fiche n° 1 : le legitimisme l`ultra- conservatisme.

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fiche n° 1 : le legitimisme l`ultra- conservatisme.
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Fiche à jour au 2 Novembre 2010
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FICHE N° 1 : LE LEGITIMISME EETT
L’ULTRA- CONSERVATISME.
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Date de création du document : année universitaire 2009/2010
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Politiquement, le dix neuvième- Siècle est celui de tous les
excès. Comme l’écrit Prévost-Paradol dans son ouvrage « La
France Nouvelle » ( Paris, Michel Lévy, 1871, p 296), « la
Révolution Française a fondé une société, elle cherche encore
son gouvernement ». C’est une période absolument unique de
notre Histoire au cours de laquelle la France a connu 10
régimes différents (le Consulat ; le Premier Empire ; la
Restauration ; les Cents Jours ; la Monarchie de Juillet, la
seconde République ; le Second Empire ; le Gouvernement de
la Défense Nationale, la Commune de Paris ; la Troisième
République) ! Alors qu’ Empires, Monarchies et Républiques
se succédaient, le peuple français était aussi soumis au ballet
des Constitutions, des Chartes, textes auxquels venaient
parfois s’ajouter des « actes additionnels ». Le XIXe Siècle,
fut aussi celui de la montée en puissance des idéologies
(monarchisme absolu de tendance Légitimiste et ultra
montaine ou tempéré d’essence Orléaniste ; République
sociale ou conservatrice ; Nationalisme ; Socialisme ;
Communisme ; Anarchisme ; Bonapartisme), mais aussi des
utopies, incorporant dans leurs doctrines des éléments
socialistes et chrétiens (Fouriérisme, Icariens de Cabet, SaintSimoniens, partisans de Gaudin…) . L’Historien ne s’étonnera
donc pas de la richesse conceptuelle des théories développées
et de la passion avec laquelle les théoriciens et les militants de
tous bords répandaient leurs idées dans le corps social. La
France connut certes bien d’autres périodes au cours
desquelles la vie politique connut de violentes secousses ,
comme la Fronde (1648-1651) ou bien encore les dernières
années du XVIIIe Siècle qui virent fleurir une littérature
pamphlétaire violemment hostile à Marie-Antoinette et à
Louis XVI, mais l’intérêt des pamphlets et de la littérature
apologétique du XIXe Siècle, réside essentiellement dans le
fait que ces textes sont éminemment idéologiques et brassent
des thèmes véritablement sociétaux comme par exemple celui
de savoir s’il vaut mieux vivre dans une République que dans
une monarchie. Enfin, les textes du XIXe Siècle parlent aux
citoyens du XXIe, car ils ne sont éloignés de nous que d’à
peine un siècle et demi et qu’ils traitent de questions encore
très actuelles, sur la nature des institutions ou le choix du
régime. Les diatribes du Vicomte de Cormenin contre la
monarchie de Louis-Philippe et les pamphlets d’auteurs
Légitimistes
comme
Jacques
Crétineau-Joly,
bien
4
5
qu’appartenant désormais à l’Histoire des idées et des faits
sociaux, nous interpellent en 2010 beaucoup plus que les
démêlées du Cardinal de Retz avec Mazarin…
Dans le cadre de ces deux fiches consacrées aux « pamphlets
et écrits apologétiques du XIXe Siècle », nous nous sommes
penchés sur des textes émanant des trois familles politiques les
plus actives du XIXe Siècle, le Légitimisme, l‘Orléanisme et
les Républicains (auxquels on peut adjoindre des écrivains aux
limites du Bonapartisme comme par exemple Achille de
Vaulabelle). Notre choix s’est porté essentiellement sur des
auteurs
particulièrement
vindicatifs,
(Crétineau-Joly,
Groiseilliez, Cormenin, Berthezène, Tirel) parce que ces
écrivains-pamphlétaires restituent parfaitement les passions
qui agitèrent le monde politique français du XIXe Siècle.
Toutefois, nous avons également accordé une large place au
Comte de Montalivet, apologiste de l’Orléanisme, qui dans le
grand orage du XIXe Siècle nous a livré une apologie sans
réserve, mais mesurée dans la démonstration, du règne de son
champion, Louis-Philippe d’Orléans.
Nous avons enfin fait le choix de citer de larges extraits des
écrits de ces auteurs, pour familiariser l’étudiant moderne avec
des textes rédigés dans un français flamboyant qui soutient en
permanence la puissance des idées et des causes défendues.
Le Légitimisme et les milieux qui lui furent proches ayant
tenu une place prépondérante dans la production de pamphlets
et d’œuvres apologétiques, tout particulièrement à propos du
règne de Louis-Philippe, cette FICHE N° 1 sera entièrement
consacrée à ce courant de pensée. La FICHE N° 2, sera
consacrée aux écrits pamphlétaires et apologétiques
Républicains et Orléanistes. Ainsi, nous aurons cerné
complètement ce sujet important pour la compréhension du
débat d’idées au XIXe Siècle.
I) Jacques Crétineau-Joly, Historien, Vendéen et
Légitimiste.
Comme les Républicains, le courant Légitimiste a fourni au
XIXe Siècle un fort contingent de polémistes. On pourrait
croire que cette famille de pensée, recrutant essentiellement
dans les couches aristocratiques de la Société, et implantée
5
6
chez les catholiques et les notables des campagnes, se
contenterait d’une opposition de principe, plutôt sage et
modérée. Or, il n’en fut rien. Le Légitimisme amena au
journalisme et à la littérature pamphlétaire de très grandes
plumes dont les ouvrages particulièrement violents, sont
demeurés comme des modèles de ce type d’écrits. Jacques
Crétineau-Joly représente probablement l’archétype de
l’extrémisme Légitimiste. Très connu au XIXe, cet auteur qui
a quelque peu sombré dans l’oubli, sauf peut être dans l’Ouest
de la France où des maisons d’éditions continuent à éditer ses
œuvres, figure l’archétype de l’extrémisme du discours
Légitimiste. François de Groiseilliez, moins connu et
définitivement oublié, s’est illustré dans la production d’
ouvrages violemment anti-parlementaires.
A) L’Histoire de la Vendée Militaire et l’Eglise Romaine
en face de la Révolution, un assaut livré contre les
Lumières du XVIIIe Siècle.
Jacques Crétineau-Joly, né en 1803 à Fontenay le Comte,
(décédé le 1er Janvier 1875), journaliste et avocat, deux
professions qu’il ne cessa de stigmatiser tout au long de sa vie,
est célèbre pour avoir écrit les quatre gros volumes de l’
« Histoire de la Vendée Militaire » et les deux de « l’Histoire
de Louis-Philippe d’Orléans et de l’Orléanisme » (publiés à
Paris en 1867 chez Henri Aniéré). Le combat Légitimiste de
cet auteur est axé autour de deux thèmes : La défense de la
mémoire des soldats « Blancs » de la Grande Armée
Catholique et Royale vendéenne qui combattit contre la
République entre Février 1793 et Septembre 1796 (avec un pic
d’activité de Février à Décembre 1793), et la dénonciation en
des termes extrêmement violents de l’Orléanisme et de la
personne du Roi Louis- Philippe. Sur ce dernier point, il faut
bien admettre que Crétineau-Joly a nourri toute sa vie une
véritable haine contre le Roi des Français, qu’il qualifiait d’
« usurpateur », de « traître », de « fils du régicide Egalité ».
Cette véritable obsession s’est pourtant transformée en une
œuvre, très intéressante sur le plan historique (puisque
Crétineau travaillait avec des archives et des témoignages de
première main), tout à fait remarquable sur le plan littéraire
(car le style flamboyant utilisé par l’auteur atteint des sommets
6
7
de lyrisme), mais fondamentalement partisane. Les ouvrages
de Jacques Crétineau-Joly sont des réquisitoires prononcés
contre la Philosophie des Lumières, la République, les
« sociétés secrètes » et l’idéologie « Juste-Milieu » considérée
comme un infâme salmigondis d’idées inconciliables.
Inversement, les écrits de Jacques Crétineau-Joly sont des
plaidoyers en faveur du catholicisme romain, de la Royauté
absolue, de la chouannerie et plus généralement de l’
« engagement » en politique, quel qu’en soit d’ailleurs le but,
pourvu qu’il soit net et tranché.
1) L’Histoire de la Vendée Militaire, une œuvre militante
pour un devoir Mémoire.
Jacques Crétineau-Joly a été un auteur particulièrement
prolixe. Citons comme œuvres majeures de cet auteur ( hors
ses nombreux articles rédigés pour la presse), l’ « Histoire de
la Vendée Militaire » (dont la première édition remonte à 1840
–1879 p-) , « l’Eglise Romaine face à la Révolution » (
Editions Pays et Terroirs, en 5 tomes, Cholet, 2005, 1047 p), l’
« Histoire de la Compagnie de Jésus » ( Lyon, Mellier Frères,
en 6 tomes 1845/1846 , 2415 p ), l’ « Histoire du
Sonderbund » -du nom de la ligue qui regroupa en 1846 les
cantons suisses catholiques en guerre civile contre les autres
cantons dominés par les libéraux – (Paris, Plon, en deux
tomes, 1850, 1076 p) , « les Mémoires du Cardinal Consalvi »
(Paris, Plon, 1866, 991 p), et l’« l’Histoire de Louis-Philippe
d’Orléans et de l’Orléanisme » (Paris, Henri Aniéré, en deux
tomes, 1867, 1059 p) .
a) Structure de l’ « Histoire de la Vendée Militaire » et
présentation d’un extrait.
Pour analyser la structure de cette œuvre, à propos de laquelle
Crétineau-Joly disait qu’ « elle avait dévoré les plus belles
années de sa vie », nous nous référerons à l’édition en quatre
volumes publiée par les éditions « La Librairie Française »,
Paris, 1979, 1879 pages. Cette œuvre, en quatre tomes,
constitue une sorte de Mémorial de la Vendée Militaire, un
7
8
Panthéon littéraire des acteurs, Royalistes et Républicains des
Guerres de Vendée.
-Au cours du Tome 1, consacré à la « Grande Guerre »
Février-Décembre 1793, Jacques Crétineau-Joly présente les
idées directrices de l’œuvre à venir : La Vendée,
fondamentalement égalitaire a été amenée à se révolter contre
la Convention, parce que cette dernière avait nié la liberté du
Culte et forcé les jeunes hommes à aller se battre loin de chez
eux « aux frontières ». Par ses excès, la Révolution a donc
volontairement provoqué les populations de l’Ouest ; elle est
donc responsable des Guerres de Vendée, des exactions et des
destructions.
Crétineau-Joly familiarise aussi le lecteur avec l’idée selon
laquelle les Princes de Bourbon n’ont pas assez aidé la Vendée
révoltée. Il s’en prend également violemment aux Anglais,
accusés d’avoir trahi la Grande Armée Catholique et Royale
en empêchant 7000 émigrés français qui étaient stationnés sur
l’île de Jersey, de débarquer en France, à Granville, en
Octobre 1793. L’auteur , qui ne veut cependant pas laisser
croire qu’il attend une aide de l’Angleterre, se reprend très vite
en affirmant « qu’une aide anglaise à la France est forcément
contre-nature ».
Jacques Crétineau-Joly déclare que « le titre de vendéen se
conquiert ». (p 407). C’est probablement la raison pour
laquelle il consacre le tome 2 aux campagnes militaires. Il
regrette les divisions au sein du Grand Conseil de la Vendée et
accuse : « la Vendée militaire discute au lieu d’agir », puis
cette phrase lourde de sens : « Ce fut plus contre les ambitions
vulgaires et les vanités individuelles, que contre les armées de
la Convention, que la Vendée échoua » (t 1 p 240). Enfin,
l’Abbé Bernier, qui était l’âme du Conseil Supérieur de
Châtillon sur Sèvre, (actuellement Mauléon), est présenté
comme un fauteur de division. L’auteur affirme par ailleurs
que ne pas avoir pris Rennes , lui semble avoir constitué une
erreur stratégique majeure. Cependant, Jacques CrétineauJoly, au cœur même du récit des événements d’une Guerre
épouvantable, rend de nombreux hommages à des Généraux
républicains, soit pour leur bravoure, soit pour leur aptitude
militaire, soit enfin pour leurs qualités humaines. Il en va ainsi
de Kléber, (p 217) ; de Canclaux , que Crétineau respecte pour
8
9
avoir accordé, même après sa destitution, toute son aide au
Général Léchelle, son successeur (p 245) ; de Moulins ( p
403). Il en ira de même dans le tome 2, avec le Général Dumas
« honneur de la République » (p 231), ou de Hoche dans le
Tome 3 (p 322). Ce tome premier, s’achève sur un hommage
à la Grande Armée Catholique et Royale « qui a vaincu dans
60 combats » (p 409) .
-Dans le tome 2, Crétineau-Joly émet l’idée que « les
Révolutions font sortir les individus de leur sphère et les
jettent au milieu des tempêtes sans autre frein que leurs
passions surexcitées », puis « que les Révolutions corrompent
les natures les moins cruelles » (p 74) . Auparavant (p 72),
Crétineau-Joly a évoqué « la puissance du ridicule
démocratique » . Ce tome 2 relate avec force détails les
exactions des Colonnes Infernales de Turreau, Cordelier,
Amey, Grignon, Crouzat… Face à l’échec des Colonnes
Infernales, Crétineau s’attarde sur le Général Travot, qui
succède à Turreau et organise la politique défensive de
l’occupation de places fortes réputées inexpugnables. (p 200) .
Enfin, le tome 2 montre tout autant un Bonaparte désireux
d’offrir une paix dans l’honneur à la Vendée, qu’un Crétineau
–Joly plutôt conciliant avec l’Empereur. A propos de
Bonaparte, Crétineau écrit (p 462) : « Cet homme dont le
regard était si pénétrant, appréciait la portée et les
conséquences morales du grand fait de l’insurrection
monarchique. Afin d’être tranquille sur le Trône qu’il réservait
à son ambition et d’arracher aux mains de la Vendée les armes
que les pacifications précédentes n’avaient pu faire tomber, il
osa lui donner complète satisfaction ». (p 462). Les vendéens,
qualifiés de « peuple de géants » se sont, selon l’auteur,
« sacrifiés pour le bien de tous ». Ce tome est aussi l’occasion
pour l’auteur de développer ses sentiments antiparlementaires
et de déclarer tout son mépris pour « les surprises de Tribune,
ainsi qu’on en rencontre mille autres dans les fastes
parlementaires » (p 292).
-Le Tome 3 , dès sa première ligne, annonce que : « le récit
des événements qui, pendant la période révolutionnaire
agitèrent la Bretagne, le Maine et la Normandie, n’a pas
encore été publié ». Il ajoute : « jusqu’à présent la guerre de la
Chouannerie n’a rencontré que des panégyristes ou des
accusateurs ». L’objectif que se fixe donc Crétineau-Joly dans
cette partie de son « Histoire de la Vendée Militaire », c’est de
9
10
rendre un compte impartial des phénomènes de résistance à la
Révolution qui agitèrent ces régions périphériques à la Grande
Vendée Militaire, ne serait-ce que parce que « la Bretagne est
une terre à part » (p 3). Il s’agit, pour l’auteur Légitimiste,
d’honorer la mémoire des grands résistants de la Bretagne et
de la Normandie : Cadoudal, Frotté, Tinténiac, de Scepeaux,
de Bourmont, Rochecotte, d’Andigné, Jean Chouan, « Jambe
d’Argent », « Saint-Paul »… ; mais il s’agit aussi de montrer
la spécificité de la chouannerie bretonne en prenant bien soin
de la distinguer de la Grande Armée Catholique et Royale en
Vendée. Bien que l’intensité du Tome 3 dans sa dénonciation
de l’ « Inquisition Révolutionnaire » ne baisse pas, CrétineauJoly sait parfois rendre un hommage éclatant à des
Révolutionnaires, même membres des « Clubs » que l’auteur
voue pourtant aux gémonies et à l’exécration publique, pour
autant que ces derniers aient su faire preuve d’humanité et de
réalisme.
C’est aussi dans ce tome 3 que Crétineau-Joly développe sa
théorie de la « Guerre Civile Juste ». Cet éloge de la Guerre
Civile peut paraître incompréhensible pour un Français du
XXIe Siècle. Voici donc comment Crétineau-Joly justifie et
accorde des lettres de noblesses à la Guerre Civile : « Aux
yeux du philosophe spéculatif, la Guerre Civile sera une
calamité ; aux yeux de l’Historien, elle n’est et ne doit être
qu’un mal relatif, lorsque ceux qui l’entreprennent tendent à
renverser une usurpation heureuse que le temps n’a pas
consacré, ou à étouffer l’Anarchie. C’est le citoyen paisible
osant, pour défendre sa personne, sa liberté ou sa vie, se
précipiter contre une fraction d’ambitieux ou de fanatiques,
qui après avoir brisé un Trône et détruit le culte de tous,
remplacent ces objets de la vénération publique par des
doctrines athées ou par le pillage, transformés en lois. La
résistance à une semblable anarchie est toujours de droit
naturel ». Il ajoute, pour légitimer la Chouannerie (et la
résistance royaliste à la Révolution en général) : « Ceux qui
n’ont pas voulu se laisser piller ou massacrer sans vengeance,
ceux qui coururent aux armes pour écarter de leurs châteaux
ou de leurs chaumières les attentats que la Révolution y
commettait, ceux là agirent comme doivent agir en pareil cas
les hommes honnêtes et les citoyens indépendants. Ils
repoussèrent de leur sol la tyrannie qui s’y implantait sous le
nom de l’Egalité et de la Fraternité, et ils firent bien. On les
10
11
forçait à renoncer à leur foi, on incendiait leurs demeures, on
tuait leurs pères, on égorgeait leurs mères, on violait leurs
épouses, leurs filles et leurs sœurs, et par une dérision féroce
on venait à la même heure les contraindre à se dire libres et
satisfaits. Leur révolte fut un droit, le plus sacré de tous » (p
167/168) .
C’est également dans cette partie de l’ « Histoire de la Vendée
Militaire », que Crétineau-Joly dénonce (encore…) la perfidie
des Anglais dans l’affaire du débarquement manqué des
émigrés Français à Quiberon en Juillet 1795 . Il implique aussi
dans ce désastre politico-militaire, la responsabilité de
l’ Agence Royaliste de Paris dirigée par l’Abbé Brottier « avec
ses complots et ses manigances » (p 290/291). L’auteur
Légitimiste montre la faiblesse de cet organisme « en contact
avec les rêveurs de systèmes impossibles et les utopistes ».
L’Agence Royaliste parisienne aurait calomnié les
authentiques royalistes engagés dans l’ « Action ». Toutefois,
le principal défaut de cette « Agence » résidait, nous dit
Crétineau, « dans son goût funeste pour les élections » ( p
439). En parlant des Monarchistes, Crétineau-Joly dira
toujours « qu’ils ne savaient ni conspirer, ni rester unis » ( p
450). En fait c’est la « discipline révolutionnaire » et son
organisation politique qui manquèrent aux Royalistes de cette
époque ( p 301). Notons une définition choc de la Révolution
dont Crétineau-Joly a le secret : la Révolution, dit-il , c’est « la
philanthropie à main armée ».
-Les débuts du Tome 4, sont à nouveau consacrés à une
critique violente du comportement de Louis XVIII entre 1793
et 1800, « qui aimait mieux parlementer que combattre » (p
57) et de l’Agence Royaliste de Paris qui « ne se croit forte
que lorsqu’elle a placé ses espérances sur une tête ennemie »
(p 57). C’est aussi dans ce Tome IV que Crétineau-Joly
évoque le soulèvement de la Vendée en 1815 contre le retour
de Bonaparte au Pouvoir (période dite de « Cents Jours –20
Mars/19 Juin 1815) et la mort de son Généralissime Louis de
la Rochejaquelein au « champ des Mathes » le 4 Juin 1815.
Le Tome IV consacre de larges développements à la « dernière
Guerre de Vendée », menée par des résistants royalistes contre
« l’usurpateur » Louis-Philippe d’Orléans .Crétineau-Joly n’a
pas de mots assez durs pour qualifier les opportunistes qui
furent Révolutionnaires, puis Bonapartistes, enfin Libéraux
sous Louis-Philippe pour garder la propriété des Biens
11
12
Nationaux qu’ils avaient achetés à vil prix durant la
Révolution. Sa haine de l’Orléanisme apparaît dans cette
partie de l’ « Histoire de la Vendée Militaire ». La lutte contre
les Orléans et l’Orléanisme sera le fil conducteur de l’œuvre
de Crétineau-Joly ; il y consacrera sa vie ; ce sera sa croisade.
Les « exactions » des troupes de Louis-Philippe (appelées à
l’époque les « culottes rouges ») sont décrites avec la plus
grande précision, de même que l’épopée en 1832 de la
Duchesse de Berry, (mère d’Henri V, petit fils de Charles X et
futur comte de Chambord) à travers la Vendée, pour
provoquer un soulèvement contre Louis-Philippe (à partir de
la 370). A ce propos, Crétineau-Joly, même s’il rend un
hommage appuyé au courage de la femme, juge assez
sévèrement cette tentative d’insurrection, vouée à l’échec dès
le départ et qui ne conduisit-selon lui- qu’à « faire tuer de
pauvres gens ». Pour illustrer son opinion, il évoquera le
« massacre » de la famille De la Roberie à La Mouchetière par
une compagnie du 17ème Léger. Ces sympathisants de la cause
Légitimiste avaient hébergé la Duchesse de Berry.
- L’ « Histoire de la Vendée Militaire » s’achève par le récit
de la dernière « guerre » de Vendée contre la Monarchie de
Juillet au Printemps de 1832, qui se résuma plutôt à une
succession d’escarmouches et de coups de mains des derniers
partisans des Bourbons contre les autorités Orléanistes. LouisPhilippe et sa Monarchie de Juillet y sont copieusement
injuriés : Louis-Philippe aurait été élevé « au milieu des orgies
du Palais Royal », il est question des « saturnales de la licence
constitutionnelle » ( pp 342/344). Après avoir insisté sur le
saccage des monuments Légitimistes vendéens par les troupes
de Louis- Philippe, qualifiées de « nouveaux Bleus de
Vendée » ( les colonnes de Torfou, de Saint Florent le Vieil,
de Maulévrier, de Charrette à Légé, mais aussi le monument
commémoratif à la mémoire de Jacques Cathelineau au Pin en
Mauges et ceux de Savenay et de Quiberon ), Jacques
Crétineau-Joly raconte, en des termes grandiloquents, la prise
du château de la Pénissière le 6 Juin 1832 par un millier
d’hommes des Troupes de ligne opposés à quelques 42
résistants qui refuseront de se rendre et périront dans les
flammes de l’incendie du château.
C’est cet épisode que nous avons sélectionné comme extrait
représentatif de l’ « Histoire de la Vendée Militaire » de
Crétineau-Joly :
12
13
EXTRAIT CHOISI :
- « Histoire de la Vendée Militaire », Tome IV, pp
456/457/458/459/460/461/462 :
« Tandis que du côté de Vieille-Vigne, Charette combattait au
Chêne, et que le vieux La Roberie à ses côtés cherchait, les
armes à la main, à venger la mort de sa fille, 42 royalistes du
corps de La Rochejaquelein venaient le 5 Juin (1832)
chercher un abri contre l’orage au manoir de La
Penissière…La nuit se passa pour eux dans le repos qui leur
était si nécessaire après de longues marches sous la pluie. Le
lendemain 6 Juin, cette petite troupe, ne voyant pas paraître
l’ennemi annoncé, se décidait à continuer son mouvement,
lorsque le cris ‘’Aux Armes !’’ retentit. Ce cri est précédé
d’une décharge faite par les Rouges (les hommes de LouisPhilippe) sur la sentinelle avancée. Le Commandant Georges,
du 29ème de Ligne cernait le manoir avec son bataillon ; à
cette vue, les vendéens barricadent les portes et les fenêtres et
ils se disposent à faire résistance. ( Là, Crétineau énumère
tous les noms des combattants vendéens –moins six inconnuset les définit comme une « héroïque phalange » de laboureurs,
de paysans, de vieillards, de séminaristes et de jeunes gens de
toute condition). La Pénissière est une veille maison à un seul
étage et percé de quinze ouvertures de forme irrégulière. La
chapelle est adossée à un coin de l’habitation ; plus loin, et
joignant le vallon, s’étend une prairie entrecoupée de haies
vives et que l’abondance des pluies avait transformée en lac.
A cette attaque imprévue, les Blancs ne sont point
déconcertés. Ils allaient chercher l’ennemi ; l’ennemi venait à
eux : Ils se décident à le recevoir en braves. Le Commandant
Georges avait ordonné une décharge générale, ils y
répondent ; mais leurs coups sont si assurés que les
grenadiers du 29ème ne crurent pas devoir rester à découvert,
exposés à une fusillade aussi meurtrière. Ils reculèrent et
attendirent le renfort qui leur était envoyé. La Garde
Nationale demeurait spectatrice de l’affaire.
Le renfort arrive, les grenadiers se jettent vers la maison aux
cris de ‘’ Mort aux Chouans’’ !
‘’Vive Henri V, Vive Madame’’ est le signal de ralliement des
Royalistes. Les grenadiers sont encore obligés de reculer. Les
plus adroits tireurs s’étaient embusqués derrière les fenêtres.
A chaque seconde ils déchargeaient sur les assiégeants les
13
14
lourdes espingoles que leurs camarades rechargeaient, et que
de main en main on se passait pour ne pas laisser languir le
feu. Chaque espingole portait au moins 25 balles ; les
vendéens en tiraient 9 ou 10 à la fois : On eût dit une batterie
de canons chargée à mitraille.
Ce fut une belle journée que celle là, une journée où, esprit de
parti, désastres de guerre civile mis de côté, il se fit des
prodiges de valeur tels que Plutarque n’en aurait jamais
autant demandé pour immortaliser ses héros. Tandis que le 6
Juin 1832, la République, plus heureuse, agonisait sous la
mitraille dans le cloître Saint-Méry, (allusion aux émeutes
républicaines qui éclatèrent à l’occasion des obsèques du
Général Lamarque) et qu’elle agonisait en tournant son
dernier regard sur des Princes et des Maréchaux de France
qui mettaient l’épée à la main contre elle, ici, à la même
heure, dans un coin ignoré du bocage, un drame plus
magnifique se jouait. Sans autres témoins que les balles dont
ils sont frappés, sans autres regards pour admirer ou plaindre
leur incompréhensible audace que des regards ennemis, les
quarante-deux de la Pénissière jouent leur vie sur le plus
incertain des enjeux. Presque inconnus les uns aux autres,
aboutissant là de plusieurs points à la fois, ils n’ont eu ni le
temps, ni la précaution de se pourvoir de vivres. Cernés dans
des murs s’ébranlant sous l’effort des balles, ils font feu
comme si le plomb et la poudre ne devaient jamais leur
manquer, comme si au bout de ces Thermopyles il n’y avait
pas une mort assurée, mort terrible, même dans leur glorieuse
intrépidité, car ils la portaient à des compatriotes, et ils ne
pouvaient la recevoir que d’eux…Les Blancs entendaient les
Rouges se dire entre eux : ‘’ Ce ne sont pas des Hommes, mais
des Diables que nous avons à combattre, et cet éloge militaire
leur donnait encore une nouvelle ardeur…Les Rouges
avancent cependant sous cette tempête de plomb, que chaque
fenêtre vomit , sous cette pluie de balles qui s’échappe de
chaque pierre de la muraille. Georges n’avait pu les effrayer ;
il se détermine à les brûler. Il était maître de la maison
attenante au château : Cette maison n’avait pu être comprise
dans le système de défense des assiégés. Les voltigeurs et les
sapeurs se glissent le long du mur qui sépare ces deux
bâtiments…Ils y introduisent furtivement des fagots ; puis en
se servant d’un grand morceau de bois enflammé, ils
propagent l’incendie . A la vue des flammes qui s’élèvent, les
14
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assaillants poussent des hurlements de joie, tandis que dans la
Pénissière, dont la toiture est embrasée, on n’entend que les
cris de ‘’Vive Henri V !’’, mêlés au bruit du clairon de
Monnier qui sonne la charge. Le Commandant George fait de
son côté battre des roulements de tambours pour animer les
siens, et il se précipite sur les portes de la Pénissière. Les
sapeurs les enfoncent à coups de hache ; ils sont maîtres du
rez de chaussée ; mais les Blancs avaient prévu ce plan
audacieux ; ils se sont réfugiés au premier étage. Les uns
décarrèlent le parquet couvert de briques ; les autres, à
travers les poutres, fraient un passage à leur œil, une petite
place aux canons de leurs espingoles et debout, ils font sans
cesse feu sur les assaillants…Les Quarante-deux ont
l’incendie au dessus de leurs têtes et sous leurs pieds. Ils
combattent encore…Personne ne songeait à demander ou à
offrir une capitulation honorable. Personne dans les deux
partis ne reculait devant la nécessité de mourir. Cependant il
fallut à la fin que l’ivresse même du combat fît place à la
raison. Les Royalistes sentent le besoin de se séparer ; on
décide qu’une sortie du côté du jardin sera tentée…Sur les
Quarante deux, seuls trente-quatre exécutent l’ordre. Les huit
derniers, qui défendaient un poste séparé, furent oubliés, et
protégèrent par la continuité de leurs décharges la retraite de
leurs frères d’armes. A la vue des Chouans qui se sont jetés
dans le verger et qui ont à leur tête les quatre frères Girardin,
le Commandant George ordonne de faire feu et de les
envelopper. Les Blancs ripostent. Ils renversent tout ce qui
s’oppose à leur passage : Cinq périssent sur la place
même…Il en reste huit dans la Pénissière, commandés par
Lévêque……………… »
b) Objectifs poursuivis dans cet ouvrage.
Cette œuvre est à la fois apologétique et pamphlétaire. Elle
défend la cause de la royauté « légitime », celle des Bourbons
et flétrit l’action de Louis-Philippe d’Orléans, « fils de la
Révolution », accusé d’avoir « usurpé le Trône ». Son but
premier, c’est tout de même de montrer que la Révolution
Française a « martyrisé la France entière », mais que c’est
seulement « dans la Vendée » qu’elle s’est heurtée à une
opposition de type militaire. C’est la Vendée Militaire qui a
15
16
pris sur ses épaules tous les péchés de la Révolution et s’est
sacrifiée pour l’intérêt commun. Jacques Crétineau-Joly,
pendant des centaines de pages, évoque « la passion des
vendéens », les exterminations, les tentatives de génocide par
incendies, empoisonnements des puits, massacres du bétail, la
destruction des villages, la déchristianisation forcée, la
déportation des populations. Il relie toujours ces exactions à
des ordres reçus des Autorités Républicaines de Paris,
affirmant en cela que la destruction de la Vendée s’inscrivait
dans un plan concerté, pensé et mis en œuvre par le
Gouvernement français, pour éradiquer les dernières traces de
la Société d’Ancien Régime ( cette « Société de nos pères »
dont parle toujours l’auteur). Crétineau, tout au long de cette
épopée de la Vendée Militaire, n’épargne à son lecteur aucun
détail, aucun descriptif des exactions commises en Vendée par
les troupes et les soutiens locaux de la Convention. Il
compense ces récits difficiles à supporter, éprouvants pour les
cœurs sensibles, par de longues descriptions très ironiques des
grands leaders de la Convention Nationale et des
fonctionnaires républicains détachés dans l’Ouest. Crétineau –
Joly restitue une ambiance, ressuscite les vieilles histoires que
se racontaient les anciens combattants de la Vendée Militaire,
les soirs devant un bon feu de cheminée. Souvent enjolivés,
parfois mythifiés, les « événements de la Vendée » sont
couchés sur le papier, à la fois par devoir mémoriel et dans
une perspective d’édification des générations futures.
« Anathème est la Révolution Française », tel est le message
premier délivré aux lecteurs de l’ « Histoire de la Vendée
Militaire » par l’auteur Légitimiste.
Toutefois, une lecture attentive de l’ « Histoire de la Vendée
Militaire », réserve quelques surprises. En effet, si le ton antiRévolutionnaire et anti- Louis-Philippe ne faiblit jamais, la
défense de la monarchie des Bourbons, bien qu’omniprésente,
subit parfois quelques exceptions notables.
-L’ « Histoire de la Vendée Militaire » constitue d’abord et
avant tout un récit précis des Guerres de Vendée. Le moindre
événement est rapporté, les descriptions sont saisissantes de
réalisme. L’auteur offre au lecteur plusieurs dizaines de mini
biographies des protagonistes de ce conflit, cite un très grand
nombre de dates, décrit avec précision les lieux de batailles ;
par ailleurs, l’auteur qui a travaillé sur des archives et des
témoignages de première main, publie des tracts, des
16
17
Proclamations, des Procès Verbaux des délibérations des
Conseils ou des Etats Majors royaux et républicains. L’
Histoire de la Vendée Militaire de Crétineau-Joly constitue
donc une remarquable banque de données pour le chercheur
qui s’intéresse à cet épisode de l’Histoire révolutionnaire.
Tous les historiens qui écrivent sur les Guerres de Vendée
puisent l’essentiel de leurs sources dans cette « Histoire de la
Vendée Militaire », qu’ils recoupent avec l’ouvrage du
Républicain Savary : ( Guerres des Vendéens et des Chouans
contre la République Française, Jean-Julien Savary –Officier
Supérieur des Armées de la République habitant dans la
Vendée avant les troubles-, (réédition en 6 tomes), Cholet,
Editions Pays et Terroirs, 2008.)
La lecture attentive de l’ « Histoire de la Vendée Militaire » de
Crétineau-Joly, présente au moins trois surprises de taille :
-Tout d’abord, l’auteur commence son travail en affirmant que
les habitants de la Vendée –et notamment les paysans et les
nobles-, se seraient volontiers satisfaits de la Révolution
Française si cette dernière n’avait pas persécuté la religion
catholique en imposant la Constitution Civile du Clergé (12
Juillet 1790), mais également ne s’était pas livrée à un certain
nombre de vexations à l’égard des populations rurales qui
rejetaient la conscription (autrement appelée « la loi du
recrutement »).
-D’autre part, l’auteur insiste sur le fait que la Vendée « aurait
pu être révolutionnaire », parce que les paysans vendéens, qui
avaient toujours vécu avec leurs seigneurs, mangé à la même
table, chassé sur les mêmes terres et prié dans les mêmes
églises, avaient pratiqué l’ « Egalité » bien avant que les
Philosophes des Lumières n‘assurent la promotion de cette
idée. Fier, le paysan du bocage n’aurait jamais supporté que
l’aristocratie mette en cause le Principe d’Egalité. L’idée selon
laquelle la Vendée « porte en elle l’idée d’Egalité » est une
constante dans l’œuvre de Crétineau-Joly.
-Enfin,
l’auteur
Légitimiste,
condamne
fermement
l’ingratitude des Rois de la Restauration (Louis XVIII et
Charles X) envers les anciens combattants de la Vendée
Militaire. Privés de pensions décentes, désarmés honteusement
par un pouvoir qu’ils avaient défendu les armes à la main,
écartés des emplois publics, les anciens « brigands » de la
Vendée auraient été victimes d’arrangements politiques conclu
17
18
entre la royauté de retour au Pouvoir et les « forces politiques
issues de la Révolution » sous l’influence desquelles se serait
volontairement placés les nouveaux Rois (affirmation surtout
valable pour Louis XVIII). Elle est un des thèmes majeurs
développé dans l’Histoire de la Vendée Militaire. CrétineauJoly (comme Napoléon Bonaparte d’ailleurs), critique le
Comte d’Artois (futur Charles X), qui n’est pas revenu en
France pour se placer à la tête des armées catholiques de la
Vendée royaliste, dès le début de l’insurrection. Dans le Tome
3, aux pages 376 et 377, Crétineau-Joly écrit : « Le Conseil
des Princes ne voulut pas voir que la Vendée n’avait été
grande que parce qu’elle avait pris ses Généraux sans
distinction de rang, tantôt parmi les villageois, tantôt parmi les
Gentilshommes ». Ainsi, le chef de file idéologique du
Légitimisme estime que c’est l’application du Principe
d’Egalité dans son sens strictement révolutionnaire qui aurait
pu sauver la Vendée ! Dans le Tome 4, Crétineau-Joly s’en
prend violemment à Louis XVIII « dont une fausse science de
l’art de régner avait presque altéré les instincts généreux des
Bourbons » (p 166). On le voit, le « Légitimisme » de
Crétineau-Joly s’accompagnait aussi d’une vision lucide de ce
qu’était la Royauté de l’après-Révolution Française. L’auteur
Légitimiste rappelle à ses lecteurs que « lorsque Napoléon
offrait 12 000 francs annuels à la veuve du chef royaliste
vendéen Bonchamps, Louis XVIII n’accordait que 400 francs
par an à la veuve de De Guerry de Beauregard, tué pour le Roi
à Aizenay, mère de six orphelins, sœur des La Rochejaquelein,
belle sœur des deux Beauregard fusillés à Quiberon en
1795…( tome 4 p 310). Révolté contre cette injustice,
Crétineau-Joly s’exclame : « La Restauration prodiguait l’or
et les honneurs à ceux qui avaient porté le bonnet rouge de
Robespierre et la livrée de Bonaparte, mais elle refusait du
pain aux paysans qui s’étaient faits les soldats du drapeau
blanc et qui avaient vu brûler leurs chaumières et leurs
moissons . Le Roi, qui était ainsi que la France à la merci des
apostats et des traîtres de tous les régimes, savait toutes les
iniquités contre la Vendée et cela entrait dans ses théories
gouvernementales» ( T 4 pp 314/ 315/ 324).
L’ « Histoire de la Vendée Militaire » de Crétineau-Joly, reste
encore de nos jours un monument de la littérature ContreRévolutionnaire et un drapeau autour duquel se rallient les
historiens ultra-conservateurs. Toutefois, même si cette œuvre
18
19
demeure essentiellement un violent réquisitoire contre la
Révolution et les pratiques militaires de la Convention dans
l’Ouest de la France en 1793 et 1794 que d’aucun qualifieront
non sans une certaine justesse de réactionnaire ou de
propagandiste, il n’en demeure pas moins qu’elle relève
indéniablement du domaine de la recherche historique. Elle
réserve par ailleurs des surprises de taille, la critique de la
Restauration par l’auteur se révélant souvent féroce.
2) « L’Eglise Romaine en face de la Révolution »
-« L’Eglise romaine en face la Révolution » : Avec cette
œuvre, nous entrons dans ce qui pourrait être défini comme le
« manichéisme historique » de Jacques Crétineau-Joly. Toute
l’œuvre repose en effet sur l’idée selon laquelle, de tous
temps, les Principes Révolutionnaires et Conservateurs se sont
livrés une lutte à mort. La Révolution Française représenterait
un moment paroxystique de cette lutte. Crétineau-Joly
identifie le Principe Conservateur avec Dieu et l’Ordre, alors
que le Principe Révolutionnaire est assimilé à Satan et au
chaos. Il serait animé par les Sociétés secrètes en lutte contre
Rome ; cette œuvre est un modèle de « théorie du complot ».
a) Structure et finalité de l’œuvre.
Globalement, si l‘on prend comme source les cinq tomes de l’
« Eglise Romaine en face de la Révolution » dernièrement
réédités par les éditions « Pays et Terroirs » à Cholet, il est
possible de distinguer les mouvements suivants dans la
réflexion de Crétineau-Joly. Dans le Tome 1, qui couvre la
période 1775-1799, l’auteur dénonce dans des termes d’une
violence inouïe la Révolution Française, décrite comme la
« fille du Philosophisme, des Lumières, des Jansénistes et des
Gallicans ». Une conspiration s’est formée entre les anciens
jansénistes et « le parti des Philosophes ». Des grands hommes
du temps sont durement critiqués, qu’il s’agisse de grands
personnages comme Joseph II d’Autriche, fils de l’Impératrice
Marie-Thérèse d’Autriche décédée le 29/11/1781 ou de
Kaunitz, grand seigneur du XVIIIe Siècle, pour avoir au pire
pactisé avec la Révolution, au mieux fait preuve d’indifférence
19
20
devant elle. A propos de la Philosophie des Lumières,
Crétineau-Joly parle de « la guerre d’extermination que nos
pères déclarèrent au passé ».
-Le Tome second (de Pie VII à Louis XVIII –1800-1823), est
essentiellement consacré à l’Empire et au Concordat de 1801.
Après une courte biographie du Cardinal Hercule Consalvi (le
négociateur du Vatican), Crétineau se livre à un éloge de
Napoléon Bonaparte ,dont il définit ainsi le règne (p 22) « En
détruisant de ses propres mains les idoles de sang et de boue
qu’on la força d’élever aux abjections civiques et aux
sacrilèges constitutionnels, la France se montre heureuse… » .
Ce tome second insiste tout particulièrement sur l’enlèvement
du Pape Pie VII par les agents de Napoléon, et son transfert à
Savone. Les deux formules choc de ce Tome 2 pourraient être
les suivantes : « le Philosophisme crée des impies, l’impiété
engendre des rebelles » (p 131) et « la démagogie vaincue
mais non convertie s’agenouille, mais ne se repent point » (p
137).
-Le Tome 3 traite de la Restauration (1815-1829) et du Pape
Léon XII. Après une violente critique de la liberté de la
Presse, Crétineau-Joly renouvelle son idée première selon
laquelle ce sont les Princes (et non le Peuple) qui sont « les
premiers vecteurs de transmission de la Révolution ». Il
attaque ensuite la « vile bourgeoisie » et les loges
maçonniques « haras et dépôts de la Haute Vente » (p 127),
entendons par là de la Grande Loge Suprême de Nubius,
composée selon Crétineau-Joly de « Patriciens ruinés avant
leur naissance et qui ne demanderaient pas mieux que d’avoir
la faculté de ruiner d’avance leurs descendants » (p 123). Les
journées insurrectionnelles de Juillet 1830 qui provoquent
l’arrivée au Pouvoir de la Dynastie d’Orléans, sont décrites
comme « des journées de cannibales ». Quant à Louis-Philippe
d’Orléans, l’auteur Légitimiste (p 177) condescend à le définir
comme « le meilleur des Hommes méchants » .
-Le Tome IV est consacré au Pape Grégoire XVI et à
l’insurrection de Juillet 1830. Crétineau-Joly cloue au piloris
les Libéraux Français et Anglais : « Ils sont négrophiles,
bibliques et libre-échangistes. Ils prêchent l’émancipation des
Peuples en opprimant l’Irlande…Ils font de la propagande
sociale en empoisonnant la Chine d’opium frelaté » (p 19). Le
Chancelier autrichien de Metternich est décrit comme un
hypocrite-vaniteux : « Il ne lui répugnait pas, par un reste de
20
21
tradition Josephiste, de chercher au Saint-Siège une mauvaise
querelle, qu’à peine ébauchée il se mettait à la torture
d’apaiser pieusement » (p 35). Quant à Louis-Philippe,
« dernier Voltairien de son Siècle, il a incliné devant la tiare,
sa couronne ramassée sous un tas de pavés » ( p 60). A propos
de la situation politique en France, Crétineau-Joly estime que :
« lorsque Dieu veut punir un peuple, ce peuple change souvent
de maître ». L’écrivain Légitimiste se livre surtout à une
subtile distinction entre le concept d’Autorité ( qui ne vient
que de Dieu et est donc inaliénable) et celui de Pouvoir, qui
n’est que l’exercice sur Terre de cette même Autorité.
Autrement dit, s’il ne peut exister qu’une seule Autorité, il
peut exister plusieurs sortes de Pouvoir. Toutefois, lorsque le
Pouvoir n’a pas reçu directement une sanction providentielle,
il est dépourvu de tout prestige et ne peut se prévaloir
d’aucune légitimité. Pour Crétineau-Joly, « le Philosophisme
amène à l’athéisme, puis à l’affairisme ». Le Saint-Simonisme,
le fouriérisme sont qualifiés de « délires conçus par des esprits
malades ». Le Libéralisme est comparé aux sauterelles de
l’Apocalypse de Jean et le Socialisme à une chenille
visqueuse. Le Communisme est qualifié de système arbitraire
et brutal, à l’opposé de l’Evangile où « on offre librement sa
fortune, sans jamais songer à s’emparer de celle des autres ».
(p 125). A ce propos, Crétineau nous présente une « filiation
du communisme », qui selon lui est celle ci : « Catilina à
Rome ; les deux Gracchus romains de la Réforme agraire ;
Pierre Valdo au Moyen Âge (fondateur des Vaudois et des
« pauvres de Lyon ») ; Martin Luther ; Thomas Münzer ; Jean
de Leyde (un moment Chef des Anabaptistes de Münster au
XVIe Siècle) ; Weishaupt et les Illuminés de Bavière (là, on
rentre dans la critique des « Sociétés secrètes ») ;
Robespierre ; Gracchus Babeuf (1795) . Jacques CrétineauJoly se livre aussi à une charge contre les Rois constitutionnels
de la Restauration, ce qui est assez surprenant de la part d’un
Légitimiste qui luttait contre l’ « usurpation d’Orléans ». On
lit ainsi sous la plume de Crétineau-Joly les phrases suivantes :
« La Charte de Louis XVIII octroyait au tout- venant la liberté
de ne rien croire et celle de tout dire. La Révolution enrayée
par Bonaparte, reprenait son essor sous la Restauration ». (p
97). L’auteur conclut son Tome IV en estimant que : « la mine
était chargée de tant de poudre démagogique, que la moindre
étincelle devait la faire éclater. Le 6 Mai 1846, un premier
éclair, parti de Turin, annonce l’orage. Ce jour là, Charles
21
22
Albert, qui s’est proclamé in petto Roi d’Italie, s’éloigne de
ses conseillers pour courir les aventures révolutionnaires ». (p
216). Le Tome IV s’achève sur la mort de Grégoire XVI le 1er
Juin 1846. La formule choc de ce Tome 4 se trouve à la page
119 : « les Révolutionnaires se lèvent rebelles et s’endorment
despotes ».
-Dans le Tome V, consacrée au Pape Pie IX, et à la
« Révolution européenne », Crétineau-Joly s’en prend une
nouvelle fois au « cosmopolitisme de la Révolution », « aux
écrivains mercenaires attachés à la glèbe périodique ; aux
publicistes ambulants dont la mémoire nomade recueille un
principe à Berlin, un sentiment à Vienne, un axiome
philosophique à Paris, une pensée à Francfort et une bannière
partout » (p 23) . Pour lui, « une Constitution trop libérale,
c’est le Protestantisme transporté dans la politique ».
Pour conclusion du Tome V et de l’intégralité de l’ « Eglise
romaine en face de la Révolution », nous dirons que
Crétineau-Joly a posé les postulats de départs de sa théorie
dans le Tome I et que tout s’achève dans le Tome V. La
grande lutte qui oppose « cette Sion bénie du Ciel » (l’Eglise
Catholique) à qui Dieu promit une vieillesse sans déclin et un
Empire sans limites, aux « blasphémateurs de toute majesté
divine et humaine, réunis dans l’unanimité d’un vœu
sacrilège » (les Révolutionnaires de toute l’Europe), a tourné
sous Pie IX au bénéfice provisoire de l’Eglise –grâce
notamment à l’action décisive de Napoléon III, pourtant
ancien membre des Carbonari-. Chez Crétineau-Joly, l’échec
de la Révolution qui n’est pas parvenue à détruire l’Eglise, est
à rapprocher de la victoire remportée par les défenseurs de
l’Agneau sur la Bête d’Apocalypse 13 et le règne sans fin des
144 000 élus.
L’ « Eglise Romaine en face de la Révolution », est donc une
allégorie de l’Apocalypse de Saint Jean transposée dans le
domaine politique. Mais le combat qui oppose l’Eglise
Catholique à la Révolution et à l’Hérésie depuis 18 Siècles,
n’est pas pour autant achevé, car, nous dit Crétineau-Joly, « La
puissance de nuire sera à nouveau donnée aux
Révolutionnaires pour un espace de quelques années ». La
victoire finale demeurera cependant à l’Eglise.
b) Extrait choisi :
22
23
-« L’Eglise Romaine en face de la Révolution » :Tome III, pp
15/16/17
« Depuis un Siècle, la Révolution a le secret des vanités
patriotiques et des moqueries antichrétiennes. Elle sait, pour
nous servir d’un des sarcasmes les plus amers du duc de
Saint-Simon, que ‘’le long règne de la vile bourgeoisie’’ va
commencer ; elle l’inaugure en ouvrant dans chaque ville une
loge de Francs-Maçons. A cette Loge est annexée une
succursale où se multiplient les mauvais livres et les mauvais
journaux qui doivent servir de précurseurs aux révoltes. Louis
XVIII a rendu la France libre ; la France tourne contre les
Bourbons la liberté qu’ils lui donnèrent. On fit de la
conspiration militaire et civile un art ou un métier. Les habiles
compromirent les niais ; le sang toucha le sang. Lorsque le
Libéralisme, qui avait enfin des martyrs s’aperçut que les
dupes commençaient à devenir rares, il voulut jouer à coup
sûr une autre partie. Ses complots, secrètement organisés par
des Tribuns ambitieux, et mis à exécution par de jeunes fous
qui manquaient d’expérience ou par de vieux insensés qui
perdaient la mémoire, ses complots n’aboutissaient à aucun
résultat. Il sentit qu’une nouvelle direction était nécessaire ; il
l’imposa. C’est à dater de cette ère néfaste que le Libéralisme
entre véritablement en lutte contre l’Eglise, car jusqu’à
présent il n’aiguisa ses plumes et ses poignards que sur le
Trône. Il a confondu ses deux ennemis dans la même haine ; il
va les attaquer avec les mêmes armes.
Le Libéralisme, ayant pour principe de ne faire que ce qu’il ne
promet pas, dispose de tous les moyens d’influence et
d’action. Il a le retentissement de la Tribune, les souvenirs de
l’Empire et l’incessante propagande de la presse. La poésie,
l’Histoire, et les Beaux Arts popularisent ses Hommes et ses
idées. Il ramasse dans les villes tous ceux qui, ne pouvant rien
être par eux mêmes, espèrent devenir quelque chose par
l’association. Il agglomère dans une Loge improvisée ses
superfétations d’orgueil civique, puis à cette Loge d’officiers
en demi- solde, de petits propriétaires et de commerçants
aisés, le Grand Orient adresse un Vénérable qui a le mot
d’ordre des sociétés secrètes. Chaque fête solsticiale doit être
une étape vers la pure Lumière qui se lève pour confondre le
fanatisme ; chaque banquet fraternel sera un nouvel échelon
vers le progrès indéfini. Dans ce monde exceptionnel, peuplé
23
24
de visions humanitaires, de vanités philosophiques et
d’éloquences avinées ( !!) , on professera le catéchisme de
l’incrédulité. On apprendra aux braves bourgeois qui payent
la leçon , à rire du Pape et des évêques ; mais en même temps
il faudra que les bourgeois, déguisés en Frères servants ou en
orateurs novices, saluent de leurs plus profonds respects
l’autel où le Grand Orient, avec sa couronne de carton doré et
son manteau de papier peint, trône en roi des coulisses… ».
B) L’ « Histoire de Louis-Philippe d’Orléans et de
l’Orléanisme », un écrit Légitimiste de combat , publié
avec le soutien de Napoléon III .
Cette « Histoire de Louis-Philippe d’Orléans et de
l’Orléanisme » n’a pas la valeur historique de l’ « Histoire de
la Vendée Militaire » ou de l’ « Histoire de la Compagnie de
Jésus », deux œuvres historiques du plus haut intérêt. Il ne
faut pas espérer comprendre la monarchie de Juillet et
appréhender justement la personnalité de Louis-Philippe
d’Orléans avec ce livre. On doit le considérer pour ce qu’il
est : L’archétype de l’ouvrage à but exclusivement
pamphlétaire, qui fait passer les impératifs de la recherche
historique après la polémique. Durant les 1057 pages de cette
« Histoire de Louis-Philippe », Jacques Crétineau-Joly se
répand en imprécations non seulement contre le Roi des
Français, mais encore contre la famille d’Orléans dans sa
totalité. Il traîne littéralement dans la boue tout ce qui porte le
nom d’Orléans depuis 1356 ! C’est dire l’intensité de la haine
obsessionnelle que Crétineau-Joly nourrissait à l’égard des
Orléans. A propos de ce livre, Guy Antonetti, dans sa
biographie de Louis-Philippe, parlera de « Légitimisme qui a
sombré dans le délire ». C’est pour la circonstance assez vrai,
si ce n’est que la lecture de ce livre parfois nauséabond et
obsessionnel s’impose quand même pour bien maîtriser les
arcanes du débat d’idées au XIXe Siècle.
1) Structure de l’œuvre et objectifs poursuivis dans les
deux Tomes de ce livre :
24
25
Les deux tomes de cette « Histoire de Louis-Philippe et de
l’Orléanisme », sont un violent réquisitoire contre LouisPhilippe et la défunte monarchie de Juillet. Subventionnée par
les services de Propagande du Gouvernement de Napoléon III,
cette « Histoire » n’a pas été rédigée avec le souci de
l’exactitude historique, mais uniquement pour satisfaire des
haines personnelles et des objectifs politiques communs aux
Légitimistes et aux autorités du Second Empire.
a) Objectifs poursuivis par l’auteur.
Dès sa première ligne, ce livre souffre de ses origines. L’Abbé
Maynard , biographe et thuriféraire de Jacques Crétineau-Joly,
avoue la genèse de ce livre dans la biographie qu’il a
consacrée à Crétineau-Joly (« Jacques Crétineau-Joly, sa vie
politique religieuse et littéraire d’après ses Mémoires, sa
correspondance et autres documents inédits » , Paris, Firmin
Didot et Cie, 1875, 538 p). Les deux tomes de « l’Histoire de
Louis-Philippe d’Orléans et de l’Orléanisme » parus pour la
première fois en 1862, sont une commande des Bonaparte,
passée à Crétineau-Joly par l’intermédiaire de M de la
Guéronnière, Directeur Général de la Librairie de Napoléon
III. Il s’agissait pour les Autorités du Second Empire, de
répondre à la « Lettre sur l’Histoire de France » publiée en
Mars 1861 par le Duc d’Aumale (fils de Louis-Philippe), qui
ripostait à un discours prononcé quelques jours auparavant au
Sénat par le Prince Jérôme Napoléon. Ce dernier avait critiqué
en des termes inélégants la famille d’Orléans et développé des
considérations très personnelles sur l’Histoire de France.
Crétineau-Joly accepta l’offre généreuse du Gouvernement,
mais à trois conditions : 1°) Le Gouvernement Français
aiderait le Saint-Siège à rentrer dans certaines de ses anciennes
possessions territoriales ; 2°) Tous les documents dont il aurait
besoin pour ses recherches lui seraient fournis par le
Gouvernement ; 3°) On lui laisserait l’indépendance de ses
opinions et la libre franchise de ses jugements. De plus, il
resterait seul à décider ce qu’il fallait publier ou taire. Le
Gouvernement de Napoléon III attachait une telle importance
à la production de cette « Histoire » anti-Orléaniste, qu’il
accepta toutes les conditions posées par l’écrivain Légitimiste
et mit à disposition de Crétineau-Joly, un certain M de Saint25
26
Félix, Chef de Cabinet, chargé d’assurer l’interface entre
l’écrivain et les services d’archives des différents Ministères.
b) Structure de l’œuvre.
-Le Tome 1 s’attaque beaucoup plus à l’ « Orléanisme » qu’à
Louis-Philippe considéré en tant que personne. Les injures,
qui fuseront dans le second Tome ne sont déjà pourtant pas
absentes du Tome 1…Crétineau-Joly englobe dans un même
anathème tous les personnages de l‘Histoire de France qui ont
porté le nom d’ « Orléans »…depuis 1356 ! Il attache à ce
nom –maudit selon lui- toutes les trahisons, tous les complots,
toutes les infamies. Le Régent Philippe d’Orléans est un
« agioteur », un « décadent » . Sa Régence (1715-1723)
« calamiteuse » est ainsi résumée : « Ces sept années sans
gloire au dehors, sans bonheur au dedans, ne sont pleines que
de souillure. C’est le vice encore spirituel, c’est la folie
poudrée et parée qui préside aux dépravations. Elles
descendront bientôt dans le Peuple…Plus étourdi que cruel, et
flottant au gré des vents comme le navire qui jette sa dernière
ancre…le Régent n’osa pas comprendre que semer dans la
corruption c’est condamner par soi-même ou par ses héritiers,
à récolter dans l’ignominie…C’est à peine si la clémence de
quelques cœurs miséricordieux préserve sa mémoire du mépris
universel. » (p 71) .
La phraséologie hostile aux membres de la Famille d’Orléans
confine à l’hystérie lorsque Crétineau-Joly raconte (durant 121
pages –82/203-) l’ Histoire de Louis-Philippe Joseph
d’Orléans (père du Roi Louis-Philippe), plus connu sous le
nom de « Philippe-Egalité », le Régicide. Avant de qualifier
les archives qui permettent de retracer l’histoire de LouisPhilippe Joseph et de ses amis politiques d’« immondices
patriotiques » et de « cloaque de l’Orléanisme » ( p 137),
Crétineau-Joly avait écrit à propos du père du futur Roi des
Français : « Cette vie, commencée dans un Palais , se
terminera sur un échafaud mérité, en énumérant les attentats
dont il se rendit coupable et ceux que ses lâchetés
autorisèrent…Il annonçait Héliogabale enté sur Simon
Caboche. L’impudence des choses mauvaises s’appelait chez
lui une philosophique grandeur d’âme et il ne lui resta bientôt
plus un dernier vestige d’honneur. L’époux se perdit dans des
26
27
orgies, le père s’oublia dans une dépravation dont la Régence
elle même n’avait jamais donné l’exemple. Dans son PalaisRoyal, où chaque convive, ivre en y pénétrant , devait boire
comme les sables du désert et blasphémer ainsi qu’un damné,
Louis-Philippe (Joseph) s’aguerrissait à la honte…Les
voluptés ordinaires lui étaient importunes ; il descendit jusqu’à
la barbarie. Ses cheveux tombaient, son front se couvrait de
pustules accusatrices et de tâches blanchâtres, comme si le
libertinage l’empêchait de rougir. Moins le génie, le courage et
le bonheur, ce fut Sylla, que les Athéniens comparaient à une
mûre recouverte de farine ; au lieu de l’appeler ‘’Philippe
d’Orléans –Bourbon’’, le Peuple l’appela ‘’Philippe d’Orléans
Bourgeon’’. Son visage altéré par de longues insomnies, se
flétrissait sous le coup d’une dissolution sauvage. LouisPhilippe (Joseph) a épuisé toutes les jouissances et tous les
scandales… etc…» (p 87). Ce portrait dure ainsi pendant plus
de 120 pages, sans jamais faiblir d’intensité !
C’est à la page 267, c’est à dire à la moitié du tome 1 que
Crétineau-Joly commence ses attaques en règles contre LouisPhilippe Roi des Français (qu’il nomme avec mépris « EgalitéFils »). Toutefois, Crétineau ne parvient pas à trouver de
« vices » au fils du Régicide. D’entrée il en parle donc en ces
termes : « Louis- Philippe n’était pas né pour les plaisirs, pour
la gloire ou pour les grandes affaires, mais pour le négoce » .
-Le Tome 2 est consacré au Règne de l’ « usurpateur ». Les
débuts de la monarchie Orléaniste sont longuement évoqués.
Le personnel politique de la monarchie de Juillet est
violemment critiqué, le Prince Charles-Maurice de Talleyrand
concentrant les attaques de Crétineau-Joly les plus virulentes :
« ancien satellite de Philippe Egalité » , « l’homme des
anglais », « rompu et corrompu dans les affaires », « Scapin
mitré de la Diplomatie, faisant le mal avec délices et le bien
avec un spirituel étonnement » ( T 2 pp 14/ 15). En direction
de Louis-Philippe, les insultes ne tardent pas à fuser dès la
page 17 : « Ce Roi de Juillet qu’un guet-apens fit sortir de son
tas de pavés » (p 17). Ces injures perdureront tout au long du
livre . Aux pages 300 et 302, on relèvera à nouveau ces
phrases au vitriol : « Louis-Philippe, qui n’eut jamais le
courage du bien et la haine du mal, Roi par une Révolution de
rue, aspire à propager son exemple au sein de toutes les
familles souveraines d’Europe ». Autre délicatesse à l’adresse
27
28
du Roi des Français : « Perfide sans art et hypocrite sans
talent » ( p 391).
La Cour Constitutionnelle des Tuileries est vertement décrite
par l’auteur Légitimiste : « Louis-Philippe aime à parler de
tout et sur tout. On fait de ses harangues, ennuyeuses comme
un vieil amendement, des parodies qui sont encore populaires.
Jemmapes (6 Octobre 1792) et Valmy (20 Septembre 1792),
les deux premières victoires de la Révolution, tombent sous le
ridicule ; ses hommes et ses choses éprouvent la même
destinée. Depuis le plus infime des employés jusqu’à madame
Adélaïde (la sœur du Roi), Automne qui voudrait encore jouer
au Printemps, il n’y a pas un être au Palais-Royal ou aux
Tuileries qui ne soit blessé par la griffe du lion. C’est la Cour
du Roi Pétaud ; la moquerie universelle s’attache à ses invités,
à ses comparses, à ses bourgeois gonflés d’une ineffable
vanité, et à ses Dames, minaudant la haute ou petite vertu. Le
vrai tout simple n’aurait pas eu assez de mordant ; on y mêle
un grain de diffamation. La diffamation confond dans un
anathème commun la galanterie et l’innocence, la droiture de
cœur et l’improbité, l’intelligence et la sottise. » (pp 211/212).
Suivent ensuite des moqueries sur les fils du Roi qui sont
inscrits dans les mêmes collèges que ceux fréquentés par les
bourgeois, puis des insinuations mettant en cause leur bonne
moralité. Ils sont ainsi comparés aux jeunes libertins de la
Cour d’ Alcinoüs…
Dans la droite ligne des critiques républicaines jadis propagées
par le Vicomte de Cormenin, Crétineau-Joly accuse LouisPhilippe d’avoir thésaurisé l’argent de sa Liste Civile à des
fins personnelles et familiales.
Ce Tome 2 contient également des attaques contre les avocats,
profession qu’exerçait pourtant l’auteur, mais dont il ne
semblait pas apprécier ses confrères : « Niveleurs
impitoyables, les avocats ont plus qu’aucun Egalitaire, servi à
renverser à coups de motions, la vieille société française. La
religion et la Monarchie sombrèrent devant la rhétorique
grisâtre du barreau, qui, après avoir déposé au greffe la
Couronne de Saint Louis, essaya de s’en fabriquer une toque.
Comme le Parlement pendant la Fronde, le Barreau fut infecté
de la passion du bien public, et il éleva cet égoïsme aux
proportions d’un dévouement rémunéré par sa clientèle et par
la Patrie. Table rase faite de tous les droits et de tous les
28
29
Pouvoirs, les avocats-avocassant, sont seuls restés debout sur
les débris accumulés par eux » ( p 220).
Mais au milieu d’un torrent d’imprécations lancées aux
visages de toutes les cibles traditionnelles du Légitimisme,
(avocats, Libéraux, Orléanistes, bourgeois, Saint-Simoniens,
républicains, Francs-Maçons, agnostiques, etc…), Crétineau
n’oublie tout de même pas de flatter son mécène : « LouisNapoléon n’a pas de parti –écrit-il-, encore moins de partisans.
On ne lui a même pas appris que la Révolution, qui choisit ses
adeptes dans les pourritures du Patriciat, ne saura point anoblir
le crime et ne voudra jamais se faire servir par un Grand
Homme…Un jour, le 2 Décembre 1851, un nouveau 18
Brumaire vint dégager l’étoile de Louis-Napoléon des nuages
qui l’obscurcissaient… » ( p 286).
La fin du premier Tome est consacrée à la chute de LouisPhilippe, le 24 Février 1848. La fuite des Tuileries est
racontée avec force détails (vrais ou rapportés), non sans des
accents romantiques et apocalyptiques. La description de la
dernière visite de Louis- Philippe à la chapelle des Orléans de
Dreux pendant la nuit du 24 Février, est relatée à la manière
des Mémoires d’Outre Tombe de Chateaubriand. Crétineau,
(qui n’y était bien sur pas !) décrit Louis-Philippe « seul avec
sa conscience » en train de prier et de pleurer sur les tombeaux
de ses ancêtres en méditant sur la destinée humaine…
Dans les dernières lignes, Philippe- Egalité et Louis-Philippe
sont qualifiés d’ « êtres », c’est à dire qu’ils ont quitté la
communauté des humains. Crétineau-Joly voit dans cette
déchéance la main de Dieu qui punit les apostats et les impies.
L’ « Histoire de Louis-Philippe et de l’Orléanisme » est un
écrit particulièrement représentatif de la littérature à scandale
du XIXe Siècle. Cette « œuvre » Légitimiste, conçue- il est
vrai- à partir du dépouillement d’archives et de la compilation
de témoignages, ne peut cependant pas raisonnablement être
qualifiée d’ « Historique », car le jugement de l’Historien a été
contrôlé par une volonté extérieure et trop altéré par la volonté
de nuire et l’esprit de parti.
Nous avons sélectionné un extrait de l’ « Histoire de LouisPhilippe d’Orléans et de l’Orléanisme » représentatif de
l’ensemble de l’œuvre.
29
30
2) Extrait choisi : « Histoire de Louis-Philippe d’Orléans
et de l’Orléanisme », T 1, page 2/3/4/5, Paris, Henri
Aniéré 1867.
« A partir du quatorzième siècle les rois de France prirent
l’habitude de donner à leurs fils puînés le titre de Duc
d’Orléans, et par une fatalité que les Historiens n’ont pas
assez fait ressortir, ce titre a toujours été aussi funeste à la
maison régnante qu’au pays lui même. Tous les Princes qui
portèrent le titre de Duc d’Orléans furent marqués d’un sceau
particulier. Qu’ils appartiennent aux Valois, au ValoisAngoulême, ou aux Bourbons, la différence d’origine ne
modifie point leur caractère et leur mauvais génie. Nés sur les
marches du Trône et le convoitant toutes les fois qu’ils
peuvent souffler sur le royaume l’esprit de désordre et
d’anarchie, ils n’apparaissent dans les troubles civils que
comme d’infatigables séditieux. Dans les guerres au dehors,
ce sont de timides satellites de l’étranger. Ils penchent
d’instinct vers la Révolution. C’est par l’Orléanisme qu’elle
commence, c’est par l’Orléanisme qu’elle se perpétue. Et ce
n’est point à un individu ou à un rameau isolé des diverses
branches royales, célèbres sous la dénomination de Ducs
d’Orléans, que cette fatalité semblera s’attacher. Elle est
l’apanage de tous ; elle leur crée à tous un privilège de
mécontentement intérieur ou de révolte patente. Quand ils ne
peuvent conspirer à visage découvert, ils essaient de trahir à
portes closes. Si, dans cette longue lignée de Princes, il s’en
trouve quelques uns par hasard doués de certaines vertus
négatives, ne vous étonnez pas de les voir par là même dénués
de toute espèce de talents. C’est à ce prix qu’ils eurent la rare
prérogative d’annihiler le vice inhérent à leur nom…De ce
nom d’Orléans, se dégage avec de lugubres images,
d’implacables ambitions et d’incessants complots. C’est le
résumé de nos guerres civiles et l’appendice de la
Révolution…
Plein de faiblesse pour son frère et d’amour pour la Reine,
Charles VI plongea dans une noire mélancolie…Sa raison
s’égarait par moments ; Louis d’Orléans (son frère) comprit
qu’une secousse pouvait le faire disparaître à tous jamais.
Dans une fête donnée à l’hôtel Saint-Pol, quelques
30
31
personnages déguisés en satyres et enduits d’étoupes et de
poix font leur joyeuse entrée. Au nombre de ces masques se
trouve le souverain. Une imprudence, un calcul plutôt,
communique le feu aux matières inflammables dont ils étaient
couverts. L’incendie se propage et c’est le Duc d’Orléans qui
l’alluma et c’est le Roi qui, sa vie durant, en restera le plus
triste martyr. L’aliénation mentale se déclare. Le Duc
d’Orléans, qui, selon une expression de Mézeray, ‘’profitoit de
tout’’, s’empare de la Justice, de l’Autorité et de la Puissance.
Il se fait de la spoliation une arme meurtrière et une fortune
colossale.
A la vue de ce Prince qui accumule crimes sur crimes, et qui,
le même jour, passe d’une orgie à une trahison, d’une lâcheté
à une félonie, les peuples n’osent plus renfermer leur
indignation au fond de leurs âmes. Cette indignation éclate en
cris d’horreur, de faim et de honte. D’Orléans sourit à ces
misères dont il est l’auteur. La France gémit sous la tyrannie
de l’Anglais ; elle est en proie à toutes les rivalités, à tous les
opprobres, à toutes les dévastation. Armagnacs et
Bourguignons, Ecorcheurs et Cabochiens divisent le royaume
en partis et en factions. A chaque heure, le sang coule, à
chaque minute la loi est outragée. Louis d’Orléans, sans cesse
ivre de voluptés et d’ambitieux projets, n’a pas le temps
d’écouter les murmures du Peuple. Déjà fanfaron de vices,
comme d’autres qui plus tard jouiront de son héritage (là,
c’est une attaque contre Philippe Egalité et son fils le Roi
des Français), il se crée de la perversion une sorte d’honneur
et de la haine des autres, un plaisir. Il a soulevé contre lui les
passions les plus opposées. La multitude le couvre de huées ;
les Princes le tiennent en mépris. Sa femme seule, Valentine
de Milan, semble vouloir à force de miséricordieux amour,
faire naître un saint remords dans les corruptions de ce cœur.
Comme auprès de tous les d’Orléans trop gangrenés ( !), il y a
déjà une femme légitime cherchant par ses vertus à expier tant
de scandales. A cette épouse, à cette mère désolée, d’Orléans
prodigue le sarcasme et l’outrage.
Il avait un rival en Jean Sans Peur, Duc de Bourgogne ; il
s’en fait un implacable adversaire. Parmi les portraits des
femmes qu’il a séduites, Louis d’Orléans affiche celui de la
Duchesse de Bourgogne. C’est à Jean Sans Peur qu’il montre
ce témoignage d’une insolente et menteuse folie. Le vase était
plein, il déborda. Le 23 Novembre 1407, d’Orléans périt sous
31
32
les coups de dix-huit assassins dont la vengeance du Duc de
Bourgogne avait armé le bras. Dans cette époque de vertiges
et d’attentats, les drames se succèdent avec une rapidité
inconcevable. On s’égorge ou l’on se pille. On se trahit ou
l’on blasphème ; et si l’écusson des d’Orléans se trouve enfin
avec Jeanne d’Arc à la peine et à l’honneur pour délivrer la
France de la domination anglaise, c’est à un bâtard qu’il
devra cette faveur de la fortune, bien rare chez les Princes de
ce nom. Jean, illustre dans les annales de la monarchie et de
la Chevalerie sous le nom de Comte de Dunois, était l’enfant
adultérin de Louis d’Orléans. Frère d’armes des La
Trémoille, des Xamtrailles, des Graville et des Lahire, Dunois
combattit pour la France, tandis que le Duc Charles
d’Orléans, fils légitime de Louis, proposait aux Anglais de
leur céder les plus belles provinces du royaume afin de
racheter sa liberté… ».
II) « L’Histoire de la Chute de Louis Philippe », par
François de Groiseilliez, un écrit violemment antiparlementaire publié en 1852 .
A) La nature et les vices du Gouvernement Constitutionnel
bourgeois.
Avant de publier son « Histoire de la Chute de LouisPhilippe », François de Groiseilliez (1807-1887) s’était déjà
illustré dans la catégorie des auteurs anti-parlementaires en
publiant à Paris chez Dauvin et Fontaine en 1846, « L’Art de
devenir député et même Ministre ». Le titre de ce livre était en
lui même un étendard. Nous constaterons par ailleurs avec
intérêt, que l’ « Histoire de Louis-Philippe d’Orléans et de
l’Orléanisme » , comme « l’Histoire de la chute de LouisPhilippe », deux ouvrages anti-parlementaires et violemment
hostiles à l’Orléanisme, ont été publiés et largement diffusés
sous le Second Empire. La période « Napoléon III » connut
une censure impitoyable et ne permit l’impression et la vente
d’ouvrages politiques et historiques qu’à partir du moment où
ces écrits ne constituaient pas une menace contre le nouveau
régime. On objectera à cette remarque (que d’aucun
32
33
qualifieront de perfide à l’égard du Second Empire), que c’est
aussi en 1852 que le comte de Montalivet a publié son
apologie de Louis-Philippe « Louis-Philippe et sa Liste
Civile » (se reporter à la Fiche N° 2). Toutefois, cette
complaisance des services de la censure de Napoléon III pour
les écrits Légitimistes et anti-Orléanistes, méritait d’être
signalée.
1) Organisation et temps forts de l’ « Histoire de la chute
de Louis-Philippe ».
L’ouvrage de François de Groiseilliez, (314 pages + 70 pages
de « notes historiques et critiques ») se compose de 23
chapitres. Il s’agit d’une histoire chronologique de la
Monarchie de Juillet, précédée de longs propos introductifs sur
la nature et les vices du « Gouvernement Constitutionnel
bourgeois ». L’Histoire de la « chute de Louis-Philippe »,
objet du livre, c’est à dire des événements qui se déroulèrent
du 1er Janvier au 24 Février 1848, couvre environ 200 pages et
13 chapitres. Toute la première partie du livre, (120 pages et
10 chapitres), est consacrée à la critique du fonctionnement et
de l’état d’esprit des Assemblées délibérantes, considérées
comme la véritable source des maux dont souffre la France
depuis la Révolution de 1789.
Moins virulent que l’ « Histoire de Louis-Philippe d’Orléans
et de l’Orléanisme » de Crétineau-Joly, le livre de François de
Groiseilliez constitue tout de même un beau spécimen
d’ouvrage à vocation pamphlétaire. Cela dit, une lecture
attentive de cet ouvrage, permet rapidement de constater que
l’auteur tente d’atténuer ses penchants naturels vers le
Légitimisme dur, par la recherche d’un minimum d’objectivité
historique. Il n’y parvient pas toujours, tant le fonds de sa
pensée est animé par des sentiments anti-parlementaires, mais
l’ambiance générale qui se dégage de ce livre, est moins
lourde que celle constatée dans l’œuvre de Crétineau-Joly.
a) L’impossible acclimatation en France du régime
parlementaire « à l’anglaise ».
33
34
-Dans un premier mouvement de sa réflexion, qui couvre les
chapitres 1 à 10 (p 1 à 118), François de Groiseilliez s’emploie
surtout à souligner les vices du régime constitutionnel et à
prouver que le Libéralisme est une hérésie politique.
L’auteur reconnaît que Louis-Philippe a apporté une certaine
prospérité à la France et il ne lui refuse pas le surnom de
« Napoléon de la Paix » ; il reconnaît même au Roi des
Français un rôle éminent dans le domaine des Arts, puisqu’il
crédite Louis-Philippe d’avoir investi « 62 millions de francs
en achats d’objets d’art, de livres, de tableaux et en entretien,
réparations et constructions dans les bâtiments de l’Etat » ( p
50). Toutefois, selon lui, « Louis-Philippe est le Monarque
dont la chute a le mieux démontré les errements
révolutionnaires », parce que c’est lui qui a donné « le plus de
gages à la Révolution » (p 7). Pour François de Groiseilliez,
les Français ont voulu le régime parlementaire à l’anglaise,
« sans l’avoir ni compris, ni étudié ». Alors que les Anglais
« ont l’amour de l’ordre et de la stabilité, l’amour des Arts, du
commerce et de l’industrie, les Français adorent avant tout le
plaisir et le tapage. Pour eux, une émeute dans la rue, une
insurrection aux portes d’un Palais, une Révolution, est un
drame joué gratis en plein air, bien plus intéressant que tous
ceux joués au théâtre » (pp 15/15).
François de Groiseilliez s’en prend ensuite « aux Assemblées
délibérantes, nées de la discussion et pour la discussion ».
L’auteur donne une définition très haute en couleurs des
Assemblées délibérantes : « Elles ont rarement fait le bien ;
elles ont souvent fait le mal. L’immensité de leur puissance les
rend aveugles sur la portée de leurs actes. Elles ont les
passions des natures vulgaires, les talents des petits esprits,
l’esprit des talents médiocres, le génie des âmes sans
imagination, les vertus des cœurs secs et arides, les instincts
de l’homme corrompu avec la brutalité de l’homme sauvage.
Amalgame d’apprentis Solon, de Lycurgue de clubs, de
Dracons en sevrage, elles font des lois comme Néron faisait
des vers et jouait de la flûte ; elles ont l’humeur acariâtre des
anciens conciles, sans en avoir ni la foi, ni la grandeur ; elles
crient, se querellent se disputent, s’injurient sans cesse,
quoiqu’elles n’aient d’amour et de déférence que pour elles
mêmes. Toujours ennemies du Pouvoir qui les protège elles
voient partout des tyrans dans ceux qui leur sont
supérieurs…Elles n’aspirent qu’à régner sans connaître ni le
34
35
poids d’un sceptre, ni les épines d’une couronne. Périsse plutôt
le monde qu’une seule de leurs prérogatives ! » ( pp 16/17).
Lorsque François de Groiseilliez explique comment le
parlementarisme a toujours été l’ennemi juré du Pouvoir
Exécutif depuis les débuts de la Révolution Française, il ne
manque pas de rappeler que « la Monarchie a duré 8 siècles et
la République… 8 ans » ( p 26). François de Groiseilliez
considère que la maxime d’Adolphe Thiers « le Roi règne
mais ne gouverne pas », constitue l’aboutissement de la
pensée parlementaire qui ne peut s’accommoder que d’un
« Roi mannequin et oisif ». L’auteur reconnaît que LouisPhilippe et son ministre Casimir Périer tentèrent de gouverner
et de limiter –de toutes leurs forces- les empiétements toujours
plus grands du pouvoir Législatif sur les compétences de
l’Exécutif, (et c’est dans cette reconnaissance d’une certaine
résistance de Louis-Philippe au parlementarisme que
Groiseilliez se démarque des extrémistes du Légitimisme),
mais le Roi des Français finit par devenir la victime de
« l’inconstance du peuple Français, qui traite les Constitutions
à peu près comme ses maîtresses : D’abord les Français
ferraillent pour elles, puis les quittent sans regrets, les
remplacent et les oublient… » ( p 44).
A partir du Chapitre V François de Groiseilliez entame une
attaque en règle contre « la bourgeoisie et son esprit ». Une
des institutions les plus nocives de la monarchie libérale, serait
la Garde Nationale, «cette camisole de force des Rois
constitutionnels » (p 56). Selon l’auteur, Louis-Philippe a
commis l’erreur de trop compter sur l’appui des démagogues
bourgeois athées, en ignorant que « c’est dans le Tiers-Etat
que se recrutent les plus grands éléments de désordre et de
désorganisation ». Même Napoléon, « ce très grand Homme »,
est tombé sous les coups de boutoirs de la bourgeoisie.
François de Groiseilliez énumère les 19 Ministères de la
Monarchie de Juillet (du 11 Août 1830 au 29 Octobre 1840),
soit la moyenne d’un Ministère tous les 215 jours. Les
portraits des principaux dirigeants de la Monarchie Orléaniste,
sont brossés assez vivement . Molé : Un grand seigneur
libéral ; Guizot : Entièrement dévoué au gouvernement de
Louis-Philippe, il n’aurait pas servi la Restauration avec
loyauté ; Thiers : « n’a servi que le Gouvernement de LouisPhilippe, parce qu’il était trop jeune pour servir les autres ».
Mais, l’auteur accuse ces trois dirigeants d’avoir « contribué à
35
36
démolir l’édifice de la légitimité, entraînés par l’esprit du
temps qui pousse aux tempêtes politiques » (p 67). Même
François Guizot, particulièrement bien considéré par l’auteur,
ne pouvait pas affronter « le génie du mal » (entendez le
Libéralisme) qui habitait depuis longtemps la société française
( p 73). Dans le chapitre « Fautes et niaiseries » , l’auteur
pointe du doigt les fautes commises par l’Exécutif et le
Législatif dans trois affaires mal gérées qui ébranlèrent
tellement le Trône de Louis-Philippe, qu’elles conduisirent à
la République. Tout d’abord, les gesticulations belliqueuses de
M Thiers et de la Gauche Dynastique d’Odilon Barrot lors de
la conclusion du traité des Détroits entre l’Angleterre, la
Russie, l’Autriche, la Prusse et l’Empire Ottoman contre notre
allié le Pacha d’Egypte, dans des conditions humiliantes pour
la France (notre plénipotentiaire n’avait pas été prévenu de cet
accord et le Roi des Français l’ apprit en lisant le journal !),
donnèrent à penser à une grande partie du peuple que le
Gouvernement Français, en ne déclarant pas une guerre
générale contre la Coalition anti-Egyptienne était complice des
Anglais. Ensuite, en refusant « le droit de visite mutuel »
franco-anglais des navires en mer pour vérifier s’ils ne
contenaient pas des esclaves, contre l’avis de M Guizot, la
Chambre des députés confirma l’opinion publique dans son
idée que le Gouvernement du Roi était vendu à l’Angleterre et
que seul le Pouvoir Législatif était en mesure de défendre
l’honneur de la France. Enfin, le climat anti-britannique
entretenu par les députés dans l’affaire « Pritchard », (du nom
de ce prédicateur britannique qui avait été expulsé de Tahiti
par la France et qui réclamait à la France une indemnité pour
le préjudice qu’il disait avoir subi) conduisit les Français à se
diviser en « pritchardistes », ceux qui soutenaient le Ministère
dans son intention (réalisée) de payer l’indemnité au sieur
Pritchard pour ne pas compromettre les relations avec
l’Angleterre, et qui furent de ce fait présentés publiquement
par l’opposition de Gauche et en privé par une bonne partie
des députés conservateurs comme des capitulards, et en « antipritchardistes », auréolés par une majorité d’élus du prestige
de ceux qui refusent l’hégémonie anglaise.
François de Groiseilliez accuse enfin les journalistes d’avoir
miné l’édifice moral et institutionnel. Selon lui, « le
Journaliste » (être malfaisant par nature), « est un homme
d’utopie, de contradictions, l’Erostrate de la philosophie des
36
37
carrefours, le Pontife sans foi d’une religion sans croyance, le
prophète aux joues gonflées, à la bouche baveuse ( !!!), à l’oeil
louche, toujours menaçant, toujours en colère, toujours au
milieu de la rue quand il n’est pas en prison, perché sur une
borne qui lui sert de trépied pour rendre ses oracles » (p 117).
b) L’impensable capitulation de Louis-Philippe devant les
forces révolutionnaires.
-Dans un second mouvement de son ouvrage, François de
Groiseilliez évoque longuement la « chute de LouisPhilippe ». Il la met sur le compte des errements du régime
parlementaire, de la duplicité naturelle de la bourgeoisie et de
la faiblesse du Roi. Autrement dit François de Groiseilliez est
un adepte du volontarisme et de la manière forte en politique.
Sous le titre « la conspiration des fourchettes » ( p 119),
l’auteur tente d’accréditer l’idée que la conspiration qui
aboutit au renversement de la monarchie de Juillet, n’avait
aucune force, ne bénéficiait d’aucun soutien populaire et ne
fut ourdie que par quelques bourgeois ventripotents guidés
bien malgré eux par des Révolutionnaires professionnels.
« Les banquets », qui rassemblaient autour de repas bien
arrosés les opposants au Ministère et au Roi, furent inaugurés
–nous dit l’auteur-, sous les auspices du journalisme et des
mânes de Marat et Robespierre . Ledru-Rollin, véritable
républicain, et Odilon Barrot, opportuniste de Gauche qui se
cantonnait dans une opposition « dynastique », furent les vrais
instigateurs de cette campagne autoritaire. Quant à Duvergier
de Hauranne, un autre ténor de l’opposition dynastique sous
Louis-Philippe, Groiseilliez le définit comme « celui dont la
grande qualité était de savoir haïr ceux qu’il avait aimé » (p
137). La Garde Nationale et les étudiants des Ecoles, « excités
par la faction républicaine la plus avancée », se croyait
maîtresse de la Rue. Toutefois, les organisateurs des banquets
reculèrent devant de simples interdictions administratifs et le
grondement des Troupes de Lignes ; ce qui fait dire à François
de Groiseilliez que les contestataires ne représentaient qu’euxmêmes et étaient faibles politiquement. « La Révolution de
1848 se prépara dans les cafés », déclare l’auteur avec une
mou de mépris. Pourtant, les pouvoirs publics n’exploitèrent
pas leur avantage et François Guizot, le puissant ministre de
37
38
Louis-Philippe, finit par démissionner devant ces « virtuoses
des barricades et Cassius de tragédie » ( p 153). Le Chapitre
XV traite de l’insurrection. On trouve à la page 155, une
description caricaturale des émeutiers du 24 Février 1848,
dont les mouvements dans les rues sont comparés aux scènes
de l’Opéra « Robert le Diable ». ( A propos de l’opéra
« Robert le Diable », se rapporter à la fiche FDV –rubrique
Histoire-, consacrée à cette œuvre) : « Vers neuf heures du
soir, de nombreux rassemblements se formèrent. Des bandes
d’Hommes en veste et en blouse, les uns sans chapeau, les
autres coiffés d’un débris de casquette, d’un morceau de toile
ou de peau de loutre, circulaient sur le boulevard d’un pas
cadencé et retentissant ; on ne voyait de leur figure qu’une
barbe épaisse de couleur grise, noire ou rougeâtre, qui la
couvrait presque entièrement. Leurs mains brunes et velues
( !!) étaient armées de cannes et de bâtons ferrés dont
quelques- uns étaient ornés de banderoles tricolores. De temps
en temps ils s’arrêtaient pour crier ‘’Vive la Réforme !’’, mot
d’ordre donné par les habiles et si admirablement répété par
des niais. S’ils chantaient, c’était à de longs intervalles et sur
un ton lugubre qui rappelait bien plus la musique des morts
que celle des vivants. Il y avait dans leur voix, dans leurs
gestes, dans leur démarche à la fois grotesque et sauvage,
quelque chose de sinistre qui inspirait la terreur et semblait
annoncer une prochaine catastrophe. Ils regardaient les
illuminations ( = les lampions accrochés aux fenêtres) avec un
sourire sardonique, se moquaient de la foule ébahie devant ces
étoiles de parade » ( pp 154/155).
François de Groiseilliez décrit les émeutes, de la page 160 à
188, non sans s’être livré au passage à un hommage soutenu
au Maréchal Bugeaud et à une sévère critique d’Adolphe
Thiers, qui aurait empêché le militaire de réprimer l’émeute.
Le Chapitre XVII intitulé « Les Tuileries », décrit la confusion
provoquée par les émeutes, au plus haut niveau de l’Etat.
« Les Hommes dont le devoir était de soutenir et de stimuler le
courage du Roi, firent tout au contraire pour l’ébranler » (p
190). Louis-Philippe, qui fut fidèle jusqu’au bout au régime
parlementaire, abdiqua en faveur de son petit fils le Comte de
Paris. L’auteur pense que Louis- Philippe s’est suicidé d’un
trait de plume. La seule à ne pas plier devant les événements a
été la Reine Marie-Amélie, parce que « loin de redouter le
38
39
martyr elle en demandait la Gloire ; sa force et sa grandeur
étaient dans sa piété » (p 193).
Après la fuite de Louis-Philippe, la Duchesse d’Orléans
(chapitre XVIII) se présente devant les députés pour faire
« valider » la royauté de son fils. Si cette combinaison n’a pas
fonctionné, c’est à cause de la lâcheté d’Odilon Barrot, de
Thiers, de Rémusat et de Hauranne, mais aussi de la volte-face
politique de Lamartine qui se rangea au dernier moment, aux
côtés des Républicains. Tout compte fait, François de
Groiseilliez considère que le coup de force de l’ Assemblée
contre la Régence de la Duchesse d’Orléans, s’inscrit dans la
longue histoire des « trahisons et de l’infamie parlementaire ».
C’est ainsi que tout le chapitre XIX est consacré à Lamartine.
Certes, Groiseilliez admire l’auteur des « Méditations
Poétiques », mais il regrette que M de Lamartine n’emploie
son génie « qu’à des illusions fantastiques et passagères, qu’il
fuit partout la vérité comme une entrave à sa marche
aventureuse et aime , caresse et orne le mensonge, comme si le
mensonge valait mieux que la vérité » ( p 231) . Toujours à
propos de Lamartine, François de Groiseilliez ajoute : « Son
véritable Dieu, c’est le hasard. C’est à ce Dieu capricieux que
la lyre à la main, il livre les destinées de la Patrie » ( p 232).
Sa vie serait « un tissu d’incohérences » .
Sous la plume de Groiseilliez, Lamartine est donc décrit
comme un avatar monstrueux du parlementarisme et du
Libéralisme.
Les hésitations du député orléaniste Dupin, qui a lui même
conduit la Duchesse d’Orléans et le jeune Comte de Paris à la
Chambre, puis qui refuse d’abord de prendre la parole à la
Tribune pour défendre leur cause, avant soudain de se raviser
pour finir par se taire devant l ‘envahissement de la Chambre
par des émeutiers républicains, illustre la faiblesse du
parlementarisme. Comble du ridicule, c’est le député
d’Extrême Gauche Mauguin (avec le général Oudinot) qui fait
un rempart de son corps à la Duchesse d’Orléans, menacée par
les émeutiers. Pour Groiseilliez, la République l’a emporté
parce que la Duchesse d’Orléans n’a pas parlé devant les
députés. Elle en aurait été empêchée par le Président de la
Chambre, Sauzet. C’est ainsi que Groiseilliez écrit
ironiquement que la République « est née par l’absence d’un
coup de sonnette » ( p 254). Le Légitimiste Larochejaquelein
« dont le nom est à lui seul un programme », est le dernier
39
40
député à pouvoir parler relativement tranquillement à la
Tribune, avant l’envahissement final de la Chambre par une
« foule de forcenés ». L’ Histoire retiendra qu’il eut le temps
de dire aux députés : « Vous n’êtes plus rien » ( p 259).
Ensuite, l’Assemblée « est livrée » aux Ledru-Rollin, Marie,
Crémieux, Dupont de l’Eure, Arago, sous l’autorité morale de
M de Lamartine.
La fuite du Roi vers l’Angleterre à travers la France, est
racontée en détails, des pages 277 à 308. Groiseilliez, à la
différence de Crétineau-Joly, partage sincèrement la peine du
Roi des Français pendant ces moments difficiles. Le récit des
pérégrinations de Louis-Philippe, devenu en quelques heures
un paria dans sa propre patrie, inspire à François de
Groiseilliez des réflexions amères sur la versatilité des
Français.
2) Buts poursuivis par cet auteur.
Pour François de Groiseilliez, « Louis-Philippe a été tué par
les avocats, aussi bien par ceux qui le servaient (Dupin), que
par ceux qui l’attaquaient (Odilon Barrot). Il n’avait qu’un
moyen de triompher, celui qu’il n’a pas employé : résister à
l’émeute, à l’insurrection, appesantir son bras sur les Hommes
d’anarchie et de verbiage, toujours ensemble pour détruire, les
uns par le fer, les autres par la parole, et profiter de la victoire
pour les réduire à l‘impuissance et à l’obscurité…Les
Institutions étaient caduques, la Charte en très médiocre
estime ; un changement de Constitution (dans le sens du
conservatisme et du renforcement de l’Exécutif) eût été
nécessaire sous les mains victorieuses de Louis-Philippe… » (
p 305).
François de Groiseilliez veut en finir avec « la tyrannie
bourgeoise » . La véritable Révolution consisterait à fonder un
Gouvernement réel et véritable, « en harmonie avec les
intérêts populaires, qui ne serait plus un simulacre de
gouvernement, une apparence de Pouvoir » ( p 306).
Selon l’auteur, il y a peu de Républicains en France (François
de Groiseilliez écrit en 1850) et cela s’explique par « l’état de
corruption auquel est parvenu le pays » ( p 309) et surtout « en
raison du faux patriotisme des gens qui se disent Républicains
40
41
et ne sont que Révolutionnaires ». Pour l’auteur, l’Esprit de
Révolution sape les fondements de l’Autorité et de la Morale.
La Révolution est une idéologie intrinsèquement perverse
qu’il faut abattre : « On a beaucoup parlé de la corruption des
Grands sous la Monarchie ; mais la Révolution ne s’est-elle
pas chargée de corrompre le reste ? N’a-t-elle pas fait du
marchand un homme cupide et de conscience facile, du valet
un Figaro sans esprit, de l’ignorant un fat présomptueux, de
l’avocat un brouillon politique, du riche un égoïste, du pauvre
un envieux, du demi-savant l’apôtre du désordre, de
l’incapable un ambitieux, de presque tous des panthéistes et
des matérialistes dont le seul Dieu est l’argent ou le
pouvoir ? » (p 310).
L’auteur réhabilite Nicolas Machiavel et ses théories de
gouvernement. Alors que par une injustice inacceptable cet
auteur florentin est devenu synonyme de perfidie et de
duplicité, François de Groiseilliez préfère rappeler que « loin
d’être partisan de la tyrannie, Machiavel, franchement
républicain, a toujours défendu les libertés populaires, mais
sous l’empire d’un pouvoir régulateur, sous l’autorité d’un
gouvernement fortement organisé » (pp 310/311).
La conclusion de l’ouvrage est assez inattendue, même si elle
semble cohérente par rapport aux idées développées tout au
long de cette Histoire de la chute de Louis-Philippe : « Soyez
Royalistes, Républicains, ou Socialistes, mais Gouvernez ! »
Respect et obéissance à l’Autorité, amour du devoir,
vénération pour la religion, culte du mérite tels sont
finalement, au delà de toute idéologie de Gouvernement les
simples mots d’ordre à mettre en action pour sauver la France.
Groiseilliez n’est pas formellement Légitimiste. Ses idées
politiques sont ultra-conservatrices et dominées par un antiparlementarisme virulent. Ainsi, dans son « Art de devenir
député et même Ministre » publié en 1846, Groiseilliez donne
à certains de ses chapitres des titres visant à ridiculiser les
pratiques parlementaires : ‘’du Royaume de la Présidence’’ ; ‘’
de la blague parlementaire’’ ; ‘’ de l’interrupteur’’ ; ‘’ des
ambitions rentrées’’ ; ‘’des conspirations de salon’’ ; ‘’ du
fauteuil’’ ; ‘’de la sonnette’’ ; ‘’de l’urne’’ ; ‘’ du vestiaire’’ ;
‘’ du verre d’eau sucrée’’, etc…
François de Groiseilliez prône un Exécutif fort qui assume
pleinement son rôle dirigeant en se défiant des corps
41
42
intermédiaires, particulièrement de ceux qui sont des
émanations de la classe bourgeoise. François de Groiseilliez a
développé des thématiques qui ont toujours été présentes dans
le paysage politique français, comme la défense de l’Ordre et
des valeurs chrétiennes. Groiseilliez est un auteur à la
charnière de l’Orléanisme d’Extrême Droite et du Légitimisme
pragmatique qui se serait volontiers accoutumé d’une
monarchie de Juillet débarrassée de ses oripeaux bourgeois et
pseudo-parlementaires. Contrairement à Crétineau-Joly qui
affronte Louis-Philippe et les Orléans en tant que personnes,
François de Groiseilliez élève son combat au niveau des idées.
L’auteur de « la Chute de Louis-Philippe » ébauche une
théorie politique très originale, un Orléanisme dépouillé de
son essence parlementaire, un autoritarisme libéral et chrétien
sur fonds de République populaire… Peu importe à
Groiseilliez que la monarchie soit dirigée par un Bourbon ou
un Orléans –voire même un Bonaparte-, pourvu que les rênes
du Pouvoir soient placés dans des mains sûres qui ne
faiblissent pas au premier danger. L’auteur va même jusqu’à
accepter la République, du moment qu’elle est conservatrice.
En cela, François de Groiseilliez occupe une place originale
dans l’espace politique de son siècle. Il n’est l’agent ni des
Bourbons, ni des Orléans, ni des Bonaparte, ni des
Révolutionnaires. C’est un Homme d’Ordre. Sa logique
(comme d’ailleurs celle de Crétineau-Joly) est binaire : Le
monde se divise en deux camps : L’Ordre et le Désordre ; les
régimes « forts » et les régimes « parlementaires » ; la Morale
et l ‘amoralité. Cette vision plutôt manichéenne du débat
politique s’exprime fort logiquement dans un style violent et
passionné, toujours ironique, caractéristique de la littérature
pamphlétaire de cette époque.
Jacques Crétineau-Joly et François de Groiseilliez expriment
parfaitement la contestation de Droite de la Société française
du XIXe Siècle. Trop méconnus, étrangers à notre monde
politique et institutionnel actuel, ces deux auteurs ont incarné
à leur époque la littérature pamphlétaire Légitimiste et AntiParlementaire. L’étude de leurs œuvres constitue un passage
obligé pour quiconque veut saisir l’essence du combat d’idées
au XIXe Siècle.
42
43
B) Extrait choisi. « Histoire de la chute de LouisPhilippe », Paris, Michel Lévy Frères, 1852 ; extraits
tirés des « notes historiques et critiques » parues en fin
de volume. ( pp 325/326/327)
« Le Tiers- Etat a fait la Révolution de 1789, et jusqu’à nos
jours a continué ce mouvement d’aventures et de catastrophes.
Il est fort regrettable, sans doute, que des esprits
conservateurs se voient obligés d’admonester cette classe,
déjà fort maltraitée par la démagogie et le Socialisme. Mais à
qui la faute ? La bourgeoisie profite -t-elle des leçons de
l’expérience ? N’est-elle pas toujours sous l’influence des
mêmes passions ? Montre-t-elle au peuple l’exemple du
respect et de l’obéissance à la Loi et à l’autorité ? Donne –telle son appui au Pouvoir qui ne cesse d’avoir besoin d’elle ?
Et Mon Dieu, Non ! Sans parler de ses votes contre Charles X
et contre Louis-Philippe, peut-on rappeler froidement qu’en
temps de République, où l’Anarchie a ses flatteurs, elle a
nommé pour ses représentants, pour les représentants de
Paris, capitale de la France, des gens qui lui avaient tiré des
coups de fusil, et qui ne lui en tiraient qu’en vue d’établir leur
système, c’est à dire la ruine de tout commerce, de toute
industrie ? Les leçons que la bourgeoisie prétend donner au
Pouvoir sont des programmes de Révolutions nouvelles. Pour
lui dire la vérité en passant, et la lui dire sévèrement, on est
bien moins coupable qu’elle. Il y a sans doute de nombreuses
exceptions à faire ; tous les soldats de la bourgeoisie
n’obéissent pas aux penchants dangereux que je signale ; à
eux donc, s’ils le peuvent, d’user de l’autorité ou de
l’influence de leurs grandes qualités pour ramener dans un
centre commun de bon sens et de raison les esprits égarés ou
rebelles…
Les Gros Bonnets de la Garde Nationale (la milice bourgeoise
des monarchies Constitutionnelles), sont extrêmement
susceptibles…Leur uniforme écrasant le manteau royal est
une usurpation. L’Armée est tout aussi Nationale que leur
Garde. Elle représente le pays comme elle, le défend avec non
moins de courage et de dévouement…La Belgique a
parfaitement compris l’inconvénient du titre de Garde
Nationale et a donné aux réunions armées d’une partie de ses
43
44
habitants, le nom de Garde Civique. Ce petit peuple, depuis
quelques temps, s’avise à nous donner des leçons de liberté et
de sagesse, de tact et de convenance. Ne pourrions nous,
malgré nos parchemins de Civilisation européenne, profiter
un peu de ces modestes leçons ?
L’insurrection, ou pour parler un langage plus conforme à
l’esprit du temps, le peuple rassemblé, armé pour défendre ses
droits attaqués, loin de sauver la Constitution existante, l’a
toujours laissée périr…Il s’est battu pendant trois jours au
nom de la Charte octroyée, et aussitôt cette Charte a été
remplacée par la Charte-Vérité. De nouveau ce bon peuple,
inquiet du sort de cette sœur cadette, reprend un fusil en
criant ‘’Vive la Réforme !’’…La Constitution de 1848 est
proclamée…Le caractère de l’insurrection est essentiellement
destructeur. Il détruit même ce qu’il aime. Il est d’autant plus
à redouter en France, que la divinité souveraine est le
caprice, et que l’amour du changement est bien plus grand
chez elle que l’amour de la Liberté ! ».
44
45
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