Graffiti, du vandalisme à l`Art.
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Graffiti, du vandalisme à l`Art.
Graffiti, du vandalisme à l’Art. LANZA Alexandre Remerciements à Rosalie Begalla Sonia Schleintzauer Céline Dubois Christine Chardans Adeline Odaka Eva Rolim 1_ Introduction p. 1 1.a_ Ses origines et son identité. p. 2 1.b_ Sa manière de faire. p. 8 1.c_ Sa manière d’être. p. 10 1.d_ Méthodologie. Twyman & Ashwin. Modèles analytiques. p. 14 2_ Trois grands noms. 2.a_ Lek Picturales pures. 2.b_ Jonone Picturales - verbales 2.c_ Skki© Verbales pures. p. 16 3_ Conclusion. p. 54 4_ Annexes. p. 64 p. 28 p. 42 1_ introduction 1 (fig.1) J.M Basquiat dans son atelier à New York - DOWNTOWN 81 (1981) - (http://tinyurl.com/bt9qug4). Accès le 12/06/12. Le graffiti est sans aucun doute, en premier lieu, un acte passionnel et animé. Les motivations et inspirations qui le suscitent sont tout autant variées et bigarrées que les artistes qui adhérent au mouvement (fig.1). Il fait maintenant partie des diverses formes d’art1 et ce, à part entière. L’idée principale des graffiti est la communication, par la voix de l’illustration (fig.2) ou de l’écriture (fig.3), il transmet un message, un énoncé, un mécontentement ou quelque chose qui rend heureux. (fig.2) ‘Bobbies’ - Bansky à Londres. (2009) (http://tinyurl.com/d8mq789). Accès le 12/06/12. Souvent réalisé dans un contexte de tension politique ou suite à des faits de société ayant un grand impact sur la masse, ils se sont développés durant les révolutions, les guerres et plus tard dans un esprit esthétique. Longtemps considéré comme étant un acte de vandalisme, certains adeptes se sont débrouillés pour en faire cependant un art respectable. En se référant à trois personnages marquant du monde du graffiti, ayant chacun su imposer son style propre à son époque, nous allons pouvoir développer une analyse visuelle de leurs travaux avec l’utilisation du modèle analytique proposé par Ashwin (1979) et des classifications du langage visuel proposé par Twyman (1979). (cf. partie1.d—Méthodologie). Nous classerons donc ces trois artistes selon les critères de Twyman (cf. partie1.d—Méthodologie) : Jonone pour ses visuels picturaux verbaux, Lek pour ses œuvres picturales et enfin Skki© pour ses visuels verbaux. Grâce aux informations apportées dans la partie 1 et les analyses des visuels de la partie 2, nous pourrons ainsi nous faire une idée plus précise de la limite entre vandalisme et œuvre d’art. Ou comment le graffiti s’est hissé au rang d’œuvre, en étudiant précisément les moyens, les supports, les couleurs, les lieux et les matériaux utilisés. (fig.3) ‘No future’ - Bansky sur la côte sud du Royaume-Uni. (2009) (http://tinyurl.com/d4oev7w). Accès le 12/06/12. Du latin ars, artis. Création d’objets ou de mises en scène spécifiques destinées à produire chez l’homme un état particulier de sensibilité, plus ou moins lié au plaisir esthétique - Larousse, année 2000. p.87. 1. 1.a_ ses origines & son identité 2 Le graffiti, pourtant qualifié d’œuvre éphémère, a su résister au temps. L’usage du terme relativement récent se répand au moment des découvertes archéologiques des inscriptions sur les murs de Pompéi. Aujourd’hui, l’espace public semble être le principal média pour l’inscription des graffiti. D’autres supports sont également importants, tel que les trains en Russie (propagande) ou les métros à NewYork (fig.4). En parallèle, ils ont su se faire une place sur les cimaises des galeries d’art (fig.5). Cherchant la manière la plus directe de communiquer au plus grand nombre (fig.6), les graffiti ont pour projet commun de modifier l’environnement visuel quotidien des passants. Parmi les buts recherchés par les graffiteurs figure celui de marquer les territoires. Par exemple, les gangs3 aux États-Unis ou les murals2 en Irlande du nord qui consolident les frontières entre les communautés ou, au contraire, les graffiti du mur de Berlin et les murs peints d’Afrique du sud au moment de l’Apartheid qui les effacent. (fig.4) Métro new yorkais - années 90. (http://tinyurl.com/cdx7ru4). Accès le 23/06/12. (fig.5) Exposition Jonone dans le Marais à Paris. (http://tinyurl.com/bpf9ftl). Accès le 23/06/12. Contrairement aux gangs, une poignée d’adolescents à Philadelphie dès 1967 ne marquent aucun territoire. Ils s’affranchissent des codes claniques et développent une forme de graffiti particulière. Ils ont pour ambition d’être partout, dans tous les quartiers. Autre différence fondamentale avec les graffiti de gangs, ils ne revendiquent pas le nom d’un groupe mais le leur propre, sous forme de diminutif ou de pseudonyme. Ils se sont développés durant les révolutions. Cette nouvelle génération est celle des writers4, affirmant leur individualité aux yeux de tous. Ils se désignent sous le nom de crew5 au lieu de gang. murals: murs peints généralement au pinceau qui contribuent à l’identité du quartier où ils se trouvent. gang: groupe de personnes semi-structuré qui organisent des actions contre d’autres gangs. 4. writers: personne réalisant des graffiti. 5. crew: groupe de personnes réunies par une idée commune. 2. 3. 1.a_ ses origines & son identité 3 (fig.6) Zevs - place de l’Alma à Paris (http://tinyurl.com/c87qa4q). Accès le 23/06/12. Dans les années 60, certains artistes s’affranchissent de l’espace du musée pour travailler dans et avec la rue. Parmi eux, A. Arias-Misson et E. Pignon-Ernest se sont préoccupés de la question du lieu de l’art et prolongent leur démarche entre la rue et la galerie d’art. En 1969, les intérieurs des bus et des métros de Philadelphie ainsi que les transports et les murs new-yorkais sont saturés de signatures. Nous ne parlons pas encore de tags6 mais de hits6. La moyenne d’âge de leurs auteurs se situe autour de 16 ans. Le writing7 touche toutes les couches socio-professionnelles et toutes les communautés. À cette époque, le travail des lettres visait la lisibilité. À New-York, une pratique locale se développe: une majorité des writers appose leurs numéros de rue à leurs pseudonymes. Eva 62 (fig.7), Babyface 86 ou encore Taki 183 (fig.8) (de son vrai prénom Demetrius et père du writing new yorkais). Malgré les premières lois anti-graffiti de 1972, le phénomène s’accentue. La simplicité des signatures des débuts fait place à un travail plus élaboré, donnant naissance à des styles identifiables. Les hits, jusque là limités aux stations de métro et à l’intérieur des wagons, deviennent plus visibles en apparaissant sur les flancs des trains. L’utilisation du fat cap8, un embout de bombe qui permet de tracer des traits plus larges que les embouts traditionnels, augmente la capacité à recouvrir les surfaces. Les lettres des signatures prennent de l’épaisseur et sont contournées: c’est le passage de hits aux pièces (lettrages épais et contournés). En français, les équivalents de ces termes seront respectivement les tags et les graffs. Signe de l’ampleur que prend le writing au début des années 70, plusieurs groupes se montèrent pour exposer sur toile cet art émergent. Hugo Martinez, en 1972, rencontre plusieurs writers qui ont pour habitude de se regrouper sur la 188ème rue. Ensemble, ils créent les UGA (United Graffiti Artists) dont le but est d’élever les writers au rang d’artistes. Des noms importants ont fait partie de ce groupe, comme Phase 2 et Stay High 149. Les writers préparaient leurs expositions dans un atelier. En 1973, la Razor Gallery, dans le quartier de Soho accueille le groupe, les toiles sont vendues entre 200 et 3000 dollars. C’est le début de la commercialisation du writing. En contrepartie, en 1973, la ville de New-York lance une campagne de nettoyage; cette date marque le début d’une maturité dans les styles et dans les pratiques. tags (hits): graffiti figurant une signature ou un signe de reconnaissance. writing: art d’écrire son nom qui est apparu à la fin des années 60 à Philadelphie. 8. fat cap: Un embout qui, une fois fixé à la bombe de peinture, permet de réaliser des trait épais. 6. 7. (fig.7) Eva 62 et d’autres dans un metro à NY (http://tinyurl.com/buolyoe). Accès le 24/06/12 (fig.8) Taki 183 en action dans une rue de NYC (http://tinyurl.com/d35m6jp). Accès le 24/06/12. 1.a_ ses origines & son identité 4 En 1974, Og, Bot et Fred peignent entièrement, pour la première fois, un wagon. C’est le premier whole car (wagon entier). En 1976, Caine 1 et Flame 1 réaliseront le premier whole train (fig.9) (train entier). C’est surtout leur travail sur toile qui a fait passer les writers à la postérité. La reconnaissance sociale est venue d’expositions collectives comme GAS (Graffiti Art Success for America) en 1980. En 1981, la plupart des graffiti artists de cette exposition participent à un autre évènement de taille. Il s’agit de New York New Wave organisée par Diego Cortez dans le Queens. Les œuvres d’Andy Wharol et du musicien Brian Eno cotoient des dessins d’enfants. La critique encense deux jeunes inconnus: Keith Haring et Jean-Michel Basquiat. Apparu aux débuts des années 1980 aux USA, le street art9, (fig.9) Un des wagon du premier whole train. 1976 (http://www.graffitianewyork.net). Accès le 24/07/12. contrairement au writing, tourné uniquement vers le travail du pseudonyme, englobe de nombreuses techniques (pochoir (fig.10), collage (fig.11), bombe aérosol, acrylique, mosaïque). De nombreux artistes du street art exposent autant leur travail aux passants de la rue qu’au public des galeries. Ils contribuent à différencier graffiti et vandalisme. Les galeries hollandaises jouent un rôle important dans l’accueil des artistes du métro de New York. Ce sont surtout les échanges entre writers européens et américains qui ont permis une approbation de cette pratique. Le marché de l’art n’hésite plus à faire grimper la cote des artistes qui travaillent dans la rue. En 1982, le maire de New-York, Edward Koch, lance une importante campagne de lutte contre le graffiti. Dans les métros et les bus, des bandeaux publicitaires (fig.12) scandent «make your mark in society not on society» (Traduction libre de l’auteur: «fais ta marque dans la société et non sur la société»). Et pour faire décrocher les jeunes accros au writing plusieurs célébrités du moment se prêtent au jeu en posant sur les affiches. La campagne va jusqu’à être déclinée en spots télévisés. (fig.10) Bansky place saint Michel à Paris. Bombe aérosol et pochoir. (http://tinyurl.com/d4j24mt). Accès le 24/07/12. 9. street art: Pratique artistique utilisant la rue comme support. (fig.11) Bansky à Paris en 1999. Bombe aérosol, pochoir et collage. (http://tinyurl.com/c6f9wkv). Accès le 24/07/12. 1.a_ ses origines & son identité 5 Le maire met en place un dispositif de sécurité sans précédent autour des garages des rames de métro. La communication entre les writers ne peut plus se faire grâce au métro. L’âge d’or du writing est bel et bien terminé. [fig.12] Edward Koch à New-York avec une des affiches de la campagne anti-graffiti. (http://tinyurl.com/crvjbn2). Accès le 26/07/12. En 1985, à Paris, certains pionners du writing comme Skki© commencent par cette technique. Olivier Megaton ou Epsylon Point enrichissent le procédé avec des fonds colorés et un travail graphique. En 1984, le mouvement writing franchit l’Atlantique par le biais de Subway Art, bible du graffiti. Le pionner français Bando tisse des liens étroits avec l’américain Scan et le photographe Henry Chalfant, l’auteur de Subway Art (fig.13) en personne. À Paris, certains pionners du writing comme Skki© commencent par cette technique. Le passage du mur à la toile, inauguré par les writers américains au début des années 80, touche les Européens après à peine une décennie de peintures dans la rue. Les galeries comme Agnès.b ne sont plus les seules à vanter l’esthétique du graffiti français. Les institutions les plus prestigieuses s’intéressent aux artistes locaux. De là, le palais de Chaillot organise une exposition nommée Graffiti art, artistes américains et français. Au même moment, l’esplanade du Centre Georges Pompidou invite de nombreux graffeurs à peindre sur des toiles et des planches le temps d’une exposition intitulée À ciel ouvert. Une juste reconnaissance du mouvement. 1.a_ ses origines & son identité 6 (fig.13) Magazine Subway Art. Numéro de 1984. (http://tinyurl.com/c75rd8l). Accès le 26/07/12. Malgré la demande du public de découvrir l’univers du graffiti, les writers sont la cible d’une répression accrue. En 1989, la justice française prononçait des peines de prison ferme et des amendes onéreuses. Les années 1980 sont une décennie de mouvement. Paris est en chantier avec des palissades et des terrains vagues. Les artistes de rue sortent, leurs bombes de peinture à la main. Les pochoiristes et les artistes urbains réalisent des milliers de peintures dans les rues et le graffiti émerge peu à peu avec l’apparition du hip-hop10 et de la culture new-yorkaise. (fig.14) Space Invader à Paris, rue de la grande truanderie.1999. (http://tinyurl.com/bsrygkm). Accès le 26/07/12. (fig.15) Faust et Sure à Paris. 2000. (http://tinyurl.com/cclhmqf). Accès le 26/07/12. Les années 1990 marquent l’explosion du street art mais cela ne va pas sans répression et récession. Les artistes urbains (Jérôme Mesnager, Nemo, Miss Tic et les Mosko) utilisent l’acrylique et le pochoir. Le ministre de la culture organise une exposition collective, nommée Graffiti Art, montrant pour la première fois en France dans un cadre officiel et institutionnel la scène graffiti française et internationale. En 1998, le maire de Paris lance une campagne de nettoyage des murs de la ville. La chasse aux graffiti est organisée et efficace. Paris est immaculée. Les artistes urbains utilisent alors la mosaïque (fig.14), le collage d’affiches et les stickers11 (fig.15). Les années 2000 sont celles de la reconnaissance des institutions envers le monde de l’art urbain. Les expositions, festivals et invitations se multiplient. Un nouveau siècle commence qui apporte son lot de changements, tant au niveau national qu’international. C’est une période réactive socialement avec des mouvements anti-pub dans la rue et dans le métro parisien. 1.a_ ses origines & son identité 7 Ce mouvement se nourrit des leçons du passé et inscrit sa réflexion dans le présent. Ces artistes dépassent la notion d’illégalité afin que la dimension citoyenne soit la plus importante et dialogue avec l’art contemporain. La liberté de faire de l’art dans la rue et de partager son expérience avec le passant spectateur est un droit qu’ils s’octroient et que le plus grand nombre semble aujourd’hui respecter. En 2009, le succès des expositions T.A.G [fig.16] au Grand Palais et Né dans la rue à la Fondation Cartier le démontre. [fig.16] Exposition T.A.G au Grand Palais à Paris. 2009. (http://tinyurl.com/cpqdyrl). Accès le 02/08/12. Les années 2010 consacrent l’art contemporain urbain qui gagne une très large audience sur des terrains insoupçonnés. Les œuvres d’artistes issus de la rue apparaissent en vente aux enchères dès les années 1980 mais c’est à partir du milieu des années 2000 que leur place sur le marché de l’art a un réelle signification. Les maisons de vente aux enchères (Millon, Artcurial, Piasa, Leclère) augmentent la présence des graffiti et du street art dans leurs ventes quand elles ne sont pas entièrement dédiées à cette discipline. Le commerce a su s’adapter En France, indépendamment des qualités esthétiques de l’inscription, tout writer peignant sur un support sans autorisation encourt une sanction pénale. Le commerce a su s’adapter au nombre croissant de graffeurs avec des magasins spécialisés. 10. 11. hip-hop: mouvement culturel et artistique apparu aux États-Unis à New York, dans le South Bronx au début des années 1970. stickers: Autocollants. 1.b_ sa manière de faire 8 Les hommes des cavernes avaient mis au point des systèmes pour vaporiser la peinture autour d’une main en contact avec la paroi. Ils utilisaient d’autres techniques suivant le support: la gravure, parfois combinée avec de la peinture. La peinture était principalement à base d’ocres, roches constituées d’argile et de sable. Les pigments obtenus en broyant ces ocres étaient délayés dans de l’eau, de la graisse ou de la salive. La craie et le kaolin produisaient le blanc. Le noir de charbon est le plus ancien pigment artificiel produit par l’homme. Le rouge des fonds de fresques de Pompéi était obtenu à partir de cinabre12. Les pigments et liants étaient ainsi les deux composantes essentielles de la peinture. Les peintres de la Renaissance réduisirent les premiers des bandelettes de momies en pigments jaunes. Le XIXème siècle, grâce au développement de la chimie, a connu l’explosion des pigments artificiels. En 1926, le norvégien Erik Rotheim inventa la bombe aérosol [fig.16], en propulsant un liquide contenu dans une bonbonne. Le système sera perfectionné pendant la seconde guerre mondiale pour les besoins de l’armée américaine. Ces bombes ont d’abord eu une utilisation militaire (insecticide). Ce n’est qu’en 1950 qu’Edward Seymour fabriqua la première bombe de peinture. Elle contenait des pigments mélangés à un gaz propulseur liquéfié et sous pression à base de solvants dérivés du méthane et de l’éthane. Les pigments sont mélangés de manière homogène par un agitateur enfermé dans la bonbonne. Dans la seconde partie du XXème siècle, l’ère de l’automobile a perfectionné les pigments afin d’obtenir des peintures plus résistantes à la lumière et aux intempéries. (fig.16) Prémier spray aérosol. 1926 (wikipedia.com). Accès le 03/08/12. [fig.17] Marqueurs de la marque Krink. (wikipedia.com). Accès le 03/08/12. Le marqueur [fig.17] (feutre ou gouache) est l’outil inséparable des tagueurs, ils recherchent l’encre ou les mélanges les plus difficiles à effacer. Le rouleau [fig.18], plus économique, est apprécié pour les grandes surfaces, les pulvérisateurs de jardinage [fig.19] sont appréciés car ils sont très silencieux, l’extincteur [fig.20] permet de taguer des grandes surfaces très rapidement. La peinture dans une bouteille en plastique percée permet les dessins sur les trottoirs. L’acide fluorhydrique [fig.21] attaque et raye profondément les vitres et le verre en général. Les principaux outils des graffeurs sont souvent des objets dérivés de leur utilisation première. Du rouleau au pulvérisateur en passant par l’acide fluorhydrique, l’éventail large permet de jouer sur les tailles et les supports et d’obtenir ainsi des rendus aux styles différents. 12. cinabre: espèce minérale composée de sulfure de mercure. 1.b_ sa manière de faire 9 [fig.20] Boutique Agnès.b. Paris, place Vendôme. 2011. (www.kidultone.com). Accès le 12/08/12. (fig.18) Rouleau de peinture. (www.wikipedia.com). Accès le 03/08/12. [fig.21] Bouteille d’acide fluorhydrique. (www.wikipedia.com). Accès le 03/08/12. [fig.19] Pulvérisateur de jardinage. (www.wikipedia.com). Accès le 03/08/12. 10 1.c_ sa manière d’être Le graffiti possède de nombreuses caractéristiques permettant de reconnaître une pratique artistique. C’est notamment une pratique expressive, relativement coordonnée à l’intérieur d’un groupe. Sa particularité, qui fait sa force et sa rareté, est de ne pas toujours créer en référence à un public, une réception, une audience. En revanche, si cet art n’est pas reçu dans le système officiel de l’art contemporain, c’est qu’il est éminemment stéréotypé. Il recoupe en ce sens certaines formes primitives d’art; comme elles, il joue avec les règles sans trop s’en écarter et approfondit tout les moyens du média. Le graffiti est effectivement très répétitif, il est limité par son support, ses surfaces et par le geste même. Cette forme d’art n’est pas recevable dans le cadre intellectuel d’un art fondé sur la rupture, le déplacement et l’originalité à tout prix. Cette difficile intégration du graffiti dans le système de l’art n’a rien d’étonnant puisqu’il développe des valeurs totalement différentes. Néanmoins, lorsqu’il se rapproche de ce milieu, c’est soit sur la manière d’un devenir savant de l’art populaire comme ce fut le cas avec Basquiat [fig.22], soit en incorporant une dimension de stéréotype publicitaire tel que l’œuvre de Keith Haring (fig.23). [fig.22] J.M Basquiat dans son atelier de NY. (http://tinyurl.com/d9dbaen). Accès le 19/09/12. Le graffiti témoigne d’une culture propre, puisant ses racines dans le hip-hop américain. Culture populaire n’ayant de cesse de réaffirmer son autonomie, le hip-hop a su réinvestir la rue par de nouveaux modes d’expression. Parmi eux, le graffiti affiche ses mots, sorte de nouvelle langue urbaine, tout en les dotant d’une dimension picturale singulière et surprenante. Cette culture de l’image, désormais dominante dans les villes, est la source essentielle du travail des graffeurs. Leurs qualités techniques et artistiques témoignent de leur créativité. Pourtant, au vu de l’enquête menée précédemment, rien n’est plus difficile pour ces individus que de faire reconnaître leurs compétences comme un art à part entière. Mais puisque l’art n’attire pas les foules, l’art descend dans la rue et s’autodésigne comme art. C’est la mission que semblent s’assigner les graffeurs à travers leur discours. Ils intègrent et assument ainsi publiquement le caractère délinquant de leur pratique. Cette éthique du comportement urbain et artistique, si elle garantit au graffiti son autonomie, ne peut cependant subsister en l’absence d’une forme de légitimité, qu’elle provienne du public, des pouvoirs publics ou de la sphère artistique elle même. 1.c_ sa manière d’être 11 [fig.23] Visuel publicitaire Lucky Strike. Keith Haring. 1987. (www.paris-art.com). Accès le 19/09/12. C’est donc l’enjeu actuel des graffeurs que de faire accepter le graffiti comme œuvre, au prix d’une modification des comportements et de la pratique. Devant l’engouement suscité par un tel mode d’expression, les graffeurs deviennent de plus en plus nombreux. Les rivalités sont fréquentes car les groupes qui se forment sont bien souvent en compétition. Ils peinent ainsi à se structurer d’une seule voix à des interlocuteurs souvent peu compréhensifs ou hésitants. Un enjeu se dessine autour de la définition même du graffiti et des formes de sa pratique. Sans nier des origines communes et indissociables, des écarts de comportement, de pratique et de stratégie se creusent entre les graffeurs en quête de légitimité et les arracheurs13. Entre autonomie et légitimité, le chemin semble étroit pour ces graffiti artists14. 13. 14. arracheur: synonyme de graffeur. graffiti artist: artiste appartenant au mouvement du graffiti. 12 1.d_ sa manière d’être Le graffiti a su se faire connaître en bien ou en mal, le principal reste qu’il a su faire entendre sa voix. Après avoir étudié l’origine et la culture du graffiti, nous avons pu nous rendre compte que pour certaines personnes, le tag est un acte de vandalisme dont le but est la destruction. Les graffeurs peignent alors illégalement des stations de métro ou des murs de bâtiments publics. Mais, pour d’autres, le graffiti est un art de vivre, un loisir qu’ils pratiquent dans des terrains légaux; cette frontière entre ces deux faces est infime, voire parfois inexistante. Un graffeur ayant fait une superbe fresque colorée, dessinée, la journée, peut aller dans la rue et inscrire sa signature rapidement, illégalement afin d’être reconnu. Cela fait partie d’un même ensemble, du même monde. Il y a également une partie commerciale à tout cela. Comme le souligne l’interview donnée par Skki© à Canalstreet, beaucoup de graffeurs de l’ancienne école ne veulent pas adhérer à cet état d’esprit «américain». Ils promouvoient la culture mère du graffiti, la culture qui vient de la rue. La commercialisation du graffiti et sa mise en avant par de grandes institutions donnent une fausse image de cette culture. Malgré cela, la plupart des gens qui ne connaissent rien à ce monde sont dans l’erreur et mélangent styles, époques, cultures. Une fausse image qui est malheureusement véhiculée de plus en plus de nos jours. Par exemple à travers l’utilisation des graffiti dans la publicité mais aussi dans la mode. Ils promouvoient la culture mère du graffiti, la culture qui vient de la rue. L’évolution de cette culture et l’expansion qu’elle a connue dans les années 80 en France a fait du graffiti ce qu’il est aujourd’hui. Les jeunes graffeurs des années 90 se sont mis à recouvrir des trains et des métros entiers. La RATP (régie autonome des transports parisiens) a immédiatement réagi en mettant en place des caméras ainsi que l’utilisation de peintures spéciales pour protéger les wagons. Les graffeurs en sont ainsi venus à utiliser le tournevis pour graver les carrosseries et réussir à laisser leur marque, leur nom. Tout cela explique pourquoi, aujourd’hui, des expositions entières sont consacrées aux graffiti, geste issu de la rue, du peuple lui même; il possède un impact très important et marquant sur la population, selon les lieux, les supports, les couleurs utilisés. Il contribue ainsi à faire avancer la société, à la faire vivre et évoluer. • 14 1.d_ méthodologie Dans ce travail, afin de mieux comprendre et analyser les productions des graffiteurs, nous allons tout d’abord utiliser les trois classifications de Twyman pour le langage visuel puis nous allons appliquer le modèle de compréhension de l’image d’Ashwin. Twyman (1979) classe les éléments visuels qui nous entourent selon trois grandes familles. Sa méthode se base sur ce que les gens voient et comment ils percoivent les choses. Twyman utilise une méthode de classification simple des éléments visuels qui nous entourent en trois grandes catégories. D’une part, les éléments visuels picturaux purs qui mettent en scène uniquement des images, formes, photos et autres illustrations brutes. D’autre part, les éléments verbaux purs composés quant à eux uniquement de lettres puis les picturaux verbaux qui sont un mélange des deux éléments précédents. Notre choix s’est porté sur trois graffeurs dont le travail reconnu illustre au plus près les trois catégories de classification de Twyman (cf. partie2—Trois grands noms). Ashwin (1979), quant à lui, a une méthode analytique précise qui nous permet de comprendre les images et de savoir comment leur impact agit sur le regardeur. Ashwin discute le concept du style et propose sept variantes qui servent à caractériser les différents types d’images. Le style est normalement associé à une période déterminée, une caractéristique nationale, un auteur ou des aspects historiques. Pour Ashwin, la plupart des ces visuels contemporains sont monosémiques15 appartenant au niveau sémantique élémentaire. Cependant, d’autres interprétations sont possibles. Ashwin a dédié son travail aux propriétés sémantiques qui peuvent être vérifiées avec un certain degré d’objectivité. Les sept ingrédients du langage pictorique sont la consistance qui peut-être homogène ou hétérogène (fig.a), la gamme qui est restrictive ou expansive (fig.b), le cadrage, disjonctif ou conjonctif (fig.c), la position symétrique ou asymétrique, la proximité, soit proche soit distante (fig.d)), la cinétique statique ou dynamique (fig.e), le naturalisme, naturaliste ou non. Dans la consistance il y a le côté homogène qui utilise le support comme matériel, mais il peut être aussi hétérogène quand il arrive à reproduire les effets d’autres matériaux. Dans le passé, la syntaxe était limitée par les moyens de reproduction. Avec l’avancée technique, la syntaxe est plus hétérogène aujourd’hui. La gamme est déterminée par la complexité des contenus. Elle est affectée par la dimension choisie des effets. L’amplitude des effets est imposée par le média choisi. Le cadrage est la disposition et la présentation de l’image, l’union de l’image et de l’environnement. Il s’agit là de comprendre la disposition des images et de leur support. 1.d_ méthodologie 15 Les icônes bizantines sont disjonctives, il n’y a pas d’effet de fond car il s’agit d’un fond uni doré. Les représentations de la Renaissance sont conjonctives parce qu’elles possèdent des éléments de fond pour conceptualiser l’image centrale. L’attention est alors décentralisée. La position16 symétrique implique un certain ordre, alors que l’asymétrie a une organisation aléatoire. Elle est également indépendante du cadrage. Plusieurs images disjonctives sont symétriques et plusieurs images conjonctives sont asymétriques, cependant, nous pouvons trouver des images conjonctives symétriques. Exemples des sept variantes qui, selon Ashwin, caractérisent les différents types d’images : Hétérogène. Expansif. Conjonctif. (fig.a) Illustration. Sue Coe. (fig.b) Le livre international du Bois. Sydney Woods. (fig.c) Illustration pour New York Magazine. Juliean Allen. Asymétrique. Dynamique. Non-naturaliste. (fig.d) Illustration pour Sunday Times Magazine. Robert Mason (fig.e) Illustration pour le magazine OUI. Erhard Gottlicher (fig.f) Illustration pour le poster du Athletics Stadium. Richard Hess Proche. (fig.g) Couverture Le cou hypothèque. Jean Marie Assena 15. 16. Monosémique : se dit d’un morphème ou d’un mot qui n’a qu’un seul sens. Position : organisation des composants clés dans un ordre déterminé. 16 2.a_ LEK (fig.F) Portrait de LEK alias Fred Malek. Paris. 1996. (source : www.lormont.fr). Accès le 01/10/12. Lek (visuel pictural) Né à Paris, Lek commence à peindre en 1988 le long des voies ferrées de la gare de l’Est. Malgré sa grande admiration pour certains artistes new-yorkais comme Rammellzee, il cherche dès ses débuts à s’émanciper du modèle américain et à expérimenter de nouvelles formes picturales. Attiré d’abord par le travail de la lettre, il n’hésite pas à déconstruire les formes classiques du graffiti pour arriver à un résultat abstrait et géométrique. Après des études en architecture, Lek affirme encore plus son identité associant rigueur et énergie débordante. Il puise entre autres son inspiration dans le mouvement De Stijl17 avec une profonde réflexion sur l’abstraction. Amoureux des endroits désaffectés, des friches industrielles et des terrains vagues, répondant à son besoin de liberté insatiable, il peut y passer des semaines entières loin de tous à se concentrer sur un projet. Il ne souhaite qu’une chose: « Continuer à jouer sur l’éphémère et redonner vie à un endroit.» « Continuer à jouer sur l’éphémère et redonner vie à un endroit. » 17. De Stijl: revue d’art plastique de 1917 à 1928 puis mouvement artistique issu du plasticisme. 2.a_ LEK 17 Lek - Lettrage sur un mur à Québec. 2004. (source : http://tinyurl.com/bwk3mar). Accès le 21/09/12. (Fig.A) Lek - camionette - 2009. (Fig.B) Lek - mur et vitre - 2006. (Fig.C) Lek - rue - 2011. (Fig.D) Lek - garage - 2009. (Fig.E) Lek - Vilette - 2011. (Fig.F) Lek - installation - 2009. (Fig.G) Lek - hangar - 2010. 18 2.a_ LEK ([Fig.A) Lek - camionnette - friche industrielle Paris - 2009 - bombe aérosol: Tout d’abord, nous pouvons voir que la consistance est homogène car la camionnette est utilisée comme support neutre et Lek ne cherche pas à reproduire une matière autre que celle qu’il utilise. La gamme, quant à elle, est restrictive car le visuel est concentré sur une seule face du support. En ce qui concerne le cadrage, il est disjonctif car l’attention est centralisée sur la camionnette. La position du sujet sur le support est asymétrique car le graffiti possède une composition aléatoire. La proximité du lieu est distante car le sujet est éloigné de l’observateur de par sa situation géographique. Nous observons une cinétique dynamique créée par le mouvement du graffiti sur un support statique. Ne reflétant pas directement la réalité, nous pouvons dire que c’est un visuel non-naturaliste. 2.a_ LEK 19 (Fig.B) Lek - mur intérieur et vitre - usine désaffectée Saint Ouen - 2006 - bombe aérosol: La consistance est homogène, là aussi, Lek ne cherche pas à reproduire une matière autre. La gamme est expansive car sa dimension déborde d’un support sur un autre; en outre, son cadrage est conjonctif indirectement de par le choix du support utilisé. Sa position sur le support est asymétrique, le visuel est structuré de façon géométrique mais reste aléatoire. Une proximité distante car le lieu choisi est à l’abandon et doit être découvert. La cinétique est dynamique car elle crée un mouvement sur des supports statiques. C’est un visuel non-naturaliste car il ne reflète rien de naturel. 2.a_ LEK 20 (Fig.C) Lek - mur extérieur - rue - 2011 - bombes aérosol: Ce visuel a une consistance homogène, il ne reproduit pas de matière en particulier et sa gamme est restrictive car l’auteur n’utilise qu’un seul support d’expression. Le cadrage est, quant à lui, disjonctif, il y a plusieurs couleurs vives sur un fond uni. L’organisation des composants provoque une position désorganisée donc asymétrique et bien qu’exécuté sur une grande surface, le sujet reste proche du passant observateur. La cinétique a une dynamique marquée par des éléments graphiques aigüs. Ne possédant pas de sens commun, ce sujet est non-naturaliste. 2.a_ LEK 21 (Fig.D) Lek - mur - garage désaffecté - 2009 - bombes aérosol: L’auteur reproduit des pièces en métal et les utilisent pour concrétiser un visage ainsi qu’une forme graphique créant ainsi une consistance hétérogène. Ce graffiti possède un caractère de gamme expansif car Lek a voulu créer un visuel global avec l’apport de plusieurs éléments graphiques différents et complémentaires. Le cadrage est conjonctif car l’effet métallique est renforcé par l’utilisation des couleurs bleue, blanche et grise pour le fond. De plus, il possède une position asymétrique car il y a une opposition de formes graphiques. Les deux sujets créent une proximité intermédiaire, l’un est un plan serré, l’autre un plan large. La cinétique est, elle aussi, double, statique à gauche et dynamique à droite. Nous pouvons dire, de par ses formes évoquant des pièces métalliques, que ce graffiti est non-naturaliste. 2.a_ LEK 22 (Fig.E) Lek - bâtiment - la Villette - 2010 - bombes aérosol : La structure du premier plan est homogène tandis que celle de l’arrière plan est hétérogène, elle reproduit graphiquement des ondes. Dans sa globalité, ce graffiti possède une gamme expansive dûe à l’amplitude des effets créés. Son cadrage est disjonctif car il n’y a pas d’effet de fond, le lecteur crée le contexte. Une organisation aléatoire néanmoins structurée met en avant une position asymétrique. De par sa taille et le lieu choisi, nous pouvons affirmer qu’il y a une proximité proche. L’ensemble de l’œuvre possède, au premier plan, une cinétique statique car le mouvement n’est pas fortement présent; au second plan, les ondes créent une cinétique dynamique. C’est une réalisation non-naturaliste car le sujet n’évoque pas directement la réalité bien que la représentation des ondes soit proche de la nature. 2.a_ LEK 23 (Fig.F) Lek - installation bois et adhésifs - 2009: Cette réalisation possède une consistance hétérogène, Lek utilise bois et adhésifs pour créer une ambiance abstraite. Ces moyens utilisés amplifient les effets visuels et forment ainsi une gamme expansive. Cette installation présente un cadrage conjonctif car le fond appuyé contextualise l’image. Sa position asymétrique implique une organisation aléatoire maîtrisée. De par l’utilisation du volume et de la surface du support, la proximité est proche. Un mouvement explosif part du centre pour aller vers l’extérieur du cadre ce qui nous donne une cinétique dynamique. Par ailleurs, nous pouvons qualifier le caractère de naturaliste à travers les couleurs utilisées et non-naturaliste par les formes abstraites obtenues. 24 2.a_ LEK (Fig.G) Lek - hangar désaffecté - Vitry sur seine - 2010 - bombes aérosol: La consistance de cette fresque est homogène car elle ne reproduit pas d’effets d’autres matériaux. L’exécution est réalisée dans un cadre contenu, ce qui nous donne une gamme restrictive. Le cadrage se veut conjonctif car il possède des éléments de fond qui contextualisent le visuel dans son ensemble. Une position symétrique est créée par les quatre panneaux qui forment un équilibre. Son lieu de réalisation crée une proximité distante, les éléments schématiques de ce mur donnent une cinétique statique, il n’y a pas de mouvement marqué clairement. Cette pièce a un caractère non-naturaliste car sans lien direct avec la réalité. 2.a_ LEK 25 Lek. De l’analyse des œuvres de Lek précédemment étudiées, certaines caractéristiques sont plus marquantes que d’autres. Nous pouvons mettre en avant ces particularités en superposant les tableaux descriptifs des œuvres étudiées. Ainsi, nous voyons que la consistance de ces compositions est principalement homogène, il ne cherche pas à reproduire de matière en particulier. La gamme est aussi souvent restrictive qu’expansive car, soit il utilise un seul support dans un cadre contenu, soit il amplifie les effets en utilisant toute la surface dont il dispose. Le cadrage est disjonctif ou conjonctif à parts égales. Il y a parfois un effet de fond avec plusieurs couleurs, ce qui donne un effet conjonctif. Lek laisse parfois un fond uni, sans effet, afin que l’observateur puisse créer le contexte, d’où un cadrage conjonctif. Dans ses œuvres, Lek opte pour une position souvent aléatoire donnant un résultat plutôt asymétrique. De par les lieux choisis et leur taille, la proximité n’est pas éloignée, le sujet reste ainsi proche de l’observateur. La cinétique possède une dynamique marquée dûe à la forme des éléments souvent aigus et leur mouvement expansif. Les graffitti expriment un caractère nettement non-naturaliste et les formes sont abstraites sans lien avec la réalité. 2.a_ LEK 26 Si Lek reste un puriste du graffiti, sa détermination et son engagement montrent une réelle volonté d’ancrer sa démarche dans une dynamique esthétique novatrice où couleurs et formes épousent parfaitement l’espace urbain. Ses affinités avec Lokiss (fig.25), les BBC (fig.27) (Bad Boy Crew) ou encore Sowat (fig.26) l’emmènent également dans divers projets d’expositions où il développe son réseau de lignes sur toile ou via de complexes installations. (fig.25) Graffiti de Lokiss. Terrain de Stalingrad à Paris. (www.maquis-art.com). Accès le 27/10/12. Ce travail de recherche lui a permis d’accéder au monde élitiste des galeries d’art. Par l’analyse des graffiti précédents, nous pouvons dire que Lek, tant par la réalisation démesurée de certaines fresques que par la recherche de couleurs, de matières et de supports, essaie d’innover afin que le graffiti soit perçu de manière plus favorable. Au-delà du graffiti vandal, il met en avant l’aspect artistique et novateur de ses pièces. Il veut ainsi attirer le regard pour créer un impact positif dans la vision du public. Ce travail de recherche lui a permis d’accéder au monde élitiste des galeries d’art. Lek est une personnalité en perpétuelle évolution, enrichie de ses expériences et observations. Les compositions de cet artiste ont permis de renouveler le regard porté sur l’art urbain. Le spectateur, alors surpris, s’arrête devant une fresque de Lek comme il le ferait devant un tableau dans un musée. 2.a_ LEK 27 (fig.26) Blaze18 de Sowat. Banlieue parisienne. Maison abandonnée. (http://tinyurl.com/brxkxdm). Accès le 24/09/12. (fig.27) Ash et BBC sur le terrain de Stalingrad à Paris. 1986. (http://tinyurl.com/dxv6vnl). Accès le 24/09/12. 18. Blaze: signature du graffeur. Souvent assimilée au vandalisme. 2.a_ JONONE 28 (fig.25) Portrait de JONONE alias John Perello. Galerie de Paris. 2000. (http://tinyurl.com/cfkhobq). Accès le 26/09/12. Jonone (visuel pictural et verbal). John Perello, dit Jonone est né à New York de parents originaires de Saint-Domingue. Enfant de Harlem, il grandit dans la 156ème rue, il fait ses premiers pas dans le graffiti en 1979 et réalise peu après ses premiers graffs sur les rames de métro. Il succède à la génération des pionniers du graffiti qui lui ont communiqué l’envie de peindre. Très vite, il se démarque par sa pratique freestyle19, où la lettre disparaît pour laisser place à des mouvements de lignes et de couleurs. Il réalise des œuvres abstraites en peignant et en projetant de la couleur et développe ainsi son propre language privilégiant l’émotion et la gestuelle plutôt que les lettres de son nom. Jonone débarque à Paris en 1987, il découvre alors une scène graffiti en pleine effervescence. Elle lui rappelle celle de ses débuts à New York, ville dont il fuit la répression de plus en plus forte. Il rencontre les graffeurs Ash, Jay et Skki© et intègre leur groupe BBC. Ensemble ils partagent un atelier dans l’Hôpital Éphémère, un squat semi-légal. Jon y débute son travail sur toile et chaque toile qu’il réalise est une improvisation abstraite. Sa palette est riche et vive, les tonalités et les contrastes révèlent des jeux de nuances subtils dans une composition dynamique rappelant l’énergie du graffiti. Il expose pour la première fois à Berlin en 1990. Willem Speerstra lui consacre sa première exposition personnelle en 1992. Jonone, d’exposition en exposition, va vers l’épuration du trait. En 2007, il initie un série de toiles basée sur la calligraphie de son nom répétée telle une punition d’école. La suite est une ascension extraordinaire qui fait de Jonone l’un des artistes les plus prisés du monde du graffiti. 19. Freestyle: Organisation de couleurs faisant intervenir ou non un lettrage ou un personnage. 2.a_ JONONE 29 (Fig.H) Jonone - Acrylique sur toile. (Fig.J) Jonone - Graffiti n°2093 (Fig.L) Jonone - Graffiti n°2090 (Fig.N) Jonone - Graffiti n°2095 (Fig.I) Jonone - Graffiti Paris. (Fig.K) Jonone - Graffiti n°2092 (Fig.M) Jonone - Graffiti n°2131 (Fig.O) Jonone - Graffiti sur toile. Signature de JONONE. (source : www.jonone.net). Accès le 21/06/12 (Fig.P) Jonone - Lumière blanche. 30 2.a_ JONONE (Fig.H) Jonone - Graffiti - Acrylique sur toile - 2010: Ce tableau présente une consistance homogène car il ne cherche pas à reproduire les effets d’autres matériaux. Concernant sa gamme, elle est de caractère restrictif; il est centré et délimité par un blanc tournant. Le tableau possède un fond uni dans les tons de jaune, ce qui donne un cadrage disjonctif à l’œuvre. Sa position est symétrique, elle implique un certain ordre, la proximité de ce visuel est proche car la distance entre la thématique et le lecteur est minime. Les outils utilisés pour cette œuvre permettent de donner une cinétique dynamique; n’évoquant aucune réalité le visuel est non-naturaliste. 2.a_ JONONE 31 (Fig.I) Jonone - Paris graffiti - 2010: De consistance homogène, cette toile de Jonone ne retranscrit pas de matière précise. Avec l’utilisation à l’extrême de la surface du support nous pouvons dire que sa gamme est expansive. Son cadrage conjonctif est traduit par les nombreux éléments de fond qui viennent mettre en valeur le premier plan du tableau. L’explosion graphique et désordonnée des motifs provoque une asymétrie évidente. La multitude de détails et la profusion des couleurs amènent un résultat distant. Les nombreuses techniques utilisées donnent un rendu extrêmement dynamique. Toutefois, l’effet produit est non-naturaliste. 2.a_ JONONE 32 (Fig.J) Jonone - Graffiti n°2093 - Acrylique sur toile: Jonone a voulu, dans ce tableau, reproduire un effet aquatique qui donne une consistance hétérogène. Cet effet est appuyé par l’utilisation des peintures bleue et blanche pour créer l’impression d’écume, Jonone utilise ici toute la surface de manière expansive. La juxtaposition de plusieurs éléments de couleur crée un cadrage conjonctif et un effet de fond centralise l’attention sur les graffiti du premier plan. Les composants sont organisés dans un ordre déterminé et symétrique. C’est une composition proche car elle possède une multitude de détails qui crée une masse générale avec une forte présence. Les éléments qui forment ce visuel lui donnent une cinétique dynamique marquée. L’esprit global de cette pièce est naturaliste de par l’effet aquatique obtenu. 2.a_ JONONE 33 (Fig.K) Jonone - Graffiti n°2092 - Acrylique sur toile: Ici aussi, l’effet aquatique est recherché, donnant au tableau une consistance hétérogène. Il montre une gamme expansive, il recouvre complètement la toile avec des caractères larges et amples. La présence d’un effet de fond permet de contextualiser les écritures blanches du premier plan. C’est donc un cadrage conjonctif. L’organisation des composants reflète un certain ordre et une position symétrique. Les différences de profondeur selon les couleurs utilisées font que cette œuvre s’impose au spectateur de manière proche. Le travail de la lettre sur ce visuel crée une cinétique dynamique. Il impose alors un mouvement général dans la toile. Ici aussi, l’esprit naturaliste est présent à travers l’effet global de l’œuvre. 34 2.a_ JONONE (Fig.L) Jonone - Graffiti n°2090 - Acrylique sur toile: L’esprit de ce graffiti évoque un vitrail et lui donne une consistance hétérogène. La réalisation géométrique, l’utilisation de lettres marquées noires donnent une densité qui explique que la gamme soit restrictive. Les couleurs employées de façon aléatoire attirent l’attention en la centralisant sur le sujet, d’où un cadrage conjonctif. La répétition des caractères de manière régulière et organisée appuie une impression de symétrie. La densité présente dans cette œuvre rapproche le spectateur. Malgré une forte présence de par les couleurs et les formes, sa cinétique reste statique. L’aspect abstrait de cette œuvre traduit un esprit non-naturaliste. 2.a_ JONONE 35 (Fig.M) Jonone - Graffiti n°2131 - Acrylique sur toile: Une forte hétérogénéité se dégage de cette toile qui évoque un enchevêtrement de part la superposition des graffiti. La façon dont Jonone occupe au maximum l’espace de sa toile rend la gamme expansive. Le fond coloré renforce le cadrage conjonctif, mettant en avant le travail typographique doré du visuel. La position est symétrique tant en largeur qu’en hauteur. La masse créée par cette superposition de couleurs assure un rapprochement avec l’observateur. En outre, la cinétique de ce tableau est dynamique, elle est toutefois moins flagrante que dans d’autres œuvres de Jonone. Par ailleurs, l’interprétation graphique de cette pièce nous donne une notion de non-naturalisme. 36 2.a_ JONONE (Fig.N) Jonone - Graffiti n°2095 - Acrylique sur toile: Nous retrouvons dans cette œuvre la même inspiration que dans les Fig.J et Fig.K. La différence essentielle réside dans l’utilisation de la couleur violette qui apporte une connotation légèrement plus féminine. Les courbes et les couleurs de ce tableau dégagent une image végétale qui lui donne sa consistance hétérogène. La façon dont l’espace est occupé par le graffiti confirme une gamme expansive. Le cadrage conjonctif et la couleur sur fond vert valorisent le visuel violet du premier plan. Ici aussi la disposition organisée du lettrage évoque la symétrie. Le grand nombre d’éléments présents renforce une proximité importante entre la toile et l’observateur. De plus, le mouvement souple qui se dégage de l’image rend la cinétique dynamique, nous percevons un ressenti naturaliste. 2.a_ JONONE 37 (Fig.O) Jonone - Graffiti - Acrylique sur toile -2010: La technique utilisée crée une forte densité de laquelle résulte une consistance homogène. L’effet produit par l’emploi de petits caractères très serrés forme une gamme restrictive. Le côté disjonctif du cadrage est apporté par la neutralité du fond blanc présent sur ce visuel. L’équilibre graphique dans ce tableau met en avant une symétrie évidente en largeur et en hauteur. Cette grande quantité de caractères renforce une distance dans la proximité. Une statique notable se constate à l’observation de cette œuvre malgré la présence de coulures sur la partie basse. Jonone n’a pas voulu créer un rendu réel naturel. 2.a_ JONONE 38 (Fig.P) Jonone - Lumière blanche - Acrylique sur toile - 2010: La consistance hétérogène est rendue par la surrenchère d’écritures blanches centrales. L’explosion des nombreuses couleurs en arrière plan transmet une idée de gamme expansive. C’est un cadrage conjonctif du fait des éléments colorés et marqués du fond. La toile est nettement symétrique, la masse centrale blanche et les bords marqués de couleurs le font fortement ressentir. Cette œuvre se veut proche de par la forte présence dégagée par la partie centrale qui attire le spectateur. Le mouvement explosif créé justifie une cinétique dynamique. Jonone a voulu retranscrire la lumière et donner ainsi à cette toile un esprit naturaliste. 2.a_ JONONE 39 Jonone De l’étude des œuvres précédentes de Jonone nous remarquons que certains traits sont présents plus souvent que d’autres. Ce qui nous permet d’émettre les commentaires suivants. Ses tableaux présentent une consistance fortement hétérogène voulant reproduire un effet, entre autre aquatique. La gamme est nettement expansive, recouvrant le support presque en totalité avec des caractères larges et amples. Un effet de fond est très présent avec des écritures de couleurs différentes en arrière et au premier plan. Le cadrage est notablement conjonctif car la plupart des œuvres sont délimitées par un cadre. Il y a un certain ordre, une régularité et une organisation qui donnent une impression de symétrie. La masse et la densité créent une composition proche. Les outils et les techniques provoquent une cinétique dynamique au mouvement marqué. L’effet produit est aussi souvent naturaliste que non-naturaliste. Selon ses œuvres, Jonone retranscrit ou pas la réalité. 2.a_ JONONE 40 Ses tableaux très colorés nous évoquent la frénésie des grandes villes avec leurs lumières vives et leurs codes sociaux. À la fois dense et lumineux, son travail est chargé d’une énergie qu’il tire de son éducation dans la rue. Le travail de Jonone est une allégorie à la jungle urbaine (fig.28) où la plupart d’entre nous vivent mais, par ses couleurs, il montre l’aspect positif de la vie. Il tente d’interroger le regard du spectateur Ce qui distingue Jonone des autres graffiti artistes est précisément son attention apportée à l’agitation et au mouvement de la couleur plutôt qu’à la figuration. L’étude des visuels précédents nous démontre que Jonone possède un talent pour le lettrage qui vient directement du style vandal des graffiti de la rue. Il laisse sa marque en répétant ainsi son nom, une surcharge qu’il gère à la perfection mêlant couleurs et lettrage plus ou moins abstraits. Il puise principalement son inspiration dans l’expressionisme abstrait où prime l’expression de l’état émotionnel de l’artiste, comme dans une partition musicale où les tonalités seraient des touches de couleurs. Il tente d’interroger le regard du spectateur en lui proposant l’impertinence comme clé de lecture. De plus son travail montre un esthétisme très coloré. (fig.28) Graffiti vandal dans le metro new-yorkais. Dans les années 60. (http://tinyurl.com/c4d9cfs). Accès le 06/09/12. 2.a_ JONONE 41 Malgré une technique proche du vandalisme, il a réussi à s’adapter (fig.29) et ainsi tirer parti de son talent pour accéder au monde de l’art et être reconnu. En mettant en scène des graffiti vandal sur des toiles et en travaillant les couleurs, les formes et les superpositions, il a su porter l’art du graffiti dans les galeries et le montrer sous un nouvel angle. Autrement dit, il est parvenu à donner un nouveau regard sur l’art qui vient de la rue. (fig.29) Exposition Jonone. Paris. 2010. (http://tinyurl.com/c5ll4m8). Accès le 06/09/12. 2.c_ SKKI© 42 (fig.26) Portrait de SKKI© (SKKI copyrighted). Berlin Art gallery. 2009. (http://tinyurl.com/cbmfj86). Accès le 06/09/12. Skki© (visuel verbal) Né à Rzeszow en Pologne, il est aujourd’hui considéré comme l’un des précurseurs du mouvement graffiti parisien. Skki© commence à taguer en 1983 sous l’influence de l’école new-yorkaise. Il fonde avec Jayone le collectif BBC, rejoint par Ash en 1985. À partir de là, il développe son propre style et peint des fresques sur les murs du fameux terrain vague de Stalingrad, alors véritable Mecque du graffiti européen. Entre 1987 et 1989, il peint même symboliquement sur le mur de Berlin. Début 1990, les invitations des galeries à Berlin, Paris ou New York succèdent aux années hip-hop. Sa démarche consistant notamment à questionner le néo-vandalisme, le graffiti dans la société ou son importance dans l’art contemporain, lui permet de se créer une véritable identité artistique grâce à un style direct, imagé et audacieux. Ses phrases à la calligraphie simple s’énoncent sur les murs de la ville comme sur les cimaises accompagnées d’installations complexes. En 1994, il s’expatrie aux USA et laisse derrière lui le terrain vague de Stalingrad, son «Café Voltaire du graff». Le besoin de se remettre en question par rapport à son art est primordial pour l’évolution de cet «artiste multidisciplinaire» qui déclare justement. «Vous ne voyez pas le graffiti tel qu’il est, vous le voyez tel que vous êtes». Skki© est devenu au fil du temps l’un des plus fervents défenseurs du graffiti et de son language visuel. 2.c_ SKKI© 43 (Fig.Q) Skki© - Paris - 2010. (Fig.S) Skki© - Manhattan - 2007. (Fig.R) Skki© - Berlin - 2007. (Fig.T) Skki© - Paris - 2008. (Fig.U) Skki© - Paris - 2010. (Fig.V) Skki© - Paris - 2011. (Fig.W) Skki© - Paris - 2007. (Fig.X) Signature de SKKI©. Détail d’un graffiti parisien. 2008. (http://tinyurl.com/d5e3mu6). Accès le 10/09/12. 44 2.c_ SKKI© (Fig.Q) Skki© - Craie sur mur - Paris - 2010: Ce graffiti parisien a été écrit à la craie et le choix du fond noir, qui rappelle clairement un tableau d’écolier, lui fait prendre tout son sens. Il possède donc une consistance hétérogène et un cadrage conjonctif. De par sa place sur le mur, il est clair que sa gamme est restrictive, sa position est symétrique et sa proximité est proche du spectateur, à sa portée. Cette phrase a une écriture légèrement italique, ce qui lui donne une cinétique dynamique appuyée aussi par la diagonale de la mise en page du graffiti sur le mur. C’est un visuel naturaliste qui reste réaliste malgré l’utilisation de l’écriture manuelle en capitale. 2.c_ SKKI© 45 (Fig.R) Skki© - Graffiti bombe aérosol - Berlin - 2007: «La fin de l’avant garde.» Cette écriture en allemand sur un mur berlinois a un consistance homogène. Skki© ne cherche pas à retranscrire une matière ou une mise en scène quelle qu’elle soit; de plus, sa gamme est restrictive, Skki© reste groupé dans la manière d’écrire ce graffiti créant ainsi un cadrage disjonctif; le lettrage est impactant et attire le regard. Sa position est symétrique de par la mise en forme de la phrase, sa proximité est proche du regardeur car il occupe une grande partie du mur. Par ailleurs, ce graffiti, tant dans la typographie que dans la couleur utilisée, aboutit à une cinétique statique. Enfin, le choix du support rend ici ce visuel non-naturaliste. 46 2.c_ SKKI© (Fig.S) Skki© - Graffiti bombe aérosol - Manhattan - 2007: «Avant-garde est le mot français pour merde.» Skki© utilise le mur comme une feuille de papier traduisant ainsi une consistance hétérogène. L’écriture et le travail typographique sont là pour nous le rappeler. Sa gamme est restrictive, il utilise une bonne partie de la longueur du mur pour avoir une présence plus forte. Son cadrage est conjonctif de par son lieu, sa couleur et sa mise en scène. C’est un graffiti qui possède une position symétrique, il reste sur une ligne et respecte l’horizontalité. Il est proche des passants de par sa mise en espace dans l’environnement. Sa cinématique est dynamique. Il est non-naturaliste. 2.c_ SKKI© 47 [Fig.T] Skki© - Graffiti bombe aérosol - Paris - 2008: Cette phrase écrite sur un mur de Paris rappelle fortement une page blanche, ce qui rend sa consistance hétérogène. La phrase principale a une gamme qui se veut restrictive mais l’apposition de la signature de manière décalée vient la rendre expansive. De plus, son cadrage est conjonctif, sa mise en forme appuie une position asymétrique. En outre, il est proche du spectateur de par la place importante qu’il prend sur ce mur uni. Le style typographique lui donne une cinétique dynamique et ce tag est non-naturaliste. 2.c_ SKKI© 48 (Fig.U) Skki© - Graffiti bombe aérosol - Paris - 2010: «Resistance is futile.» Ce visuel de Skki© a une consistance hétérogène et rappelle la texture des buvards. Sa gamme est expansive et la répétition de la phrase appuie ce fait. Par ailleurs, le fond coloré et texturé rend la gamme de ce graffiti conjonctive. De par sa mise en forme, nous pouvons dire que sa position est asymétrique et sa proximité avec le regardeur est proche. L’utilisation des couleurs joue sur cette proximité. Sa mise en page sur le support et la manière dont il utilise les couleurs fait qu’il possède une cinétique dynamique. Il se veut nettement non-naturaliste car son message est purement textuel. 2.c_ SKKI© 49 (Fig.V) Skki© - Graffiti bombe aérosol - Paris - 2011: «Il se tenait ici, légèrement majestueux, un mélange entre un héros mystique populaire et un prêtre sur le point de faire le sermon de la vie.» Ce graffiti réalisé sur une porte de garage dans un quartier parisien a une consistance homogène. Il utilise le support pour mettre en scène son message. Sa gamme est restrictive, il recouvre une grande partie de cette porte de garage. Il possède un cadrage conjonctif. De plus, sa position est symétrique et équilibrée, sa proximité par rapport au passant, au regardeur, est proche et impactante. De par la manière dont tout son texte est agencé, sa cinétique reste statique. Comme dans la plupart de ses réalisations, il est non-naturaliste. 2.c_ SKKI© 50 (Fig.W) Skki© - Graffiti bombe aérosol - Paris - 2007: (référence au film de Sydney Pollack.) Ce graffiti de Skki© possède une consistance homogène de par sa régularité au niveau du dessin de la lettre. Par ailleurs, sa gamme est expansive, il étend l’écriture sur une grande partie du mur, l’utilisant ainsi à son avantage. De plus, son cadrage se veut conjonctif de par l’utilisation d’un détail du mur pour appuyer son message. Il possède également une position asymétrique, c’est un graffiti qui est proche du regardeur, il attire le regard. Ce tag a une cinétique dynamique. En dernier lieu, il ne rappelle pas quelque chose de naturel ni de réel, il est non-naturaliste. 2.c_ SKKI© 51 Skki© Après avoir analysé les graffiti de Skki©, nous pouvons observer certaines caractéristiques assez nettes et récurrentes en superposant les tableaux descriptifs de chaque visuel. Premièrement, la consistance de ses œuvres est plutôt hétérogène car il utilise principalement des murs ou des portes pour écrire ses textes. En outre, sa gamme est restrictive car il déborde peu sur toute la surface de son plan de travail. L’usage de fonds colorés ou de détails sur le support permettent d’obtenir un cadrage conjonctif. De plus, sa position est équilibrée et symétrique, ses tags sont proches des passants, à leur portée. D’autre part, la cinétique de ses œuvres est principalement dynamique, il choisit essentiellement des thèmes non-naturalistes car, comme nous pouvons le voir, ses graffiti ne représentent pas concrètement le réel. 2.c_ SKKI© 52 En perpétuelle recherche du support qui mettra son graffiti, son message en avant, Skki© veut impacter et toucher les gens. Les faire réfléchir, qu’ils aiment ou pas. D’après l’analyse des images précédentes, on observe que Skki© s’amuse sur les terrains de l’humour, de la futilité, de la politique et du sérieux (fig.31). Il cherche à savoir comment le public perçoit ses œuvres. Il sait tirer profit des supports. Il centre son lettrage et utilise le mur à son avantage pour valoriser son message dont il augmente l’impact. Le graffiti est peut-être le dernier mouvement d’art contemporain du XXème siècle. «Sa production varie selon son contexte, duplicant ainsi à travers son œuvre un monde en déconstruction où coexistent l’abstraction et la narration, la spiritualité et le capitalisme, l’ignorance et la culture». Il dit, dans une interview pour canalstreet (fig.30), «le graffiti, c’est de l’activisme. C’est presque de la performance. [...] Le graffiti est peut-être le dernier mouvement d’art contemporain du XXème siècle mais il n’existe pas de manifeste. Chacun chante sa propre chanson avec tout de même quelques notes en commun.» (fig.30) Extrait de l’interview de Skki© par canal street. (http://tinyurl.com/d8g57xc). Accès le 15/09/12. 2.c_ SKKI© 53 (fig.31) Graffiti de Skki© à la galerie Agnès b à Paris. Graffiti. état des lieux. 2009. (http://tinyurl.com/bl65t6f). Accès le 11/10/12. 54 3_ Conclusion D’après les analyses que nous avons effectuées sur les images du corpus, nous avons pu déterminer des points essentiels concernant l’impact qu’ont les graffiti sur la société, tels que les techniques, les surfaces et les lieux utilisés. Depuis le temps des cavernes, l’Homme dessine sur les parois et adapte sa technique aux supports, signe de réflexion et de détermination. Les outils utilisés ont été nombreux, les sujets représentés divers (animaux, figures humaines), même parfois non figuratifs. Déjà, à l’époque de Pompéï, les graffiti transmettaient des messages par des dessins ou des inscriptions. Dans nos villes modernes, les graffiti veulent favoriser la communication, attirer l’attention, parfois jusqu’à la provocation. Ils véhiculent des messages politiques dans des pays au contexte économique ou politique très dur. Ils sont parfois, pour le peuple, le seul moyen de faire entendre sa voix. De nos jours, les graffeurs sont moins soumis à ces contraintes. Ils expriment toujours des messages mais leur impact est moins fort, le contexte est moins tourmenté. Depuis les années 80, les plus célèbres ont été sollicités par des galeries, ils sont passés du mur à la toile. Le monde de l’art urbain s’est pris d’engouement pour ces rebelles et, de ce fait, les a presque assagis. Nous pouvons ainsi remarquer qu’il y a une réaction négative ou positive des observateurs, selon Cette désinformation massive néglige et déforme la véritable essence du graffiti. qu’il s’agit d’un métro recouvert entièrement de graffiti ou d’une toile exposée dans une galerie. Le fait d’être mis en avant par des institutions renommées et de grands noms de l’art apporte une certaine crédibilité et met la culture du graffiti à la portée du grand public. Comme il est dit dans un entretien accordé à canalstreet en décembre 2011 par Mode2, graffeur de l’ancienne école des années 70 à 90, les galeries, par le biais d’expositions et de marketing de masse, ont permis aux graffiti d’être connus du grand public. Depuis les années 2000, le graffiti et l’art urbain ont ainsi acquis une notoriété plus sage et ont su se faire accepter par le plus grand nombre, que ce soit dans le milieu de l’Art ou dans la rue. Toutefois il faut respecter la spontanéité des graffeurs et ne pas organiser de façon convenue des expositions et des évènements sur le thème du graffiti car cette qualité fait de cet art ce qu’il est réellement. Malheureusement, pour que la culture graffiti soit appréciée et reconnue de tous, il faut lui enlever cette image de vandalisme. Pure contradiction, car l’esprit même du graffiti est rebelle et se veut libre, sans contrainte, sans limite de support, de lieu, ou de taille. Cette désinformation massive néglige et déforme la véritable essence du writing et du graffiti. Nous avons pu nous rendre compte par le biais de la partie dédiée aux origines et à l’identité du graffiti qu’il cherche la manière la plus directe de communiquer au plus grand nombre. 3_ Conclusion 55 Les graffeurs sont de plus en plus nombreux, le graffiti est il en train de se dénaturer? Il est utilisé dans la publicité, dans la mode; cette commercialisation donne une fausse image de plus en plus répandue. Le graffiti perd-il de sa puissance et de sa superbe? Pourtant, son apport enrichit l’art contemporain, le faisant vivre et évoluer. Nous avons également pu noter la diversité des styles et la créativité autant visuelle que textuelle (cf. partie 2.—Trois grands noms) abordant et décryptant une dizaine de visuels classés selon les critères de Twyman (cf. partie 1.d—Méthodologie). Cette diversité est appuyée par le grand nombre d’outils utilisés ainsi que les supports sur lesquels les graffeurs évoluent (cf. partie1.a—Sa manière de faire). Des supports qui peuvent être parfois démesurés et originaux comme le fait Lek dans ses œuvres (cf. partie 2.a—LEK). Le travail très coloré de Jonone nous permet de mettre en avant la plus basique des formes de graffiti acceptée dans le milieu de l’Art (cf. partie12.b—JONONE). Nous avons étudié le travail de Skki© dont les phrases sont pleines de sens et d’images bien que très sobres (cf. partie 2.c—SKKI©). Un travail parfois réalisé dans l’illégalité mais qui sait rester toujours impactant et très reconnaissable. Le graffiti a su se faire accepter par le monde artistique. Toutes ces recherches ainsi que leurs analyses nous mènent à une question de taille qui se dresse: Faut-il garder ce côté vandal au détriment de la reconnaissance en tant qu’œuvre d’Art ou est-ce vraiment la meilleure manière de faire évoluer un art qui s’est toujours proclamé indépendant et autonome, sans aucune véritable règle vis-à-vis du public? Ne faut-il pas, au contraire, protéger ce côté enfant terrible pour que le graffiti reste lui même ? – 62 4.a_ Annexe bibliographie et filmographie. Bibliographie : - Paris. De la rue à la galerie. N. Chenus et S. Longhy. Éditions Pyramid. 2011. - Graffiti. Une histoire en images. B. Fontaine. Éditions Eyrolles. 2011. - L’art urbain du graffiti au street art. S. Lemoine. 2012. - Mausolée. Sowat & Lek. 2012. - Planète graffiti. N. Ganz. 2009. - Paris graffiti, les marques secrètes de l’histoire. C. Colas. 2010. - Un panorama de l’art urbain de 1975 à nos jours. S. Lemoine et J. Terral. 2005. - Descente interdite. Graffiti dans le metro parisien. Karim Boukercha. 2011. - Air France magazine. Article de N. Wolinski. déc. 2011. 4.b_ Annexe crédits photographiques. 63 Filmographie : - Canal street.canaplus.fr/art - Vimeo.com - Faites le mur. Bansky. 2010. - Graffiti à Paris. Tracks. 2001. - Writers, 20 ans de graffitis à Paris. 2004. Références des crédits photographiques : - Paris. De la rue à la galerie. N. Chenus et S. Longhy. Éditions Pyramid - Graffiti. Une histoire en images. B. Fontaine. Éditions Eyrolles. - www.Streetfiles.org - www.flickr.com - www.wikipedia.com et .fr - www.lormont.fr - www.ilovegraffiti.de - www.sirbennimiles.com - www.jonone.net - www.canalstreet.canaplus.fr - www.cp5crew.wordpress.com - www.marquis-art.com - www.sowat1.com - www.todoelcolor.cl - www.thegrifters.org - www.enjoygooddays.com - www.galeriecelal.com 64 4.b_ Annexe crédits photographiques. (Fig.A) Lek - camionette - 2009. (http://tinyurl.com/cm52rcd). Accès le 21/09/12. (Fig.E) Lek - Vilette - 2011. (http://tinyurl.com/d7fuh92). Accès le 21/09/12. (Fig.B) Lek - mur et vitre - 2006. (http://tinyurl.com/csmcnj9). Accès le 21/09/12. (Fig.F) Lek - installation - 2009. (http://tinyurl.com/bqfd43l). Accès le 21/09/12. (Fig.H) Jonone - Acrylique sur toile. (www.jonone.net). Accès le 20/06/12. (Fig.I) Jonone - Graffiti Paris. (www.jonone.net). Accès le 20/06/12. (Fig.L) Jonone - Graffiti n°2090 (www.jonone.net). Accès le 20/06/12. (Fig.M) Jonone - Graffiti n°2131 (www.jonone.net). Accès le 20/06/12. (Fig.P) Jonone - Lumière blanche. (www.jonone.net). Accès le 20/06/12. (Fig.C) Lek - rue - 2011. (http://tinyurl.com/chuuu6x). Accès le 21/09/12. (Fig.D) Lek - garage - 2009. (http://tinyurl.com/d97rmtz). Accès le 21/09/12. (Fig.G) Lek - hangar - 2010. (http://tinyurl.com/cqco568). Accès le 21/09/12. (Fig.J) Jonone - Graffiti n°2093 (www.jonone.net). Accès le 20/06/12. (Fig.K) Jonone - Graffiti n°2092 (www.jonone.net). Accès le 20/06/12. (Fig.N) Jonone - Graffiti n°2095 (www.jonone.net). Accès le 20/06/12. (Fig.O) Jonone - Graffiti sur toile. (www.jonone.net). Accès le 20/06/12. 4.b_ Annexe crédits photographiques. (Fig.Q) Skki© - Paris - 2010. (http://tinyurl.com/cazywd7). Accès le 10/09/12. (Fig.U) Skki© - Paris - 2010. (http://tinyurl.com/c98o2hl). Accès le 10/09/12. (http://tinyurl.com/cb2y9n3). Accès le 06/08/12. (Fig.R) Skki© - Berlin - 2007. (http://tinyurl.com/bwsnfrl). Accès le 10/09/12. (Fig.V) Skki© - Paris - 2011. (http://tinyurl.com/ch8lp46). Accès le 10/09/12. (http://tinyurl.com/btamunw). Accès le 06/08/12. 65 (Fig.S) Skki© - Manhattan - 2007. (http://tinyurl.com/brm28qt). Accès le 10/09/12. (Fig.W) Skki© - Paris - 2007. (http://tinyurl.com/cs4nrzd). Accès le 10/09/12. (www.istockphoto.com). Accès le 06/08/12. (Fig.T) Skki© - Paris - 2008. (http://tinyurl.com/d5e3mu6). Accès le 10/09/12. Imprimé en 2012 par Numéricolor à Aix-en-Provence LANZA Alexandre