les cancers digestifs à l`institut curie : de la prise en charge précoce
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les cancers digestifs à l`institut curie : de la prise en charge précoce
LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE DOSSIER DE PRESSE février 2013 LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE PAGE 1 LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE L’ Institut Curie est une fondation reconnue d’utilité CANCERS DIGESTIFS, QUELS CONSTATS ? publique associant le plus grand PAGE 3 centre de recherche français en cancérologie et un ensemble hospitalier référent pour les cancers DU DÉPISTAGE AUX TRAITEMENTS, UNE PRISE EN CHARGE GLOBALE du sein, les tumeurs pédiatriques PAGE 6 et celles de l’œil. Fondé en 1909 par Marie Curie, il a pour missions la recherche, les soins et l’enseignement UNE RECHERCHE CLINIQUE ET TRANSLATIONNELLE EN PLEIN ESSOR PAGE 10 au bénéfice des patients touchés par le cancer. L’Institut Curie rassemble près de 3 200 chercheurs, médecins et soignants mobilisés pour DÉCRYPTER LES MÉCANISMES FONDAMENTAUX DE LA CANCÉROGENÈSE PAGE 15 lutter contre le cancer. Pour accélérer les découvertes et ainsi améliorer la qualité de vie des malades, le soutien des Catherine Goupillon-Senghor Responsable des relations presse Tél. 01 56 24 55 23 donateurs est essentiel. Pour en savoir plus : www.curie.fr Direction de la communication de l’Institut Curie Graphisme Dominique Hamot Photographies Noak / Le Bar Floréal - Pedro Lombardi - Christophe Hargoues - Alexandre Lescure Sylvie Robine - Maïa Chanrion - Fatima el Marjou Silvia Fre / Institut Curie Céline Giustranti Chargée de l’information scientifique et médicale Tél. 01 56 24 55 24 [email protected] Photothèque [email protected] LES CANCERS DIGESTIFS L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE L’Institut Curie est privée reconnue d’utilité publique, habilitée à recevoir des dons legset legs L’Institut Curie estune uneÀfondation fondation privée reconnue d’utilité publique, habilitée à recevoir deset dons PAGE 2 CANCERS DIGESTIFS, QUELS CONSTATS ? D ’incidences variables, les cancers digestifs tion précoce. 60 à 80 % des cancers colorectaux se progressent, principalement en raison de l’aug- développeraient à partir d’une tumeur bénigne, appelée mentation des cas de cancer colorectal. Avec polype ou adénome. Pourtant, le pronostic vital est environ 40 500 nouveaux cas estimés en 2011 étroitement lié au stade de développement de la mala- dont 53% survenant chez l’homme, le cancer du die au moment du diagnostic et s’avère particulièrement côlon-rectum se situe, tous sexes confondus, au important pour le cancer colorectal. En effet, lorsque ce troisième rang des cancers les plus fréquents après le cancer de la prostate et celui du sein, et le deuxième en termes de mortalité après le INCIDENCE ET MORTALITÉ DES CANCERS DIGESTIFS EN 20111 cancer du poumon. La majorité des nouveaux cas de cancer du côlon-rectum estimés en 2011 surviennent Côlon-rectum : 40 520 nouveaux cas et 17 526 décès chez les personnes âgées de 50 ans et plus (71% chez Pancréas : 9 038 nouveaux cas* les hommes et 95% chez les femmes). Le diagnostic est Foie : 8 206 nouveaux cas* également tardif : il était estimé en 2005 à 70 ans chez Estomac : 6 438 nouveaux cas et 4433 décès l’homme et 73 ans chez la femme. Évoluant souvent Œsophage : 4 276 nouveaux cas et 3 444 décès dans un premier temps sans symptôme, le cancer colorectal est de ce fait diagnostiqué parfois tardivement et nécessite alors des traitements lourds. Or, des tests de dépistage fiables permettent sa détec- 1. Chiffres issus du rapport technique de l’Inca et de l’Invs sur la projection de l’incidence et de la mortalité par cancer en France en 2011. * Les estimations de mortalité ne sont pas présentées en raison de la qualité incertaine des données. LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE PAGE 3 cancer est détecté à un stade précoce (cancer superficiel dans la paroi de l’intestin), le taux de survie à 5 ans après le diagnostic dépasse alors 90 % 2 contre 69,5 % pour le stade régional (envahissement ganglionnaire) et 11,3 % pour le stade métastasique. Le dépistage peut donc permettre d’agir sur la baisse de la mortalité par cancer colorectal mais aussi sur la qualité de vie du patient, avec des traitements moins lourds. Généralisé à la fin de l’année 2008, le dépistage organisé du cancer colorectal consiste en l’envoi d’un courrier aux hommes et femme âgées de 50 à 74 ans les invitant à aborder la LES TUMEURS NEUROENDOCRINES question avec leur médecin traitant et à effectuer un test de recherche de sang dans les selles si celui-ci D’incidence faible –environ 1% des cancers digestifs-, les tumeurs neuroendocrines s’avère indiqué. Le cancer du pancréas, ou adénocarcinome canalaire, constituent un groupe hétérogène de cancers, est une maladie des cellules constituant les canaux qui aux localisations diverses, et pour lesquels il transportent le suc pancréatique. Plusieurs facteurs de existe peu de données épidémiologiques. Leur risque sont évoqués sans pour autant être clairement incidence augmente régulièrement depuis les désignés à ce jour : le tabagisme, une consommation années 1980. En France, on dénombre 11 400 élevée d’alcool, la présence d’une obésité, d’un diabète localisations digestives pour la période ou encore d’une inflammation chronique. En effet, beau- s’étendant de 1976 à 1999. L’intestin grêle, le coup de ces cancers surviennent sans explication connue. côlon, le rectum et le pancréas sont les organes Ils sont plus fréquents chez l’homme que chez la femme les plus souvent touchés. et surviennent le plus souvent entre 70 et 80 ans. Des réseaux structurés sont destinés à améliorer Comparés aux autres pays européens, l’incidence et la la prise en charge des patients. Ainsi, le Groupe mortalité par cancer de l’estomac sont faibles en d’étude des tumeurs endocrines (GTE) est un France. L’incidence de ce cancer a été divisée par deux réseau clinique et scientifique créé en 2002 en 30 ans. Des progrès réalisés dans la prise en charge réunissant les différentes spécialités impliquées diagnostique et thérapeutique, l’hygiène alimentaire ont en organisant des réunions scientifiques pu favoriser l’amélioration de la survie, même si ce cancer et médicales. Présidé par le Pr Emmanuel Mitry, le GTE reste de mauvais pronostic. Concernant les hommes, dans 80% des cas, les tumeurs organise chaque année un congrès. En 2012, du foie surviennent le plus souvent au cours de l’évolu- celui-ci s’est tenu à l’Institut Curie. tion d’une maladie chronique du foie comme une cirrhose ou une hépatite B ou C, et dans de rares cas sur un foie même augmente régulièrement depuis 25 ans. 900 sain. nouveaux cas sont dénombrés chaque année 3. Les 2/3 Le cancer de l’oesophage se développe quant à lui le des personnes atteintes ont plus de 65 ans, avec une plus souvent à partir des cellules de la muqueuse. Les nette prédominance féminine (sex ratio de 4 femmes 3/4 des patients concernés sont des hommes, le plus pour 1 homme). Dans la population infectée par le VIH 4, souvent âgés de plus de 50 ans. le cancer de l’anus est le 3ème cancer le plus fréquent Le cancer du canal anal est désormais considéré dans chez l’homme et le 7ème chez la femme. 80 à 85% des cas comme induit par l’intégration du matériel génétique du papillomavirus humain (HPV). Le virus de l’immunodéficience humaine acquise (VIH) augmente l’incidence des cancers du canal anal, qui elle- 2. Horner MJ et al. SEER Cancer Statistics Review, 1975-2006,National Cancer Institute. Bethesda, MD, http://seer.cancer.gov/csr/1975_2006/ based on November 2008 SEER data submission, posted to the SEER web site, 2009. 3. Abramowitz, Rev Epidemiol Sante Publique 2010 4. Lanoy E et al. “The spectrum of malignancies in HIV-infected patients in 2006 in France: The ONCOVIH study.” Internatio¬nal Journal of Cancer. Volume 129 pages 467–475, 2011 July 15. LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE PAGE 4 TROIS QUESTIONS AU… Pr Emmanuel Mitry, Directeur médical thématique « digestif, urologie, gynécologie », gastro-entérologue et oncologue digestif Quelles pathologies digestives sont prises en charge à l’Institut Curie ? En dehors du cancer colorectal, les équipes médicales s’occupent essentiellement des tumeurs du foie, de l’estomac, du pancréas et de l’œsophage. Tous les types de tumeurs digestives peuvent néanmoins y être traités. Ainsi, l’Institut Curie est spécialisé dans la prise en charge de tumeurs rares comme celles du des passerelles entre leurs disciplines respectives qui canal anal traité par radiothérapie, les tumeurs permettent d’accélérer l’innovation diagnostique et neuroendocrines, ainsi que celles des stades avancés thérapeutique. du cancer colorectal. La technique de chimiothérapie intra-péritonéale hyperthermique (CHIP) utilisée pour Quelles priorités l’Institut s’est-il fixé ? les formes avancées de certains cancers du côlon Nous misons sur la prévention des cancers digestifs y est pratiquée. L’Institut Curie fait ainsi partie des en renforçant notre offre de prise en charge précoce. 3 ou 4 seuls centres la proposant en Ile-de-France. Concrètement cela se traduit par la mise en place depuis septembre 2012 de consultations dédiées. Quels sont ses atouts ? Au cours de celles-ci, le risque familial, s’il existe, est L’Institut Curie dispose d’équipes pluridisciplinaires évoqué et la technique de dépistage la mieux de qualité, que ce soit en clinique ou dans le domaine adaptée (dont la coloscopie) est proposée au patient. de la recherche. Oncologues médicaux, chirurgiens, Parallèlement nous développons fortement la oncogériatres, conseillers en génétique ou encore recherche clinique et la recherche translationnelle anatomopathologistes travaillent de concert pour déjà existantes. Un groupe constitué de cliniciens proposer une prise en charge globale et personnali- et de chercheurs de l’Institut s’est ainsi formé et se sée au patient. De plus, l’Institut Curie fait figure réunit mensuellement depuis un an. Des projets sont d’exception dans le paysage clinique puisqu’il associe déjà entamés autour de la pathologie du canal anal à son ensemble hospitalier, un centre de recherche de et des traitements anti-angiogéniques des tumeurs pointe. Médecins et chercheurs créent régulièrement digestives. LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE • 548 patients pris en charge pour un cancer digestif en 2011 • 516 interventions de chirurgie digestive en 2011 5 • 100 consultations d’oncogénétique digestive chaque année 5. Prise en charge en hospitalisation conventionnelle • Spécialisé dans la prise en charge des tumeurs endocrines et du canal anal LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE PAGE 5 DU DÉPISTAGE AUX TRAITEMENTS, UNE PRISE EN CHARGE GLOBALE Des consulations précoces pour dépister au plus tôt D s’avèrent également cruciales dans le cadre d’une prédisposition familiale. épister le plus tôt possible la maladie est Dispensées deux fois par semaine, elles intéressent fondamental pour améliorer le pronostic vital. différents publics avant l’apparition d’un quelconque Ainsi dans le cas du cancer colorectal, le taux de symptôme. « La très grande majorité des personnes qui survie à 5 ans après le diagnostic dépasse 90% si celui- prennent rendez-vous ont eu un membre de leur famille ci est détecté à un stade précoce . « Traditionnellement touché par un cancer du côlon, de l’estomac ou autres, et dans les centres de lutte contre le cancer les patients se posent la question de la nécessité de réaliser un étaient pris en charge après le diagnostic, puis traités. Le examen de dépistage, précise le Dr Barbara Dieumegard. 6 7 dépistage, au travers de consultations dédiées et de la réalisation de coloscopies, n’était pas toujours assuré. ” Nous offrons Grâce à la mise en place en septembre 2012 de aux patients consultations précoces, nous offrons la possibilité aux patients d’être suivis tout le long du processus et leur pro- l’opportunité d’être posons une offre de soins complète » explique le Dr Bar- suivis tout au long bara Dieumegard, gastro-entérologue et oncologue de leur parcours ” digestif, responsable des consultations de prise en charge précoce des cancers digestifs à l’Institut Curie. Dr Barbara Dieumegard « Bon nombre d’entre eux étaient demandeurs d’un tel dispositif, poursuit-elle, notamment pour être suivis entièrement sur un même site ». Ces consultations 6. Horner MJ et al. SEER Cancer Statistics Review, 1975-2006 , National Cancer Institute. Bethesda, MD, http://seer.cancer.gov/csr/1975_2006/ based on November 2008 SEER data submission, posted to the SEER web site, 2009. 7. stade I, cancer superficiel dans la paroi du côlon. LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE PAGE 6 Je retrace donc leur histoire familiale et propose l’examen le mieux adapté à leur cas en tenant compte du facteur de risque. S’il s’avère qu’une incidence anormalement élevée de cancers est présente au sein de leur famille, je les redirige en consultations d’oncogénétique pour déterminer s’ils sont porteurs d’une mutation.» D’autres patients viennent dans le cadre du dépistage national du cancer du côlon. « Après avoir réalisé le test de dépistage Hemoccult® qui s’est avéré positif, ces personnes sont prises en charge pour réaliser l’examen de dépistage qui confirmera ou non la présence d’une lésion tumorale ». Enfin, le Dr Barbara Dieumegard reçoit également des patients présentant une prédisposition génétique particulière. « Ces derniers nous sont adressés par les services d’oncogénétique de l’Institut qui ont auparavant détecté une anomalie génétique dans le génome des patients, annonciatrice d’un risque plus élevé de développer un cancer digestif ». De la même façon, l’examen de dépistage le plus approprié leur est proposé. UNE TECHNIQUE INNOVANTE EN CHIRURGIE DIGESTIVE : LA CHIMIOHYPERTHERMIE INTRAPÉRITONÉALE (CHIP) Pour les patients qui présentent déjà des symptômes Technique combinant chirurgie et digestifs, et qui sont souvent suivis pour un autre chimiothérapie, la CHIP vise à traiter cancer à l’Institut, un bilan endoscopique est prescrit et localement la dissémination de cellules réalisé in situ. cancéreuses dans la cavité abdominale, La chirurgie : un traitement de référence en évolution « En oncologie digestive, la chirurgie reste le traite- ment de référence du cancer primitif et des métastases » explique le Pr Bernard Baranger, chef du invisibles pour le chirurgien, et poutant source de récidives. Cette dissémination peut être à l’origine d’une carcinose péritonéale chez certains patients atteints de cancers du côlon. En pratique, le chirurgien enlève dans un premier temps tous les foyers cancéreux visibles à l’œil nu. Puis il département de chirurgie à l’Institut Curie. « En revanche, « baigne » la cavité abdominale avec de la sa place a diminué, voire disparu, dans le traitement des chimiothérapie à très forte concentration chauffée tumeurs très évoluées ». La chirurgie palliative conserve à 43°C pour augmenter son effet. Ce « bain » permet d’atteindre des cellules tumorales plus LE SAVIEZ-VOUS ? Chez les patients atteints de cancer du côlon, le dépistage d’autres cancers digestifs peut s’avérer essentiel. Ainsi dans le cadre d’une polypose difficilement accessibles par la suite. L’intervention pouvant durer plusieurs heures, la CHIP nécessite un équipement particulier ainsi qu’une formation pointue du personnel médical. Elle reste le traitement de référence de deux colique familiale, un cancer de l’intestin grêle peut maladies rares, le mésothéliome péritonéal et le se déclarer après le cancer du côlon. pseudomyxome péritonéal, en augmentant leur Dans le syndrome de Lynch, c’est un cancer de l’intestin grêle ou de l’estomac qui peut être associé au cancer du côlon. espérance de vie à 5 ans de 30 à 40%, et se développe de plus en plus dans le traitement des carcinoses péritonéales de cancer colorectal. LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE PAGE 7 elle toute sa place dans le traitement des complications digestives de la chimiothérapie, de la radiothérapie ou de la tumeur elle-même. Qualité de vie, préservation de l’organe, de sa fonction et confort du patient sont ainsi toujours privilégiés. C’est en ce sens que la chirurgie mini-invasive a été développée et permet aujourd’hui de retirer par coelioscopie des tumeurs rectales, coliques ou des tumeurs du foie, ainsi que des résections d’œsophage sous thoracoscopie. « La chirurgie pratiquée de nos jours est de fait plus sophistiquée qu’avant. Dès que cela est possible, on essaye de restaurer la continuité digestive en ne recou- LES CANCERS DU CANAL ANAL rant pas à un anus artificiel par exemple », poursuit-il. Traitement de première intention des tumeurs du canal anal, la radiothérapie a pour double ² objectif le contrôle local définitif de la tumeur UN ÉCHO-ENDOSCOPE POUR GAGNER EN PRÉCISION DIAGNOSTIQUE et la conservation d’un sphincter anal fonctionnel. Ce but est atteint pour 80% des cancers du canal anal traités par radiothérapie. Pour les lésions volumineuses, une chimiothérapie concomitante de Fin 2012, l’Institut Curie s’est doté d’un nouvel appareil permettant d’affiner le bilan pré-thérapeutique des cancers du tube digestif. potentialisation lui est associée. La chirurgie (le plus souvent mutilante, avec ablation du sphincter et colostomie définitive) est réservée aux échecs de la radiothérapie. « Nous « Cet outil donne des informations beaucoup plus précises que l’endoscopie standard intervenons au moyen de différentes puisqu’il permet d’évaluer des éléments de techniques, précise le Dr Alain Labib, pronostic majeurs comme la profondeur radiothérapeute à l’Institut Curie et spécialiste de la prise en charge de ces tumeurs. d’infiltration de la tumeur dans la paroi La radiothérapie externe initiale peut par digestive et la présence de ganglions suspects à proximité invisibles par les autres exemple être complétée par une curiethérapie interstitielle. La radiothérapie techniques » précise Bruno Buecher, oncologue médical qui s’est formé pour l’occasion à la technique. Cette dernière permet également de conformationnelle curative avec modulation d’intensité par tomothérapie 8 permet d’espérer réaliser des ponctions dans l’épaisseur de la d’encore meilleurs résultats, avec le moins paroi digestive, ainsi que des structures de d’effets secondaires possibles » poursuit-il. En Île-de-France, seuls trois appareils de voisinage situées au-delà. L’intérêt de cette approche dépasse le cadre de la tomothérapie hélicoïdale sont disponibles dont deux sont installés et en service à cancérologie digestive. Elle peut par exemple l’Institut Curie. s’avérer très précieuse dans le bilan d’extension de certains cancers bronchiques (ponction à travers l’oesophage de ganglions suspects localisés dans le médiastin postérieur). 8. La tomothérapie hélicoïdale est un équipement de radiothérapie innovant qui permet de faire une imagerie en coupe en trois dimensions ainsi qu’une irradiation avec modulation d’intensité (RCMI), avec le même accélérateur situé dans un anneau. Il est alors possible de délivrer une irradiation homogène dans des volumes grands et complexes et d’éviter les organes contigus. L’imagerie embarquée en coupe permet de vérifier le positionnement du faisceau durant la séance. LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE PAGE 8 Intégrée dans une démarche de prise en charge globale, la chirurgie est aujourd’hui associée à une chimiothérapie moins invalidante et à une consultation d’oncogériatrie chez les plus de 75 ans. « Toutes les décisions chirurgicales sont prises en réu- nion de concertation pluridisciplinaire réunissant entre autres des anatomopathologistes, des radiologues, des chirurgiens et des oncologues médicaux, pour décider du meilleur schéma thérapeutique. Le patient est mis au centre du débat et non plus son organe » ajoute le Pr Bernard Baranger. En pratique et pour prendre un exemple, l’intervention chirurgicale sur le cancer du côlon consiste à examiner la cavité abdominale et à palper le foie pour vérifier qu’il LE CHIRURGIEN, UN PARTENAIRE DE CHOIX POUR L’ÉTUDE DES TUMEURS DIGESTIVES EN RECHERCHE CLINIQUE ET TRANSLATIONNELLE n’existe pas de métastases. Selon la localisation de la tumeur, la totalité du côlon gauche ou du côlon droit est « Dans un centre de lutte contre le cancer, enlevée et non pas seulement la zone dans laquelle se le chirurgien est le maillon d’une chaîne et situe la tumeur. Cette précaution permet une analyse possède une vision « oncologique » de sa ultérieure des ganglions lymphatiques, de manière à réa- spécialité. Je participe ainsi spontanément à la liser un bilan exact de la maladie. Dans le cas du rectum, recherche translationnelle, de par notamment le traitement débute souvent par une radiothérapie, le mon implication dans les réunions de concertation plus souvent associée à une chimiothérapie. Le volume pluridisciplinaire, mais aussi en fournissant aux de la tumeur est ainsi diminué, ce qui facilite l’acte chirur- chercheurs des prélèvements tumoraux qui les gical et diminue le risque de récidive locale. aident dans leur meilleure caractérisation des processus tumoraux digestifs » explique le ” Toutes les décisions Dr Pascale Mariani, chirurgien à l’Institut Curie. « Par ailleurs, je coordonne l’essai Circé 03 issu chirurgicales sont de l’essai multicentrique PRODIGE 14-Accord 21 prises en réunion d’Unicancer. Celui-ci concerne des patients de concertation pluridisciplinaire ” Pr Bernard Baranger atteints d’un cancer du côlon avec des métastases hépatiques au départ non opérables. Dans cette étude, différentes chimiothérapies sont testées, avec pour intention in fine de permettre un acte chirurgical. Cependant, certains patients vont récidiver rapidement après cette chimiothérapie La génétique pour dépister les formes héréditaires intensive et cette chirurgie. L’objectif de Circé 03 Dans 5% des cas, les cancers digestifs de l’adulte qui bénéficieront de ce traitement en les repérant peuvent être héréditaires et donc avoir pour ori- en amont. Nous observons pour cela les variations gine une mutation familiale. Un âge inhabituelle- des cellules tumorales circulantes (CTC) avant ment jeune au diagnostic et la multiplication des cas le geste de chirurgie hépatique. Ici la chirurgie dans la famille sont les arguments principaux évoquant s’inscrit dans une démarche de traitement person- une forme héréditaire. A l’Institut Curie, des consulta- nalisé ce qui est nouveau et de grande tions d’oncogénétique sont donc ouvertes pour dépister importance ». est d’essayer de sélectionner mieux les patients ces formes héréditaires. « L’histoire tumorale d’un indiLES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE PAGE 9 ² LE SAVIEZ-VOUS ? Les principales formes héréditaires des cancers du côlon et du rectum correspondent aux polyposes liées aux mutations des gènes APC ou MUTYH et au syndrome de Lynch, lié à une mutation d’un gène du système de réparation des lésions de l’ADN appelé MMR. Il existe également différentes formes héréditaires de cancers du pancréas et de l’estomac, ainsi que d’autres formes rares de cancers digestifs (tumeurs neuroendocrines, tumeurs stromales gastrointestinales entre autres). vidu y est attentivement étudiée ainsi que celle de toute et moléculaire, l’équipe des consultations d’oncogéné- sa famille. C’est à ce moment que l’on juge de l’existence tique se compose de conseillers en génétique chargés possible d’un facteur génétique de prédisposition » d’établir l’arbre généalogique, de psycho-oncologues et explique le Dr Bruno Buecher, oncologue médical et d’assistantes médicales. oncogénéticien. En fonction de différents paramètres et Cette équipe travaille en étroite collaboration avec les à l’issue de cette consultation, le clinicien peut prescrire gastro-entérologues, les chirurgiens et le laboratoire de une analyse génétique pour rechercher des mutations génétique moléculaire qui traite les demandes d’ana- dans les gènes de susceptibilité au cancer. lyses génétiques par les techniques les plus efficaces à ce jour. « En îIe-de-France, il existe également un réseau S’il s’avère que la tumeur a bien une origine de spécialistes en oncogénétique digestive. Par consé- héréditaire, des mesures spécifiques de prise en quent nous participons régulièrement à des réunions de charge et de suivi sont alors proposées par l’onco- concertation communes avec nos confrères de l’Institut généticien. À l’Institut Curie, le travail en réseau des Gustave Roussy et des hôpitaux Cochin, Georges Pompi- différentes disciplines médicales permet à ces patients dou et Saint-Antoine. Cela nous est très utile pour gérer d’être pris en charge de façon adéquate par les différents certains dossiers difficiles, précise le Dr Bruno Buecher. gastro-entérologues et notamment par le Dr Barbara Grâce aux séquenceurs à haut débit, nous allons pouvoir Dieumegard qui assure une consultation dédiée au réaliser des analyses plus poussées. De nouveaux gènes dépistage des formes précoces. La mutation familiale de prédisposition sont également identifiés ce qui com- peut ensuite être recherchée chez les membres de la plexifie notre discipline. C’est une période charnière famille du patient. sur le plan technologique et sur le plan de l’évolu- Outre le médecin spécialiste en oncogénétique clinique tion des connaissances » conclut-il. LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE PAGE 10 UNE RECHERCHE CLINIQUE ET TRANSLATIONNELLE EN PLEIN ESSOR L es cancers colorectaux sont un problème majeur de santé publique dans les pays occidentaux et le pronostic vital des patients est essentiellement lié à la présence de métastases. 20 à 25% des patients sont diagnostiqués avec des métastases et 40 à 50% des patients opérés pour un cancer colorectal localisé en développeront au cours du ” Pour développer de nouveaux traitements, nous avons augmenté nos activités de recherches clinique et translationnelle ” suivi. « Malgré les progrès réalisés dans les traitements Dr Astrid Lièvre ces vingt dernières années, la survie moyenne de ces patients métastasés est de 20 à 25 mois » indique le Dr efforts sur deux pathologies, le cancer colorectal et les Astrid Lièvre, gastro-entérologue et oncologue diges- tumeurs du canal anal » poursuit-elle. tive à l’Institut Curie. « Avec la montée en puissance Découvrir de nouveaux marqueurs pronostiques d’une médecine personnalisée, développer de nouveaux et prédictifs de la réponse à une thérapie ciblée traitements pour ces patients implique d’augmenter nos est la première pierre à apporter à l’édifice. En activités de recherches clinique et translationnelle. À effet, concernant les marqueurs pronostiques, la classifi- l’Institut Curie, nous avons choisi de concentrer nos cation TNM sur laquelle tout clinicien se base s’avère 9. Un microsatellite est la répétition normale sur l’ADN d’un nombre variable de fois d’un motif constitué de 1 à 4 nucléotides. L’instabilité des microsatellites se caractérise par la variation anormale du nombre de séquences répétées dans l’ADN tumoral comparé à l’ADN du même patient provenant de tissu sain. D’abord décrite dans un cancer héréditaire du côlon, le syndrome de Lynch ou syndrome HNPCC (hereditary nonpolyposis colon cancer) où elle est présente dans 95 % des cas, l’instabilité des microsatellites est aussi présente dans environ 15 % des cancers du côlon non héréditaires. insuffisante. L’identification de nouveaux marqueurs apparaît donc comme un objectif majeur. « L’instabilité microsatellitaire 9, qui caractérise 15% des cancers colorectaux, est un facteur associé à un bon pronostic LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE PAGE 11 ” Les essais cliniques intéressent également les personnes âgées ” Pr Emmanuel Mitry avons ainsi mis en place des réunions mensuelles avec les chercheurs spécialistes de la muqueuse intestinale » précise Astrid Lièvre. Des projets étudiant les interactions entre la tumeur et son micro-environnement, notamment au cours de l’angiogenèse, sont envisagés. Ils s’appuient sur des analyses des gènes et des produits de leur expression (ARN messagers ou protéines), tant sur des modèles de souris que des tumeurs coliques mais elle signe également l’absence de bénéfice d’une humaines. chimiothérapie à base de 5 fluoro-uracile. Certaines Autre pathologie ciblée par ces projets translationnels, signatures génétiques telles Oncotype DX® et Colo- le cancer de l’anus est une tumeur rare associée à un print® émergent mais leur utilisation en pratique clinique n’est pas validée » explique Astrid Lièvre. En sus de l’Avastin 10, de nouvelles thérapies anti-angiogéniques ciblant le récepteur au VEGF 11 seront bientôt disponibles. Le département de recherche translationnelle de l’Institut Curie développe en ce sens un projet autour de xénogreffes 12 dérivées de tumeurs de patients. « À l’Institut Curie, nous avons le privilège de pou- voir accéder à plus d’une cinquantaine de xénogreffes colorectales humaines chez la souris, très représentatives de l’hétérogénéité des cancers colorectaux, indique Astrid Lièvre. À l’aide de ces modèles, nous allons étudier d’éventuels facteurs de réponse prédictifs à l’Avastin ». Pour évaluer la réponse à cette thérapie ciblée, le clinicien peut se baser sur la UN PREMIER ESSAI DE PHASE 3 CHEZ LES PLUS DE 75 ANS réduction de la tumeur, sur l’anatomopathologie, ou encore sur la microvascularisation du foyer tumoral. Dans ce cas précis, il peut bénéficier de l’expertise des cher- Les cancers colorectaux métastatiques cheurs de l’équipe d’Andreas Volk en Imagerie par réso- surviennent le plus souvent chez des patients nance magnétique (IRM) dynamique. Cette technique âgés. Pourtant ces derniers sont moins permet l’analyse en temps réel de la vascularisation. Les fréquemment traités par chimiothérapie en tumeurs sensibles ou non au bevacizumab une fois iden- comparaison des patients plus jeunes. L’objectif tifiées, les profils d’expression des gènes de ces der- de l’essai de phase 3 promu par la FFCD et 13 nières (le transcriptome) seront étudiées. coordonné par le Pr Emmanuel Mitry était donc En parallèle, chercheurs et cliniciens souhaitent mieux d’évaluer le bénéfice d’une chimiothérapie comprendre la carcinogenèse colorectale. « L’idée est de associant, ou non, le 5-Fluoro-Uracile (5-FU) rapprocher les médecins des interlocuteurs du centre de avec l’irinotécan. « Les résultats de cette étude recherche, autour de modèles d’étude de la formation de sont aujourd’hui disponibles, explique le Pr nouveaux vaisseaux (l’angiogenèse). Depuis un an, nous Emmanuel Mitry. Ils montrent notamment que dans cette population particulière l’irinotécan 10. Ou bevacizumab 11. Le VEGF est le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire. Il participe à la formation de nouveaux vaisseaux sanguins (angiogenèse). 12. La xénogreffe désigne la transplantation d’un greffon (organe par exemple) où le donneur est d’une espèce biologique différente de celle du receveur. 13. Équipe IRM fonctionnelle et moléculaire in vivo. associé au 5-FU n’améliore pas la survie globale LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE et est associée à une toxicité accrue ». PAGE 12 DES PROJETS DE RECHERCHE TRANSLATIONNELLE IMPLIQUANT DES XÉNOGREFFES « Notre travail sur les xénogreffes de cancer colorec- tal (par exemple une greffe de tumeurs de patients directement sur une souris immunodéficiente) repose notamment sur les échantillons de tumeurs issus du projet CReMEC (Centre de Ressource de Modèles Expérimentaux de Cancer) 14 » explique Virginie Dangles-Marie, chercheuse au Laboratoire d’Investigation Préclinique de l’Institut Curie. Ce projet de recherche et développement collaboratif a notamment permis la création d’une collection diversifiée de 54 modèles primaires de cancers colorectaux humains. « Ces modèles sont d’autant plus intéressants que la recherche préclinique actuelle repose souvent sur des lignées cellulaires, cultivées in vitro pendant plusieurs années avant d’être xénogreffées. Ces lignées dérivent vers des profils génétiques différents de la tumeur d’origine ce qui est un obstacle à l’évaluation des thérapies humaine. « Dans le cas précis du cancer anal, dont anticancéreuses ». le traitement repose majoritairement sur la radio- A l’aide de ces échantillons, et de ceux disponibles thérapie, nous allons pouvoir tester de nouvelles au Centre de ressources biologiques (CRB) de l’Ins- molécules anticancéreuses grâce à la plateforme titut Curie, Virginie Dangles-Marie, Astrid Lièvre, de radiobiologie expérimentale installée sur le site Wulfran Cacheux et Pascale Mariani, ainsi que les d’Orsay » poursuit Virginie Dangles-Marie. équipes scientifiques de l’Institut, vont donc travail- Dans le cas du cancer du côlon, les scientifiques ler à la caractérisation de nouveaux marqueurs vont également tenter de greffer les cellules tumo- prédictifs de la réponse aux molécules ciblant la rales au niveau de l’intestin grâce à un coloscope vascularisation de la tumeur, au développement spécialement conçu pour le petit animal. « Greffées de nouveaux médicaments en lien avec l’indus- à l’emplacement anatomique habituel, un certain trie pharmaceutique, ainsi qu’à la conception de nombre de tumeurs est capable de métastaser de nouveaux modèles de xénogreffes, en particu- la même manière que chez l’homme. Nous pour- lier de carcinome du canal anal. rons alors suivre in vivo leur progression » « Le laboratoire d’investigation préclinique est conclut-elle. chargé de concevoir des modèles animaux de can- Développées depuis de nombreuses années à l’Ins- cers du canal anal. Pour cela nous allons directe- titut Curie, les xénogreffes de tumeurs dérivées de ment récupérer l’échantillon tumoral au bloc patients constituent un outil qui se développe de opératoire avant de le greffer sur l’animal immuno- plus en plus à l’échelle internationale. De nombreux déficient ». Avantages de cette technique : ampli- chercheurs viennent chaque année se former à fier la quantité de matériel tumoral disponible et cette technique à l’Institut Curie. pouvoir tester des médicaments in vivo dans un modèle reproduisant efficacement la pathologie 14. Ce projet a réuni des partenaires académiques et industriels dont l’Institut Curie, l’Institut Gustave Roussy et l’hôpital Lariboisière. LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE PAGE 13 mauvais pronostic en cas de récidive. En majorité traités par radiothérapie voire par radiochimiothérapie, les patients pris en charge à l’Institut Curie y bénéficient d’une véritable expertise dans ce domaine. Depuis 2000, environ 300 tumeurs y ont ainsi été prises en charge. « Cependant, une faible proportion de ces cancers est d’emblée métastatique ou va récidiver après radiochimiothérapie. Le traitement repose alors sur une ablation abdomino-périnéale qui parfois ne suffit pas » explique Astrid Lièvre. Jusqu’ici peu étudiées sur le plan de la biologie, ces tumeurs font l’objet d’un travail de caractérisation moléculaire et d’identification de NOTCH EST-IL IMPLIQUÉ DANS LA CARCINOGENÈSE ANALE CHEZ L’HOMME ? facteurs prédictifs de la réponse à la radiochimiothérapie. Pour y parvenir, les scientifiques s’appuient sur la collection de tumeurs du canal anal, prétraitées ou non, répertoriées dans le Centre de ressources biologiques de l’Institut. D’incidence rare, le cancer du canal anal est à la différence du cancer du côlon, une tumeur En marge des projets de recherche translationnelle, les d’origine épidermique où la voie Notch a en cliniciens de l’Institut Curie prennent également part à général un rôle suppresseur de tumeur. de nombreux essais cliniques. « Dans le cancer du côlon Grâce aux échantillons détenus au Centre de déjà opéré, nous participons à l’essai international Idea ressources biologiques (CRB) de l’institut, Silvia (International duration evaluation in adjuvant colon Fre et son équipe étudient l’expression du cancer). L’objectif de cette étude est de répondre à la récepteur Notch et de ses cibles situées en question suivante : peut-on réduire la durée du traite- aval sur des coupes de tumeurs humaines. Pour ment par chimiothérapie adjuvante par Folfox de 6 à 3 l’instant, une vingtaine a été analysée sur le mois sans nuire à son efficacité ? » continue Astrid plan histologique. Les premiers résultats Lièvre. L’Institut Curie participe aussi à plusieurs obtenus suggèrent que la voie Notch y aurait essais autour du cancer colorectal métastatique un rôle opposé à celui observé dans le cancer impliquant la Fédération francophone de la cancérologie du côlon. L’expression de Notch est ainsi très digestive (FFCD) et Unicancer (essais « PRODIGE »). Ces importante dans l’épithélium sain puis diminue essais visent à comparer des stratégies de traitements dans la tumeur. En collaboration avec Virginie associant différentes chimiothérapies normalement Dangles-Marie, les scientifiques utilisées ou couplées à des thérapies ciblées. développent un projet de xénogreffes de « Par ailleurs je suis impliquée dans le volet translation- tumeurs humaines du canal anal chez nel de l’essai UCGI 25 » indique Astrid Lièvre. Cet essai l’animal, avec pour objectif de déterminer de phase 2 promu par Unicancer, évalue l’intérêt d’une si la voie Notch y est également impliquée. nouvelle thérapie ciblée dans les cancers colorectaux « Nous souhaitons étudier la capacité de chimiorésistants. Utilisées comme marqueur précoce de cellules tumorales humaines du canal anal à l’efficacité, les CTC sont étudiées avant et après traite- développer des tumeurs chez des souris versus cetuximab immuno-déficientes. Nous les caractériserons seul. Enfin l’essai Shine dont le Pr Emmanuel Mitry est par la suite sur le plan moléculaire puisque très ment par cetuximab 15 et afatinib 16 peu de données sont actuellement disponibles 15. Le Cetuximab est un anticorps monoclonal qui se lie au récepteur du facteur de croissance épidermique (EGF) surexprimé à la surface des cellules tumorales, bloquant ainsi son action. 16. L’Afatinib est un inhibiteur irréversible des récepteurs tyrosine kinase de la famille ErbB (EGFR ou ErbB1, HER2 ou ErbB2, HER3 ou ErbB3, HER4 ou ErbB4) sur cette très rare tumeur, contrairement au LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE cancer du côlon » conclut Silvia Fre. PAGE 14 ² l’investigateur principal pour la France évalue une nouvelle thérapie ciblée, l’AZD4547, contre le récepteur au FGF 17, exprimé par 10 à 15% des tumeurs. « Des modifi- cations génétiques des différents récepteurs au FGF ont été décrites dans divers types de tumeur, dont le cancer de l’estomac, signale le Pr Emmanuel Mitry. L’AZD4547 est un inhibiteur indirect puissant et sélectif des récepteurs FGFR-1, 2 et 3 impliqués dans la prolifération cellulaire. Environ 500 patients seront inclus au terme de cet essai international prévu à la fin de l’année 2013. » 17. Les Facteurs de croissance émis par les fibroblastes (FGF) sont des protéines qui activent la migration et la multiplication de cellules cibles. 18. Le facteur de croissance épidermique (EGF, de l’anglais epidermal growth factor) est une hormone protéique responsable de la multiplication de cellules cibles. LES SOURIS TRANSGÉNIQUES, UN MODÈLE EXPÉRIMENTAL COMPLÉMENTAIRE DE CELUI DES XÉNOGREFFES Avec l’obtention d’un modèle murin produisant Maïa Chanrion, chercheuse dans le laboratoire des adénocarcinomes invasifs hautement simi- « Morphogenèse et signalisation cellulaires ». laires à ceux rencontrés chez l’homme, les scienti- Tumeur et métastase seront microdisséquées fiques vont pouvoir tester sur un modèle différent grâce à une collaboration avec le Collège de de celui des xénogreffes, une série de molécules France, équipée d’une plateforme dédiée. ciblant le VEGF impliqué dans la formation de Cela permettra notamment de comparer les nouveaux vaisseaux sanguins ou les récepteurs signatures moléculaires de la tumeur primaire à l’EGF impliqués dans la prolifération cellulaire . par rapport à celle des métastases associées. Les mécanismes à l’origine de la résistance et « Une attention particulière sera portée à l’isole- de la sensibilité à ces drogues seront étudiés. ment et à la caractérisation des cellules en phase Ces travaux serviront à établir des signatures de transition épithélio-mésenchymateuse, dont le prédictives de la réponse au traitement. rôle potentiel dans la dissémination métastatique « En parallèle, nous débutons un projet en colla- est fortement suspecté ». L’analyse de ces boration avec Ivan Bièche, généticien, et Didier différents compartiments se fera également au Meseure, anatomopathologiste à l’Institut Curie, moyen de la plateforme Fluidigm, en partie dont l’objectif est d’isoler les différents comparti- financée par l’Institut Curie, qui permet d’exami- ments au sein de la tumeur, chez l’homme et chez ner l’expression des gènes sur une très petite l’animal, afin de mieux les analyser, explique quantité de matériel. 18 LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE PAGE 15 DÉCRYPTER LES MÉCANISMES FONDAMENTAUX DE LA CANCÉROGENÈSE Fibroblastes ou cellules cancéreuses ? La migration cellulaire disséquée G coopération avec des physiciens et des mathématiciens, ils construiront par la suite un modèle de la migration râce à l’action conjuguée d’une intense division cellulaire en intégrant les données collectées. Les cher- cellulaire au niveau des cryptes, de la migration cheurs souhaitent également déterminer s’il existe une des cellules et de leur mort à l’extrémité des villo- communication spécifique entre les cellules épithéliales, sités, l’intégralité de l’épithélium intestinal est renouve- la matrice extracellulaire et les fibroblastes au cours de la lée en une semaine. La perte de la synchronisation entre migration. la prolifération cellulaire et la migration ou encore la mort Parallèlement les chercheurs étudient aussi les cellulaire conduit à la formation de tumeurs. Dans les mécanismes d’une migration « anormale » surve- stades avancés de la progression tumorale, les cellules nant au cours du cancer et qui conduit à la forma- cancéreuses empruntent d’autres voies de migration : tion de métastases. Les interactions entre les cellules après dissolution de la membrane basale, elles migrent au cancéreuses et les fibroblastes sont ainsi examinées à la travers du stroma jusqu’à atteindre le système circulatoire tin de souris transgéniques pour suivre la migra- ” Nous travaillons en collaboration avec des pathologistes de l’Institut qui nous fournissent des échantillons de tumeurs digestives humaines ” tion de ces cellules en 3 dimensions. Grâce à une Danijela Vignjevic à partir duquel elles disséminent. S’agit-il d’un mécanisme actif ou bien sont-elles passivement « poussées » sous la pression des divisions cellulaires ? Pour tenter de le comprendre l’équipe de chercheurs dirigée par Danijela Vignjevic analyse au microscope bi-photonique des biopsies d’intes- LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE PAGE 16 de cancers du côlon humains ou murins, ainsi que ceux du tissu environnant « sain », puis les réinjectons chez des souris développant naturellement ces tumeurs. Cela nous renseigne également sur leur croissance et leur capacité à induire la formation de métastases ». Notch, un acteur indispensable de la prolifération et de la différenciation des cellules digestives Comment les cellules coordonnent-elles leur action pour construire les tissus ? En 2005, Silvia Fre alors chercheuse dans l’équipe du Pr Daniel Louvard montre que la voie Notch est indispensable pour le maintien des celloupe. Notamment, les scientifiques espèrent détermi- lules prolifératives de la crypte, siège du développement ner quelles cellules, tumorales ou fibroblastiques, sont des tumeurs. En 2009, grâce à l’utilisation de souris responsables de la destruction de la membrane basale, transgéniques, les chercheurs montrent également que permettant ainsi la dissémination dans la circulation la synergie des voies Wnt et Notch conduit au dévelop- sanguine ; et de quelle manière ? « S’il s’agit des cellules pement de très nombreux adénomes dans l’épithélium cancéreuses, les fibroblastes sécrètent-ils des molécules du côlon. Or chez l’homme, la majorité des tumeurs se les rendant invasives ? Si ce sont les fibroblastes, nous développent dans le côlon… déterminerons quelle sous-population en est à l’ori- Les voies Wnt et Notch contrôlent donc de manière coo- gine » explique Danijela Vignjevic. pérative la prolifération cellulaire et le développement « Nous travaillons également en collaboration avec des tumoral de l’épithélium digestif. La voie Notch est-elle pathologistes de l’Institut qui nous fournissent des également activée dans les cancers colorectaux échantillons de tumeurs digestives humaines » pour- humains ? Pour le démontrer, Silvia Fre tire partie des suit-elle. Les chercheurs peuvent ainsi étudier l’ex- collections de tumeurs humaines conservées à l’hôpital pression de certains gènes ou l’accumulation de de l’Institut Curie. Elle montre ainsi que la voie Notch est certains fibroblastes au cours de la progression fortement activée dans les polypes bénins, contraire- tumorale. Ils examinent notamment comment in vivo le ment aux carcinomes invasifs où elle ne l’est plus. micro-environnement de la tumeur facilite la migration Notch serait ainsi indispensable uniquement pour l’initia- de cellules cancéreuses. « Nous isolons des fibroblastes tion du processus tumoral. Forte de ces résultats, l’équipe de chercheurs poursuit ZOOM SUR... aujourd’hui l’étude de la voie Notch chez l’homme. « Dans cette optique, nous collaborons avec les Pour la réalisation de ces projets, Danijela cliniciens qui souhaitent connaître les raisons Vignjevic peut compter sur un financement physiologiques de l’insuccès d’une chirurgie de obtenu en juillet 2012 du Conseil Européen résection, explique Silvia Fre. Étant donné que le gène de la Recherche. Créées en 2007, les bourses Notch n’est pas muté dans ces tumeurs, nous devons de l’ERC (European research council), d’un analyser la modulation des signaux Notch durant la pro- montant de 1,5 à 1,9 million d’euros, sont gression tumorale par immunohistochimie » poursuit-elle. considérées comme une véritable reconnaissance Grâce à une souris transgénique spécialement au niveau européen de l’excellence des équipes conçue pour n’activer Notch que dans les tissus sou- et des établissements d’enseignement supérieur haités, les chercheurs disposent ici d’un modèle se et de recherche récompensés. rapprochant fortement des tumeurs humaines. « Depuis 2010, nous nous intéressons particulièrement LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE PAGE 17 moment voulu. Cette démarche a permis aux chercheurs de caractériser plusieurs modèles murins affectés dans une ou plusieurs voies majeures de signalisation impliquées dans le développement des processus tumoraux, telles que la voie Wnt, Ras, Notch et p53. « Grâce à la caractérisation de ces voies, nous avons aujourd’hui à disposition un modèle murin générant de nombreux adénocarcinomes invasifs et de métastases » explique Sylvie Robine, directrice de recherche au sein de l’équipe. Ce modèle possède une au comportement des cellules souches et avons montré mutation activatrice dans la voie Notch, ainsi qu’une que cette voie est essentielle dans le maintien des cel- perte du gène p53 uniquement localisées dans l’épithé- lules de la crypte intestinale » indique Silvia Fre. Étant lium intestinal adulte. « Ces souris présentent l’avantage donné que Notch est un marqueur des cellules souches de développer dans presque 100% des cas des adéno- normales, est-il également présent dans les cellules carcinomes invasifs ainsi que des métastases dans le souches cancéreuses ? Les chercheurs dissèquent foie et dans 50% des cas des carcinoses péritonéales, ce l’hétérogénéité des tumeurs : quelles sont les parti- qui n’était pas le cas des autres modèles décrits jusqu’ici. cularités de leurs transcriptomes, de leur croissance en Nous avons ainsi un modèle très proche de ce qu’il se trois dimensions ? sont-elles capables de reformer des tumeurs ? « Au sein du réseau européen de laboratoires formés dans le contexte du septième programme-cadre de recherche, nous essayons de déterminer si Notch peut être un marqueur des cellules souches normales et tumorales chez l’homme. Cela nous permettra de les isoler puis de réaliser des xénogreffes ultérieures chez la souris et ainsi voir si ces cellules sont capables de reformer des tumeurs » précise Silvia Fre. ”Nous avons à disposition des modèles animaux générant de nombreux adénocarcinomes invasifs et des métastases ” Sylvie Robine En marge des recherches fondamentales, le laboratoire travaille sur un projet réunissant les chirurgiens, anatomopathologistes et oncologues médicaux de l’Institut passe chez l’humain, précise-t-elle. Autre aspect impor- Curie. « La collaboration avec les anatomopatholo- tant, nous démontrons pour la première fois in vivo gistes est à ce titre fondamentale pour repérer les l’existence de la transition épithélio-mésychamenteuse signes de l’agressivité d’une tumeur sur nos dans le processus cancéreux. Au cours de ce dernier, la coupes » explique Silvia Fre. cellule tumorale, change de morphologie, devient mésenchymateuse et pourrait traverser la paroi des Les modèles murins du cancer colorectal, acteurs-clés d’une meilleure compréhension du cancer vaisseaux sanguins pour disséminer dans l’organisme ». Depuis de nombreuses années, l’équipe du Pr Daniel cliniciens de l’Ensemble hospitalier de l’Institut. s’intéresse à la biologie de « Une tradition de longue date » explique Sylvie Robine l’épithélium intestinal. Par une stratégie de ciblage de qui rappelle que le laboratoire a depuis toujours colla- gènes par transgenèse chez la souris, les chercheurs boré avec les services de chirurgie, d’oncologie et d’ana- sont aujourd’hui capables d’exprimer et/ou d’invalider tomopathologie de l’Institut Curie. Louvard à l’Institut Curie 19 Avec ce modèle, les chercheurs vont pouvoir développer de nouvelles collaborations avec les certains gènes essentiels à l’homéostasie de l’épithélium intestinal, uniquement dans le tissu souhaité et au 19. Laboratoire Morphogenèse et signalisation cellulaires. LES CANCERS DIGESTIFS À L’INSTITUT CURIE : DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE À LA RECHERCHE PAGE 18