P68-71 Enqu`te 48 - Bourgogne Aujourd`hui
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E n q u ê t e Marché À deux vitesses 68 D'un côté, des caves qui ne désemplissent pas ; de l'autre, 69 des producteurs qui ne peuvent satisfaire la demande de leurs clients. La commercialisation des vins de Bourgogne vit à deux vitesses. Pourquoi certains producteurs sont-ils au bord du dépôt de bilan quand d'autres vivent L ors des crises précédentes, on vendait, à un prix très faible, mais on vendait. Aujourd'hui, le stock de vin reste en cave. Même donné, le négoce n'en voudrait pas”, explique Pascal Bouthenet, 37 ans, viticulteur à Couches, en Saône-et-Loire. À la tête de 24 hectares en appellations régionales, employant 3 salariés, le viticulteur parle ouvertement d'un dépôt de bilan si la situation ne s'améliore pas rapidement. Pascal Bouthenet vendait jusqu'alors les trois-quarts de sa production au négoce. Hormis quelques pièces du millésime 2000, bradées 305 €uros la pièce, à la veille des vendanges 2001, plus rien n'est sorti de sa cave. À quelques jours des vendanges, la place manque pour rentrer la récolte qui s'annonce. BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 48 “ En Saône-et-Loire, ils seraient ainsi une cinquantaine de domaines à ne plus pouvoir faire face à la situation. Tout autre son de cloche au Château de Fuissé : “Notre activité s'est maintenue, nous ressentons un peu plus de difficultés pour commercialiser nos mâcon-villages”. Le domaine de 30 hectares, implantés au cœur du vignoble de Pouilly-Fuissé, a également développé une activité de négoce depuis 1985. “Pas de difficultés là non plus”, annonce Jean-Jacques Vincent, à la tête de l'exploitation. Une situation que l'on retrouve à moindre échelle en côte de Beaune et côte de Nuits. Si les appellations phares comme meursault, puligny, gevrey-chambertin ou encore chambolle-musigny maintiennent une activité normale, dans les maranges, fixin, marsannay, les caves ont là aussi tendance à l'embonpoint. La Bourgogne de ce début de millénaire présente deux faces dont on a peine à croire qu'elles appartiennent à la même médaille. “La vente directe fonctionne correctement, en revanche le marché du vrac est au point mort”, explique Jean-Louis Huguenot, à la tête du syndicat viticole de Marsannay, au nord de la côte de Nuits. À l'inverse, dans les domaines réputés, la demande d'une clientèle d'amateurs ne se dément pas. L'euphorie de la fin des années 90 n'est qu'à peine retombée. Un dualisme que l'on retrouve quelle que soit la structure : quand certaines caves coopératives gèrent la demande, d'autres ne peuvent plus rétribuer leurs adhérents. Seul le Chablisien fait exception à ce tableau en clair-obscur. Le soleil y brille pour tout le monde. La demande du négoce y est toujours forte. BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 48 encore sur la lancée de l'euphorie de la fin des années 90 ? de vin que le négoce n'est pas prêt à commercialiser. “Nous avons peu de visibilité pour les prochains mois. Et le négoce a besoin de confiance pour investir”, expose Pierre-Henry Gagey. Un négoce qui a tiré les enseignements de la crise du début des années 90. Il s'était retrouvé alors en plein marasme avec des stocks conséquents de vins achetés aux prix forts. L'hétérogénéité qualitative, en rouge, des deux derniers millésimes est également en cause. Dans le même temps le marché des blancs, plus homogène, s'est maintenu. Jamais le facteur qualité n'a autant joué dans la commercialisation des vins de Bourgogne. Si les difficultés sont sélectives, l'expectative est générale dans le vignoble : Jean-Jacques Vincent ne se montre guère optimiste. “Les crus du Mâconnais ne sont pas à l'abri”. Un courtier n'excluait pas que des difficultés gagnent aussi les “meilleurs” villages et les premiers crus de Côte-d'Or, tout en augurant que l'élite des producteurs est à l'abri d'une éventuelle tempête. Reste à savoir si cette Bourgogne à deux vitesses est le symptôme annonciateur d'une crise plus profonde ou un effet conjoncturel de la nouvelle donne du marché vinicole mondiale. Premiers enseignements du phénomène : au-delà des soubresauts de l'économie mondiale, la Bourgogne “qui fait bon” sait se vendre quoiqu'il arrive. Les autres s'exposent, plus que jamais, aux remous de la conjoncture internationale. Laurent Gotti Photographies : L. Georgeot Gilles Jourdan, président de l’appellation. Côte de Nuits-villages : une appellation se prend en main Pour faire progresser la qualité d'ensemble de l'appellation, les producteurs ont décidé de revenir au plus près du rendement de base. Surprise dans la torpeur de l'actualité estivale : une appellation bourguignonne annonçait, mi-juillet, vouloir revenir au plus près du rendement de base. Les côtes de Nuits-villages s'en tiendront à une production de 43 hectolitres par hectare pour le millésime 2002. Un contre-pied aux pratiques qui ont cours jusqu'alors dans le vignoble. Les syndicats d'appellations donnent plus volontiers de la voix pour demander une rallonge aux rendements auprès de l'I.N.A.O., que le contraire. À l'origine de la décision, une vision lucide de la situation de l'appellation, mais aussi la conviction que la qualité est la seule garantie de trouver des débouchés commerciaux. Réunissant 5 “petits” villages répartis sur la côte de Nuits (Fixin, Brochon, Premeaux-Prissey, Comblanchien, Corgoloin) sous une même bannière, l'appellation souffre d'un manque de notoriété : superficies en production faibles et fluctuantes (Fixin peut revendiquer l'appellation qui porte son nom). Elle bénéficie de terroirs pourtant superbes, jouxtant des appellations dont la renommée n'est plus à faire.Après avoir rencontré les négociants et fait le tour des producteurs, Gilles Jourdan, président du syndicat, conclut à un déficit de sorties de 20% depuis 3 ans. Il reste environ 1 600 hectolitres dans les caves. "Rien de catastrophique, mais il fallait s'en préoccuper, d'autant que beaucoup de domaines ne produisent que cette seule appellation village", précise-t-il. Ce sont surtout les producteurs qui vendent la majeure partie de leur vin en vrac au négoce qui sont le plus touchés. Gilles Jourdan a reçu l'appui de Damien Gachot, exploitant en côte de Nuits-villages et membre du comité national de l'I.N.A.O. Ce dernier y voit l'occasion de mettre en place des conditions de production plus rigoureuses qui positionneront l'appellation sur un créneau plus élevé.“Nos vins sont faits pour être valorisés entre 9,15 et 10,67 € la bouteille et non autour de 6,10 comme on le voit parfois”, explique Damien Gachot. Pour s'assurer que les bonnes intentions se traduisent dans les faits, la commission professionnelle de suivi des conditions de production, composée de 8 membres, a vu son rôle redéfini. Deux visites dans les vignes ont été programmées. La première s'est tenue début août, la deuxième début septembre. Les parcelles inspectées ont été tirées au sort et chaque producteur a reçu un courrier l'informant des conclusions de la visite.“Tout le monde a joué le jeu, les vendanges vertes ont été généralisées, même chez les producteurs de la génération précédente pour qui jusqu'alors faire tomber des raisins était impensable”,expose Gilles Jourdan.“Il n'y aura pas de rendements aberrants en côte de Nuits-village en 2002”, surenchérit Damien Gachot. La différence se fera dans la bouteille. 71 BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 48 BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 48 70 Avec à peine plus d'1,4 million d'hectolitres produits et 30 000 hectares de vigne, la Bourgogne est, quantitativement, un petit poucet dans le monde du vin. À titre de comparaison, la France produit un total de 60 millions d'hectolitres pour 900 000 hectares de vignobles. Autant dire une goutte de vin dans la production mondiale. Elle jouit également d'un positionnement qui ne trouve d'équivalent dans aucun autre vignoble : 45% de la production est constitué d'appellations villages (dont les premiers crus ) et de grands crus : des bouteilles qui se valorisent entre 7 et 80 € (et plus pour les appellations mythiques). Plus de la moitié de la production est exportée. Des atouts qui permettent, aujourd'hui encore, de dresser un tableau d'ensemble rassurant. “Nous ressentons depuis 2000 un tassement de l'activité. Jusqu'à présent les affaires sont correctes, loin d'être catastrophiques (…). Beaucoup de grands viticulteurs n'ont plus de vins à vendre et un certain nombre de maisons de négoce connaissent une activité tout à fait normale”, explique PierreHenry Gagey, à la tête du syndicat des négociants (voir rubrique rencontre). “La Bourgogne se porte bien, nous avons moins d'une récolte en stock”, commentait Hubert Camus, président du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne à l'issue du forum économique de veille de vendange. Il n'empêche, en 2000 comme en 2001, une partie de la récolte n'a pas trouvé preneur. En première ligne : les appellations régionales rouges. Au palmarès des plus touchées : mâcons, bourgogne passetoutgrain, bourgogne. Alors que la concurrence se faisait de plus en plus vive et les volumes de vin mis sur le marché plus importants, la Bourgogne connaissait consécutivement des millésimes de forte production. Un surplus €CONOMIE E n q u ê t e
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