La féminisation des Conseils d`Administration des - EDHEC-Risk
Transcription
La féminisation des Conseils d`Administration des - EDHEC-Risk
EDHEC BUSINESS SCHOOL PÔLE DE RECHERCHE EN ÉCONOMIE, ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES ET RÉFORME DE L'ÉTAT 393-400 promenade des Anglais 06202 Nice Cedex 3 Tél. : +33 (0)4 93 18 32 53 Fax : +33 (0)4 93 18 78 40 Web : www.edhec.com/economie La féminisation des Conseils d’Administration des grandes entreprises en France : au delà des apparences Juillet 2013 Stéphane Gregoir Directeur, pôle de recherche en Economie, EDHEC Business School Directeur de la recherche, EDHEC Business School Tristan-Pierre Maury Directeur adjoint de recherche, pôle de recherche en Economie, EDHEC Business School Frédéric Palomino PhD en Economie Professeur affilié, EDHEC Business School Résumé Après l’adoption de la Loi Copé-Zimmermann début 2011, la proportion de femmes parmi les membres des conseils d'administration des grandes entreprises françaises a nettement augmenté. Nous proposons d'aller au-delà de ce simple constat de féminisation en apportant un éclairage qualitatif sur la nature des fonctions occupées par les administratrices. Ainsi, il apparait que la hausse du taux de nomination de femmes au sein des conseils d'administration depuis 2010 concerne essentiellement les statuts d'indépendant et de représentant des salariés. Les représentants des actionnaires nouvellement nominés sont toujours en grande majorité des hommes. De plus, la proportion d'administrateurs siégeant dans un comité spécialisé fin 2011 est toujours sensiblement supérieure à celle des administratrices et ce, quel que soit le type de comité (rémunérations, audit & risques, stratégique, gouvernance, ...). Enfin, la proportion d'administratrices ayant plus d'un mandat dans le SBF 120 a sensiblement augmenté depuis 2006. Cela suggère l'existence d'un cumul des mandats par un nombre in fine restreint d'administratrices au détriment d'une augmentation du nombre de femmes devenues administratrices. Ces résultats laissent à penser qu'une forme de « plafond de verre » qualitatif (i.e., un biais dans la nature des mandats selon le sexe) serait en train de se substituer au plafond de verre quantitatif (i.e., la faible proportion historique d'administratrices). 2 Ce document constitue une synthèse de travaux scientifiques conduits au sein de l'EDHEC. Pour plus d'informations, nous vous prions de vous adresser à la direction de la recherche de l'EDHEC : [email protected] Les opinions exprimées sont celles des auteurs et n'engagent pas la responsabilité de l'EDHEC. A propos des auteurs Stéphane Gregoir est professeur en économie, directeur du pôle de recherche en économie et directeur de la recherche à l’EDHEC. Il est économètre et économiste. Il a été précédemment directeur du CREST (Paris) et a occupé différents postes d’étude et d’analyse économique auprès du Ministère des Finances français. Stéphane Gregoir a enseigné à l’Ecole Centrale, l’Université Paris IX Dauphine, ENSAE, l’Université d’Evry et l’Ecole Polytechnique. Il a publié de nombreux papiers en économétrie et macroéconomie appliquée. Lauréat du prix international Tjalling C. Koopmans pour une contribution à la théorie économétrique (1997-1999), il a été éditeur des Annales d’Economie et de Statistiques, éditeur associé du Econometrics Journal et membre du comité éditorial de différentes revues scientifiques. Frédéric Palomino est titulaire d’un PhD en Economie décerné par l’Institut Universitaire Européen et professeur affilié à l'EDHEC. Actuellement Vice Président au sein du pôle européen concurrence de Compass Lexecon, il a précédemment occupé des postes de Rapporteur au Conseil de la concurrence et à l’Autorité de la Concurrence, de Professeur Associé de Finance à HEC Paris et Tilburg University, et de Professeur Affilié à l’Ecole Nationale de Statistiques et d’Administration Economique. Il a publié ses travaux de recherche dans de nombreuses revues internationales d’économie ou de finance (Journal of Finance, Rand Journal of Economics, Journal of the European Economic Association, …). Tristan-Pierre Maury est directeur adjoint de recherche au pôle de recherche en économie de l’EDHEC. Ancien chercheur à la Banque de France et à l’ESSEC, il a obtenu son doctorat en 2001 à l’Université Paris X – Nanterre. Il a effectué des recherches en macroéconomie (théories de la croissance, politique monétaire) et en immobilier (marchés du logement et des bureaux) donnant suite à des publications dans des revues académiques françaises et internationales (Revue d’Economie Politique, Journal of Economic Dynamics and Control, Economics Letters, Real Estate Economics, Journal of Property Research, Economic Modelling, Economic Bulletin). 3 Table des matières 1. Introduction....................................................................................................................................5 2. Les enseignements des expériences internationales .............................................................7 3. Résultats ..........................................................................................................................................9 Conclusion......................................................................................................................................... 18 Références......................................................................................................................................... 19 Position Papers et Publications du Pôle de Recherche en Economie de l’EDHEC (2010-2013)................................................................................................................. 20 4 1. Introduction La question de la représentation des femmes dans les conseils d’administration et de surveillance (CA par la suite) est un sujet de débats et d’études à l’échelle internationale. Dans les faits, cette représentation était jusque dans un passé récent très faible : au milieu des années 2000, la proportion d’administratrices n’était que de 14,8% aux Etats-Unis, 8,7% en Australie, 10,6% au Canada, 0,4% au Japon et 8% en Europe1. La littérature anglo-saxonne parle de « Glass Ceiling » (ou plafond de verre) imposé aux femmes dans les conseils pour expliquer cette faible représentation. Cette thèse a cependant été partiellement remise en cause récemment par la directrice générale de Facebook, Sheryl Sandberg, pour laquelle les femmes s’autocensurent. Les missions d’un CA étant très variées (détermination des orientations stratégiques de l’entreprise à différents horizons, contrôle/haute surveillance de la gestion, obligation de rendre des comptes aux actionnaires, lien avec l’environnement extérieur à l’entreprise, etc.), certains décideurs et chercheurs insistent sur les bénéfices que peut apporter une plus grande mixité dans les profils des administrateurs. Une grande hétérogénéité dans la composition des membres du CA permet en effet de diversifier les compétences, les sensibilités et les expériences, et donc d’améliorer la qualité des décisions et des informations transmises aux dirigeants. Notamment, cette diversité doit permettre d’embrasser l’ensemble des approches et canaux possibles susceptibles d’affecter l’entreprise dans son environnement économique, social et politique. Accessoirement, une plus grande mixité du conseil pourrait améliorer la gouvernance des entreprises en accroissant l’indépendance du CA vis-à-vis des dirigeants exécutifs donc 1- Données de Catalyst (2007), EOWA (2006) et EPWN (2004). permettre d’exercer un meilleur contrôle sur la gestion de l’entreprise. Une abondante littérature en économie, stratégie ou psychologie sociale a mis en évidence des différences d’approche, de perceptions et de valeurs entre hommes et femmes. Ces différences concernent notamment l’aversion pour le risque, le goût pour évoluer dans des environnements compétitifs, pour le pouvoir, le bénévolat, les traditions ou l’universalisme, et semblent robustes quand on les soumet à des comparaisons internationales. Si l’on admet que ces théories peuvent s’appliquer au cas spécifique des conseils d’administration, cela suggère qu’une meilleure représentation des femmes pourrait permettre de bénéficier des gains propres à la diversité mentionnés ci-dessus. Dans cette optique, de nombreux pays se sont dotés de lois ou ont mis en place des mesures incitatives visant à accroître la présence des femmes dans les CA. Ainsi, dès 2003, la Norvège a voté une loi fixant à 40% la proportion minimale de femmes membres des CA à l’horizon 2008. L’Espagne s’est dotée d’une loi comparable en 2007, avec un même quota de 40% à l’horizon 2015. D’autres pays n’ont pas légiféré pour promouvoir la féminisation des CA, mais ont des pratiques de bonne gouvernance ou des quotas librement fixés par les entreprises (en Allemagne notamment). Dans l’Union européenne, une proposition de directive du parlement européen et du Conseil relative à un meilleur équilibre hommes-femmes parmi les administrateurs non-exécutifs des sociétés cotées a été émise en Novembre 2012. Elle mentionne également un objectif minimal de 40% d’administratrices. De plus, certaines institutions internationales, l’ONU ou l’OCDE en particulier, ont intégré la diversité du genre dans leurs objectifs liés 5 1. Introduction à la responsabilité sociale de l’entreprise. En France, la Loi Copé-Zimmermann, adoptée début 2011, prévoit que la proportion des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance de chaque sexe ne peut être inférieure à 20% à l’horizon 2014 pour les entreprises cotées. A l’horizon 2017, cette proportion est fixée à 40%, y compris pour les sociétés ayant plus de 500 salariés et un bilan ou chiffre d’affaires d’au moins 50 millions d’euros. Plusieurs études ou articles ont cherché à mesurer l’impact de cette loi sur la présence de femmes dans les CA des grandes entreprises françaises. La féminisation des CA en France a fortement accéléré depuis 2010 et est dorénavant plus élevée que dans la plupart des autres pays européens. L’objectif de cette étude est d’essayer d’aller au-delà d’un simple constat de féminisation des CA notamment en apportant un éclairage qualitatif sur la nature des fonctions occupées par les femmes membres d’un CA. En effet, être administrateur ou membre d’un conseil de surveillance implique une fonction précise (présidence, vice-présidence, simple membre), un statut (indépendant, représentant des actionnaires, des salariés, de l’Etat, etc.), ainsi qu’une éventuelle place dans un ou des comités spécialisés, etc. La nature de ces fonctions et statuts n’est donc pas neutre sur l’influence que l’administrateur ou l’administratrice est susceptible d’avoir au sein du conseil. La question se pose donc de savoir si les femmes nouvellement nommées depuis l’arrivée de la loi Copé-Zimmermann ont en moyenne accès à des fonctions leur permettant d’avoir la même influence que leurs homologues masculins arrivés récemment, ou bien si elle sont cantonnées à des rôles secondaires, n’étant là que 6 pour satisfaire les quotas imposés par le législateur. En d’autres termes, notre objectif est d’étudier si une forme de glass ceiling qualitatif n’est pas venue se substituer à un glass ceiling quantitatif. L’étude est menée au périmètre de l’ensemble des sociétés du SBF 120 depuis 2006 et les données utilisées sur la composition des CA proviennent de Ethics & Boards. 2. Les enseignements des expériences internationales Une abondante littérature s’est intéressée à des questions relatives à la présence des femmes dans les CA, notamment aux Etats-Unis et dans les pays scandinaves. Les enseignements qui peuvent en être tirés s’articulent autour de trois dimensions. La première dimension est liée aux critères institutionnels et socioéconomiques influençant l’entrée des femmes dans les conseils d’administration. Des comparaisons internationales (Singh & Vinnicombe, 2006, Terjesen & Singh, 2008) ont mis en évidence l’impact important des institutions nationales (cadre juridico-légal, système social) et des éléments culturels sur la présence de femmes dans les instances administratives. Ces écarts nationaux continuent à être présents en dépit d’une certaine harmonisation internationale des dispositifs légaux sur ces questions dans le courant des années 2000. La deuxième dimension concerne les spécificités décisionnelles/psychologiques des femmes lorsqu’elles exercent un mandat d’administratrice. Si une large littérature insiste sur une plus forte aversion pour le risque et pour les environnements compétitifs des femmes par rapport aux hommes sur l’ensemble de la population, une grande partie de ces différences disparaît dans les plus hautes instances, et notamment les CA. Il s’agit d’un possible effet de sélection : les femmes administratrices le sont devenues, car elles avaient des qualités similaires à leurs homologues masculins. Récemment, Adams & Funk (2012) ont même mis en évidence que, au sein des CA en Suède, les femmes ont un goût pour le risque plus fort et une propension à des valeurs traditionnelles et sécuritaires moins prononcées que les hommes. Enfin, la troisième dimension concerne le lien entre la présence de femmes dans les CA et la gouvernance de l’entreprise d’une part, et la performance de l’entreprise d’autre part. Concernant la gouvernance, les articles récents semblent mettre en évidence un apport positif des femmes (taux de présence supérieur aux assemblées, participation accrue aux comités spécialisés, impact positif sur le caractère rationnel des décisions des dirigeants, Adams & Ferreira, 2009). En revanche, une corrélation robuste entre féminisation des CA et performance de l’entreprise, et notamment le rendement boursier, n’est pas établie (corrélation négative selon Apesteguia, Azmat & Iriberri, 2012, Adams & Ferreira, 2009, pas de relation pour Carter et al., 2010, corrélation positive pour Deszö & Ross, 2012). Démarche et méthode Les résultats présentés dans cette études sont des statistiques descriptives (moyennes, médianes, quartiles, etc.) ainsi que les résultats d’un modèle statistique de type logit. Soit Y le genre du nouvel administrateur. Dans ce cadre statistique, la variable modélisée est la probabilité que, lors d’une nomination, le nouvel administrateur soit une femme (Y=1) plutôt qu’un homme (Y=0). Cette probabilité est susceptible de dépendre de certains facteurs (variables explicatives résumées dans un vecteur X). Dans notre cas, nous avons retenu : • l’année de nomination (depuis 2006), • la nationalité et l’âge du nouvel administrateur, • le statut correspondant au nouveau siège, • certaines caractéristiques de la société (secteur d’activités, présence dans le CAC 40, proportion de femmes dans le CA avant la loi Copé-Zimmermann). 7 2. Les enseignements des expériences internationales Certains facteurs n’ont finalement pas été retenus (notamment le secteur d’activités). Certains effets croisés ont été testés (interaction entre le statut dans le conseil et la date d’arrivée). Les tableaux 3, 5 et 7 présentent les résultats issus de l’estimation de ce modèle. L’équation de type logit estimée est de la forme : Prob(Y = 1 | X ) = exp( X*β) / ( 1+ exp( X*β) ) où Prob(Y = 1 | X ) est la probabilité que le nouvel administrateur soit une femme pour un ensemble de caractéristiques X donné. β est un vecteur de paramètres permettant de mesurer la contribution de chacune des composantes de X à cette probabilité. Notre population de référence est l’ensemble des administrateurs et administratrices des sociétés du SBF 120 depuis 2006 jusqu’à la mi-2012. 8 3. Résultats Une accélération de la féminisation des Conseil d’Administration Le tableau 1 ci-dessous compare la proportion de femmes siégeant au sein des conseils d’administration et de surveillance de grandes entreprises en France (CAC 40 et SBF 120), au RoyaumeUni (FTSE 100) et en Allemagne (DAX 30). Il s’agit ici de résultats pour l’ensemble des conseils d’administrations, y compris les administrateurs élus par les salariés, ainsi que les administrateurs non votants2. Nous observons qu’en France, au cours de la période 2006-2009, les taux de présence de femmes dans les CA n’ont que très légèrement augmenté pour s’établir à 10,49% pour les entreprises du CAC 40 et 8,98% pour celles du SBF 120. A cette époque, la France accusait un retard certain sur le Royaume-Uni (11,61%) et surtout sur l’Allemagne (12,38%). Depuis 2010, année où la proposition de Loi de M. Copé et Mme Zimmermann a été discutée à l’Assemblée Nationale3, la proportion de femmes dans les CA des grandes entreprises a sensiblement augmenté : 15,34% en 2010, 20,67% en 2011, puis 23,49% en 2012 dans les entreprises du CAC 40. Pour les entreprises du SBF 120, la tendance depuis 2010 est similaire, même si la part des femmes dans les CA y reste inférieure à celle des entreprises du CAC 40 (19,76% en 2012). Depuis 2010, la proportion de femmes dans les CA des grandes entreprises françaises est désormais nettement supérieure à celle constatée au Royaume-Uni (16,37% en 2012) ou en Allemagne (17,00%). Cette observation vient confirmer plusieurs publications récentes. En particulier, le rapport « Women in economic decisionmaking in the EU » de la commission européenne (2012) confirme que la France est le pays de l’Union Européenne ayant connu la plus forte croissance de la part des femmes dans les CA des plus grandes entreprises cotées depuis Octobre 20104. Le Royaume-Uni, qui dispose également d’une loi fixant un objectif d’une représentation minimale de 20% des femmes en 2015, a également connu une forte féminisation de ses CA depuis 2011 (dans des proportions plus modestes toutefois). L’Allemagne a connu une évolution comparable à celle du Royaume-Uni, bien qu’elle ne dispose pas d’une loi de féminisation avec des quotas explicites. D’autres études ou rapports présentent, sur des champs d’application différents, des résultats très proches des nôtres. A titre d’exemple, le rapport annuel AFEP-MEDEF (2012) aboutit à une proportion de femmes de 25,2% en 2012 pour le CAC 40 (21,9% pour le SBF 120), hors administrateurs élus par les salariés. L’observatoire Ethics & Boards (2012) estime cette proportion à 22,9% en 2012 pour le CAC 40, en prenant en compte uniquement les administrateurs Tableau 1 : Représentation des femmes dans les CA Part des femmes dans les CA 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 CAC 40 7,42% 8,68% 10,19% 10,49% 15,34% 20,67% 23,49% SBF 120 8,77% 8,12% 8,54% 8,98% 12,80% 17,46% 19,76% FTSE 100 10,61% 12,09% 11,75% 11,61% 12,20% 14,62% 16,37% DAX 30 9,57% 10,03% 11,46% 12,38% 12,96% 14,77% 17,00% 2 - Nous ne disposons pas du jour précis d’entrée dans le conseil d’administration ou de surveillance. Est considérée comme présente dans le CA pour une année donnée, toute personne nouvellement nominée au cours de cette année ou toute personne déjà présente qui ne quitte pas le CA au cours de cette année. 3 - Plus précisément, la proposition de loi de M. Copé, Mme Zimmermann, M. Jacob et Mme Tabarot a été déposée le 3 décembre 2009, a fait l’objet de discussions en séance publique les 20 Janvier et 27 octobre 2010 et finalement adoptée le 13 janvier 2011 par l’Assemblée Nationale. 4 - Avec les données du Labour Force Survey et la base de données « women and men in decision-making », le rapport montre que les grandes entreprises cotées françaises comptaient 22% de femmes en Janvier 2012. La France n’est plus devancée que par la Suède (25%), l’Islande (25%), la Lettonie (26%), la Finlande (27%), et surtout la Norvège (42%). 9 3. Résultats votants et élus par l’Assemblée Générale des actionnaires. Le tableau 2 fournit une analyse statistique plus détaillée de l’évolution de la proportion des femmes dans les CA des entreprises du SBF 120. En 2012, la médiane de la représentation des femmes était précisément égale à 20%. La moitié des entreprises du SBF 120 avaient donc déjà atteint, dès 2012, le quota imposé à l’horizon 2014 par la loi Copé-Zimmermann. A titre de comparaison, jusqu’en 2009, plus d’un quart des entreprises du SBF 120 n’avaient aucune femme dans leur CA. Cependant, en 2012, un quart de ces entreprises ont encore une proportion de femmes dans leur CA inférieur à 12,50% et 10% d’entre elles une proportion inférieure à 8,33%. Parallèlement, le neuvième décile de la distribution en 2012 est de 33,3% ce qui est encore relativement loin du second objectif fixé par la Loi (40% à l’horizon 2017). Les résultats du Tableau 2 montrent donc que même au sein d’un groupe d’entreprises restreint et relativement homogène – le SBF 120 – les pratiques en termes de nomination de femmes à des fonctions d’administratrices sont encore très hétérogènes : certaines entreprises n‘ont toujours aucune femme dans leur CA, tandis que les femmes y sont majoritaires dans d’autres. L’objectif du reste de cette étude est d’apporter un éclairage statistique sur ces disparités au sein des entreprises du SBF 120. A cet effet, nous avons construit un modèle statistique (cf. encadré méthodologique) permettant d’étudier la probabilité de nommer/d’élire une femme plutôt qu’un homme parmi les membres d’un CA selon plusieurs critères propres à la personne (âge, nationalité), au siège (statut, fonction éventuelle dans un comité, présidence ou vice-présidence) ou à l’entreprise (secteur d’activité, taille, position initiale par rapport au quota de la loi Copé-Zimmermann). Une partie des résultats de ce modèle est présentée dans le tableau 3. En ligne avec les résultats du Tableau 2, nous détectons une hausse significative de la probabilité de nommer une femme à un poste d’administratrice à partir de 2010. Ainsi, la probabilité qu’un administrateur arrivé en 2009 soit une femme n’était que de 22,05%, contre 52,34% pour un administrateur arrivé en 2010. La Tableau 2 : Statistiques descriptives pour le SBF 120 Représentation des femmes 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Moyenne 8,77% 8,12% 8,54% 8,98% 12,80% 17,46% 19,76% Médiane 6,45% 6,67% 7,41% 7,69% 11,11% 16,67% 20,00% 0% 0% 0% 0% 6,45% 10,82% 12,50% 13,39% 12,50% 12,50% 14,29% 18,75% 23,07% 26,67% 0% 0% 0% 0% 0% 6,66% 8,33% 25,00% 21,42% 20,00% 22,22% 25,00% 27,92% 33,33% Premier Quartile Troisième Quartile Premier Décile Neuvième Décile Tableau 3 : Probabilité de nomination d’une femme à un nouveau siège (SBF 120) 2006 Probabilité 10 2007 2008 2009 2010 2011 2012 23,41% 21,40% 23,82% 22,04% 52,34% 63,09% 60,97% (4,12%) (4,10%) (4,17%) (4,13%) (4,88%) (4,95%) (5,22%) Estimations issues d’un modèle de type logit bivarié. Les écart-types sont entre parenthèses. La référence est un(e) administrateur (-trice) français(e) âgé(e) de 50 ans. Le résultat est une probabilité moyenne sur l’ensemble des entreprises du SBF 120 et sur l’ensemble des statuts. 3. Résultats probabilité de nommer une femme plutôt qu’un homme dans un CA a encore fortement augmenté en 2011 (63,09%) pour demeurer significativement différente de 50% par valeur supérieure. Nous avons aussi étudié si les femmes et hommes membres de CA présentent des caractéristiques différentes au-delà du genre, notamment l’âge et la nationalité. Différence d’âge des hommes et femmes nommés administrateurs Nous avons observé une différence d’âge relativement importante entre les hommes et les femmes nommés administrateurs. Pour chaque année depuis 2006, parmi les nouveaux membres des CA, les femmes sont sensiblement plus jeunes que les hommes, comme l’illustre la Figure 1. Une raison pour cette différence d’âge pourrait être que les femmes plus âgées n’ont pas eu accès à des responsabilités leur permettant par la suite d’être nommées administratrice du fait du glass ceiling. En conséquence, c’est parmi des femmes plus jeunes, moins victimes de ce glass ceiling, que sont recrutées les administratrices. Différence de nationalité des hommes et femmes nommés administrateurs Notre cadre d’analyse statistique permet aussi de tester si la nationalité (française vs non française) est un facteur ayant un impact sur la probabilité d’être nommé administrateur. Selon les résultats de nos estimations, la nationalité ne semble pas être un critère influençant significativement la probabilité qu’un nouveau mandat soit exercé par une femme. Toutes choses égales par ailleurs, la fréquence d’arrivée de femmes ne diffère pas sensiblement parmi les nouveaux administrateurs français ou étrangers. A première vue, ce résultat semble en contradiction avec de précédentes études (voir notamment Moulin et Point, 2012, ou le baromètre « Board Women Partners » paru en 2011) ou avec de simples statistiques descriptives issues de notre échantillon. En effet, parmi les femmes nommées en 2010, 34,25% étaient étrangères contre seulement 27,65% parmi les hommes. Cette surreprésentation des étrangères parmi les femmes est relativement constante dans le temps. De plus, la progression du taux de femmes parmi les administrateurs étrangers Figure 1: Age moyen des nouveaux administrateurs dans le SBF 10 11 3. Résultats est plus marquée que parmi l’ensemble des administrateurs. Alors qu’en 2006, la part des femmes parmi les administrateurs étrangers n’était que de 6,05% (contre 8,77% sur l’ensemble des administrateurs, cf. Tableau 1), cette part est montée à 23,18% en 2012 (contre 19,76%). Cependant, notre modèle statistique suggère qu’il s’agit essentiellement d’un effet de structure : les administrateurs étrangers sont principalement indépendants et, parmi les administrateurs indépendants nouvellement nommés, la proportion d’étrangers n’est pas significativement différente parmi les femmes ou les hommes. La présence accrue d’administratrices de nationalité étrangère provient donc principalement de la hausse de la proportion de femmes administratrices parmi les administrateurs indépendants usuellement plus fréquemment d’origine étrangère. En 2006, les femmes administratrices étaient assez nettement sur-représentées par rapport aux hommes dans les statuts de représentante de la famille (i.e., actionnaire de référence familial) ou d’administratrice élue par les salariés. En contrepartie, les femmes administratrices étaient moins fréquemment indépendantes5 ou avaient moins fréquemment une fonction exécutive dans l’entreprise. Notons cependant que ce dernier élément est directement lié à la nette sous représentation des femmes aux postes de DG ou au sein des comités exécutifs en France6. La nature des mandats des femmes au sein des conseils a évolué Depuis 2006, cette répartition des statuts au sein des CA a nettement évolué. Les femmes administratrices sont en 2012 plus fréquemment indépendantes que les hommes (70,11% contre 53,96%). Cette évolution semble principalement liée à une baisse importante de la proportion de femmes ayant le statut de représentante de la famille, ainsi qu’à une accentuation de la sous représentation des femmes ayant le statut de représentants des actionnaires par rapport aux hommes. La progression globale du nombre de mandats d’administrateurs confiés à des femmes depuis 2010 ne s’est pas faite de manière uniforme selon le statut au sein du conseil. Le tableau 4 ci-dessous en donne un aperçu. Ces tendances issues de statistiques descriptives peuvent être affinées par notre modèle statistique : un effet croisé entre le statut du nouvel administrateur et sa date d’arrivée ressort. Les résultats Table 4: Statut au sein des CA Statut 12 2006 (Femmes) 2006 (Hommes) 2009 (Femmes) 2009 (Hommes) 2012 (Femmes) 2012 (Hommes) Indépendant 43,04% 58,82% 52,94% 57,05% 70,11% 53,96% Fonction exécutive 3,80% 8,61% 1,68% 8,44% 1,15% 9,63% Représentant des salariés 7,59% 3,77% 8,40% 3,16% 4,98% 2,64% Représentant des actionnaires 12,66% 13,19% 13,44% 14,76% 9,20% 16,33% Représentant de l’Etat 1,27% 1,88% 0,84% 3,36% 3,07% 3,04% Représentant de la famille 27,85% 8,48% 18,49% 7,29% 8,81% 8,11% Autres 3,79% 5,25% 4,21% 5,94% 2,68% 6,29% 5 - Ceci est principalement dû à la sous représentation des femmes au sein du SBF 120 hors CAC 40 : les femmes administratrices étaient plus souvent indépendantes dans le CAC 40 en 2006. 6 - En 2012, selon Ethics & Board, la part des femmes au sein des membres des comités exécutifs du CAC 40 n’était que de 8,88%. 3. Résultats sont résumés dans le tableau 5 pour trois statuts : indépendant, représentant(e) des salariés ou représentant(e) des actionnaires. En comparant ces nouveaux résultats avec ceux du Tableau 3, nous constatons que la hausse de la proportion des femmes parmi les nouveaux administrateurs à partir de 2010 est encore plus marquée pour les statuts d’indépendante et de représentante des salariés (69,16% et 67,89% respectivement en 2011 contre 63,09% en moyenne sur l’ensemble des administrateurs, tous statuts confondus). En revanche, nous n’observons aucune tendance de la sorte pour les représentantes des actionnaires : la probabilité de nommer une femme avec ce statut n’est pas significativement différente (au sens statistique) pour la période 2010-2012 par rapport à la période 2006-2009. La féminisation des CA depuis 2010 n’a donc pas été homogène selon le statut au sein du CA. Les nouveaux administrateurs avec un statut d’indépendant ou de représentant des salariés ont majoritairement été des administratrices. Au contraire, la sous représentation historique des femmes au statut de représentante des actionnaires s’est maintenue après 2010. Présence des femmes dans les comités spécialisés Nous nous intéressons ici à la représentation des femmes dans les comités spécialisés des entreprises du SBF 120. Afin de pouvoir effectuer ce traitement statistique, nous avons regroupé ces comités en 6 catégories : rémunérations, audit-financerisque, stratégie, RSE, gouvernance, et autres. Le tableau 6 ci-dessous donne la répartition des administrateurs et des administratrices en fonction du type de comité (et éventuellement l’absence de comité, si la personne est uniquement membre du conseil d’administration ou Tableau 5 : Probabilité de nomination d’une femme à un nouveau siège selon le statut dans le CA 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Statut : Indépendant 19,33% (5,01%) 18,47% (5,02%) 20,36% (5,06%) 18,18% (5,05%) 58,45% (5,84%) 69,16% (5,86%) 67,60% (5,99%) Statut : Représentant des salariés 25,91% (5,77%) 24,85% (5,69%) 27,18% (5,66%) 24,50% (5,59%) 57,01% (6,11%) 67,89% (6,25%) 66,30% (6,50%) Statut : Représentant des actionnaires 7,63% (2,39%) 7,25% (2,38%) 8,11% (2,44%) 7,12% (2,39%) 7,39% (2,35%) 11,29% (2,88%) 10,58% (2,63%) Modèle similaire à celui exposé dans le tableau 3. La référence est un(e) administrateur (-trice) français(e) âgé(e) de 50 ans. Le résultat est une probabilité moyenne sur l’ensemble des entreprises du SBF 120. Tableau 6a : proportion d’administrateurs siégeant dans un comité spécialisé (population des administrateurs présents fin 2011) Proportion Femmes Hommes 65,82% 73,44% Tableau 6b : Activité au sein des conseils (administrateurs présents fin 2011 et siégeant dans au moins un comité spécialisé) Type de Comité Femmes Hommes Rémunérations 26,72% 29,12% Audit, Finance, Risques 37,07% 32,77% Stratégique 21,55% 24,31% RSE 5,17% 2,82% Gouvernance 8,19% 9,45% Autres Comités 1,29% 1,52% 13 3. Résultats de surveillance). Le tableau se décompose en deux parties : a) la proportion d’administrateurs siégeant dans (au moins) un comité spécialisé selon le sexe (comptabilisation par administrateur) et b) parmi les administrateurs siégeant dans un comité spécialisé, la répartition selon le type de comité et selon le sexe (comptabilisation par siège). La partie b) du tableau est basée sur le nombre de sièges occupés et non sur le nombre d’administrateurs : ainsi, un administrateur siégeant à la fois dans le comité d’audit et le comité de développement durable d’une même entreprise, la même année sera « compté deux fois ». Enfin, étant donné l’absence des dates précise d’entrée et de sortie des comités spécialisés (qui ne concordent pas nécessairement avec les dates de début et de fin d’appartenance au CA), nous ne présentons pas de résultat par année, mais seulement sur l’ensemble des administrateurs présents à la fin de l’année 2011. Les résultats montrent que, parmi les administrateurs présents dans un conseil du SBF 120 à la fin de l’année 2011, près de trois quart (73,44%) des hommes siègent également dans au moins un comité spécialisé. Cette proportion est significativement plus faible pour les femmes avec seulement 65,82%. Ceci est confirmé par notre analyse statistique : la probabilité de nommer une femme plutôt qu’un homme à un siège dans le CA assorti d’un siège dans au moins un comité spécialisé était de 45,72% en 2010, alors que la probabilité de nommer une femme dans un CA sans activité conjointe dans un comité spécialisé était de 62,11%. Notons que cet écart était toujours aussi important en 2011, mais ne semble plus significatif en 2012 : la probabilité de nommer une femme plutôt qu’un homme dans un CA avec une activité dans un comité spécialisé est de 61% environ. 14 Enfin, le tableau 6b ne laisse pas apparaître de différences importantes dans la répartition des administrateurs et administratrices en 2011 selon le type de comité (pour ceux ou celles qui siègent dans au moins un comité spécialisé). Les femmes sont un peu moins représentées dans les comités de rémunération ou de stratégie. Cependant, notre modèle statistique estimé sur l’ensemble des administrateurs (siégeant dans au moins un comité) nommés depuis le début de l’année 2006 ne détecte aucune différence significative dans le type de comité(s) occupé(s) entre hommes et femmes. Il semble donc que les femmes administratrices aient une probabilité plus faible d’avoir une activité dans un comité spécialisé que les homologues masculins et que cette-sous représentation soit relativement uniforme quel que soit le type de comité considéré. La représentation des femmes s’améliore donc de manière globale depuis 2010, mais les responsabilités confiées à ces nouvelles administratrices sont toujours en deçà de celles de leurs homologues masculins. Quelles entreprises ont accueilli des femmes dans leurs CA en 2011 et 2012 ? Nous cherchons à présent à déterminer si la hausse récente de la représentation des femmes dans les CA a été comparable pour l’ensemble des entreprises du SBF 120 ou bien si elle est essentiellement due à une fraction d’entre elles (tandis que d’autres entreprises n’auraient pas modifié leurs pratiques). Pour cela, nous avons considéré trois critères propres à l’entreprise susceptibles d’influencer la composition du CA : 1) le secteur d’activités, 2) la taille de l’entreprise (i.e., nous distinguons simplement les entreprises du CAC 40 de celles du SBF 120 hors CAC 40), 3) la 3. Résultats proportion de femmes dans le CA avant 2010. Pour distinguer le secteur d’activités des entreprises, nous avons simplement utilisé le niveau agrégé de nomenclature en 5 postes 7 : agriculture, industrie, construction, services non administratifs (type commerce, transports, services divers, etc.) et services administratifs (administration publique, enseignement, santé, etc.). Nos estimations ne permettent pas de détecter un quelconque impact du secteur d’activités sur la fréquence de nominations de femmes au sein des CA8. Le modèle précédemment estimé sur l’ensemble des entreprises du SBF 120 est ensuite ré-estimé sur la population des seules entreprises du CAC 40. Les résultats sont résumés dans le tableau 7 ci-dessous et peuvent être directement comparés à ceux du tableau 3 précédemment commentés. Nous constatons que la fréquence de nomination d’administratrices dans le CAC 40 ne diffère pas sensiblement de celle de l’ensemble des entreprises du SBF 120. Comme montré dans le tableau 2, la proportion de femmes était historiquement plus forte dans le CAC 40 que dans le reste du SBF 120 et ce différentiel est resté relativement stable. Il est intéressant de noter cependant que la fréquence de nomination de femmes plutôt que d’hommes semble avoir chuté plus fortement en 2012 dans le CAC 40 (50%) que dans l’ensemble du SBF 120 (60,97%), alors que ces fréquences étaient comparables en 2011 (toutes deux supérieures à 60%). Il est possible que cette inflexion – les entreprises du CAC 40 ne nomment plus qu’une femme administratrice pour un homme administrateur en 2012, contre près de deux pour un l’année précédente – soit due au fait qu’une majorité d’entre elles ont déjà atteint les quotas fixés par la loi (20% d’administratrices à l’horizon 2014), ce qui n’est pas le cas pour le reste des entreprises du SBF 120. Pour tester cette hypothèse, nous distinguons les entreprises du SBF 120 qui, en 2009, avaient déjà atteint les quotas de la Loi (plus de 20% d’administratrices) de celles qui ne les avait pas encore atteints (moins de 20% d’administratrices), nous obtenons des écarts significatifs dans le taux de nomination de femmes en 2010. Les résultats sont résumés dans le Tableau 8. Nous observons que pour les entreprises qui avaient déjà atteint le seuil de 20% en Tableau 7 : Probabilité de nomination d’une femme à un nouveau siège (CAC 40) Probabilité 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 21,73% (5,09%) 23,52% (5,08%) 20,70% (5,20%) 23,15% (5,26%) 57,31% (5,63%) 61,38% (5,62%) 50,00% (5,93%) Estimations issues d’un modèle de type logit bivarié. Les écart-types sont entre parenthèses. La référence est un(e) administrateur (-trice) français(e) âgé(e) de 50 ans. Le résultat est une probabilité moyenne sur l’ensemble des entreprises du CAC 40 et sur l’ensemble des statuts. Tableau 8 : Probabilité de nomination d’une femme à un nouveau siège selon la position en 2009 par rapport au quota de 20% Probabilité 2010 2011 2012 Entreprise >=20% en 2009 28,20% (5,17%) 40,12% (5,32%) 60,14% (5,85%) Entreprise < 20% en 2009 59,65% (5,74% 70,06% (5,88%) 61,22% (5,84%) Estimations issues d’un modèle de type logit bivarié. Les écart-types sont entre (). La référence est un(e) administrateur (-trice) français(e) âgé(e) de 50 ans. Le résultat est une probabilité moyenne sur l’ensemble des entreprises du SBF 120 (en distinguant celles avec plus de 20% de femmes dans les CA et celles avec moins de 20%) et sur l’ensemble des statuts. 7 - Le nombre limité d’entreprises considérées (120) nous oblige à limiter le nombre de postes d’activités. 8 - Notons que cette absence d’impact du secteur d’activités peut être liée à une corrélation entre cette variable et la troisième considérée, c’est-à-dire la proportion de femmes dans le CA avant 2010. En effet, certaines entreprises dans le secteur de l’industrie ou de la construction notamment, accusaient un retard important sur les quotas de la Loi Copé-Zimmermann avant 2010. Au contraire, certains secteurs de services avaient déjà une meilleure représentation des femmes. 15 3. Résultats 2009, la probabilité qu’une femme ait été nommée administratrice en 2010 n’est que de 28,20%. Par contre, cette probabilité est de 59,65% pour les entreprises qui n’avaient pas encore atteint ce seuil en 2009. (Rappelons que d’après les résultats du Tableau 3 la probabilité sur l’ensemble du SBF 120 est de 52,34% en 2010). Qualitativement, le même résultat est obtenu en 2011. Par contre, cette différence relativement importante de probabilité de nomination d’une femme au sein d’un CA semble avoir disparu en 2012. La baisse globale de la fréquence de nomination de femmes observée en 2012 par rapport à 2011 semble donc essentiellement due aux entreprises qui étaient initialement « en retard » sur le premier quota de la loi Copé-Zimmermann. Celles-ci ont nommé plus de 3 administratrices pour 4 sièges en 2011, avant de réduire ce rythme de nomination de femmes pour se rapprocher de la parité dans les nouvelles nominations. Au contraire, les entreprises ayant déjà atteint les quotas de 20% en 2009 ne semblaient pas avoir comme objectif les prochains quotas (40% à l’horizon 2017) puisque le taux de nomination de femmes en 2010 n’était que de 28,20%. Elles ont ensuite accéléré le rythme de nomination d’administratrices. Administratrices : Une denrée rare ? Le nombre d’administratrices étant très restreint avant 2010, se pose la question du profil des administratrices nouvellement nommées dans les sociétés du SBF 120. Ces femmes étaient-elle déjà administratrices dans une ou d’autres sociétés, dans le SBF 120 notamment ? Autrement dit, l’essor du nombre de postes d’administrateurs occupés par des femmes s’est-il produit par une augmentation du nombre de femmes devenues administratrices ou bien par un mécanisme de cumul des mandats d’un nombre in fine restreint d’administratrices ? Le Tableau 9 ci-dessous fournit des éléments de réponses à ce sujet. Les résultats du Tableau 9 semblent indiquer que la féminisation des conseils d’administration s’est effectuée autour d’un nombre restreint de femmes, à tout le moins en ce qui concerne le SBF 120. En effet, alors qu’en 2006, le nombre de femmes exerçant simultanément plusieurs mandats d’administratrices dans le SBF 120 était nettement inférieur à celui des hommes (13,16% contre 19,25%), cet écart s’est progressivement réduit et le taux de femmes cumulant des mandats est en 2012 comparable à celui des hommes. Tableau 9 : Cumul de mandats selon l’année et le sexe Part d’administrateurs avec plus d’un mandat 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Hommes 19,25% 19,58% 19,07% 19,70% 20,10% 17,41% 17,23% Femmes 13,16% 13,34% 14,14% 14,50% 15,76% 16,96% 17,10% Tableau 10 : Probabilités de gain et/ou perte d’un mandat l’année t pour des administrateurs lors de l’année t-1 (période 2006-2012) 16 Probabilité Femmes Hommes Nouveau(x) mandat(s) en t 5,79% (0,77%) 3,46% (0,40%) Non-renouvellement en t du (des) mandats existants 7,35% (0,61%) 10,13% (0,69%) Estimations issues d’un modèle de type logit multivarié (4 positions possibles : 1) nouveau(x) mandat(s) et conservation des précédents, 2) stabilité, 3) nouveau(x) mandat(s) et perte d’un ou des précédents), 4) pas de nouveau mandat et perte d’un ou des précédents). Les écart-types sont entre (). Ne sont considérées ici que les personnes siégeant dans un CA du SBF 120 en t-1. La référence est un(e) administrateur (-trice) français(e) âgé(e) de 50 ans. Le résultat est une probabilité moyenne sur l’ensemble des entreprises du SBF 120 (en distinguant celles avec plus de 20% de femmes dans les CA et celles avec moins de 20%) et sur l’ensemble des statuts. 3. Résultats Un modèle statistique (cf. tableau 10 ci-dessus) estimé sur la population des administrateurs et des administratrices du SBF 120 à une année donnée, montre par ailleurs que les femmes exerçant déjà un mandat ont une probabilité plus grande que les hommes : a) d’exercer un ou des nouveau(x) mandat(s) l’année suivante, b) de voir leur(s) mandat(s) en cours renouvelés. Ce résultat a une portée limitée, car il n’intègre pas la population des hommes ou femmes membres d’un CA d’une société hors du SBF 120. Il suggère cependant une plus grande probabilité de cumul des mandats pour les femmes récemment nommées plutôt que pour les hommes récemment nommés. Ce phénomène vient compenser un plus grand « cumul historique » des mandats pour les hommes administrateurs dans le SBF 120 sur une plus longue période. 17 Conclusion La féminisation des CA des grandes entreprises françaises est en cours. De nombreuses entreprises ont entamé un premier effort de recomposition de leur conseil dès la préparation de la loi Copé-Zimmerman. Cependant, atteindre l’objectif de 2014 demandera la nomination de 79 femmes dans les CA des entreprises du SBF 120 en 2013 et 2014. Le respect de l’objectif de 2017 entraînera l’entrée de 70 femmes supplémentaires en moyenne par an dans ces CA. Moins nombreuses que leurs homologues masculins, les femmes qui siègent dans ces CA sont plus intensément sollicitées (en nombre de mandats). En général, les personnes élues ont ou ont eu des responsabilités managériales importantes au sein de leur propre entreprise ou dans des grands groupes, ou bien sont issues du monde de la création au sens large (universitaires, artiste,…). A ce titre, la population nationale éligible restant limitée, on peut penser que la féminisation des CA imposé par la loi Copé-Zimmerman s’accompagnera d’un rajeunissement et/ou d’une internationalisation accrue. Cependant, malgré ces bonnes nouvelles, on peut aussi se demander si un glass ceiling qualitatif n’est pas en train de se substituer à un glass ceiling quantitatif, les femmes étant moins présentes que les hommes dans les comités spécialisés où les décisions se préparent. Finalement, il conviendra d’attendre avant de savoir si cette féminisation des CA modifie en profondeur les choix stratégiques à venir des entreprises, ou bien si les changements sont mineurs, les femmes nommées à des postes d’administrateurs se comportant de manière similaire à leurs homologues masculins. 18 Références • Adams R., Ferreira D., « Women in boardroom and their impact on governance and performance », Journal of Financial Economics, vol. 94, 2009, p. 294-309. • Adams R., Funk P., « Beyond the Glass Ceiling: Does Gender Matter?», Management Science, vol. 58, 2012, p. 219-235. • Apesteguia J., Azmat G., Iriberri N., “The Impact of Gender Composition on Team Performance and Decision Making: Evidence from the Field » Management Science, 58(1) pp.78-93, 2012. • Carter D., D’Souza F., Simkins B., Simpsons W., The Gender and Ethnic Diversity of US Boards and Board Committees and Firm Financial Performance, Corporate Governance: An International Review, 2010, 18(5): 396–414 • Catalyst, 2007. 2007 Catalyst Census of Women Board Directors of the Fortune 1000. Catalyst, New York. • Commission Européenne (2012), Women in economic decision-making in the EU: Progress report. • Deszö & Ross, Does female representation in top management improve firm performance? A panel data investigation, Strategic Management Journal, 33: 1072–1089 (2012) • Equal Opportunity for Women in the Work place Agency (EOWA), 2006. 2006 EOWA Australian census of women in leadership, hwww.eowa.gov.aui. • European Professional Women’s Network (EPWN), 2004.The European PWN board women monitor 2004, hwww.europeanpwn.net/index. php?article_id=8i. • Moulin Y., Point S. (2012), Les femmes dans les Conseils d’Administration des grands groupes français : quels « atouts » privilégier ? EM Strasbourg. • Sandberg, Sheryl. (2013), Lean in. Women, work and the will to lead. Random House Inc. • Singh V., Vinnicombe S., « Opening the boardroom doors to women directors», In McTavish, D., Miller, K. (Eds) Women in Leadership and Management: A European Perspective, 2006, Edward Elgar Publishing Ltd, Cheltenham. • Terjesen S., Singh V., « Female presence on corporate boards: a multi-country study of environmental context », Journal of Business Ethics, 2008, p. 55-63. 19 Position-Papers et Publications du Pôle de Recherche en Economie de l’EDHEC (2010-2013) Position Papers 2013 • Chéron, A. Obsolescence des compétences, formation continue et chômage : quelles relations pour quelles politiques ? (juin). • Chéron, A. Pour une réforme de l’assurance chômage des 50 ans et plus (janvier). • Courtioux, P. Equité fiscale et financement de l’enseignement supérieur : le Prêt à remboursement conditionnel au revenu comme instrument fiscal (janvier). Position Papers 2012 • Hourquet. P.-G., S. Lo, E. Metais and P. Very. The Participation of French Firms in M&A Waves (novembre). • Hourquet. P.-G., S. Lo, E. Metais and P. Very. Les entreprises françaises et les vagues d‘acquisition (novembre). • Palomino. F. Executive Pay What to Expect from “say on pay”? (novembre). • Palomino. F. Rémunération des dirigeants d’entreprise : que peut-on attendre du « say on pay » ? (novembre). • Gregoir, S., et T.-P. Maury. Quel a été l’effet de l’instauration de Zones Franches Urbaines sur les marchés immobiliers locaux ? Le cas de la Seine-Saint-Denis. (septembre). • Chéron, A., et S. Gregoir. Le modèle économique et social français doit s’adapter pour durer (avril). • Courtioux, P., et S. Gregoir. Mettre en place des Contrats de formation supérieure pour développer une société des savoirs (février). • Chéron, A. De la modulation des subventions à la formation continue des salariés (janvier). Position Papers 2011 • Gregoir, S., et T.-P. Maury. La dégradation des rendements locatifs affectera l’évolution des prix de l’immobilier (décembre). • Courtioux, P. L’origine sociale joue-t-elle sur le rendement des études supérieures ? (novembre). • Chéron, A. Un haut niveau de protection de l'emploi ralentit l'insertion des jeunes sur le marché du travail (juillet). • Gregoir, S., et T.-P. Maury. The impact of unemployment on homeownership in England (juin). • Courtioux, P., et S. Gregoir. L’investissement public dans l’enseignement supérieur remet-il en cause l’équité fiscale ? (février). • Chéron, A. L’évolution de la formation professionnelle continue : une perspective internationale (janvier). Position Papers 2010 • Palomino, F. Peut-on rendre les stock options versées aux dirigeants plus efficaces ? (octobre). • Courtioux, P., S. Gregoir. Les propositions de l’EDHEC pour réformer l’enseignement supérieur : les contrats de formation supérieure (septembre). • Amenc, N., Chéron, A., Gregoir. S., et L. Martellini. Il faut préserver le Fonds de Réserve pour les Retraites (juillet). 20 Position-Papers et Publications du Pôle de Recherche en Economie de l’EDHEC (2010-2013) • Chéron, A. Réformer la protection de l’emploi des seniors pour accompagner l’augmentation de l’âge de départ à la retraite : que peut-on attendre d’une baisse du coût de licenciement d’un senior ? (mai). • Gregoir, S., M. Hutin, T.-P. Maury et G. Prandi. Quels sont les rendements de l'immobilier en Ile-de-France ? (mai). • Chéron, A. Faut-il plus protéger les emplois à bas salaires ? (janvier). • Courtioux, P. L’effet du système socio-fiscal sur les rendements privés de l’enseignement supérieur (janvier). 21 Notes …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 22 Le Groupe EDHEC a pour vocation de former des étudiants et des dirigeants à mener des projets et des hommes dans un contexte multiculturel. Le Groupe offre un éventail de formations destinées à couvrir l’ensemble des besoins des entreprises. Sa large gamme de programmes diplômants internationaux attire des étudiants du monde entier. Près de 6 000 étudiants et 10 000 cadres en séminaires et formation sont actuellement répartis sur ses cinq sites de Lille, Londres, Nice, Paris, et Singapour. Dans le cadre de sa stratégie internationale, le Groupe EDHEC développe une politique innovante de recherche pour les entreprises, organisée autour de quatre pôles de recherche. Accréditée AACSB, AMBA et EQUIS, l’EDHEC est régulièrement classée parmi les meilleures écoles de gestion européennes. Depuis février 2006, l’EDHEC dispose d’une équipe de recherche en économie sur l’évaluation des politiques publiques et la réforme de l’Etat. Les objectifs du pôle sont de réaliser une recherche innovante et appliquée permettant à l’EDHEC de disposer d’une expertise reconnue d’un point de vue académique sur des thèmes stratégiques pour l’économie française. Aujourd’hui le pôle de recherche « Economie » fédère une équipe de 10 professeurs et chercheurs permanents et associés autour de grands thèmes qui s’articulent selon deux directions, d’une part des problématiques à l’intersection des questions économiques et financières et d’autre part liées au modèle social français, et plus particulièrement au marché du travail et à l’éducation. Copyright © 2013 EDHEC Plus d’informations sur le site web du Groupe EDHEC : www.edhec.com EDHEC BUSINESS SCHOOL PÔLE DE RECHERCHE EN ÉCONOMIE, ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES ET RÉFORME DE L'ÉTAT 393-400 promenade des Anglais 06202 Nice Cedex 3 Tél. : +33 (0)4 93 18 32 53 Fax : +33 (0)4 93 18 78 40 Web : www.edhec.com/economie