Conseils pour la conclusion
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Conseils pour la conclusion
Méthodologie de la conclusion 1) Pourquoi une conclusion ? Trop souvent, les élèves négligent la conclusion, que ce soit à l’écrit ou à l’oral ; arrivés à la fin de leur étude, les élèves pensent que le moment de la détente est déjà arrivé. Ce malentendu est particulièrement dangereux à l’oral (bac de français), où il faut immédiatement mobiliser son attention et ses connaissances pour la deuxième partie de l’épreuve : l’entretien avec l’examinateur. (Rappelons que cette deuxième partie compte également pour 10 points et que selon les instructions données aux examinateurs, la note pour l’entretien doit être donnée de façon indépendante par rapport à la lecture analytique de la première partie : cela veut donc dire que même si la lecture analytique s’est bien déroulée, on peut toujours se retrouver avec une note inférieure à la moyenne si on néglige l’entretien !) Se concentrer sur la conclusion permet donc de ne pas relâcher ses efforts trop tôt et, lorsque vous faites une mise en parallèle avec un extrait que vous connaissez bien, d’orienter peut-être l’entretien dans un sens qui vous sera favorable : l’examinateur sera sans doute tenté de continuer l’épreuve en commençant par vous poser des questions sur cet extrait que vous maîtrisez bien. A l’écrit, les conclusions bâclées se remarquent tout de suite : une petite phrase de bilan, un parallèle sans aucune justification… et tout cela au moment même où le correcteur va devoir se demander quelle note appliquer ! Rappelons qu’un commentaire (mais aussi une lecture analytique et une dissertation) est une argumentation dans laquelle vous voulez convaincre votre lecteur de la validité de votre projet de lecture ; bâcler la conclusion revient alors à rater le moment où vous pouvez réunir toutes les preuves qui vous donnent raison. C’est un peu comme si un scientifique, après une longue démarche de tests et d’analyses (votre travail d’analyse dans les sous-parties) « oublie » de résumer de façon claire et logique quelle est la conclusion finale qu’il tire de son investigation : on voit alors que ce scientifique a bien été capable d’étudier une certaine question, mais qu’il n’apporte aucune réponse ! Un dernier mot au sujet du parallèle (ou de l’ « ouverture »). Trop souvent, cette dernière partie de la conclusion apparaît comme une recherche gratuite et imposée, sans lien avec ce qui précède. Il s’agit au contraire de montrer que votre interprétation du texte est validée par le fait qu’il y a d’autres textes où une interprétation semblable est possible ; pour reprendre le parallèle avec le scientifique, la validité de ses conclusions finales est renforcée parce qu’il y a d’autres analyses qui ont permis d’obtenir le même résultat. Enfin, il vaut mieux préférer – pour établir un parallèle -- des textes ou des livres aux films ; n’oublions pas qu’il s’agit d’une épreuve finale de français, où on teste surtout votre connaissance des textes écrits. 2) Quelques conseils : • • • • • La conclusion comporte deux parties : le bilan de votre étude et une mise en parallèle ; Au moment de la conclusion, votre étude est terminée ; ne recommencez donc pas à étudier telle ou telle citation : il ne faut plus donner de citations de l’extrait dans la conclusion ; Éviter d’utiliser trop souvent les formules « En conclusion » ou « Pour conclure » ; votre lecteur sait qu’il s’agit de votre conclusion ; Une conclusion ne doit pas être le moment où vous résumez (une fois de plus) le contenu du texte étudié ; il faut au contraire faire le bilan de votre étude en résumant le contenu de toutes vos sous-parties (une phrase par sous-partie, en respectant l’ordre dans lequel vous les avez abordées) ; Tous les éléments trouvés dans les sous-parties doivent servir à répondre clairement à la question que vous aviez posée dans l’introduction (votre projet de lecture ou aussi appelée « problématique ») ; il peut donc être utile de rappeler cette question dans la conclusion. 3) Exemple de conclusion (accompagnée d’une analyse) : Texte étudié : Âgé de cinq ou six ans, je fus victime d’une agression. Je veux dire que je subis dans la gorge une opération qui consista à m’enlever des végétations ; l’intervention eut lieu d’une manière très brutale, sans que je fusse anesthésié. Mes parents avaient d’abord commis la faute de m’emmener chez le chirurgien sans me dire où ils me conduisaient. Si mes souvenirs sont justes, je m’imaginais que nous allions au cirque ; j’étais donc très loin de prévoir le tour sinistre que me réservaient le vieux médecin de la famille, qui assistait le chirurgien, et ce dernier lui-même. Cela se déroula, point pour point, ainsi qu’un coup monté et j’eus le sentiment qu’on m’avait attiré dans un abominable guet-apens. Voici comment les choses se passèrent : laissant mes parents dans le salon d’attente, le vieux médecin m’amena jusqu’au chirurgien, qui se tenait dans une autre pièce en grande barbe noire et blouse blanche (telle est, du moins, l’image d’ogre que j’en ai gardée) ; j’aperçus des instruments tranchants et, sans doute, eus-je l’air effrayé car, me prenant sur ses genoux, le vieux médecin dit pour me rassurer : « Viens, mon petit coco ! On va jouer à faire la cuisine. » À partir de ce moment je ne me souviens de rien, sinon de l’attaque soudaine du chirurgien qui plongea un outil dans ma gorge, de la douleur que je ressentis et du cri de bête qu’on éventre que je poussai. Ma mère, qui m’entendit d’à côté, fut effarée. Ce souvenir est, je crois, le plus pénible de mes souvenirs d’enfance. Non seulement je ne comprenais pas que l’on m’eût fait si mal, mais j’avais la notion d’une duperie, d’un piège, d’une perfidie atroce de la part des adultes, qui ne m’avaient amadoué que pour se livrer sur ma personne à la plus sauvage agression. Toute ma représentation de la vie en est restée marquée : le monde, plein de chausse-trapes, n’est qu’une vaste prison ou salle de chirurgie ; je ne suis sur terre que pour devenir chair à médecins, chair à canons, chair à cercueil ; comme la promesse fallacieuse de m’emmener au cirque ou de jouer à faire la cuisine, tout ce qui peut m’arriver d’agréable en attendant n’est qu’un leurre, une façon de me dorer la pilule pour me conduire plus sûrement à l’abattoir où, tôt ou tard, je dois être mené. Michel LEIRIS (1901-1990), L’Âge d’homme (1939). Conclusion du commentaire : L’étude de cet extrait de L’âge d’homme de Michel Leiris avait pour but de se demander comment on voyait que le narrateur essayait de mieux comprendre son présent par une analyse de son passé1. En premier lieu, le passage étudié relate un souvenir marquant pour le narrateur : dans son passé, l’opération des amygdales a été une tromperie traumatisante parce qu’il était encore un enfant innocent : cette innocence se remarque dans le passage par les réactions enfantines et par les allusions à la mère2 dont le narrateur dépendait encore. Sans défenses, l’enfant qu’il était a été la victime des mensonges d’un grand groupe d’adultes, y compris les parents : le champ lexical du 1 2 « comment on voyait… » : On reconnaît le projet de lecture, répété en début de conclusion. « les réactions enfantines » et « les allusions à la mère » : il s’agit de ce qui a été démontré dans la première souspartie de la partie I. mensonge3, très étendu, le montre. Pour mieux souligner à quel point il a été marqué par cette expérience, le narrateur se glisse de nouveau dans la peau de l’enfant qu’il était par le biais d’un point de vue interne4. Une première étape de l’explication du présent par le passé est ainsi constituée par la restitution de la force d’un souvenir traumatisant. Ensuite, il a été montré que le lien entre le passé et le présent est direct. En effet, le passage étudié peut être divisé en deux parties distinctes, mais qui sont juxtaposées et qui se prolongent : la première, contenant les temps du passé, se rapporte au souvenir du passé alors que la deuxième, majoritairement au présent5, renvoie clairement à la vie actuelle du narrateur adulte. Le fait qu’il s’agisse ici de l’extrait d’une autobiographie psychanalytique souligne la continuité entre le passé et le présent, étant donné que la psychanalyse tente toujours de mieux cerner le présent par un retour sur le passé : la démarche psychanalytique est visible par le souci apporté aux détails et par la présence de nombreuses expressions renvoyant aux émotions6. Enfin, le dernier paragraphe du passage contient plusieurs expressions au présent de vérité générale 7qui montrent comment le comportement du narrateur adulte reflète l’expérience du narrateur enfant. La volonté de comprendre le présent par une analyse des expériences vécues dans le passé se retrouve fréquemment dans les autobiographies ou dans certains romans autobiographiques8. Ainsi le narrateur adulte de L’Enfant de Jules Vallès raconte-t-il certains épisodes très marquants de son enfance, mettant en avant la personnalité rude de sa mère ou le caractère effacé de son père. Il est alors évident de comprendre qu’un tel récit vise à dénoncer ce passé traumatisant responsable des souffrances dont le narrateur adulte se sent encore la victime. Michel Leiris, lui, semble vouloir expliquer sa méfiance d’adulte en trouvant son origine dans le passé. 3 « le champ lexical du mensonge » : contenu de la deuxième sous-partie. 4 « point de vue interne » : contenu de la troisième sous-partie. 5 « le passage étudié peut être divisé… » et « les temps du passé » et « au présent » : première sous-partie de la deuxième partie. 6 « le souci apporté aux détails… » : deuxième sous-partie de la deuxième partie. 7 « plusieurs expressions au présent de vérité générale » : dernière sous-partie de la deuxième partie. 8 « se retrouve fréquemment… » : début de la mise en parallèle.