Zibeline n°7 en PDF
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un gratuit qui se lit | du 24/04 au 22/05/08 | tous les quatre jeudis 7 Q : s a ra m a u x e e i v e u u r q M r o u i t n cul c , x s n i e e l t A arlen et m e s p p s a G élu t e l l a Le cBycle ! re l a n o Nati e s o p x e ’ s D La B Politique culturelle Miramas, Aix 4,5 Manifestation Engrenages et grenouille Recycler c’est métamorphoser 6 7 Théâtre Lenche, la Cité, Bernardines Merlan, Massalia, Minoterie, Toursky, Le Revest Gymnase, Criée, Bancs Publics, Daki Ling Aix : Vitez, Ateliers, Jeu de Paume, Théâtre et Chansons Châteauvallon, Aubagne, Gardanne Istres, Miramas Gap, Arles, Fos 8,9 10,11 12,13 14 15 16 17 Aix : Pavillon Noir, GTP, 3bisF, Pertuis Le Merlan, Cavaillon, Martigues, Istres Itinerrances, le Massalia, le Printemps de la danse 18,19 20 21 Danse Cirque Gap, Port-de-Bouc, le Daki Ling 22 Martigues, Sirènes et midi net Aubagne, Lieux Publics 24 25 Arts de la rue Musique Opéra : Martigues, Toulon, Marseille Festes d’Orphée, Baroques-Graffiti, Saint-Laurent Autour des claviers, musique sacrée, agenda Mars en baroque, Philharmonique Toursky, Jeu de Paume, GTP, SMCM GMEM, Télémaque, Musicatreize, GRIM GTP, Toursky, Machine à Coudre Babel Med, BSide CD, DVD Les Pennes-Mirabeau, Istres, Vitolles, Aix La Ruche, agenda Arts visuels 26 28 29 30 31 32,33 34 35 36,37 38 39 Saint-Rémy, Espace Van Gogh ABD, Prix Mourlot La Friche, Allauch, Passage de l’art BJCEM Granet, Alain Paire, Illustrateurs Nuit des musées 40 41 42 43 44 45 Polygone étoilé, Rousset, ATTAC Rendez-vous des quais, Cinépage, cinémas d’Afrique, cité du livre (Aix) Reflets, Lady Jane Un roman policier, Aflam 46 Rencontres : La pensée de midi, L’Ecailler Roubaud, Thierry Magnier Bib. Lilly Scherr, Dominique Eddé, Des Calanques et des bulles Librairie La Réserve à bulles Livres : BD Livres : Littérature, Arts Agenda 50 51 Cinéma Livres Philosophie Echo de 68 : pourquoi résister ? Histoire 47 48 49 52 53 54,55 56,57 58 60,61,62 Les Juifs en Provence médiévale Sciences et techniques La roue , la moto, l’oiseau 64,65 Enseignement : option histoire des arts Festival de théâtre amateur 66,67 68 Éducation 63 Tribune libre 69 Rubrique des adhérents 70 Relativisons Le maire de Cuers (Var) interdit un spectacle de rue, recouvre de goudron la peinture lavable de Caroline Amoros qui ose écrire «être précaire, c’est subir la loi qu’un autre édicte et ne suit pas». La performance est pourtant déclarée, programmée, subventionnée par le Conseil général du Var, la Région PACA… Non, nous ne sommes pas en Chine, et c’est bien la force publique, en uniforme, qui censure la parole légale des citoyens. Mieux : la mairie porte plainte -pour dégradation de bien public, alors que la peinture part à l’eau- contre Caroline Amoros et l’association Orphéon qui programmait la performance (pourquoi pas contre son financeur Michel Vauzelle ?). Mieux : la mairie a tenté de changer les serrures de la bibliothèque créée et gérée par Orphéon, pour la déloger sans plus de procès. Mais les Français, franchement sinophobes, préfèrent défendre les slogans des moines tibétains que ceux des précaires varois. Il n’est pas question de nier ou d’excuser les crimes du régime chinois, ses exécutions capitales, sa répression brutale du délit d’opinion. Mais enfin les Tibétains regrettent un régime où les paysans étaient asservis aux moines, le chef de l’état nommé à vie par un système absurde de réincarnations en chaîne, et les femmes largement opprimées. Les Français ont-ils trop lu Tintin et regardé Kung Fu pour relativiser les vertus de la culture tibétaine ? Et pourquoi focalisent-ils leurs regards sur la Chine, puisque la censure s’exerce ici-même, que Paris et Madrid reçoivent Kadhafi, que 1800 hommes meurent chaque année en Méditerranée de vouloir simplement vivre en Europe, et qu’Israël bombarde quotidiennement des territoires illégalement occupés ? Déni de démocratie ? seul Renaud Muselier en parle. Non pour le Tibet ou Orphéon, encore moins pour Kadhafi ou les noyés de nos côtes. Mais pour la présidence de MPM, qui lui est passée sous le nez. Monsieur Caselli, du Parti Socialiste, est désormais à la tête d’une communauté de communes sans doute ingouvernable, avec une majorité de droite et un président de gauche, et une remise en cause de l’hégémonie de Marseille. La métropole devra désormais composer avec les communes qui l’entourent (pas d’incinérateur ?), en plus du Département et de la Région dirigés par le PS. Peut-être apprendra-t-elle à relativiser ? AGNÈS FRESCHEL 04 POLITIQUE CULTURELLE MIRAMAS | AIX En quête Au lendemain des élections municipales, et même si peu de villes ont changé de couleur politique dans la région, un certain nombre de nouveaux adjoints à la culture ont pris leurs fonctions. Que ce soit parce que la majorité a changé comme à Miramas, ou parce que le même maire a changé d’adjoint, comme à Aix. Nous avons décidé d’interroger ces quelques nouveaux élus, à partir d’un questionnaire type, sur leur conception de la politique culturelle. Sur leurs Zibeline : Après les dernières élections municipales vous avez été nommé délégué aux affaires culturelles et au Patrimoine de la Ville de Miramas et délégué communautaire au sein du comité syndical de Ouest Provence. Pourriez-vous nous expliquer votre parcours ? Gérard Gachon: De 1988 à 2007, j’ai exercé des fonctions administratives au sein des services culturels des communes de Miramas, puis de Grans où j’étais directeur des affaires Culturelles, chargé, entre autres, de la programmation des spectacles vivants. Et puis je © C.G. GÉRARD GACHON, ÉLU CONSEILLER MUNICIPAL À MIRAMAS (DIVERS GAUCHE), ADJOINT À LA CULTURE DEPUIS MARS suis membre fondateur d’une compagnie de théâtre amateur créée en 1964, association culture et loisirs, Théâtre du Hasard. Quelle phrase retiendriez-vous pour définir les buts de votre fonction ? Mener une politique culturelle c’est : -permettre aux artistes de travailler dans les meilleures conditions possibles -faire entrer l’art et la littérature dans le quotidien de tous les citoyens -faire rayonner la ville, et montrer au monde sa richesse créative C’est avant tout permettre et encourager l’accès du plus grand nombre dans tous les lieux où se manifeste la culture (médiathèques, salles de spectacles et d’expositions, musées, cinéma…), et notamment de celles et ceux qui pensent que la culture est réservée à une élite intellectuelle. Faire entrer l’art, sous toutes ses formes, dans le quotidien du trop grand nombre de gens qui n’ont jamais mis les pieds dans l’un ou l’autre de ces lieux est une de mes ambitions. Pour les enfants et les adolescents, nous pouvons nous appuyer sur le système scolaire pour atteindre cet objectif. Pour les autres, nous devrons imaginer des actions qui les incitent à s’intéresser aux manifestations culturelles. Ceci dit, permettre aux artistes de travailler dans les meilleures conditions possibles est aussi une de mes préoccupations, d’autant que je souhaite favoriser le contact et l’échange entre artistes et public en amont et en aval de la manifestation elle-même. Quant au rayonnement de la commune, c’est une ambition légitime de tout élu. Est-ce qu’il existe selon vous des différences entre une politique culturelle de droite et de gauche ? Entre une politique culturelle socialiste et communiste ? Sur le plan national, il y a certainement des différences d’orientations entre la politique culturelle de droite et celle de gauche. Sur le plan local, je pense que ces différences s’estompent, parce qu’elles sont confrontées aux exigences du terrain. Quant aux différences d’orientations entre communistes et socialistes je n’en vois aucune qui soit fondamentale. Est-ce que les politiques doivent décider, selon vous, de la valeur des artistes et des projets ? Si non, qui décide du montant des subventions ? La mission du politique est de définir avec précision les orientations de la politique culturelle qu’il entend mener, orientations qui sont inscrites dans son programme électoral. Pour mener à bien cette mission, il dispose de la compétence de professionnels qui sont les mieux placés pour apprécier la valeur des artistes, des œuvres et des projets proposés au public. Il convient donc d’accorder sa confiance à ces professionnels dès lors que leurs propositions respectent les orientations de la politique culturelle. Cela étant, la politique culturelle est financée par les deniers publics dont l’élu est le gestionnaire. Il lui appartient de budgétiser les ressources nécessaires à la mise en œuvre de sa politique culturelle et d’en contrôler leur utilisation. Est-ce que la politique culturelle d’une ville doit tenir compte d’enjeux socio-économiques ? Oui, cela me paraît évident. Pourriez vous classer ces enjeux ? le désenclavement d’un quartier, l’accès de tous aux œuvres de l’esprit, l’attractivité touristique, la rentabilité d’un projet ? J’écarte la notion de rentabilité (s’il s’agit de rentabilité financière). Elle n’est pas compatible avec l’action culturelle. Mais je conserve cependant l’exigence d’une gestion rigoureuse. Au risque de me répéter, l’accès du plus grand nombre, et notamment du public jeune, à toute manifestation culturelle demeure mon objectif principal, y compris si pour l’atteindre on en vient à déplacer les artistes et leurs œuvres des lieux traditionnels (théâtres, cinéma, salles d’exposition …) vers les quartiers, la rue, les appartements, les écoles, … Donneriez-vous de l’argent pour accueillir Johnny Hallyday, et pourquoi ? Johnny Hallyday a déjà donné un concert dans notre commune, il y a quelques années. C’est un excellent artiste, mais il y en a d’aussi bons que lui et dont le cachet s’accorde mieux avec notre budget. Quelle est la part de son budget que votre ville consacre à la culture ? La culture est, en ce qui nous concerne, une compétence intercommunale. Notre élection est très récente et je ne dispose pas encore des informations qui me permettraient de répondre à cette question. Tiendrez vous un rôle dans le San Ouest Provence ? Je suis candidat à la vice-présidence du San en tant que membre de la Commission culture. Les élections du Président et des vice-présidents auront lieu le 25 avril. 05 d’opinions présupposés, leur façon de concevoir leur rôle. Nous mènerons cette enquête durant quelques mois, interrogeant des hommes et des femmes, des élus de gauche et de droite, dans des petites communes ou des métropoles… mais en changeant chaque fois les questions, pour conserver la spontanéité des réponses ! Zibeline : Après les dernières élections municipales vous avez été nommée 9e adjointe de la Ville d’Aix. déléguée à la Politique de la Ville et à la Culture. Pourriez-vous nous expliquer votre parcours ? Sophie Joissains : Vous savez que je suis tombée très tôt dans le chaudron ! Mes grands-parents faisaient de la politique, côté communiste, mon père a été Maire d’Aix-en-Provence de 1978 à 1983, et ma mère l’est depuis 2001… J’ai connu toute jeune les affres de cet univers, que j’ai fui à un moment. Puis j’y suis retournée. En voulant me présenter aux © X-D.R SOPHIE JOISSAINS, ÉLUE CONSEILLÈRE MUNICIPALE UMP DE LA VILLE D’AIX, ADJOINTE À LA CULTURE DEPUIS AVRIL cantonales d’abord, élections qui ont été annulées à cause d’un problème de découpage, puis en travaillant aux côtés de ma mère, comme Directrice de Cabinet à la Communauté du Pays d’Aix, qu’elle préside. Avez-vous des affinités particulières avec la culture ? J’ai une formation de pénaliste, qui a priori ne me prédispose pas à ce monde, mais j’ai fait aussi des études de Lettres, et une licence d’audiovisuel. Mon premier travail était dans une maison de production de cinéma d’art et essais. Ce sont des domaines qui me passionnent, réellement. Quelle phrase retiendriez-vous pour définir les buts de votre fonction ? Mener une politique culturelle c’est : -permettre aux artistes de travailler dans les meilleures conditions possibles -faire entrer l’art et la littérature dans le quotidien de tous les citoyens -faire rayonner la ville, et montrer au monde sa richesse créative Les trois ! Ces trois phrases définissent bien les différentes facettes d’une politique, même si «l’art et la littérature» est un peu restrictif. Mais en fait je dirai que ces trois facettes correspondent à des phases de mise en place d’un projet de ville : d’abord on donne à tous les citoyens les moyens d’accéder à la culture, ensuite on soutient les artistes pour créer une émulation et des œuvres, enfin on fait de la ville un pôle d’attraction. Chaque étape s’additionne à la précédente jusqu’à ce qu’elles deviennent consubstantielles. Est-ce qu’il existe selon vous des différences entre une politique culturelle de droite et de gauche ? La culture est sans doute un des domaines où les affaires sont le moins «politisées», c’est-à-dire partisanes. Les différences entre les politiques culturelles des villes ne correspondent pas aux couleurs politiques des mairies. Parfois, mais pas constamment, la gauche a tendance à saupoudrer les subventions, à confondre l’associatif social et le culturel, voire à faire du clientélisme –mais aucun parti n’est à l’abri de ces pratiques. Je reste attachée à une politique culturelle de projets, avec des normes de qualité visant à l’excellence, qui n’oublie pas de toucher un public large en gardant une politique tarifaire basse comme le GTP ou le Ballet Preljocaj. Il faut être également attentif au tissu culturel, aux associations intermédiaires, aux petites qui peuvent devenir grandes… mais sans saupoudrage inconsidéré ! Avec une orientation forte : je suis également en charge de la politique de la ville… Est-ce que les politiques doivent décider, selon vous, de la valeur des artistes et des projets ? Est-ce qu’ils en ont les compétences ? Si non, qui décide du montant des subventions? Le problème est que même les spécialistes se cassent le nez. Si on nomme des comités d’experts eux aussi peuvent être aveuglés, ou trop impliqués dans le milieu pour rester objectifs. Il faut donc à la fois s’en référer aux professionnels, demander leur avis ; s’attacher à la réaction du public, tout en s’en méfiant aussi ; et aller voir : se rendre aux spectacles, dans les galeries… ou y envoyer des chargés de mission. Tout en sachant qu’on peut se tromper, mais qu’il faut décider… Est-ce que la politique culturelle d’une ville doit tenir compte d’enjeux socio-économiques ? Bien sûr. Pourriez vous classer ces enjeux : le désenclavement d’un quartier, l’accès de tous aux œuvres de l’esprit, l’attractivité touristique, la rentabilité d’un projet… L’accès de tous aux oeuvres de l’esprit me plaît bien ! Il implique d’ailleurs le désenclavement des quartiers. Quant à l’attractivité touristique, on ne peut pas la négliger : au plus une commune est riche, au plus elle peut investir pour ses habitants. Mais on ne doit pas soumettre les projets culturels à une volonté d’attractivité touristique, qui reste secondaire, comme leur rentabilité. Donneriez-vous de l’argent pour accueillir Johnny Hallyday, et pourquoi ? Il n’en a pas besoin. Je n’ai rien contre lui, on aime ou on n’aime pas, mais il a ses recettes, il n’a pas besoin d’argent public. Donc, très clairement, non. Quelle est la part de son budget que votre ville consacre à la culture ? Si l’on comprend l’ensemble des compétences culturelles, y compris le patrimoine et l’enseignement artistique donc, il représente près du quart du budget de la ville d’Aix. Mais ce n’est pas très significatif, il faut tenir compte du transfert de compétence sur la Communauté du Pays d’Aix. Tiendrez-vous un rôle dans cette communauté ? Sans doute un petit rôle culturel. Mais pour l’instant cela n’est pas voté… ENTRETIENS RÉALISÉS PAR SARA LYNCH ET AGNÈS FRESCHEL 06 MANIFESTATION RADIO GRENOUILLE Radiographie de l’espace urbain Fin mai, Radio Grenouille et Euphonia font leur festival : la troisième édition de leur biennale, Engrenages, s’annonce étonnante Les formes qu’elle propose sont pour la plupart inédites, et allient création sonore, radiodiffusion et radiographie sensible de l’espace urbain. Le public y est partout convoqué en tant qu’auditeur, qui se double parfois d’un spectateur de son propre environnement. Les Concerts de ville conçus par la Cie Ici Même promènent une vingtaine de personnes par séance, les yeux bandés, dans Marseille, à la recherche de ses bruits, mêlés à des sons préenregistrés et à divers assourdissements partiels (12 séances à des heures diverses, pour écouter la ville la nuit, au matin, aux heures d’affluence…). Les Ciné-radioguidés, de la même Cie, proposent à une centaine d’auditeurs munis d’oreillettes des visites décalées de Belsunce et de la Belle de mai, invitant le promeneur à l’action… Marseille se visitera également à Vélo sonore : les 30 cyclistes (qui amèneront leur monture ou emprunteront celles que la Ville met à leur disposition devant des panneaux publicitaires volumineux) seront radioguidés par le créateur sonore Guillaume Beauron (5 randonnées) qui diffusera dans les oreillettes des pelotons ses interventions «narratives, contemplatives ou anecdotiques». Les autres manifestations seront plus classiques, mais pas moins intéressantes : des séances d’écoute des diverses créations radiophoniques produites ces deux dernières années par Euphonia sont prévues dans divers lieux de spectacle : à La Friche, un documentaire sur Les relations franco algériennes depuis 1954 fera l’objet d’une diffusion puis d’un débat avec les témoins interrogés ; au Merlan cela commencera par la © X-D.R Les ondes coassent Les habitants de la région connaissent bien le batracien qui se balade sur les ondes. Radio Grenouille est la plus écoutée des radios libres locales. Mais ses 140 000 auditeurs réguliers la connaissent-ils ? discussion, autour du Traitement de la parole documentaire, avant un repas, puis l’écoute d’une création d’Emmanuelle Taurines sur la sociologie du littoral marseillais ; un documentaire sur les Îles marseillaises, à vocation plus environnementale, sera écouté à Montévidéo. D’autre événements complèteront la programmation d’Engrenages : un partenariat avec la publication Café Verre (qui pratique le collage documentaire) et ARTEradio (webradio de courts métrages) et un grand Pique-nique radio aux Pierres Plates le 24 mai, avec des créateurs sonores et musiques actuelles (John Deneuve, Stéphane Massy, Philippe Petit, Collectif Mu, Platoniq/Burn, Radiomentale, The Brain). Autant de façons de sortir des studios pour investir la ville et les salles de spectacles, tout en continuant à solliciter nos oreilles, «et tout ce qu’il y a entre» ! AGNÈS FRESCHEL Engrenages du 21 au 25 mai 04 95 04 95 15 www.grenouille888.org Fondée il y a 25 ans parallèlement à Euphonia, Radio Grenouille s’est toujours associée à la création sonore. Or les grandes radios publiques emboîtent aujourd’hui le pas aux privées et pratiquent presque exclusivement les émissions de plateau d’un coût dérisoire, en se gardant de fabriquer du documentaire radio, ou même de faire du direct hors plateau. Hé bien Radio Grenouille navigue à contre-courant et persiste à faire, plus que jamais, de la création radiophonique, documentaire ou musicale ! Car Euphonia reste un véritable espace d’écriture, et permet à Grenouille de continuer sa recherche sur la spécificité du médium radiophonique, tout en proposant des plateaux sur la culture, et sur les enjeux sociaux, politiques et économiques locaux. Zibeline, le gratuit qui se lit, trouve donc en Grenouille, la radio qui s’écoute, une sorte de partenaire média naturel, bien que nettement plus âgé (25 ans de plus !). Même si l’alliance, d’un point de vue zoologique, semble fort improbable. Et même si, esthétiquement, Zibeline reste plus attachée que Grenouille aux musiques dites savantes, c’est-à-dire celles qui s’écrivent. (À côté de la création «actuelle» existe la «contemporaine», à laquelle la radio s’intéresse de façon anecdotique, tout en ignorant le répertoire classique, romantique ou baroque. Question de choix sans aucun doute, légitime bien sûr. Mais ce clivage entre les musiques entretient une opposition générationnelle et sociale absurde : pourquoi les bonheurs de la musique savante seraient-ils interdits aux jeunes et réservés à une élite, ou à des auditeurs de radios compassées ?) A.F. RECYCLER C’EST MÉTAMORPHOSER MANIFESTATION 07 Transformance des arts AndersonBB: Bluebeard, film couleur, 2007, 12', Anna Leska Films, Paris-Brest; Productions, HBOX © Alice Anderson Frédéric Flamand aime les croisements et les rencontres : à partir de sa dernière création sur les Métamorphoses d’Ovide, il propose à d’autres artistes d’explorer avec lui la notion de recyclage… La notion de cycle est-elle naturelle ? La roue, en tous cas, est une invention humaine (voir page 64), et si tout se transforme dans la nature, la matière y reprend rarement sa disposition initiale… L’art, quant à lui, aime à réutiliser et détourner les matériaux. Les méta- morphoser, comme la nature sait le faire, les transcender comme l’alchimie l’a rêvé… C’est pourquoi les déchets l’intéressent (comme à l’inverse l’or, le marbre…) : la forme nouvelle y outrepasse forcément l’objet premier et son matériau déchu (ou précieux). Mais si la métamorphose et son rapport à la transcendance est activé par l’incongruité du rebut et de sa déchéance, peut-on pour autant parler de recyclage, qui suppose aussi un retour à l’état premier ? Dans la pièce de Flamand comme dans les histoires d’Ovide, il n’est pas question que la grenouille évolue et redevienne têtard, comme nos bouteilles bues reviendront bientôt, refondues et repues, dans les rayons de nos temples alimentaires… Ces questions de trans-formance seront au cœur de la manifestation organisée par le Ballet National de Marseille, en collaboration avec les Musées de Marseille et le GRIM. Côté musique il s’agira de recycler le son en direct, électroniquement : le jazz de Otomo Yoshihide sample, enregistre et déforme, superposant en Invisible Songs le son direct et ses transformations captives, ses captations anamorphosées… Ce transformisme musical donnera lieu à un concert (le 13 mai) et à un ciné-concert (le 14 mai) sur le film Prisoner de Masao Adachi, avec guitare, platine, basse, ondes, sons et voix… à Montévidéo, bien sûr. Côté arts plastiques, le [Mac] profitera de cette interrogation sur la forme pour ressortir son fonds… si riche et peu visible habituellement. Alors à partir du 16 mai, le Musée d’Art Contemporain ouvre en grand tous les jours (sauf le lundi) et expose ses trésors, comme la machine à ballons de Tinguely faite de pièces de camions, des ready-made et des collages, les superpositions des affichistes, des compressions, et quelques détournements Fluxus… Le FRAC quant à lui expose à partir du 15 mai son deuxième volet consacré à Alice Anderson. Miroir-Miroir est construit autour de Barbe Bleue, le plus terrifiant des contes : en lieu de recyclage, une sombre Traversée des apparences, à rebours, qui renvoie vers l’enfance, l’âge où le corps se transforme et l’identité s’établit douloureusement… AGNÈS FRESCHEL Recycler c’est métamorphoser [Mac] 04 91 25 01 07 www.mairie-marseille.fr FRAC 04 91 91 27 55 www.fracpaca.org GRIM 04 91 04 69 59 www.grim-marseille.com L’opération Recycler c’est métamorphoser reçoit le soutien de Marseille-Provence 2013 Otomo Yoshihide © X-D.R États de danse En mai le Ballet National de Marseille convie ses spectateurs à trois événements successifs, qui affirment la plasticité de la danse aujourd’hui. Les Démonstrations de l’ENSDM, École Nationale Supérieure de Danse de Marseille désormais dirigée par Jean-Christophe Paré (voir Zibeline n°0) entrelaceront la mémoire de la danse (classique, traditionnelle, baroque) et ses divers prolongements actuels, ses traces dans les danses moderne, néoclassique et contemporaine (16 et 17 mai au Grand Studio du BNM). Pendant ce temps, à l’Opéra de Marseille, le BNM présentera un programme qui, en trois pièces lumineuses, affirme la vitalité de la danse dite «néoclassique» (et que l’on devrait qualifier de «contemporaine à technique classique», puisque la plus ancienne de ces pièces date de 1992). Le duo de Forsythe, incroyablement virtuose, est d’ailleurs la seule pièce véritablement néoclassique, interprétée magistralement par Julien Lestel et Agnès Lascombes. Tout y est étiré, performant, extrême, fondé sur des augmentations rythmiques, mais débarrassé des empesements, sourires figés, costumes et personnages de la danse classique : une épure abstraite fascinante. La pièce de Michel Kelemenis, Tattoo, est un petit quintet qui questionne les empreintes indélébiles de la danse classique : il oppose des mouvements fluides, en ruptures et en contacts, de ses interprètes, avec les pointes de danseuses qui ancrent, immobilisent et rigidifient les corps. Quant à Por vos muero de Nacho Duato, elle est à proprement parler néobaroque : une magnifique et festive explosion de couleurs, d’élans, de vitalité et de joie, sur de la musique baroque espagnole… Le troisième programme est la création de Frédéric Flamand, enfin à l’Opéra de Marseille (les 23 et 24 mai). Grâce aux costumes et aux décors de récupération des frères Campana (designers brésiliens) ; à la force des fables d’Ovide dont chaque persoNacho Duato © Agnes Mellon nnage a accédé au mythe ; à la pertinence des choix musicaux, qui font oublier ce que le bout à bout peut avoir d’insconstruit ; et surtout grâce au talent des danseurs du Ballet National qui impulsent une énergie constante, un rythme épuisant qui ne sacrifie pas à la perfection et à l’ampleur du mouvement, ces Métamorphoses constituent sans doute à ce jour la pièce la plus réussie de Flamand : résolument dansée, et singulièrement belle. A.F. Ballet National de Marseille 04 91 32 72 72 www.ballet-de-marseille.com 08 THÉÂTRE LENCHE | LA CITÉ | LES BERNARDINES Exquise esquisse © Cie La Cité Parce qu’il croit dur comme fer que «le théâtre n’est pas une marchandise», parce qu’il s’insurge contre le formatage imposé à la création, Michel André, lorsqu’il se lance dans l’élaboration d’un spectacle, prend le temps. Le temps nécessaire à l’émergence du texte et à sa maturation, le temps indispensable à un profond travail d’appropriation par les comédiens, le temps, essentiel lui aussi, de rencontres régulières avec le public. Son nouveau spectacle consacré à l’adolescence, dont la création aura lieu à l’automne prochain, aura demandé pas moins de deux ans d’enquêtes, d’interviews, de rencontres entre les 5 jeunes choisis et les comédiens chargés de les incarner, de tournages vidéo, de répétitions et d’échanges (voir Zibeline 6). C’est ainsi que Michel André conçoit la création : un travail au long cours, dans lequel on s’immerge totalement. Cet engagement, il l’a fait partager au public en présentant pour la deuxième fois l’esquisse du spectacle à venir. On a retrouvé avec plaisir Chloé, Nicolas, Belinda, Daouda, Marion et on a pu mesurer le chemin parcouru depuis juin dernier. Les cinq comédiens «tiennent» désormais leur personnage, à bras le corps, à bras les mots, dans une incarnation à la fois intime et décalée, qui a mûri, s’est affinée. À cette nouvelle étape, la vidéo a trouvé sa place. Certains passages ont disparu, d’autres sont nouveaux, ça bouge, même le texte n’est pas encore fixé. Alors, bien sûr, il reste des coupes à pratiquer, un rythme global à peaufiner, certains systématismes à casser. Normal, le travail est loin d’être fini. Et c’était justement le but de cette présentation : recueillir les réactions, les remarques des spectateurs, afin que l’œuvre avance aussi avec eux, dans un échange constant. Et tellement vivant. FRED ROBERT Nous ne nous étions jamais rencontrés a été présenté du 29 mars au 4 avril, dans le cadre des Rencontres autour des Écritures du Réel, au Théâtre de la Cité « La joie de jouer en personne » La ligne imaginaire, au football, c’est celle que doit visualiser le buteur pour parvenir à mettre le ballon dans les cages. Voici ce qu’on apprend, entre autres, au cours du superbe monologue de Serge Valletti, Monsieur Armand dit Garrincha. Et point n’est besoin d’être supporter pour apprécier toutes les feintes, passes et minutes d’émotion suspendue qu’offre le texte, splendide et hilarant de digressions, de ruptures, de tonitruant lyrisme. La ligne imaginaire, c’est aussi celle que Monsieur Armand tend, de derrière son comptoir, vers un auditoire de prétendus journalistes, de clients las de l’écouter plutôt. Fil d’une existence sublimée, qui l’éloigne de sa vie de raté et le métamorphose en héros salvateur. La scénographie simple et efficace d’Eric Louviot fait du théâtre une salle de café et du comptoir la scène sur laquelle chaque soir M.Armand rejoue sa vie, sa passion pour le foot, sa rencontre avec le célèbre ailier brésilien Garrincha. Chaque objet, du cendrier de bar mastoc à la bouteille de rhum-pied de lampe, tient sa place dans cette partie sans cesse remise en jeu, même (et surtout) si elle n’a jamais vraiment eu lieu. La mise en scène, futée, est dopée par Roland Peyron, qui EST Monsieur Armand. Ce comédien puissant et généreux vit le texte de Valletti, avec une intelligence profonde de son comique mais aussi de son rythme cassé et de ses interstices où se glisse le désespoir. Lorsqu’à la mitemps, il sort du rempart de son comptoir, en chaussures de sport, vieux jogging azur remonté jusqu’au nombril et gilet en lainage beigeasse, on est au cœur du propos : tout le monde s’esclaffe et en même temps quelle tristesse ! Une heure et demie de régal théâtral. F.R. Monsieur Armand dit Garrincha a été représenté à la Friche de Lenche du 1er au 5 avril En mai le théâtre de Lenche pratique l’ubiquité avec trois spectacles en même temps : L’Ascension du Paysage est un itinéraire théâtral de Marie-Christine Frézal qui ballade les spectateurs dans la mémoire littéraire du Panier (du 6 au 10 mai, mini Théâtre du Panier). En alternance, avant ou après cette proposition, la Cie Les Racines du Vent propose Entre deux rives, un conte musical de Stefanie James Monsieur Armand dit Garrincha © Kevin Louviot et Samuel Barr, pour adultes et adolescents, et toujours en liaison avec le quartier du Panier. Enfin du 13 au 31 mai, au Théâtre de Lenche lui-même, L’Égrégore créera le Métier de vivre d’après l’œuvre de Pavese… 09 Vive le cinéma © Arnaud Connan Pasolini a écrit en 1966 un article analysant deux programmes culturels : un feuilleton télévisé de Liliana Cavani consacré à St François d’Assise et un débat sur la liberté de l’écrivain... Marie-José Malis n’a pas obtenu l’autorisation de monter Contre la télévision ; elle a donc mis en scène de manière généreuse (trop) et foisonnante (trop) le manque et l’absence de l’œuvre en pleine conscience de la nature «spectrale» de tout plateau de théâtre ; elle y laisse donc entrer, dans l’espace obscur d’un hangar à brocante assiégé par une violente lumière extérieure, les fantômes fondateurs de la représentation, mêlant allégrement les figures (du père d’Hamlet aux Marx Brothers, en passant par les silhouettes des films de Pasolini ou des Straub) et les voix (de Jacques Lacan aux héroïnes agonisantes de l’opéra baroque, de Derrida aux commentateurs de la croissance économique) sous la houlette magique d’une fée quelque peu empêtrée dans ses voiles. Pasolini voulait dénoncer le «fascisme» télévisuel que l’on traduirait plutôt de nos jours par la notion attrape-tout de «vulgarité»… Marie-José Malis lance pesamment ses sept acteurs lestés de sa culture vertigineuse (et ses spectateurs captifs plutôt que captivés) dans un assaut désœuvré de 2h15 ; l’Ennui y est revendiqué comme esthétique du temps de la réflexion, et l’Idiotie comme seule condition d’approche d’un peu de vérité : ces ruses de mise en scène le disputent à une volonté de connivence, entre tragique et burlesque, avec le public, qui rit parfois de bon cœur et parfois reste médusé devant la lourdeur didactique revendiquée de certaines situations-rébus : le poisson plat qui tombe des cintres pile sur sa couche matérialise en effet l’irruption de la «raie alitée» ! On se prend alors à rêver du petit corbeau noir philosophe d’uccellacci e uccellini qui nous accompagnerait en sautillant tout au long du chemin... ou des sandales de SaintFrançois qui font le pied léger... MARIE JO DHÔ Enter the ghost a été créé à la Friche dans le cadre des Bernardines en escales du 18 au 20 mars Un chantier plein de charme...!! Comment mettre en scène un texte-chimère, médusant, échevelé, épouvantable et époustouflant, lourd de vingt-cinq personnages dont la reine Victoria et sa petite amie, de presque autant de lieux improbables, charriant des vivants et des morts, des frères siamois très singuliers, des flots de paroles (oui, il y a même des monologues comme au théâtre !) et, last but not least, la dernière pièce interdite en Grande Bretagne par décret royal en 1968 ?! La légèreté même ! Early Morning se nourrit goulûment des pièces de Shakespeare les plus sanglantes et on peut imaginer qu’Edward Bond a lu le jeune Claudel, les premières versions de La Ville ou de Tête d’Or... Le jeune Thomas Fourneau n’a pas cligné des yeux devant la démesure et a su malicieusement apprivoiser l’excès sans le détourner ni le contourner lâchement ; les sept acteurs jouent comme vingt-cinq, et Agnès Régolo avec une magnifique brutalité crève royalement le plateau ; un dispositif entre enfance de l’art et utilisation essentielle, sans coquetterie, de la vidéo donner à voir de manière drôle et émouvante un frère siamois encombrant comme la fatalité ; la mise en scène affiche son mauvais genre, entre tragédie burlesque et comédie musicale ; la rudesse frontale, poétique et juvénile, entre Grand Guignol et Opéra de Quat’Sous, libère le spectateur du questionnement parasite sur le sens ; on ne nous cache rien ; nous pouvons rire à gorge déployée ! Et c’est en chantier, autrement dit inachevé, en devenir, en fragilité, en équilibre instable... de quoi faire attendre avec impatience le mois de mai 2009 à la Minoterie !!! Retenons alors notre souffle jusqu’ à l’episode two M.JO D. Montage Thomas Fourneau Early Morning Episode one d’Edward Bond a été présenté par Les Bernardines en escale à Montévidéo, les 1er et 2 avril 10 THÉÂTRE MERLAN | MASSALIA | MINOTERIE | TOURSKY N’est pas monstre qui veut ! René Cojo s’est livré, avec sa Cie Ouvre le Chien, à une sorte d’inventaire sociologique des monstres, à travers les âges et les continents ; il a demandé à Daniel Keene, auteur australien, d’écrire un livret sur ce thème, et au groupe The married Monk de composer une musique rock. Le public du Merlan assista donc à une création qui se déclarait «opéra rock» mais ne présentait comme analogie avec l’opéra que l’alliance texte/musique, sans sa dramaturgie ou son rapport à la fiction : cela tenait autant du boniment de foire que des imprécations des donneurs de leçons. Dès le début, trois écrans en fond de scène diffusent une série d’images de monstres, commentées au micro par un présentateur d’émission de télé qui crie son texte sur fond de musique rock. Il évoque tour à tour celui qui avait été baptisé Élephant Man, la Femme à barbe qui avait le visage de son père, les frères siamois, l’homme à tête de chien, l’hermaphrodite... Parfois le texte est très beau, comme celui sur l’homme dont le frère jumeau avait grandi en lui comme un fœtus, mais il se noie dans la musique et les images des trois écrans vidéo, qui le brouillent plutôt qu’ils ne l’illustrent... Ce que l’on retient, c’est la fascination morbide que l’être humain a toujours éprouvée pour ce qui lui fait peur et, parallèlement, le point de vue de celui qui est humilié, montré du doigt et qui souffre. Cependant la réalisation est loin d’être à la hauteur de l’ambition du concept et l’ensemble, brouillon, tient davantage de l’exercice en cours d’élaboration que d’une création réellement aboutie. CHRIS BOURGUE Elephant people a été joué au Merlan les 27 et 28 mars © Philippe Charbonnière Attendre Pommerat Le Petit chaperon rouge © Hervé Bellamy Joël Pommerat est programmé à Marseille, deux fois, au Massalia et au Merlan ! Mais si vous ne vous hâtez pas de réserver vos places, il vous faudra attendre le prochain passage, en décembre. Ou aller à Avignon cet été. Ou au Revest, à la maison des Comoni, à la programmation jeune public très pertinente… À Cavaillon, où Je tremble devait être joué en avril, les représentations sont annulées… Au Merlan il n’y a que deux séances, et au Massalia Le Petit Chaperon Rouge n’est joué que deux fois hors des scolaires… Quel dommage quand on sait combien les Marseillais ont adoré Cet Enfant la saison dernière, et combien les Martégaux ont été bouleversé par Le Petit Chaperon Rouge, et attendent son Pinocchio fin mai ! Pour les quelques-uns qui auront la chance de la découvrir, l’écriture de Pommerat fait naître un des plus beaux univers dramatiques contemporains. L’auteur, qui «écrit» sa mise en scène dans le même geste que ses textes, c’est à dire en présence de ses comédiens, en sculptant l’espace sonore et lumineux, possède une véritable stratégie narrative : il mène le public où il veut, dans l’émotion de l’histoire, dans la peur, la compassion, la révolte, guidant le spectateur sans didactisme, en le laissant rêver l’histoire, grâce à des effets spéciaux lumineux et sonores qui introduisent une distance et une étrangeté, des ombres, des possibles narratifs qui passent… Le Petit Chaperon Rouge, particulièrement effrayant, magique aussi, parfait pour les enfants à partir de 6 ans (pas avant !), est un petit bijou de lecture à entrées multiples. Avec ou sans Bettelheim, et consorts, il reste bouleversant, car toutes les clefs psychanalytiques n’empêchent ni l’émotion ni la surprise… Je tremble, sa dernière création dont il ne nous offre que le premier volet (le dyptique sera créé à Avignon, et joué en décembre au Merlan, on l’espère assez longtemps !), est selon ses dires sa première pièce «sans histoire», avec des personnages fragmentaires, un maître de cérémonie, et une évocation de l’effroi… A.F. Le Petit Chaperon Rouge Joël Pommerat Théâtre Massalia, la Friche les 6 (20h) et 7 mai (15h) 04 95 04 95 70 www.lafriche.org/massalia Les Comoni, le Revest (83) le 13 mai 04 94 90 91 92 Je tremble (1) Joël Pommerat Scène Nationale de Cavaillon : annulé Le Merlan les 5 et 6 mai à 20h30 04 91 11 19 20 www.merlan.org 11 Au fond de Jarry gît… L’Armature de l’Absolu est un spectacle de marionnettes pas comme les autres. La Cie Buchinger’s Boot Marionettes fait preuve d’une invention peu commune, incessante, au style très affirmé, proprement cauchemardesque. Des créatures informes et viles y accouchent de petits monstres dévorateurs qui éclatent, se retournent, se mutilent, sont réduits en chair à saucisses… sans que tout cela ne relève d’un comique scatologique Artaud © X-D.R genre Schrek ; mais il s’agit bien de réveiller nos fantômes enfouis, les plus anciens, ceux du temps où le plaisir et la culpabilité tournaient autour de l’analité. Pour cela Alfred Jarry est convoqué, et son Ubu dégueulasse, mais aussi tous les chevaliers ridicules et créatures putrides qui traversent ses pièces. L’histoire se déroule suivant des tableaux de plus en plus monstrueux, plastiquement hallucinants, avec une manipulation à vue souvent virtuose, et une bande-son faite de nappes, de stries et d’humidité lourde, et de souvenirs musicaux héroïques déformés, triturés. Ubu, débarrassé de sa force comique, de sa vigueur satirique, se donne à voir dans toute son horreur : un surgissement de forces obscures, inhumaines, qui gît en nous pourtant et transparaît dans nos désirs les plus régressifs. À venir au Massalia L’hiver quatre chiens mordent mes mains et mes pieds Du 26 au 30 avril (voir Zibeline 6) L’anthologie du Théâtre d’objet Théâtre de Cuisine mes Christian Carrignon du 20 au 23 mai 04 95 04 95 70 www.lafriche.org/massalia Ubu © X-D.R A.F. L’Armature de l’Absolu a été programmé au Studio de La Friche par Massalia et l’Embobineuse les 21 et 22 mars Sous le signe de la lutte Cela va plutôt mieux à la Minoterie. Normalement, si tout se confirme et se fait dans les temps, l’équipe devrait emménager dans son nouveau théâtre, un peu plus loin, Place de la Méditerranée, avant d’être expulsée de sa belle minoterie de pierre (voir Zibeline n°1). Espérons que le changement de lieu ne bouleversera pas l’atmosphère et l’allant des minotiers, leur esprit ouvert, et l’accueil qu’ils réservent à tant de compagnies. En attendant, ils se lancent dans une vaste entreprise Brecht. Un triptyque qui commence par deux œuvres assez différentes dans le ton. La Noce chez les petits bourgeois est une pièce de jeunesse d’un auteur acerbe qui symbolise la fin d’un monde par un décor qui se déglingue et se paralyse. Encore expressionniste, écrite en 1918, la pièce est plus désespérée que militante : elle a la force du constat, et ses mots sont durs, manichéens parfois. Dans La Bonne âme de SeTchouan Brecht met en œuvre, au-delà du portrait d’une société provinciale enfermée dans un cercle de compromissions insécable, une fable amusante, dynamique, faussement exotique, où les dieux en goguette cherchent désespérément un humain à récompenser. Car tous sont aliénés, et c’est contre cela qu’il faut se battre, et non contre les seuls méchants bourgeois… Les deux pièces sont montées par une vraie troupe épique. Avec des Songs inédits composés par David Rueff, un trio sur scène, des comédiens qui chantent, dans l’esprit de Kurt Weill. Parce que la force politique de Brecht passe en grande partie dans les Songs, sortes d’adresses directes au public. Le Cabaret Brecht donné le 29 mars fut un exemple de cette convivialité militante. Un peu brouillonne, pour que chacun y entre mieux, à l’inverse de ces spectacles en papier glacé qui repoussent parfois la caresse. AGNÈS FRESCHEL Richard et les anars Après avoir triomphé dans La poésie crie au secours (voir pages 31 et 69), Richard Martin quitte un instant Léo Ferré mais reste en pays libertaire : il y défend son auteur fétiche, HenriFrédéric Blanc, son frère en révolte anarchiste. L’acteur avait déjà créé son monologue Réception du diable, un texte excessif, plein force vitale et de noirceur concomittantes, de désespoir face au monde, et d’envie paradoxale de vivre. Dans ce nouveau texte écrit pour lui Richard Martin incarnera un directeur d’hôpital psy-chiatrique, en proie à la fois à sa réalité technocratique et à ses propres mons-tres, ses fantasmes envahissants. A.F. La Révolte des fous Henri-Frédéric Blanc mes et jeu Richard Martin les 25 et 26 avril Triptyque Brecht La Minoterie du 22 avril au 17 mai La Bonne âme du Se-Tchouan le mardi à 19h La Noce chez les petits bourgeois le mercredi à 19h La Bonne âme du Se-Tchouan et La Noce chez les petits bourgeois les jeudi, vendredi et samedi à 20h 04.91.90.07.94 www.minoterie.org À venir au Toursky Bouvard et Pécuchet d’après Flaubert avec Guy Pion et Jean-Marie Pétiniot les 29 et 30 avril Festival Mai-diterranée Du 2 au 17 mai La nuit du conte Saïdou Abatcha, Abdoulaye Diop Dany le 6 mai Concerts : voir page 37 Festival Flamenco du 20 au 24 mai (voir page 34) Théâtre Toursky 0 820 300 033 www.toursky.org 12 THÉÂTRE GYMNASE | CRIÉE Les corps à l’œuvre Luc Bondy a présenté au Gymnase un Marivaux épatant… Luc Bondy © David Baltzer / ZENIT Marivaux est surtout délicieux par sa langue ; la finesse de ses analyses psychologique, sociologique, philosophique aussi, transparaissent à travers les échanges verbaux, et souvent à l’insu des personnages, comme des surgissements d’inconscient. Ainsi dans La Seconde Surprise de l’amour le philosophe est-il discrédité par son langage amphigourique (tout autant que par son attitude vénale), le comte par sa syntaxe surannée, tandis que les serviteurs, malgré quelques tournures grossières, sont sauvés par leur franc-parler… Quant aux personnages principaux, modernes dans leurs références comme dans leurs tournures, ils emploient cependant le langage comme un masque de leurs sentiments… Ainsi, souvent, l’intelligence d’une mise en scène de Marivaux, ou de tout théâtre de langue, consiste essentiellement à comprendre les finesses du texte, et à diriger les comédiens pour qu’ils les fassent entendre… Luc Bondy les fait voir dans les corps : rarement un Marivaux a été aussi visuel. Le serviteur fait le fier-à-bras à vélo, la veuve se mouche, s’emberlificote, la servante est une pile électrique au rire et à l’énergie naturelle, et le chevalier… est extraordinaire. Il faut dire que Micha Lescot est un comédien peu commun : immense par la taille, il est habillé d’un costume trop court, étriqué, qui l’engonce et dont il joue avec une maladresse hilarante. Il suffit qu’il penche la tête, qu’il entre le bout du pied en dedans, et toute la timidité, le malaise amoureux, la honte de s’y laisser prendre, éclatent à nos yeux. Le traitement de l’espace est, quant à lui, symbolique de l’évolution de l’ordre social : les serviteurs sont en bas, les maîtres sur une scène rehaussée, et leurs deux maisons se rapprochent jusqu’à s’épouser, s’imbriquer ; quant au philosophe il passe de l’espace des serviteurs à celui des maîtres, jusqu’à être expulsé de la scène, dans le parterre… Le Happy End prend donc un goût particulièrement amer. Car ce n’est pas la vérité du cœur qui l’emporterait sur des préjugés ou des promesses inconséquentes : si les amoureux se sont débarrassés de leurs masques langagiers, ils n’ont obéi qu’à leur désir inconscient, à leurs corps. Seront-ils heureux ? AGNÈS FRESCHEL La Seconde surprise de l’amour a été jouée au Gymnase du 31 mars au 5 avril À venir au Gymnase La Cantatrice Chauve Eugène Ionesco mes Daniel Benoin jusqu’au 29 avril La première pièce de Ionesco : cette parodie de théâtre bourgeois naturaliste dit tout l’étonnement de l’auteur devant l’absurdité des conversations, et les fonctions référentielle et phatique du langage. Aujourd’hui les dialogues des sitcoms sonnent parfois aussi pauvrement que ceux de ce couple qui ne se reconnaît pas. Mais les dialoguistes ne font pas exprès ! Débats 74-81 : Giscard et Mitterrand Jacques Weber a eu une drôle d’idée : faire de dialogues véritables, qui ont eu lieu, un spectacle de théâtre. Il faut dire que les débats entre les deux hommes étaient presque de la fiction, tant ils furent mis en scène. Mais incarner Mitterrand et Giscard, même quand on est Jean-François Balmer ou Jacques Weber, est une drôle de gageure… Que nous apprennent ces débats aujourd’hui, à l’heure où toute pensée politique semble pétrifiée, et où tout débat paraît misérable ? du 13 au 17 mai Confidences trop intimes (voir page16) du 23 au 31 mai Théâtre du Gymnase 0 820 000 422 www.lestheatres.net Petit manuel pratique de communisme de dialectique historique, et de distanciation brechtienne On en avait presque oublié que Brecht était un théoricien. Qu’il défendait un théâtre épique, propre à soulever les foules et à convertir le spectateur en s’adressant à son intelligence, en lui permettant de comprendre l’économie du monde, et le marxisme. Le retour en force de Brecht sur nos scènes s’accompagne rarement de tout son attirail théorique (pancartes, songs, adresses explicatives au public, refus de l’identification, mise à distance de l’émotion, analogies ironiques avec les mythes chrétiens…) : il faut dire que le texte brechtien est souvent plus émouvant que ne le laissent entendre ses écrits théoriques… et qu’il semble aujourd’hui un peu absurde de vouloir convaincre en refusant l’émotion que suscite l’identification. Jean-Louis Benoit, avec La Mère, a choisi la plus édifiante des pièces de Brecht. Écrite d’après Gorki, romancier bolchevique officiel jusqu’à son assassinat du temps de (par ?) Staline. Le metteur en scène monte la pièce avec une fidélité absolue à la doxa brechtienne : cela tient presque de la reconstitution, avec les songs d’Eisler en allemand, un chœur de jeunes comédiens (remarquables) qui chantent (remarquablement), les noms des lieux marqués à la craie et la description objective, tableau par tableau, de l’éveil d’une conscience révolutionnaire, jusqu’en 1917. Et le résultat est édifiant. Il prouve que non seulement Brecht était un dramaturge génial, mais aussi que ses théories étaient en adéquation avec son propos politique. La Mère donne envie de lutter contre l’aliénation, éveille la conscience de classe, dynamite la religion, interdit l’ignorance, fustige la soumission. Et, en plus, le spectacle étant réglé au millimètre, procure un vrai plaisir esthétique… La Mère a été jouée à la Criée du 13 au 30 mars À venir à la Criée Le Nom sur le bout de la langue Pascal Quignard mes Marie Vialle jusqu’au 26 avril 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com Le Nom sur le bout de la langue © Thierry Chassepoux 13 Douce France Cher pays de mon errance Traverser la mer Les déplacés © X-D.R Nacer Belhaoues a mis en scène avec beaucoup de sensibilité et de compassion une histoire particulièrement douloureuse écrite par Xavier Durringer. Celle d’une femme, mais aussi d’un voisin, d’un copain de classe, de l’épicier du coin… venus il y a bien longtemps dans ce pays dont ils ont tant espéré qu’il serait leur terre d’accueil. Arabe, marocain, musulman, berbère, tunisien, touareg, palestinien, kabyle, chrétien, algérien… Qui sont-ils ? «On n’y comprend rien !» D’ailleurs, leur migration c’est une histoire dont il ne faut pas se souvenir, une histoire indigne des livres d’Histoire et des programmes scolaires. Dans un décor épuré, à l’image de la solitude et de la décrépitude, des personnages très convaincants (et franchement marqués par nos stéréotypes) parlent de leur quotidien, de leur espoir vaincu, de leur errance. Mais ils se remémorent aussi les faits, les paroles, les expressions odieuses qu’on leur a adressées. Tout ce qui est raconté est d’une cruelle proximité. Bien que le sujet soit pesant, dérangeant, militant, le spectacle reste divertissant (mais surtout pas léger !), parce qu’il est parsemé de pointes d’humour absolument irrésistibles agissant là comme des respirations nécessaires. Mais ces interludes burlesques et grinçants n’ont d’autre objectif que de faciliter une prise de conscience, sûre et en douceur. Pour que chacun se souvienne ! À vocation «Urbaine», la cie Organik2 se propose d’être l’interface, le lien social entre les femmes et les hommes, en prise directe avec l’actualité et la réalité d’un quotidien anxiogène. Un pari réussi à en juger d’après le succès de la pièce. CLARISSE GUICHARD Les Déplacés par le Théâtre Urbain, Organik2, a été joué les 3 et 4 avril 2008 au Daki Ling À venir au Daki Ling Britannicus Racine Cie Alzahr mes Jeanne Poitevin les 30 avril et 1er mai Tendance clown (voir page 22) 04 91 33 45 14 www.dakiling.com La Cie l’Orpheline est une épine dans le pied est arrivée au terme de sa création. Une étape de travail, déjà fort accomplie, avait été montrée au public en novembre (voir Zibeline 2) : il s’agissait d’une exposition théâtrale, dans laquelle on déambulait comme dans un espace muséal, entre des cabas à carreaux, ces grands sacs colorés que les immigrés bourrent de présents pour leur proches, lorsqu’ils partent passer leurs vacances en Algérie. Car Oui ou non avons-nous traversé la mer est un spectacle documentaire, fondé sur des vidéos, des récits, des témoignages, des questions simples posées à des immigrés attendant le ferry, des textes complexes sur l’identité et l’intégration, des choses intimes mêlées à des choses publiques, des faits, des émotions, des fictions… Le tout formant une mosaïque qui questionne intelligemment un problème sociologique, mais aussi la forme théâtrale… AGNÈS FRESCHEL ©X-D.R Oui ou non avons-nous traversé la mer Écriture et mise en scène Julie Kretzschmar et Guillaume Quiquerez Du 13 au 15 mai Les Bancs Publics 04 91 64 60 00 http://lesbancspublics.com Comédie philosophique C’est dans une atmosphère chaleureuse qu’a été accueillie la première pièce de Michel Dossetto, le 4 avril, au Théâtre de la Criée. Une création parrainée par la toute nouvelle Fondation Didier Parakian Devant un parterre garni d’éminentes statures ayant joué les têtes de listes aux récentes municipales phocéennes, le styliste Didier Parakian a annoncé son programme de soutien aux créateurs locaux, ainsi que la représentation théâtrale du jour : Le parallélisme des formes de Michel Dossetto. L’auteur, un avocat marseillais doté d’une belle plume et de réels talents de dramaturge, a imaginé une comédie philosophique narrant la remise en question intérieure d’un chef d’entreprise (Philippe Levy), archétype de l’homme moderne débordé, sportif en pleine réussite sociale… Un revirement provoqué par l’irruption fantastique, à son domicile, de son propre double (Fabrice Letertre Hamelin), alter ego égaré d’un temps parallèle ! Au fil d’un dialogue initiatique et didactique, les certitudes fondent et l’homme prend conscience de la vacuité de son existence… Aux sentences de l’intrus sur «l’Idée de Dieu», la nécessité d’acquérir une conscience personnelle ou «la mémoire des générations passées», le héros répondra, au final, pitoyablement abandonné par son dernier ami, par un appel expiatoire à la femme aimante (Claire Deffilippi) qu’il ne voyait pas… Au-delà d’un ancrage contemporain, de questionnements sur le déterminisme ou la liberté de l’individu face à son destin, la pièce prend la forme séduisante d’un dialogue philosophique hérité des Lumières, le tout mâtiné du thème romantique du double. L’auteur ménage une progression dramatique captivante, un élan émotionnel soutenu par l’habile mise en scène de JeanMarc De Cesare (Théâtre du Millénaire) et les décors épurés de René Bonnal. JACQUES FRESCHEL Le parallélisme des formes est repris au Théâtre du Têtard les 2 et 3 mai à 20h30 et le 4 mai à 15h. 04 91 47 39 93 / www.letetard.com © Stéfan Hoareau 14 THÉÂTRE AIX | VITEZ | ATELIERS | JEU DE PAUME Fuerza Sicilia Il est encore des endroits où le théâtre s’offre en toute simplicité. Les tickets dans un petit hall bondé, les toilettes au fond d’un dédale de couloirs, la pause repas dans une salle de classe : l’accueil du Vitez est loin du protocole. Ici, c’est le plateau qui prime. Et quel plateau ! TG Stan ne jure que par ce petit théâtre niché au sein de l’Université d’Aix et c’est là qu’on retrouve régulièrement Emma Dante. Après mPalermu et Carnezzeria, l’auteur et metteur en scène revient nous hanter avec sa Sicile, singulière et universelle. Elle s’attaque cette fois aux liens du sang, aux relations père-mère-enfants qu’elle dénude jusqu’à la chair. Et si dans Vita Mia, la douleur d’une mère confrontée à la mort d’un de ses fils nous touche sans nous retourner les tripes, c’est parce qu’elle fait suite à une véritable bombe : Mishelle di Sant’Oliva. Un portrait d’amour monstre, qui met en scène un père et son fils, en peine d’une même femme. Le soir venu, pour faire bouillir la marmite, le fils arpente les trottoirs de la ville tandis que son père demeure prostré, refusant de renoncer au passé, à la fierté qu’il avait d’avoir à son bras la plus belle femme du quartier. La désertion de l’infortunée et la conduite de son fils le plongent dans la honte et la colère. Pourtant, l’amour est là. Maniant l’excès comme la retenue, Emma Dante le laisse s’échapper entre deux solitudes, deux amertumes, deux acteurs qui se donnent corps et âme. En une petite heure de temps qui se prolonge longtemps. LAURENCE PEREZ Faire taire le clown La création d’Alain Simon était risquée : confier Paysage après la Bataille, un texte d’Heiner Müler d’une noirceur sans pareille, pouvait sembler incongru, voir déplacé. C’est justement ce déplacement qui faisait le spectacle : Felix Tampon, aux prises avec ce texte à dire, et le portrait lugubre de l’auteur, met en scène sa propre difficulté devant la violence, et les sinuosités, du monologue. En se dérobant d’abord, puis en s’arrêtant aux portes de l’émotion par divers subterfuges. Et en y plongeant enfin, magistralement, parce que ce texte emporte tout quand on s’y laisse prendre. Et que les mille refus, précautions, questionnements qu’il avait posés entre lui et l’œuvre comme autant de remparts donnent, quand ils s’écroulent, un peu plus de poids aux mots. Par contraste, et ricochet. © Alain Simon Paysage après la Bataille a été créé au Théâtre des ateliers du 25 mars au 2 avril AGNÈS FRESCHEL Vita Mia @ Giuseppe di Stefano Mishelle di Santo’Oliva et Vita Mia ont été présentés les 31 mars et 1er avril au Théâtre Antoine Vitez, en partenariat avec les ATP d’Aix-en-Provence À venir au Théâtre Vitez Drame sentimental d’après La maman et la putain de Jean Eustache mes Sylvie Boutley du 22 au 26 avril Les illusions vagues d’après La Mouette de Tchekhov mes Olivier Coulon-Jablonka le 14 mai 04 42 59 94 37 Bonimentez avec eux Les Bonimenteurs reviennent dans la région pour trois soirées imprévues : le duo vient filmer son spectacle à Aix-enProvence, dans l’écrin du Jeu de Paume. L’occasion pour les deux comédiens de retrouver un public dont ils aiment le rire, pour cet enregistrement public (tarif unique à 15 euros) d’un DVD qui sortira en décembre, avant son passage au Casino de Paris. Car pour Marco et Ducci le public est un partenaire indispensable : leur art est fondé sur l’improvisation à partir de thèmes donnés par les spectateurs, et tirés d’un chapeau… Le spectacle aborde sa 800e représentation et le succès ne se dément pas. Car les Bonimenteurs mentent, bonimentent, improvisent, avec un talent de comédiens que peu de comiques possèdent, et une inventivité gestuelle et verbale peu commune ! A.F. Les Bonimenteurs Théâtre du Jeu de Paume, Aix du 19 au 21 mai 0820 000 422 © Gilles Lespagnol Chanter Aragon Depuis quatre ans Théâtre et chanson programme… du théâtre qui se chante. Et Isabelle Bloch-Delahaie, directrice du lieu, consacre un spectacle à Aragon. Quel poète a, plus que lui, inspiré les chanteurs «à textes» ? Mais Défense d’infini ou Voyage en Aragon n’est pas un récital : c’est un spectacle qui retrace l’évolution d’Aragon à travers ses textes, en s’attachant à faire découvrir les aspects les moins connus de l’œuvre. Et en interrogeant le surréalisme dans ses fondements historiques, et cette notion d’amour fou, douloureux, qui parcourt toute l’œuvre. Et les arrangements d’Anne Gastine pour violoncelle et piano donnent aux chansons de Ferré, Ferrat et Léonardi une couleur particulière… A.F. Défense d’infini ou Voyage en Aragon Du 16 au 18 mai Théâtre et Chanson (voir programmation page 39) 04 42 27 37 39 www.theatre-et-chansons.com CHÂTEAUVALLON | AUBAGNE | GARDANNE THÉÂTRE 15 Mali soit Aubagne Qu’est-ce que le Kotéba ? En pays bambara, au Mali, ça se traduit littéralement par «le grand escargot». Initialement, des danseurs évoluaient autour de percussionnistes qui tournaient en sens inverse, dans un mouvement de spirales évoquant la coquille de l’animal. Une fois les danses exécutées, jusqu’à l’épuisement, c’est au théâtre de s’installer : des saynètes satiriques, proches de la farce, évoquent alors la vie de chacun, dénonçant, par le rire, les dysfonctionnements du village. La compagnie BlonBa, basée à Bamako, propose depuis sa création en 1998 un Kotéba urbain, ouvert à la création contemporaine. Le Comœdia programme trois de leurs spectacles, dans une belle unité théâtrale. Personnage principal des deux premiers, Bougouniéré est une jeune bamakoise qui, dans Le Retour de Bougouniéré (du 13 au 16 mai), est devenue riche en France grâce au jeu du Millionnaire et décide de revenir chez elle. Difficile acclimatation dans un pays en perpétuelles mutations ! Dans la suite, Bougouniéré invite à dîner (donné quelques jours avant, le 7 mai), la jeune femme dirige désormais une ONG humanitaire et passe sont temps à chercher des subventions ; un bailleur venu des pays riches est attendu à dîner tandis qu’elle commence à cuisiner… Enfin, dans Le Kotéba des quartiers (le 17 mai), BlonBa met en scène les rapports Nord-Sud, Europe-Afrique par le biais d’une idée originale : à la demande d’un directeur de théâtre français, la troupe doit créer un spectacle inspiré du Kotéba, en observant les modes de vie des habitants du quartier en question. Mais quel regard porter sur la vie des Français lorsque les visas sont impossibles à avoir ? La pièce va alors se monter à distance… SARA LYNCH Quelle Médée es-tu? © X-D.R Bougouniéré invite à dîner le 7 mai Le Retour de Bougouniéré du 13 au 16 mai Le Kotéba des quartiers le 17 mai Cie BlonBa Théâtre Comœdia, Aubagne 04 42 18 19 88 Le cinéma 3 Casino de Gardanne accueille la nouvelle création du Théâtre de la Mer. La compagnie d’Akel Akian est familière des croisements entre la mémoire littéraire, dramatique ou mythologique, et la vie quotidienne contemporaine, avec ses tragédies banales et ses dénouements jamais définitifs. Le Théâtre de la Mer est une des rares structures qui travaille depuis plusieurs dizaines d’années dans les quartiers «difficiles», les collèges «sensibles», non pour y faire du social mais pour y recueillir de la parole et créer ses spectacles en se nourrissant de cette matière. Tout en apportant le théâtre au cœur des cités. Cette fois-ci Frédérique Wolf-Michaux, metteur en scène de la Cie, a travaillé autour du mythe de Médée l’abandonnée, la sorcière, l’infanticide. À partir de Sénèque et Euripide, bien sûr, et Anouilh, mais aussi à partir d’une analyse des maternités douloureuses, et de douleurs des couples qui se trahissent et se brisent. Car si Médée a commis l’innommable, le crime suprême, impardonnable, sa nature de monstre nous interroge toujours, et sa douleur de femme, et l’inconséquence de Jason. Et l’étrange sentiment, déviant, que les corps que l’on met au monde nous appartiennent encore un peu ? AGNÈS FRESCHEL Medée vertiges mes Frédérique Wolf-Michaux Cinéma 3 Casino, Gardanne 04 42 65 77 00 www.ville-gardanne.fr/-Spectacles-et-cinema Résistances Contraints à un exil forcé dans une Allemagne ravagée par le nazisme, Kalle, l’ouvrier métallurgiste, et Ziffel, le physicien vont faire connaissance dans une gare. De cette contrainte va naître une parole libératrice, politique, un besoin vital Le jour où Nina SImone a cessé de chanter © Marc Esposito d’émancipation qui passera par le dialogue, par le rejet d’un quelconque asservissement. Valentin Rossier, qui signe la mise en scène de ces Dialogues d’exilés de Brecht, joue ce face-à-face incisif avec Jean-Quentin Châtelain. Darina al-Joundi est libanaise, elle est aussi comédienne. Elle a connu la guerre civile, l’a vécue à Beyrouth, adolescente. Élevée par ses parents (lui écrivain syrien en exil, elle libanaise chiite) dans le culte de la liberté absolue, Darina devient une insoumise, refusant toutes les règles sociales et religieuses qu’une jeune fille libanaise se doit de suivre. La liberté a un prix, mais que doit-on payer lorsqu’on ne veut pas négocier une valeur aussi fondamentale ? Seule en scène, Darina al-Joundi joue, ou devrait-on dire revit, le cauchemar que fut cette vie, criant sur scène son amour indéfectible de la liberté, arme absolue et pourtant si fragile. Le jour où Nina Simone a cessé de chanter est son histoire. Le 11 septembre 2001, Israël Horovitz était à New York, son fils aussi, dans une école proche du World Trade Center. Trois semaines après les attentats il écrit Trois semaines après le paradis, texte poignant qui témoigne de son affolement et de sa détresse, de son questionnement aussi sur le devenir du monde dans lequel on vit. Ladislas Chollat le met en scène, Daniel San Pedro le porte, seul sur scène. S.L. Dialogues d’exilés Bertolt Brecht le 16 mai Le jour où Nina Simone a cessé de chanter Darina al-Joundi les 23 et 24 mai à21h30 Trois semaines après le paradis mes Ladislas Chollat les 23 et 24 mai à 19h30 Châteauvallon 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com 16 THÉÂTRE ISTRES | MIRAMAS L’hiver est froid Le conte d’hiver est l’avant dernière pièce de Shakespeare, un drame qui se transforme en conte à mesure que le temps fait son œuvre, une tragi-comédie qui évoque tout à la fois la folie, la transmission et la rédemption. Venu passer quelques jours à la cour de Sicile chez son ami d’enfance le roi Léontes, Polixènes, roi de Bohème, se trouve être au cœur de la folie passionnelle et destructrice de son ami qui l’accuse d’avoir une relation avec sa femme Hermione. Aveugle et fou, Léontes ordonne à ses serviteurs Camillo et Antigonus de faire tuer Hermione, son jeune fils Mamilius, et fait exiler Perdita, sa fille encore au berceau. Cette dernière en réchappera et sera recueillie par un vieux berger… Seize ans plus tard, ses nobles origines seront dévoilées au cours des fêtes de la tonte des moutons et une fin heureuse viendra couronner l’histoire. Mais que le temps fût long… Par sa mise en scène épurée, dématérialisée, Jacques Osinski ne donne guère le choix aux acteurs qui se doivent d’être excellents. Or les voilà, débitant leur texte comme si l’ennui les avait déjà gagnés, solennels, rigides et empesés, comme prisonniers de ces décors nus et froids qui empêchent toute chaleur dans le jeu. À l’exception toutefois d’Aline Le Berre (troublante Pauline) et Baptiste Roussillon (Antigonus). L’esthétisme visuel prend le dessus, et l’incrustation vidéo ne sauvera pas non plus les fêtes censées célébrées l’amour du prince et de la bergère. Où sont passés les accents furieux des vers shakespeariens, les émotions, et la fantaisie féerique d’une fin surnaturelle ? SARA LYNCH À venir à l’Olivier Omar Porras est un des metteurs en scène actuels les plus talentueux. Sa troupe possède une énergie et un talent inimitables, fondés sur la maîtrise de techniques de jeux très diverses. Ils savent tout faire, depuis l’acrobatie jusqu’au chant polyphonique, en passant par toutes les techniques de masque, de clown, de commedia… sans jamais oublier l’émotion en coulisses. Maître Puntila et son Valet Matti va à la troupe comme un gant : le propos et la forme brechtiens sont réactivés par ce théâtre fait de la rencontre de traditions théâtrales populaires de tous les continents. Le spectacle est un vrai bonheur, et la force politique de Brecht ne perd pas un volt à ce ravalage de façade insensé. Et la fable redémarre : il était une fois, dans les contrées finlandaises au temps où Hitler guettait aux portes, un Maître aux deux visages, et un Valet qui ne se laissait pas aliéner… Maître Puntila et son valet Matti les 6 et 7 mai Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 Également : Didier Bezace a monté deux pièces géniales de Dario Fo et Franca Rame. Deux monologues féminins décapants, hilarants, révoltés et si justes. Il a confié ces rôles écrasants à Ariane Ascaride, qui n’a pas, sur scène, le charisme qu’elle a sur les écrans. Les textes y perdent en force. Dommage. Douce satire © Edwige Bertaudon Le docteur Knock débarque en ville après avoir acheté à son prédécesseur, le docteur Parpalaid, son cabinet et la clientèle, inexistante, qui va avec. Les gens ne sont pas malades ? Qu’à cela ne tienne, au nom de «l’intérêt supérieur de la médecine» il saura trouver les mots (et les maux) pour les convaincre de venir se faire soigner sans tarder, pour développer son commerce et s’enrichir rapidement. La troupe du Théâtre du Kronope, comme à son habitude, est masquée et costumée, donnant à cette satire sociale savoureuse une certaine couleur, entre commedia dell’arte et personnages à la Daumier, aux traits forcés, qui font sourire. Du décor ingénieux aux multiples fonctions dont tous utilisent les portes, trappes et secrets, à la musique tonitruante et efficace, en passant par le jeu très physique (un peu trop parfois ?) des acteurs, l’univers satirique de la pièce de Jules Romain s’en trouve agréablement revisité. S.L. Le Conte d’hiver a été joué le 29 mars au Théâtre de l’Olivier à Istres et sera le 6 mai, à 20h30 à Draguignan La Maman Bohème / Médée les 20 et 21mai 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr et également les 29 et 30 avril à Draguignan Knock a été joué par le Théâtre du Kronope le 1er avril au théâtre de la Colonne, Miramas Maître Puntila et son valet Matti © Marc Vanappelghem À venir à la Colonne Patrice Leconte met en scène non Sandrine Bonnaire et Fabrice Luchini, interprètes de son film du même nom, mais Christophe Malavoy et Florence Darel, pour une histoire de psy qui n’en est pas un. Une pièce qui fait croire aux analysés qu’on peut tomber impunément amoureux de son psy, et au spectateur de théâtre que les scènes subventionnées ont pour fonction de faire voir le ciné pour de vrai. On conseille aux Miramasséens d’attendre Archie Shepp le 16 mai, ou d’aller jusqu’à Istres voir Omar Porras… Confidences trop intimes le 30 avril 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr GAP | ARLES | FOS THÉÂTRE 17 Leçon de ténèbres Bon. C’est un des spectacles les plus bouleversants qu’il m’ait été donné de voir ces dernières années. C’était dans un collège des quartiers nords de Marseille, une tournée organisée par le théâtre Massalia dans les établissements scolaires du département 13. La représentation s’annonçait houleuse, les classes de troisième venaient dans leur amphi avec l’évident désir de faire sauter les cours de l’après-midi, plutôt que d’assister à un moment de théâtre. Ils furent les premiers surpris. Le texte de Jan Guillou (La Fabrique de violence, ed. Agone) est magnifique, il nous fait entrer dans la conscience d’Erik, un garçon de 14 ans battu par son père, et qui devient à son tour, face à la brutalité de ses camarades de pension, hyper violent. Le récit est poignant, écrit à la première personne, et il donne des clefs pour sortir du cercle des coups, pour s’en débarrasser et s’y soustraire sans céder à la volonté de puissance de l’autre. Sans s’aliéner. Le travail théâtral de Christophe Caustier, mis en scène par Tiina Kaartama, est d’une justesse et d’une retenue exceptionnelles. Il incarne Erik, ses replis, ses surgissements de violence, ses douleurs, avec évidence. Seul sur scène il porte en lui un poids immense, douloureux, que les adolescents enfermés dans leurs relations sociales agressives ressentent visiblement jusque dans leurs tripes. À côté de moi les petits durs tremblaient, blêmes, bouleversés. Un spectacle à prescrire partout où les jeunes s’enferment dans la spirale des coups donnés ou reçus, et des absurdes intimidations. © X-D.R AGNÈS FRESCHEL La Fabrique de violence Jan Guillou mes Tiina Kaartama le 25 avril, 19h La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 Fos à surprise Classique parmi les classiques, Les Fourberies de Scapin font régulièrement l’objet de nouvelles mises en scène. C’est le cas de celle de Arnaud Denis, qui, avec la jeune troupe des Compagnons de la Chimère, propose de bouleverser les règles du genre en faisant du valet Scapin un jeune homme d’une vingtaine d’années, pour autant pas du tout dépourvu de désinvolture, d’insolence et d’inventivité. Le jeune metteur en scène endosse d’ailleurs le rôle de Scapin, menant à un train d’enfer cette comédie satirique indémodable. Puis, pour fêter la fin de la saison culturelle, le Théâtre de Fos propose Jacques a dit… tous au théâtre, une semaine durant laquelle théâtre forain (Les puces savantes feront leur numéro !), théâtre d’objets, chanson et cinéma (Petites éclosions, 3 courts métrages d’animation) animeront les lieux. Ce sera aussi l’occasion de rendre hommage à Guignol qui, à 200 ans, est toujours et encore d’actualité. Au programme : Le déménagement fantastique de Gui Baldet, adaptation enlevée et contemporaine de la pièce écrite en 1820 par Laurent Mourguet ; une conférence animée par Stéphanie Lefort qui fera le point sur les multiples évolution de la marionnette ; et une exposition organisée par Gui Baldet lui-même, avec documents d’archives, photos et différentes versions de la célèbre marionnette. S.L. Le déménagement fantastique © X-D.R Les Fourberies de Scapin mes Arnaud Denis le 26 avril Jacques a dit… tous au théâtre du 19 au 25 mai Théâtre de Fos-sur-Mer 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr Fin de saison Au théâtre d’Arles, la saison se termine en beauté avec Fin de partie, la pièce de Beckett mise en scène par Bernard Levy. Avec, pour ce faire, le respect absolu des indications scéniques de l’auteur, des didascalies qui représentent le tiers du texte. Dans un décor minimaliste, deux personnages, un paralytique aveugle cloué sur son fauteuil (Hamm) et son domestique, debout, forcément prêt à satisfaire ses moindres lubies (Clov). Dans deux poubelles, les parents de ce dernier finissent leur vie. Insituables et insitués, les personnages de Beckett peuvent disserter à loisir de l’attente, de la mort, de la fin, du manque de communication, de la déchéance… mais avec jubilation, délectation même, tant les mots, chez le dramaturge irlandais, transforment les paroles proférées en un «espace mental où le langage crée une multiplicité de sens, où chaque mot, chaque réplique sont à considérer comme des éclats poétiques (…)» explique le metteur en scène. Avec, en prime, une interprétation remarquable de la part des quatre comédiens. S.L. Fin de partie mes Bernard Levy les 29 et 30 avril 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com 18 DANSE AIX : PAVILLON NOIR | GTP | 3BIS F | PERTUIS La chair sous le métal Le Sacre au Grand Théâtre ! La nouvelle promotion de la formation DANCE ne manque pas de talent ! Basés dorénavant entièrement à Dresden, les 23 stagiaires européens sont formés conjointement par Forsythe, Wayne Mac Gregor, Frédéric Flamand et Angelin Preljocaj ! Ainsi, après avoir dansé au musée du Louvre quelques Métamorphoses avec les danseurs du BNM (voir page 7), ils ont recréé À nos héros, une pièce de 1986 dans laquelle Preljocaj mettait en scène une glaçante esthétique inspirée du réalisme soviétique. Plus de 20 ans après les Ne ratez pas Le Sacre de Josette Baïz ! Nous en avons déjà parlé dans nos colonnes (voir Zibeline n°4 et 6) et nous ne saurions trop insister ! Pour ceux, donc, qui n’ont pas pu se rendre à Martigues voici une occasion exceptionnelle de découvrir Le Sacre dansé par les adolescents du groupe Grenade. Sur la très furieuse musique de Stravinsky qui inspire tant les chorégraphes, les quinze jeunes danseurs se jaugent, se mesurent, s’affrontent, se séduisent avec toute la vigueur et l’énergie vitale de leur âge ! Rappelons que Josette Baïz enseigne la © X-D.R jeunes interprètes ont su retrouver toute la mécanique froide des unissons, et devenir les rouages d’une machine mise en branle par les nappes sonores métalliques de Marc Khanne… auxquelles vient s’opposer le lyrisme de Katchatourian, qui entraîne les corps dans des soli où la sensualité les gagne, s’opposant au gris froid du décor… Un classique, dont les jeunes gens ont su s’emparer avec brio. A.F. À nos héros a été dansé au Pavillon Noir du 19 au 21 mars danse contemporaine à Aix depuis 1978 : c’est bien la moindre des choses qu’elle y soit programmée et que le Grand Théâtre, après le Pavillon Noir, lui ouvre ses vastes portes ! CHRIS BOURGUE Le Sacre Groupe Grenade le 28 avril 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net © Léo Ballani Genèse à vue Visez le titre! Regardez comme il vient de loin : des confins de l’alphabet de la Liseuse dont il est la 18e étape ; il traîne un peu les pieds, et un instant on se demande si l’ampoule dont il est question ne serait pas l’angoissante compagne de l’usure des souliers (chez ces gens-là la facétie n’est jamais loin ...). Et la lenteur calculée de l’approche du cœur du sujet par chacun des danseurs, les tentatives esquissées pour apprivoiser un plateau rempli d’embûches et de fantômes endormis font craindre un instant une grande fatigue... Que nenni ! La jeunesse pointe alors son nez dans un solo ranimé (Question de Goûts, voir Zibeline n°2) en six figures plus une qui ne vont cesser de prendre la mesure et le temps, d’arpenter et de construire un petit © Agnès Mellon monde de 65 minutes : le nouvel opus d’Appaix, ouvert aux quatre vents cardinaux du geste, de la parole, de la musique et de la couleur ; les planches deviennent scène par la magie des ren-contres ingénues, et sous le regard jaloux des spectres du ratage de plus en plus dépités... Les corps qui s’ignoraient se touchent et font se lever la danse, les énergies prennent leur rythme de croisière, les mots s’enlacent et ne font tapisserie qu’au sens noble du terme, ça frémit dans la salle, ça sourit, ça rit, ça y est. Le plateau se peuple des histoires des uns et des autres, se pare de leurs crinières folles ; on y contient en lisière un cheval emballé et de l’apaisement naît le véritable mouvement. Une humble et malicieuse genèse à vue en lieu et place d’une création. L’R de rien, comme de bien entendu... MARIE-JO DHÔ Rien que cette ampoule dans l’obscurité du théâtre... a été créé au Pavillon Noir du 27 au 29 mars Question de Goût sera dansé à l’Espace François Mitterrand à Allauch. 04 95 04 96 42 À venir au Pavillon Noir : Le Sous Sol, du 25 au 27 avril. Troisième volet de la trilogie de Peeping Tom. Après un Jardin extrêmement dérangeant, et un Salon absolument bouleversant, le collectif propose un voyage dans un entre deux, un sous sol peuplé de vivants et de morts, obscur, jonché de terre, où tout est lourd et gras. Peeping Tom, en opposant le lyrisme des vieux à l’inconséquence des jeunes, les corps des uns aux voix des autres, la perversité à l’absence, construit des mondes excessivement glauques qui ressemblent pourtant à notre réel… Bataille intime, les 5 et 6 mai. Création de Sylvain Groud d’après le texte de Topor. Sylvain Groud fut un des plus beaux interprètes de Preljocaj, de 1992 à 2003. Depuis il a démontré ses talents de 19 Europe à Paris © Agnès Mellon Deux au cube Au 3 Bis F, on conçoit les œuvres, on les partage en ateliers, puis on les montre au public. C’est au tour de Jutta Knödler, puis de Christian Ubl, d’exhiber leur travail chorégraphique Ce n’est pas tous les jours qu’une compagnie indépendante de la Région triomphe dans un des plus grands théâtres parisiens : le Ballet d’Europe a dansé Folavi (la nouvelle création de Jean-Charles Gil sur divers concertos de Vivaldi) et Mireille au Châtelet les 8 et 9 avril, et le public parisien lui a réservé un beau triomphe… Il faut dire que la compagnie, en partie renouvelée, a tenu ses promesses : les danseurs sont excellents, habités, et interprètent la pièce narrative de Jean-Charles Gil avec une émotion communicative. Surtout lorsqu’un orchestre de la qualité de Pelleas joue la suite orchestrale (arrangée par Raoul Lay à partir de l’opéra de Gounod) avec des solos superbes, des timbres subtils et toutes les nuances que la partition comporte. Mireille, que le Ballet d’Europe a joué plus de chorégraphe, fondés sur les mêmes qualités d’intelligence, de musicalité, de virtuosité athlétique et d’émotion intense. Car il est sans cesse bouleversant. Avec Bruno Bayesx qui a adapté le texte de Topor il danse un duo de mots, un affrontement agressif entre deux hommes, et leur public. Le Festival de la Mangrove, les 15 et 17 mai. Quatrième festival des arts des Caraïbes, de la Guyane, de la Réunion et des Comores. Durant tout le mois de mai les départements français d’Outre mer sont à la fête de la Mangrove. Le Pavillon Noir accueille le 15 mai puis le 17 mai plusieurs courts spectacles de danse contemporaine créée dans ces départements, où les compagnies métissent naturellement des influences ancestrales, pluriculturelles, à leur pratique de la danse contemporaine. Qui interroge forcément ce que signifie la danse sacrée, rituelle, de résistance… A.F. 40 fois partout dans le monde depuis sa création en 2004, est en passe de devenir une sorte de classique, au trajet narratif si limpide que chacun en comprend sans peine l’argument… Dans la région, avant sa tournée estivale, le Ballet d’Europe se produira dans des Workshops : ces cartes blanches données aux danseurs, que le Ballet d’Europe pratique depuis sa création, auront lieu au joli théâtre à l’italienne de Pertuis, le 9 mai. Une occasion de retrouver ces talentueux danseurs dans le rôle de chorégraphes occasionnels… A.F. Workshops Théâtre de Pertuis 04 90 79 56 37 www.balletdeurope.org Complices est à la croisée de deux arts : la corde et la danse. Le duo représenté par une cordéliste et une danseuse ne se contente pas de croiser leurs arts, puisque chacune s’empare de celui de l’autre et le fait sien. L’autre duo, la Voix de l’autre, fait dialoguer une corde et un musicien : deux façons complémentaires, pour Jutta Knödler, de sortir la corde de l’univers circassien, pour affirmer la musicalité, et les possibilités chorégraphiques, de son agrès de prédilection. Christian Ubl, lui, est depuis toujours dans la danse. Interprète subtil et athlétique, il conçoit pourtant, en tant que chorégraphe, une danse très peu dansée, conceptuelle, et souvent drôle. Qui s’interroge sur la nature et la réception du spectacle. Klap Klap est écrit avec la complicité d’un auteur, François Tessier. Dans son texte il emploie un nous qui rapproche l’expérience physique du danseur et la perception sensible du spectateur. Cherchant comment la scène fait sonner les corps, et comment on les applaudit. AGNÈS FRESCHEL Klap Klap © X-D.R Diptyque de cordes Jutta Knödler les 25 et 26 avril Klap Klap Christian Ubl du 15 au 17 mai Psychanalyse du merveilleux Un danseur à tête d’ours regarde dans une télévision en bois un présentateur à figure de clown sans nez rouge, au regard étrange d’un tueur de carnaval, à la précision du verbe et les exagérations didactiques d’un Alain Decaux, qui cette fois nous parlerait de psychanalyse des contes de fées… Le cadre formel est posé : d’une part des textes précis qui rappellent l’importance des contes de fées pour l’imaginaire de l’enfant, comme seul moyen d’extérioriser ses angoisses impossibles à formuler par le verbe libérateur ; d’autre part la profusion époustouflante de costumes et de créativité sur scène. Ainsi ce ballet de la princesse face au miroir, et tout à coup cette image dans le miroir qui n’est plus elle, mais une vieille sorcière… et puis ce petit ange qu’est l’enfant n’est-il pas aussi démon ? Combat phallique à présent ; le héros s’empare d’un long reptile vert à la mesure de sa main, mène un combat entre lui et lui-même, danse hésitante de l’enfant face au monde, face au zizi qui devient phallus. Et l’autre arrive : un énorme lierre en boule, étrange plante mystérieuse et insondable : métaphore et hallucination scénique du sexe féminin ici dominé dans le combat… Domination et passivité sublimée dans l’attente de la princesse d’être délivrée par © X-D.R l’homme : la princesse est souvent dans une tour aussi haute que les nuages nous dit l’inquiétant monsieur loyal, de plus en plus étrange. Et, sur scène, la danseuse en lieu et place de tête porte un immense nuage. Mais cette sublimation n’est pas que céleste : au sommet d’une tour attend une jeune fille ; enfin… un homme déguisé en fille. Ce travesti hilarant joue avec deux superbes voiles de mariée attachés à sa tête comme deux tresses si longues qu’elles sont aussi des substituts de cordages : la princesse prémédite langoureusement une improbable évasion. Un Manuel du Merveilleux qui donne à voir ce voile de magie qui recouvre en fait nos inconscients, et procure un vrai moment de joie. RÉGIS VLACHOS Le Manuel du merveilleux a été dansé par le système Castafiore au Pavillon Noir, les 3 et 4 avril 20 DANSE LE MERLAN | CAVAILLON | MARTIGUES | ISTRES Événement Sidi Larbi Cherkaoui passe à Istres ? Avec sa nouvelle création ? Allez-y, ça ne se rate pas Origine Création 2008 de Sidi Larbi Cherkaoui Pour quatre danseurs et trois musiciens Musique : Hildegard von Bingen, Rabi’a van Basra (chants scandinaves/chants maronites et syriens) le 14 mai Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr Origine cherche une terre nouvelle, entre danse et chants, Nord et Sud, comme si le chorégraphe marocain et belge voulait trouver, dans cette forme resserrée et pluriculturelle (Scandinavie médiévale, moyen orient traditionnel), les traces de sa propre histoire, entre violence et tendresse des gestes, et de la voix. © X-D.R © X-D.R L’ère du Je plain-pied dans l’ère du Je : la nouvelle vague de Thierry Niang -puisque tel est le nom de cet atelier- est loin d’être à bout de souffle. existence à plus tard». Libérés du regard des autres, connectés à leur corps grâce au méticuleux travail du chorégraphe, ils se transforment et resplendissent. Alain devient le goéland qu’il évoque dans le film. Thérèse, «née le 5 mars 1927 au Vieux Grand Port à l’île Maurice», nous émeut jusqu’aux larmes à tirer sur les coins de sa robe, dans le trio qu’elle danse avec son passé (ensorcelante Ana Gabriela Castro) et la musique singulièrement vivante que le compositeur et guitariste Benjamin Dupé interprète en direct, jouant de l’envoûtement à chaque instant. On ne voit plus alors en eux de simples vieux, mais des individus décidés à être ce qu’ils sont. Des hommes et des femmes entrés de Il avoue se plaire «dans l’entre-deux». Entre Marseille et Paris, la danse et l’opéra (pour lequel il collabore régulièrement avec Chéreau), l’art et la vie. Avec ce nouveau voile levé sur l’atelier qu’il mène depuis trois ans au Merlan auprès de personnes âgées, force est de constater que cet entre-deux réussit à Thierry Niang et n’a rien à voir avec un éparpillement. Car d’une proposition à une autre, des duos aboutis des «anciens» aux improvisations des «nouveaux», c’est le même sentiment de présence qui se dégage, sur scène comme à travers les images du documentaire de Frédérique Pollet-Rouyer. L’extrême présence de ces «vieux» refusant selon la formule de Bataille de «remettre leur A.F. Cet instantané de l’atelier Nouvelle vague mené par le chorégraphe Thierry Niang a été donné au Merlan le 21 mars Decouflé en solo © Agnès Mellon L’art de la chaussette littéralement son pied en énumérant les marques de haute couture ; en commençant la série d’exhibitions par la performance d’un Swanka blanc ; en y glissant une chanteuse magnifique et obèse, anti swanka par sa corpulence, son sexe, son talent ; puis un vrai danseur qui dynamite la performance des autres, et de vrais swingers qui rythment les espaces africains… Robyn Orlin gauchit la cérémonie, et interdit peu à peu qu’on se laisse prendre à cet art Zoulou de la chaussette bien mise. Une manière de dire qu’il faut se méfier du bling bling, et qu’il ne représente jamais la voie de la libération ? A.F. © John Hogg Drôle de spectacle, dont on ne sait jamais s’il est parodique ou admiratif ! La chorégraphe Robyn Orlin jette sur les Swankas un regard dont elle ne nous livre pas la clef. Ces Sud-africains M’as-tu-vu pratiquent l’art du bling bling vestimentaire avec un talent beaucoup plus affirmé que notre Président (assortiment de couleurs vives, audace des motifs, sens du détail, amour de ce qui brille…) : ils assument leur exhibitionnisme à un point tel que le comique cède le pas, et qu’ils font penser à Cab Calloway et aux Zazous, qui déjà affirmaient leur résistance à l’occupant ou à la ségrégation par leurs vêtements voyants. Mais Robyn Orlin va plus loin. En faisant présenter le spectacle par un animateur vulgaire, bonimenteur télé qui prend Les Swankas a été présenté sur la Scène Nationale de Cavaillon le 1er avril Après le passage de Sombrero au Grand Théâtre de Provence, c’est à un spectacle plus intime que le théâtre des Salins invite les amateurs de Decouflé. Plus solitaire en tout cas. Car dans Solo le chorégraphe ose pour la première fois mettre son propre corps en scène, seul, pendant 70 minutes. Mais comme on s’en doute il n’est pas vraiment isolé : à la poursuite de son image, suivi par ses ombres et les ombres de ses doubles, le corps de Decouflé se multiplie, se colore, grandit, et ses doigts, ses mains, ses membres, deviennent autant d’interprètes autonomes… Il n’en reste pas moins que Solo se présente comme une exploration presque autobiographique et que le chorégraphe y montre, à côté de sa propre image, celles de sa vie familiale et intime. Comme dans tout autre solo ? A.F. Solo Philippe Decouflé du 15 au 17 mai Scène Nationale des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr ITINERRANCES | MASSALIA | PRINTEMPS DE LA DANSE ItinErrer dans le monde Christine Fricker et sa Cie Itinerrances participent à un programme international qui vient faire escale dans la région À partir du 5 mai la chorégraphe Melissa Monteros, qui travaille essentiellement en Pologne et en Finlande, viendra diriger des danseurs de la maison de la danse d’Istres, et présentera le résultat de ces Workshops le 10 mai à l’espace 233. À Marseille, au Gyptis, la fête sera complète. Cinq chorégraphes se réunissent pour présenter un programme qu’ils ont élaboré en partie à Calgary, et qu’ils emmèneront ensuite à Oulu (Finlande). Le programme est conçu en deux parties : l’une présentera les travaux que les étudiants de Calgary ont élaboré avec Melissa Monteros et ceux que les danseurs d’Istres ont travaillé avec Christine Fricker (Je double et je décale) ; puis trois pièces de trois compagnies se succèderont : Just Because, un quintet de Melissa Monteros et Wojcieck Mochnieij ; Streams, un duo conçu par Pirjo Yli-Aumula et William Petit, qui élaborent depuis quelques années de beaux spectacles marqués par le froid russe ou scandinave ; enfin Time is on my side, que Christine Fricker a présenté le 5 avril sur le Cours Foch d’Aubagne, lors du Festival Danse en Avril (voir Zibeline 6). Le trio masculin de 20 minutes, fondé sur des séquences minutées à l’intérieur desquelles les interprètes gèrent plus ou moins leur rythme, se présente comme une série d’expérimentations où les trois danseurs sont tout à tour sujet et expérimentateurs (en blouse blanche). L’ensemble est un peu décousu (ou cousu de fil blanc ?) mais présente des moments de belle physicalité (portés enchaînés) et un regard intéressant, extérieur, sur les rapports masculins tour à tour tendres, curieux, agressifs, et jamais tout à fait circonvenus… La soirée du 7 mai donnera donc l’occasion de revoir cette jolie pièce, au terme d’un marathon de danse de presque deux heures… Elle est également programmée à l’Astronef, (théâtre de l’hôpital Edouard Toulouse qui possède un vaste plateau très bien équipé) avec In art Mony, le beau solo hip hop de David Colas (voir Zibeline n°1). AGNÈS FRESCHEL © Tony Fiel - Graphisme jiCé Rencontres chorégraphiques internationales Théâtre Gyptis Le 7 mai Maison de la danse, Istres Le 10 mai Itinerrances 04 91 64 11 58 In Art Mony, Time is on my side L’Astronef les 21 et 22 mai 04 91 96 98 72 Printemps résistant DANSE 21 Mythes féminins © [email protected] Le théâtre Massalia a programmé un spectacle très attachant à la gare Franche. Squaws met en scène trois mythes grecs féminins : Phèdre, amoureuse d’Hippolyte son beau-fils, Médée l’abandonnée infanticide, et Antigone la révoltée sont mises en mots et en gestes par trois femmes qui s’adressent chacune à une partie du public, assis autour de la scène en dispositif trifrontal. L’intimité ainsi créée, puis la mise en geste de l’histoire, et la coexistence des trois fils narratifs qui se croisent sans se toucher, est très intéressante. La gestuelle en revanche manque d’invention, l’exécution de brio, mais le spectacle est cohérent, et ingénieux. A.F. Squaws a été créé à la Gare Franche dans le cadre de la programmation du Massalia du 1er au 4 avril Cie les Ambianceuses © Sébastien le Clézio Situé au pied et au cœur des cités des quartiers nord, l’Espace Culturel Busserine revendique sa différence et s’affirme comme un lieu métissé et libre où l’identité culturelle se questionne. Le Printemps de la danse y existe depuis de nombreuses années mais réaffirme, pour cette édition, sa volonté d’interroger la mémoire de l’immigration, des «autres français», des autres danses. Cela commencera donc le 30 avril avec la danse africaine des Ambianceuses, qui racontera l’histoire d’une jeune parisienne fille d’émigrés. Puis la soirée du 16 mai sera consacrée au hip hop, avec la Cie 3e Cercle menée par David Colas et son spectacle réjouissant Hip hop museum, qui détaille les divers styles de cette danse (très instructif !). Le 20 mai, la Cie Mémoires vives jouera À nos morts, qui retrace à travers la danse, mais aussi la musique et les textes, l’histoire des Français colonisés durant les deux guerres mondiales. Du 13 au 23 mai l’espace Busserine accueillera une exposition sur la Libération de la Provence par les soldats des colonies et, le 22 mai à 18h30, une conférence sur ce thème sera donnée par les historiens Grégoire Georges-Picot et Sabine Andrivon Milton, à l’issue de la projection de Parcours de dissidents d’Euzhan Palcy. Touts ces soirées seront précédées et ponctuées par des groupes d’amateurs, des collégiens, qui danseront du Popping, du New Style, du Coupé Décalé, du N’dombolo… Histoire de confronter leur pratique à celle des professionnels, et à leur propre histoire. AGNÈS FRESCHEL Printemps de la danse Espace Culturel Busserine Du 22 avril au 23 mai 04 91 58 09 27 22 CIRQUE GAP | PORT-DE-BOUC | DAKI LING Le printemps des Alpes Pendant trois semaines le théâtre de la Passerelle met la montagne en fête en programmant huit spectacles dont deux créations : vingt-trois représentations d’Embrun à Briançon… L’affiche de cette troisième édition est impressionnante : Jérôme Thomas, le Cirque Plume, Catherine Marnas, Pierre Meunier, Télémaque, 26000 couverts, Trio mineur, Agnès Pelletier… Tout ce que le monde de la scène fait de meilleur niveau cirque, mais aussi théâtre, musique et danse, est réuni pour un festival mi-cirque mi-arts de la rue, jusqu’au 1er juin. Cela commence par le Shakespeare de 26000 couverts, spectacle à surprises dont on ne vous dira rien, sinon d’y aller (les 13 et 14 mai)… et par une création de Jérôme Thomas, dont la Cie jongle comme personne, et transforme le cadre scénique en espace plastique où de véritables tableaux se créent par instants (Libellule et Papillons les 16 et 17 mai). Dans le cadre des Excentrés, qui amènent les spectacles dans les communes perchées, ou nichées dans les vallées, les cinq comédiens de la Cie Patna, qui a pris goût au spectacle de rue après une Sirène décapante sur le parvis de l’Opéra de Marseille (voir Zibeline 3), créeront Le Crabe et le hanneton (du 15 au 25 mai). Il y aura aussi l’Éloge du Poil, un spectacle de Pierre Meunier avec Jeanne Mordoj, que Zibeline n’a pas © Cie Jérome Thomas Around midnight… Pour son 8e festival des nuits circulaires, le Sémaphore de Port-de-Bouc accueille deux compagnies circassiennes venues présenter des créations récentes Cie Patna/ Le crabe et hanneton © Max Minniti vraiment aimé, mais qui a eu par ailleurs fort bonne presse (les 21 et 22 mai) ; et un spectacle de rue à ne pas manquer sur le marché de Gap le samedi matin : Agnès Pelletier y met en scène un bonimenteur (et 2 danseurs) qui y vend un produit particulier, et vante My system for ladies and gentlemen aussi (le 17 mai). Et puis il y aura aussi dans les rues de Gap, les Boutiques de Falconnet, sous chapiteau le Plic Ploc du Cirque Plume, et à la Passerelle le Cabaret des Valises (voir page 33). Mais nous y reviendrons ! Fidèle à son idée d’origine, ce festival propose des spectacles de nouveau cirque, avec une dominante clown. Ainsi des artistes comme Buffo, Gulko de la Cie Cahin Caha, Catherine Germain, Pierrot Bidon… ont déjà enflammé le public du Sémaphore. Cette année encore le menu est alléchant, puisque Proserpine de L’Apprentie Compagnie et La Cie Attention Fragile seront là, présents pour trois dates. Deux d’entre elles sont réservées à Proserpine et à SON étonnant musicien, Vincent Granger. Ils présentent un tout nouveau spectacle, Le Tout Nous, un vrai petit bijou ! Imaginez ce clown au féminin qui se décrète «Clown Public» contre ce capitaliste de Ronald Mac Donald ! Placée au centre d’une scène circulaire, elle fait parler l’humain en revivant des tranches de vie, des anecdotes qu’elle a collectées lors de son voyage au pays des hommes qu’elle nomme Fabrique de liens. Généreuse et engagée, Proserpine risque de déborder comme d’habitude mais, avec son caractère bien trempé, il y aura à coup sûr de grosses colères, de l’espièglerie, des regards de braise et surtout beaucoup, beaucoup de rires ! Puis, toujours sous cet extraordinaire chapiteau carré de la Cie Attention Fragile, le spectateur plongera dans une ambiance chaleureuse de cabaret où il rencontrera des personnages d’une inquiétante étrangeté, une femme girafe, un manipulateur de boîte de sardine, des enfants lions. Situé à la frontière de deux mondes que tout oppose, héros et anonymes, réel et onirique, Fournaise est un spectacle riche dans son propos et, surtout, par ses prouesses circassiennes à couper le souffle ! Alors passons nos nuits «circulaires» à nous divertir ! CLARISSE GUICHARD Cité Cirque du 13 mai au 1er juin La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 8e Nuits Circulaires Le Sémaphore, Port-de-Bouc les 13, 16 et 20 mai 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com Fournaise © Denis Rion Des clowns aux muses Le Jardin des Muses (prononcez Daki Ling !) programme pour la troisième année son festival Tendance Clowns, qui prend chaque année de l’ampleur. Cette année, ce sont 5 spectacles qui seront accueillis pour 10 représentations du 10 au 30 mai. Des propositions aux dimensions modestes -à deux ou trois comédiens- mais à l’esthétique affirmée : celle du nouveau clown, théâtral, qui se veut le révélateur des dysfonctionnements de la société contemporaine. Les différentes compagnies, pour cela, choisissent leur clown de prédilection : rappeur, poétique, enfantin, cabaret, burlesque ou acrobatique, tous seront drôles… mais pas seulement ! A.F. Tendance Clown du 10 au 30 mai Daki Ling 04 91 33 45 14 www.dakiling.com 24 ARTS DE LA RUE MARTIGUES | SIRÈNES Voyage initiatique L’Odyssée des lecteurs est une manifestation pluridiscilinaire qui, depuis 8 ans, bouleverse vraiment la vie des Martégaux pendant quatre jours Le Dit du Bambou à Aubagne © Agnès Mellon Toute la journée et le soir les propositions d’activité se succèdent : spectacles, conférences, lectures, expositions, projections… Les parcours sont doubles : pour les adultes d’un côté, ou le tout public, et pour les enfants de l’autre, en séances scolaires, ou libres. L’idée, généreuse, est d’offrir à chacun, quel que soit son âge et les domaines qui le passionnent, un moment, un endroit, où son intérêt sera éveillé, où il entrera en culture. Les invités sont pour la plupart des auteurs : il s’agit d’une manifestation pour les lecteurs ! Mais c’est aussi une Odyssée. À côté des classiques lectures et rencontres, les auteurs se mettent en jeu, répondent aux sollicitations et, surtout, amènent avec eux des horizons divers : la culture y est comprise au sens large, comme quelque chose qui enrichit, s’adresse à tous, s’offre gratuitement, et met la tête en fête. Dans la Halle donc, toute la journée à partir de 9h, des libraires s’exposent : Alinéa, L’Argonaute, Bull’image… Raoul Hébréard propose son installation, et Nickel Krome un parcours ludique. De nombreux ateliers, sensoriels, d’écriture, plastiques, scientifiques, ludiques sont proposés aux enfants… Sur l’aire extérieure le Souk de la Parole, de la compagnie Caracol : une installation-spectacle poétique et drôle, qui aime les mots et propose un parcours aléatoire où le verbe se cache et guérit (voir Zibeline 3, Le Souk de la Parole à Aubagne). Vers 14h des rencontres organisées par les éditions le Mot et le reste avec des auteurs jeune public, des essayistes, des historiens, des scientifiques, des romanciers, des auteurs de BD, de mangas (31 auteurs seront présents, dont Jacques Testard, Serge Quadrupani, Christian Epanya, Maurice Attia…). Le soir, vers 18h, la Halle se fera plus spectaculaire, avec des lectures bilingues théatralisées (Le pain d’Abdelkader Alloula, Le Facteur de Neruda d’Antonio SKARMETA), des contes (Abdoulaye Diop Dany), des concerts (Lucia Recio dans un récital de nouveau flamenco)… Et bien sûr le théâtre des Salins, voisin de la Halle, participera au voyage : en accueillant des contes dans sa petite salle, et en programmant la création L’amour Fou, de Ricardo Montserrat, mis en scène par Michel André, les 23 et 24 mai… Zibeline reviendra donc, dans son prochain numéro, sur le détail de cette manifestation, dans les diverses rubriques concernées. Mais réservez déjà ces quatre jours, pour aller faire un tour dans les rues et la Halle de Martigues… La rue assourdissante autour de moi hurlait La sirène de L’éléphant vert (Des sirènes pour Bout’rue, le 2 avril), pour une fois, n’a pas enthousiasmé la foule. Pourtant politique, revendicative… mais justement, elle prenait le Parvis de l’Opéra pour une agora primitive, lieu de harangue et non de poésie, lieu de discours et non de fable. Et parfois le discours assourdit, et les confettis lancés au vent, les masques, les cotillons ne suffisent pas à transformer un discours en spectacle… Le projet de Bernard Cavanna est lui aussi politique. Le compositeur, invité également du festival du GMEM, est parti de la nature sonore des sirènes, et de leur fonction d’alerte : car il est sensible au sort des caissières du Carrefour Grand Littoral, dont les récentes grèves, infructueuses, ont montré la misère, le courage et l’impuissance, face aux policiers, et à des patrons restés… sourds. Ce sont justement les tympans de ces patrons du CAC40 que Bernard Cavanna veut réveiller : en surajoutant aux sirènes impuissantes un concert de saxophones, et beaucoup d’électroacoustique… A.F. © C-Ktre AGNÈS FRESCHEL L’Odyssée du lecteur du 22 au 25 mai Halle et rues de Martigues 04 42 44 31 51 / 04 42 49 01 98 Sirène au carrefour pour une caissière virée Bernard Cavanna le 7 mai à 12h Parvis de l’Opéra de Marseille www.lieuxpublics.fr AUBAGNE | LIEUX PUBLICS ARTS DE LA RUE 25 Essais transformables Cette année Arts/Rue/Essai a manqué de bol ! Après une première journée sous la pluie battante, et un booming (interventions urbaines participatives) un peu déserté, les Aubagnais et quelques autres se rendirent aux rendez-vous sous le soleil retrouvé, le samedi 19 avril… C’était sans compter sur d’autres aléas propres aux arts de la rue ! Des cloches nuptiales qui carillonnèrent à tout va, longuement, à trois reprises, pendant que le comédien de la Cie du Soliloque s’époumonait, puis perdait sa voix… Deux gamins turbulents, que les parents laissèrent déambuler puis tonitruer au milieu de l’aire de jeu pendant toute la performance de Transphalt (on ne va pas prévoir un service d’ordre pour les performances de rue… mais comment faire quand les comédiens, et les spectateurs, sont visiblement gênés ?). Malgré tout, les Tatoueurs de rue de Transphalt se révélèrent pleins de promesses : leurs «travaux poétiques» consistent à peindre la chaussée avec des outils sonorisés, des machines en ferraille, filiformes, astucieuses et fascinantes. La performance est jolie, inattendue surtout au niveau sonore, même si elle manque encore d’épaisseur et de propos. Mais c’est le principe de la manifestation Arts/Rue/Essais, qui permet aux compagnies d’essayer, en situation, c’est-à-dire dans l’espace public, de nouveaux spectacles. Bienvenue à la Colonie de la Cie du Soliloque s’empêtrait exactement dans le défaut inverse : la proposition était très ambitieuse dans son propos, puisqu’il s’agissait de dire le récit de Kafka, La Colonie Pénitentiaire, et d’en faire non un monologue adressé mais une véritable pièce de théâtre, et cela dans les conditions du spectacle de rue (avec les enfants, les cloches, le soleil qui tape un peu trop sur les nuques, et fait plisser les yeux…). Pour réussir, il aurait fallu des comédiens exceptionnels, une scénographie inventive, et beaucoup de répétition. Visiblement tout cela manquait… AGNÈS FRESCHEL ` Arts Rue Essai a eu lieu à Aubagne les 18 et 19 avril Soliloque © Richard Melka Au programme de Lieux Publics Le printemps revient et les arts pointent à nouveau leur nez dans l’espace collectif. La richesse de la programmation de Lieux Publics, Centre National des Arts de la Rue, en témoigne. En dehors de la Sirène offerte à Bernard Cavanna (voir cicontre), il y aura un Flash Rue le 17 mai : il s’agit de regrouper un nombre maximum de gens, prévus au dernier moment par SMS et Internet, pour leur faire accomplir en masse une action commune dans l’espace public, à un point de rendez-vous révélé au dernier moment. Cette nouvelle sorte de happening, collectif et participatif, est très salutaire, en ce qu’il sort les participants, mais aussi les passants, de leurs gestes automatiques, et révèle qu’une autre réalité est possible dans l’espace commun lui-même : le métro, les centres commerciaux ne sont pas que des lieux de passage et de consommation, et peuvent devenir des lieux de résistance poétique… Si vous voulez participer vous devez vous inscrire au 08 72 73 35 24 ([email protected]), et vous rendre disponibles le 17 mai… Le concert de rue composé par Marianne Suner, écrit et mis en scène par Brigitte Cirla, sera tout aussi subversif : il s’agit de s’attaquer à la rue Saint-Férreol, temple marseillais de la consommation déambulatoire, du commerce à la chaîne, aseptisé et normatif, et de la Réclame. Le terme, désuet, est le titre de ce concert de rue donné par trois cents mètres de chanteurs tout au long de l’artère, rendue piétonne il y a quelques dizaines d’années pour favoriser l’appétence d’achat. De la Préfecture à la Bourse (quels symboles !), coincée entre la représentation de l’État et l’antichambre du Commerce, une clameur de slogans publicitaires mêlés éclatera… Réclame ! 300 mètres chanteurs rue Saint-Ferréol le 10 mai à 19h30 et à 20h15 04 91 03 81 28 www.lieuxpublics.fr 26 MUSIQUE OPÉRA : MARTIGUES | TOULON | MARSEILLE Figaro d’école Effroyable drame à Toulon! Le Barbier de Séville de Rossini a fait salle comble les 3 et 4 avril à Martigues : une mise en scène venue de l’Est, un peu scolaire, pour un succès populaire ! Le Barbier de Séville a été créé en 1816 et l’action se passe, comme dans la comédie de Beaumarchais à… Séville ! Pour peu qu’on l’oublie, le metteur en scène de cette production polonaise l’a inscrit en grosses lettres bleues sur un rideau de fond représentant précisément… la ville de Séville… en 1816 ! Bon ! Il est vrai que le programme prévenait le spectateur en quête d’audace scénique : «point de transposition, ni de relecture fantaisiste»… Certes ! Mais la fidélité au livret justifiet-elle à ce point l’absence d’imagination ? Côté décors, trois blocs amovibles ceignent tantôt le pas du domicile de Bartolo tantôt son salon intérieur. Tout y est attendu, jusqu’au moindre accessoire, et les costumes cliché complètent l’imagerie d’Epinal ! On se console en pensant que le néophyte peut ainsi découvrir l’œuvre dans une version d’école… La troupe expérimentée de l’Opéra de Chambre de Varsovie, fondée en 1961, ne manque cependant pas de © X-D.R qualités. L’orchestre et le jeune plateau vocal ont fait montre d’un réel métier. Ce soir-là on a entendu une vraie mezzo dans le rôle de Rosine, un Almaviva élégant, un Figaro tonique, un Bartolo et un Basile bouffons à souhait… Et la musique de Rossini a fait le reste : de l’irrésistible trio du faux cours de musique aux multiples ensembles à l’implacable mécanique d’horloger… Un dernier bémol cependant ! Quitte à se montrer didactique, pourquoi ne pas avoir usé de sur-titres comme cela se fait communément ? De nombreuses fantaisies du livret ont sans doute échappé à ceux qui ne connaissent pas bien l’œuvre, ou ignorent l’italien. JACQUES FRESCHEL Attention chef-d’œuvre ! À la mort de Bizet, Massenet se trouve être quasiment le seul héritier de l’opéra français de Meyerbeer, Berlioz et Gounod. Ses deux chefs-d’œuvre voient le jour à la fin du XIXe siècle : Manon et Werther. Le premier, inspiré du roman de l’abbé Prévost est créé en 1884 et demeure le plus grand succès à l’Opéra Comique après Carmen. La musique allie l’insouciance festive à la passion violente, des mélodies d’une merveilleuse inspiration à une orchestration chatoyante, mêle ballet pastiche et arias virtuoses ou pathétiques, dialogues parlés et chœurs Jaho Ermonela © X-D.R multiples…. Plusieurs motifs récurrents renforcent la solide construction dramatique autant que la psychologie des deux amants : de la duplicité ambiguë de la belle Manon à la ferveur innocente du chevalier des Grieux… Renée Auphan et Yves Coudray ont en commun d’avoir mené une double carrière de chanteur et de metteur en scène. Ils ont scruté les motivations des personnages, les multiples «non-dits», si bien soulignés par la musique de Massenet, et nous livrent leur vision de «l’éternel féminin» que représente Manon Lescaut. Pour incarner justement ce personnage mythique, ils font appel à la soprano albanaise Ermonela Jaho (entendue dans La Traviata en 2005) et, pour lui donner la réplique, au ténor Roberto Saccà pour une première invitation à Marseille. L’orchestre et les chœurs de l’Opéra sont dirigés par Cyril Diederich. J.F. Manon de Massenet les 29 avril, 2, 7 et 9 mai à 20h et le 4 mai à 14h30 Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 www.mairie-marseille.fr/vdm/cms/culture/opera Opérettes Coïncidence… Le Théâtre de l’Odéon à Marseille et l’Opéra de Toulon annoncent, aux mêmes dates, La Route Fleurie de Francis Lopez ! Auparavant est représentée à l’Opéra d’Avignon La belle Hélène d’Offenbach. Vous prendrez bien un peu d’opérette ? J.F. Marseille. Les 17 et 18 mai à 14h30. Odéon 04 96 12 52 70 / www.mairie-marseille.fr Toulon. Le 17 mai à 20h et 18 mai à 14h30. Opéra 04 94 93 03 76 / www.operadetoulon.fr Avignon. Le 10 mai à 20h30 et 11 mai à 14h30 Opéra 04 90 82 42 42 / mairie-avignon.fr Elle tue son bourreau, assiste au meurtre de son amant et se jette dans le vide !… C’est devant une salle comble, à l’Opéra de Toulon le 16 avril, que le drame de Tosca s’est joué une nouvelle fois ! Pas d’Ouverture symphonique, mais une clé trouvée au pied d’une statue ouvre le mélodrame… et entraîne la chute de ses protagonistes. Tosca est un monument et son 2e acte un sommet ! Seuls de rares artistes peuvent s’y tenir et respirer. On se doit pourtant d’oublier Callas, Gobbi ou Björling… Si Monique Mc Donald est une soprano puissante et Sergey Murzaiev un auguste baryton verdien, ils touchent tous deux leurs limites scénique et vocale dans l’acte de bravoure lorsque le chantage, la passion, les doutes, le désir, la douleur, la honte, la violence se mêlent sans limite, ni respiration… Seul le Vissi d’arte de Floria sert d’escapade intemporelle, mais l’Américaine au souffle court en gâche la fin ! Son jeu est souvent outrancier, fondé essentiellement sur deux registres : la sauvagerie et le pathos… et son imposante silhouette la rend peu crédible en diva désirable. De même la palette de Scarpia exige d’autres couleurs, plus amples, que celles fournies par le Russe. Et si le ténor Alfredo Partilla emporte l’adhésion du public ce n’est pas par la qualité de son médium, assez ingrat, mais pour des aigus absolument exceptionnels ! Dans une mise en scène excluant toute transposition, Sylvie Auget a imaginé un décor unique (Alexandre Héraud) : un portique en fausse perspective s’ouvrant au final sur un horizon fatal, des colonnes à la verticalité douteuse et aux chapiteaux doublés, un plateau très pentu à s’en tordre les chevilles, soulignent avec pertinence l’instabilité psychologique des personnages. Mais c’est dans la fosse que beaucoup de choses se disent chez Puccini : on salue le travail de Marco Balderi, et d’un orchestre (à l’exclusion de deux cordes peu au diapason juste avant E lucevan le stelle) au pupitre de vents avantageux. J.F. © Cyrille Sabatier 28 MUSIQUE FESTES D’ORPHÉE | BAROQUES GRAFFITI | ST LAURENT Réjouissances baroques Douleur et espérance Le 25 mars à Saint-Victor, le groupe les Festes d’Orphée a ranimé une œuvre oubliée du compositeur aixois Claude Mathieu Pelegrin (1682-1763) D’emblée, la découverte du Benedictus de Pelegrin combla les sens des auditeurs, enveloppés par la rondeur de la sonorité de l’ensemble instrumental baroque, étonnés par la souplesse rythmique de la composition, par les hémioles, ces brèves incursions de ternaire dans un ensemble binaire, chères à l’époque baroque. Leur bonheur n’a pas faibli au fil de cette partition traitée d’un seul tenant, et accordant une belle place aux solistes. L’association originale des voix était pondérée par une alternance rapprochée des symphonies, airs et chœurs. Cette écriture en mosaïque, très colorée, offre une forme compacte, mais extrêmement variée. Le concerto pour violon et hautbois BWV 1060 de J.S. Bach, nettement plus connu, apporta une respiration bienvenue, grâce au talent de Flavio Losco (violon) et de Philippe Delzant (hautbois). Puis on apprécia pleinement un somptueux motet préfigurant le fameux Messie : l’Anthem n°11 de G.F. Händel «Let got arise». Là aussi la variété d’écriture a offert aux chœurs et aux solistes la possibilité d’exposer une habile circulation des voix, pour un contrepoint au service d’un texte aux images fortes et contrastées. Une soirée jubilatoire ! ANNE BENCE L’ensemble Baroques-Graffiti a offert, vendredi 4 avril à Notre-Dame du Mont, un concert associant la musique et la parole La foi se transmet par l’oreille, disait Saint-Paul. Musique et parole sont deux vecteurs artistiques que Jean-Paul Serra a réussi à associer avec, pour fil conducteur, la voix et l’oud (luth) de Tarek Abdallah. Ses interventions improvisées ont constitué une base, reliant en douceur la Baroques-Graffiti © X-D.R rigueur musicale du Stabat Mater de Pergolèse, révisé par Bach, et la monodie narrative parfois abrupte de La mort du jeune aviateur anglais de Marguerite Duras. Mélangeant audacieusement les genres, les artistes ont habilement mis en chiasme et en parfaite concordance la haute spiritualité musicale et la sobriété du texte. L’oud a proposé une narration contrapunctique, une nécessaire respiration poétique à la danse de la comédienne Anne Levy. Jean-Paul Serra nous a invité à reconsidérer le texte de Duras comme un rappel à l’incarnation, au réalisme douloureux, et simultanément à un exercice spirituel. L’absurde mort d’un enfant, le dernier jour de la guerre, Duras le crie… sans bruit ! «La mort baptise aussi» écrit-elle dans ce même recueil. Si le style oscille entre parole et écriture, ce désordre structurel fut, tout au long du concert, tempéré par les beautés sonores de Pergolèse, les qualités de l’ensemble Baroques-Graffiti et la belle voix de Caroline Gerber s’accompagnant à la viole d’amour. ANNE ET PIERRE BENCE Conte stellaire et pianos métissés Après les charmants concerts de l’ensemble Baroques-Graffiti dans des œuvres de Dowland, Purcell et Haendel, la Compagnie Chatôt-Vouyoucas poursuit ses co-réalisations de spectacles musicaux sur le plateau de la Belle de Mai Le quatrième roi mage est à voir en famille (enfants à partir de 10 ans). Jean David, accompagné de son luth, évoque l’histoire de ce 4e roi (imaginé entre autres par Michel Tournier) qui aurait également vu et suivi l’Étoile pour Bethléem. Le chansonnier/conteur, au gré de mélopées, de comptines populaires, d’antiennes sacrées, en français ou en hébreu, narre ce récit biblique apocryphe (le 13 mai à 10h30 et 20h30, le 14 mai à 14h30). Pianos croisés (remplace A dos pianos, Vamos ! prévu initialement) réunit la tradition classique de la musique savante et celle des Antilles françaises, improvisée, chaloupée, petite sœur du jazz afro-américain… Les pianistes Hélène Nidam et Bibi Louison, mis en scène par François Lamy, mixent leurs mains, leur talent, fouillent les traditions orales autant que la culture de l’écrit, et s’enrichissent l’un l’autre de leurs différences (le 23 mai à 20h30). J.F. Théâtre Gyptis 04 91 11 00 91 ww.theatregyptis.com Scarlatti Clérambault © X-D.R Pergolèse et Duras Judicieux choix que celui du trio Bénédicte Pereira (soprano), Madeleine Webb (mezzo) et Frédéric Isoletta (orgue) pour cette heure de musique sacrée, le 18 mars, à l’église romane de Saint-Laurent ! La douleur de la Mère au pied de la Croix, dans le Stabat mater à deux voix de Scarlatti, trouve son expression idéale lors de la semaine de Pâques, et se prête à l’atmosphère de pénitence associée à cette période. De fait, les voix, frottant l’une contre l’autre leur souple tracé mélodique, en homophonie ou en imitations subtiles, ont contribué à la réussite d’un clair-obscur baroque. Grâce à l’habile cortège sonore de l’organiste (notre collaborateur !), au judicieux choix des registres (d’un instrument qui aurait grandement besoin d’être restauré… ou du moins accordé !), les tuyaux se sont harmonieusement mariés aux solistes, à l’image d’un chœur ou d’un petit ensemble de vents... Au final, chez Scarlatti, comme chez de nombreux musiciens qui ont mis en musique ce texte évangélique, les vocalises et ornements ont pris le pas sur l’expression épurée et sombre du début douloureux : c’est que la Passion du Christ reste porteuse de l’espérance de la Résurrection. Le trio a fait goûter au public combien cette musique, inspirée, dit l’indicible douleur de la perte autant que l’élan de l’amour divin. En début de programme, le public a découvert un rare triptyque de motets du temps pascal de Clérambault adoptant le même trajet ombre / lumière. JACQUES FRESCHEL MUSIQUE SACRÉE | AUTOUR DES CLAVIERS Kenneth Montgomery © Marco Borggreve 29 Round around piano Fresques sacrées Le Festival de Musique Sacrée débute le 16 mai par la fresque évangélique Le Messie de Haendel. C’est un spécialiste de ces répertoires Kenneth Montgomery qui dirige l’opus duquel est issu le fameux «Alléluia», 24 choristes et un ensemble instrumental approprié, sélectionnés parmi le Chœur et l’Orchestre de l’Opéra de Marseille. Quatre jeunes et talentueux MUSIQUE solistes s’y produisent : Hélène Guillemette (soprano), Lucie Roche (alto), Olivier Dumait (ténor) et Nicolas Testé (Basse). Suivent trois concerts de l’excellent Chœur National Dumka de Kiev. Avec l’Orchestre Symphonique de la Philharmonie Nationale d’Ukraine, on entend le magnifique oratorio Paulus de Mendelssohn (le 20 mai), la Messe en ut majeur op.86 de Beethoven (le 22 mai), alors qu’a cappella, ces voix de l’Est interprètent des «Chants orthodoxes russes» (21 mai). Pour la suite, on attend : La Création de Haydn ou le Stabat mater de Rossini… mais on y reviendra ! Cette année, pour sa deuxième édition, l’abbaye de Saint Pons accueille, dans son cadre naturel et historique, le festival Autour des claviers Le pianiste François René Duchâble aime imaginer, avec son compère le comédien et metteur en scène Alain Carré, des spectacles qui renouvellent l’approche classique du récital. Depuis quelques années déjà, ils mêlent leurs talents pour des spectacles qui font se croiser la littérature et la musique dans Détail piano © X-D.R JACQUES FRESCHEL Festival de Musique Sacrée du 16 mai au 13 juin Concerts à 20h30 à l’église SaintMichel Location Opéra 04 91 55 11 10 www.mairie-marseille.fr une forme théâtrale épurée. Qui mieux qu’Hector Berlioz pouvait se prêter à leur jeu, lui qui se plaçait autant du côté des mots et des notes ! C’est au travers de ses remarquables écrits (Correspondance et Mémoires) que le duo retrace L’Histoire de ma vie, un «concert épistolaire» (donné Salle Pleyel en octobre 2007) rythmé par des opus de Beethoven, Chopin, Liszt et... Berlioz lui-même ! (le 18 mai à 18h30). Le festival se poursuivra les deux dimanches suivants avec le Quintette à vents de Marseille (et piano) pour des œuvres de Mozart, Tomasi et une création de Lucien Guérinel (le 25 mai), puis avec le duo de pianistes Clara Kastler et Hubert Woringer dans Bach, Debussy, Mozart, Moussorgski (le 1er juin). J.F. Autour des claviers Abbaye de Saint Pons, Gémenos du 18 mai au 1er juin 04 42 669 666 www.autourdesclaviers.com Au programme Œuvres contemporaines pour galoubet-tambourin par Maurice Guis / académie de tambourin (le 13 mai) et Petits concerts spirituels (Campra, Gilles) par l’ensemble vocal soliste des Festes d’Orphée (le 22 mai). Aix. Concerts à 19h. Chapelle des Oblats 04 42 99 37 11 / www.orphee.org Concert Mondonville, Pergolèse par le chœur Opus 13 (dir M.H. Coulomb) avec Laure Florentin (soprano), Madeleine Webb (mezzo), Philippe Martin (baryton). Solliès-Ville. Le 27 avril à 17h30 avec orgue (Frédéric Isoletta) Aix. Eglise du Saint-Esprit, le 16 mai à 21h avec l’Orchestre de chambre de Toulon et du Var Récital de pianoforte par Miren Exteniz (Mozart / Beethoven), dans le cadre des Petites histoires de claviers (Marseille. Le 26 avril à 18h - Urban Gallery) et Sonates pour viole de gambe de Bach pour une Étape allemande à Köthen par Victor Aragon (viole) et au clavecin Jean-Paul Serra. (Aix. Le 15 mai à 20h30 – Oblats / Marseille. Le 16 mai à 20h30 – Urban Gallery). Baroques-Graffiti. 04.91.64.03.46 / www.baroquesgraffiti.fr.st Marc Badin et Patrice Barsey (hautbois) Hervé Issartel (basson), Jean-René da Conceiçao (contrebasse), Christine Lecoin (clavecin) jouent Fasch, Heinichen, Schein et Zelenka Marseille. Ensemble Besozzi, le 25 avril à 20h30 Bastide de la Magalone. 04.91.39.28.28 / www.citemusique-marseille.com Les concerts inter-établissements du Festival choral académique se déroulent de mai à juin dans les quatre départements de l’académie, avec cette année une création Couleur des sons d’Emmanuel Touchard en hommage à Olivier Messiaen. www.ac-aix-marseille.fr Après la lecture-performance de son livre Solo à 18h30, Emmanuel Loi invite Jean-Marc Montera et Antonio Negro (guitare), David Clot (piano), Mohamed Bellal (percussions) pour un concert de musique improvisée. Marseille. Le 24 Avril, à partir de 22h30 au Pelle-Mêle 04 91 54 85 26 Mozart : les 2 Quatuors avec piano par les Musiciens d’Hêlios. Aix en musique. Le 24 avril à 12h15 à l’Hôtel de Ville. 0 892 68 36 22 / www.aixenmusique.fr Jazz Biréli Lagrène et Sylvain Luc (guitares) en concert dans le cadre de Luberon Jazz Festival. Cavaillon. Le 26 Avril à 20h30 Scène nationale : 04.90.78.64.64 / www.theatredecavaillon.com Sandrine et Gabriel Tacchino (piano), Nathalie Cerda et François Castang (récitants) jouent Bizet Jeux d’enfants, Ravel Ma mère l’Oye, Saint-Saëns Le Carnaval des animaux (le 27 avril à 11h) avant l’ouverture de la 13e édition du formidable Jazz in Arles (du 13 au 17 mai). Arles. Méjan 04 90 49 56 78 / www.lemejan.com Sophie Alour (sax), Laurent Coq (clavier), Karl Jannuska (batterie) et Yoni Zelnik (contrebasse). Concerts d’Aix. Le 15 mai à 20h30. Théâtre du Jeu de Paume 04 42 63 11 78 / www.concertsd’aix.com 30 MUSIQUE e MARS EN BAROQUE | PHILHARMONIQUE Violon et viole Le 6 festival Mars en baroque avait pour thème cette année Viole de gambe ou violon… illustré par une série de concerts et conférences traitant du passage historique du premier au second. Retour sur des récitals enthousiasmants! Il y a quelque chose de rare dans le jeu de la violoniste Hélène Schmitt. Dès les premiers sons surgissant du silence, délicatement distillés sur son instrument, on sent bien que l’artiste sculpte sa sonorité en amont, dans la profondeur d’une âme dont on devine la largesse. Des sonates de Bach ou Biber, données le 27 mars dans l’acoustique intime du Temple Grignan, on retient (au delà d’un décolleté «baroque»), la force de l’expression, la richesse des effets, la liberté des dynamiques, l’ardeur des coups d’archet virtuoses… Au clavier, Laurent Stewart seconde la ligne de chant par un jeu alternant finesse et grandeur, une rigueur mécanique de la pulsation dans les multiples basses cycliques et de subtiles suspensions pour les alertes variations mélodiques du violon… Prodigieux ! Délices royaux Dès le Prélude «improvisé», on sent bien que Paolo Pandolfo s’aventure sur des terres expressives et lyriques. Sa viole de gambe chante, en demi-teinte, telle une voix humaine à laquelle il ne manquerait que les mots, aux antipodes d’un pur exercice d’échauffement… Dès l’intrusion du clavecin, il nous semble entendre un récitatif d’opéra. Christine Lecoin, souveraine, respire en osmose avec le violiste qui expose, dans le Labyrinthe de Marin Marais, un discours «narratif» laissant la place aux doutes, ménageant et Leclair dans l’implantation du violon, et de fait la supplantation du dessus de viole. La deuxième sonate de Jean-Marie Leclair est le miroir du renouvellement du style français, servie à l’archet de manière étincelante et légère par Amandine Beyer. Le clavecin fut, une fois n’est pas coutume, mis à l’honneur dans la chaconne La Felix de Jacques Duphly, témoignant des qualités digitales et interprétatives d’Anna Fontana. Bien qu’un peu long, ce programme a ravi son auditoire, pour lequel la musique française instrumentale du XVIIIe siècle n’avait semble-t-il aucun secret. FRÉDÉRIC ISOLETTA Paolo Pandolfo © X-D.R des suspensions à couper le souffle ! Avec Forqueray, ce 29 mars à l’église Sainte-Catherine, on se trouve au cœur du dernier grand répertoire pour viole, destiné à la cour de Louis XV. C’est que la France a longtemps résisté à la prédominance croissante du violon italien en Europe… avant de céder au sens de l’histoire. La 5e Suite du «roi des violistes», donnée en alternance viole et clavecin, fait vibrer la nef au gré de contrastes frappants : du pur chant plaintif aux traits les plus acrobatiques dominant des carrures obstinées et des dynamiques balancées… Stupéfiant ! JACQUES FRESCHEL Direction Versailles et la France du violon le 30 mars avec le concours d’Amandine Beyer (violon), Anna Fontana (clavecin) et Sergio Alvarès (viole de gambe) à la chapelle sainte-Catherine.La précieuse conférence de la musicologue Catherine Cessac, sur la place et l’ascension du violon au siècle de Louis XIV et Louis XV, ne pouvait que laisser place une illustration vivante de son propos. Le gambiste Sergio Alvarès interprétait magistralement les ultimes témoignages de la fin du règne de la viole de gambe dans des pages de Forqueray et Marais alors que la violoniste Amandine Beyer soulignait l’apport virtuose et délicat des compositeurs Rebel Angelich le Grand Première invitation réussie à l’Opéra de Marseille pour le grand pianiste Nicholas Angelich dans le cadre des concerts symphoniques. Retour sur la très belle soirée du 29 mars L’ex-protégé de Martha Argerich n’est pas près d’oublier l’accueil du public marseillais tant il a longuement salué ce poète du clavier. Car pour servir à sa juste valeur le compositeur allemand Robert Schumann, il faut pouvoir allier le toucher subtil et délicat d’Eusébius à la verve romantique enflammée de Florestan. Le magnifique concerto pour piano en la mineur, à l’imagination débordante, fut offert à l’auditoire de manière magistrale, tel un présent. La musique de cette époque, propre à une virtuosité transcendantale parfois gratuite, se mit tout à coup à chanter sous les doigts du pianiste américain. La complicité harmonieuse palpable entre le soliste et le chef d’orchestre Emmanuel Villaume fut de fait un atout considérable de cette entreprise concertante. Le chef avait préalablement ouvert les festivités de manière étincelante avec la tourbillonnante ouverture des Noces de Figaro de Mozart. L’orchestre philharmonique de Marseille, très concerné, donnait ensuite la septième symphonie de Beethoven de manière éclatante, emmené vers une symbiose totale avec le chef strasbourgeois. Cet opus symphonique, Nicholas Angelich © Stéphane de Bourgies véritable «apothéose de la danse» selon Richard Wagner, mit à l’honneur la profonde pâte sonore des cordes et les nombreux soli des bois, mais dévoila parfois le timbre un peu trop sec des cuivres. Phénomène secondaire qui n’a pas altéré ce magnifique concert, conclu par la Rêverie du poète Schumann, offerte par Angelich en guise de rappel, telle une ultime offrande. F.I. TOURSKY | SMCM | JEU DE PAUME |GTP MUSIQUE 31 La poésie crie de joie Il est des moments où le temps s’arrête, parce que la fulgurance du Verbe l’emporte. La lumière tombe sur l’acteur, crépuscule ocre où baignent les mystères de la création «On t’aime, Richard !» Les cris fusent du public. L’orchestre philharmonique est convié par le maître des lieux à s’avancer, et l’émotion est sensible ! Chacun reste à sa place, pour préserver encore la magie, achever de la savourer. Une rose est délicatement déposée sur la scène, offrande à l’acteur puissant et ardent. Léo Ferré, Arthur Rimbaud, Boris Vian, Ferré encore et toujours, et Richard Martin, passeur de mots, passeur de sens, passeur de vie. La voix clame, murmure, module, psalmodie, se mêle à l’autre voix, celle de l’orchestre de l’Opéra (voir page 69), qui, sous l’impulsion subtile de Philippe Nahon, dialogue, rêve, ourle d’écume les vagues Qui a dit que la Poésie criait au secours ? Ce soir-là, vivante et superbe, elle a transporté son auditoire dans la beauté, effaçant au passage les maladresses des arrangements musicaux et les décalages du pianiste. Et tant pis pour tous les Platon qui cherchent à expulser la Poésie de la Cité, même avec des couronnes de roses ! gigantesques du poème. Chaque voix garde son timbre propre, son discours, et la magie du spectacle les rend indissociables, plus que complémentaires. Parfois le dialogue se fait plus intime, le piano ou la harpe chantent leur contrepoint ; parfois un trio se détache, constitué par les intonations vibrantes de Richard Martin, la voix chaude et profonde du cor d’harmonie et celle, aérienne, extérieure, du piano. La salle comble est comblée, face à cet interprète enthousiaste au premier sens du terme, possédé par le dieu : Dionysos, bien sûr, dans sa folie, sa démesure, sa capacité à renaître sans cesse. MARYVONNE COLOMBANI La Poésie crie au secours a été créé au Théâtre Toursky le 4 avril Richard Martin © X-D.R Brahms à la folie Le compositeur romantique allemand était à l’honneur sous les doigts du merveilleux pianiste Cédric Tiberghien, le 1er avril au théâtre du Jeu de Paume Donner un récital entièrement consacré à la littérature pianistique de Johannes Brahms est audacieux et bienvenu, tant ce pan de l’œuvre du compositeur hambourgeois reste méconnu, et interprété de manière sporadique. Ce concert doit déboucher sur un enregistrement dont il faudra guetter la sortie, car il a su pointer les spécificités de l’univers sonore, éclectique, brahmsien. Tout d’abord le vénéré maître Bach, dont se nourrissait quotidiennement Brahms comme d’autres font leur footing le matin. La Chaconne de la Partita en ré mineur pour violon, Cédric Tiberghien © X-D.R transcrite par Brahms pour la seule main gauche, nous plonge dans une œuvre austère et intérieure, puis enchaîne avec les intimistes Klavierstücke op.76 interprétées avec poésie. L’écriture parfois sévère laisse alors place à l’expression populaire si chère au pianiste de tavernes et de cabarets que fut Brahms dans sa jeunesse. Les miniatures raffinées que sont les valses op.39, le plus souvent interprétées à quatre mains, installent une nature chatoyante transitant de manière opportune vers les fameuses danses hongroises, dont les dix premières furent à l’instar des valses transcrites pour deux mains par l’auteur lui-même. Servies de manière explosive par une technique irréprochable, ces pages spectaculaires, dont certaines sont au demeurant très difficiles d’exécution, font presque oublier la première image de Brahms : jouées parfois à la tzigane, en intensifiant les contrastes, les couleurs et les changements de tempi, ces «tubes» comme les appelle Cédric Tiberghien ont confirmé le grand talent de ce pianiste virtuose qui, en communiquant avec le public, a expliqué ses choix humblement et simplement. Simplement génial. I.F. Programme calorique Comme chaque année à la Société de Musique de Chambre de Marseille, lors de l’avant-dernier concert de la saison, Bernard Camau annonce le menu de la suivante. Du coup, on salive déjà à l’idée d’entendre les pianistes Eric Le Sage, Ronald Brautigam, Bertrand Chamayou, Hélène Couvert, le corniste David Guerrier, le claveciniste Pierre Hantaï, les violonistes Nicolas Dautricourt, Fanny Clamagirand, le violoncelliste François Salque, le Trio Equinox et les quatuors Amadeo Modigliani, Gabriel et Atrium. Après ce préambule traditionnel, en ce 25 mars, le Quatuor Fauré fait son entrée et débute par le très lyrique Mouvement pour quatuor avec piano de Mahler, horsd’œuvre joué comme il se doit, avec emphase, passion et quelques touches de délicatesse. Viennent ensuite deux gros Une étoile en clôture Malgré une carrière déjà bien remplie, June Anderson demeure l’une des meilleures belcantistes des plateaux lyriques. Pour l’ultime concert de la première saison du Grand Théâtre de Provence, la soprano se produit dans son répertoire de prédilection : essentiellement du Bellini (Casta Diva, La Somnambula…) mais aussi Rossini (Semiramide), Verdi (Otello)… (le 6 mai à 20h30). plats de résistance du répertoire pour quatuor avec piano ! L’Opus 60 de Brahms s’avère chez ces jeunes allemands supraexpressif, tantôt furieux ou plaintif, désespéré ou paradisiaque… Du grand son, somptueux, une texture homogène et une pulsation impeccablement maîtrisée ! C’est dans un élan semblable qu’est attaqué le majestueux Op.87 n°2 de Dvorak, avec toujours le même souci de dessiner de belles phrases, larges, vibrantes et de ménager des transitions souples et soignées… Après un nouveau mouvement de Brahms, en bis, le public a tout de même apprécié un élégant et ludique Tango, déposé en délicieuse sucrerie sur une table de mets richement préparés. Mais un peu lourds à digérer en une seule soirée ! J.F. Auparavant on aura entendu l’Académie de l’Orchestre National de Lyon dans la 6e Symphonie «Pathétique» de Tchaïkovski, le Concerto pour harpe de Rodrigo (le 26 avril à 17h - Entrée libre ) et, dans un autre registre, la chanteuse québécoise Isabelle Boulay (le 29 avril à 20h30). J.F. Grand Théâtre de Provence, Aix 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net 32 MUSIQUE GMEM | MUSICATREIZE | TÉLÉMAQUE | GRIM Quelles musiques pour demain ? Le festival annuel du GMEM bat son plein : il mise cette année encore sur le croisement des arts pour «faire passer» la musique qu’il n’appelle plus contemporaine, et la rendre un peu plus populaire. D’où l’entreprise de communication et d’affichage, et la politique tarifaire à 5 euros. La soirée d’ouverture, qui proposait un Opéra imaginaire d’après Lolita de Nabokov, se voulait une œuvre totale, et tenait par la grâce du comédien : la musique de Finneberg tournait en rond, la danse de Johanne Saunier était peu présente, le dispositif vidéo, habilement scénographié, était redondant. L’obsession d’Humbert, rendue fascinante par la juxtaposition des discours durant la première demi-heure, perdait peu à peu de son intérêt, ces discours n’étant jamais renouvelés, ou évolutifs : une mauvaise maîtrise du temps, ce qui est paradoxal pour des musiciens ! Y.T. Lolita © JoJi Inc Plateaux improvisés Concerts One Shot avec Martin Tetreault et ses étranges platines et objets générateurs de sons, suivi d’une confrontation d’instruments médiévaux (le théorbe de Michel Robert et le clavicithérium de Julien Ferrando) à la guitare électrique (Jean-Marc Montera), le tout enrubanné d’électronique (le 29 avril à 20h30). Troisième temps fort de l’année, Micro Action#3 propose une mini édition de Musique Action, festival phare des musiques improvisées en Europe. Dans le cadre de la manifestation Recycler c’est métamorphoser (voir page 7) le guitariste / «platiniste» japonais Otomo Yoshihide est entouré de musiciens pour Invisible Songs (le 13 mai à 20h30) et une composition réalisée à partir du film de Masao Adachi Prisoner qui retrace l’histoire d’une attaque suicide dans un aéroport et la capture d’un des terroristes dont la grenade n’a pas fonctionné (le 14 mai à 20h30)… MARSEILLE. Montévidéo GRIM 04 91 04 69 59 www.grim-marseille.com Mouvements ciné-sonores Le succès D’Est en musique, donné au Gymnase le 18 avril, tient en premier lieu au talent de Sonia WiederAtherton. Dans un théâtre bondé, secondée par Laurent Cabasso (piano), la violoncelliste a fait chanter son instrument comme seule elle sait le faire, tout en lyrisme subtil : de l’exhortation désespérée à la complainte nostalgique… Le programme, édifié autour de deux superbes sonates de Rachmaninov et Schnittke, a établi un contrepoint esthétique avec les images d’un film de Chantal Akerman. Un jeu habile Des timbres en couleurs Si vous allez vous balader dans les canyons de l’Utah vous aurez peut-être l’occasion de gravir le Mount Messiaen : consécration inédite pour l’œuvre orchestrale monumentale aux dimensions insolites, Des canyons aux Etoiles, commandée à l’occasion du bicentenaire des Etats-Unis en 1971. À la Friche, faisant corps avec son instrument, le pianiste Roger Muraro a prouvé une fois de plus qu’il est bien le spécialiste du compositeur dont nous fêtons le centenaire de naissance. Sous la direction précise de Philippe Bender, les jeunes musiciens de l’OJM (Orchestre régional des Jeunes de la Méditerranée) ont eux aussi démontré qu’ils pourront bientôt évoluer comme des professionnels, tant cette partition de douze tableaux est complexe et dense. Mention particulière aux trois autres solistes, surtout au jeune corniste Julien Heisse fort à l’aise avec une écriture peu conventionnelle. «S’élever des canyons jusqu’aux étoiles pour glorifier Dieu», tel est le propos de ce monument qui, par la richesse et l’invention de ses timbres, a visiblement surpris le public venu en nombre. F.I. Les Musiques jusqu’au 26 avril 04 96 20 60 10 http://gmem.free.fr/ de rideaux de projection a permis de suivre les plans, soit comme à l’époque du muet, avec la source sonore cachée, soit en apercevant, en transparence, les musiciens délicatement éclairés. Du coup, leur silhouette s’est intégrée, en relief, au rythme de vastes plans-séquence tournés à l’Est, mais abusant de travellings latéraux récurrents : une interminable salle d’attente, du trafic automobile urbain… Au demeurant, le va-et-vient expressif entre les arts visuel et sonore s’est avéré séduisant ! J.F. Roger Muraro © Bertrand Desprez Répertoire et création contemporains Le 3e volet des Ouvertures solistes au Grim (voir cicontre) s’intitule Les inclassables. Benjamin Clasen (alto), Jean-Marc Fabiano (accordéon) et Frédéric Baron (basson) présentent des opus d’Alain Mabit, Surexposition pour basson solo, György Ligeti Sonate pour alto solo, Philippe Hersant Duos pour basson et alto, Astor Piazzolla Trio pour accordéon, basson et alto et deux créations de Pierre Adrien Charpy Pièce pour accordéon et Trio pour accordéon, basson et alto. le 20 mai à 20h30, 3 impasse Montévidéo 04 91 39 29 13 (Café musique contemporaine à 19h30) www.ensemble-telemaque.com Amarres vocales Le prochain Concert «à quai» de l’ensemble Musicatreize annonce un rapprochement vocal intéressant avec Le Printemps de Claude Le Jeune (XVIe siècle), et les Cinq Rechants de Messiaen. On assiste ensuite à une création de Christophe Bertrand Kamenaia inspirée des tableaux de JeanDubuffet Vénus du trottoir et Terre Brûlée II de Raoul Ubac avant la reprise de The last words virginia Woolf wrote de Jean-Christophe Marti (Avant-goût «atelier d’écoute» le 14 mai à 17h à l’Alcazar - entrée libre) Concert le 15 mai à 19h30 Temple Grignan 04 91 00 91 31 www.musicatreize.org La manifestation prévue pendant la Nuit des musées du 17 mai est annulée, de même que l’Avant-goût De la toile à la partition du 10 mai 33 Drôle de requiem! Assister à la création d’une œuvre a quelque chose de palpitant ! Ce fut le cas le 1er avril au GTP pour la version musicale du 5e Conte de Musicatreize, fruit de la collaboration de l’écrivain Hubert Nyssen et du musicien Bruno Mantovani © Agnès Mellon Tout débute par un classique allegro de quatuor mozartien, un peu bouche-trou certes, mais ménageant une interrogation : à quelle sauce Wolfi sera-t-il accommodé pour passer le Styx ? Car c’est bien de cela dont il semble être question derrière le titre énigmatique L’Enterrement de Mozart. De fait, dès l’attaque d’une texture mouvante, étrange alchimie d’un vibraphone, d’une guitare, d’un piano, d’une clarinette et d’harmoniques de cordes, surgissent les mots «Requiem œternam» ! Assisterions-nous à quelque cérémonie funèbre ? Que nenni ! On comprend vite que le propos est décalé. Peu à peu s’instaure un dialogue insolite entre un boutiquier à moitié sourd et un collectionneur bègue ! Ce dernier pense être tombé sur «la gravure que Beethoven avait accroché dans sa chambre car elle évoquait à ses yeux l’enterrement de Mozart.» Erreur ? Serait-ce un rêve… «Rue de Lille, à Paris, pas loin de chez Lacan» qui finit par appeler l’homme «pour le coucher sur son divan» ? Le chien qui suit le corbillard se nommerait Aristide, un chien malade (Kantien ou disciple d’Aristote ?), que le marchand traînait autrefois au jardin public… et la gravure n’a pas de prix… et n’est pas à vendre ! Le livret d’Hubert Nyssen fleure l’absurde légèreté des textes mis autrefois en musique par Satie ou Poulenc, et l’accompagnement de Bruno Mantovani fait la part belle à la clarinette grinçante, virevoltante ou pleurnicharde, sur une trame sonore tantôt continue, fuyante ou obstinée, pulsée et énigmatique… On attend désormais la création scénique ! JACQUES FRESCHEL Insolites solistes ! Le Grim accueillait sur la scène musicale de Montévidéo, le 4 avril, l’ensemble Télémaque Précédé d’un café musique contemporaine instructif et convivial animé par Raoul Lay, cette deuxième Ouverture solistes de la saison portait le titre Les Baroques. Comprenons Ouverture pour la rencontre de musiques distantes de trois siècles et la transmission de partitions contemporaines aux oreilles synchroniques, solistes pour la formation réduite de l’ensemble qui tour à tour offre à chaque interprète un rôle majeur, et baroques pour le sens littéral du terme définissant, au-delà de la période historique, une esthétique du contraste, de l’irrégularité, de l’extravagance. Ce terme s’applique alors à toutes sortes d’opus proches de l’improvisation, à la conquête de nouveaux timbres, qu’ils datent de 1700 ou de 2000. Le Ryoanji de John Cage peut installer un tactus immuable sous les mailloches de Christian Bini et la mélopée distendue du hautbois de Blandine Bacqué, installant une ambiance propice à l’entrée fracassante et médusante du contre-ténor Alain Aubin. Accompagné de Jean-Bernard Rière, contrebassiste pince-sans-rire notre chanteur-conteur à l’allure expressionniste dégoulinante se déhanche et éclabousse le spectateur de quelques axiomes savoureux mâchés et catapultés en pleine figure. Les costumes d’Edith Traverso et la mise en scène d’Olivier Pauls laissent la salle déconfite et rigolarde, obligée de se reconcentrer pour Les Citations de Dutilleux, vaste diptyque évoquant entre autres le renaissant Janequin dans une formation aux accents baroques : hautbois, percussions, contrebasse et le clavecin d’Isabelle Chevalier, toujours surprenant pour une page qui n’a que vingt ans. Transition concordante avec les songs O solitude et Here the deities approve de Purcell et la cantate 102 de Bach que ne viendra même pas troubler une lamentation du contemporain Simon Holt, dialogue spatialisé du contre-ténor et du hautbois. Ouverture, rencontre et talent auront été au service d’une très belle soirée ! FRÉDÉRIC ISOLETTA Alain Aubin, extrait de vidéo de Didier Garcia En plein chœur L’ensemble Musicatreize et le Chœur Contemporain étaient accueillis au Conservatoire de Marseille le 21 mars dans un programme éclectique et recherché. L’auditoire fidèle était entouré par un chœur spatialisé, placé de surcroît au cœur de l’œuvre. Et quelle œuvre ! Spem in Alium de l’anglais Tallis est un trésor de la musique élisabéthaine, motet écrit à quarante voix individuelles divisées en huit chœurs de cinq voix chacun. Roland Hayrabedian, situé face au public, parvint à garantir l’osmose de l’ouvrage. Les Tre canti sacri de l’italien Scelsi nous convièrent ensuite en plein vingtième siècle avec une formation vocale bien plus réduite. Triptyque témoin de la virtuosité vocale florissante à l’ère moderne, ces chants sacrés innovent et étonnent avec des quarts de tons, onomatopées percussives, sons nasaux, vibratos particuliers… La création de Denis Bosse, Fragments de la Voix Lointaine, commande de l’ensemble marseillais, est inspirée de deux tableaux exposés au musée Cantini : Le théâtre de la vie de Maria Elena Vieira Da Silva et Terre brûlée II de Raoul Ubac. Les deux toiles, projetées pendant l’exécution de l’œuvre, furent également associées au texte du poète Yves Bonnefoy, support de stries sonores illustrant les œuvres picturales. La boucle fut bouclée avec la nouvelle mise en espace du chœur au complet pour le Cadavre exquis de Zad Moultaka, également présent dans la salle : une œuvre écrite pour quarante-huit voix réparties en quatre chœurs dirigés par quatre chefs, les trois nouveaux venus officiant depuis l’allée centrale. Le public redevint acteur d’une partition au texte fragmentaire, élaboré lors d’ateliers d’écriture par nombre d’auditeurs du concert… Au cœur du chœur, l’expérience fut applaudie ! F.I. 34 MUSIQUE GTP | TOURSKY | MACHINE À COUDRE Baker’s back Le Grand Théâtre de Provence accueillait le 28 mars la Revue de Jérôme Savary rendant hommage à Joséphine Baker Auditionnée au côté de près de trois cents prétendantes aux Etats-Unis par Savary lui-même, Jersey Nicolle Rochelle a conquis l’auditoire provençal, charmé par ses talents de chanteuse et de danseuse. Elle incarnait Joséphine Baker, la coqueluche des années folles qui provoqua scandale et admiration au théâtre des Champs-Elysées lors du passage de la Revue Nègre en 1925, personnage qui constitue le fil conducteur de ce grand spectacle à numéros, élaboré dans la tradition des revues d’antan. Une revue sur fond d’images du passage dévastateur de Katrina à la Nouvelle Orléans : l’ouragan servait à la fois de décor et de genèse, puisqu’un zodiac © X-D.R situé dans la fosse d’orchestre figurait un lieu narratif flottant sur la ville engloutie… Le spectacle se voulait historique et édifiant, enchevêtrant l’histoire du jazz, de l’esclavage, des images du Klu Klux Klan, des discours de Martin Luther King, et la condition actuelle des afro américains. Ce qui relevait bien sûr d’un sentiment louable mais rendit parfois inégal et confus le spectacle, qui perdait de vue la belle Joséphine… Celle qui a étudié le swing de la ceinture de bananes et les chansons de la vénus d’ébène pour s’approprier le rôle gratifia pourtant un public (conquis) de l’incontournable J’ai deux amours, sans oublier l’exotique Tonkinoise. L’enchaînement réussi des tableaux permit finalement de retrouver l’esprit Revue, grâce à l’humour et aux qualités chorégraphiques de la troupe, très à son aise sur les planches aixoises. Tout à fait prête à défiler au Casino de Paris en mai, pour le point final d’une tournée débutée en Louisiane en 2006 ! Ça va découdre ! La programmation de la scène marseillaise de la Machine à coudre fait qu’on s’intéresse de près à cette petite salle marseillaise de la rue Jean Roque. Une fanfare peut en cacher une autre : après les Moldaves de Vagabontu, voici la fanfare opulente survitaminée marseillaise Wonderbrass (le 18 avril). Le lendemain, punk jazz avec Artisanal sound club et funk rock psychédélique pour The thirsty selenits band. Place ensuite au flamenco d’Antonio Negro (le 24 avril), puis au cabaret à météo variable de Laure Chaminas suivi de la chanson belge déglinguée de Stella Pyre (le 25 avril). Les allemands de Boonaraaas, les australiens de Digger and the pussycats et les marseillais de Vaginal liquid boucleront le mois dans un poétique garage punk (le 26 avril). Étirements et assouplissements conseillés le jour de la fête du travail pour aborder en pleine possession de ses moyens le show détraqué et assaisonné à la Butthole Surfers des 25 et le rock bien trempé de FRÉDÉRIC ISOLETTA Les musiques du Toursky Richard Martin accorde une place prépondérante à la musique sur la scène du Toursky… à toutes les musiques ! Après le pianiste Michel Bourdoncle dans le cadre du Festival russe et La poésie crie au secours avec l’Orchestre Philharmonique de Marseille (voir p31), on attend l’auteur/compositeur Jacques Mandrea (chanson française, le 2 mai), le guitariste Seydina Insa Wade (Nuit du conte Cameroun & Sénégal, le 6 mai), et la nouvelle création délirante du groupe Quartiers Nord (La Revue marseillaise, les 16 et 17 mai). Mais les amateurs ressentent déjà les vibrations annoncées par José-Luis Gomez pour le 4e Festival International Flamenco… peut-être le climax populaire de la saison ! Le groupe Chispa Negra revient au Toursky avec son nouveau spectacle : la guitare, les percussions, la basse se mêle Théâtre Toursky Spectacles à 21h (sauf 20 et 21 mai) 0 820 300 033 ou 04 91 02 58 35 www.toursky.org au «cante jondo» et à la danse rituelle (le 20 mai à 20h et le 21 mai à 19h). Le Tremplin découvertes offre une opportunité aux artistes qui pratiquent passionnément et confidentiellement le flamenco d’exprimer leur talent (le 22 mai). Le Festival s’achève avec une création originale de la Compañia En Klave Flamenca dirigée par le percussionniste Isaac Vigueras. C’est ici la sensualité et la puissance des deux extraordinaires danseurs, Manuel Liñan et Maria Del Mar Martinez, qui font trembler la scène (les 23 et 24 mai). © X-D.R Myra Lee (le 1er mai). Le week-end sera tendre avec le passage anarchoromantico-punk des italiens Kalashnikov (le 3 mai), histoire d’être en forme avant de se frotter au garage punk primitif de The Hatepinks et des Kung Fu Escalator (le 9 mai) puis au punk rock allumé des Ynodible et Les Jolis (le 10 mai). F.I. J.F. La machine à coudre 04 91 55 62 65 www.lamachineacoudre.com BABEL MED| BSIDE Le tour de Babel MUSIQUE 35 Rabat joie à Babel Méd ? Retour sur Babel Med Music, trois jours de musiques et de rencontres cosmopolites au Dock des Suds Pour faire le tour du monde en musique il fallait se rendre au Dock des Suds et traverser les 90 pays représentés. Des Caraïbes à l’Iran en passant par le Mali ou la Serbie, il y en avait pour tous les goûts, toutes les oreilles et toutes les cultures lors des trois soirées épicées donnant au Dock un air de Fiesta avant l’heure. Mais Babel Med Gong Linna © X-D.R Music n’est pas seulement un festival de musique du monde, c’est aussi un marché de professionnels de la musique qui a réuni pour l’occasion 600 organisateurs et producteurs, une soixantaine de labels, 200 agents ou impresarios et près de 200 festivals. Le salon, véritable souk musical, a rythmé les trois journées au son de rencontres, de tissages et d’échanges. Entre musique et projections ou débats, et déambulation conseillée entre des partenaires indispensables comme la Sacem, les radios FIP, Grenouille ou France musique, on ne s’ennuie pas ! Il n’est pas toujours évident de savoir où vous en êtes au Dock, tant les allées sans fenêtres grouillent de monde qui écoute, boit, mange et change d’endroit comme de chemise. La multiplicité des salles permet ce touche-àtout qui offre la possibilité de goûter, collé serré, à toutes les saveurs de ce cocktail sonore. Hélas, quand tout le monde décide tout à coup de se déhancher sur les rythmes soutenus de Mamar Kassey, la suffocation guette ! Il faut dire qu’il y a foule, 12000 spectateurs en trois jours, c’est 2000 de plus que l’an dernier ! La programmation est pleine de découvertes : c’est la marque de fabrique de Babel Med, qui se garde des têtes d’affiche et fait venir le monde, et la Méditerranée, à Marseille. La musique se veut éclectique, et demeure donc quelque peu inégale. Le 29 on y a vu… la confondante chinoise Gong Linna, le DJ malien Mo en agité des platines, le métissage relevé mêlant Bretagne, Tzigane et Iran d’Erik Marchand, Titi Robin et Keyvan Chemirani… On ne sait plus où donner des oreilles, emportés dans la déambulation de la fanfare moldave Vagabontu ! On reste néanmoins sceptique, hésitant entre sourire et dépit à l’écoute de quelques sets comme les reprises improbables et impayables de Smoke on the water, Llosing my religion ou Like a virgin des Turcs du Dolapdere Big Bang. FRÉDÉRIC ISOLETTA SIDE BY SIDE La seconde édition du festival électro-rock B-SIDE organisé par l’association marseillaise In the Garage bat son plein ! Si vous avez raté ces derniers jours Scenario Rock, Heidi, Naive new beaters, Zombie Zombie, Black Lips, Aggravation et Partyline, c’est impardonnable ! Bien que vous puissiez vous rattraper avec le mix électro-rock des canadiennes de Duchess says et Lesbian on Ecstasy (le 29 avril au Cabaret Aléatoire). Ondulations du bassin sur le dance floor pour accueillir comme il se doit la DJ Jennifer Cardini, nouvelle star de la scène électro minimaliste, qui sera accompagnée de Sébastien Bromberger, Poni Hoax et Dondolo (le 3 mai au Cabaret Aléatoire). Deux concerts à ne pas rater ! La Troba Kung-Fu ©Jep Brengaret Première soirée le 27 mars. Tout de suite en entrant des voix étonnantes surgissent de la première salle : les six femmes de La Mal Coiffée entonnent des chants occitans dont on ne sait, dans le mystère de leur impossible déchiffrage, s’ils touchent notre nostalgie ou notre joie. Vertu de la musique que de révéler les profondeurs de notre âme ; catharsis sereine. Immanence de la tradition ? Tiens, des sons de guitare orientale dans la salle la plus intime et reculée : la chanteuse kabyle Nadia Cachaouit ne fait pas vibrer son public, et ne dispense rien qui donne envie de rester dans ces chants traditionnels. Parce qu’ils touchent peu l’âme des Européens profanes ? Ça bouge un peu plus après les occitanes mal coiffées. On accourt : fausse joie ! Le groupe En chordais ensemble ne donne pas à mon âme (pourtant grecque) l’envie de sautiller… Ah ! Ça se précise dans la grande salle, du latino, ça bouge : c’est La troba kung-fú ! Un guitariste, un bassiste et une jeune fille à la batterie ; premier solo de guitare, la salle s’enflamme ; solo de basse, ça secoue encore plus ; puis la batterie : la jeune batteuse est époustouflante, elle fracasse les cymbales et les caisses, et les têtes dans la salle battent la mesure. Musique gringos par excellence, mélange bigarré entre dub, rock, rumba et reggæ ton aussi. On s’est régalés ! Et en fin cette fameuse trompette d’Ibrahim Maalouf ; c’est assez rare ces sons orientaux qui sortent d’une trompette, et c’est très beau ; dommage que l’artiste soit aussi à l’aise sur scène qu’un éléphant dans une maroquinerie… Bon, finalement deux ou trois beaux moments dans une soirée c’est pas mal ; pour les autres concerts ce sera trop tard. Tant pis pour les Ska Cubano, au nom si évocateur ; deux heures du matin, est-ce bien raisonnable ? RÉGIS VLACHOS La Mal Coiffée © Mathias Briechle F.I. www.myspace.com/inthegarage13 Babel Med s’est déroulé au Dock du 27 au 29 mars 36 MUSIQUE CD | DVD Syncrétisme pulsé Chansons textuelles Maquerelle Images de jours, détails du soir / Mosaïcmusicdistribution Drunksouls On verra plus tard www.drunksouls.com L’album autoproduit des Drunksouls On verra plus tard est sans aucun doute la bonne surprise du printemps musical qui s’annonce. Un cd autoproduit, qui en plus réserve de très belles promesses, a besoin du coup de pouce nécessaire pour s’afficher et s’imposer chez nos lecteurs. Partisans d’un style punk rock lors de leur formation en 2002, le virage artistique des dunksouls s’est opéré en douceur, transitant vers le groove et le reggae sans pour autant délaisser les racines rock des débuts. Cet alliage original, et surtout réussi, est à découvrir d’urgence aussi bien pour ses titres bien trempés comme Pain of life que pour les balades épurées façon Comme Louise et Thelma. C’est l’un des groupes les plus populaires de Jamendo, et les 13 titres rock’n reggae de l’album valent le détour : le titre n’est justement pas à prendre au pied de la lettre ! Une touche de punk rural «La poésie ne prend son sexe qu’avec la musique» disait Léo Ferré dont l’influence musicale et poétique est palpable chez les Tourangeaux de Maquerelle dans ce premier album intitulé Images de jours, détails du soir. La rencontre des musiques de Pierre Mottron et des textes du chanteur Hugo Bon souligne également la filiation directe avec Noir Désir pour un résultat étonnant. Les textes sont travaillés et soignés, pour être ensuite dilués en spoken word, ou projetés de manière accrue et martelée. Un léger soutien électro façon trip hop ambiant teinté de mélopées au saxophone ténor donne un côté poético cadencé alternant suspension planante et pulsation enivrante. Un premier opus à découvrir ! F.I. F.I. Laids Crétins des alpes Keskonvafair laidscrétinsdesalpes. free.fr Laids crétins des alpes dont de retour avec un second album drôle et rythmique intitulé Keskonvafair. Certes, il ne faut pas s’attendre à du Ronsard déclamé sur un accompagnement bossa nova, et pour une fois on ne va pas s’en plaindre ! Enfin de la bonne humeur, du second degré et des textes complètement décalés sur une musique entraînante, dynamique, toute fraîche et brute de décoffrage. Ces chansons crétines punkifiées pleines d’humour atterrissent tel un ovni sur une planète sonore se prenant trop souvent eu sérieux. Enlevés sur une rythmique ska bien soutenue, Les doryphores sont de retour et autres Ours polaires en colère ou grizzlis malpolis peuvent non seulement provoquer un tortillement du bassin, mais aussi un bon rictus. Entre une Levrette story et une Chasse au dahu digne des fameux VRP, militons pour la chanson punk déglinguée, festive et sautillante de nos crétins alpins au mook ravageur ! F.I. Melting pot Piano royal Doppel Brahms Dépaysement et déhanchement assuré avec la sortie de l’album Shlomo du groupe cosmopolite Kabbalah. S’inspirant de la tradition Klezmer, d’où l’influence majeure de musique d’Europe centrale et de l’est, les 9 titres de l’album accueillent volontiers un cocktail sonore ambitieux mais heureux : spoken word, hip-hop, rock, oriental, jazz, classique… les textes aussi sont colorés mêlant anglais, russe et yiddish sur une instrumentation s’avérant originale et éclectique (saxophone, violon, contrebasse, xylophone, percussions, mandoluth). Ce métissage hybride donne le tournis entre Orient et Occident, rythmé et cadencé à souhait parfois à la manière d’une transe alternant avec l’émotion mélancolique propre à la musique slave. Un mélange détonnant et accompli ! Qu’est-ce qui fait que la musique de Brahms et Schumann aime autant Nicholas Angelich, au point que le jeu de ce dernier, dans ces répertoires, semble si naturel, somptueux, éblouissant… Peut-être que l’expression passionnée, la virtuosité d’écriture de ces compositeurs, ceinturée dans une facture «classique», s’accordent idéalement à la personnalité du pianiste, réservée et fougueuse à la fois. Le 1er concerto du jeune Brahms trouve là une interprétation magistrale (en complément les Danses hongroises à 4 mains avec Frank Braley). Erika Geldsetzer (violon), Sascha Frömbling (alto), Konstantin Heidrich (violoncelle) et Dirk Mommertz (piano) ont choisi un nom français, mais le Quatuor Fauré est absolument germanique ! Si le répertoire pour quatuor avec piano est moins conséquent que celui pour cordes, il comporte cependant de précieux bijoux, comme les deux Quatuors op. 25 et 60 de Brahms. L’ensemble, fondé à Karlsruhe en 1995, les interprète dans une esthétique typiquement allemande, basée sur l’ampleur des phrasés, de l’expression et du legato. J.F J.F. F.I. CD VIRGIN CLASSICS 518998 Kabbalah shlomo La meson / Mosaïc distribution www.kabbalahmusic.net Nicholas Angelich s’est produit à l’Opéra de Marseille le 29 mars et à la Société de Musique de Chambre le 22 avril CD DEUTSCHE GRAMMOPHON 476 6323 Le Quatuor Fauré a joué à la Société de Musique de Chambre de Marseille le 25 mars 37 Lumineux Vivaldi Schmelzer nicht vergessen Ballades romantiques CD ALPHA 109 CD ZIG-ZAG TERRITOIRES ZZT 070902 Pour fêter ses 10 ans, Zig-Zag publiait en 2007 un enregistrement consacré à Vivaldi. L’Ensemble 415, emmené par la violoniste Chiara Banchini, jouait des Concerti à quatre violons tirés du célèbre Estro Armonico. Après des compositeurs plus confidentiels comme Geminiani ou Valentini, la violoniste affirmait toute sa science en matière d’école de violon baroque italien. Les palettes de couleurs et d’ornements, les croisements virtuoses des lignes mélodiques, les dynamiques savamment dosées se dévoilaient, rendus par la prise de son probante de Franck Jaffrès. Johann Heinrich Schmelzer fut un violoniste exceptionnel qui vécut à la cour de Vienne au cœur du XVIIe siècle. Ses recueils de sonates marquèrent l’art instrumental de son temps dans les domaines de la vélocité, de la conduite de l’archet, de la scordatura… Hélène Schmitt, musicienne au jeu fervent et animé, fait revivre l’art de ce musicien oublié à travers un choix de Sonatae a violino solo suavement colorées du «souffle pincé» d’un hybride claviorganum, des cordes du chitarrone et du grave violone. J.F. CD HARMONIA MUNDI HMC 901943 Chopin au XIXe siècle compose quatre opus qui portent le titre inédit de Ballades. Ces formes libres correspondent au lyrisme et à la posture poétique des romantiques. Quelques années plus tard, le jeune Brahms reprend ce terme pour quatre pièces inspirées d’un vieux poème écossais, Edward. Cédric Tiberghien, lancé sur les plateaux de concerts depuis son 1er Prix au Concours Long-Thibaud (1998), confronte ces œuvres éponymes. Le résultat est heureux, tant du point de vue technique que de l’opulence sonore, du contraste des couleurs que de la beauté plastique… J.F. J.F. On a pu entendre Chiara Banchini au GTP le 20 mars, et en ouverture de Mars en baroque le 26 mars Hélène Schmitt a joué dans le cadre du festival Mars en baroque le 27 mars Cédric Tiberghien a joué à Aix au Jeu de Paume le 1er avril Lamentations Bach au naturel Les Lamentazioni sont à l’Italie ce que les Leçons de Ténèbres sont pour la France. En vogue au XVIIe siècle, elles étaient célébrées aux offices de la semaine pascale. Marie Christine Kiehr et le Concerto Soave dirigé par le claveciniste Jean-Marc Aymes puisent dans les cycles de Leçons du Manuscrit de Bologne. Les pièces de Carissimi, Frescobaldi, Marcorelli sont très rares au disque, voire inédites. Le timbre diaphane et androgyne de la chanteuse rend à la mélodie sa nécessaire austérité, nuancée par les clairs-obscurs du continuo. Le tout ponctué de Toccatas opportunes. La violoniste Amandine Beyer réunit autour d’elle des musiciens issus d’ensembles baroques renommés pour des concertos de Jean-Sébastien Bach, opus considérés autrefois comme de parfaits préludes à des récitals virtuoses. L’aspect chambriste (un instrument par pupitre) met en exergue le naturel des phrasés de la soliste, la pureté de la ligne mélodique d’essence vocale, l’élégance des coups d’archet, les pulsations dansantes et les traits véloces, sans une once de caricature dans les attaques ou les dynamiques. J.F Manon… Natalie et Rolando En complément de la production marseillaise de Manon de Massenet, on découvre cet enregistrement filmé à Barcelone. Le couple Dessay / Villazon s’y était donné rendez-vous pour une première sur un plateau lyrique. Ils crèvent l’écran ! Natalie Dessay est époustouflante, criante de vérité et Rolando Villazon, somptueux, donne comme de coutume tout ce qu’il a dans les cordes vocales (il devra prendre du repos à la suite de ces représentations). Les décors et costumes de «fête galante» libertine, contribuent au succès du spectacle. J.F. J.F. CD HARMONIA HMC 901952 MUNDI Marie Christine Kiehr et Jean-Marc Aymes se sont produits en clôture du festival Mars en baroque le 1er avril 0CD ZIG-ZAG TERRITOIRES ZZT 070501 2 DVD Virgin Classics 5050689 Amandine Beyer s’est produite lors du Festival Mars en baroque le 30 mars Manon de Massenet est représenté à l’Opéra de Marseille du 29 avril au 9 mai 38 LES PENNES-MIRABEAU | ISTRES | VITROLLES | AIX MUSIQUE Rock in progress La 9e édition du festival international de rock progressif Prog’Sud se déroulera du 30 avril au 3 mai au Jas’Rod, salle de concert des Pennes-Mirabeau Le terme «progressif» fut à l’origine utilisé dans les années 1970 pour souligner la nouveauté musicale de certains groupes, sortant des carcans habituels du rock et puisant çà et là aux sources de la musique classique, du jazz, de la musique traditionnelle… le tout servi d’instruments parfois inhabituels, voire inventés, dans des morceaux complexes techniquement et architecturalement, élaborant de fait des albums concepts. Contrairement à ce que nous pourrions croire, cette branche du rock perdure et sera représentée de manière complète à la salle Jas’Rod. Les organisateurs ont du choisir entre près de 200 groupes pour cette nouvelle édition qui accueillera 13 formations de diverses nationalités, du groupe Rosco il est content © X-D.R. de légende au talent à découvrir : il faudra répondre présent à cet événement fédérateur qui compte dans le circuit international du rock progressif. Le virtuose de la basse Fred Schneider, le joueur de stick argentin Guillermo Cides (quatre instruments en un…) et les légendaires Ange seront présents le 30 avril. Le jazz rock psychédélique de Rosco il est content, les véritables performances du trio japonais Baraka et le très réputé batteur américain Jerry Marotta leur succèderont le 1er mai. Suivront les croisements du rock et de la musique contemporaine des Sauvages Organismes Sonores du toujours surprenant marseillais Phil Spectrum, le métal progressif des tunisiens de Myrath et le symphonique progressif nippon de Interpose+ le 2 mai avant de clôturer le festival avec la formation originelle des suédois de Trettioariga Kriget, les premiers pas en France du quartet helvétique Dawn, les seventies italiens de La Maschera di Cera et le jazz rock progressif venu tout droit du Japon des KBB. FRÉDÉRIC ISOLETTA Concerts à 20h30 Salle Jas’Rod, Les Pennes-Mirabeau 04 91 63 16 43 www.progsudfestival.fr Tchicaï © X-D.R F.I. La Meson Concerts à 20h 04 91 50 11 61 www.lameson.com Usine à rythmes L’Usine d’Istres va produire et encore produire des décibels, et de sacrées têtes d’affiche ! Bernard Allison (le 24 avril), Massilia Sound System (le 25), Les Têtes Raides (le 26), Maceo Parker (le 28), l’Orchestre National de Barbès (le 7 mai), Jim Murple Memorial (le 16) et Roberto Fonseca (le 23)… Si avec ça vous ne savez pas où sortir… À bon port Pas de chichi La salle conviviale Le Cri du Port accueillera sur ses planches le Manuel Hermia 4tet (le 24 avril), le trio platines / piano / batterie DJ Oil - Cyril Benhamou - François Rossi (le 29 avril), le Johnazz Colletif (le 6 mai) et le Kami quintet (le 15 mai). La scène aixoise du Pasino ne sera pas trop grande pour la dévoreuse de mots et de notes Juliette (le 25 avril), la revenante Liane Foly (le 13 mai) et la toute jeune Julie Zenatti (le 21 mai). F.I. 04 42 79 63 60 www.charliefree.com Après sa double carte blanche à Mister Tchack et Doctor H (poésie électro), et aux Constellations de Mister Frac (double soirée les 25 et 26 avril), la très active petite salle de la rue Consolat accueille des danses et musiques flamenco avec Tablao Flamenco Ana Vidal et Fabia Suarez (7 mai) et le rock jazz contemporain du Quintette Fonetic + (17 mai) L’Usine 04 42 56 02 21 www.scenesetcines.fr Moulin à Jazz À Vitrolles, après le jazz tonal et odal (inspiré des ragas indiens) du Manuel Hermia Quartet (Rajazz, le 24 avril), la scène de Charlie Free reçoit le tout jeune John Tchicaï (72 ans !), ancien compagnon de route de John Coltrane, accompagné par l’André Jaume quintet (le 10 mai). Le talentueux Issam Krimi quintet prendra la relève dans une synthèse explosive d’un jazz exhaustif (le 24 mai). Comme à la Méson Cri du Port 8 rue de Pasteur Heuzé 13003 Marseille de 8 à 12 euros, à 20h30 04 91 50 51 41 www.criduport.fr Le Pasino 04 42 59 69 00 www.pasino-aixenprovence.com Juliette © Agnès Mellon LA RUCHE | AGENDA MUSIQUE 39 Au programme MARSEILLE Balthazar : Soirée Slam avec l’atelier d’écriture et d’expression du Balthazar (24/4), Phosphene, Markovo live machine (25/4), Deadly Hunta & Selecta Cab (26/4), The Game : hip hop vs Tecktonic (27/4), Eloquent alongside Kabba Massa Gana Sound System (30/4), Toko Blaze, La compagnie Cuanol, Requins Marteaux (1er/5), R.Zatz, Grosso Gadgetto, Dokhandeme (2/5), Dj Vadim, Selecta Cab, Selecter the Punisher (3/5), Monalisa, Clan D (8/5), Dubmood (9/5), Kunamaka, Biocide (15/5) 04 91 42 59 57, www.aubalthazar.com Cabaret Aléatoire : Rona Hartner, Olga Kouklani (26/4, dans le cadre du festival Reflets), Lesbians on Ecstasy, Duchess Says (29/4, dans le cadre du festival B-Sides), Poni Hoax, Jennifer Cardini, Sébastien Bromberger, Dondolo (3/5, dans le cadre du festival B-Sides), Rubin Steiner, Bunny Rabbit (7/5), Dälek, Sibot, Spoke, Pure (10/5), Dj Format, Baby Charles (17/5), Kaly Live dub, Scorn (23/5) 04 95 04 95 09, www.cabaret-aleatoire.com Cité de la Musique : Ensemble Besozzi (25/4), Scène ouverte au jazz (28/4), Moneïm Adwan Trio (15/5), Ensemble Kaboul (16/5) 04 91 39 29 19, www.citemusique-marseille.com Cri du Port : Manuel Hermia 4tet (24/4), Dj Oil, Benhamou (29/4), Johnazz collectif (6/5), Kami Quintet (15/5), Nicolas Folmer Quartet (22/5) 04 91 50 51 41, www.criduport.fr Daki Ling : Ruby Throat // The sugar plum fairy pr (24/4) Dock des Suds : Nick Cave and The Bad Seeds (26/4), Renan Luce (15/5) Vidal et Fabia Suarez (3/5), Quintette Fonetic (17/5), Ya’Zmen (25/5) 04 91 99 00 00, www.dock-des-suds.org Le Lounge : Association Emassi, festival pop, rock et reggae (22 et 23/4), Îles… étaient une fois, de la Corse aux Antilles (24/4), Delko, Gazebo, Rocket Queen (26/4), Brassens fidèlement (27/4), Talia (28/4) Argus (30/4) El ache de Cuba : Barrio Jabour (24/4), Selecta Prince Freedom (25/4), Maudit Comptoir (26/4), Full Jazz Attitude Quintet (16/5) 04 91 42 99 79, www.elachedecuba.com Embobineuse : Action Beat, Les Louise Mitchels (25/4), Binaire, Overmars (26/4) 04 91 50 11 61, www.lameson.free.fr www.myspace.com/lelounge13 Le Merlan : Gaff Aff Party, electro (programmation de Marsatac le 23/4) 04 91 50 66 09, www.lembobineuse.biz Espace Culturel Busserine : Les évadés d’Alcatraz, Quartiers Nord (25/4) 04 91 58 09 27 Espace Julien : Soirée Espace Mutant : Chris de Lucas vs Phon.O (30/4), Café citoyen avec Meisterfakt, Izmo Dub Box (30/4), Nhao (7/5), Mass Hysteria, Sidilarsen (10/5), La Souris Deglinguée (16/5), William Baldé (23/5) 04 91 24 34 10, www.espace-julien.com Intermédiaire : Zulie (23/4 à 19h30), Wonderbrass (23 et 24/4 à 21h30), Les durs à cuire (24/4 à 19h30), Thierry Maucci & Ahmad Compaoré (25/4 à 19h30), Fantôme (25 et 26/4) 04 91 47 01 25 04 91 11 19 30, www.merlan.org Le Moulin : Dub Inc., Gang Jah Mind (26/4), Rohff, Tlf (30/4), Micky Green (14/5), Kenza Farah (23/5) 04 91 06 33 94 www.lemoulin.org Le Toursky : Makan avec Kamilya Jubran (18/5) Le Mur du son, 04 91 05 84 28, www.lemurduson.org Le Poste à Galène : Alec Empire, Dead Sexy Inc (24/4), Daniel Darc (25/4), Into the groove (26/4), Roultaboul et les Banaboo (30/4), Jonathan Richman (3/5), La Ruda (8/5), Moriarty (14/5), R-Wan (15/5), The Fleshtones (16/5), Bedouin Soundclash (22/5), Washington Dead Cats (23/5) L’Affranchi : Aba Shanti, Lion Roots, Télérama dub festival (3/5) 04 91 35 09 19, www.l-affranchi.com La Meson : Carte Blanche à Mister Frac (25 et 26/4), Soundpainting orchestre sud (29/4), Tablao Flamenco, Ana Butiner en Provence Rendez vous à La Ruche, le Centre des nouvelles musiques traditionnelles et cultures minorisées le 25 avril à 20h30 pour goûter au spectacle A capella du chanteur provençal Renat Sette dont le timbre de voix chaud et puissant vous fera découvrir les romances, chants de travail et chansons populaires. Fin mai, du 26 au 31, carte blanche sera donnée à Miquèu Montanaro : démarrage en famille avec un duo Miquèu/Baltazar qui présente des extraits de la prochaine création de la cie Montanaro, D’Amor de Guerra ; puis une Master Class où vous pourrez apporter votre 04 91 47 57 99, www.leposteagalene.com Nomad Café : Vibrion (9/5) 04 91 62 49 77 AIX Théâtre et Chansons : Ma bonne Suzanne, avec Patrick Perret et Malhory Maret (les 26 et 27/4), Défense d’infini ou voyage en Aragon, avec Isabelle BlochDelahaie et Jean Nehr (du 16 au 18/5) 04 42 27 37 39, www.theatre-et-chansons.com L’Unplugged : Still Life (30/4), Soleil Noir, Rescue Rangers (7/5) 04 42 23 40 84 SALON Portail coucou : Concert pour Florie 18 (30/4), Sandbox, installation Benjy (2/5), Elkya festival (3/5), Live Station portail Rockevolution (6/5), Rockevolution mai 68/mai 08, Beverly Jo Scott (13/5), Lo Jo Trio (17/5), Boogie Balagan (23/5) DVNO : Tribute to Kylie Minogue (25/4), Dj Pika (26/4), Disco fanfare selector party (30/4) 04 42 21 28 28, www.dvno.fr Le Korigan : Harmonic Generator, The Last, Tournaï, In Vitraux, Klyde (20/4), Engraved, Black Rain, Rakel Traxx, Private Hell (3/5), Vader, Septic Flesh, Devian, Inactive Messiah (15/5), Végastar, Flint (24/5) 04 42 54 23 37, Luynes Jas’rod : Festival Prog’sud (30/4 au 4/5), Elora (16/5) 04 91 96 07 42, Les Pennes-Mirabeau CHATEAUNEUF-DE-GADAGNE Akwaba Théâtre : Sayag Jazz Machine, Innagarden (26/4) 04 90 56 27 99, http://portail.coocoo.free.fr ARLES Le Cargo de Nuit : Marcel Kanche, Rodolphe Burger (25/4), Gong Gong, Brain Damage (26/4), Kill the young, Junah (30/4), Ours, Ben Ricour (9/5), Scenario rock, Pony Taylor (10/5), Cocoon, Oslo, Swan (16/5), Aeroclub (17/5), Antipasti e Conecitta (23/5) 04 90 49 55 99, www.cargodenuit.com AUBAGNE Escale Saint Michel : Elektrocution, Headcharger et Aggravation (21/3), Cité Babel (28/3) 04 90 22 55 54, http://akwabatheatre.free.fr 04 42 18 17 17, www.mjcaubagne.fr Comœdia : Manu Katché (22/3) MIRAMAS Jazz club Comœdia : Tri-X (24/4), Archie Shepp Quartet (16/5) www.scenesetcines.fr 04 42 18 19 89 www.aubagne.com BRIANÇON Le Cadran : Musica Nuda (29/4) 04 92 25 52 52 VITROLLES Moulin à Jazz / Charlie free : John Tchicaï et André Jaume Quintet (10/5), Issam Krimi Quintet (24/5) 04 42 79 63 60, http://charliefree.club.fr PROGRAMME CONSULTABLE SUR LIVEINMARSEILLE.COM ET CONCERTANDCO.COM Miquèu Montanaro © Hugo Gris instrument et qui se terminera par un impromptu d’ensemble ; l’adaptation d’une nouvelle de Jean Giono, Prélude de Pan, avec le comédien Paul Crauchet ; une soirée placée sous le signe de l’amitié avec Ahmada Smis et Pierre Lo Bertolino pour une représentation d’extraits de Wanaminots ; le grand final, enfin, la pièce Un pont sur la mer, avec Fouad Didi et Fred Nevchehirlian. 04 91 05 84 28 www.lemurduson.org 40 ARTS VISUELS SAINT-RÉMY | ESPACE VAN GOGH Ni bourgeois, ni artisan La donation faite par l’artiste au musée Estrine est l’occasion de revoir ou découvrir un bel ensemble de l’œuvre de Joseph Alessandri, des années soixante-dix à aujourd’hui. Rencontre avec un personnage discret mais (presque) sûr de son travail À l’instar de Picasso -pour qui il nourrit une grande estime, comme pour Paul Klee-, Joseph Alessandri ne cherche pas. Il explore. Ses tableaux reliefs s’inscrivent dans des domaines en limite. Il s’agit de peinture, mais sans les moyens orthodoxes, et avec des matières en plus. La surface se gonfle de volume, se structure géométriquement pour tendre vers l’architecture, s’acoquine avec d’autres objets pour installer du sculptural. Ses œuvres parlent lorsque la figure est en retrait, les espaces développés par la couleur retenue (camaïeux de gris ou d’ocres, noirs variables, tons rabattus et sombres, mats) aspirant à l’abstraction. Comme il en va de quelques dernières pièces, notamment les Totems ou Hommage à Giorgio Morandi, qui gagneraient à perdre encore de leurs références. Zibeline : Quelle que soit leur mise en forme, les matières jouent un grand rôle dans votre travail. Comment cela vient-il ? Joseph Alessandri : Chaque fois c’est une rencontre avec une matière qui donne le déclic. C’est en travaillant que je découvre ce qui fonctionne jusqu’à ce que ça apparaisse. Vos tableaux ne sont donc pas que de la peinture ? J’essaie d’inventer une matière par rapport à la surface selon la vision que j’ai de chaque tableau. Je n’utilise pas les techniques habituelles, l’huile ou l’acrylique. Je travaille à plat et je procède par couches en déposant les pigments mélangés à des liants comme de la colle, avec du ciment, du sable, jusqu’à l’effet voulu. Mais vous incorporez aussi des objets récupérés. Je n’ai rien à voir avec les gens de l’art brut. Je prends des choses et je fabrique des objets, les volumes. Il y a le collage et le bricolage comme disait Paul Klee. Ce que j’utilise, en soi c’est déjà beau. Il faut trouver ce qui fonctionne avec. Il faut respecter la chose ramassée. Joseph Alessandri © Danielle Lorin Humer et garder Alors que le musée Réattu se prépare pour le projet in situ de Christian Lacroix, il présente à l’Espace Van Gogh deux expositions Alechinsky 27, Relief, 2007, Technique mixte, 80 x 60 cm, Collection particulière Votre démarche relève de l’exploratoire. Ainsi, dans presque tous vos travaux, le format n’est pas prédéterminé comme avec un châssis tendu de toile. J’ai au départ quelque chose. Je ne sais pas ce que ça va devenir. Il ne faut pas que l’image existe avant sinon c’est foutu. Quand estimez-vous une pièce finie ? C’est fini en comparaison avec les autres tableaux finis (il montre les œuvres accrochées à la ronde). On découvre dans cette exposition en forme de rétrospective une grande cohérence et en même temps différents genres de travaux… Comme on le disait en bas (l’exposition commence avec une pièce de 1972, Le Dieu de l’Ombre, qui a rencontré un franc succès en son temps) j’avais trouvé quelque chose qui intéressait beaucoup de monde. Mais je ne suis pas un artisan qui se répète, sinon je m’ennuie. Je n’ai pas envie de m’embourgeoiser. Et ça me coûte cher de tout recommencer ! PROPOS RECUEILLIS PAR CLAUDE LORIN Paysages Informels Joseph Alessandri jusqu’au 8 juin Musée Estrine, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 92 34 72 www.ateliermuseal.net catalogue Joseph Alessandri, Paysages informels, 1972-2007 contributions de P. Latourelle, C. Darras, S. Caron, G. Drouillet, E. Farran, Ill. coul. Nb. 48p. Musée Estrine, 2008 Le musée Réattu possède une des plus importantes collections des musées de province. Reconnu à travers la photographie principalement, on sait moins les relations privilégiées qu’il entretient avec ses artistes comme Pierre Alechinsky. Cette double exposition, présentée pour des raisons techniques à l’Espace Van Gogh, donne à voir et confronter deux séries exceptionnelles de l’œuvre graphique de cet artiste désormais historique. D’une part, il s’agit de l’ensemble des affiches conçues en de multiples occasions par Alechinsky depuis 1949 -soit 164 planches originales-, d’autre part la quasi-totalité des pièces constituant la suite Al Alimon, appartenant au musée Réattu, réalisée à quatre mains avec l’artiste mexicain Alberto Gironella en 1980 sur le thème de la corrida. Alechinsky sur papier, 1973, gravure sur bois ABD | PRIX MOURLOT ARTS VISUELS 41 Urbains et humains Les lieux d’exposition se multiplient à Marseille. Privés, associatifs ou institutionnels comme le nouvel espace aux ABD Gaston Defferre, principalement dédié à la photographie. Ce sont donc les clichés de Franck Pourcel qui en inaugurent les cimaises. Déjà présentée sous d’autres formats en centre ville, De gré ou de Force, témoigne d’un travail réalisé avec l’ethnologue Marie Sengel sur les réalités et les transformations du quartier Noailles à Marseille. Un livre éponyme édité chez P’tits Papiers, retrace cette approche empathique de la scientifique et de l’artiste envers une population et ses espaces de vie. Dans le quartier d’Arenc, lui aussi en pleine requalification urbaine, cette manifestation trouve tout naturellement et nécessairement sa place. l’encre la main On pourra préférer dans ce cas le travail libéré des contraintes de l’affiche, s’enrichissant de la signature graphique de son comparse intervenant au centre de chaque pièce alors que le maître installe ses formes dans les marges encadrées. Dans certaines pièces, même plusieurs années après leur exécution, on éprouve par empathie le mouvement de la main, on hume encore l’encre qui nourrit le papier. Le film éponyme de Coline Beuvelet (éditions Les Films du Poulpe,2006), projeté pendant la durée de l’exposition, contribue à faire entrer le visiteur dans cette expérience collaborative et intime du geste instaurateur de formes. Celui-là même que les jeunes visiteurs ont expérimenté dans l’atelier conduit par la plasticienne Anastassia Tetrel selon des techniques d’impression empruntées au credo alechinskien du «minimum de moyens pour un maximum d’effets. Le critère : deux couleurs, soit deux passages en machine.» Avec des résultats… impressionnants ! C.L. Pierre Alechinsky, les affiches et suite Al Alimon jusqu’au 1er juin Espace Van Gogh 04 90 49 35 23 édition estampe originale, 125 exemplaires numérotés et signés catalogue Alechinsky, les Affiches éd Ides et Calendes, 2007 Alechinsky dans le labyrinthe Conférence par Daniel Abadie le 24 avril, 18h, Espace Van Gogh C.L. De gré ou de force, Noailles à l’heure de la réhabilitation jusqu’au 17 mai ABD Gaston Defferre 04 91 08 61 00 www.biblio13.fr Photo de Franck Pourcel De la distinction Lorsque disparaît Jean-Michel Mourlot en 1995, médecin radiologue puis peintre par vocation, son testament permet de poursuivre son œuvre en faveur de la création artistique à travers une fondation et l’Association pour le prix de peinture Jean-Michel Mourlot. Celle-ci a notamment pour but de promouvoir et aider la peinture régionale de qualité en attribuant périodiquement un prix à un artiste dont le travail aura été distingué par un jury de personnalités compétentes. Le jury 2008 était composé des peintres Gérard Traquandi, Jean-Jacques Ceccarelli, de Frédéric Valabrègue et Jean-Louis Marcos, critiques d’art, Jean-Pierre Alis pour la galerie Athanor, Huguette Mille et Olivier Billard représentant les association et galerie Mourlot. Le lauréat et récipiendaire de la dotation de trois mille euros est Christophe Boursault. Sitôt l’exposition collective avec les autres sélectionnés -Caroline Challan Belval, Julie Dawid, Elizabeth Fleury, Nicolas Pilarddécrochée à la galerie de l’ESBAM de la rue Montgrand, Christophe Boursault se voit offrir une exposition personnelle à la galerie Porte-Avion jusque fin mai. Vous reprendrez bien un peu de Boursault ? Christian Boursault © X-D.R C.L. Galerie Mourlot-Jeu de Paume 04 91 90 68 90 http://galeriemourlot.free.fr 20 years later-part 2 Christophe Boursault jusqu’au 17 mai Galerie Porte-Avion 04 91 33 52 00 www.galerieporteavion.org 42 ARTS VISUELS ALLAUCH | PASSAGE DE L’ART | LA FRICHE Ceux qui tricotent avec la mort Pendant que les têtes tombaient (dans des paniers d’osier) sous la Révolution Française, des femmes étaient payées pour assister aux exécutions tout en tricotant, tirant les fils des boules de laine de leur panier et haranguant la foule. Mais pourquoi donc certaines femmes s’entêtent-elles à pratiquer le tricot ? Singulièrement dans le domaine de l’art contemporain ? Louise Bourgeois, Annette Messager, ou encore Marie-Ange Guilleminot avec Le Chapeau-Vie interrogent à travers les formes symboliques du tissage la complexité des relations humaines. Celles-ci ressortissent notamment aux sociétés politiques. Telles les formes de démocratie qui fondent, avec la question de la peine capitale, la matière du travail réflexif et plastique de l’artiste norvégienne Kjersti Andvig. La correspondance qu’elle a entretenue avec Carlton Turner, meurtrier en sursis qui concevait ce monde comme un système de boxes, d’enfermements prédestinés, lui a suggéré cette boîte/cellule Bernard Plossu est l’invité d’honneur du 42e salon photographique d’Allauch, rendez-vous annuel régional. Pour cette édition 2008, la photo cherche la poésie dans le voyage © Claude Lorin L’un attend la mort dans une prison texasunienne. L’autre fait du tricot de ce côté-ci de l’Atlantique. Ils ont correspondu. Kjersti Andvig a posé son installation de mailles à la Friche. L’art contemporain c’est parfois très humain Un homme du monde tricotée à échelle réelle. Le maillage plus ou moins gros, la trame plus ou moins serrée autorisent ou filtrent par endroits le regard vers l’intérieur restreint de cette drôle de box. Surveillance et voyeurisme, enfermement ou liberté surveillée en attendant l’ultime délivrance ? La relation ambiguë du regardeur à cette œuvre trouve son pendant dans la situation nécessairement distanciée de l’artiste au condamné : que peut l’art en pareil cas ? Le catalogue à venir retrace cette expérience qui se clôt à Marseille. Il sera au format A4, car, selon la directrice de Triangle-France, le seul format autorisé en prison est en A5. Rien n’est innocent. CLAUDE LORIN Personne ici n’est innocent Kjersti Andvig jusqu’au 10 mai Triangle France/Friche de la Belle de Mai 04 95 04 96 11/13 www.trianglefrance.org Kjersti Andvig, Personne ici n'est innocent, 2008 (détail) © Claude Lorin Centrée sur un thème, la programmation du Salon Photographique d’Allauch se veut pourtant ouverte, afin de permettre la rencontre entre professionnels et amateurs. De nombreuses manifestations composent ce copieux menu, au risque parfois de déborder le thème central. Qu’importe. La longévité du projet prouve le succès de la formule. Le travail de Bernard Plossu mêle inextricablement photo et itinérance : «la photo est le moyen d’être un homme du monde» affirmait-il lors de sa conférence. On retrouve cette posture particulière à la sauvette, qui emprunte plus à Godard qu’à Cartier-Bresson, transcrite avec beaucoup de fluidité dans Marseille en autobus, court métrage réalisé avec la complicité de Hedi Tahar. Parmi les emblématiques flous désirés par le photographe, quelques tirages en couleur exécutés avec le procédé Fresson prolongent l’incertaine poésie de ses images. Pourtant selon lui «la différence n’existe pas entre la couleur et le noir et blanc. C’est toujours du noir et blanc.» Et d’affirmer sereinement, prenant encore l’auditoire à contre-pied, «ce n’est pas l’œil qui fait la photo mais le corps.» L’occasion nous est donnée de vérifier ses dires avec la sélection du concours national, qui fait montre d’un niveau remarquable par la variété des propositions et la qualité des tirages. Ces images mériteraient d’ailleurs une présentation plus soignée, en regard de l’engagement des participants comme de l’important investissement des organisateurs. Si les budgets suivent, ce sera pour l’édition 2009 ! C.L. En voyages Bernard Plossu Sélection du 42e Concours National Galerie du Vieux Bassin et autres lieux, Allauch jusqu’au 12 mai Voyage de retour Soirée-débat Avec Jean-Louis Fabiani, directeur d’études à l’EHESS, d’après les images de Bernard Plossu 23 avril 21h 04 91 10 48 06 www.allauch.com La Femme renouvelle… L’Art Renouvelle le Lycée, le Collège et la Ville est devenu au fil des années un des évènements de la cité phocéenne. Rapprochant les institutions éducatives du monde de la culture, l’initiative favorise l’application des programmes artistiques du Ministère de l’Éducation Nationale : permettre aux élèves de fréquenter de près des œuvres et provoquer d’authentiques rencontres avec les artistes. 2008 est placé sous le signe de La Femme, les Femmes et l’Art. Une opportunité pour vérifier les affirmations d’une des artistes les plus en vue actuellement : «Aujourd’hui, ce sont les femmes qui produisent l’art le plus audacieux des dix dernières années. Psychologiquement, leur art est beaucoup plus extrémiste que celui des hommes.» La Femme, les femmes et l’art du 22 avril au 15 juin Passage de l’Art – Lycée du Rempart 04 91 31 04 08 Colloque le 24 avril, 9h à 12h, Espace Ecureuil François Bazzoli, Parmi tant d’autres Emmanuel Loi, Bonne ou déesse, un déni de justice ? Catherine Gonnard, Elisabeth Lebovici, Ecrire et penser l’histoire des artistes femmes Frédérique Villemur, Deux ou trois choses que j’ignore d’elles, comment jeter le trouble ? BJCEM ARTS VISUELS 43 Puissamment existentiel Bousculée par les évènements, distribuée en deux lieux pour la partie arts visuels, son étape Marseillaise avant Bari est un prélude qui n’élude pas les talents. La Biennale tient bien son cap ! Alexandrie annulée, la Biennale 2008 arrivera à Bari après cette présentation marseillaise (voir Zibeline 6). Vu l’urgence et la modestie des moyens, Martine Robin (Association Château de Servières) et sa petite équipe ont réussi un petit miracle pour rendre visible et lisible cette sélection de vingt-quatre créateurs en deux endroits bien éloignés dans la ville. Aux Ateliers d’Artistes, une habile restructuration des espaces confère une intimité nécessaire comme un parcours fluide entre les œuvres. Le Campanile de Marie Grégoire développe sa structure géodésique auto tendue en aluminium ; à côté, les prémisses de l’enfance restent fragiles pour Keiko Hagiwara ; plus loin les papiers peints phosphorescents de Jessy Gemayel sourdent dans le noir. Dans la salle commune, différentes matérialités se répondent en drapés sensuels (Rhizome de Caroline Le Méhauté), fourrure en simulacre d’écorce (Adrien Porcu), céramiques coruscantes (Cédric Ponti). Malgré la variété des médiums –dessin, sculpture, vidéo, installation, objets détournés, peinture, photographie-, l’ensemble reste tout autant cohérent à la Galerie de l’École des Beaux-Arts. On retrouve la matériologie diaphane de Caroline Le Méhauté (La Vieille Dame) contrastant avec les toiles puissantes de Fanny Mesnard. Selon la tendance actuelle, le design Marie Grégoire, Campanile, 2008 © Claude Lorin Minori Matsuoka, L'écume du sommeil, 2008 s’émancipe du fonctionnel vers le poétique (Azucar de Fontana et Cordoléani, Light is art de Tansen Bel). Les catégories «arts plastiques», «arts appliqués» ou «design» se dissolvent dans des propositions qui empruntent ou jouent dans les marges le plus souvent, provoquent le réel, le mettent à distance dans des formes poétiques (Caroline Le Méhauté), inquiétantes (Pablo Garcia, Emilie Le Strat, qui signe aussi le visuel de la manifestation), désenchantées (Minori Matsuoka), ironiques (Damien Berthier), burlesques (Heidi Moriot) ou absurdes (Jean-Adrien Arzillier) et finalement, presque systématiquement, renvoient le visiteur à lui-même. Martine Robin ne s’y est pas trompée en ouvrant les Ateliers Boisson avec le Sac de frappe de Clara Perraut, recouvert de fragments de miroirs, boudin-boule disco à hauteur de poing et d’œil. Pour ces jeunes artistes (moins de trente ans pour être sélectionné), les problématiques purement plastiques de certains de leurs aînés ont laissé la place aujourd’hui à des interrogations de nature puissamment existentielle. Il semble que l’ordre de ce monde les inquiète ou pour le moins les interpelle. A l’absurdité rampante ou évidente, qui a fait notamment capoter la biennale égyptienne, ceux-ci répondent par des actes doublement intéressants : artistiques et sensés. CLAUDE LORIN Prélude à Marseille / arts Visuels jusqu’au 17 mai Ateliers d’artistes de Marseille 04 91 85 42 78 Galerie Montgrand/Esbam 04 91 33 11 99 www.espaculture.net Le Prélude à Marseille se poursuit à Montévidéo : parmi les 28 artistes de la sélection Sud (Marseille, Aix, Toulon et Montpellier) il y a aussi des musiciens, des auteurs, une compagnie de théâtre… Octo Concert de musique électroacoustique Mathieu Hours Concert (chant, violon, guitare) Trash Aka L le 24 avril à partir de 20h30 Lecture spatialisée Jihane El Meddeb Hamlet Exhibition Cie À travers l’étang mes Thomas Gonzalez le 25 avril à partir de 20h30 Hamlet Exhibition ANYTHING MARIA et Meisterfackt Musique «savamment populaire» Sophie Gonthier, Christophe Arltet, Rolf Entgelmeier le 26 avril à partir de 20h Montévidéo 04 91 37 14 04 www.montevideo-marseille.com 44 ARTS VISUELS GRANET | ALAIN PAIRE | ILLUSTRATEURS Encrons les planches La cinquième édition des Rencontres du 9e Art joue les prolongations au musée Granet avec une proposition originale, La BD s’attaque au musée !, tandis que les ombreux dessins de Kamel Khélif racontent autrement d’autres histoires chez Alain Paire Le projet concocté par Ludmila Virassamynaïken, conservatrice du patrimoine récemment nommée, tente avec habileté de cerner les différentes représentations du musée véhiculées par la bande dessinée. L’écueil du parcours didactique lénifiant est écarté au profit d’un engagement du visiteur, avec une remarquable économie de moyens et quelques efforts quand même ! Notre vision première de l’institution muséale n’en ressort pas intacte. Au moins amusée. Le catalogue (au format B.D. évidemment !) permet de développer plus avant cette approche singulière. Et, avec la première acquisition d’un dessin inédit de Guillaume Long qui intégrera la collection des arts graphiques (plus classiques) du musée, la B.D., art mineur en d’autres temps heureusement révolus, fait désormais son entrée officielle sous les cimaises d’un temple des Beaux-Arts. Au-delà de l’illustratif Kamel Khelif, scéne de café Comment la bande dessinée aborde-t-elle l’institution muséale ? Trente dessinateurs parmi les plus connus proposent leur vision dans les sous-sols du musée Granet. Plongé dans la pénombre, muni d’une torche électrique, le visiteur explore les parois des murs à la découverte de planches originales accrochées en courtes séquences narratives. D’une salle à l’autre l’espace devient crypte, la déambulation se transforme en enquête, et les mythes narratifs refont surface. À la sortie, les jambes un peu lourdes et les yeux un brin congestionnés, on ne reconnaît plus tout à fait Granet (le musée) tel qu’on l’avait abordé dès l’entrée. Pendant ce temps, de l’autre côté de la ville, se jouent d’autres scènes. Celles que dépeint Kamel Khélif à force d’ombres charbonneuses. Ici point de déroulement narratif mais des histoires qui se superposent, se fondent et se confondent dans un même espace. En outrepassant le geste illustratif par un travail plastique par endroits fort séduisant, il octroie à l’image dessinée le statut d’œuvre autonome. Chacune des pièces sélectionnées avec Alain Paire s’apprécie pour elle-même. Certaines évoquent les gravures de Rembrandt et Goya ou bien encore les encres d’Hugo. Et ce n’est pas la moindre des qualités de ces images qui condensent le travail d’illustration dans l’univers du pictural. Est-ce un critère suffisant pour accéder au panthéon de la place Saint-Jean de Malte ? CLAUDE LORIN Rene Petillon, Jack Palmer Si tu ne vas pas à l’art… La diffusion de l’art et de la culture auprès du grand public passe aussi par des moyens de proximité. Dans l’esprit de ses missions, la bibliothèque départementale des Bouchesdu-Rhône a conçu une série d’expositions itinérantes sur le principe du bibliobus mais proposant une rencontre avec les œuvres originales de trois illustrateurs de renommée internationale. De l’enfant qu’il a été, qui saura reconnaître Elmer, l’éléphant multicolore créé il y a quarante ans par David McKee ou l’impertinente Petite Princesse aquarellée sous le pinceau de Tony Ross ? C’est aussi l’invitation au regard d’explorer les espaces légers et délicats conçus par la marseillaise Hélène Riff. Á Carnoux, Cassis, Noves, Rousset, Velaux et Vernègues, des visites commentées, ateliers et lectures spectacles complètent ce dispositif original offert au public dès quatre ans. Insistons donc encore pour une initiation aux arts sans attendre le nombre des années ! C.L. David McKee/Tony Ross/Hélène Riff Expositions itinérantes ABD Gaston Defferre 04 91 08 61 00 www.biblio13.fr Tony Ross © Tony Ross Marc Antoine Mathieu La BD s’attaque au musée jusqu’au 8 juin Musée Granet 04 42 52 88 32 www.museegranet-aixenprovence.fr catalogue La BD s’attaque au musée ! Images en Manœuvres Éditions, 2008 Kamel Khélif, Dessins jusqu’au 3 mai Galerie-Librairie Alain Paire 04 42 96 23 67 www.galerie-alain-paire.com NUIT DES MUSÉES ARTS VISUELS 45 Ma nuit est belle Créée en 2005 à l’initiative du ministère de la Culture et de la Communication, La Nuit des musées est une manifestation gratuite qui a pour but de faire entrer de nouveaux publics dans les musées, au travers, notamment, de manifestations parallèles conçues pour l’occasion (mises en lumière, performances musicales, théâtre…). C’est l’occasion pour beaucoup de découvrir l’espace muséal, devenu, le temps de la manifestation, le lieu de tous les spectacles, mêlant expositions et rencontres de tous ordres. Et ce en soirée, ce qui est d’autant plus séduisant ! Petit tour, non-exhaustif, des propositions des musées de la région le 17 mai. travaux de réfection des façades du Palais Martigues Muséon Arlaten : Aix-en-Provence Fondation Vasarely : 30 ans et toujours contemporain. De 19h à minuit, outre l’ouverture des 7 salles, fims et musique. Musée de l’atelier de Paul Cézanne : visite commentée de l’atelier, exposition De l’esquisse à l’œuvre de Jean Amado… De 20h à 1h. Musée des tapisseries : La collection du formidable Mr Ledoux, collection d’autographes d’artistes et de personnalités de renom retravaillée par Jean-Noël Schramm ; visite du Palais de l’Archevêché. De 20h à 1h. Pavillon Vendôme : on retrouve la collection du formidable Mr Ledoux avec soixante portraits d’artistes photographiés par Jean-Noël Schramm ; installation d’œuvres de François Mezzapel dans les jardins. De 20h à 1h. Les Studios de cirque, installés à Arles, créent pour l’occasion un spectacle mêlant cirque et poésie ; toutes les heures de 20h à minuit. Avignon Maison Jean Vilar : Hommage à Maurice Béjart avec photos et vidéos. De 19h à 21h30 Musée Calvet : le rez-de-chaussée sera ouvert de 21h à minuit, tandis que dans les jardins sera donné un concert de jazz et que la cour d’honneur sera mise en lumière par Wilfried Roche. Collection Lambert : ouvert de 20h à minuit Musée Lapidaire : De 21h à minuit Marie-Béatrice Huser donnera trois extraits d’opéras et airs inspirés de la mythologie antique pour une Nuit des dieux. Cavaillon Allauch Musée : Dans la journée, de 14h à 23h, l’exposition de.po.ze/dépôts 2002-2008 propose une sélection d’œuvres déposées depuis la création du musée ; à partir de 21h, et jusqu’à 23h, visite à la lampe torche. Musée de l’Hotel-Dieu : exposition Cavaillon, ville romaine, de 19h à minuit ; la cie Moitié raison – Moitié folie met en scène une visite théâtralisée du Cavaillon baroque. De 20h à 22h30. Gap Arles Fondation Van Gogh : Hommage à Van Gogh par de grands artistes contemporains ; peinture, sculpture, musique, photographie, littérature… De 18h à 23h. Musée Départemental de l’Arles Antique : ouverture de 19h à 1h ; ateliers pour enfants aux mêmes horaires. Musée Réattu : Inauguration de l’exposition Réattu Pink Palace de Christian Lacroix qui mêle collections anciennes et contemporaines du musée, ainsi que son propre travail et des œuvres d’artistes amis invités. De 19h à minuit. Muséum départemental des Hautes-Alpes : le vernissage des nouvelles expositions aura lieu à 18h ; l’association Section hip hop de Gap proposeront une performance Graffiti de 14h à 17h, puis de danse hip hop de 16h30 à 17h30 ; Bernard Galland donnera, à 21h, L’Impromptu de Schubert. Marseille Fondation Regards de Provence : l’exposition Pierre Ambrogiani – Le gourmand de couleurs se visite de 18h à 21h. Muséum d’histoire naturelle : malgré la fermeture du Muséum (du 29 avril au 3 août pour cause de Longchamp), l’équipe se mobilise pour faire (re)découvrir le Palais Longchamp à tous les publics. Musée de la mode : deux visites guidées de l’exposition Hommage aux donateurs auront lieu à 20h30 et 21h30 tandis qu’au sous-sol du musée de jeunes créateurs et chapeliers marseillais ouvriront un show-room de chapeaux. Le public, chapeauté, pourra se faire photographier et les vingt portraits les plus originaux seront récompensés. Musée d’archéologie méditerranéenne : dans le cadre de l’Action Théâtre Off, et suite aux ateliers menés aux Beaumettes, quatre détenus mèneront une visite théâtralisée des collections de 20h à minuit ; l’ensemble Musicatreize donnera un concert (voir page33) de 23h à minuit. ANNULÉ Musée des civilisations d’Europe et de la Méditerranée : un concours de peinture et dessin sur le thème des Lumières du fort Sain-Jean se déroulera en journée, puis, suite à l’exposition des œuvres, le public pourra remettre les prix ; des ateliers de photo au sténopé seront organisés par l’association Oscura. De 18h à 22h. Musée Cantini : visites commentées des collections de 20h à minuit ; on retrouve Musicatreize, de 20h à 21h (voir p 33). ANNULÉ Musée d’art contemporain : visites commentées de 20h à minuit ; Musicatreize poursuit son périple musical, de 21h30 à 22h30 ; programme de danse surprise, de 20h à minuit. Musée de la faïence : autour du décor floral sur faïence au XVIIIe siècle, un atelier, une visite commentée et une projection vidéo sur Les terres mêlées en pays d’Apt. De 20h à minuit. Musée Ziem : visites commentées de l’exposition Les vies de Ziem, de 18h30 à 21h ; la cie marseillaise Skappa donnera Uccellini, de 19h30 à 20h15 et 21h30 à 22h15. Quinson Musée départemental de préhistoire des Gorges du Verdon : visite du musée de 19h à 22h ; dans le même temps inauguration de la nouvelle exposition temporaire Saint-Rémy-de-Provence Musée des Alpilles : visite du musée et de l’exposition Objets trouvés, de 10h à 23h ; le groupe T’es in t’es bat donnera une performance : réalisation d’un film numérique en journée, projeté sur la façade à 22h. Salon-de-Provence Musée de l’Emperi : visites libres du musée ; ateliers autour des chantiers des collections. De 18h à 23h Musée de Nostradamus : présentation de Recettes précieuses aux mille vertus, en préambule à l’exposition prévue cet été autour du Traité des Fardements et Confitures écrit par Nostradamus en 1552. De 18h à minuit. Toulon Muséum d’histoire naturelle : découverte amateur du ciel et des étoiles, de 22h à 23h30 ; Eveil aux cinq sens avec reconnaissance des oiseaux et de leurs chants, de la garrigue, analyse tactile d’objets, de 19h30 à 23h30 ; hors les murs, à la Maison de la nature des Quatre Frères, activités en milieu naturel de 19h30 à 23h30, et balade autour des secrets des plantes, de 22h à 23h30. Programme consultable sur http://nuitdesmusees.culture.fr 46 CINÉMA POLYGONE ÉTOILÉ | ROUSSET | ATTAC LE CINÉ Étranges étrangers ENGAGÉ D’ATTAC Depuis le 21 mars, au Polygone étoilé, ont lieu régulièrement des projections de films autour des images de l’altérité dans le cinéma documentaire Cette programmation est le fruit du travail collectif d’une quinzaine de personnes qui, pendant sept mois, ont visionné, sélectionné des films pour faire partager aux autres leurs découvertes et leurs réflexions. Un atelier de programmation mis en place par la branche marseillaise du réseau national d’éducation populaire Peuple et Culture qui œuvre aux échanges et à la construction des savoirs autour de deux axes : langue, littérature et poésie d’un côté, et image à travers le cinéma du réel. Le cycle «Cinéma» a débuté en avril avec des films comme France 2007 de Gee Jung Jun ou L’Enfant aveugle de Johan Van der Keuken. En mai, le 15, on est invité à découvrir l’«étrange étrangeté» avec deux films à ne pas rater, Les Maîtresfous de Jean Rouch et Ce Gamin-là de Deligny et Renaud Victor. Le 29 mai, De l’autre côté, un carnet de voyage engagé réalisé par Chantal Ackerman, sera précédé de deux courts métrages. Et pour terminer le cycle, le 5 juin, un film de Nicolas Klotz, La Blessure, sur les demandeurs d’asile. Toutes ces projections de films qui inter- Femmes précaires La terre parle arabe Le 19 mars, ATTAC a présenté, Femmes précaires de Marcel Trillat, cinq portraits croisés de femmes dans leur quotidien, au travail ou en famille, qui témoignent de leur lassitude, de leurs espoirs. Muriel, Danielle, Zounika, Jo et Agnès sont filmées avec un regard plein d’humanité et de respect, celui que Marcel Trillat porte sur tous ces travailleurs qui, étant à temps partiel, gagnent moins que le SMIC. Car il n’y avait aucun portrait de femme dans ses deux premiers films, 300 jours de colère et Les Prolos. Et parmi les 3 600 000 personnes qui travaillent à temps partiel, 80 % sont des femmes. Marcel Trillat a ensuite échangé avec le public en majorité féminin. Le 23 mai, au Cinéma l’Alhambra à 20h, en collaboration avec Les amis du Monde Diplomatique, sera présenté le documentaire de Maryse Gargour, La terre parle arabe, suivi d’un débat avec Dominique Vidal, journaliste au Monde Diplomatique. Des films engagés, suivis généralement de débats passionnés. A. G. Ressources humaines rogent l’altérité démarrent à 19 heures le jeudi, et sont suivies de discussions dans la convivialité autour de repas sur place. À essayer si vous appréciez le documentaire, et si vous avez envie de découvrir ces films choisis finement par l’atelier de Peuple et culture. ANNIE GAVA Mercredi 23 avril c’est le film de Laurent Cantet, qui sera présenté au CRDP à 18h30. Ressources humaines, avec Jalil Lespert, chronique sur le monde du travail aujourd’hui, pose les questions de la filiation, de la lutte des classes, de l’ascension sociale, de la place dans le monde d’un fils d’ouvrier sortant d’une grande école de commerce… Le film sera suivi d’un débat sur les méthodes du nouveau management appliqué à la restructuration d’une usine. Cinéma et écologie de documentaires et de fictions suivies de débats avec des invités, spécialistes des questions abordées, réalisateurs, écrivains, se succéderont dans la salle Emilien Ventre. Ecole écolo Si le vent soulève les arbres © 2006/Talking pictures/SOFAM Depuis 1997, Les Films du Delta organisent chaque année des Rencontres cinéma à Rousset. Du 25 au 27 avril, cette année, les Rencontres sont consacrées à deux thématiques liées à notre environnement : le réchauffement climatique et les manipulations génétiques. Projections Pour s’informer, réfléchir ensemble, autant commencer tôt : la journée du 25 avril est consacrée aux scolaires avec, pour les collèges, la projection de Bienvenue à Gattaca d’Andrew Nicoll, qui aborde aussi bien l’eugénisme que le déterminisme génétique. Les «petits» verront la Terre de haut, et les dégâts que l’on y a causés, avec Vu du ciel de Yann Artus Bertrand. Vous avez dit «réchauffement» ? Samedi est consacré au réchauffement climatique avec La Vérité qui dérange de David Guggenheim, puis Demain un monde sans glace, La vie en sursis de Thierry Piantanida, premier volet de la série réalisée avec Jean-Louis Etienne. Dans le film de Marion Hänsel, Si le vent soulève les arbres, on suivra Rahne et sa famille, fuyant la sécheresse et la guerre qui menace. Manipulations Dimanche, le film-enquête de Michel Delpratx qui a fait débat dans certains milieux scientifiques, engagera certainement des discussions passionnées. Quant à The Island de Michael Bay avec Scarlett Johansson, il permettra de réfléchir aux limites d’action de l’homme sur l’homme. Et, pour être en accord avec les thématiques, toute la manifestation est sous le signe de l’écologie : repas bio, programmes sur papier recyclé et déchets triés et recyclés ! ANNIE GAVA Rencontres de Rousset Du 25 au 27 avril Les films du Delta 04 42 53 36 39 http://www.filmsdelta.com LE CHAMBORD | CINÉPAGE | CRDP | CITÉ DU LIVRE CINÉMA 47 Au Rendez-vous des quais (3) Miroirs africains à Marseille Du 22 au 27 avril au cinéma le Chambord se tiendra la 2e édition du festival Miroirs et cinémas d’Afrique dont la présidente n’est autre que Naky Sy Savané qui a tourné avec les plus grands réalisateurs africains. En particulier, elle tient le rôle principal dans le premier long métrage de Fanta Régina Nacro, La nuit de la vérité. On a pu la voir aussi dans Moolaade de Sembène Ousmane. Son fils, Alain Sembène, remettra le grand prix Sembene Ousmane à l’un des réalisateurs invités dont le Malien Salif Traoré, le Guinéen Cheick Fantamadi Camara (cf Zibeline 3), la Marocaine Farida Bourquia… Une trentaine de films sont présentés, dont une douzaine de longs métrages, et des courts métrages parmi lesquels quatre films d’animation. Ces films venus de douze pays donneront l’occasion de découvrir une cinématographie peu diffusée à Marseille. Une initiative dont se réjouiront les amateurs de cinéma africain, et les autres. Un nouveau rendez-vous est donné, le jeudi 24 avril, à 19 heures, avec les Films du Tambour de Soie, une société de production marseillaise. Celle-ci propose de découvrir le nouveau documentaire de Michèle Bourgeot, Une amitié, © X-D.R l’histoire de Malik et Odysseas, deux pré-ados, qui vivent dans la même rue, fréquentent la même classe, et partagent une amitié quasi exclusive jusqu’au jour où l’un d’eux va devoir déménager... Les producteurs, Alexandre Cornu et Muriel Sorbo, ainsi que la réalisatrice, seront présents. A.G. ANNIE GAVA Une Amitié Le 24 avril à 19h Rendez-vous des Quais CRDP 31 bd d’Athènes www.rendezvousdesquais.org Naky Sy Savané © Pierre-Yves Page Sous les pavés, le cinéma… Cinémas d’Afrique Du 22 au 27 avril Le Chambord, Marseille 04 91 08 49 39 Afriki Djigui Theatri www.djigui.org «Montrer comment le cinéma a relayé des questions comme celles de l’amour, de la sexualité, du couple, de la famille et de la place de l’Homme dans une nouvelle société à réinventer avant, pendant, et après le mois de mai 1968…» Tel est le projet de la programmation de l’Institut de l’Image à Aix : Mai 68. L’amour est à réinventer ! du 30 avril au 15 mai Il était une fois le cinéma… L’Association Cinépage a proposé à quatre critiques de cinéma de présenter leurs coups de cœur, le dernier week-end du mois de mai C’est ainsi que Pascal Mérigeau (Nouvel Obs) a choisi Impitoyable de Clint Eastwood, vendredi 30 mai à 20 heures au Prado. Michel Ciment (Positif, Le Masque et la Plume) y présentera, le 31 mai, La Balade sauvage de Terence Malick. Hélène Frappat (Les Cahiers du Cinéma, Rien à voir) a porté son choix sur Beau Fixe sur New York de Stanley Donen, dimanche 1er juin, à 10h 15 aux Variétés. Le seul coup de cœur français est celui de Xavier Leherpeur (Ciné-Live, Canal +) : Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy, dimanche 1er juin à 14h au cinéma Prado. L’occasion de voir sur grand écran de grands films de l’Histoire du cinéma, et aussi de parler du plaisir du cinéma, du rôle de la critique avec les quatre invités auxquels se joindra, pour animer la table ronde, Jean-Pierre Jeancolas (Positif, Politis), samedi 31 mai à 14h 30 à l’Alcazar. Cinéphiles, réservez votre weekend ! A.G Des films cultes, qui ont marqué une génération, comme If d’Anderson, La salamandre de Tanner, Détruire dit-elle de Duras, L’An 01 de Doillon. Des Ciné-tracts… A.G. Institut de L’Image Cité du Livre Salle Armand Lunel 04 42 26 81 82 www.institut-image.org 48 CINÉMA REFLETS | LADY JANE Reflets et projections Reflets, association qui regroupe lesbiennes, gays, bi et trans, programme un festival ouvert à tous, qui a pour objectif de susciter une réflexion sur toutes les questions d’identité générique à travers diverses formes d’expression, dont le cinéma Echo Park © X-D.R Du 23 au 27 avril a lieu la septième édition du festival Reflets autour de la thématique Genres et identités ; des films d’aujourd’hui pour «évoquer les différences, les normes, la laïcité, le pouvoir et la démocratie, l’immigration, le sida, les identités et les genres, mais aussi les premiers amours, les désirs, la tendresse…» nous précise Michèle Philibert qui a créé cette manifestation en 2002 et se bat aujourd’hui pour la développer malgré la suppression brutale de certaines subventions. Ceci est d’autant plus regrettable que, d’une part les associations qui proposent des festivals de cinéma indépendant ont besoin d’être soutenues, et que, d’autre part, l’homophobie existe encore, et les oeuvres qui abordent ces thèmes directement, avec pertinence et sans complaisance ont besoin d’avoir un espace de diffusion, pour l’instant largement trop confidentiel. En plus de la programmation, au cinéma Variétés (18 séances), de films venus d’Italie (le beau film Riparo de Marco Simon Puccioni, grand prix du Jury à Annecy, voir Zibeline 3), d’Espagne (El Calentito de Chus Guttierez qui nous plonge dans le Madrid des années 80 et de la Movida), d’Inde, des USA, deux cartes blanches sont offertes. L’une à Vidéochroniques qui propose des vidéos performances de Steven Cohen ; l’autre à Frédéric Flamand et au Ballet National de Marseille qui deux soutenus par la Région. Et le documentaire n’est pas oublié ! Les règles du Vatican d’Alessandro Avellis montre la collusion entre le monde politique et le Vatican. L’ordre des mots de Cynthia et Melissa Arra dresse un état des lieux de la question «trans’ et inter sexe» en France, en écho avec l’exposition du photographe Naïel. Car Reflets ce sont aussi des expositions, de la musique, des soirées festives et même un «Brunch et bavardage»… A.G. Riparo © X-D.R présente Cremaster 5 de Matthew Barney. «Nous avons aussi la volonté de soutenir le cinéma des jeunes créateurs et la soirée de clôture, dimanche 27, est consacrée aux courts-métrages avec, entre autres, Entracte de Yann Gonzalez, en sa présence.» ajoute Michèle Philibert Elles écrivent et elles tournent : Sylvie Ballyot et Laurence Rebouillon présenteront leurs films dont Tel père telle fille sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs et West Point, tous Les Variétés 04 91 53 27 82 www.festival-reflets.org Riparo © X-D.R La tragédie dans la rue «Pour faire un film, il vous faut obligatoirement une fille et un pistolet» J. L. Godard, Histoires du Cinéma Dans le dernier film de Robert Guédigian, Lady Jane, il y a bien un pistolet et une femme, Muriel (Ariane Ascaride), une femme fatale, Électre animée par le désir de vengeance, qui mène la danse (macabre !). Le cinéaste, voulant faire un film de genre, à Marseille, avec sa tribu, y a mis tous les ingrédients du film noir à la manière de Nicholas Ray. Il y a donc les anciens amants-amis de Muriel, François, peut-être encore amoureux, (J.P. Darroussin) et René, le plus lucide, (Gérard Meylan) qu’elle appelle à l’aide en apprenant que son fils a été enlevé. Il y a des filatures, une course-poursuite en voiture, une scène de suspense dans la gare TGV d’Aix, montée magistralement, des filles nues qui dansent dans un cabaret, une boutique de luxe à Aix, des bars louches à Marseille, des coups de feu, du sang. Il y a aussi des Robins des bois qui distribuent des fourrures aux ouvrières de l’Estaque qui l’ont oublié, une mini Austin rouge (pour filles !), une reproduction des Chrysanthèmes de Monet, choisi à dessein, un vieil ami, Henri, (Jacques Boudet) qui regarde à la télé des images de la tragédie palestinienne et qui parle du passé. Il y a Marseille, son tramway, la rue de la République, un faux proverbe arménien du XIe siècle : «Celui qui cherche à se venger est comme la mouche qui se cogne contre la vitre sans voir que la porte est grand ouverte». Et il y a aussi le Temps, le temps qui passe, nous obligeant à nous demander si tout a un sens, si tout n’est pas qu’illusion. Robert Guédigian dit avoir fait ce film pour savoir ce qu’il pensait au moment où il le faisait : un regard sans complaisance et plutôt désespéré. Un film dans la veine de La Ville est tranquille, en plus sombre encore : un film réussi. ANNIE GAVA © Diaphana Films Lady Jane Robert Guédiguian UN ROMAN POLICIER | AFLAM Désirs de Policiers Vendredi 11 avril, aux Variétés en avant-première, a été présenté Un roman policier de Stéphanie Duvivier. Une manière de boucler la boucle pour cette jeune réalisatrice qui a tourné son premier long métrage à Marseille parce que cette ville lui plaît et que la Région l’a soutenue Une équipe Une grande partie de l’équipe était présente ; les deux acteurs principaux, Marie-Laure Descoureaux, parfaite dans le rôle peu facile d’un lieutenant de police, et Abdelhafid Metalsi, qui lui fait tourner la tête ; et de nombreux comédiens et techniciens, dont la grand- mère arabe : 70 % des participants sont de Marseille. Tous étaient là, solidaires et enthousiastes, autour de Stéphanie Duvivier dont l’énergie et la volonté semblent communicatives. Et de la persévérance, il en a fallu beaucoup pour mener à terme ce film à l’économie fragile dont la plupart des scènes ont été tournées de nuit, dans des conditions souvent très difficiles. «La nuit exacerbe les choses ; la solitude et les envies sont plus fortes. Il y a de l’espace pour laisser parler ses instincts.» Une histoire de désir L’histoire d’Un roman policier n’est pas très originale : une enquête sur une affaire de drogue dans une banlieue… Peu importe ! Car le sujet du film est autre : c’est le désir, thème que la réalisatrice avait déjà abordé dans le superbe Hymne à la gazelle, César du meilleur court métrage en 2005. C’est d’ailleurs l’envie de retravailler ce sujet en «plongeant ses deux acteurs dans le milieu de la police et en les confrontant à la mort» qui est à l’origine du film. Et filmer le désir, Stéphanie Duvivier sait le faire : des regards, un gros plan sur la boucle d’une ceinture de pantalon, une douche chaude après un bain forcé dans une piscine, une fête improvisée dans un bar de quartier… Des personnages écorchés, filmés avec beaucoup d’humanité et de tendresse, des policiers (pas des flics !) avec leurs failles, leurs faiblesses, leurs peurs, leurs conditions de travail rudes. Pour l’écriture du scénario la réalisatrice a enquêté, avec difficulté souvent, dans des commissariats, et Stéphanie Duvivier © A. Gava ANNIE GAVA Un roman policier Stéphanie Duvivier Sortie le 16 avril Stéphanie Duvivier et Kheira © A. Gava 49 Prélude à Palestine Quelques projections et rencontres sont proposées par AFLAM (voir Zibeline n° 3) avant la programmation aux Variétés en mai L’association, qui promeut les cinémas en langue arabe, s’attache durant les derniers jours du mois de mai au cinéma palestinien, en proposant un quarantaine de films aux Variétés et dans plusieurs lieux marseillais, mais aussi à Digne, Port-de-Bouc, Manosque, Gardanne, Aix… Mais avant cela la Palestine, celle de l’extérieur et celle des territoires occupés, sera évoquée par une confrontation entre les arts. Cinéma et littérature d’abord, à l’Alcazar, avec le 22 avril : la projection d’En quête de Palestine d’Edward Saïd sera suivie d’un débat et, le 20 mai, Mahmoud Darwich et la terre comme la langue de Simone Bitton et Elias Sambar qui sera présent. Ces rencontres sont organisées en partenariat avec Les Libraires du Sud. Cinéma et musique ensuite, avec deux films d’Elia Suleiman, Cyber Palestine, le 15 mai à la Cité de la Musique et Intervention Divine, le 18 au Toursky, projections suivies de concerts proposés par Le Mur du Son. A.G. aux moments de doute a eu le soutien d’Olivier Marchal qui lui a présenté son chef opérateur, Denis Rouden, et «proposé ses services» pour le rôle de Viard : un «flic des stups» qui passe son temps à surveiller Fati, interprétée par la magnifique Hiam Abbass qui avait déjà tourné dans le premier courtmétrage, Le mariage en papier. C’est pourquoi après Un Roman policier on ne regarde plus les «flics» exactement de la même façon ! CINÉMA Cinémas de Palestine du 22 avril au 3 juin www.aflam.fr 50 LIVRES RENCONTRES La ville mirage À l’occasion de la sortie de Tanger, Ville frontière (voir Zibeline 6), La Pensée de Midi proposait une série de rencontres avec ses auteurs. La revue est familière de ces portraits de villes méditerranéennes qui se présentent comme des mosaïques de textes, et dont la lecture plonge dans une sorte de perplexité active, comme s’il manquait un lien entre des pensées disparates, et forcément incomplètes. La rencontre avec les auteurs, le dialogue avec le public et la projection du documentaire de Leila Kilani Tanger, le rêve des brûleurs venaient opportunément offrir au lecteur la bonne distance : celle qui permet à la mosaïque de prendre sens, etaudesseingénéraldel’œuvred’apparaître. Il est violent. Si Tanger est une ville séduisante, chargée d’attraits touristiques récents et d’une mythologie littéraire ancienne (Ô Genêt, Yourcenar, Kessel, Paul Bowles !), la prostitution, la pauvreté, l’islamisme qui gagne du terrain, l’exploitation économique par l’Espagne et l’Arabie Saoudite, et le blanchiment de l’argent du cannabis s’affirment comme les traits dominants de cette ville. Ce qui explique pourquoi Tanger reste désespérément tournée vers une Europe qui se dessine nettement sur son horizon clair, mais se refuse obstinément à ceux qui la désirent. En regardant ces «brûleurs» qui risquent leur vie pour passer le détroit, en écoutant terrifiés le nombre impressionnant de morts que la politique d’immigration européenne génère, c’est bien le visage de l’Europe que la mosaïque dessine : celle qui colonisa, prostitua, et qui aujourd’hui continue de consommer du cannabis marocain, exploite la main d’œuvre autochtone pour fabriquer son prêt-à-porter à bas prix, barbèle les côtes, laisse mourir les candidats au voyage sous les essieux des camions de marchandises, dans les zodiacs surchargés, ou dans le désert où les «reconduites» aux frontières renvoient les africains subsahariens… En clair, Tanger apparaît comme un des points névralgiques où l’utopie méditerranéenne échoue lamentable- ment contre la grève bétonnée. Car nés sur la rive Nord nous allons où bon nous semble : un homme ne vaut pas un homme. AGNÈS FRESCHEL Les Rencontres de Midi ont eu lieu du 25 au 29 mars à Châteauvallon, Nice (librairie méditerranée), Aix (librairie Harmonia Mundi), Marseille (Bibliothèque départementale Gaston Defferre, Dock des Suds). Tanger, le rêve des brûleurs, documentaire de Leila Kilani, 2001 Tanger, la Medina © X-D.R Des blousons noirs à l’Alcazar ! Le 29 mars les Cahiers de l’Écailler ont proposé une de leurs Rencontres sur les littératures policières. Rock et Polar, tel était l’intitulé de cette conférence concert, menée sous la houlette érudite de François Thomazeau, coéditeur de l’Ecailler, écrivain, grand amateur de rock, et de François Billard, historien de la musique et enseignant. Avec eux, deux jeunes auteurs de polars et musiciens de rock, Thomas Labat et Bruno Leydet. Quels liens le polar et le rock entretiennent-ils ? De quelles affinités ces deux sous-genres se nourrissent-ils ? On a coutume d’associer l’écriture policière au jazz. Or, selon Thomazeau, cette parenté tient davantage du mythe que de la réalité. Dans les faits, et il l’a montré références cinématographiques, littéraires et musicales à l’appui, ce qu’on appelle polar ou roman noir, est bien davantage abreuvé de rock’n’roll. En témoigne le fameux Blackboard Jungle, adapté en 1955 du roman éponyme d’Ed Mc Bain, en français Graine de violence, dont la BO avait été confiée à Bill Haley ; ou, plus près de nous, Pulp Fiction. On a ainsi navigué des mauvais garçons des chansons aux héros désenchantés des romans, de bouges glauques en braquages foireux, sans toujours éviter l’écueil des clichés. Un voyage dans le temps et les topoï, qui tenait plus de la balade nostalgique que de l’odyssée rock : si le même esprit rebelle anime les deux formes, si la plupart des écrivains de polars insèrent volontiers des bandes-son rocks dans leurs textes, histoire de les inscrire dans une époque, peut-on pour autant affirmer que l’écriture noire soit rock ? La question du style, essentielle, est restée sans réponse. Et le public sur sa faim. Une déception donc, que l’agréable concert du groupe Double Blanc n’a pas totalement dissipée… Notons toutefois que, grâce à la bibliographie élaborée par le département Langues et Littératures de l’Alcazar, il reste possible d’approfondir par soi-même ! FRED ROBERT À lire, notamment Le chanteur de gospel, Harry Crews, Gallimard, Série Noire, 1995. La faute à dégun, François Thomazeau, Méditorial, Mistéri, 1996. Fatal song, Carl Hiaasen, Denoël, Et d’ailleurs, 2003. Soul circus, Georges Pelecanos, Editions de l’Olivier, Soul fiction, 2004. Passé imparfait, Kinky Friedman, Rivages/Noir, 2007. Jim Morrison is alive and well and living in Ibiza, Bruno Leydet, L’Écailler du sud, 2007. 51 Un poète, des ados, Roubaud l’Espiègle des animaux Jacques Roubaud © A.Gava «J’ai 75 ans. J’écris de la poésie. C’est difficile et je n’en vends pas beaucoup.» C’est ainsi que se présente lui-même Jacques Roubaud. Le ton est donné : humour et espièglerie ! C’est à un enfant espiègle de 75 ans que nous avons affaire : il s’amuse de ses propres audaces littéraires, nous entraîne dans son jeu. Et on le suit avec ravissement, tant dans les confidences plus ou moins autobiographiques du Grand incendie de Londres (1989) que dans les entrelacs du métro de Tokyo ! Ses déclarations Quand une rue descend d’un côté, elle a tendance à monter de l’autre, même à Tokyo- laissent pantois, et émerveillé. Les textes lus sont choisis dans différents recueils et soulignent tous le souci du détail juste de Roubaud. Il faut l’entendre évoquer le souvenir de sa grand-mère l’initiant à la savante et difficile recette de la gelée d’azoroles, fruits du rare azorolier ; «Il faut la soumettre au test du frisson en la faisant glisser sur une soucoupe : si elle frissonne, elle est réussie, sinon on peut tout jeter !» Et il ajoute très sérieusement qu’il en est de même de la prose qui doit également être soumise au test du frisson ! Plus tard il déclare qu’il écrit dans sa tête en marchant, mais qu’il a peur des automobilistes fous parisiens. Mathématicien, oulipien, amateur d’haïkus et de coccinelles, Jacques Roubaud est décidément aussi séduisant à l’oral qu’à l’écrit ! CHRIS BOURGUE Jacques Roubaud était invité à une lecture de ses textes par Maud Buinoud, Céline Greleau et Nicole Yanni et à un entretien informel sur les processus de la création, au Théâtre du Petit Matin les 11 et 12 avril Le 12 avril, des élèves d’une sixième du Collège Thiers à Marseille ont la chance de rencontrer Jacques Roubaud. Venus lui offrir un recueil de vingtquatre sonnets composés après la lecture des Animaux de tout le monde, ils dialoguent avec le poète conteur. À leur question sur sa démarche de travail pour ce recueil, «Le premier poème, répond-il, a été réclamé par la chatte Ophélie, une chatte très sympathique qui n’aimant pas la télé, s’asseyait sur le poste, la queue au milieu de l’écran….» Le ton est donné ! Des histoires plein les oreilles ! Après avoir lu les sonnets des élèves présents, Jacques Roubaud leur raconte des histoires, la gourmandise des écureuils de Londres, les soucis des blaireaux anglais dont les ennemis sont les promoteurs immobiliers. À la demande des élèves, il précise certaines dédicaces, comme celle à Harry Matthews, (un de l’Oulipo), son ami américain qui, jouant du clavecin, la nuit et perturbé par les loirs grignotant les opéras, -même ceux de Mozart !- les a capturés et ramenés en forêt. Il confie qu’il a composé son premier Jacques Roubaud © A.Gava poème à cinq ans pour l’anniversaire de sa mère et voyant qu’il faisait plaisir ne s’est jamais arrêté. Son poète préféré est Robert Desnos ; il aime mieux la poésie que la mathématique : mais la poésie ne nourrit pas ! Son plaisir à raconter des histoires et à jouer avec les mots est manifeste. La rencontre s’achève par des dédicaces colorées et réciproques, pour le plus grand bonheur des jeunes adolescents. ANNIE GAVA Jacques Roubaud © A.Gava Un homme de convictions Thierry Magnier © Olivier Dion Invité d’honneur de la 8e édition de Lire et Grandir, organisée par l’association Ville Lecture Ouest Provence, l’éditeur Thierry Magnier fut un orateur passionnant lors de la rencontre du 28 mars à Istres. A côté de la médiatrice du débat, Liliane Rebillard, initiatrice du Salon du livre jeunesse d’Aubagne, étaient également présents Sara et François Delebecque, auteurs et plasticiens dont les livres sont édités chez Thierry Magnier, et dont les œuvres faisaient l’objet d’expositions à Miramas et à Fos. Après une brève présentation au cours de laquelle on apprit que Thierry Magnier n’aimait ni les livres «toutous» ni les «cuicuis» «aux images propres et aseptisées, politiquement correctes» (qui l’eut cru ?), il expliqua son profond attachement à la toute petite enfance et à l’adolescence, et son travail pour offrir aux uns et aux autres des livres qui initient, qui éveillent, qui construisent, avec, toujours, «un respect total pour les enfants.» Parlant de sa politique éditoriale pour les touts petits, Thierry Magnier s’anime : lorsqu’il y a des enfants, non encore lecteurs qui plus est, il y a forcément des passeurs, à savoir les adultes. Plaire à tous est une gageure, mais instaurer des niveaux de lectures est une solution que l’éditeur défend. Ainsi que les notions de références et d’implicite qui feront que le livre sera bon. Un livre est un tout, sa lecture doit pouvoir se faire par les images, par le texte, et par les deux réunis. Pas si évident que ça… Plongez-vous donc dans le sublime Du temps de Sara, dont les tableaux évoquent la mort, le travail de deuil et le temps qui guérit, ou dans Les songes de l’ours de François Delebecque, remarquable travail photographique qui rend compte des interrogations d’un ours sur la vie des hommes. Si en plus les livres se mettent à faire penser les touts petits, où va-t-on… S.L. La manifestation Lire et Grandir s’est tenue sur le territoire de Ouest Provence du 25 mars au 2 avril 52 LIVRES RENCONTRES Sur le chemin du retour Pour prolonger un peu le Salon du Livre parisien, la Bibliothèque Lilly Scherr a organisé, dimanche 23 mars, une rencontre autour des écrivains israéliens qui, comme chacun sait, étaient à l’honneur dans la capitale. Quatre d’entre eux ont fait une étape sur le chemin du retour et se sont arrêtés à Marseille pour rencontrer leur public (ancien et futur !). Qui était là, bien présent dans le magnifique espace de la Station Alexandre (voir numéro 6 de Zibeline). L’extraordinaire melting-pot de la société israélienne génère d’innombrables problématiques identitaires ; c’était le sujet de la première table ronde à laquelle participaient Savyon Liebrecht, native de Munich et Boris Zaidman, fraîchement émigré de Kishinev (quelque part en ex-Urss, comme on dit). Son approche était particulièrement intéressante, du point de vue de l’expérience de l’exil et de l’emprise idéologique indélébile du régime soviétique ; enfant, il a connu un véri-table déchirement intérieur lorsqu’il a compris (disons que les autres l’y ont un peu aidé…) qu’il était juif et que donc jamais il ne pourrait accéder à la perfection des soldats de la Révolution… Une sorte de tare originelle qui n’a pas facilité non plus, par la suite, son intégration en Israël ! Depuis, il écrit pour tenter de recoller les morceaux de ses identités impossibles. Savyon Liebrecht en revanche, construit son itinéraire d’écrivain en allant du particulier au général. Ainsi, pour elle, tous les hommes sont des émigrés, de première, deuxième ou troisième génération et leurs difficultés à être, dans un univers aux repères mouvants, est tout aussi grande ; le déracinement estpeut-êtrelamarquedenotremodernité. Cette journée, fort bien orchestrée par Pascal Jourdana, journaliste littéraire à L’Huma et à Transfuge, a mis en évidence la vitalité et la profondeur de la nouvelle génération d’écrivains israéliens qui défrichent les nouveaux territoires, parfois volcaniques, de notre bonne vieille terre aux traits mille fois redessinés… SYLVIA GOURION Les épines du mal Quelques jours après le Salon du livre parisien qui accueillait les écrivains Israëliens, la Cité du Livre d’Aix recevait Dominique Eddé, romancière libanaise, historienne de formation (les 26 et 27 mars). La pertinence de ses interventions avait déjà fasciné la rédaction de Zibeline lors des dernières Rencontres d’Averroès, et sa Lettre aux Israëliens (août 2006), appel à la paix et à la prise de conscience, au bon sens, écrite alors que 80 % des citoyens israëliens approuvaient l’invasion du Liban, a marqué les mémoires. Mais à Aix le thème était apparemment tout autre : Dominique Eddé parla de son dernier livre sur Genet et, selon le principe des Écritures Croisées, une lecture de son roman autobiographique Pourquoi il fait si sombre ? par la voix sombre et timbrée d’Anne Alvaro et un concert complétèrent sa parole. Le rime de Genet (ed. Le Seuil) relate sa rencontre avec l’écrivain ; mais au-delà de ça, l’essai autobiographique interroge chacun sur la nature de l’admiration que l’on peut éprouver pour l’œuvre d’un homme qu’on n’admire pas, et dont on réprouve au contraire fortement les actes (Genêt comme Céline, ou Sade). Plus profondément, l’expérience intime de Dominique Eddé face à Genet, affectueux mais méprisant en elle l’impure (à la fois femme, arabe et chrétienne, française et libanaise…), interroge cette fascination que le lecteur éprouve pour ces écritures si fortes. Leur beauté aurait-elle à voir avec la fréquentation intime du mal, et de ses fleurs ? AGNÈS FRESCHEL Allez buller à Luminy Avis aux bédéphiles, bédévores et autres amateurs du neuvième art: les 26 et 27 avril prochains, dans les locaux de l’École de Management Euromed Marseille, se tiendra le Festival de Bande dessinée Des Calanques et des Bulles La lecture par Anne Alvaro et la rencontre du 27 mars à la Cité du livre, ainsi que des extraits du concert de Zeina Mokaiesh sont téléchargeables en extraits sur Radio Grenouille, présentés par Thierry Fabre de La Pensée de Midi www.grenouille888.org Pour cette édition 2008, le Bureau des Arts, organisateur de la manifestation, entend bien améliorer encore le bilan très positif de 2007 : 1500 visiteurs accueillis en deux jours, autour de 30 auteurs. Son objectif n’a pas changé : il s’agit d’«offrir au public un événement culturel accessible à tous et prônant la diversité des genres et des styles.» L’accès au festival reste donc libre et gratuit. Pendant tout le week-end, de 10 à 18 heures, petits et grands pourront trouver leur bonheur parmi les nombreuses animations proposées : séances de dédicaces, expositions de planches originales, ateliers et projections, espaces consacrés aux fanzines et comics, aux mangas, stands de libraires et de bouquinistes… Le parrain de cette dixième édition sera le dessinateur marseillais Bruno Bessadi, membre du Zarmatelier et créateur de l’affiche du festival ; le public pourra également rencontrer de nombreux autres auteurs et dessinateurs de la région et d’ailleurs. Des Calanques et des Bulles s’intéressera en outre au développement durable, auquel plusieurs conférences et débats seront consacrés. Vous avez dit «diversité» ? FRED ROBERT Des Calanques et des Bulles Festival de BD Campus de Luminy Les 26 et 27 avril, de 10h à 18h Entrée gratuite 04 91 82 77 39 www.descalanquesetdesbulles.com Zorn et Dirna T4 © Soleil Productions LIBRAIRIE LA RÉSERVE À BULLES LIVRES 53 Des bulles qui pétillent © Agnès Mellon À deux pas de La Plaine à Marseille, La Réserve à Bulles accueille depuis mai 2005 les amateurs de bande dessinée. Une librairie exclusivement dédiée au neuvième art, dans un espace coloré et chaleureux qui incite à s’attarder, à fouiner, à découvrir… Emmanuel Marin et Peggy Poirrier ont souhaité qu’on s’y sente «comme à la maison». C’est réussi. Dans cet espace petit mais pas confiné, tout en arrondis, en bois et en couleurs soleil, on circule à l’aise. Partout, sur les murs libres, suspendues au plafond, affiches, planches, couvertures et personnages s’exposent. Aux avant-postes, la librairie proprement dite propose un grand choix d’albums, dont une sélection est disposée sur une vaste table ovale, en plein milieu. Au cœur de la Réserve, la cabine de pilotage de ce navire à bulles caisse, coin bureau, bar-, jaune vif, joliment éclairée de lampes translucides. Au pied de cette vigie se niche le coin jeunesse, où il fait bon se vautrer sur les poufs orange et les coussins, à même le sol. Au fond, le salon de thé avec son fauteuil club fatigué, ses banquettes et ses petites tables de bois. On se croirait vraiment chez soi. Et l’on s’assoit volontiers, le temps de consulter une revue, de feuilleter un flip book ou simplement de contempler l’exposition de planches originales du moment en sirotant un thé. Zibeline : D’où est venu votre projet ? Peggy Poirrier : Au départ, nous sommes tous les deux, Emmanuel et moi, des passionnés de BD. Nous avons participé pendant un temps à un festival, Massilia BD ; lorsque celui-ci s’est arrêté, l’idée de monter une librairie spécialisée a commencé à nous trotter dans la tête. Il nous semblait que, dans une ville de l’importance de Marseille, la place réservée au neuvième art était trop petite. Il a fallu deux ans pour réaliser ce projet. Et vous en vivez aujourd’hui ? Oui, mais je suis l’unique employée à plein temps. Le fait de se spécialiser dans un genre, de se démarquer, me semble la seule voie pour les librairies indépendantes comme la nôtre. Par ailleurs, nous développons beaucoup d’activités annexes, qui nous permettent de faire vivre la librairie. Lesquelles ? On travaille beaucoup en partenariat. Je fais des interventions en milieu scolaire, au cours desquelles je présente la bande dessinée, l’évolution du genre, des techniques… On collabore avec les médiathèques, auxquelles on fournit des BD. ; on présente les albums aux bibliothécaires, pour les aider à faire leur choix. Les documentalistes nous demandent aussi souvent d’intervenir dans le cadre de l’aide à la lecture par la BD. et je trouve cet exercice particulièrement intéressant : se retrouver face aux lecteurs, surtout adolescents, est enrichissant. Un échange fructueux et une remise en cause constante ! Quels sont vos choix éditoriaux ? Nous vendons bien sûr des titres commerciaux, des albums à succès ; mais, par rapport aux grandes enseignes, notre spécificité est de proposer un large choix d’éditeurs indépendants et de petites maisons d’édition. Certains, comme Cornélius ou Les Requins Marteaux, ont déjà 10-15 ans d’existence et une bonne notoriété. Parmi les petites nouvelles, on aime tout particulièrement Les Enfants Rouges ; sise à Antibes et créée par une ancienne libraire, cette maison n’a pour l’instant qu’une dizaine de titres, mais ce sont des romans graphiques très prometteurs. On apprécie aussi beaucoup Cambourakis, éditeur du Jeu des Hirondelles (voir ci-dessous). On organise également des rencontres avec de jeunes auteurs. Samedi 29 mars dernier, on a reçu deux Marseillais, Lisa Mandel (voir page suivante) et le dessinateur Eddy Vaccaro. Ce sont d’ailleurs ses planches originales que nous exposons en ce moment. Qui sont les clients de la librairie ? On compte 10 à 20 % de fans très connaisseurs, qui viennent 1 à 2 fois par semaine, achètent toutes les nouveautés dès leur sortie et ont des demandes précises. En dehors de la période spécifique des fêtes, on fonctionne principalement avec une clientèle d’habitués, dont on connaît les goûts et que l’on peut conseiller avec pertinence. Même la mamie du quartier, si elle entre ici, est généralement une mordue de BD. ! La plupart des gens qui poussent notre porte sont comme nous des passionnés. Du coup, je donne des conseils, mais j’en reçois pas mal aussi ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR FRED ROBERT Les conseils de Peggy Poirrier Chez Cambourakis, Le Jeu des Hirondelles de la Libanaise Zeina Abiracheb. Ce roman graphique en noir et blanc relate un huis clos à Beyrouth : pendant les bombardements, tout un immeuble se réfugie dans le même appartement. Une façon détournée d’évoquer une période douloureuse de l’histoire libanaise récente et de revivre, en le sublimant par la beauté du trait, un épisode traumatisant de l’enfance. 20 euros. Chez Delcourt, Chloé Cruchaudet a réalisé avec Groenland-Manhattan, une B.D. au graphisme superbe, à partir de l’histoire d’une authentique expédition américaine en Arctique. 14,95 euros. Aux éditions Vents d’Ouest enfin, Les funérailles de Luce, de Springer : la découverte de la mort par une fillette, et des dessins au feutre noir d’une belle puissance évocatrice. 15 euros. F.R. 54 LIVRES BD Autobiographique Autrefois, la fille a violemment désiré la mort de son père. Autrefois, le père s’est montré violent envers sa femme, ses enfants et il les a quittés. Aujourd’hui, le père et la fille se sont retrouvés et travaillent ensemble. De leur collaboration est né, entre autres, ce roman graphique qui retrace leur parcours vers La réconciliation. Tous deux ont écrit les textes, mais c’est Théa, la fille, qui a dessiné, dans un beau camaïeu de gris, cette BD où il est question bien sûr de la réconciliation d’une fille avec son père, mais aussi de celle de cette fille avec elle-même et avec le monde qui l’entoure. Sept chapitres structurent ce voyage long et douloureux vers l’acceptation de soi et des autres, sept étapes obligées d’une thérapie, dont elle sort apaisée. Une narration qui va de l’individuel à l’universel, de l’examen de soi à la leçon de vie, et qui se met en scène au sein de la fiction, c’est ce que l’on trouve ici, comme dans tout bon récit autobiographique. Cette maîtrise narrative se La Réconciliation Théa et Charles Rojzman éd. J.C. Lattès, 14,90 euros double d’un grand talent graphique. Le trait, expressionniste, révèle les pensées les plus secrètes, les fantasmes, laisse leur place aux rêves et aux bribes du passé. Un habile jeu de disproportions au sein des vignettes et de variations des dimensions et des cadrages sur les pages offre de la réalité un prisme déformant. Une représentation visuelle très pertinente de la subjectivité à fleur de peau de la narratrice-dessinatrice. Autobiographie toujours… où les mots souvent épousent les contours de l’image, comme pour mieux l’accompagner. L’album, d’une grande intelligence et d’une créativité plastique évidente, semble porté par la force de conviction et d’espoir de ses deux auteurs. C’est d’ailleurs ce qui peut agacer, cette volonté affichée de porter la bonne parole à ceux qui sont restés dans le noir, de faire, mine de rien, la leçon. L’entreprise n’aurait sans doute rien perdu à se parer d’un peu d’autodérision. FRED ROBERT Au détour du conte Jeune, marseillaise, à la fois dessinatrice et scénariste, Lisa Mandel est déjà bien connue des lecteurs préados et ados, qui se délectent de sa chronique familiale déjantée, Nini patalo. Elle termine d’ailleurs actuellement le cinquième tome de cette série, avis aux amateurs. Son nouvel opus devrait, s’il en était besoin, lui assurer la reconnaissance de la profession et des lecteurs adultes ; en effet, Princesse aime Princesse est édité chez Gallimard au sein de la très intéressante collection Bayou que dirige, excusez du peu, Yoann Sfar, le brillant créateur du Chat du Rabbin. Ce roman graphique aux tons acidulés, dans une dominante de fuschia, orange et aubergine, revisite avec bonheur le conte merveilleux, et en particulier le thème de la princesse endormie et séquestrée dans la plus haute tour du château. La princesse, c’est Végétaline de Brillance, qu’on dit malade pour mieux la tenir enfermée. La sorcière qui la retient prisonnière, c’est sa mère, une richissime industrielle avide de toutepuissance, sur sa fille comme sur tout ce qui l’entoure. Quant au prince charmant, c’est… une princesse, Codette, jeune rousse rondelette au grand cœur et à la détermination sans faille. Une première rencontre de hasard, un baiser de conte de fées, et c’est l’Amour. Codette n’aura alors de cesse de délivrer sa bien-aimée, aidée dans sa quête par une équipe de Biomen loufoques et par son arme magique, un téléphone cellulaire aux fonctionnalités inouïes. Au terme d’une course-poursuite échevelée dans la tour infernale et d’un duel au sommet, tout finira bien, évidemment. C’est un conte, n’est-ce pas ? Fraîcheur du dessin, caractère enfantin de l’écriture cursive dans les bulles, arcen-ciel des couleurs, tout est pourtant loin d’être rose dans cet univers. Lisa Mandel a pris le parti de la légèreté, de la poésie et de l’humour, pour aborder des sujets graves. Princesse aime princesse parle des premiers émois, de l’homosexualité, de la nécessaire et difficile conquête de l’autonomie par les adolescents ; cet album évoque aussi l’exil, les deuils, les délicates relations entre parents et enfants. D’un trait dynamique et ingénu, vif et délicat… comme le sont les jeunes héroïnes de l’histoire. Vogue le spleen Ils ne sont pas très en forme les personnages de ce récit, et pourtant deviennent vite attachants. Vincent, la trentaine, balade son mal de vivre entre son salon de coiffure hérité de son père et son intention, sans cesse repoussée, de couper le cordon ombilical avec sa mère qui habite l’étage au-dessus ; sa mère, justement, qui ne sort plus et manipule son entourage -à commencer par son fils- à l’aide d’un petit théâtre empli de marionnettes qui lui servent à expier ses fantasmes. Il y a aussi le cousin, créateur de figurines érotiques et amateur de belles femmes ; et Rosalie Blum, épicière de son état, que Vincent croise un jour et qu’une impression de déjà-vu va bouleverser, créant une obsession croissante et perturbatrice. Premier volume d’une trilogie dont le deuxième tome est annoncé en mai, Rosalie Blum est l’œuvre d’une jeune illustratrice, auteur de livre pour la jeunesse, qui parvient avec ses dessins non cadrés mais fourmillant de détails (elle dessine d’ailleurs tout à cette échelle), des couleurs vives et une écriture manuscrite, à nous embarquer dans son histoire pleine de promesses. SARA LYNCH F.R. Princesse aime Princesse Lisa Mandel éd. Gallimard, Bayou, 16,50 euros À découvrir également la série Nini patalo éd. Glénat, 9,40 euros Rosalie Blum 1. Une impression de déjà-vu Camille Jourdy Actes Sud BD, 18 euros 55 Impitoyable Dans sa préface au livre 1 de la trilogie Sans pitié, intitulé Mistral noir, Didier Daeninckx écrit : «…ce n’est pas un hasard, mais un signe, si la planche d’ouverture montre un tueur au repos lisant Deuil dans le coton de Jim Thompson, un des auteurs les plus désespérés de la Série Noire.» Ce premier volume se termine sur une planche quasi semblable. Tout l’album est ainsi pris dans une gangue de noirceur et de violence, dont le déluge qui noie Marseille au début de l’histoire est une autre métaphore. Abondance de scènes de nuit ou d’obscurité pour une intrigue complexe. Trafic de drogue et contrôle du marché par les caïds locaux, flics véreux et indics, jeunes paumés pris malgré eux dans la tourmente d’intérêts qui les dépassent, ou manipulés par des truands bien plus forts qu’eux, on retrouve dans le scénario de Bruno Pradelle et de Pascal Génot les ingrédients habituels du polar, et ses inévitables interrogations. Qui est ce tueur sans pitié ? Un mercenaire? Un justicier ? Que deviendront les deux jeunes amoureux Nawel et Manu ? Et Axelle ? Et son frère Frak ? Le premier livre s’achève sur un coup de théâtre, qui donne envie de lire les autres. Une écriture elliptique et un montage rythmé donnent à cette BD des allures de film noir. On apprécie aussi la précision du dessin et la beauté de Marseille sublimée par des plans plongeants ou panoramiques, par une utilisation subtile des couleurs. Les échappées en plein soleil font entrer l’air et la mer dans ces pages obscures. Les aléas de l’intrigue révèlent la ville et ses quartiers, que le dessinateur Olivier Thomas aime et connaît bien. Et si l’on se perd un peu dans les méandres de cette sombre histoire, on se promène avec plaisir sur les quais, sur les terrasses et dans les escaliers, dans les rues et sur les rochers. Un peu d’air avant la suite, qu’on imagine sans peine tout aussi noire… F.R. Mistral noir Premier volume de la trilogie Sans pitié Génot, Pradelle et Thomas éd. Emmanuel Proust, 12,60 euros Blessures de sortie Chauffeur de taxi à Tel-Aviv, Kobi Franco laisse aller sa vie, entre son oncle et sa tante qui veillent sur lui et réciproquement, une sœur qui vit à New York et un père quelque part dont il n’a plus de nouvelles. Un jour, Nomi, une jeune femme militaire surnommée «la girafe» du fait de sa taille, le contacte et lui explique que son père pourrait être la victime non reconnue d’un attentat récent, celui de Hadera, le restoroute. La réaction de Kobi est à la mesure de son détachement par rapport à l’absence de son père, un détachement apparent qui laisse Nomi seule avec ses questions. Mais le doute va s’installer, et propulser les deux protagonistes dans une enquête passionnante, une quête personnelle dont l’issue n’est pas forcément celle que sous-tend l’histoire. Au-delà du côté actualité et reportage sur un pays en conflit, Exit Wounds s’arrête surtout sur les rapports amoureux, improbables, et humains, plus généralement. Ce roman graphique, d’allure classique, bénéficie d’un travail remarquable sur la couleur, les différentes palettes illustrant un moment particulier, «coupant» par le changement de teintes le fil du récit. Le côté minimaliste des dessins peut cependant déconcerter le lecteur et le faire décrocher. Mais dans un pays où les éditeurs de BD sont inexistants et les magasins très rares, Exit Wounds est un document indispensable. À noter que la BD a obtenu cette année le Prix France Info de la Bande Dessinée d’actualité et de reportage, et a été primée au festival international de la Bande Dessinée d’Angoulême, dans la section des Essentiels. S.L. Bagout et des couleurs Il a du bagout Nadir, il est cultivé et aime son métier, et la nuit, dans son taxi, il se réapproprie Paris. Et refait le monde. Romain Multier et Gilles Tévessin l’ont vraiment rencontré, en 1991, le premier l’écoutant avec attention distiller ses histoires, le second n’en perdant pas une miette par la fenêtre. Ce n’est pas un reportage, plutôt une succession de morceaux choisis, d’anecdotes, drôles ou pas, qui, dans leur ensemble, donnent une vision rafraîchissante d’un métier et d’une vie souvent dénigrés. Les images de Gilles Tévessin se jouent de la nuit trop sombre, donnant profondeur et relief aux personnages et décors grâce à un travail à la gouache et au crayon qui n’est pas sans rappeler certains dessins de Voutch. Et lorsque de pleines pages nous aguichent, l’œil se délecte de mille petits détails réjouissants. Dans sa préface, Emmanuel Guibert écrit qu’«en parlant [les personnes à bagout] font une œuvre». C’en est un beau rendu. S.L. Exit wounds Rutu Modan, traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech Actes Sud BD, 20 euros Un taxi nommé Nadir Romain Multier – Gilles Tévessin Préface d’Emmanuel Guibert Actes Sud BD, 22 euros 56 LIVRES LITTÉRATURE À l’ombre de la Tour Eiffel La petite musique de Smadja Beaucoup ne connaissent de Brigitte Smadja que l’écrivaine jeunesse, auteure de récits pour ados publiés à l’École des Loisirs, où elle dirige d’ailleurs désormais la collection dédiée au théâtre. Plus rares sont les lecteurs qui connaissent la Smadja romancière pour adultes. Elle a pourtant publié son premier roman chez Actes Sud en 1998 ; Le jaune est sa couleur paraît aujourd’hui dans la collection de poche d’Actes Sud, Babel, en même temps qu’est édité le sixième, Le jour de la finale. Le jaune est sa couleur relate les derniers mois de la vie de Jonas, atteint du sida. Dans un Paris plombé par la canicule estivale, Lili, au mépris de sa fatigue, accompagne son ami mourant, tout en cherchant à prévenir Nathan, le troisième de leur trio d’antan, l’homme à la chemise jaune, celui qui a fui et devrait être là aussi à son chevet. Mina, la mère de Lili, s’inquiète pour sa fille et l’attend dans son petit appartement, qu’elle aère et nettoie en rêvant à sa Tunisie natale, à son passé, à ses désillusions. Dans Le jour de la finale, la narratrice Marianne vit une journée particulière : tandis que tous attendent LE match, elle se prépare, elle, dans une terrible confusion des sentiments, au mariage de son fils cadet. Vingt-quatre heures de la vie d’une femme de cinquante ans, que les affres d’une possible rencontre avec son ex mari bouleversent et qui, le temps d’un jour d’été, revient enfin sur son passé, sur sa séparation, pour les revivre, les affronter enfin et s’en délivrer. Dans une langue sensible et intimiste, procédant par petites touches suggestives, où un détail opportun en dit plus qu’une longue description, Brigitte Smadja Le jaune est sa couleur éd. Actes Sud, Babel, 6,50 euros Le jour de la finale éd. Actes Sud, 18 euros Brigitte Smadja crée des atmosphères d’un agréable réalisme poétique, au sein desquelles se déclinent ses thèmes de prédilection. On y retrouve la complexité des liens familiaux, conflictuels mais indéfectibles, les aléas et les déceptions de l’amour, la force de l’amitié, l’ancrage dans la nature et dans la sensualité, le goût de la vie envers et contre tout. On y retrouve surtout de beaux portraits de femmes contemporaines. Un peu perdues, tellement humaines, ces femmes à fleur de peau se heurtent à la brutalité de la vie ; elles y perdent quelques illusions mais savent aussi y trouver des îlots de tendresse. Lili, Marianne, Mina, trois âges de la femme, trois façons d’avancer libres dans l’existence. Pour ces femmes qui lui ressemblent, Smadja compose de petites odes à la vie et à la solitude ordinaires. Pas de grandes orgues pour chanter l’attente, la séparation, le deuil, le temps qui passe et qui éloigne les amis, les amants, les enfants ; pas de symphonie pathétique. Non, juste les quelques notes d’un air nostalgique, désenchanté, mais entêtant et tout sauf désespéré. De la douceur avant toute chose… FRED ROBERT Une intrigue complexe, avec de multiples entrées, des personnages hauts en couleurs, une langue riche, poétique et imagée. Voilà pour l’essentiel. Ça se passe à Paris, dans les milieux populaires et anarchistes. L’ambiance y est très nettement fin de siècle ; l’agitation politique traverse et électrise les récits qui se croisent. Mon personnage préféré : Oscar, Wilde s’entend, certainement plus vrai en fiction qu’il ne le fut en chair et en os. Un Wilde des derniers jours, usé, fini, dandy cabotin prêt à faire son numéro pour un verre. Au bout du rouleau mais encore virulent et lucide : son ultime projet, faire sauter la Tour Eiffel, lui va comme un gant. Le désir fou de finir en apothéose, de cracher au ciel une dernière fois toute sa haine de la laideur et du conformisme… Mais le destin va en décider autrement et il va se transformer en Sherlock Homes parisien, traquant le fameux «piqueur» du métro qui défraya la chronique dans les années 1890. Les plaisirs offerts par ce policier sont multiples : bonheur des mots, réflexions sur une époque, variété et complexité des personnages, aventures insolites…. Le tout bien ficelé et empaqueté dans des journaux d’époque, un peu comme ces bombes artisanales qui, une fois sur deux, pètent à la gueule de l’incendiaire ! SYLVIA GOURION Le linceul du vieux monde Sébastien Rutés éd. L’Ecailler, collection L’Atinoir, 12 euros ARTS LIVRES 57 De la musique noire ? Après son ouvrage sur les Musiques expérimentales présenté sous la forme d’une anthologie transversale et chronologique d’enregistrements marquants (publié en septembre 2007), Philippe Robert récidive avec Great Black Music. C’est un parcours en «110 albums essentiels» qu’il nous propose de suivre, du Lady sings the blues de Billie Holiday de 1954 à Vietnam : reflections de Billy Bang en 2005. Au fil des pochettes d’albums, et des textes qui les accompagnent, se dessine une histoire de la musique noire, des racines du blues et du gospel, irrigués par le Mississipi, au rock psychédélique et au rythm’n’blues… jusqu’au hip hop urbain. Qu’elle soit militante, revendicatrice, ou purement esthétique, inspirée du Divin, euphorique ou furieuse, la musique noire possède une empreinte singulière, une marque de fabrique, une vibration propre… Certes ! Mais il semble abusif de pontifier de façon radicale en la matière, car à l’écoute de Chet Baker, Gerry Mulligan, Stan Getz, Jerry Lee Lewis ou Elvis Presley (pour ne citer que quelques blancs emblématiques de l’histoire du jazz et du rock’n roll), on peut sincèrement se demander si cette «vibration», ce sens du phrasé, des dynamiques et du swing ne viennent pas d’ailleurs que de la teinte de la peau ou des racines africaines… Jour de fête chez les Bach Le pasteur Martin Petzoldt est professeur de théologie à l’université de Leipzig, également musicologue et spécialiste de Jean-Sébastien Bach au sujet duquel il publie depuis vingt ans de nombreux ouvrages. Président de la Société Bach internationale, rien ne lui échappe concernant le Kantor de Leipzig, son «concitoyen» avec lequel il a noué une forme d’intimité et dont il connaît par cœur toutes ses cantates (il les a chantées au Kreuzchor de Dresde, analysées, commentées…). Ce livre est original. Ce n’est pas un essai, ni une biographie ou une dissection musicologique. Non ! C’est une fiction ! Sous la forme d’une nouvelle, Martin Petzoldt nous fait revivre une journée imaginaire de Jean-Sébastien Bach, le 21 mars 1745. Le jour de son 60e anniversaire, ses deux fils aînés Wilhelm Friedemann et Carl Philipp Emanuel débarquent par surprise de Dresde et Berlin pour honorer «Père». On suit leur arrivée secrète, la veille, chez les Bose sur le Thomaskirchhof et les Henrici dans la Burgstrasse, les préparatifs de la messe du dimanche à l’église Saint-Thomas, le choral chanté en famille au petit déjeuner par les jeunes frères et sœurs, le repas de fête dirigé par Anna Magdalena, jusqu’à la balade en calèche sur le lac de Markkleeberg… On s’y croirait, d’autant que le récit est agrémenté de notes détaillées, d’une iconographie riche, instructive et d’une préface de Gilles Cantagrel. Une plongée plus vraie que nature dans le quotidien intime de Bach à Leipzig, au cœur du XVIIIe siècle. J.F. Ce 21 mars 1745, Jean-Sébastien Bach… Martin Petzoldt Editions Papillon, 13,95 euros Au demeurant, on suit volontiers ce chemin personnel, jalonné de bornes incontournables (Max Roach, Ray Charles, Coltrane, Aretha Franklin, Jimi Hendrix, James Brown, Archie Shepp, Miles Davis, Stevie Wonder, Herbie Hancock, Michael Jackson…), mais aussi d’une pléiade de musiciens plus «confidentiels» à (re)découvrir. JACQUES FRESCHEL Great Black Music Philippe Robert Ed. Le mot et le reste en partenariat avec le GRIM, 20 euros Musées à la page La BD s’attaque au musée ! Contrairement à ce que laisse paraître le titre, il s’agit d’un assaut bienveillant. La BD s’intéresse au musée faudrait-il affirmer plutôt. Et celui-ci le lui rend bien. Car ce catalogue d’exposition poursuit et approfondit le regard porté par la manifestation éponyme du musée Granet à Aix-en-Provence dans le cadre des Rencontres du 9e Art (voir page 44). Reprenant tout naturellement le format classique des albums de bande dessinée et discrètement leur stylistique pour la maquette, il alterne textes et illustrations abondantes avec un rythme aisé de lecture, chaque thématique se complétant mais autorisant des lectures indépendantes. Après un cadrage serré du projet par la conceptrice conservatrice auprès dudit musée, sur la problématique centrale qu’on pourrait résumer ainsi : quelles représentations les auteurs de bande dessinée se font-ils du musée et comment s’emparent-ils de son image?, sont (re)visitées les questions de l’architecture, de la scénographie, des personnels (ah ! la figure du gardien !), du visiteur et de la visite guidée, de l’après fermeture… sans échapper aux visions fantasmées conjuguées au futur. Une bibliographie succincte propose in fine des références et pistes pour des analyses plus approfondies. La BD est un art, mais elle n’est pas toujours artistique. Le musée est sérieux, mais il est parfois ennuyeux. Voilà donc un bel objet pas cher qui, en s’attaquant à leurs insuffisances, marie intelligemment deux époux imparfaits. CLAUDE LORIN La BD s’attaque au musée ! Images En Manœuvres Editions, 28 euros 58 LIVRES AGENDA Au Programme Aix-en-Provence Centre Albert Camus – 04 42 91 98 88 Camus Nobel 57 : exposition qui évoque avant tout la place de l’artiste dans l’œuvre de Camus. Jusqu’au 30 avril. Fondation Saint-John Perse – 04 42 91 98 85 Saint-John Perse, poète et diplomate : à la découverte de l’homme et de son œuvre. Jusqu’au 6 mai, Cité du Livre. Les Rencontres du 9e Art – 04 42 16 11 61 Jusqu’au 26 avril, la 5e édition du Festival de la BD propose expositions, ateliers, rencontres… Cité du Livre – 04 42 91 98 88 Entrez en fantaisy : manifestation organisée par la bibliothèque Méjanes en collaboration avec les Ecritures Croisées, l’Institut de l’image, l’Agence Régionale du Livre et le Cobiac. Conférence de Stéphane Manfrédo, N’ayez pas peur de la fantaisy, le 24 avril à 18h30. Tables rondes : La fantasy, des origines à aujourd’hui : un nouveau genre littéraire (le 25 avril à 18h) ; Territoire de la fantaisy française (le 26 avril à 16h). Aubagne Lecture-spectacle en marge des représentations de Farce de Jérémy Beschon et Jean-Baptiste Couton (les 23 et 24 mai à La Distillerie). Un montage de La société contre l’État de Pierre Clastres par le collectif Manifeste Rien donnera lieu à des lectures-spectacles et des discussions avec le public. Le 30 avril à l’Escale. Cassis – 04 42 01 77 73 Printemps du livre, jusqu’au 27 avril. Forcalquier – 04 92 75 46 59 Journées du livre jeunesse : organisée par l’association Croq’livres, cette manifestation regroupe des ateliers, des expositions, des jeux, des spectacles et des rencontres avec des auteurs. Du 15 au 17 mai. Gap – www.littera05.com Livres nomades : l’association Littera05 reçoit René Fregni et Jean-Pierre Petit. Le 24 avril, à 20h30, au CMCL. La Ciotat – 04 42 08 53 31 Festival de Poésie partagée : Jean-Pierre Thuillat sera le poète invité de cette édition organisée par l’association Zygo, qui propose des déambulations, des lectures, un café poésie et la remise des prix du 6e concours de Poésie en langue française, les Ciotadines. Du 25 au 27 avril. La Seyne-sur-Mer – 04 94 94 88 49 4e rencontres de Tamaris : la fête du livre de La Seyne aura pour thème Littérature et Beaux-Arts avec Belinda Cannone, Véronique Petit, Jacques Serena, Jean-Max Tixier, Jacques Vallet et Jean-Claude Villain. Des rencontres et débats auront lieu autour de l’exposition du peintre et plasticien Mark Brusse. Les 3 et 4 mai. Marseille Alcazar – 04 91 55 90 00 Ecrire pour de jeunes lecteurs : dans le cadre du cycle Les Cahiers de l’Ecailler, Jean-Luc Luciani, Georges Foveau et Philippe Carrese débattront de la littérature policière pour la jeunesse. Le 26 avril, à 17h30 dans la salle de conférence. Continuité de la poésie grecque en Calabre du VIIIe siècle avant notre ère à aujourd’hui : conférence d’Oscar Carhidi, rédacteur en chef de la revue diplomatique internationale Rue des Consuls. Le 30 avril à 17h, dans la salle de conférence. Institut culturel Italien – 04 91 48 51 94 L’épopée garibaldienne dans la fiction romanesque de Giuseppe Tomasi di Lampedusa et le témoignage historique d’Ippolito Nievo : conférence (en français) de Elsa Chaarani. Le 6 mai, à 9h30, à l’Université Paul Valéry, Montpellier. Présentation du livre France-Italie : coups de tête, coups de cœur d’Alberto Toscano, en présence de l’auteur et de l’historien Pierre Rigoulot et du professeur Georges Ulysse. En collaboration avec l’Alcazar, le 15 mai, à 18h. Rencontre autour de la parution, chez Actes Sud de Aurora Guerrera – Nouvelles. En présence de sa traductrice, Marguerite Pozzoli. Le 20 mai, à 18h. Librairie Histoire de l’œil – 04 91 48 29 92 Lecture performance d’Emmanuel Loi à l’occasion de la parution de son livre Spooky Tooth/two aux éditions Le mot et le Reste. Le 24 avril, à 18h30. La Cie l’Individu est accueillie dans la librairie pour une série de lecture-débats autour de sa prochaine création Notre Dallas qui verra le jour en janvier 2009. Prochaines rencontres le 22 avril à 19h et le 14 mai à 19h. Des Calanques et des bulles – 04 91 82 77 39 Festival de BD organisé par les étudiants du Bureau des arts d’Euromed Marseille, sur le thème, cette année, de l’Ethique et du développement durable. Les 26 et 27 avril, à Luminy. CIPM – 04 91 91 26 45 La voix de l’écrit : lectures de l’Oreille Rouge d’Eric Chevillard, présenté par Nanouk Broche, avec L. Andre, C. Ducousso, C. Elsen, S. Eymard, D. Souvant, K. Vidal et E. Wojak. Le 25 avril, à 18h. Librairie Païdos – 04 91 48 31 00 Rencontres-débat avec Christian Salmon qui présentera son livre Storytelling paru aux éditions La Découverte, le 23 avril à 19h et Mona Chollet pour Rêves de droite, défaire l’imaginaire Sarkozyste paru aux éditions Zones, le 25 avril à 19h. Martigues – 04 42 44 31 51 Odyssée des lecteurs : 5e édition de cette manifestation pluridisciplinaire qui mêle littérature, spectacles, lectures, ateliers, cinéma… sur le thème de la diversité (voir page 25, Le Souk de la parole). Du 22 au 25 mai. Pelissanne – 04 90 55 30 74 Dévore Livres : Rencontres d’auteurs pour la jeunesse qui associe bibliothécaires, libraires et enseignants. Du 15 au 17 mai Port-de-Bouc – 04 42 06 65 54 «A petits pas contés» de mots et couleurs : A la médiathèque municipale Boris Vian, une exposition vise à favoriser la rencontre entre les touts petits, les livres et les adultes. Des paravents délimitent des espaces à l’intérieur desquels les albums et les comptines sont mis en scène. Du 22 avril au 6 mai. Salon – 04 90 44 85 85 Lire ensemble : Femmes en Méditerrannée, tel est le thème de cette manifestation qui mêle animations, lectures, ateliers, rencontres d’auteurs... Du 23 mai au 7 juin sur le territoire de l’Agglopole Provence Sorgues – 04 90 32 68 42 Printemps du livre : Organisée par la Société Littéraire Sorgues, cette manifestation, parrainée cette année par Gaston Kelman, mettra en avant la vie et l’œuvre du musicien Olivier Messiaen. 60 PHILOSOPHIE Il faut tout d’abord reconnaître que le verbe résister n’est pas par essence philosophique, qu’il appartient avant tout au champ historique de contestation de l’occupation d’un territoire, et au champ social de contestation des régressions qui prennent le doux nom de réforme. Il n’est donc pas philosophique ; mais par un anachronisme assumé, voire contresens philosophique, nous pouvons le faire remonter aux premières pensées politiques qui ont tenté de penser les rapports humains autrement que sur le plan de la nature. Du monde au sujet Ceci est une brève tentative pour penser la résistance sur le plan macro philosophique de la liberté, puisqu’on la saisit au niveau politique c’est-à-dire des rapports collectifs. Mais une autre approche micro philosophique est nécessaire sur le plan du sujet : résister, est-ce prouver concrètement sa liberté ? Et toute liberté n’est-elle pas le fruit d’un désir de changement ? La liberté peutelle faire l’économie d’une pensée de la rupture ? «Faire ce que je veux» serait une réponse à ce qu’est la liberté ; on répondrait franchement qu’il n’est point Écho de 68 : pourquoi résister ou une initiation philosophique à la liberté De Hobbes à Rousseau Léviathan de Hobbes Du Contrat Social de Rousseau En bref, quand on a commencé à se dire que la manière dont les hommes vivaient n’était pas forcément naturelle, n’allait pas de soi, mais devait trouver un ancrage rationnel. Ce fut donc les théories du contrat social, dont Hobbes fut l’éminent représentant et inspirateur, en montrant par exemple que l’idée de chef n’était pas naturelle ; elle est le fruit d’une décision logique -implicite et hypothétique– des hommes pour sortir de ce misérable état de guerre qu’était l’état de nature dans lequel, pour simplifier encore, «l’homme est un loup pour l’homme.» La dénaturation était dès lors possible, mais pas la résistance à l’ordre ainsi établi puisqu’il faut soit admettre l’autorité toute puissante qu’est l’État, le Léviathan, soit accepter la guerre de tous contre tous. On sait qu’on doit à Rousseau de s’appuyer sur l’immense entreprise de Hobbes pour la prolonger : l’homme n’est pas violent ou méchant par nature, cette violence est déjà un effet des rapports sociaux par l’intermédiaire de la propriété : rien ne justifie alors l’ordre existant qui est celui de la domination d’une minorité. Rousseau, qui est l’ancêtre de toutes les tentatives d’émancipation et de résistance, résonne doublement aujourd’hui. Il n’est pas naturel qu’il y ait des riches et des pauvres puisque la propriété n’est pas naturelle ; il est donc permis de concevoir un ordre du monde, ou du moins un ordre social, qui penserait autrement la richesse et sa répartition ; n’est-ce pas par excellence le fonds commun de toutes les résistances contemporaines ? besoin de s’opposer. tre libre, c’est assumer l’infinité des possibles. J’ai des choix, je dois agir ! Mais cette pensée simpliste du libre-arbitre laisse l’homme seul et ignorant face à ses choix ; le sujet atomisé, isolé, n’a donc pas les moyens de connaître le monde qui l’entoure, ce à quoi il faut résister. En contrepartie de cette ignorance dans laquelle il est maintenu métaphysiquement et politiquement, lui est octroyé une liberté bien formelle : choix de consommer, choix des candidats aux élections… Si être libre c’est résister, il faut redéfinir la liberté comme l’a fait Spinoza : dans sa destruction du libre-arbitre ; si être libre c’est faire quelque chose sans y être contraint, c’est-à-dire sans qu’une cause ait déterminé l’action, nous ne sommes jamais libres : aucune action dans la nature, et l’homme fait partie de la nature, ne se produit sans cause. Le libre arbitre est une illusion qui amoindrit les capacités de l’homme, puisqu’il est tenu dans l’ignorance des contraintes qui pèsent sur lui. Résister consiste alors à élargir réellement le champ pratique de la liberté en l’extrayant de sa restriction dans le libre-arbitre ; c’est en fait connaître les déterminants qui pèsent sur soi pour mieux les combattre, les affronter. Résister c’est créer, et choisir c’est subir. Conscience et liberté Mais si ce sont des causes qui déterminent nos actions, comment se fait-il que la causalité ne soit plus suffisante aujourd’hui pour que les individus contestent l’ordre établi, alors que les causes ont été 61 suffisantes en Mai 68 ? En bref, n’y a-t-il pas plus de raisons de résister aujourd’hui qu’hier ? Certes la réponse n’est pas que philosophique et il faut sur ce point l’analyser sociologiquement sur le plan de la «crise du consentement et des ruptures d’allégeance» comme l’analyse Boris Godille dans Mai Juin 68 aux éditions de L’Atelier. Cependant, la réponse n’en intéresse pas moins une nouvelle redéfinition de la liberté qui arrache l’homme de la nature -donc non soumis à des causespour le resituer comme pure conscience, c’est à dire comme projet. C’est la subtile analyse de Sartre dans L’être et le néant : l’homme est avant tout conscience et liberté, et être conscient, ou être libre, c’est se projeter. Ce qui signifie que pour qu’une situation devienne insupportable, et que nous décidions de résister, les causes ne suffisent pas puisqu’elles n’existent pas : elles n’existent que dans la projection du sujet pensant dans un autre état de choses qui lui fait réaliser sa situation comme insupportable ; et dans le même mouvement trouver les causes comme mobile de l’action. Je me projette dans une situation où je ne souffre pas, donc je réalise que je souffre, et je trouve par là-même les causes de ma souffrance ; ou alors vouloir tuer son chien et donc l’accuser de la rage : le projet est premier, les causes secondes. Ce que signifie l’expression «se trouver des raisons.» Sociétés sans projet Cette analyse permet de comprendre qu’aujourd’hui ce ne sont pas les causes motrices de la résistance qui sont insuffisantes, mais bien les projets d’une société meilleure qui sont absentes de l’imaginaire collectif. Les constructions politiques se soumettent à la naturalité de notre monde tel qu’il va. On ne saurait être vraiment humain sans penser, à savoir sans dépasser l’ordre existant, afin de construire les causes qui nous donnent vraiment envie de résister, c’est-à-dire d’être libre, concrètement. RÉGIS VLACHOS L’Éthique Spinoza, Folio essai Pur bijou Voilà un livre déjà sorti en novembre 2006, un petit bijou de littérature. Certes on pourra s’attarder sur le fond : des électeurs d’une capitale votent blanc à 83% ; stupeur du pouvoir, en décalage complet avec le sens de cet acte civique massif, et incompréhensible. Il y a là une véritable critique de nos démocraties formelles : dans la lucidité, le peuple a mal voté, et on va le punir. Cela rappelle, indéniablement, le vote de 2005 en France au sujet de la Constitution européenne, vote qui fut l’objet d’un rare débat démocratique populaire… Mais il ne faudrait cependant pas exagérer la portée politique de ce livre : c’est un roman et ce qui en fait un bijou est son style, l’intelligence des digressions ; le style Saramago c’est l’ambiguïté si plaisante, et merveilleuse à la lecture, de la ponctuation, des styles directs et indirects, des conditionnels et des futurs… on se rend compte peu à peu que le héros imaginait, que ce n’était pas l’autre qui parlait mais lui-même qui changeait de perspective. C’est étonnant, bien vu et surtout fascinant. Et puisque ce livre pratique l’ironie quant à nos démocraties, on est souvent pris de fous rires face aux interventions de l’auteur dans son roman -les mises en abyme on dit-, par ce qu’il fait dire et penser à ses personnages, par ses expressions et associations d’idées, d’une hilarante inventivité. Pur bijou littéraire, on vous disait. R.V. La Lucidité José Samarago Point Seuil 7,50 euros À quoi bon croire ? Le projet de ce livre est de montrer en quoi la vérité ouvre des brèches possibles à la croyance ; mais on s’aperçoit bien vite que ces brèches n’ont en fait pas à être comblées et qu’il faut «souffrir de la faim de l’âme par amour de la vérité» Or nous voilà déjà dans une première foi, celle en la Vérité ! Bouveresse assume totalement cette croyance, à condition de rappeler que toutes les convictions ne se valent pas, même si elles présentent le même aspect formel et relèvent d’un désir d’assentiment : qu’est-ce qui rend supérieure la croyance aux électrons à la croyance aux anges ? La foi en la science. Mais cette croyance comporte une différence de taille avec celle en dieu : elle ne présuppose pas l’adhésion en chaînes à des absolus quelconques. Car ce livre est en fait un geste de colère contre les philosophes, Debray en tête, qui s’ingénient à rehausser le besoin du spirituel pour présenter comme une religion la laïcité, susceptible des mêmes abus. Ce n’est rien de moins qu’un combat contre l’esprit des Lumières, qui est dans l’air du temps. Pour des raisons politiques certes, mais par une logique propre à l’évolution des rapports entre Vérité et Science. En effet cette dernière rétrécit progressivement son univers intellectuel, abandonnant, heureusement, toute prétention face aux questions métaphysiques et théologiques ; et puis, chaque avancée dans la science, rappelait Russel, nous amène à en savoir moins que nous ne croyions savoir. Même si nous parcourons avec allégresse ce livre de combat, aux références multiples, on ne peut que conclure classiquement avec Freud que «l’ignorance est l’ignorance, aucun droit de croire ne peut en être déduit». Ce livre est en fait le développement de cette sentence salutaire. Peut-on ne pas croire Sur la vérité, la croyance et la foi Jacques Bouveresse Agone 24 euros 62 LIVRES MAI 68 Démystifier 68 «L’histoire des hommes est la longue succession des synonymes d’un même vocable. Y contredire est un devoir.» les députés ont conçu leur rôle, s’affranchissant de leur mission initiale pour devenir révolutionnaires. Par analogie, il devient évident qu’une situation de crise comme 68 ne saurait être réduite à ses conditions sociales et historiques de possibilité. Pour comprendre l’évènement il faut orienter l’étude vers les logiques d’action dans lesquelles sont pris ceux qui le font. On pourrait reprendre cette citation de René Char pour évoquer Mai 68 tant la commémoration de cet évènement est principalement proposée, dans les médias, par ceux qui ont retourné leur veste, comme un vocable du reniement ; et aussi comme un vocable de l’individualisme, alors que cette révolution a permis l’apprentissage de la démocratie, des prises de décisions en assemblée générale. Topographie et culturalisme Débats et rencontres La première leçon de 68 est peut-être cette «prise de parole» comme l’analysait dans son livre Michel de Certeau : «on a pris la parole comme on a pris la Bastille.» En effet la circulation de la parole a construit une topographie nouvelle, qui a forgé le lien social dans des camaraderies imprévisibles et des compartimentations brisées. Dans la mythologie de 68 on évoque souvent le défilé des héritiers devant les grilles fermées de Renault Billancourt, symbole de la coupure entre étudiants et ouvriers ; on passe alors sous silence les débats à la Sorbonne, et plus encore à l’Odéon ou se côtoyaient et palabraient des personnes de milieux forts divers ; s’ils sont évoqués, c’est la plupart du temps sous la forme ironique d’une utopie vaine et dérisoire. Or, d’après de Certeau, «ces débats surmontaient à la fois la barrière des spécialités et des milieux sociaux et changeaient les spectateurs en acteurs, le face à face en dialogue.» Mai 68 rendait légitime la parole profane. La Prise de parole Michel de Certeau Point Essais Les véritables héritiers Causalité On pourra étudier de plus près ces passerelles inédites construites en Mai 68 dans le livre de référence regroupant une trentaine de spécialistes : Mai Juin 68, aux éditions de l’Atelier. Ce livre décompose le passé en catégories d’intelligibilité, en séries distinctes, et ceci afin de briser toutes les mythologies associées à mai 68, en analysant ses diverses causes. Car ces mythologies, qu’elles célèbrent ou dénoncent l’événement, partagent toutes une inconséquence méthodologique grave : elles trouvent dans la réalité historique ce qui conforte des convictions préétablies et s’ajuste aux intérêts du moment. C’est bien par ses causes que l’événement 68 est méconnu : «sa dynamique propre, ses formes, ses ressorts, ses intrigues le constituent autant que ses causes ou ses suites» comme le souligne Boris Gobille dans son introduction. Ce texte est une belle leçon d’histoire et de compréhension de l’événement : il rappelle les métamorphoses intentionnelles du Tiers État en 1789, et les interactions multiples et quotidiennes, les intrigues conflictuelles qui ont pesé sur la façon dont Un des écueils quant à l’écriture de l’histoire 68 est tout d’abord la topographie légendaire qui retient le quartier latin, Nanterre, la Sorbonne et Renault Billancourt : on occulte ainsi «les grèves ouvrières, mouvement social sans lendemain mémoriel» écrivent Bernard Pudal et Jean Noël Retière, alors qu’on assistait à un moment singulier de l’histoire sociale où des travailleurs s’emparèrent de façon inédite de leurs luttes. Cet effacement du 68 ouvrier a été refoulé par un patronat désireux d’occulter la mise en évidence de sa vulnérabilité, et mis sous chape par une tendance culturaliste qui limite 68 à une révolution des mœurs. L’histoire de ces hétérodoxies, de ces métissages entre mondes de l’usine, mondes étudiants et mondes de la terre, métissages plus fréquents qu’on ne le croit, n’est pas évoquée, alors que leur reconnaissance aurait pu devenir le symbole de Mai. Mai Juin 68 Ed de l’Atelier L’effacement de tous ces liens inédits construit une mythologie de 68 : en enfermant le rapport des militants aux mondes populaires dans des registres qui peuvent conjuguer le picaresque, le pathétique et le naïf, on débouche sur le constat d’une nonconvergence, écrit Erik Neveu. Mais la mystification principale est celle de militants enfermés dans des références idéologiques inadaptées qui, ouvrant peu à peu les yeux sur leurs utopies, se rallient graduellement aux vertus raisonnables du libéralisme. L’enquête historique et sociale menée par Neveu montre que les protagonistes de 68 ont rarement les caractéristiques sociales et trajectoires des leaders devenus «people» : il enquête, 35 ans après, auprès de personnes qui à l’époque ont rompu avec l’héritage familial bourgeois, auprès aussi de trois fils d’agriculteurs attirés par le maoïsme et sa valorisation du monde paysan, et auprès de nombreux autres anonymes. Car c’est à l’histoire et à la sociologie de révéler ces parcours-là pour enfin comprendre ce qu’était 68. Et ce qu’il nous en reste. RÉGIS VLACHOS ARCHIVES DÉPARTEMENTALES Coexistence médiévale Lampe de Hanouccah (XVIIIe siècle). Bibliothèque Inguimbertine de Carpentras, Fons Juif Un énorme cube laiteux posé au cœur d’un quartier qui se remodèle, voici les Archives départementales : proportions grandioses, ébauches de courbes se mêlant à la rectitude des droites, respiration d’un espace large, dédié à la conservation et la recherche. L’ensemble est baigné par la lumière naturelle grâce aux immenses murs de verre. Pourtant un espace plus intime, aux proportions plus réduites, s’y dissimule, dédiée aux expositions. Une lumière tamisée semble nous inviter au secret, au mystère ; la musique à peine murmurée -compilation (réalisée pour l’exposition) de différents morceaux de Moïse de Coucy, Le Grand livre des preceptes (Provence, deuxième moitié du XIVe siècle). Bibliothèque nat. de France, ms or. hébreu 375 romances judéo-espagnoles, de chants séfarades et de musique religieuse juiveest un contrepoint de la voix humaine qui perdure et accorde une âme aux objets exposés. Ces derniers sont peu nombreux, mais choisis avec discernement. Leur exposition suit un parcours précis, qui, tout en abordant les différentes facettes de la vie quotidienne et la chronologie, tente de donner la vision la plus juste possible de la vie des Juifs de Provence au Moyen-âge. Le parcours s’attache dans un premier temps à expliquer les origines du judaïsme provençal. Unique témoignage, une petite lampe à huile, dite d’Orgon, du premier siècle avant JC, sur laquelle se distingue une ménorah, chandelier à sept branches. Symbole fort, qui inaugure du cheminement dans cette histoire complexe… Cohabitation De larges panneaux fournissent les clés essentielles, des cartes, des dates autour desquelles le récit s’organise. Ainsi, 1348, date de la grande Peste Noire, marque un tournant dans l’habitat, les communautés se regroupent dans les grands centres par souci de sécurité. Les quartiers juifs aussi ont suivi une évolution particulière : si, au XIIIe siècle en France la Juiverie devient un espace circonscrit et cloisonné, en Provence ces dispositions ne sont prises que vers le milieu du XIVe siècle et sans rigueur excessive, puisque des notables chrétiens y résident. L’exposition présente la vie des communautés juives, leur organisation juridique, la vie religieuse, à travers la présentation de livres de rituels de prières, manuscrits enluminés, ouvrages prêtés par la BNF, rouleaux déployés aux fragiles et délicates ornementations, exemplaires de la Torah, accompagnés de la main (le Yad) qui permet de désigner le texte sacré sans imposer de souillure au texte, objets rituels, lampes de Hanouccah… Mais c’est sans doute par la présentation de la vie familiale et professionnelle que nous disposons de la vision la plus juste de ces communautés. Nous les imaginons dans le commerce des amandes, fournissant les maîtres confiseurs d’Aix, ou exportant le corail de Sardaigne jusqu’en Chine… Les traités de médecine juifs montrent une autre facette de leurs activités. Là encore, la liaison entre les juifs et les chrétiens ne connaît pas de heurts en Provence, les médecins juifs soignent des chrétiens et réciproquement. Ainsi, un livre de comptes évoque la reconnaissance de dettes d’un prêtre chrétien à son médecin juif... Les actes notariés concernant les mariages, les testaments, constituent des sources fiables pour rendre compte de la vie de ces communautés. Le commentaire pertinent s’appuie sur ces témoignages pour faire vivre des personnages : ainsi celui qui fit procès pour une dot jugée insuffisante, ou la restitution du trousseau de Mayrone morte trop tôt, ou le testament de Boniaqua Salamias qui lègue sa fortune non seulement à sa famille mais à de nombreuses œuvres caritatives… Le cadre de datation chrétienne est mêlé à celui de la datation juive et les vocables hébraïques sont retranscrits par le scribe chrétien… L’énumération des livres lors de testaments ou d’inventaires après décès donnent aussi une idée de la vaste culture de certains personnages. N’oublions pas que tout lettré au Moyen âge possédait les quatre langues, latin, grec, hébreux, arabe… L’entente entre les communautés juive et chrétienne perdure en Provence bien plus qu’en France : le roi René s’institue protecteur des Juifs, le comté de Provence est terre d’accueil. HISTOIRE 63 Expulsions La dernière partie de l’exposition présente l’évolution des statuts et montre comment de la tranquille cohabitation, on est passé aux persécutions et à l’expulsion. Là encore, ce sont des actes notariés qui apportent les informations : les notaires en marge de leurs minutes notaient les évènements marquants ; ainsi, les émeutes de Manosque et d’Aix (1424-1430). Ce sont aussi les listes de convertis, moyennant finances, les listes de départ vers la Sardaigne… Ces listes ne sont pas sans écho, récents ou actuels : les Marseillais, chrétiens et juifs, s’inquiétaient des Juifs étrangers qui arrivaient en trop grand nombre du Languedoc… MARYVONNE COLOMBANI Juifs de Provence au Moyen-Age Jusqu’au 14 juin Archives départementales Gaston Defferre Bible hébraïque (originaire de Castille, XIVe siècle). BMVR de Marseille - L'Amcazar, ms 1626, t.1 Au Programme : Visite guidée tous les samedis à 15 heures Conférences le mardi à 18h30 Croyances minoritaires en Provence du Moyen Age au XXe siècle Le 29 avril :Hérésies et répression en Provence : des vaudois aux protestants Le 13 mai : la franc-maçonnerie à Marseille au temps des Lumières Le 27 mai : libre Pensée et religion en France du XIXe siècle à nos jours Le 10 juin : les figures de l’Islam marseillais au XXe siècle 04 91 08 61 00 www.archives13.fr 64 SCIENCES ET TECHNIQUES La Roue, la plus belle concrète humaine © Tonkin prod. Et l’homme créa la roue à l’image de sa pratique… Ainsi pourrait commencer l’évangile Zientifique : avant la création de la Roue rien n’était dans l’univers conforme au saint principe mécanique de «rotation libre autour d’un axe». L’observation du «bousier» (petit coléoptère coprophage) poussant sa boulette de crottin pouvait sans doute inspirer un Sisyphe du «rouler» indéfiniment ; et le mouvement de rotation de la feuille de laurier autour de son pétiole au grès des zéphyrs du jardin d’Eden permettait peut-être de rêver la perfection du bien de l’axe. Mais Dive Nature n’avait jamais songé à lier le mouvement de la boulette de bouse à la rotation de la feuille de laurier. La puissance de l’axe Nul ne pouvait trouver, de l’infiniment grand à l’infiniment petit, cette forme d’accouplement, sauf peut-être dans le rapport d’amour gravitationnel de Saturne à ses anneaux. Mais nos homo sapiens-sapiens ne disposaient pas à l’époque, il y a environ 5500 ans, du télescope qui leur eut permis de «pomper» éhontément cette divine invention que Cronos (de son petit nom romain justement, Saturne) avait sûrement bricolé dans ses attributions premières… mais nous y reviendrons. Les Sumériens, autour de –3500 avant notre ère, en associant l’axe à la rotondité ne se doutaient sûrement pas qu’ils fondaient le tout premier «concept scientifique» de l’humanité. Las, ni le CNRS ni le brevet n’existaient en ces temps sauvages (quoiqu’en même temps, les mêmes Sumériens aient inventé l’écriture). Quelles bonnes royalties cela aurait pu rapporter à notre science mercantile ! En associant ainsi deux types de mouvements indépendants, nos «géniaux» ancêtres, les Sumériens, se faisaient réellement créateurs d’une dimension totalement nouvelle des pratiques : le concept «d’axe de rotation». En inventant la roue ils ouvraient la voie à toutes les représentations humaines de «cycle» c’est-à-dire au dimensionnement scriptural du concept de spatiotemporalité et à sa forme pratique active : la mécanique. De Cronos à Chronos Ô ! Zitoyen contemporain ! Recueille-toi sur cette primitive et géniale invention qui peuple toutes tes pratiques quotidiennes. De ton réveil-matin (même s’il est électronique) à ta Zibelmuche douze cylindres qui te conduira au boulot (si tu en as encore), en passant par ta cafetière électrique, le cycle de ta vie est voué pratiquement au culte inconscient de la «libre rotation». La roue en tant que premier «objet» mécanique a questionné la notion de matériaux : le bois, la pierre, puis le bronze, le fer, l’acier… Elle a ouvert immédiatement à la nécessaire réduction des frottements de son axe par le choix des matériaux (rubis, bronze, synthétique) puis l’invention de toutes formes de paliers de rotation, roulements à billes, à aiguilles. La transmission du mouvement de rotation fait émerger la manivelle, la courroie de transmission, les engrenages crantés, les hélicoïdes ! La transformation du mouvement circulaire en mouvement linéaire alternatif inaugure l’embiellage et le vilebrequin. Du tour à la fraiseuse, il n’est pas une construction mécanique qui ne repose strictement sur le concept d’axe de rotation. Le développement de la mécanique permet essentiellement à l’humain de prolonger son mouvement propre en «temporisant sa pratique» : le moulin tourne en l’absence du meunier. La roue, mère de la mécanique, «invente» le concept d’énergie et ses équivalents-travail, «cheval-vapeur» puis «homme-année». La Roue substitue le temps mécanique au temps social dans la mécanisation des rapports sociaux. Et désormais, dans une civilisation vouée au culte productiviste, la machine qui «faisait gagner du temps» subtilise le temps même de nos représentations à notre libre gestuelle : l’horloge, le chronomètre nés de la mécanique détrônent l’antique clepsydre et mécanisent notre temps social en le «cyclisant». Le temps ne s’écoule plus, il «tourne». Ans cycliques N’est-ce pas au développement de la mécanique et de ses représentations que l’on doit plus tard les représentations essentielles de la science cosmique ? La rotondité de la terre, sa rotation autour d’un axe théorique, la valse des étoiles et la description fonctionnelle mathématique de leurs orbites relatives… Le temps social discipliné par le concept de «rotation libre», de gravitation, inaugure de nouveaux modèles mathématiques tels que les fonctions circulaires autrement nommées périodiques (ou sinusoïdales pour les Zintimes). De ces représentations naissent les représentations ondulatoires de la matière. Les représentations chimiques s’échafaudent sur l’imaginaire rotatoire de l’infiniment grand à l’infiniment petit (cycle benzénique, rotation libre des liaisons entre atomes). L’électricité industrielle naît de la mécanique avec l’alternateur, la dynamo. N’oublie pas, cher Zibelecteur, que derrière ton minuscule portable tourne l’énorme roue du temps imaginaire égrenant ses unités (mais l’épuisement de ton forfait saura te le rappeler). Au Programme 65 En cyclo, vélo, patins à roulette le Zibelscient pourra rouler sa bosse sur les sentiers printaniers de Provence où se dérouleront quelques festivals tournant autour de l’axe scientifique et/ou technique. Le 5e Festival de la Camargue et du Delta du Rhône vous enroulera sous son aile apaisante du 1er mai au 7 mai 2008. Plus d’une centaine d’événements jalonneront la semaine : conférences, sorties nature, circuits découvertes, expositions, ateliers ou encore projections, permettront au Zibécolo de s’immerger bec et échasse au cœur de la Camargue sauvage. Cette édition 2008 aura des accents andalous, avec la participation de l’Espace Naturel de Doñana qui réserve de bien belles surprises ! Sur cette terre d’eau, de vent et de sel, au cœur de la Camargue, les oiseaux ont leur Festival. À Arles, Fos-sur-Mer, les Saintes-Maries-de-la-Mer et bien sûr à Port-Saint-Louis-du-Rhône, épicentre du festival, vous pourrez, sans vous mouiller, vous plonger dans un monde de nature aquatique et vous rincer l’œil et l’âme tout en vous abreuvant les neurones. Association du Festival de la Camargue et du Delta du Rhône Port-Saint-Louis-du-Rhône 04 42 55 70 68 www.festival-camarguedeltadurhone.camargue.fr La Roue tourne et se venge Ainsi notre plus géniale conquête concrète, celle qui peutêtre imagina un Homme-Dieu libre de son propre mouvement, un homo-mécanicus soulagé des pénibilités du travail, a pris le pouvoir en s’emparant de notre imaginaire : le temps des rapports humains est mécanisé, les gestes humains sont cyclisés. Cycles vitaux, menstruels, saisonniers mais aussi cycles scolaires, électoraux, fiscaux, hémicycle, encyclique… La rotation créée et rêvée par les humains pour les soulager de leur peine s’est privatisée. La roue de la fortune a pris le pouvoir sur le temps, notre temps, nos pratiques… sur notre libre rotation. La 7e édition du Festival des Sciences et Technologies marquera son premier tour de roue grand public, au WTC du Centre Bourse à Marseille, le 15 mai. Avec, le 16, remise des trophées, conférences «senior» et «en herbe» données par des lycéens. Deuxième tour de manivelle: les lycéens s’expriment sur la science grâce à une exposition. Cette année encore le Festival se veut grande roue YVES BERCHADSKY de la promotion du potentiel scientifique et technique régional et une courroie de transmission de la culture scientifique et technique auprès de la jeunesse pour susciter des vocations. En partenariat avec le Rectorat de l’Académie d’Aix-Marseille, le Muséum d’Histoire Naturelle et de plusieurs lycées, le Festival engrène des élèves de classes scientifiques dans la préparation d’expositions. Cette édition sera présidée par André Brahic, astronome et physicien français, professeur à l’Université Paris VII, directeur du laboratoire gamma-gravitation du CEA de Saclay. Le travail des chercheurs et équipes de recherche de la région PACA sélectionnés par le comité scientifique du Festival sera récompensé par des prix remis lors d’une soirée de remise des trophées ouverte au grand public le 16 mai. Association Avenir de la science 04 96 15 12 50 www.festival-sciences.com À un tour de roue vous pourrez toujours consacrer un après midi pluvieux au Musée de la Moto. Le Zibelmécaphile y trouvera, au travers d’une très belle collection de deux roues, un panel complet de l’évolution technique mécanique du domaine, mais aussi les traits sociologiques d’un puissant mythe du XXe siècle. Ce qui ne gâte rien, le Musée de la Moto assure des activités éducatives et de formation professionnelle en accueillant des jeunes en Aide à la Réinsertion Sociale (ARS) dans son magnifique atelier de mécanique de restauration. Musée de la Moto Quartier du Merlan, Marseille 04 91 02 29 55 www.mairie-arseille.fr/vdm/cms/ culture/musees/musee_de_la_moto Ouvert tous les jours sauf lundi et jours fériés de 10h à 17h Festival de la Camargue et du Delta du Rhône © Jerome Moutrille © Tonkin prod. 66 ÉDUCATION ENSEIGNEMENT ARTISTIQUE Option : histoire des arts ! Ou comment découvrir une option du Bac Littéraire, assez confidentielle, qui vaut vraiment d’être connue Imaginez que vous êtes élève d’une classe de 3e et que vous devez choisir une orientation. Tâche ardue, parcours du combattant redouté par enfants et parents ! Parmi les options proposées (et même si, avec les réductions de postes d’enseignant, celles-ci sont fortement menacées), il se peut que l’on évoque devant vous HIDA, et vous découvrirez qu’il s’agit du Sigle de l’HIstoire Des Arts... et non pas de l’héroïne d’un conte d’Andersen ! Une option confidentielle Peu de gens connaissent cette option rare créée en 1993, y compris parmi le milieu enseignant ; une douzaine en France seulement. Présentée comme un complément des études littéraires, l’option s’adresse aux élèves qui veulent acquérir une culture générale. Elle n’exige ni compétence, ni pratique artistique particulière. C’est d’ailleurs ce que certains enseignants d’arts plastiques, de théâtre ou de musique reprochent à l’option, avançant que l’art ne se comprend pas vraiment sans approche pratique... En seconde les élèves étudient les Arts depuis l’Antiquité jusqu’au XVIIIe siècle (3 h/semaine) ; en 1re et en terminale les élèves se voient proposer 3 h pour l’option facultative, et 5h pour l’option obligatoire. En 1re on étudie le XIXe et le XXe siècles jusqu’aux années 20 et en terminale tout le XXe. Plus précisément, 2 grandes questions sont au programme : les utopies urbaines, et les politiques de ville en France après 1945; et une grande thématique renouvelée tous les 3 ans. Actuellement ils étudient la vie artistique au temps de l’Exposition des Arts Décoratifs, Industriels et Modernes de 1925 ; enfin, un Parcours d’artiste est proposé : cette année les lycéens découvrent l’architecte Auguste Perret. Au Bac, on accorde coefficient 6 à cette option et on peut cumuler option obligatoire et facultative (coeff 2) qui sont complémentaires. © Richard Melka Palais Lonchamps © Richard Melka Qu’y fait-on ? Les activités, variées, dépendent de l’implantation du lycée et des programmes. Il s’agit de développer la connaissance du patrimoine régional, national et européen, d’élargir et d’approfondir celles de la peinture, de l’architecture, de la musique, d’initier à l’histoire du cinéma, de la danse, de rencontrer des artistes, des écrivains, des professionnels. En un mot de profiter de toutes les opportunités de l’actualité culturelle, pour être parfaitement capable de reconnaître une chapelle Renaissance, une construction de Le Corbusier ou un lied de Schubert ! Parcours artistique et touristique à l’usage des lycéens (liste non limitative) Si vous êtes élève au lycée Frédéric Mistral d’Avignon, vous pourrez aller à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon pour admirer Le couronnement de la Vierge, aux musées Calvet et Algadon sur les traces du Baroque ou à la Fondation Lambert pour vous initier à l’art contemporain. En classe de seconde vous aurez la chance d’un travail transversal sur l’Annonciation : de la peinture de la Renaissance à la danse contemporaine, avec la chorégraphie de Preljocaj sur le même thème ; vous verrez ainsi comment l’artiste s’est nourri d’une culture classique et picturale. Bénédicte Fabreguettes, coordinatrice de l’option, signale également une coopération intéressante avec les salles du cinéma Utopia. Jean-Claude Gaubert est professeur d’Histoire au lycée Louis Pasquet d’Arles. Passionné d’Architecture, il vous rendra incollable sur le Patrimoine de la ville et des environs. Vous arpenterez les rues à la découverte des églises romanes ou gothiques, vous découvrirez l’Abbaye de Montmajour avec l’église Notre-Dame et la chapelle Sainte-Croix, l’église gothique des Prêcheurs sur les bords du Rhône, vous apprendrez qu’au XVIe siècle les artistes qui ont édifié l’Hôtel des Amazones ont copié une frise romaine du théâtre antique ! Élève au lycée Honoré Romane d’Embrun vous visiterez l’Abbaye de Boscodon du XIIe, en cours de restauration, les nombreuses chapelles romanes dans les hameaux alentour, puis vous irez dans le Piémont à Saluzzo au château de la Manta, chefd’œuvre du gothique tardif, célèbre pour les fresques du Chevalier 67 La parole aux élèves Deux lycéennes et leur classe au Festival Babel Med Musique ! Errant. En cours d’année, vous irez écouter de l’Opéra à Briançon et voir du Théâtre à Gap. À Marseille, au lycée Marseilleveyre des quartiers sud, les élèves effectuent régulièrement des voyages en Italie, à Barcelone, à Paris... Au lycée Victor Hugo, situé dans le centre ville, et classé en Zone d’Éducation Prioritaire (ZEP) la population est plus défavorisée. Néammoins, des voyages à Paris sont organisés et pour la plupart des élèves c’est une première. À Marseille, ils courent de la Cité Radieuse à la Mairie de Bagatelle, du nouveau quartier en pleine mutation d’Euroméditerranée à l’Opéra ou au Palais Longchamp. Dernièrement les élèves de Victor Hugo, sous la houlette de leur professeur de musique, sont allés visiter le Grand Théâtre de Provence et ont assisté au spectacle de Jérôme Savary À la recherche de Joséphine (voir page 34). Les élèves du lycée international Georges Duby de Luynes font le tour des capitales européennes hors temps scolaire, et travaillent en partenariat avec le Festival d’Aix-en-Provence et la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme... Le vendredi 28 mars, avec nos professeurs, nous avons découvert les Musiques du Monde, au Festival Babel Med Music (voir page 35). Lors de cette visite, des clips musicaux variés nous ont été proposés par une conférencière de l’Agence Régionale des Arts du Spectacle (ARCADE) pour mettre en évidence la diversité des créations artistiques et musicales de la Région. Nous avons assisté avec enthousiasme à la répé-tition d’un groupe sénégalais Amadou Balde, en train d’effectuer une balance. Puis nous sommes allés dans la partie marché du Festival, espace d’ouverture et de communication cosmopolite, normalement réservé aux professionnels ! Cette visite nous a permis de comprendre certains ressorts de la création musicale interna-tionale... et l’ambiance y était chaleureuse ! Saïda, 20 ans, a passé son Bac l’an dernier au lycée Victor Hugo de Marseille. Elle a aimé l’enseignement artistique dès le collège et ses bases lui servent beaucoup pour la Fac d’Anglais. Elle se destine plutôt à l’enseignement : «Quand on est d’une famille modeste de 6 enfants, il faut vite avoir un emploi stable, et les métiers dans le domaine culturel sont trop aléatoires !» Silvio, 20 ans, était élève au lycée Victor Hugo de Carpentras. Il a rejoint la formation de Khâgne en lettres classiques en France au lycée Janson de Sailly à Paris. Son projet : présenter le concours de Normale Sup et devenir, pourquoi pas, prof de Fac en Histoire des Arts. Anaïs, 20 ans, a présenté le concours de l’École du Louvre. Elle est actuellement en 2e année et projette de passer le concours qui lui permettra de devenir Conservatrice et, peut-être, experte auprès des tribunaux. Candice, actuellement en Prépa au Lycée Thiers, n’a pas encore 16 ans, et se destine à des études de Sciences Politiques. Bien qu’habitant Marignane elle avait été séduite par HIDA et a fait les allers-retours Marignane/lycée Victor Hugo de Marseille durant 3 ans. Elle a été enchantée par les opportunités de l’option et ne sait si elle a préféré Saint-Paul de Vence, Arles ou Paris, le cinéma ou l’architecture ! « Être sur les lieux au cœur des choses c’est mieux que d’être toujours en train d’écrire ! Et ça nous donne une culture générale qui nous sert beaucoup pour avoir le Bac. Et passer 2 jours au Festival de Cannes c’est magique !» HOUDA ET MERYEM, CLASSE DE TERMINALE AU LYCÉE VICTOR HUGO. ENTRETIENS RÉALISÉS PAR CHRIS BOURGUE Classe de terminale au Dock © Richard Melka CHRIS BOURGUE Il faut savoir que l’option HIDA constitue un excellent tremplin pour toutes les orientations littéraires, car les élèves appréhendent les études supérieures avec plus de confiance, sont plus à l’aise à l’oral, ont l’habitude de préparer des dossiers, de développer leur créativité, ils maîtrisent certains outils multi-media. Ils peuvent ainsi accéder à des études supérieures (journalisme, sciences humaines, sciences politiques, histoire...), mais aussi à des formations plus courtes, par exemple des BTS Tourisme à Nice, les DUT Métiers du Livre à Aix, le DUP Administration des Institutions Culturelles à Arles, le DUP Métiers des Arts et de la Culture d’Avignon. Avec leur formation ils peuvent envisager les métiers de Conservateur, commissairespriseurs, guide-conférencier, mais aussi restaurateurs d’œuvres d’Art, bibliothécaires, éditeurs, archéologues... Ils témoignent : Du côté des profs ! Les enseignants en Histoire des Arts sont polyvalents et travaillent en binôme ou en équipes. Passionnés, ils ne comptent pas leurs heures et se battent pour trouver des financements. Car toutes ces activités ont un coût et tous les parents n’ont pas les moyens de participer aux dépenses. De plus les budgets de l’Éducation Nationale se réduisent comme peau de chagrin et les annonces de suppression de postes menacent ces sections, alors qu’elles constituent un moyen évident de réconcilier certains élèves ascolaires avec les études, qu’elles favorisent l’esprit d’équipe et le développement de la personnalité. Et que l’éducation est un droit ! Et après le Bac? 68 ÉDUCATION FESTIVAL DE THÉÂTRE AMATEUR Ceux qui aiment en grand Attention aux idées reçues ! Qui dit amateur ne dit pas obligatoirement médiocre, et les deux spectacles vus pour cette première partie du 10e Festival de Théâtre Amateur le prouvent une fois de plus... Pourquoi du théâtre amateur ? Parce qu’il se produit le plus souvent dans des communes où le théâtre professionnel est peu présent ou inaccessible, parce qu’il touche les jeunes et les moins jeunes qui ont envie de s’exprimer, de participer à une œuvre collective, et qui vivent d’autre chose... Sous la présidence efficace d’Alain Sisco, le Comité Départemental de la Fédération des Théâtres Amateurs (FNCTA) organise les Rencontres de Théâtre Amateur du département depuis 1999 en donnant la plus large part possible aux écritures contemporaines. L’entreprise est de mieux en mieux soutenue par les salles locales puisque cette année 10 lieux se sont déclarés partenaires. Des stages sont aussi régulièrement organisés. © X-D.R © X-D.R Sur les planches ! monter l’adaptation de L’assemblée des femmes d’Aristophane par Robert Merle (le 5 avril à la Minoterie). Dans cette pièce jubilatoire, les femmes d’Athènes prennent le pouvoir et veulent gérer la guerre et la paix, sans négliger leur force de persuasion sexuelle auprès de leurs maris. La mise en scène et la scénographie de Michel Ramus, qui œuvre depuis 30 ans, sont pleines d’inventivité. On peut faire du bon théâtre avec des moyens simples ! La 2e partie du spectacle s’agrémente de nombreuses chansons : les textes d’Aristophane semblent faits pour les musiques populaires des rengaines disco, et ces détournements ont enthousiasmé le public. CHRIS BOURGUE Le cercle de craie caucasien de Bertolt Brecht a été présenté au Gymnase par la Compagnie du Grain de sel dans la mise en scène d’Henriette Marchetti, avec un accompagnement musical à l’accordéon. Le propos rappelle le Jugement de Salomon : un enfant est réclamé par deux femmes, ici d’origine sociale différente, et chez Brecht c’est la servante qui l’a sauvé et protégé qui est déclarée mère de l’enfant. Le rôle de Groucha est d’ailleurs fort bien tenu par une comédienne d’une grande sensibilité. La mise en scène favorise les tableaux, mettant en valeur le travail sur les costumes et les accessoires avec un jeu inspiré de la Commedia dell’Arte qui était, chez certains, un peu trop caricatural. La Compagnie du Caramentran de Lançon a choisi de Prochains rendez-vous en mai et juin Chacun sa vérité de Pirandello le 22 mai à la Criée Cuntruveru di Valdo Nieddu de Marco Biancarelli en langue corse le 23 mai à la Criée Hôtel des 2 mondes d’Eric-Emmanuel Schmitt le 24 mai à la Criée Le Minotaure de Marcel Aymé le 25 mai au Gyptis Errila (le Voyage) de la compagnie El Ichara de Mostaganem le 5 juin au Lenche (sous réserve) La nuit des reines de Michel Heim le 6 juin au Lenche L’Astronome de Didier van Cauwelaert le 7 juin au Lacydon Réservation et infos : 04 91 61 15 37 htt://festival-fnctacd13.wifeo.com Entre Saints et loups ! Entre Saints de Nathalie Schmitt, élève de classe préparatoire au Lycée Thiers, a été créée au Théâtre du Lacydon par la compagnie Pousse-Mots de la région parisienne. Le personnage principal, Cobalt, est un SDF ; il vit sur une décharge et se désespère d’avoir perdu son nécessaire. Il le réclame aux gens qui viennent sur la décharge : un politique qui veut installer un incinérateur, un journaliste, des nettoyeurs,un financier, une écolo...On le devine, ce n’est pas Cobalt qui gagne ; il disparaît dans l’indifférence, pour cause de pollution et contagion. Avec ce texte on mesure la place que prennent les thèmes de l’Ecologie dans la réflexion des jeunes. Rappelons que la pièce de Nathalie a été primée par la Fédération Sportive et culturelle de France qui organise depuis 8 ans un concours d’auteurs d’œuvres dramatiques Vive les auteurs ! dans le but de diffuser et de créer des textes. C.B. Fédération Sportive et Culturelle de France (FSCF) 22 rue Oberkampf – 75011 Paris 01 43 38 50 57 Les débuts, et le reste À l’issue de la représentation, un débat animé par AnneMarie Bonnabel, professeure en Khâgne, met en présence Nathalie Schmitt la jeune auteure, Serge Valletti et Dominique Cier. L’occasion pour les deux auteurs de revenir sur leurs débuts d’auteurs dramatiques Pourquoi décide-t-on d’écrire pour le théâtre ? Serge Valetti : L’écriture théâtrale ? Ce n’est pas de la littérature, c’est autre chose... ça a besoin des êtres vivants. La magie de l’écriture de théâtre c’est qu’elle donne de la vie ! À mes débuts au Théâtre Massalia (première époque, en 1969 !) avec ma pièce Les brosses je jouais mes textes parce que personne ne voulait le faire et souvent avec un seul personnage, que j’interprétais moimême. 20 ans plus tard quand une de mes pièces est enfin montée par Chantal Morel j’ai éprouvé un choc. C’était impudique et troublant ! Dominique Cier : Lorsque ma première pièce a été créée à la Radio, j’avais 14 ans ! L’écrivain est comme une sentinelle et doit attirer le public. Sa démarche est politique, c’est son rôle ! Nathalie Schmitt : Ce qui me plaît aujourd’hui c’est de voir l’histoire mise en scène ; ma pièce a l’air d’exister maintenant ! Le texte qui a été soumis à l’épreuve de la scène estil ensuite retouché ? D.C : Oui je corrige, je change beaucoup de choses. Je ne veux pas que le texte soit fossilisé. S.V. : 30 de mes textes sont actuellement édités, je ne retouche rien du tout. La seule chose qui reste c’est le texte, sorte de déchet avec lequel on peut faire un autre spectacle. L’édition permet simplement de susciter des représentations futures. C.B. TRIBUNE LIBRE ZIB ! ZIB ! ZIB ! HOURRA ! Vous avez aimé la première version de ZIBELINE, vous avez adoré la nouvelle ! Nous avons effectivement eu de nombreuses réactions positives à notre changement de format : plus pratique, plus maniable, mieux imprimé, plus transportable, votre ZIBELINE se glisse désormais dans la poche de votre jeans ou de votre blouson. Vous l’avez toujours sous la main ! ENVOYEZ VOS REMARQUES ET RÉACTIONS À : [email protected] Privés de V.O. Madame Nicole Mipatrini nous fait part de son étonnement à propos des chèques-cinéma délivrés par la région PACA aux lycéens. En effet, il se trouve que ces chèques ne sont pas acceptés au César et aux Variétés, seules salles d’Art et Essai de Marseille facilement accessibles aux lycéens, obligeant ainsi les élèves à voir les films en VF ! On se demande quelle est la raison de ce refus. Y-a-t-il un coût pour les cinémas lorsqu’ils acceptent ces chèques ? Mensuel gratuit paraissant le deuxième jeudi du mois Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Agnès Freschel Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture © Agnès Mellon Conception maquette Max Minniti Un artiste nous écrit ! Et c’est tant mieux, car cette tribune est faite aussi pour eux! Benjamin Clasen est altiste à l’Orchestre Philharmonique de Marseille, il est aussi abonné de Zibeline. Il a participé au spectacle de Richard Martin : La Poésie crie au secours ! (voir article page 31) et nous a envoyé ce texte dès le lendemain. C’est donc un «retour de l’intérieur» qu’il nous confie : point de vue sensible ! Mon émoi et moi Une partition avec trois kilos de rondes –façon de dire que les nappes sonores s’annoncent épaisses et étendues pour nous, les musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Marseille. Nous sommes ce soir les invités de Richard Martin dans son fief, en terre conquise, au Théâtre Toursky. Il a pris rencart avec ses potes, les poètes. Les lumières s’éteignent et le public disparaît. Quelques paires de lunettes brillent encore discrètement dans le noir de la salle. Monsieur Martin laisse passer la première série d’accords, tâtant avec des mains nerveuses ses vêtements amples. Des harmonies feutrées choient en éternelles spirales descendantes. Sa voix s’y mêle, incertaine, hésitante. Le comédien chuchote, susurre, improvise, cherche le bon passage pour s’insérer dans le texte et la bonne distance avec un micro trop sensible. Il projette les premières invectives, enchaîne les registres : mon émoi et moi sommes enfin réunis. Les paroles tendres se balancent et vous mettent «le cœur à l’heure». L’acteur clame, l’orchestre languit. La vedette prend de l’élan, l’orchestre laboure cette partition lourde comme une terre trempée. Le chef d’orchestre Philippe Nahon, mains en l’air, tête plongée dans le pupitre, s’efface au profit de Richard Martin qui, encerclé par la lumière, isolé sous sa douche, lance ses mains en éventail dans le vide, retient le flot des paroles pour mieux les lâcher ensuite, s’époumone en decrescendos jusqu’à bout de son souffle, secoue sa crinière de clown furibard. Il fait crépiter les injures, lance au public de fausses interrogations, des certitudes partagées, des exhortations d’une génération de poètes qui nous semblent proches mais ne sont plus de notre siècle. Rimbaud, Baudelaire, Vian, Aragon et Ferré se succèdent et se mêlent à une musique qui tire les grosses ficelles du larmoyant : des tirades révolutionnaires sur fond de mélodies languissantes, une émeute la larme à l’œil, une rébellion poétique. Et toujours ce rêve d’un monde meilleur. Qu’il est difficile de nos jours de mourir révolutionnaire ! Un extrait d’une œuvre de Gorecki tire mon orchestre de sa torpeur instrumentale par un mouvement de polka parodique. Des accords grinçants s’entrechoquent comme grêlons sur tôle. L’écriture, toute en reprises irrégulières, vous fait dérailler un orchestre symphonique comme un rien. Le pianiste joue seul contre tous, plante ses temps hargneux en dépit du bon sens avec un manque d’écoute qui dépasse l’entendement. L’orchestre, secoué, vacille, mais résiste à ces attaques incessantes, et atteint dans le crescendo frénétique et final une véhémence proprement douloureuse. Après cette éruption musicale, la musette des mots engagés s’emballe à nouveau. «À bientôt la raison, à bientôt». Les paroles en pirouettes, les sarcasmes grésillent et l’innocence des justes jubile. «Aux armes citoyens». La tendresse des gros mots côtoie des plaidoyers engagés : «La priorité à gauche si vous permettez.» Le public exulte, et remercie d’avoir échappé le temps d’une soirée à cette époque morose qui est désormais la nôtre. Est-ce que ce rêve d’un monde plus juste est une affaire classée ? Et ces poètes si vieux et si vivants ? Ce soir la salle donne raison aux poètes, et à leur pote. Rédactrice en chef Agnès Freschel [email protected] 06 09 08 30 34 Musique et disques Jacques Freschel [email protected] 06 20 42 40 57 Sciences et techniques Yves Berchadsky [email protected] Secrétaire de rédaction chargée de l’éducation Chris Bourgue [email protected] 06 03 58 65 96 Frédéric Isoletta [email protected] 06 03 99 40 07 Maquettiste Philippe Perotti [email protected] 06 19 62 03 61 Cinéma Annie Gava [email protected] 06 86 94 70 44 Responsable commerciale Véronique Linais [email protected] 06 63 70 64 18 Secrétaire de rédaction Spectacle vivant Laurence Perez [email protected] 06 15 78 65 21 Sara Lynch [email protected] Livres Fred Robert [email protected] 06 82 84 88 94 69 Arts Visuels Claude Lorin [email protected] 06 25 54 42 22 Philosophie Régis Vlachos [email protected] Ont également participé à ce numéro : Anne et Pierre Bence, Maryvonne Colombani, Marie-Jo Dhô, Sylvia Gourion, Clarisse Guichard Photographes: Agnès Mellon, Philippe Charbonnière, Richard Melka 70 FORMULAIRES D’ADHÉSION ANNUELLE LA RUBRIQUE DES ADHÉRENTS Nos partenaires vous offrent invitations, réductions et avantages… Pour les places gratuites, téléphonez-leur rapidement pour réserver, puis présentez votre carte de membre (1 place par carte nominative). 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