du Code
de déontologie des ingénieurs (R.R.Q., c. I-9, r.3).
3. À Montréal, le ou vers le 24 octobre 2000, dans le cadre d’un mandat pour la conception d’un
mur de soutènement pour la propriété situé au 685, rue Rémillard, Auteuil, en émettant une lettre
d’« Attestation-Mur de soutènement, Rue Rémillard, Auteuil », l’ingénieure Dominique Fortier a
exprimé et émis des avis qui étaient incomplets ambigües et qui n’étaient pas basés sur des
connaissances factuelles suffisantes, contrevenant ainsi aux articles 3.02.04 et 2.04 du Code de
déontologie des ingénieurs (R.R.Q., c. I-9, r.3).
4. À Montréal, le ou vers le 24 octobre 2000, dans le cadre d’un mandat pour la conception d’un
mur de soutènement pour la propriété situé au 685, rue Rémillard, Auteuil, en émettant une lettre
d’« Attestation-Mur de soutènement, Rue Rémillard, Auteuil », sans avoir vérifié la conformité
dudit mur, l’ingénieure Dominique Fortier a recouru ou s’est prêtée à des procédés malhonnêtes
ou douteux et/ou a toléré de tels procédés dans l’exercice de ses activités professionnelles et, en
attestant la conformité de travaux qui ne respectaient pas la réglementation applicable,
l’ingénieure a omis de tenir compte des conséquences de l’exécution de ses travaux sur
l’environnement et sur la vie, la santé et la propriété de toute personne, contrevenant ainsi aux
articles 3.02.08 et 2.01 du Code de déontologie des ingénieurs (R.R.Q., c. I-9, r.3).
ET LE PLAIGNANT DEMANDE JUSTICE.»
[2]
À l’origine, la plainte dans ce dossier avait été déposée le 31 mars 2008. Elle fut
suivie d’une plainte amendée en date du 25 avril 2008 et enfin d’une plainte réamendée est en date du 28 mai 2008. Les trois (3) plaintes sont accompagnées
d’affirmations solennelles du plaignant.
[3]
Le plaignant était présent et représenté par son procureur, Me Charles Dupuis.
L’intimée était présente et représentée par sa procureure, Me Anne-Marie Williams.
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[4]
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Dès le début de l’audition, le procureur du plaignant a informé le Conseil
qu’après de nombreuses discussions avec la procureure de l’intimée, une entente était
intervenue entre les parties.
[5]
Le procureur du plaignant a assuré le Conseil que la suggestion commune que
les procureurs entendaient soumettre au Conseil était conforme à l’esprit de l’article 23
du Code des professions, de même qu’à la mission de l’Ordre des ingénieurs qui
consiste à protéger le public.
[6]
Le procureur du plaignant a affirmé que les procureurs des parties avaient eu de
longues discussions qu’ils avaient tenu compte de l’ensemble des circonstances
particulières de ce dossier.
[7]
Le procureur du plaignant a souligné que son client avait fait une analyse
détaillée de la preuve et qu’il s’était assuré que la protection du public était atteinte par
les sanctions qu’il entendait proposer au Conseil.
[8]
Le procureur du plaignant a assuré le Conseil qu’il n’y avait pas eu de copinage
entre les parties et que les suggestions communes qu’il présenterait respecteraient les
règles établies.
[9] Quant au paragraphe 1 de la plainte ré-amendée du 28 mai 2008, le procureur du
plaignant a expliqué que l’intimée plaiderait coupable sur chacun des deux (2) chefs
mais, compte tenu de l’arrêt Kineapple1, qui empêche les condamnations multiples pour
un même comportement fautif, les parties demandaient l’arrêt des procédures
concernant l’article 3.02.04 du Code de déontologie des ingénieurs. Ainsi, les parties
1
Kineapple c. R. [1975] 1 R.C.S. 729, AZ-75111060
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recommandaient une amende de 1 000,00$ quant au chef no 2 fondé sur l’article 2.04
du Code de déontologie des ingénieurs.
[10]
Quant au paragraphe 2, l’intimée avait l’intention de plaider coupable sur les
deux (2) chefs contenus à l’intérieur de ce paragraphe mais, compte tenu de l’arrêt
Kineapple2, les parties demandaient l’arrêt des procédures concernant l’article 3.02.04
du Code de déontologie des ingénieurs. Les parties recommandaient au Conseil que
l’intimée soit condamnée à payer une amende de 1 000,00$ quant au chef no 4 fondé
sur l’article 2.04 du Code de déontologie des ingénieurs.
[11]
Quant au paragraphe 3, l’intimée plaiderait coupable aux deux (2) chefs
d’infraction contenus à l’intérieur de ce paragraphe. Toutefois, compte tenu de l’arrêt
Kineapple3, les parties recommanderaient l’arrêt des procédures quant au chef fondé
sur
l’article
3.02.04
du
Code
de
déontologie
des
ingénieurs.
Les
parties
recommanderaient donc l’imposition à l’intimée d’une amende de 1 000,00$ quant au
chef no 6 fondé sur l’article 2.04 du Code de déontologie des ingénieurs.
[12]
Quant au paragraphe 4 de la plainte ré-amendée du 28 mai 2008, l’intimée
plaiderait coupable quant aux deux (2) chefs d’infraction contenus à l’intérieur de ce
paragraphe. Quant au chef no 7 fondé sur l’article 3.02.08 du Code de déontologie des
ingénieurs, l’intimée se verrait imposer une amende de 1 000,00$. Elle se verrait
également imposer une amende de 2 000,00$ sur le chef no 8 fondé sur l’article 2.01
du Code de déontologie des ingénieurs.
2
3
Précité note 1
Ibid.
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Le procureur du plaignant a souligné que l’intimée s’était également engagée à
assumer l’ensemble des déboursés du dossier.
[14]
Le procureur du plaignant a également rappelé que le Conseil devait, dans le
cadre de ces suggestions communes, tenir compte de l’aspect de la globalité des
sanctions qui étaient imposées à l’intimée.
[15]
La procureure de l’intimée a ensuite corroboré les propos du procureur du
plaignant.
Preuve du plaignant
[16]
De consentement avec la partie intimée, le procureur du plaignant a déposé une
preuve documentaire au soutien des reproches formulés dans la plainte :
SYN-01
Attestation du statut du membre par le Secrétaire de l’OIQ.
SYN-02
Avis d’infraction de la Ville de Laval à L. Dubord Entrepreneur inc., pour avoir
construit un mur de soutènement de grande hauteur.
SYN-03
Résolution de la Ville de Laval pour intenter procédures en cour contre L. Dubord
Entrepreneur inc. pour contravention.
SYN-04
Constat d’infraction de la Ville de Laval à L. Dubord Entrepreneur inc. pour avoir
construit un mur de soutènement de grande hauteur.
SYN-05
Rapport d’infraction de la Ville de Laval concernant L. Dubord Entrepreneur inc.
pour avoir construit un mur de soutènement de grande hauteur.
SYN-06
Deux photos reçues de M. Frankow montrant le mur vu de chez le voisin.
SYN-07
Rapport d’inspection de M. Frankow concernant L. Dubord Entrepreneur inc. pour
avoir construit un mur de soutènement de grande hauteur.
SYN-08
Dessin de M. L. Dubord montrant le mur de soutènement pour le 685, rue
Rémillard à Laval avec projet d’implantation annoté par L. Dubord (non daté).
SYN-09
Extraits du règlement de construction dans la Ville de Laval, No. L-9501.
SYN-10
Plan, vue en coupe/mur de soutènement signé et scellé par Dominique Fortier.
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SYN-11
Facture No 13 696 de Génivar pour L. Dubord Entrepreneur inc.
SYN-12
Notes de É. Guénette pour le projet.
SYN-13
Dessin du 29 août (P-02) annoté par Mme Fortier.
SYN-14
Plan, vue en coupe/mur de soutènement signé et scellé par Dominique Fortier.
SYN-15
Lettre de E. Guénette à G. Beaulieu, avis de conformité mur de soutènement du
685, rue Rémillard, Ville de Laval avec plan.
SYN-16
Lettre de E. Guénette à G. Beaulieu, plan d’implantation du 685, rue Rémillard,
Ville de Laval.
SYN-17
Demande de permis pour la construction d’un mur de soutènement au 685, rue
Rémillard à Laval.
SYN-18
Certificat d’autorisation pour la construction d’un mur de soutènement au 685, rue
Rémillard à Laval.
SYN-19
Lettre de A. Fortin à L. Dubord, mise en demeure contre Dubord.
Lettre de A. Fortin à Génivar, copie de la mise en demeure contre L. Dubord.
SYN-20
Lettre de A. Fortin à Y. Fallu, règlement L-2000.
SYN-21
Rapport d’expertise de Y. Fallu, pour le 685, rue Rémillard, Ville de Laval.
SYN-22
Jugement de l’honorable Richard Landry, J.C.S. dans Pigeon c. L. Dubord
Entrepreneur inc.
SYN-23
Jugement de l’honorable Monique Fradette, J.C.Q. dans Pigeon c. L. Dubord
Entrepreneur inc.
SYN-24
Extrait du règlement de construction No L-9501 de la Ville de Laval définissant les
murs de soutènement de grande hauteur (1,8 m ou plus).
Témoignage du plaignant
[17]
Le plaignant a d’abord référé le Conseil à l’attestation du statut de membre en
règle de l’intimée qui a été émis par le secrétaire de l’Ordre des ingénieurs du Québec
(pièce SYN-01).
[18]
Le plaignant a expliqué au Conseil qu’il était syndic adjoint et que, dans le cadre
de son travail, il effectuait des enquêtes en matière déontologique concernant le
comportement fautif de certains ingénieurs.
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[19]
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Le plaignant a expliqué qu’il avait eu vent des agissements de l’intimée après
avoir pris connaissance du jugement rendu par l’honorable Richard Landry, J.C.Q., le
11 février 2004, dans l’affaire Pigeon contre L. Dubord Entrepreneur inc. (ci-après
«Dubord») (pièce SYN-22).
[20]
Il a expliqué que l’origine de cette procédure remontait en 1999, lorsque Dubord
a reçu un avis d’infraction du Service d’urbanisme de Ville de Laval (pièce SYN-02).
Dans cet avis, la Ville reprochait à l’entrepreneur d’avoir érigé un mur de soutènement
de grande hauteur sans avoir obtenu, au préalable, un certificat d’autorisation.
[21]
En effet, tel que l’a expliqué le plaignant, les règlements municipaux de la Ville
de Laval nécessitaient un certificat d’autorisation pour des travaux impliquant un mur de
soutènement de grande hauteur (pièce SYN-09). Un mur de soutènement de grande
hauteur est un mur dont la hauteur verticale hors sol est de 1,8 mètres ou plus (pièce
SYN-24).
[22]
Le plaignant a expliqué que, pour ce genre de travaux, la Ville de Laval exigeait
un rapport d’inspection préparé, signé et scellé par un ingénieur, attestant que l’ouvrage
était réalisé conformément aux plans et devis approuvés lors de l’émission du certificat
d’autorisation (pièce SYN-09).
[23]
Or, en l’espèce, l’avis d’infraction a été émis le 1er février 1999 (pièce SYN-02).
Par la suite, la Ville de Laval a autorisé le dépôt des procédures devant la Cour
municipale le 28 avril 1999 (pièce SYN-03). Un constat d’infraction a été émis contre
Dubord le 6 octobre 1999 (pièce SYN-04).
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[24]
PAGE : 8
Le plaignant a référé au Conseil le rapport d’infraction générale (pièce SYN-05),
qui était annexé au constat d’infraction. Dans ce rapport, un préposé de la Ville de Laval
a constaté que Dubord avait entrepris des travaux d’aménagement d’un mur de
soutènement de grande hauteur, sans avoir au préalable obtenu un certificat
d’autorisation. À l’époque, le mur en question avait six pieds trois pouces (6' 3") (pièce
SYN-05).
[25]
Le plaignant a également référé le Conseil à deux (2) photographies du mur en
question (pièce SYN-06).
[26]
Le plaignant a, par la suite, référé le Conseil à un nouveau rapport d’inspection
du Service de l’urbanisme de la Ville de Laval, en date du 3 juillet 2000 (pièce SYN-07).
Dans ce rapport, il est fait état que le mur avait été abaissé et qu’il mesurait de 54 à 56
pouces de hauteur.
[27]
Selon le plaignant, Dubord aurait tenté de corriger la pente du terrain sur lequel
était situé le mur en question, en ajoutant des madriers de bois sur le dessus du mur de
béton.
[28]
Le plaignant a ensuite référé le Conseil à deux (2) plans du mur de remblais, qui
n’ont toutefois pas été préparés par un ingénieur (pièce SYN-08). Le plaignant a
toutefois expliqué que ces plans avaient été refusés par la Ville de Laval.
[29]
Dans le cadre de son enquête, le plaignant a, par la suite, appris que Dubord
avait demandé l’intervention du Groupe conseil Génivar (ci-après «Génivar»)
l’entremise de l’architecte Yves Bilodeau.
par
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[30]
PAGE : 9
Selon le plaignant, c’est d’ailleurs monsieur Bilodeau qui aurait contacté
directement monsieur Éric Guénette, dessinateur chez Génivar, afin de les impliquer
dans le dossier. C’est d’ailleurs le dessinateur Éric Guénette qui aurait rencontré un
représentant de Dubord.
[31]
Toujours selon le plaignant, la capacité portante des sols n’aurait jamais été
vérifiée. Or, les premiers plans, qui ont été signés et scellés par l’intimée le 29 août
2000, font état qu’un laboratoire devait vérifier la qualité du sol, transférant par
conséquent ce devoir à l’entrepreneur.
[32]
La première vue en coupe du mur de soutènement signée et scellée par l’intimée
le 29 août 2000 (pièce SYN-10) a été refusée. Par la suite, une autre vue en coupe du
même mur de soutènement dessinée par monsieur Éric Guénette a été signée, vérifiée
et scellée par l’intimée le 25 septembre 2009 (pièce SYN-14).
[33]
Le plaignant a ensuite référé le Conseil à une lettre de l’intimée du 24 octobre
2000 (pièce SYN-15), confirmant : «(…) que nous avons inspecté le mur de
soutènement (…)» de la rue Rémillard.
[34]
Le plaignant a, par la suite, référé le Conseil à la facture pour honoraires
professionnels qui a été émise par Génivar, le 5 septembre 2002, pour le projet du mur
de soutènement (pièce SYN-11). Il a également référé aux notes manuscrites prises par
le dessinateur Éric Guénette le 12 septembre 2000 (pièce SYN-12).
[35]
Le plaignant a référé le Conseil aux plans déposés comme pièce SYN-13, qui
sont, comme le souligne l’honorable juge Richard Landry, des faux documents, puisque
des plans doivent en principe servir à planifier des travaux. Or, en l’espèce, les
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documents produits ne sont pas des plans, mais sont plutôt des dessins faits après les
travaux et auraient dû porter la mention «tel que construit». De l’avis du plaignant,
l’intimée a collaboré au mandat qui lui avait été donné par Dubord, c’est-à-dire de
«compléter la paperasse» afin que la Ville de Laval le laisse tranquille.
[36]
Le plaignant a référé le Conseil au projet du plan d’implantation du mur de
soutènement préparé par les arpenteurs-géomètres Poulin & Jodoin (pièce SYN-16).
[37]
Il a expliqué qu’une demande de permis post facto avait été soumise à la Ville de
Laval le 1er novembre 2000 (pièce SYN-17), qui a conduit à l’émission du certificat
d’autorisation du 7 décembre 2000 (pièce SYN-18).
[38]
Le plaignant a souligné que l’attitude de la Ville de Laval à l’égard de ce dossier
était relativement surprenante, ce qui constitue, selon lui, un facteur atténuant à l’égard
de l’intimée.
[39]
Le plaignant a ensuite référé le Conseil à la mise en demeure du 14 juin 2001
des procureurs de Ville de Laval à Dubord (pièce SYN-19). Dans cette lettre, il est fait
état que les travaux n’avaient pas été exécutés conformément aux plans préparés par
Génivar, en ce que trois (3) dormants de bois ont été installés, faisant craindre pour la
stabilité du mur et du sol et pour la sécurité de toute personne pouvant s’en approcher.
[40]
Le plaignant a, par la suite, indiqué que le terrain avait été vendu par Dubord à
madame Doris Pigeon et à monsieur Gaétan Léger, le 21 juin 2000. Par la suite, le
couple Pigeon-Léger a poursuivi en dommage leur constructeur-vendeur Dubord.
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[41]
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Aux termes de plusieurs journées d’audition devant le juge Landry, celui-ci a
ordonné la tenue d’une expertise conformément aux dispositions de l’article 414 du
Code de procédure civile. Le mandat a donc été confié par la Cour à l’ingénieur Yves
Fallu. Celui-ci a déposé son rapport le 3 juillet 2003 (pièce SYN-21).
[42]
Le plaignant a expliqué que l’ingénieur Fallu avait eu recours à l’utilisation d’une
petite excavatrice afin de vérifier si le mur de soutènement avait été construit selon les
plans du 29 août 2000, préparés par Génivar.
[43]
Le rapport de l’ingénieur Fallu révélait ce qui suit :
«1. Les dormants de bois de 6" X 6" ne sont pas attachés comme il est demandé au plan, c’està-dire à l’aide d’une cornière de 4" X 6" X 3/8". Ils sont plutôt ancrés avec des attaches de 1"
de largeur (photographie no. 2/7, Annexe I).
2. Le géotextile a été posé uniquement sur le dessus et à l’arrière du premier bloc du haut et
non tel que montré au plan, c’est-à-dire sur le dessus, à l’arrière, sur toute la hauteur et en
dessous des blocs de béton (photographie no. 3/7, Annexe I).
3. Il n’y a pas de pierre qui a été posée à l’arrière du mur de bloc, tel que montré au plan
(photographie no. 4/7, Annexe I).
4. Il n’y a pas de conduite de drainage dans le bas du mur, tel que demandé au plan
(photographie no. 5/7, Annexe I).
5. Il n’y a pas de pierre nette 3/4" comme assise sous le mur, tel que demandé au plan
(photographie no. 6/7, Annexe I).»
[44]
Le plaignant a, par la suite, référé au jugement de l’honorable Richard Landry,
du 11 février 2004 (pièce SYN-22). Dans son jugement, le juge Landry souligne que
Dubord a tenté de «berner» la Ville de Laval avec des «plans bidons». Il souligne
également que Dubord a obtenu des plans de complaisance de Génivar, qui étaient non
conformes à l’ouvrage existant.
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[45]
PAGE : 12
Le plaignant a, par la suite, indiqué que le jugement de l’honorable juge Landry
avait été porté en appel par Dubord. Toutefois, une entente hors-cour est intervenue
entre Dubord et les propriétaires, selon laquelle Dubord devait effectuer les travaux
correctifs.
[46]
Or, il appert que Dubord a négligé d’effectuer lesdits travaux, ce qui a donné lieu
à de nouvelles procédures judiciaires intentées par les propriétaires en 2006.
L’ensemble des travaux n’a finalement été complété qu’en 2008.
[47]
Le plaignant a souligné que, tout au cours de son enquête, l’intimée avait fait
preuve d’une très bonne collaboration et qu’elle avait exprimé des regrets sincères,
admettant qu’elle n’avait pas bien agi dans ce dossier.
[48]
Le plaignant a souligné que l’intimée lui avait certifié qu’elle n’avait pas l’intention
de recommencer, puisqu’elle occupait depuis plusieurs années un poste de direction.
Elle aurait également affirmé au plaignant qu’elle s’assurerait que les ingénieurs qui
allaient travailler sous ses ordres respectent rigoureusement leur Code de déontologie,
afin d’éviter que ce genre de situation se reproduise.
[49]
Le plaignant a souligné qu’au départ l’intimée n’avait pas pris le processus au
sérieux et voulait se défendre seule mais, après réflexion, reconnaissant sa culpabilité,
elle avait mandaté sa procureure pour la représenter.
[50]
Selon le plaignant, il n’y a aucun doute que l’intimée ne représente aucune
crainte de récidive et il est convaincu que l’intimée ne reviendra pas devant le Conseil
de discipline. Le plaignant croit que les remords de l’intimée sont sincères et il est d’avis
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que les suggestions communes, qui ont été présentées par son procureur au début de
l’audition, font en sorte que la protection du public est parfaitement assurée.
Témoignage de l’intimée
[51]
L’intimée a expliqué qu’elle travaillait pour la firme Dessau. Depuis 2003, elle a
occupé les postes de vice-présidente au développement, puis de vice-présidente
marketing et était, depuis 2008, vice-présidente aux opérations. Dans ses fonctions,
elle s’occupe de l’embauche, du budget et de la facturation.
[52]
Elle a expliqué qu’elle avait, au début de sa pratique, travaillé pour Hydro-
Québec, avant d’ouvrir sa propre firme d’ingénieurs en pratique privée, qu’elle a
exploitée de 1983 à 1997.
[53]
Elle a, par la suite, expliqué que son bureau avait été vendu à Génivar en 1997.
Elle est restée à l’emploi de Génivar de 1997 à 2001, dans un poste de vice-présidente
bâtiment. Pendant cette période, elle ne conservait que quelques petits dossiers, qu’elle
faisait en collaboration avec son technicien, monsieur Éric Guénette, avec qui elle
travaillait depuis plus de 12 ans.
[54]
Au mois de juin 2007, après 17 ans en pratique privée, elle a quitté Génivar et a
pris six (6) mois d’arrêt complet, s’impliquant dans différents organismes et fondations.
[55]
Elle a ensuite expliqué au Conseil qu’elle n’avait pas reparlé du dossier du mur
de soutènement avec monsieur Éric Guénette depuis le dépôt de la plainte disciplinaire.
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[56]
PAGE : 14
Elle a expliqué au Conseil qu’elle ne s’était pas rendue sur le terrain afin de voir
le mur de soutènement. Cependant, elle a précisé que monsieur Guénette y était allé et
qu’il avait rencontré le propriétaire.
[57]
À son avis, le mur de soutènement en question n’était pas un ouvrage de grande
hauteur, mais plutôt un ouvrage paysager composé de blocs de béton empilés les uns
sur les autres, qui ne représentaient à son avis aucun danger. Elle a toutefois admis
qu’elle n’avait pas été suffisamment prudente pour ce dossier et qu’elle n’aurait pas dû
accepter de revoir et de sceller les plans du mur en question.
[58]
Elle a également témoigné qu’elle ne connaissait pas la réglementation
municipale de la Ville de Laval et qu’elle n’avait pas non plus ladite réglementation en
sa possession.
[59]
Elle a expliqué que, lorsqu’elle a accepté le mandat à l’été 2000, elle ne savait
pas que le propriétaire avait commis des infractions municipales. Tout ce qu’elle savait,
c’est qu’il avait des problèmes à faire accepter le plan pour un mur de soutènement.
[60]
Elle a précisé qu’elle ne reconnaissait pas son écriture sur le premier plan du
mur de soutènement, produit comme pièce SYN-13, ni les dessins faisant état de la
pierre 3/4" figurant sur le plan (pièce SYN-14). Elle a toutefois indiqué qu’elle avait
discuté du contenu de ces plans avec monsieur Guénette.
[61]
L’intimée a reconnu qu’elle avait pris pour acquis les dires de monsieur Dubord
et que, dans le contexte, le mur de soutènement en question ne l’inquiétait pas.
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[62]
PAGE : 15
Quant au plan produit comme pièce SYN-16, elle a souligné qu’elle reconnaissait
l’écriture de monsieur Éric Guénette.
[63]
De l’avis de l’intimée, le mur de soutènement en question ne représentait aucun
danger, puisque les blocs de béton restaient bien en place. Elle a toutefois admis que
les attaches des dormants étaient peut-être un peu faibles.
[64]
Cependant, l’intimée a reconnu son erreur et a souligné qu’il s’agissait d’un des
derniers dossiers à caractère technique qu’elle avait traités.
[65]
À son avis, l’erreur qu’elle a commise était grave, mais elle a expliqué qu’elle
n’avait pas traité de dossiers pratiques depuis. Par conséquent, elle ne représentait pas
de risques de récidive, puisqu’elle avait perdu «son instinct d’ingénieure»,
du fait
qu’elle travaillait surtout en administration depuis plusieurs années.
[66]
Elle a expliqué qu’en 2000, elle était très fatiguée, après 17 ans de pratique, tout
en élevant trois (3) enfants. Elle a reconnu qu’elle n’avait pas été assez attentive et
qu’elle ne s’était pas été suffisamment inquiétée pour le projet du mur de soutènement.
[67]
Contre-interrogée par le procureur du plaignant, elle a indiqué qu’elle était
d’accord à plaider coupable à l’ensemble des chefs d’infraction et avec les
recommandations de sanctions communes qui avaient été formulées.
[68]
Elle a également confirmé qu’elle n’avait pas pris connaissance de la
réglementation municipale concernant les murs de soutènement.
[69]
Quant à la lettre du 24 octobre 2000 (pièce SYN-15), elle a souligné qu’elle avait
employé le «nous» en faisant référence à Génivar, tout en précisant que monsieur Éric
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PAGE : 16
Guénette était bel et bien allé voir le mur de soutènement et que celui-ci n’était pas
dangereux.
Représentations sur sanction du procureur du plaignant
[70]
Le procureur du plaignant a expliqué que le Conseil devrait tenir compte de la
globalité des peines qui pourraient être imposées à l’intimée, pour des actes qu’il a luimême qualifié d’isolés.
[71]
De l’avis du procureur du plaignant, les sanctions proposées correspondent aux
critères qui ont été établis par la jurisprudence dans ce genre de circonstances.
[72]
Il a d’abord référé le Conseil aux ouvrages de doctrine La discipline
professionnelle au Québec de Me Sylvie Poirier4, de même qu’au Précis de droit
professionnel au Québec, publié en 20075.
[73]
Le procureur du plaignant a rappelé que l’objectif du droit disciplinaire n’était pas
de punir le professionnel, mais de corriger le comportement fautif.
[74]
À son avis, l’intimée a réalisé elle-même qu’elle avait commis une erreur dans ce
dossier et comme elle l’a d’ailleurs précisé dans le cadre de son témoignage, elle avait
perdu «l’instinct d’ingénieure».
[75]
Ce faisant, selon lui, elle s’est éloignée elle-même de cet aspect de la pratique,
puisqu’elle a elle-même réalisé qu’elle avait perdu l’habitude de traiter des dossiers
techniques. À son avis, l’intimée s’est donc auto-règlementée en ne prenant plus ce
4
5
Poirier, Sylvie, La discipline professionnelle au Québec, Cowansville, Éditions Yvon Blais inc., 1998,
pp. 169 à 177
Villeneuve, J.G., Précis de droit professionnel au Québec, Cowansville, Éditions Yvon Blais inc. 2007,
pp. 242 à 258
22-08-0360
PAGE : 17
genre de dossiers et en admettant qu’elle n’avait plus l’aptitude et les capacités de les
faire.
[76]
Le procureur a rappelé que la jurisprudence avait identifié les facteurs objectifs
et subjectifs dont le Conseil devait tenir compte dans la détermination de la sanction
appropriée.
[77]
Le procureur du plaignant a rappelé que la protection du public était l’élément
essentiel que lui et son client avaient considéré afin de déterminer la sanction
appropriée. Il a rappelé que la protection du public était définie à l’article 23 du Code
des professions et représentait la grande mission de tous les ordres professionnels et,
en particulier, l’Ordre des ingénieurs.
[78]
Il a également souligné que l’intimée jouissait de la qualité de «spécialiste en
génie», puisqu’à la lettre qui a été déposée comme pièce SYN-15, elle signe la viceprésidente – bâtiment. Or, pour lui, dans les yeux du public, cette dénomination est
significative, puisque la personne qui reçoit alors cette information croit qu’elle a affaire
à une spécialiste en matière de bâtiment. D’ailleurs, le procureur a souligné que cette
seule information a sans doute été suffisante puisque, avant l’envoi de cette lettre,
l’émission du permis n’avait pas été autorisée.
[79]
Par la suite, le certificat approprié avait été émis par la Ville de Laval, en référant
spécifiquement à l’attestation préparée par l’intimée pour le compte de Génivar (pièce
SYN-18).
[80]
Le procureur a ensuite souligné qu’à son avis, les infractions commises par
l’intimée étaient des actes isolés. Cependant, les agissements de l’intimée ont entraîné
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PAGE : 18
des conséquences considérables pour les propriétaires de l’immeuble, qui ont dû, à
deux reprises à partir de 2001, intenter des procédures judiciaires contre Dubord; le tout
ne se réglant finalement qu’en 2008.
[81]
Selon lui, les propriétaires de l’immeuble ont donc eu beaucoup de problèmes
résultant directement de la signature de complaisance de l’intimée.
[82]
À titre de facteur subjectif, le procureur du plaignant a rappelé que l’intimée
n’avait pas d’antécédents, qu’elle était une ingénieure d’expérience, qui avait plusieurs
années de pratique et qui jouissait d’une bonne réputation. Il a précisé qu’il était
convaincu que les risques de récidive de l’intimée étaient nuls et qu’elle ne reviendrait
pas devant le Conseil de discipline.
[83]
À son avis, la protection du public était par conséquent assurée et permettait
même à l’intimée de continuer à travailler.
[84]
Il a souligné que l’intimée avait fait preuve d’insouciance, car elle avait admis ne
pas avoir pris connaissance de la réglementation municipale. Il a souligné que les
conséquences pour son client avaient toutefois été importantes, puisque celui-ci avait
été impliqué dans un long processus judiciaire.
[85]
Le procureur du plaignant a souligné que l’intimée avait fait preuve de repentir et
qu’elle avait bien collaboré avec le plaignant. De même, le fait qu’elle avait plaidé
coupable lors de la première occasion a empêché la tenue d’une audition longue et a
évité la nécessité de déplacer plusieurs témoins.
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[86]
PAGE : 19
Compte tenu de l’admission des faits, de l’attitude de l’intimée et de la volonté de
l’intimée de ne plus s’impliquer dans ce genre de dossier, le procureur du plaignant
croit, par conséquent, que l’imposition de sanctions monétaires doit être fortement
considérée compte tenu des circonstances particulières du présent dossier.
[87]
Le procureur a référé le Conseil à l’affaire Brosseau6. Dans cette affaire, le
Conseil de discipline avait imposé une réprimande et une amende de 1 000,00$ sur les
chefs fondés sur l’article 2.04 du Code de déontologie des ingénieurs. L’ingénieur
Brosseau avait alors plaidé coupable et offert sa collaboration au syndic.
[88]
De même, dans les affaires Chartrand7, Néron8 et Moffatt9, le Comité de
discipline a imposé à ces ingénieurs des amendes de 1 000,00$ sur les chefs fondés
sur l’article 2.04 du Code de déontologie des ingénieurs.
[89]
Le procureur du plaignant a ensuite référé le Conseil à l’affaire Dugré10, dont le
premier chef portait spécifiquement sur l’article 3.02.08 du Code de déontologie des
ingénieurs. Dans cette affaire, l’ingénieur Dugré avait émis des plans relatifs à un projet
de CLSC déjà construit, afin de corriger une situation préexistante. Dans cette affaire, le
Conseil avait imposé une amende minimale de 600,00$ et une réprimande. En
l’espèce, le procureur est d’avis qu’une amende minimale n’est pas appropriée et
qu’une amende de 1 000,00$ aurait pour effet de mieux corriger le comportement fautif
de l’intimée.
6
7
8
9
10
Tremblay c. Brosseau, CDOIQ (22-00-0021), 14 janvier 2002
Khayat c. Chartrand, CDOIQ (22-03-0283), 3 mai 2005
Tremblay c. Néron, CDOIQ (22-05-0323), 19 mai 2006
Tremblay c. Moffatt, CDOIQ (22-06-0326), 4 septembre 2007
Alaurent c. Dugré, CDOIQ (22-02-0262), 3 juin 2003
22-08-0360
[90]
PAGE : 20
Se référant ensuite à l’affaire Richard11, le procureur du plaignant a rappelé que
cet ingénieur avait fait preuve d’un certain laxisme dans sa conduite professionnelle,
dans le cadre de travaux d’installation sceptique. Le Conseil avait imposé, à l’égard des
chefs faisant référence à l’article 3.05.03 du Code de déontologie des ingénieurs, une
amende de 1 000,00$ à laquelle s’ajoutait une réprimande.
[91]
Référant ensuite à l’affaire Desaulniers12, le procureur du plaignant a souligné
que le Conseil avait condamné l’ingénieur à une amende de 2 000,00$ à l’égard du chef
no 3 de la plainte concernant l’article 2.01 du Code de déontologie des ingénieurs.
[92]
Dans l’affaire Joly13, le Conseil avait imposé à l’ingénieur, dans le cadre des
travaux relatifs au prolongement du métro vers Laval, une amende de 4 000,00$ fondée
sur l’article 2.01 du Code de déontologie des ingénieurs. Dans l’affaire Chartrand14, le
Conseil avait imposé une amende de 5 000,00$, fondée sur ce même article.
[93]
Le procureur du plaignant a rappelé au Conseil que l’approche qui avait été prise
dans le présent dossier était très globaliste, les amendes imposées à l’intimée totalisant
6 000,00$. De plus, l’intimée s’engageait à rembourser l’ensemble des déboursés.
[94]
Il a rappelé que pour le plaignant, la protection du public n’est plus en jeu et les
amendes imposées à l’intimée corrigent une situation et évitent ainsi qu’elle se
reproduise.
[95]
Pour lui, l’objectif du droit disciplinaire est donc atteint et il est convaincu que
l’intimée ne se présentera plus jamais devant le Conseil de discipline.
11
12
13
14
Alaurent c. Richard, CDOIQ (22-06-0336), 8 juillet 2008
Khayat c. Desaulniers, CDOIQ (22-04-0289), 18 janvier 2005
Latulippe c. Joly, CDOIQ (22-05-0309), 16 décembre 2005
Précitée note 7
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[96]
PAGE : 21
Considérant les plaidoyers de culpabilité de l'intimée, le Conseil a déclaré,
séance tenante, que l’intimée a commis les infractions qui lui sont reprochées sous les
chefs no 1 et no 2 du paragraphe 1 de la plainte, mais vu la règle prohibant les
condamnations multiples, le Conseil a ordonner une suspension conditionnelle des
procédures quant au chef no 1, en regard de l’article 3.02.04 du Code de déontologie
des ingénieurs.
[97]
Considérant les plaidoyers de culpabilité de l'intimée, le Conseil a déclaré que
l’intimée a commis les infractions qui lui sont reprochées sous les chefs no 3 et no 4 du
paragraphe 2 de la plainte, mais vu la règle prohibant les condamnations multiples, le
Conseil a ordonner une suspension conditionnelle des procédures quant au chef no 3,
en regard de l’article 3.02.04 du Code de déontologie des ingénieurs.
[98]
Considérant les plaidoyers de culpabilité de l'intimée, le Conseil a déclaré que
l’intimée a commis les infractions qui lui sont reprochées sous les chefs no 5 et no 6 du
paragraphe 3 de la plainte, mais vu la règle prohibant les condamnations multiples, le
Conseil a ordonner une suspension conditionnelle des procédures quant au chef no 5,
en regard de l’article 3.02.04 du Code de déontologie des ingénieurs.
[99]
Considérant les plaidoyers de culpabilité de l'intimée, le Conseil a déclaré
l’intimée coupable des chefs nos 7 et 8 du paragraphe 4 de la plainte disciplinaire.
[100] En résumé, le Conseil a déclaré l’intimée coupable quant aux chefs nos 2, 4, 6, 7
et 8 de la plainte disciplinaire ré-amendée en date du 28 mai 2008.
[101] Les parties ont alors soumis, séance tenante, leurs représentations sur sanction.
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PAGE : 22
Représentations de la procureure de l’intimée sur sanction
[102] La procureure de l’intimée a rappelé que sa cliente poursuivait une carrière de
haute gestion chez Dessau, depuis quelques années.
[103] Elle a expliqué que les négociations, qu’elle avait eues avec la première
procureure du plaignant, avaient été sérieuses et qu’elles s’étaient déroulées selon les
règles établies par la jurisprudence.
[104] La procureure de l’intimée a expliqué que le Conseil devrait considérer les
amendes imposées à sa cliente dans leur globalité.
[105] Elle a d’abord référé à la décision Joly15, dans laquelle le Conseil avait imposé
une amende de 4 000,00$, fondée sur l’article 2.01 du Code de déontologie des
ingénieurs. La procureure a souligné que, dans cette affaire, les faits qui avaient
impliqué l’ingénieur Joly étaient extrêmement graves, puisque ce dernier avait omis
d’émettre les avis nécessaires afin de prévenir les projections de pierres suite à un
dynamitage.
[106] Elle a ensuite référé le Conseil à la décision Lefebvre16, dans laquelle le Conseil
avait imposé à l’ingénieur une amende de 3000,00$ et une réprimande, pour une
infraction fondée sur l’article 2.01 du Code de déontologie des ingénieurs, dans le cadre
d’un projet d’installation d’aqueduc et d’égouts.
15
16
Précitée note 13
Tremblay c. Lefebvre, CDOIQ (22-03-0282), 15 août 2006
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PAGE : 23
[107] La procureure de l’intimée a ensuite référé le Conseil à la décision Altable17.
Dans cette affaire, le Conseil avait condamné l’ingénieur Altable sur cinq (5) chefs de la
plainte et lui avait imposé une amende de 5 000,00$ en regard des chefs portant sur
l’article 2.01 du Code de déontologie des ingénieurs, relativement à la pose de pieux.
[108] Enfin, la procureure de l’intimée a référé à l’affaire Desaulniers18. Encore une
fois, dans cette décision, le Conseil avait condamné l’ingénieur Desaulniers à une
amende de 2 000,00$ à l’égard du chef portant sur l’article 2.01 de la plainte, sans
imposer de réprimande.
[109] Enfin, la procureure de l’intimée a rappelé que, dans le jugement de la Cour du
Québec de l’honorable Richard Landry, le juge s’en prenait davantage à monsieur
Dubord qu’à l’intimée. Elle a d’abord souligné que ni l’intimée, ni Génivar n’avaient fait
l’objet d’un appel en garantie dans ce dossier.
[110] D’autre part, elle a souligné que la mise en demeure, de Me Annie Fortin à
Dubord (pièce SYN-19), ne pouvait constituer une preuve à l’effet que les travaux
n’avaient pas été exécutés conformément aux plans préparés par Génivar.
[111] La procureure a rappelé que le Conseil devait considérer, dans le cadre de la
détermination de la sanction en vertu du chef fondé sur l’article 2.01 du Code de
déontologie des ingénieurs, que sa cliente croyait avoir affaire à un muret de
paysagement et non à un mur de grande hauteur. Elle a rappelé que sa cliente avait
témoigné à l’effet que ce mur ne semblait pas présenter de dangers pour la population.
17
18
Alaurent c. Altable CDOIQ (22-05-0313) 19 mai 2006
Précitée note 12
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Le droit
[112] Le Conseil croit utile de reproduire les articles sur lesquels l’intimée a reconnu sa
culpabilité.
[113] CODE DE DÉONTOLOGIE DES INGÉNIEURS (R.R.Q., c. I-9, r.3)
2.01
Dans tous les aspects de son travail, l’ingénieur doit respecter ses
obligations envers l’homme et tenir compte des conséquences de
l’exécution de ses travaux sur l’environnement et sur la vie, la santé et la
propriété de toute personne.
2.04
L’ingénieur ne doit exprimer son avis sur des questions ayant trait à
l’ingénierie, que si cet avis est basé sur des connaissances suffisantes et
sur d’honnêtes convictions.
3.02.04
L’ingénieur doit s’abstenir d’exprimer des avis ou de donner des conseils
contradictoires ou incomplets et de présenter ou utiliser des plans, devis
et autres documents qu’il sait ambigus ou qui ne sont pas suffisamment
explicites.
3.02.08
L’ingénieur ne doit pas recourir, ni se prêter à des procédés malhonnêtes
ou douteux, ni tolérer de tels procédés dans l’exercice de ses activités
professionnelles.
[114] Le Conseil de discipline de l’Ordre des ingénieurs du Québec tire sa raison d’être
de l’article 23 du Code des professions. L’Honorable Juge Gonthier a bien fait état de
cette situation en ces termes :
« Depuis déjà plusieurs années, le législateur québécois assujettit l’exercice de
certaines professions à des restrictions et à différents mécanismes de contrôle.
Adopté pour la première fois en 1973, le Code des professions, L.R.Q., ch. C-36
(C.P.), régit maintenant les 44 ordres professionnels constitués en vertu de la loi.
Il crée un organisme, l’Office des professions du Québec, qui a pour fonction de
veiller à ce que chacun d’eux accomplisse le mandat qui leur est expressément
confié par le Code et qui constitue leur principale raison d’être, assurer la
protection du public (art. 12 et 23 C.P.). Dans la poursuite de cet objectif
fondamental, le législateur a accordé aux membres de certaines professions le
droit exclusif de poser certains actes. En effet, en vertu de l’art. 26 C.P., le droit
exclusif d’exercer une profession n’est conféré que dans les cas où la nature des
22-08-0360
PAGE : 25
actes posés par ces personnes et la latitude dont elles disposent en raison de la
nature de leur milieu de travail habituel sont telles qu’en vue de la protection du
public, ces actes ne peuvent être posés par des personnes ne possédant pas la
19
formation et la qualification requises pour être membres de cet ordre».
[115] Dans l’affaire Malouin20, le Tribunal des professions a établi certains paramètres
qui doivent être respectés lors de recommandations communes :
«10. La Cour d’appel s’est prononcée très récemment sur l’attitude à adopter
lorsque des procureurs, après de sérieuses et intenses négociations, présentent
de façon conjointe au tribunal leurs recommandations quant aux sanctions à
imposer.
11. Après avoir écrit:
39. I think it is important to emphasize that the joint submission in this
case was the object of lengthy and detailed negotiations over a
considerable period of time by experienced and conscientious counsel
of both sides, (…) and clearly contingent on a plea of guilty by the
appelant.
La Cour d’appel, sous la plume de l’honorable juge Fish, fait un tour d’horizon de
la jurisprudence canadienne sur le sujet et conclut :
«44. Appellate courts, increasingly in recent years, have stated time
and again that trial judges should not reject jointly proposed sentences
unless they are «unreasonable», «contrary to the public interest»,
«unfit», or «would bring the administration of justice into disrepute».
(…)
52. In my view, a reasonable joint submission cannot be said to «bring
the administration of justice into disrepute». An unreasonable joint
submission, on the other hand, is surely «contrary to the public interest».
53. Moreover, I agree with the Martin Report cited earlier, that the
reasonableness of a sentence must necessarily be evaluated in the light
of the evidence, submissions and reports placed on the record before
21
the sentencing judge (…).»
12.
En l’instance, le Tribunal n’a aucune raison de croire que la
recommandation commune des parties soit déraisonnable, qu’elle porte atteinte
à l’intérêt public ou qu’elle jette un discrédit sur l’administration de la justice.»
19
20
21
Barreau c. Fortin et Chrétien, 2001, 2 R.C.S. 500, paragraphe 11
Malouin c. Laliberté, Tribunal des professions, 760-07-000001-010, 2002 QCTP 015
Douglas c. La Reine, C.A.M. 500-10-002149-019, 18 janvier 2002
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PAGE : 26
[116] Le Conseil partage l’opinion émise par le juge Chamberland de la Cour d’appel,
qui s’exprimait ainsi en regard des critères devant guider le Conseil lors de l’imposition
d’une sanction :
« La sanction imposée par le Comité de discipline doit coller aux faits du dossier.
Chaque cas est un cas d’espèce.
La sanction disciplinaire doit permettre d’atteindre les objectifs suivants : au
premier chef la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de
récidiver, l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui
pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit par le
professionnel visé d’exercer sa profession (Latulippe c. Léveillé, Ordre
professionnel des médecins) [1998] D.D.O.P., 311 ; Dr J.C. Paquette c. Comité
de discipline de la Corporation professionnelle des médecins du Québec et al,
[1995] R.D.J. 301 (C.A.) ; et R. c. Burns, [1944] 1 R.C.S. 656).
Le Comité de discipline impose la sanction après avoir pris en compte tous les
facteurs, objectifs et subjectifs, propres au dossier. Parmi les facteurs objectifs,
il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si
l’infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l’exercice de la
profession, si le geste posé constitue un acte isolé ou un geste répétitif, …
Parmi les facteurs subjectifs, il faut tenir compte de l’expérience, du passé
disciplinaire et de l’âge du professionnel, de même que sa volonté de corriger
son comportement. La délicate tâche du Comité de discipline consiste donc à
décider d’une sanction qui tienne compte à la fois des principes applicables en
matière de droit disciplinaire et de toutes les circonstances, aggravantes et
22
atténuantes, de l’affaire.»
[117] Le Conseil souligne qu’il n’est pas lié par les recommandations des parties, s’il
en vient à la conclusion que celles-ci sont déraisonnables et contraires à l’intérêt public.
D’ailleurs, le Tribunal des professions s’exprimait ainsi dans l’affaire Normand :
« Quant à l’argument de l’appelant concernant le fait que le comité a erronément et
sans justification légale omis de retenir les recommandations des parties, rappelons
comme l’allègue l’intimé que le comité n’est aucunement lié par de telles
recommandations. Si le comité y donnait suite en dépit de la gravité des infractions,
lesquelles justifieraient par ailleurs des sanctions plus sévères que celles
suggérées, le Tribunal devrait alors conclure que dans de telles circonstances, le
23
comité n’a pas exercé judiciairement son pouvoir discrétionnaire.»
22
23
Pigeon c. Daigneault, C.A.,15 avril 2003
Normand c. Ordre professionnel des médecins, 1996 D.D.O.P. 234
22-08-0360
PAGE : 27
DÉCISION
[118] L’intimée a plaidé coupable à des actes dérogatoires qui sont graves et qui
touchent l’essence même de la profession. Les gestes qui lui sont reprochés sont, en
effet, sérieux.
[119] Le Conseil a pris en considération que l’intimée a avoué sa culpabilité à la
première occasion.
[120] Le Conseil souligne toutefois que c’est bien tardivement que celle-ci semble
avoir compris la gravité des gestes qui lui étaient reprochés.
[121] De l’avis du Conseil, l’attitude manifestée par l’intimée lors de l’audition fait en
sorte que les membres doutent également de son repentir.
[122] Cependant, le Conseil doit prendre en considération les représentations et les
suggestions communes sur la sanction lorsque celles-ci sont justes et raisonnables.
[123] Le Conseil rappelle que son rôle n’est pas de punir la professionnelle, mais de
s’assurer que les sanctions ont un effet dissuasif, dans un objectif de protection du
public.
[124] L’ensemble des amendes imposées à l’intimée totalisent la somme de
6 000,00$.
[125] Le Conseil, après avoir analysé les faits du présent dossier et pris en
considération les remarques pertinentes du procureur du plaignant et de la procureure
de l’intimée, est d’opinion que les recommandations qui lui sont soumises sont justes et
équitables dans les circonstances.
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PAGE : 28
[126] Elles ont le mérite d’avoir un effet dissuasif auprès de l’intimée, tout en
rencontrant les objectifs d’exemplarité pour la profession et pour la protection du public.
[127] Le Conseil a aussi analysé la jurisprudence concernant les sanctions rendues
antérieurement dans des dossiers ayant des éléments analogues. Or, ces suggestions
communes sont justes et appropriées dans les circonstances, tout en étant conformes
aux autorités citées par les procureurs des parties.
PAR CES MOTIFS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE DE L’ORDRE DES INGÉNIEURS :
[128] DÉCLARE que l’intimée a commis les infractions qui lui sont reprochées sous le
chef no 1 contenu au paragraphe 1 de la plainte ré-amendée du 28 mai 2008, mais vu la
règle prohibant les condamnations multiples, ORDONNE une suspension conditionnelle
des procédures en regard de l’article 3.02.04 du Code de déontologie des ingénieurs.
[129] DÉCLARE l’intimée coupable du chef d’accusation no 2 contenu au paragraphe
1 de la plainte ré-amendée du 28 mai 2008.
[130] DÉCLARE que l’intimée a commis l’infraction qui lui est reprochée sous le chef
d’accusation no 3 contenu au paragraphe 2 de la plainte ré-amendée du 28 mai 2008,
mais vu la règle prohibant les condamnations multiples, ORDONNE une suspension
conditionnelle des procédures en regard de l’article 3.02.04 du Code de déontologie
des ingénieurs.
[131] DÉCLARE l’intimée coupable du chef d’accusation no 4 contenu au paragraphe
2 de la plainte ré-amendée du 28 mai 2008.
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PAGE : 29
[132] DÉCLARE que l’intimée a commis l’infraction qui lui est reprochée sous le chef
d’accusation no 5 contenu au paragraphe 3 de la plainte ré-amendée du 28 mai 2008,
mais vu la règle prohibant les condamnations multiples, ORDONNE une suspension
conditionnelle des procédures en regard de l’article 3.02.04 du Code de déontologie
des ingénieurs.
[133] DÉCLARE l’intimée coupable du chef d’accusation no 6 contenu au paragraphe
3 de la plainte ré-amendée du 28 mai 2008.
[134] DÉCLARE l’intimée coupable du chef d’accusation no 7 contenu au paragraphe
4 de la plainte ré-amendée du 28 mai 2008.
[135] DÉCLARE l’intimée coupable du chef d’accusation no 8 contenu au paragraphe
4 de la plainte ré-amendée du 28 mai 2008.
[136] IMPOSE à l’intimée une amende de 1 000,00$ sur le chef no 2.
[137] IMPOSE à l’intimée une amende de 1 000,00$ sur le chef no 4.
[138] IMPOSE à l’intimée une amende de 1 000,00$ sur le chef no 6.
[139] IMPOSE à l’intimée une amende de 1 000,00$ sur le chef no 7.
[140] IMPOSE à l’intimée une amende de 2 000,00$ sur le chef no 8.
[141] CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés.
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PAGE : 30
__________________________________
Me Jean-Guy Légaré, Président
Me Suzanne Lamarre, ing., Membre
Mme Françoise Poliquin, ing., Membre
Me Charles Dupuis
Procureur de la partie plaignante
Me Anne-Marie Williams
Procureure de la partie intimée
Date d’audience :
3 février 2009