les cancers digestifs à l`institut curie : de la prise en charge précoce

Transcription

les cancers digestifs à l`institut curie : de la prise en charge précoce
LES CANCERS DIGESTIFS
À L’INSTITUT CURIE : DE LA
PRISE EN CHARGE PRÉCOCE
À LA RECHERCHE
DOSSIER DE PRESSE
février 2013
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
PAGE 1
LES CANCERS DIGESTIFS
À L’INSTITUT CURIE : DE LA
PRISE EN CHARGE PRÉCOCE
À LA RECHERCHE
L’
Institut Curie est une
fondation reconnue d’utilité
CANCERS DIGESTIFS,
QUELS CONSTATS ?
publique associant le plus grand
PAGE 3
centre de recherche français
en cancérologie et un ensemble
hospitalier référent pour les cancers
DU DÉPISTAGE AUX TRAITEMENTS,
UNE PRISE EN CHARGE GLOBALE
du sein, les tumeurs pédiatriques
PAGE 6
et celles de l’œil.
Fondé en 1909 par Marie Curie,
il a pour missions la recherche,
les soins et l’enseignement
UNE RECHERCHE CLINIQUE ET
TRANSLATIONNELLE EN PLEIN ESSOR
PAGE 10
au bénéfice des patients touchés
par le cancer.
L’Institut Curie rassemble près
de 3 200 chercheurs, médecins et
soignants mobilisés pour
DÉCRYPTER LES MÉCANISMES
FONDAMENTAUX
DE LA CANCÉROGENÈSE
PAGE 15
lutter contre le cancer.
Pour accélérer les découvertes
et ainsi améliorer la qualité de vie
des malades, le soutien des
Catherine Goupillon-Senghor
Responsable des relations presse
Tél. 01 56 24 55 23
donateurs est essentiel.
Pour en savoir plus : www.curie.fr
Direction de la communication
de l’Institut Curie
Graphisme Dominique Hamot
Photographies Noak / Le Bar Floréal - Pedro Lombardi
- Christophe Hargoues - Alexandre Lescure Sylvie Robine - Maïa Chanrion - Fatima el Marjou Silvia Fre / Institut Curie
Céline Giustranti
Chargée de l’information
scientifique et médicale
Tél. 01 56 24 55 24
[email protected]
Photothèque
[email protected]
LES
CANCERS
DIGESTIFS
L’INSTITUT
CURIE
: DE
LA PRISE
EN CHARGE
PRÉCOCE
À LA
RECHERCHE
L’Institut
Curie
est
privée
reconnue
d’utilité
publique,
habilitée
à recevoir
des dons
legset legs
L’Institut
Curie
estune
uneÀfondation
fondation
privée
reconnue
d’utilité
publique,
habilitée
à recevoir
deset
dons
PAGE 2
CANCERS DIGESTIFS,
QUELS CONSTATS ?
D
’incidences variables, les cancers digestifs
tion précoce. 60 à 80 % des cancers colorectaux se
progressent, principalement en raison de l’aug-
développeraient à partir d’une tumeur bénigne, appelée
mentation des cas de cancer colorectal. Avec
polype ou adénome. Pourtant, le pronostic vital est
environ 40 500 nouveaux cas estimés en 2011
étroitement lié au stade de développement de la mala-
dont 53% survenant chez l’homme, le cancer du
die au moment du diagnostic et s’avère particulièrement
côlon-rectum se situe, tous sexes confondus, au
important pour le cancer colorectal. En effet, lorsque ce
troisième rang des cancers les plus fréquents
après le cancer de la prostate et celui du sein, et
le deuxième en termes de mortalité après le
INCIDENCE ET MORTALITÉ DES CANCERS
DIGESTIFS EN 20111
cancer du poumon. La majorité des nouveaux cas de
cancer du côlon-rectum estimés en 2011 surviennent
Côlon-rectum : 40 520 nouveaux cas
et 17 526 décès
chez les personnes âgées de 50 ans et plus (71% chez
Pancréas : 9 038 nouveaux cas*
les hommes et 95% chez les femmes). Le diagnostic est
Foie : 8 206 nouveaux cas*
également tardif : il était estimé en 2005 à 70 ans chez
Estomac : 6 438 nouveaux cas et 4433 décès
l’homme et 73 ans chez la femme. Évoluant souvent
Œsophage : 4 276 nouveaux cas et 3 444 décès
dans un premier temps sans symptôme, le cancer
colorectal est de ce fait diagnostiqué parfois tardivement et nécessite alors des traitements lourds.
Or, des tests de dépistage fiables permettent sa détec-
1. Chiffres issus du rapport technique de l’Inca et de l’Invs sur la projection de l’incidence et de
la mortalité par cancer en France en 2011.
* Les estimations de mortalité ne sont pas présentées en raison de la qualité incertaine des
données.
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
PAGE 3
cancer est détecté à un stade précoce (cancer superficiel dans la paroi de l’intestin), le taux de survie à 5 ans
après le diagnostic dépasse alors 90 % 2 contre 69,5 %
pour le stade régional (envahissement ganglionnaire) et
11,3 % pour le stade métastasique. Le dépistage peut
donc permettre d’agir sur la baisse de la mortalité par
cancer colorectal mais aussi sur la qualité de vie du
patient, avec des traitements moins lourds. Généralisé à
la fin de l’année 2008, le dépistage organisé du cancer
colorectal consiste en l’envoi d’un courrier aux hommes
et femme âgées de 50 à 74 ans les invitant à aborder la
LES TUMEURS NEUROENDOCRINES
question avec leur médecin traitant et à effectuer un
test de recherche de sang dans les selles si celui-ci
D’incidence faible –environ 1% des cancers
digestifs-, les tumeurs neuroendocrines
s’avère indiqué.
Le cancer du pancréas, ou adénocarcinome canalaire,
constituent un groupe hétérogène de cancers,
est une maladie des cellules constituant les canaux qui
aux localisations diverses, et pour lesquels il
transportent le suc pancréatique. Plusieurs facteurs de
existe peu de données épidémiologiques. Leur
risque sont évoqués sans pour autant être clairement
incidence augmente régulièrement depuis les
désignés à ce jour : le tabagisme, une consommation
années 1980. En France, on dénombre 11 400
élevée d’alcool, la présence d’une obésité, d’un diabète
localisations digestives pour la période
ou encore d’une inflammation chronique. En effet, beau-
s’étendant de 1976 à 1999. L’intestin grêle, le
coup de ces cancers surviennent sans explication connue.
côlon, le rectum et le pancréas sont les organes
Ils sont plus fréquents chez l’homme que chez la femme
les plus souvent touchés.
et surviennent le plus souvent entre 70 et 80 ans.
Des réseaux structurés sont destinés à améliorer
Comparés aux autres pays européens, l’incidence et la
la prise en charge des patients. Ainsi, le Groupe
mortalité par cancer de l’estomac sont faibles en
d’étude des tumeurs endocrines (GTE) est un
France. L’incidence de ce cancer a été divisée par deux
réseau clinique et scientifique créé en 2002
en 30 ans. Des progrès réalisés dans la prise en charge
réunissant les différentes spécialités impliquées
diagnostique et thérapeutique, l’hygiène alimentaire ont
en organisant des réunions scientifiques
pu favoriser l’amélioration de la survie, même si ce cancer
et médicales.
Présidé par le Pr Emmanuel Mitry, le GTE
reste de mauvais pronostic.
Concernant les hommes, dans 80% des cas, les tumeurs
organise chaque année un congrès. En 2012,
du foie surviennent le plus souvent au cours de l’évolu-
celui-ci s’est tenu à l’Institut Curie.
tion d’une maladie chronique du foie comme une cirrhose
ou une hépatite B ou C, et dans de rares cas sur un foie
même augmente régulièrement depuis 25 ans. 900
sain.
nouveaux cas sont dénombrés chaque année 3. Les 2/3
Le cancer de l’oesophage se développe quant à lui le
des personnes atteintes ont plus de 65 ans, avec une
plus souvent à partir des cellules de la muqueuse. Les
nette prédominance féminine (sex ratio de 4 femmes
3/4 des patients concernés sont des hommes, le plus
pour 1 homme). Dans la population infectée par le VIH 4,
souvent âgés de plus de 50 ans.
le cancer de l’anus est le 3ème cancer le plus fréquent
Le cancer du canal anal est désormais considéré dans
chez l’homme et le 7ème chez la femme.
80 à 85% des cas comme induit par l’intégration du
matériel génétique du papillomavirus humain (HPV). Le
virus de l’immunodéficience humaine acquise (VIH) augmente l’incidence des cancers du canal anal, qui elle-
2. Horner MJ et al. SEER Cancer Statistics Review, 1975-2006,National Cancer Institute.
Bethesda, MD, http://seer.cancer.gov/csr/1975_2006/ based on November 2008 SEER data
submission, posted to the SEER web site, 2009.
3. Abramowitz, Rev Epidemiol Sante Publique 2010
4. Lanoy E et al. “The spectrum of malignancies in HIV-infected patients in 2006 in France:
The ONCOVIH study.” Internatio¬nal Journal of Cancer. Volume 129 pages 467–475, 2011
July 15.
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
PAGE 4
TROIS QUESTIONS AU…
Pr Emmanuel Mitry,
Directeur médical thématique
« digestif, urologie, gynécologie »,
gastro-entérologue
et oncologue digestif
Quelles pathologies digestives
sont prises en charge à l’Institut Curie ?
En dehors du cancer colorectal, les équipes médicales
s’occupent essentiellement des tumeurs du foie, de
l’estomac, du pancréas et de l’œsophage. Tous les
types de tumeurs digestives peuvent néanmoins y
être traités. Ainsi, l’Institut Curie est spécialisé dans
la prise en charge de tumeurs rares comme celles du
des passerelles entre leurs disciplines respectives qui
canal anal traité par radiothérapie, les tumeurs
permettent d’accélérer l’innovation diagnostique et
neuroendocrines, ainsi que celles des stades avancés
thérapeutique.
du cancer colorectal. La technique de chimiothérapie
intra-péritonéale hyperthermique (CHIP) utilisée pour
Quelles priorités l’Institut s’est-il fixé ?
les formes avancées de certains cancers du côlon
Nous misons sur la prévention des cancers digestifs
y est pratiquée. L’Institut Curie fait ainsi partie des
en renforçant notre offre de prise en charge précoce.
3 ou 4 seuls centres la proposant en Ile-de-France.
Concrètement cela se traduit par la mise en place
depuis septembre 2012 de consultations dédiées.
Quels sont ses atouts ?
Au cours de celles-ci, le risque familial, s’il existe, est
L’Institut Curie dispose d’équipes pluridisciplinaires
évoqué et la technique de dépistage la mieux
de qualité, que ce soit en clinique ou dans le domaine
adaptée (dont la coloscopie) est proposée au patient.
de la recherche. Oncologues médicaux, chirurgiens,
Parallèlement nous développons fortement la
oncogériatres, conseillers en génétique ou encore
recherche clinique et la recherche translationnelle
anatomopathologistes travaillent de concert pour
déjà existantes. Un groupe constitué de cliniciens
proposer une prise en charge globale et personnali-
et de chercheurs de l’Institut s’est ainsi formé et se
sée au patient. De plus, l’Institut Curie fait figure
réunit mensuellement depuis un an. Des projets sont
d’exception dans le paysage clinique puisqu’il associe
déjà entamés autour de la pathologie du canal anal
à son ensemble hospitalier, un centre de recherche de
et des traitements anti-angiogéniques des tumeurs
pointe. Médecins et chercheurs créent régulièrement
digestives.
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE
• 548 patients pris en charge pour un cancer digestif en 2011
• 516 interventions de chirurgie digestive en 2011 5
• 100 consultations d’oncogénétique digestive chaque année
5. Prise en charge en hospitalisation conventionnelle
• Spécialisé dans la prise en charge des tumeurs endocrines et du canal anal
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
PAGE 5
DU DÉPISTAGE AUX
TRAITEMENTS, UNE PRISE
EN CHARGE GLOBALE
Des consulations précoces
pour dépister au plus tôt
D
s’avèrent également cruciales dans le cadre d’une prédisposition familiale.
épister le plus tôt possible la maladie est
Dispensées deux fois par semaine, elles intéressent
fondamental pour améliorer le pronostic vital.
différents publics avant l’apparition d’un quelconque
Ainsi dans le cas du cancer colorectal, le taux de
symptôme. « La très grande majorité des personnes qui
survie à 5 ans après le diagnostic dépasse 90% si celui-
prennent rendez-vous ont eu un membre de leur famille
ci est détecté à un stade précoce . « Traditionnellement
touché par un cancer du côlon, de l’estomac ou autres, et
dans les centres de lutte contre le cancer les patients
se posent la question de la nécessité de réaliser un
étaient pris en charge après le diagnostic, puis traités. Le
examen de dépistage, précise le Dr Barbara Dieumegard.
6
7
dépistage, au travers de consultations dédiées et de la
réalisation de coloscopies, n’était pas toujours assuré.
” Nous offrons
Grâce à la mise en place en septembre 2012 de
aux patients
consultations précoces, nous offrons la possibilité aux
patients d’être suivis tout le long du processus et leur pro-
l’opportunité d’être
posons une offre de soins complète » explique le Dr Bar-
suivis tout au long
bara Dieumegard, gastro-entérologue et oncologue
de leur parcours ”
digestif, responsable des consultations de prise en
charge précoce des cancers digestifs à l’Institut Curie.
Dr Barbara Dieumegard
« Bon nombre d’entre eux étaient demandeurs d’un tel
dispositif, poursuit-elle, notamment pour être suivis
entièrement sur un même site ». Ces consultations
6. Horner MJ et al. SEER Cancer Statistics Review, 1975-2006 , National Cancer Institute.
Bethesda, MD, http://seer.cancer.gov/csr/1975_2006/ based on November 2008 SEER data submission,
posted to the SEER web site, 2009.
7. stade I, cancer superficiel dans la paroi du côlon.
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
PAGE 6
Je retrace donc leur histoire familiale et propose l’examen le mieux adapté à leur cas en tenant compte du facteur de risque. S’il s’avère qu’une incidence anormalement
élevée de cancers est présente au sein de leur famille, je
les redirige en consultations d’oncogénétique pour
déterminer s’ils sont porteurs d’une mutation.» D’autres
patients viennent dans le cadre du dépistage national du
cancer du côlon.
« Après avoir réalisé le test de dépistage Hemoccult®
qui s’est avéré positif, ces personnes sont prises en
charge pour réaliser l’examen de dépistage qui confirmera ou non la présence d’une lésion tumorale ».
Enfin, le Dr Barbara Dieumegard reçoit également des
patients présentant une prédisposition génétique
particulière. « Ces derniers nous sont adressés par les
services d’oncogénétique de l’Institut qui ont auparavant détecté une anomalie génétique dans le génome
des patients, annonciatrice d’un risque plus élevé de
développer un cancer digestif ». De la même façon, l’examen de dépistage le plus approprié leur est proposé.
UNE TECHNIQUE INNOVANTE
EN CHIRURGIE DIGESTIVE :
LA CHIMIOHYPERTHERMIE
INTRAPÉRITONÉALE (CHIP)
Pour les patients qui présentent déjà des symptômes
Technique combinant chirurgie et
digestifs, et qui sont souvent suivis pour un autre
chimiothérapie, la CHIP vise à traiter
cancer à l’Institut, un bilan endoscopique est prescrit et
localement la dissémination de cellules
réalisé in situ.
cancéreuses dans la cavité abdominale,
La chirurgie : un traitement
de référence en évolution
« En oncologie digestive, la chirurgie reste le traite-
ment de référence du cancer primitif et des métastases » explique le Pr Bernard Baranger, chef du
invisibles pour le chirurgien, et poutant source
de récidives. Cette dissémination peut être à
l’origine d’une carcinose péritonéale chez certains
patients atteints de cancers du côlon. En pratique,
le chirurgien enlève dans un premier temps tous
les foyers cancéreux visibles à l’œil nu. Puis il
département de chirurgie à l’Institut Curie. « En revanche,
« baigne » la cavité abdominale avec de la
sa place a diminué, voire disparu, dans le traitement des
chimiothérapie à très forte concentration chauffée
tumeurs très évoluées ». La chirurgie palliative conserve
à 43°C pour augmenter son effet. Ce « bain »
permet d’atteindre des cellules tumorales plus
LE SAVIEZ-VOUS ?
Chez les patients atteints de cancer du côlon, le
dépistage d’autres cancers digestifs peut s’avérer
essentiel. Ainsi dans le cadre d’une polypose
difficilement accessibles par la suite.
L’intervention pouvant durer plusieurs heures, la
CHIP nécessite un équipement particulier ainsi
qu’une formation pointue du personnel médical.
Elle reste le traitement de référence de deux
colique familiale, un cancer de l’intestin grêle peut
maladies rares, le mésothéliome péritonéal et le
se déclarer après le cancer du côlon.
pseudomyxome péritonéal, en augmentant leur
Dans le syndrome de Lynch, c’est un cancer de
l’intestin grêle ou de l’estomac qui peut être
associé au cancer du côlon.
espérance de vie à 5 ans de 30 à 40%, et se
développe de plus en plus dans le traitement des
carcinoses péritonéales de cancer colorectal.
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
PAGE 7
elle toute sa place dans le traitement des complications
digestives de la chimiothérapie, de la radiothérapie ou de
la tumeur elle-même.
Qualité de vie, préservation de l’organe, de sa fonction et
confort du patient sont ainsi toujours privilégiés. C’est
en ce sens que la chirurgie mini-invasive a été développée et permet aujourd’hui de retirer par coelioscopie
des tumeurs rectales, coliques ou des tumeurs du foie,
ainsi que des résections d’œsophage sous thoracoscopie. « La chirurgie pratiquée de nos jours est de fait plus
sophistiquée qu’avant. Dès que cela est possible, on
essaye de restaurer la continuité digestive en ne recou-
LES CANCERS DU CANAL ANAL
rant pas à un anus artificiel par exemple », poursuit-il.
Traitement de première intention des tumeurs
du canal anal, la radiothérapie a pour double
²
objectif le contrôle local définitif de la tumeur
UN ÉCHO-ENDOSCOPE
POUR GAGNER EN
PRÉCISION DIAGNOSTIQUE
et la conservation d’un sphincter anal
fonctionnel. Ce but est atteint pour 80% des
cancers du canal anal traités par radiothérapie.
Pour les lésions volumineuses, une
chimiothérapie concomitante de
Fin 2012, l’Institut Curie s’est doté d’un
nouvel appareil permettant d’affiner le bilan
pré-thérapeutique des cancers du tube
digestif.
potentialisation lui est associée. La chirurgie
(le plus souvent mutilante, avec ablation du
sphincter et colostomie définitive) est réservée
aux échecs de la radiothérapie. « Nous
« Cet outil donne des informations beaucoup
plus précises que l’endoscopie standard
intervenons au moyen de différentes
puisqu’il permet d’évaluer des éléments de
techniques, précise le Dr Alain Labib,
pronostic majeurs comme la profondeur
radiothérapeute à l’Institut Curie et spécialiste
de la prise en charge de ces tumeurs.
d’infiltration de la tumeur dans la paroi
La radiothérapie externe initiale peut par
digestive et la présence de ganglions suspects
à proximité invisibles par les autres
exemple être complétée par une curiethérapie
interstitielle. La radiothérapie
techniques » précise Bruno Buecher, oncologue
médical qui s’est formé pour l’occasion à la
technique. Cette dernière permet également de
conformationnelle curative avec modulation
d’intensité par tomothérapie 8 permet d’espérer
réaliser des ponctions dans l’épaisseur de la
d’encore meilleurs résultats, avec le moins
paroi digestive, ainsi que des structures de
d’effets secondaires possibles » poursuit-il.
En Île-de-France, seuls trois appareils de
voisinage situées au-delà. L’intérêt de cette
approche dépasse le cadre de la
tomothérapie hélicoïdale sont disponibles
dont deux sont installés et en service à
cancérologie digestive. Elle peut par exemple
l’Institut Curie.
s’avérer très précieuse dans le bilan
d’extension de certains cancers bronchiques
(ponction à travers l’oesophage de ganglions
suspects localisés dans le médiastin
postérieur).
8. La tomothérapie hélicoïdale est un équipement de radiothérapie innovant qui permet de
faire une imagerie en coupe en trois dimensions ainsi qu’une irradiation avec modulation
d’intensité (RCMI), avec le même accélérateur situé dans un anneau. Il est alors possible de
délivrer une irradiation homogène dans des volumes grands et complexes et d’éviter les
organes contigus. L’imagerie embarquée en coupe permet de vérifier le positionnement du
faisceau durant la séance.
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
PAGE 8
Intégrée dans une démarche de prise en charge
globale, la chirurgie est aujourd’hui associée à une
chimiothérapie moins invalidante et à une consultation d’oncogériatrie chez les plus de 75 ans.
« Toutes les décisions chirurgicales sont prises en réu-
nion de concertation pluridisciplinaire réunissant entre
autres des anatomopathologistes, des radiologues, des
chirurgiens et des oncologues médicaux, pour décider du
meilleur schéma thérapeutique. Le patient est mis au
centre du débat et non plus son organe » ajoute le
Pr Bernard Baranger.
En pratique et pour prendre un exemple, l’intervention
chirurgicale sur le cancer du côlon consiste à examiner la
cavité abdominale et à palper le foie pour vérifier qu’il
LE CHIRURGIEN,
UN PARTENAIRE DE CHOIX
POUR L’ÉTUDE DES TUMEURS
DIGESTIVES EN RECHERCHE CLINIQUE
ET TRANSLATIONNELLE
n’existe pas de métastases. Selon la localisation de la
tumeur, la totalité du côlon gauche ou du côlon droit est
« Dans un centre de lutte contre le cancer,
enlevée et non pas seulement la zone dans laquelle se
le chirurgien est le maillon d’une chaîne et
situe la tumeur. Cette précaution permet une analyse
possède une vision « oncologique » de sa
ultérieure des ganglions lymphatiques, de manière à réa-
spécialité. Je participe ainsi spontanément à la
liser un bilan exact de la maladie. Dans le cas du rectum,
recherche translationnelle, de par notamment
le traitement débute souvent par une radiothérapie, le
mon implication dans les réunions de concertation
plus souvent associée à une chimiothérapie. Le volume
pluridisciplinaire, mais aussi en fournissant aux
de la tumeur est ainsi diminué, ce qui facilite l’acte chirur-
chercheurs des prélèvements tumoraux qui les
gical et diminue le risque de récidive locale.
aident dans leur meilleure caractérisation des
processus tumoraux digestifs » explique le
” Toutes les décisions
Dr Pascale Mariani, chirurgien à l’Institut Curie.
« Par ailleurs, je coordonne l’essai Circé 03 issu
chirurgicales sont
de l’essai multicentrique PRODIGE 14-Accord 21
prises en réunion
d’Unicancer. Celui-ci concerne des patients
de concertation
pluridisciplinaire ”
Pr Bernard Baranger
atteints d’un cancer du côlon avec des métastases
hépatiques au départ non opérables. Dans cette
étude, différentes chimiothérapies sont testées,
avec pour intention in fine de permettre un acte
chirurgical. Cependant, certains patients vont
récidiver rapidement après cette chimiothérapie
La génétique pour dépister
les formes héréditaires
intensive et cette chirurgie. L’objectif de Circé 03
Dans 5% des cas, les cancers digestifs de l’adulte
qui bénéficieront de ce traitement en les repérant
peuvent être héréditaires et donc avoir pour ori-
en amont. Nous observons pour cela les variations
gine une mutation familiale. Un âge inhabituelle-
des cellules tumorales circulantes (CTC) avant
ment jeune au diagnostic et la multiplication des cas
le geste de chirurgie hépatique. Ici la chirurgie
dans la famille sont les arguments principaux évoquant
s’inscrit dans une démarche de traitement person-
une forme héréditaire. A l’Institut Curie, des consulta-
nalisé ce qui est nouveau et de grande
tions d’oncogénétique sont donc ouvertes pour dépister
importance ».
est d’essayer de sélectionner mieux les patients
ces formes héréditaires. « L’histoire tumorale d’un indiLES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
PAGE 9
²
LE SAVIEZ-VOUS ?
Les principales formes héréditaires des cancers
du côlon et du rectum correspondent aux
polyposes liées aux mutations des gènes APC ou
MUTYH et au syndrome de Lynch, lié à une
mutation d’un gène du système de réparation des
lésions de l’ADN appelé MMR. Il existe également
différentes formes héréditaires de cancers
du pancréas et de l’estomac, ainsi que d’autres
formes rares de cancers digestifs (tumeurs
neuroendocrines, tumeurs stromales
gastrointestinales entre autres).
vidu y est attentivement étudiée ainsi que celle de toute
et moléculaire, l’équipe des consultations d’oncogéné-
sa famille. C’est à ce moment que l’on juge de l’existence
tique se compose de conseillers en génétique chargés
possible d’un facteur génétique de prédisposition »
d’établir l’arbre généalogique, de psycho-oncologues et
explique le Dr Bruno Buecher, oncologue médical et
d’assistantes médicales.
oncogénéticien. En fonction de différents paramètres et
Cette équipe travaille en étroite collaboration avec les
à l’issue de cette consultation, le clinicien peut prescrire
gastro-entérologues, les chirurgiens et le laboratoire de
une analyse génétique pour rechercher des mutations
génétique moléculaire qui traite les demandes d’ana-
dans les gènes de susceptibilité au cancer.
lyses génétiques par les techniques les plus efficaces à
ce jour. « En îIe-de-France, il existe également un réseau
S’il s’avère que la tumeur a bien une origine
de spécialistes en oncogénétique digestive. Par consé-
héréditaire, des mesures spécifiques de prise en
quent nous participons régulièrement à des réunions de
charge et de suivi sont alors proposées par l’onco-
concertation communes avec nos confrères de l’Institut
généticien. À l’Institut Curie, le travail en réseau des
Gustave Roussy et des hôpitaux Cochin, Georges Pompi-
différentes disciplines médicales permet à ces patients
dou et Saint-Antoine. Cela nous est très utile pour gérer
d’être pris en charge de façon adéquate par les différents
certains dossiers difficiles, précise le Dr Bruno Buecher.
gastro-entérologues et notamment par le Dr Barbara
Grâce aux séquenceurs à haut débit, nous allons pouvoir
Dieumegard qui assure une consultation dédiée au
réaliser des analyses plus poussées. De nouveaux gènes
dépistage des formes précoces. La mutation familiale
de prédisposition sont également identifiés ce qui com-
peut ensuite être recherchée chez les membres de la
plexifie notre discipline. C’est une période charnière
famille du patient.
sur le plan technologique et sur le plan de l’évolu-
Outre le médecin spécialiste en oncogénétique clinique
tion des connaissances » conclut-il.
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
PAGE 10
UNE RECHERCHE CLINIQUE
ET TRANSLATIONNELLE
EN PLEIN ESSOR
L
es cancers colorectaux sont un problème
majeur de santé publique dans les pays occidentaux et le pronostic vital des patients est
essentiellement lié à la présence de métastases.
20 à 25% des patients sont diagnostiqués avec des
métastases et 40 à 50% des patients opérés pour un
cancer colorectal localisé en développeront au cours du
” Pour développer de
nouveaux traitements,
nous avons augmenté
nos activités de
recherches clinique et
translationnelle ”
suivi. « Malgré les progrès réalisés dans les traitements
Dr Astrid Lièvre
ces vingt dernières années, la survie moyenne de ces
patients métastasés est de 20 à 25 mois » indique le Dr
efforts sur deux pathologies, le cancer colorectal et les
Astrid Lièvre, gastro-entérologue et oncologue diges-
tumeurs du canal anal » poursuit-elle.
tive à l’Institut Curie. « Avec la montée en puissance
Découvrir de nouveaux marqueurs pronostiques
d’une médecine personnalisée, développer de nouveaux
et prédictifs de la réponse à une thérapie ciblée
traitements pour ces patients implique d’augmenter nos
est la première pierre à apporter à l’édifice. En
activités de recherches clinique et translationnelle. À
effet, concernant les marqueurs pronostiques, la classifi-
l’Institut Curie, nous avons choisi de concentrer nos
cation TNM sur laquelle tout clinicien se base s’avère
9. Un microsatellite est la répétition normale sur l’ADN d’un nombre variable de fois d’un
motif constitué de 1 à 4 nucléotides. L’instabilité des microsatellites se caractérise par la
variation anormale du nombre de séquences répétées dans l’ADN tumoral comparé à l’ADN du
même patient provenant de tissu sain. D’abord décrite dans un cancer héréditaire du côlon, le
syndrome de Lynch ou syndrome HNPCC (hereditary nonpolyposis colon cancer) où elle est
présente dans 95 % des cas, l’instabilité des microsatellites est aussi présente dans environ
15 % des cancers du côlon non héréditaires.
insuffisante. L’identification de nouveaux marqueurs
apparaît donc comme un objectif majeur. « L’instabilité
microsatellitaire 9, qui caractérise 15% des cancers
colorectaux, est un facteur associé à un bon pronostic
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
PAGE 11
” Les essais cliniques
intéressent
également les
personnes âgées ”
Pr Emmanuel Mitry
avons ainsi mis en place des réunions mensuelles avec
les chercheurs spécialistes de la muqueuse intestinale »
précise Astrid Lièvre.
Des projets étudiant les interactions entre la
tumeur et son micro-environnement, notamment
au cours de l’angiogenèse, sont envisagés. Ils
s’appuient sur des analyses des gènes et des produits
de leur expression (ARN messagers ou protéines), tant
sur des modèles de souris que des tumeurs coliques
mais elle signe également l’absence de bénéfice d’une
humaines.
chimiothérapie à base de 5 fluoro-uracile. Certaines
Autre pathologie ciblée par ces projets translationnels,
signatures génétiques telles Oncotype DX® et Colo-
le cancer de l’anus est une tumeur rare associée à un
print® émergent mais leur utilisation en pratique clinique
n’est pas validée » explique Astrid Lièvre.
En sus de l’Avastin 10, de nouvelles thérapies anti-angiogéniques ciblant le récepteur au VEGF 11 seront bientôt
disponibles. Le département de recherche translationnelle de l’Institut Curie développe en ce sens un projet
autour de xénogreffes 12 dérivées de tumeurs de patients.
« À l’Institut Curie, nous avons le privilège de pou-
voir accéder à plus d’une cinquantaine de xénogreffes colorectales humaines chez la souris, très
représentatives de l’hétérogénéité des cancers
colorectaux, indique Astrid Lièvre. À l’aide de ces
modèles, nous allons étudier d’éventuels facteurs de
réponse prédictifs à l’Avastin ». Pour évaluer la réponse à
cette thérapie ciblée, le clinicien peut se baser sur la
UN PREMIER ESSAI DE PHASE 3
CHEZ LES PLUS DE 75 ANS
réduction de la tumeur, sur l’anatomopathologie, ou
encore sur la microvascularisation du foyer tumoral. Dans
ce cas précis, il peut bénéficier de l’expertise des cher-
Les cancers colorectaux métastatiques
cheurs de l’équipe d’Andreas Volk en Imagerie par réso-
surviennent le plus souvent chez des patients
nance magnétique (IRM) dynamique. Cette technique
âgés. Pourtant ces derniers sont moins
permet l’analyse en temps réel de la vascularisation. Les
fréquemment traités par chimiothérapie en
tumeurs sensibles ou non au bevacizumab une fois iden-
comparaison des patients plus jeunes. L’objectif
tifiées, les profils d’expression des gènes de ces der-
de l’essai de phase 3 promu par la FFCD et
13
nières (le transcriptome) seront étudiées.
coordonné par le Pr Emmanuel Mitry était donc
En parallèle, chercheurs et cliniciens souhaitent mieux
d’évaluer le bénéfice d’une chimiothérapie
comprendre la carcinogenèse colorectale. « L’idée est de
associant, ou non, le 5-Fluoro-Uracile (5-FU)
rapprocher les médecins des interlocuteurs du centre de
avec l’irinotécan. « Les résultats de cette étude
recherche, autour de modèles d’étude de la formation de
sont aujourd’hui disponibles, explique le Pr
nouveaux vaisseaux (l’angiogenèse). Depuis un an, nous
Emmanuel Mitry. Ils montrent notamment que
dans cette population particulière l’irinotécan
10. Ou bevacizumab
11. Le VEGF est le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire. Il participe à la formation de nouveaux vaisseaux sanguins (angiogenèse).
12. La xénogreffe désigne la transplantation d’un greffon (organe par exemple) où le donneur est d’une espèce biologique différente de celle du receveur.
13. Équipe IRM fonctionnelle et moléculaire in vivo.
associé au 5-FU n’améliore pas la survie globale
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
et est associée à une toxicité accrue ».
PAGE 12
DES PROJETS DE RECHERCHE
TRANSLATIONNELLE
IMPLIQUANT DES XÉNOGREFFES
« Notre travail sur les xénogreffes de cancer colorec-
tal (par exemple une greffe de tumeurs de patients
directement sur une souris immunodéficiente) repose notamment sur les échantillons de tumeurs
issus du projet CReMEC (Centre de Ressource de
Modèles Expérimentaux de Cancer)
14
» explique
Virginie Dangles-Marie, chercheuse au Laboratoire
d’Investigation Préclinique de l’Institut Curie. Ce projet de recherche et développement collaboratif a
notamment permis la création d’une collection diversifiée de 54 modèles primaires de cancers
colorectaux humains. « Ces modèles sont d’autant
plus intéressants que la recherche préclinique actuelle repose souvent sur des lignées cellulaires,
cultivées in vitro pendant plusieurs années avant
d’être xénogreffées. Ces lignées dérivent vers des
profils génétiques différents de la tumeur d’origine
ce qui est un obstacle à l’évaluation des thérapies
humaine. « Dans le cas précis du cancer anal, dont
anticancéreuses ».
le traitement repose majoritairement sur la radio-
A l’aide de ces échantillons, et de ceux disponibles
thérapie, nous allons pouvoir tester de nouvelles
au Centre de ressources biologiques (CRB) de l’Ins-
molécules anticancéreuses grâce à la plateforme
titut Curie, Virginie Dangles-Marie, Astrid Lièvre,
de radiobiologie expérimentale installée sur le site
Wulfran Cacheux et Pascale Mariani, ainsi que les
d’Orsay » poursuit Virginie Dangles-Marie.
équipes scientifiques de l’Institut, vont donc travail-
Dans le cas du cancer du côlon, les scientifiques
ler à la caractérisation de nouveaux marqueurs
vont également tenter de greffer les cellules tumo-
prédictifs de la réponse aux molécules ciblant la
rales au niveau de l’intestin grâce à un coloscope
vascularisation de la tumeur, au développement
spécialement conçu pour le petit animal. « Greffées
de nouveaux médicaments en lien avec l’indus-
à l’emplacement anatomique habituel, un certain
trie pharmaceutique, ainsi qu’à la conception de
nombre de tumeurs est capable de métastaser de
nouveaux modèles de xénogreffes, en particu-
la même manière que chez l’homme. Nous pour-
lier de carcinome du canal anal.
rons alors suivre in vivo leur progression »
« Le laboratoire d’investigation préclinique est
conclut-elle.
chargé de concevoir des modèles animaux de can-
Développées depuis de nombreuses années à l’Ins-
cers du canal anal. Pour cela nous allons directe-
titut Curie, les xénogreffes de tumeurs dérivées de
ment récupérer l’échantillon tumoral au bloc
patients constituent un outil qui se développe de
opératoire avant de le greffer sur l’animal immuno-
plus en plus à l’échelle internationale. De nombreux
déficient ». Avantages de cette technique : ampli-
chercheurs viennent chaque année se former à
fier la quantité de matériel tumoral disponible et
cette technique à l’Institut Curie.
pouvoir tester des médicaments in vivo dans un
modèle reproduisant efficacement la pathologie
14. Ce projet a réuni des partenaires académiques et industriels dont l’Institut Curie,
l’Institut Gustave Roussy et l’hôpital Lariboisière.
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
PAGE 13
mauvais pronostic en cas de récidive. En majorité traités
par radiothérapie voire par radiochimiothérapie, les
patients pris en charge à l’Institut Curie y bénéficient
d’une véritable expertise dans ce domaine. Depuis 2000,
environ 300 tumeurs y ont ainsi été prises en charge.
« Cependant, une faible proportion de ces cancers est
d’emblée métastatique ou va récidiver après radiochimiothérapie. Le traitement repose alors sur une ablation
abdomino-périnéale qui parfois ne suffit pas » explique
Astrid Lièvre. Jusqu’ici peu étudiées sur le plan de la biologie, ces tumeurs font l’objet d’un travail de caractérisation moléculaire et d’identification de
NOTCH EST-IL IMPLIQUÉ
DANS LA CARCINOGENÈSE
ANALE CHEZ L’HOMME ?
facteurs prédictifs de la réponse à la radiochimiothérapie. Pour y parvenir, les scientifiques s’appuient sur la collection de tumeurs du canal anal,
prétraitées ou non, répertoriées dans le Centre de
ressources biologiques de l’Institut.
D’incidence rare, le cancer du canal anal est à la
différence du cancer du côlon, une tumeur
En marge des projets de recherche translationnelle, les
d’origine épidermique où la voie Notch a en
cliniciens de l’Institut Curie prennent également part à
général un rôle suppresseur de tumeur.
de nombreux essais cliniques. « Dans le cancer du côlon
Grâce aux échantillons détenus au Centre de
déjà opéré, nous participons à l’essai international Idea
ressources biologiques (CRB) de l’institut, Silvia
(International duration evaluation in adjuvant colon
Fre et son équipe étudient l’expression du
cancer). L’objectif de cette étude est de répondre à la
récepteur Notch et de ses cibles situées en
question suivante : peut-on réduire la durée du traite-
aval sur des coupes de tumeurs humaines. Pour
ment par chimiothérapie adjuvante par Folfox de 6 à 3
l’instant, une vingtaine a été analysée sur le
mois sans nuire à son efficacité ? » continue Astrid
plan histologique. Les premiers résultats
Lièvre. L’Institut Curie participe aussi à plusieurs
obtenus suggèrent que la voie Notch y aurait
essais autour du cancer colorectal métastatique
un rôle opposé à celui observé dans le cancer
impliquant la Fédération francophone de la cancérologie
du côlon. L’expression de Notch est ainsi très
digestive (FFCD) et Unicancer (essais « PRODIGE »). Ces
importante dans l’épithélium sain puis diminue
essais visent à comparer des stratégies de traitements
dans la tumeur. En collaboration avec Virginie
associant différentes chimiothérapies normalement
Dangles-Marie, les scientifiques
utilisées ou couplées à des thérapies ciblées.
développent un projet de xénogreffes de
« Par ailleurs je suis impliquée dans le volet translation-
tumeurs humaines du canal anal chez
nel de l’essai UCGI 25 » indique Astrid Lièvre. Cet essai
l’animal, avec pour objectif de déterminer
de phase 2 promu par Unicancer, évalue l’intérêt d’une
si la voie Notch y est également impliquée.
nouvelle thérapie ciblée dans les cancers colorectaux
« Nous souhaitons étudier la capacité de
chimiorésistants. Utilisées comme marqueur précoce de
cellules tumorales humaines du canal anal à
l’efficacité, les CTC sont étudiées avant et après traite-
développer des tumeurs chez des souris
versus cetuximab
immuno-déficientes. Nous les caractériserons
seul. Enfin l’essai Shine dont le Pr Emmanuel Mitry est
par la suite sur le plan moléculaire puisque très
ment par cetuximab
15
et afatinib
16
peu de données sont actuellement disponibles
15. Le Cetuximab est un anticorps monoclonal qui se lie au récepteur du facteur de croissance épidermique (EGF) surexprimé à la surface des cellules tumorales, bloquant ainsi son
action.
16. L’Afatinib est un inhibiteur irréversible des récepteurs tyrosine kinase de la famille ErbB
(EGFR ou ErbB1, HER2 ou ErbB2, HER3 ou ErbB3, HER4 ou ErbB4)
sur cette très rare tumeur, contrairement au
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
cancer du côlon » conclut Silvia Fre.
PAGE 14
²
l’investigateur principal pour la France évalue une nouvelle thérapie ciblée, l’AZD4547, contre le récepteur au
FGF 17, exprimé par 10 à 15% des tumeurs. « Des modifi-
cations génétiques des différents récepteurs au FGF ont
été décrites dans divers types de tumeur, dont le cancer
de l’estomac, signale le Pr Emmanuel Mitry. L’AZD4547
est un inhibiteur indirect puissant et sélectif des récepteurs FGFR-1, 2 et 3 impliqués dans la prolifération cellulaire. Environ 500 patients seront inclus au terme de cet
essai international prévu à la fin de l’année 2013. »
17. Les Facteurs de croissance émis par les fibroblastes (FGF) sont des protéines qui activent
la migration et la multiplication de cellules cibles.
18. Le facteur de croissance épidermique (EGF, de l’anglais epidermal growth factor) est une
hormone protéique responsable de la multiplication de cellules cibles.
LES SOURIS TRANSGÉNIQUES,
UN MODÈLE EXPÉRIMENTAL
COMPLÉMENTAIRE DE CELUI
DES XÉNOGREFFES
Avec l’obtention d’un modèle murin produisant
Maïa Chanrion, chercheuse dans le laboratoire
des adénocarcinomes invasifs hautement simi-
« Morphogenèse et signalisation cellulaires ».
laires à ceux rencontrés chez l’homme, les scienti-
Tumeur et métastase seront microdisséquées
fiques vont pouvoir tester sur un modèle différent
grâce à une collaboration avec le Collège de
de celui des xénogreffes, une série de molécules
France, équipée d’une plateforme dédiée.
ciblant le VEGF impliqué dans la formation de
Cela permettra notamment de comparer les
nouveaux vaisseaux sanguins ou les récepteurs
signatures moléculaires de la tumeur primaire
à l’EGF impliqués dans la prolifération cellulaire .
par rapport à celle des métastases associées.
Les mécanismes à l’origine de la résistance et
« Une attention particulière sera portée à l’isole-
de la sensibilité à ces drogues seront étudiés.
ment et à la caractérisation des cellules en phase
Ces travaux serviront à établir des signatures
de transition épithélio-mésenchymateuse, dont le
prédictives de la réponse au traitement.
rôle potentiel dans la dissémination métastatique
« En parallèle, nous débutons un projet en colla-
est fortement suspecté ». L’analyse de ces
boration avec Ivan Bièche, généticien, et Didier
différents compartiments se fera également au
Meseure, anatomopathologiste à l’Institut Curie,
moyen de la plateforme Fluidigm, en partie
dont l’objectif est d’isoler les différents comparti-
financée par l’Institut Curie, qui permet d’exami-
ments au sein de la tumeur, chez l’homme et chez
ner l’expression des gènes sur une très petite
l’animal, afin de mieux les analyser, explique
quantité de matériel.
18
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
PAGE 15
DÉCRYPTER LES MÉCANISMES
FONDAMENTAUX
DE LA CANCÉROGENÈSE
Fibroblastes ou cellules cancéreuses ?
La migration cellulaire disséquée
G
coopération avec des physiciens et des mathématiciens,
ils construiront par la suite un modèle de la migration
râce à l’action conjuguée d’une intense division
cellulaire en intégrant les données collectées. Les cher-
cellulaire au niveau des cryptes, de la migration
cheurs souhaitent également déterminer s’il existe une
des cellules et de leur mort à l’extrémité des villo-
communication spécifique entre les cellules épithéliales,
sités, l’intégralité de l’épithélium intestinal est renouve-
la matrice extracellulaire et les fibroblastes au cours de la
lée en une semaine. La perte de la synchronisation entre
migration.
la prolifération cellulaire et la migration ou encore la mort
Parallèlement les chercheurs étudient aussi les
cellulaire conduit à la formation de tumeurs. Dans les
mécanismes d’une migration « anormale » surve-
stades avancés de la progression tumorale, les cellules
nant au cours du cancer et qui conduit à la forma-
cancéreuses empruntent d’autres voies de migration :
tion de métastases. Les interactions entre les cellules
après dissolution de la membrane basale, elles migrent au
cancéreuses et les fibroblastes sont ainsi examinées à la
travers du stroma jusqu’à atteindre le système circulatoire
tin de souris transgéniques pour suivre la migra-
” Nous travaillons
en collaboration avec
des pathologistes de
l’Institut qui nous
fournissent des échantillons de tumeurs
digestives humaines ”
tion de ces cellules en 3 dimensions. Grâce à une
Danijela Vignjevic
à partir duquel elles disséminent.
S’agit-il d’un mécanisme actif ou bien sont-elles passivement « poussées » sous la pression des divisions cellulaires ? Pour tenter de le comprendre l’équipe de
chercheurs dirigée par Danijela Vignjevic analyse
au microscope bi-photonique des biopsies d’intes-
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
PAGE 16
de cancers du côlon humains ou murins, ainsi que ceux
du tissu environnant « sain », puis les réinjectons chez
des souris développant naturellement ces tumeurs. Cela
nous renseigne également sur leur croissance et leur
capacité à induire la formation de métastases ».
Notch, un acteur indispensable
de la prolifération et de la
différenciation des cellules digestives
Comment les cellules coordonnent-elles leur action pour
construire les tissus ? En 2005, Silvia Fre alors chercheuse dans l’équipe du Pr Daniel Louvard montre que la
voie Notch est indispensable pour le maintien des celloupe. Notamment, les scientifiques espèrent détermi-
lules prolifératives de la crypte, siège du développement
ner quelles cellules, tumorales ou fibroblastiques, sont
des tumeurs. En 2009, grâce à l’utilisation de souris
responsables de la destruction de la membrane basale,
transgéniques, les chercheurs montrent également que
permettant ainsi la dissémination dans la circulation
la synergie des voies Wnt et Notch conduit au dévelop-
sanguine ; et de quelle manière ? « S’il s’agit des cellules
pement de très nombreux adénomes dans l’épithélium
cancéreuses, les fibroblastes sécrètent-ils des molécules
du côlon. Or chez l’homme, la majorité des tumeurs se
les rendant invasives ? Si ce sont les fibroblastes, nous
développent dans le côlon…
déterminerons quelle sous-population en est à l’ori-
Les voies Wnt et Notch contrôlent donc de manière coo-
gine » explique Danijela Vignjevic.
pérative la prolifération cellulaire et le développement
« Nous travaillons également en collaboration avec des
tumoral de l’épithélium digestif. La voie Notch est-elle
pathologistes de l’Institut qui nous fournissent des
également activée dans les cancers colorectaux
échantillons de tumeurs digestives humaines » pour-
humains ? Pour le démontrer, Silvia Fre tire partie des
suit-elle. Les chercheurs peuvent ainsi étudier l’ex-
collections de tumeurs humaines conservées à l’hôpital
pression de certains gènes ou l’accumulation de
de l’Institut Curie. Elle montre ainsi que la voie Notch est
certains fibroblastes au cours de la progression
fortement activée dans les polypes bénins, contraire-
tumorale. Ils examinent notamment comment in vivo le
ment aux carcinomes invasifs où elle ne l’est plus.
micro-environnement de la tumeur facilite la migration
Notch serait ainsi indispensable uniquement pour l’initia-
de cellules cancéreuses. « Nous isolons des fibroblastes
tion du processus tumoral.
Forte de ces résultats, l’équipe de chercheurs poursuit
ZOOM SUR...
aujourd’hui l’étude de la voie Notch chez l’homme.
« Dans cette optique, nous collaborons avec les
Pour la réalisation de ces projets, Danijela
cliniciens qui souhaitent connaître les raisons
Vignjevic peut compter sur un financement
physiologiques de l’insuccès d’une chirurgie de
obtenu en juillet 2012 du Conseil Européen
résection, explique Silvia Fre. Étant donné que le gène
de la Recherche. Créées en 2007, les bourses
Notch n’est pas muté dans ces tumeurs, nous devons
de l’ERC (European research council), d’un
analyser la modulation des signaux Notch durant la pro-
montant de 1,5 à 1,9 million d’euros, sont
gression tumorale par immunohistochimie » poursuit-elle.
considérées comme une véritable reconnaissance
Grâce à une souris transgénique spécialement
au niveau européen de l’excellence des équipes
conçue pour n’activer Notch que dans les tissus sou-
et des établissements d’enseignement supérieur
haités, les chercheurs disposent ici d’un modèle se
et de recherche récompensés.
rapprochant fortement des tumeurs humaines.
« Depuis 2010, nous nous intéressons particulièrement
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
PAGE 17
moment voulu. Cette démarche a permis aux chercheurs
de caractériser plusieurs modèles murins affectés dans
une ou plusieurs voies majeures de signalisation impliquées dans le développement des processus tumoraux,
telles que la voie Wnt, Ras, Notch et p53.
« Grâce à la caractérisation de ces voies, nous
avons aujourd’hui à disposition un modèle murin
générant de nombreux adénocarcinomes invasifs
et de métastases » explique Sylvie Robine, directrice
de recherche au sein de l’équipe. Ce modèle possède une
au comportement des cellules souches et avons montré
mutation activatrice dans la voie Notch, ainsi qu’une
que cette voie est essentielle dans le maintien des cel-
perte du gène p53 uniquement localisées dans l’épithé-
lules de la crypte intestinale » indique Silvia Fre. Étant
lium intestinal adulte. « Ces souris présentent l’avantage
donné que Notch est un marqueur des cellules souches
de développer dans presque 100% des cas des adéno-
normales, est-il également présent dans les cellules
carcinomes invasifs ainsi que des métastases dans le
souches cancéreuses ? Les chercheurs dissèquent
foie et dans 50% des cas des carcinoses péritonéales, ce
l’hétérogénéité des tumeurs : quelles sont les parti-
qui n’était pas le cas des autres modèles décrits jusqu’ici.
cularités de leurs transcriptomes, de leur croissance en
Nous avons ainsi un modèle très proche de ce qu’il se
trois dimensions ? sont-elles capables de reformer des
tumeurs ? « Au sein du réseau européen de laboratoires
formés dans le contexte du septième programme-cadre
de recherche, nous essayons de déterminer si Notch
peut être un marqueur des cellules souches normales et tumorales chez l’homme. Cela nous permettra de les isoler puis de réaliser des xénogreffes
ultérieures chez la souris et ainsi voir si ces cellules sont
capables de reformer des tumeurs » précise Silvia Fre.
”Nous avons à disposition des modèles
animaux générant
de nombreux adénocarcinomes invasifs et
des métastases ”
Sylvie Robine
En marge des recherches fondamentales, le laboratoire
travaille sur un projet réunissant les chirurgiens, anatomopathologistes et oncologues médicaux de l’Institut
passe chez l’humain, précise-t-elle. Autre aspect impor-
Curie. « La collaboration avec les anatomopatholo-
tant, nous démontrons pour la première fois in vivo
gistes est à ce titre fondamentale pour repérer les
l’existence de la transition épithélio-mésychamenteuse
signes de l’agressivité d’une tumeur sur nos
dans le processus cancéreux. Au cours de ce dernier, la
coupes » explique Silvia Fre.
cellule tumorale, change de morphologie, devient
mésenchymateuse et pourrait traverser la paroi des
Les modèles murins du cancer
colorectal, acteurs-clés d’une meilleure
compréhension du cancer
vaisseaux sanguins pour disséminer dans l’organisme ».
Depuis de nombreuses années, l’équipe du Pr Daniel
cliniciens de l’Ensemble hospitalier de l’Institut.
s’intéresse à la biologie de
« Une tradition de longue date » explique Sylvie Robine
l’épithélium intestinal. Par une stratégie de ciblage de
qui rappelle que le laboratoire a depuis toujours colla-
gènes par transgenèse chez la souris, les chercheurs
boré avec les services de chirurgie, d’oncologie et d’ana-
sont aujourd’hui capables d’exprimer et/ou d’invalider
tomopathologie de l’Institut Curie.
Louvard à l’Institut Curie
19
Avec ce modèle, les chercheurs vont pouvoir
développer de nouvelles collaborations avec les
certains gènes essentiels à l’homéostasie de l’épithélium intestinal, uniquement dans le tissu souhaité et au
19. Laboratoire Morphogenèse et signalisation cellulaires.
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE
PAGE 18