bonne profondeur? - Aventure Chasse et Pêche
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bonne profondeur? - Aventure Chasse et Pêche
Et si vous ne pêchiez pas à la bonne profondeur? Jean-Pierre Ouellet Par Pascal Blais Les espèces sportives de poissons du Québec ne sont pas « soudées » à une profondeur précise. Si le poisson le désire, il peut aussi bien évoluer tout près de la surface qu’à plus de 150 pieds de profondeur, car aucune barrière physique ne l’empêche de le faire. Or, trop de pêcheurs ont des œillères lorsque vient le temps de déterminer la profondeur à laquelle il faut pêcher. Pourtant, nos poissons sont polyvalents à cet égard… L es différentes espèces de poissons qui évoluent dans nos plans d’eau ne changent pas de profondeur pour le plaisir. On doit comprendre que l’énergie dépensée dans leurs déplacements est dosée et réfléchie, car c’est leur survie qui en dépend. Pour la très grande majorité des espèces de poissons présentes dans les lacs du Québec, il existe plusieurs facteurs qui influencent leur déplacement vertical. Le premier, et l’un des plus importants, est le besoin de retrouver une température d’eau adéquate qui se rapproche le plus possible de leur température préférentielle. Vous le savez probablement, plus l’eau de surface se réchauffe en été et plus les poissons ont tendance à évoluer en profondeur. S’il en est ainsi, c’est justement parce que les poissons ont généralement besoin d’eau froide ou fraîche pour se sentir confortables. Un autre facteur qui affecte la profondeur des poissons est le degré de pénétration de la lumière dans l’eau. En effet, chez la majorité des espèces, une journée ensoleillée et sans vent les incitera à se déplacer vers des profondeurs plus importantes. Ce phénomène sera accentué si plusieurs journées de ce type de climat se répètent. Au contraire, une journée nuageuse et venteuse aura tendance à attirer les poissons à des profondeurs moindres. Et il n’y a pas seulement que les conditions climatiques qui agissent sur le facteur « pénétration de lumière ». La limpidité d’un lac y compte également pour beaucoup. En général, plus l’eau est claire et plus les poissons seront en profondeur. À l’opposé, une eau teintée ou turbide transportera les poissons sur des structures moins profondes. Pour connaître les autres facteurs qui influencent la profondeur d’évolution des poissons, je vous invite à consulter le tableau à ce sujet un peu plus loin. Jusqu’à présent, nous avons examiné d’un œil général ce qui pouvait faire varier la profondeur à laquelle les poissons évoluent. Vous le savez bien, chaque espèce a des besoins physiologiques différents et elles ne réagissent pas toutes de la même manière à ces différents facteurs. Si vous le voulez bien, approfondissons cette notion en prenant une à une les espèces de poissons les plus présentes et les plus prisées dans notre province. Doré jaune Zone active : 63 à 72 °F (17 à 22 °C) Température préférentielle : 64 °F (18 °C) Échelle de profondeur : 0 à 105 pieds Profondeur plus fréquentée : 8 à 35 pieds Je n’apprendrai rien à personne en révélant que le doré est repoussé par un degré de pénétration de lumière élevé. Lors d’une journée où les rayons du soleil entrent profondément dans l’eau, ce poisson aura tendance à se réfugier à des profondeurs plus importantes. De toutes les espèces de poissons présentes au Québec, c’est probablement celle qui est la plus touchée par le facteur « pénétration de lumière ». Pour un maximum de chances de voir évoluer nos leurres à la profondeur préférentielle des dorés, il faut évaluer quotidiennement la limpidité de l’eau et les conditions météorologiques (soleil et vent). Ce facteur n’est vraiment pas à prendre à la légère, car dans des cas extrêmes où l’eau est très claire et qu’il est possible de voir une roche à plus 20 WWW.AVENTURE-CHASSE-PECHE.COM HIVER 2013 181 pieds de profondeur, le doré peut se trouver à la même profondeur qu’une truite grise. D’ailleurs, le guide Yvan Rousseau a capturé un doré à 105 pieds de profondeur sur un downrigger à la baie de Quinte (lac Ontario) tard en automne. Il faut comprendre qu’à cette période, l’eau est sensiblement à la même température à toutes les profondeurs, car son brassage a oxygéné toute la colonne d’eau. Le doré n’avait donc pas de contrainte d’oxygène ou de température. Par surcroît, lors de cette capture, il y avait une forte pénétration de lumière dans l’eau. Soyons clairs, il est rare que les dorés se retrouvent à des profondeurs aussi élevées. En période estivale, ce poisson évolue très rarement sous la thermocline. Pourquoi? Parce que la température préférentielle du doré se situe au-dessus de ce changement brusque de température. Et si je voulais encore en ajouter, la nourriture présente vit habituellement à des profondeurs faibles ou moyennes (à moins que la seule nourriture du plan d’eau soit le cisco ou le corégone). Vous comprenez? Un doré n’ira pas en profondeur pour « avoir froid » et manquer de nourriture. Il va plutôt essayer de se tenir à une profondeur représentant un bon compromis entre le degré de pénétration de la lumière, qui se veut tamisée, et sa capacité de satisfaire ses autres besoins physiques dans cette strate d’eau. Truite mouchetée Charles Roberge Zone active : 50 à 61 °F (10 à 16 °C) Température préférentielle : 54 °F (12 °C) Échelle de profondeur : 0 à 83 pieds Profondeur plus fréquentée : 0 à 33 pieds Denis Lapointe Lors de conditions ensoleillées et sans vent, la majorité des espèces de poissons ont tendance à évoluer plus en profondeur. Ce phénomène peut même être remarqué si l’eau est froide. Le pêcheur qui réussit à obtenir du succès sur une base constante ajuste généralement la profondeur de nage de ses leurres en fonction des différentes conditions climatiques et des différents types de lacs. 182 HIVER 2013 WWW.AVENTURE-CHASSE-PECHE.COM La truite mouchetée vit dans les plans d’eau très bien oxygénés. Elle a également besoin d’une eau froide pour être confortable. Comme nous venons de le constater avec le doré, les eaux les plus profondes ne sont habituellement pas les plus oxygénées en été. Or, en période estivale, ce sont les eaux les plus profondes qui sont les plus froides. Comment ce poisson va-t-il s’adapter à cette réalité? En se positionnant généralement au-dessus de la thermocline pour aller chercher le meilleur des deux mondes (oxygène et eau froide). Il peut arriver à l’occasion que ce poisson franchisse la barrière de la thermocline. Dans cette éventualité, la truite va effectuer de brèves incursions pour aller se nourrir d’une source de nourriture riche comme le cisco. Mais encore faut-il que le lac contienne ce genre de nourriture et que les mouchetées soient d’assez grande taille pour s’en nourrir. Dans les lacs ne contenant pas de ciscos, les truites vont habituellement se déplacer vers la surface. Durant de courtes périodes, elles vont aller se gaver d’insectes ou de petits ménés qui se trouvent à faible profondeur, et ce, surtout en période de faible luminosité (matin et soir). Les conclusions d’une étude menée par le MRNF entre 1996 et 2007 abondent d’ailleurs dans le même sens. Sur 1769 ombles de fontaine capturés au filet entre le 22 juillet et le 14 septembre sur des lacs répartis un peu partout au Québec, on a noté que les profondeurs de 0 à 20 pieds étaient celles qui apportaient le plus de captures. Or, le plus intéressant de cette étude concerne la moyenne de taille des truites. En été, les biologistes ont constaté que les ombles pris PUB 1 PAGE DOMAINE TOURISTIQUE LATUQUE WWW.AVENTURE-CHASSE-PECHE.COM HIVER 2013 183 entre 20 et 33 pieds de profondeur étaient en moyenne plus gros que les autres capturés à des profondeurs moindres ou plus grandes. C’est une donnée très intéressante pour les pêcheurs de gros sujets. Toujours selon cette étude, on apprend également qu’il se capture moins de mouchetées à des profondeurs plus importantes que 33 pieds et que leur taille est sensiblement semblable à celle des truites qui vivent entre 0 et 20 pieds. Quel est le record de profondeur pour une truite mouchetée? Les filets des biologistes ont capturé des truites mouchetées jusqu’à 83 pieds de profondeur!!! Non, il n’y a pas d’erreur dans les chiffres. Jusqu’à présent, nous avons examiné les habitudes de la mouchetée en été. Au printemps, c’est une autre dynamique. La température de l’eau et le taux d’oxygène dissous ne sont pas aussi changeants selon la profondeur. Règle générale, les truites iront profiter des quelques degrés supplémentaires qu’apporte le pourtour des lacs, même en plein jour. À ce moment, elles seront à de très faibles profondeurs. Mais si l’eau n’a pas encore commencé à réchauffer, il est fort probable que les ombles évoluent en suspension à des profondeurs qui pourraient vous surprendre. En effet, j’ai déjà capturé des mouchetées très tôt au printemps à une profondeur de 42 pieds! Donc, gardez en tête que ce n’est pas parce que la saison est jeune que l’action va nécessairement se dérouler à faible profondeur. Truite grise Zone active : 39 à 57 °F (4 à 14 °C) Température préférentielle : 48 °F (9 °C) (spécimens de moyenne et grande taille) Échelle de profondeur : 0 à 300 pieds Profondeur plus fréquentée : 20 à 100 pieds (spécimens de moyenne et grande taille) Je vois déjà des lecteurs sauter sur leur fauteuil! Oui, la truite grise peut évoluer à 300 pieds de profondeur. Toutefois, il faut comprendre que ce sont généralement les plus petits sujets qui se retrouvent à cette profondeur. Pour tout avouer, les petits spécimens (moins de 4 ans) ont une température préférentielle plus basse que les moyennes et les grosses grises. Ils vont donc évoluer dans les abysses pour entre autres éviter d’être dévorés par les plus gros sujets. D’autre part, dans le cas qu’on peut qualifier d’extrême profondeur, mentionnons une souche de truite grise qui vit dans le lac Supérieur et qu’on nomme Siscowet. Selon des études faites par le Ministère des Ressources naturelles du Michigan, il n’est pas rare que cette truite nage à 500 ou 600 pieds de profondeur. Une truite Siscowet aurait même déjà atteint le cap des 1336 pieds de profondeur… Le comble dans cette histoire, c’est qu’on ne parle pas ici de truites juvéniles, mais bien de grosses truites qui peuvent peser plusieurs dizaines de livres! Revenons à nos truites grises du Québec et plus particulièrement à celles devenues adultes. Comme vous avez pu le constater dans le sous-titre, la grise aime une eau très froide. Cette caractéristique fera évoluer ce poisson sous la thermocline en été. Et les profondeurs peuvent être considérables. Il n’est pas rare que la grise adulte évolue de 100 et 110 pieds de profondeur. Dans les lacs très clairs, il arrive parfois que des pêcheurs surprennent des spécimens à 130, Tableau 1 : Les différents facteurs qui font varier la profondeur des poissons Facteurs Effets sur les poissons Température de l’eau Les poissons auront tendance à aller rejoindre la température d’eau qui est près de leur température préférentielle. Degré de pénétration de la lumière dans l’eau Haut (sans vent et soleil de plomb) : les poissons seront plus en profondeur. Faible (temps venteux et nuageux) : les poissons seront à moindre profondeur. Limpidité de l’eau Claire : les poissons ont tendance à être plus en profondeur. Teintée ou turbide : les poissons ont tendance à être moins en profondeur. Présence de nourriture Tout dépend du type de nourriture. Les poissons en chasse vont aller la rejoindre afin de se nourrir. Fait à noter, les poissons ne mangent parfois que durant quelques minutes avant de retourner à une profondeur plus adéquate pour eux. Front froid Après le passage d’un front froid, les poissons ont une légère tendance à aller plus en profondeur. Présence d’oxygène Dans les lacs où une forte décomposition organique est présente, la partie la plus profonde peut souffrir d’un manque d’oxygène (été et début d’automne). Les poissons éviteront alors les secteurs profonds. 184 HIVER 2013 WWW.AVENTURE-CHASSE-PECHE.COM 140 et même à 150 pieds de profondeur. Lorsque ce poisson se situe à de telles profondeurs, il va souvent effectuer de très brèves montées (1 à 8 minutes) vers les zones moins profondes pour se gaver. Au printemps, la truite grise peut vraiment se trouver dans un large spectre de profondeurs. Certaines journées, on peut en capturer à la surface, tandis que d’autres jours, on en prend dans 90 pieds d’eau! Il m’est même arrivé de capturer de la grise à la surface le matin et d’en prendre dans 90 pieds plus tard lors de la même journée!!! Qu’est-ce qui détermine sa profondeur? Deux aspects sont cruciaux à cette période : le facteur « pénétration de lumière » et la nourriture présente. En effet, la grise n’aime pas les forts rayons du soleil. Son caractère lucifuge est presque aussi considérable que celui du doré si bien que lors des journées ensoleillées et sans vent, la grise ira se « cacher les yeux » à de plus grandes profondeurs en milieu de journée. Mais heureusement pour nous pêcheurs, elle n’ira pas se blottir n’importe où. Elle reste très souvent près de son garde-manger en attendant qu’une baisse de la pénétration de la lumière survienne pour passer à l’attaque. Brochet Zone active : 55 à 79 °F (13 à 26 °C) Température préférentielle : 64 °F (18 °C) (spécimens de grande taille) Échelle de profondeur : 0 à 110 pieds Profondeur plus fréquentée : 0 à 40 pieds Le brochet est un poisson qui est souvent associé aux faibles profondeurs. C’est normal, car ce poisson est beaucoup plus facile à localiser et par conséquent plus facile à capturer lorsqu’il se situe dans les baies herbeuses ou encore près des affluents. D’ailleurs, la majorité des pêcheurs qui veulent se frotter à ce requin d’eau douce vont rarement faire évoluer leurs leurres à plus de 20 pieds de profondeur. Au début de la saison, pêcher le brochet à de faibles profondeurs est un gage de succès pour toutes les tailles de poissons. Il faut comprendre qu’à cette période, le brochet vient tout juste de frayer près des rives herbeuses et dans les rivières. Il sera encore près de ces secteurs. De plus, l’eau de ces secteurs sera habituellement plus chaude que le reste du lac et le brochet s’y sent plus à l’aise compte tenu de sa température préférentielle élevée. En été, on assiste généralement à une dissociation entre les petits et les gros sujets. plantes et d’algues ainsi qu’une accumulation de matière organique au fond. Dans ces lacs de type mésotrophe ou eutrophe, le brochet évoluera à des profondeurs beaucoup moindres. PUB 1/3 PAGE FCMQ Conclusion Le but de cet article était de vous faire réaliser que nos espèces de poissons sont très polyvalentes en ce qui concerne les profondeurs où elles évoluent. Elles ne sont pas confinées à une profondeur donnée pour y rester pendant toute la saison ou durant toute la journée. J’entends trop souvent des pêcheurs mentionner que le brochet se capture seulement à moins de 10 pieds de profondeur, que la mouchetée ne descend pas sous les 30 pieds et que la grise ne franchit jamais les fosses de 100 pieds de profondeur. Il faut comprendre qu’une multitude de facteurs influence la profondeur où les poissons se situent. Chacun d’entre eux doit être pris en considération pour obtenir du succès. Chers pêcheurs, la prochaine fois que vous aurez de la difficulté à obtenir les résultats escomptés aux profondeurs plus traditionnelles, ouvrez un peu votre esprit. Vous ferez sans doute des découvertes très intéressantes et vous grandirez en tant que pêcheur! Laurent Royer Ce phénomène se produit lorsque l’eau atteint les environs de 65 °F. Les petits brochets vont demeurer à faible profondeur et à couvert afin d’éviter les prédateurs plus imposants. D’un autre côté, il est noté que les gros brochets tendent à migrer vers les eaux plus profondes. Ils se tiendront en suspension, où l’eau est plus fraîche. Pour ces gros poissons, nul besoin de se cacher, car ils n’ont plus de prédateurs. Bon, il faut ici admettre que ce n’est pas une loi formelle. C’est plutôt une constatation générale et il peut y avoir des exceptions. À quelle profondeur iront se réfugier les brochets de grande taille? Selon la littérature scientifique, tout dépend du type de lac et de la quantité d’oxygène dissous dans l’eau. Dans les lacs oligotrophes (jeunes, très profonds et présentant des pentes très escarpées), on peut s’attendre à voir les gros ésocidés à des profondeurs importantes. Dans le lac Nipigon en Ontario, on a d’ailleurs pris un brochet à plus de 100 pieds de profondeur à l’aide d’un filet. Comme il y a peu d’éléments en décomposition dans le fond de ce genre de lac, le brochet peut aller en profondeur et ne pas souffrir d’un manque d’oxygène. Or, ce n’est pas le cas des lacs présentant des signes de vieillissement comme une abondance de Le brochet se reproduit à très faible profondeur au printemps. Toutefois, plus l’eau se réchauffe au cours de l’été et plus les gros sujets vont évoluer en profondeur, et ce, surtout dans les jeunes lacs (oligotrophes). WWW.AVENTURE-CHASSE-PECHE.COM HIVER 2013 185