Août - Un repas à la campagne

Transcription

Août - Un repas à la campagne
Dossier d’accompagnement scolaire
Août - Un repas à la campagne
Texte de Jean Marc Dalpé
Mise en scène de Fernand Rainville
Une production du Théâtre de La Manufacture (Montréal)
Présentée au Théâtre français du Centre national des arts, du 3 au 6 octobre 2007
Ce dossier d’accompagnement scolaire a été réalisé par Sophie Labelle.
Photo de la page couverture : Henri Chassé (Gabriel) et Louise Laprade (Jeanne). Photo de Yannick Macdonald.
Henri Chassé (Gabriel), Jacques L’Heureux (André Mathieu), Pierre Curzi (Simon), Janine Sutto (Paulette) et
Annick Bergeron (Louise). Photo de Yannick Macdonald.
Crédits de la production
p. 2
Sommaire
L’auteur, Jean Marc Dalpé
Bio
p. 3
Discours
p. 5
Langue
p. 8
Personnages
p. 9
Bibliographie
p. 10
Résumé de la pièce
p. 11
L’univers de la pièce
p. 16
Entretien avec le metteur en scène Fernand Rainville
p. 19
Activités proposées
p. 23
Bibliographie
p. 25
Crédits de la production
ion
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
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Août - Un repas à la campagne
Texte de Jean Marc Dalpé
Mise en scène de Fernand Rainville
Distribution
Gabriel : Henri Chassé
Simon : Pierre Curzi
Josée : Catherine de Léan
Jeanne : Louise Laprade
Louise : Dominique Leduc
André Mathieu : Jacques L’Heureux
Paulette : Janine Sutto
Monique : Marie Tifo
L’équipe du spectacle
Assistance à la mise en scène : Allain Roy
Décor : Patricia Ruel
Costumes : Mireille Vachon
Lumières : André Rioux
Environnement sonore : Larsen Lupin
Accessoires : Marie-Ève Lemieux
Maquillages : Suzanne Trépanier
Perruques : Cybèles Perruques
Août – Un repas à la campagne a été créée au Théâtre La Licorne à Montréal le 11 avril
2006 par le Théâtre de La Manufacture.
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L’auteur, Jean Marc Dalpé
Ce qui sous-tend les écrits de Jean Marc Dalpé est la
nécessité absolue de prendre la parole.
Franco-ontarien,
dramaturge,
comédien,
Chez ce
poète,
scénariste et romancier, la parole est un outil et la
langue, une arme poétique.
Bio
Après des études en théâtre à l’Université d’Ottawa, où il est né en 1957, Jean Marc Dalpé se
dirige vers le Conservatoire d’art dramatique de Québec, où il entreprend une formation d’acteur
en 1976. Il ne termine pas sa formation, préférant plutôt accepter la proposition de Théâtre
Action, un organisme dédié à la valorisation du théâtre en Ontario français, qui lui offre un poste
d’animateur culturel.
C’est dans ces circonstances qu’il retrouve ses compagnons Robert
Bellefeuille, Roch Castonguay et Lise L. Roy, avec qui il fonde en 1979 le Théâtre de la Vieille
17, en banlieue d’Ottawa. Les premières œuvres sont des œuvres collectives, souvent créées par
nécessité, comme par exemple lors de la crise des écoles francophones en Ontario. C’est une
époque créative, riche en rencontres, en expérimentations. Tout le monde écrit, joue, participe à
la conception et à la réalisation des décors et des costumes. La mise en scène des spectacles est
confiée à Brigitte Haentjens, grande complice de Dalpé, dont le travail contribuera grandement à
faire connaître et apprécier les textes de l’auteur. Ils reconnaissent chez l’autre le désir profond
d’engagement social et la similarité dans leur formation. En effet, à des époques différentes, ils
ont tous les deux suivi une formation à Paris à l’école de Jacques Lecoq, qui travaille sur la
dynamique du mouvement qui investit le corps. Le théâtre des premières années est fortement
marqué par cette méthode, par le mime, le jeu masqué et l’improvisation.
Dalpé et Haentjens prennent ensuite le chemin de Sudbury, où ils tentent tous les deux de
remettre sur pied le Théâtre du Nouvel-Ontario, elle comme directrice artistique, lui comme
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artiste en résidence. Pendant presque dix ans, à partir de 1980, ils créent ensemble avec peu de
moyens des spectacles engagés, et effectuent des tournées dans le Nord de l’Ontario, pour offrir
aux différentes communautés francophones un accès à un théâtre qui parle d’eux. Les pièces les
plus connues du tandem sont Hawkesbury Blues et Nickel, une histoire d’amour sur fond de
mines, qui se penche sur les problèmes auxquels font face les mineurs de Sudbury pendant la
crise des années 1930. Les années au TNO sont des années d’engagement total, où la conscience
sociale de Jean Marc Dalpé s’affine. Il participe à la naissance d’une dramaturgie francoontarienne, qui dépeint un univers en déclin, qui correspond à celui de la communauté culturelle
tout entière.
En parallèle, Jean Marc Dalpé publie de la poésie. Il écrit du théâtre en groupe, en duo ou en trio.
Il joue. Il fait des tournées. Il s’occupe du TNO. Puis, en 1988, arrive Le chien. Ce texte, qu’il
avait commencé à écrire deux ou trois ans plus tôt, est fortement inspiré par ses tournées dans le
Nord : Timmins, Hearst, Kapuskasing, et par les gens rencontrés. Avec Le chien, Dalpé passe
des créations collectives aux pièces en solo, de l’identité communautaire à des drames plus
intimes. La pièce connaît un grand succès, tant en Ontario, qu’au Québec et en France. Le texte
remporte le Prix du Gouverneur général. Après avoir passé tout ce temps seul à écrire la pièce,
Dalpé décide d’accorder plus de place à l’écriture qu’au jeu. Des motifs personnels l’amènent à
quitter l’Ontario pour Montréal, mais il entretient toujours des liens personnels et professionnels
avec l’Ontario. Sa renommée s’intensifie au fur et à mesure que de nouvelles pièces sont
montées : Eddy (1994) est créée en français au Théâtre Denise-Pelletier de Montréal et en anglais
au prestigieux Stratford Theatre Festival. Lucky Lady (1995) est une coproduction du Théâtre du
Niveau Parking de Québec et du Théâtre de la Vieille 17 d’Ottawa. La pièce Trick or Treat
marque les débuts d’une belle collaboration avec le Théâtre de La Manufacture de Montréal et
avec le metteur en scène Fernand Rainville. Cette production originale de 1999 a été l’objet de
plusieurs reprises au Théâtre La Licorne à Montréal, d’une tournée pan-canadienne, d’une
traduction, de plusieurs productions en anglais et d’une adaptation télévisuelle diffusée sur les
ondes de Télé-Québec. En 1999, il fait paraître deux ouvrages qui lui valent chacun un nouveau
Prix du Gouverneur général. Il n’y a que l’amour est un recueil de textes de théâtre qui contient,
entre autres, Trick or Treat et Un vent se lève qui éparpille est son premier roman. Dalpé écrit
aussi plusieurs courts textes pour la radio et pour les spectacles de contes urbains de la
compagnie Urbi et Orbi à Montréal et du TNO de Sudbury. Au début des années 2000, il planche
sur la scénarisation de la télésérie Temps dur, qui sera diffusée sur les ondes de Radio-Canada à
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l’automne 2004. Août – Un repas à la campagne, a été écrite en parallèle avec Temps dur, dans
le cadre d’une résidence d’écriture au Théâtre de La Manufacture.
Discours
Selon André Perrier, directeur artistique du TNO entre 1998 et
2004, Jean Marc Dalpé est aux Franco-ontariens ce que Michel
Tremblay est aux Québécois, c’est-à-dire un révélateur, qui
confronte une communauté à sa réalité, afin de lui permettre
d’agir sur celle-ci. Dans ses premiers écrits, Dalpé décrit avec
justesse la colère des exploités et des démunis et leur ascension
vers l’air libre.
Il dépeint les rapports que la modernité
occidentale entretient avec le travail, la survie, l’exploitation des
pauvres et des marginaux.
Jean Marc Dalpé, tôt dans sa
carrière d’écrivain – il n’était pas
encore évident que le comédien et
le participant à la création
collective y feraient carrière – a
relevé un défi de taille, celui
d’incarner par sa voix de poète
l’Ontario français dans son
ensemble, son passé, son présent,
son avenir problématique qui ne
serait
assuré
que
par
l’engagement.
Robert Dickson dans Jean Marc
Dalpé – Ouvrier d’un dire, p. 290.
Oui.
J’aimerais mieux ça que vous attendre.
J’aimerais mieux ça que vous regarder sortir, comme des somnambules, en rangs serrés, une masse d’hommes qui
sort du trou, avec leur silence enfoui sous la crasse, enfoui sous la terre qui leur pèse dessus, à longueur de jour, à
longueur d’années, à longueur de vie.
Le personnage de Clara dans Nickel, 1984, p.43.
Avec Le chien, en 1988, les cibles de Jean Marc Dalpé se
précisent : la parole, la dépossession du rêve, la famille et le
couple sont sondés par sa plume corrosive.
personnages
aux
vies
emprisonnées,
opprimés
Ses
et
impuissants, témoignent du manque de repères des
individus laissés à eux-mêmes dans nos sociétés. En plus
de ses racines franco-canadiennes, Jean Marc Dalpé
s’affirme dans son américanité et ce qui la caractérise : la
soif de partir, le renoncement aux racines, le mythe du self-
J’avais des rêves pour c’t’enfant là.
Un jour c’était le meilleur joueur de
hockey des Canadiens pis le
lendemain un business man qui fait
des millions pis qui couraille partout
dans le monde avec son avion privé à
lui. (…)
Oui… j’avais des rêves pour ce p’tit
gars là ! Pis j’me disais… mais y’en
faut ! Y’en faut des rêves ! Y plein
d’histoires de gars qui sont partis de
rien pis qui l’on faite !
Le personnage de la Mère dans Le
chien, 1988, p.8-9.
made man.
Le théâtre de Dalpé s’appuie sur une tension dramatique exemplaire qui mène la plupart du temps
à l’éclatement final. Familièrement, disons que tant dans son écriture que dans sa structure, il
possède un redoutable sens du punch. Ses pièces en crescendo, teintées de violence et d’un
parfum de scandale, permettent de décrire une réalité familiale étouffante. Cette réalité familiale
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prend également sa source dans les mythes grecs fondateurs, dans lesquels Dalpé puise sans le
cacher son inspiration. Le plus évident à identifier est celui d’Œdipe, qui procure plusieurs
possibilités de conflits récurrents dans son écriture, à savoir le parricide, réel ou symbolique, et
l’inceste, via le viol de la fille adoptive. Le Chien, Eddy, Trick or Treat et le roman Un vent se
lève qui éparpille contiennent l’un, l’autre ou ces deux éléments.
L’utilisation des mythes grecs permet également de donner une dimension tragique aux
personnages et aux situations, qui autrement pourraient facilement sombrer dans le mélodrame.
Chez Dalpé, le tragique, la fatalité et l’interdit accompagnent les préoccupations contemporaines
des personnages.
Je travaille souvent mes récits en
cherchant l'histoire en dessous, liée à des
structures d'histoires qu'on retrouve dans
les grandes mythologies ou les contes
populaires. Ça stimule mon écriture,
m'aide à organiser le récit, à trouver la
structure qui correspond à ce que je veux
raconter. Une histoire qui fonctionne a
une parenté avec l'une des grandes
histoires qui ont déjà été racontées.
Pourquoi aime-t-on tellement se faire
conter des histoires? Ça remonte à la nuit
des temps. C'est quelque chose de très
profond chez l'être humain.
Entrevue accordée à Marie Labrecque
par Jean Marc Dalpé dans Le Devoir, 2021 mars 2004.
Y’a des lois. Des lois qui même si elle (sic) étaient écrites nulle part,
seraient des lois pareil.
- Comme ?
- Comme pas s’envoyer en l’air avec son sang. Tu t’envoies en l’air avec
ton sang, tu finis toujours par te faire punir.
- Toujours ?
- Comme dans les histoires, t’sais, les vieilles histoires-là… T’en
rappelles ?
- Quelles histoires ?
- Les vieilles histoires des Grecs.
- Des Grecs ? Qu’est-ce que les Grecs ont à voir avec tout ça ? Avec un
jeune énervé qui finit par clencher un vieux pour avoir fait c’que le jeune
énervé aurait voulu faire à sa place ?
- C’qui est grec, c’est que comme le vieux avait pas d’affaire à faire c’qu’y
a fait en partant, c’est sûr que le jeune énervé va finir par faire c’qu’y’a
fait, pis qu’y va finir là où y’a fini. Y’a pas l’choix. Y peut penser qu’y’a
un choix mais dans l’fond y’en a pas.
- Pis elle non plus ?
- Tu parles de la noyée ?
- Non, de l’autre. J’parle de l’autre. Ce que tu m’dis c’est qu’elle non
plus, elle a jamais eu de choix dans l’fond ? C’est-tu ça que tu m’dis ?
- C’est ça que j’te dis.
- Pis c’est grec, ça ?
- Oui, monsieur ! T’en rappelles pas ?
Extrait du roman Un vent se lève qui éparpille, 1999, p. 164-165.
Depuis Le chien, Jean Marc Dalpé a délaissé l’univers francoontarien des Murs de nos villages, Hawkesbury blues et Nickel pour
se plonger plutôt dans le monde des marginaux, des laissés-pourcompte et des criminels. Ce sont des milieux durs, pauvres, tant sur
Dans Trick or Treat, le
personnage de Mike, 15
ans, désire acheter un
pistolet à Ben.
Ben : T’as été humilié.
C’est pas qu’y t’ont volé
tes souliers – j’veux dire
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne tes souliers c’est pas rien6
mais c’est pas tes souliers –
non ! l’affaire c’est que
t’as été humilié. Pis être
humilié de même c’est
le plan économique que culturel et linguistique, et souvent violents.
La violence, tant verbale que physique, est omniprésente chez Dalpé.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la violence n’est pas un
trop-plein, c’est un manque. Manque de moyens pour exprimer ses
émotions, manque de confiance en soi, manque de mots.
Chez
Dalpé, l’émotion la plus importante qui pousse à la violence est
l’humiliation. L’humiliation suscite ensuite la honte, la rage et le
désir de vengeance.
Pour les personnages, paradoxalement,
l’utilisation de la violence est une tentative pour préserver leur
dignité, gagner le respect des autres, et donc de conserver leur
humanité.
On a fréquemment qualifié le théâtre de Dalpé de « viril ». Certaines
de ses pièces mettent en scène de très beaux personnages féminins,
mais l’action tourne généralement autour d’un personnage masculin
qui sent que les choses lui échappent. Les femmes chez Dalpé sont
souvent terre à terre et savent depuis longtemps que les choses ne
tournent pas rond. Les femmes et les enfants personnifient l’amour
rédempteur. Sans l’amour, sans la capacité d’exprimer l’amour, les
personnages ne sont que des bêtes blessées et blessantes. Deux
personnages masculins incarnent parfaitement cette idée de la
réhabilitation par l’amour, soit Bernie dans la pièce Lucky Lady et
Red dans le conte Red voit rouge. Dans les deux cas, l’amour pour
un enfant réel ou à venir change le registre d’action. Les mots plus
Bernie s’adresse au ciel.
Bernie : J’t’un sale. J’t’un
fucké. J’t’un tou croche. On
peut-tu s’parler ?
C’que j’ai fait’, j’l’ai fait’ pis
je l’sais que tu l’sais. T’étais
là, tu m’as vu, t’as tout’ vu !
J’te demande rien pour moé !
Pas une cenne ! Pas une
miette ! On s’comprend làd’sus là hein ?! C’est tout’
pour la p’tite ! Tout !
Pour une fois O.K. ? O.K.
pour une fois ? O.K. J’fuck
pas !?
Lucky Lady, 1995, p. 162 à
164.
que les poings en échange d’une promesse de bien se tenir.
Langue
Il ne faut pas résumer l’écriture de Jean Marc Dalpé à sa
langue. Oui, son langage est souvent cru, mais son travail
s’appuie aussi sur des expérimentations et des inspirations
variées comme le cinéma, la musique et la mythologie.
Dalpé, qui écrivait des poèmes à l’adolescence, est venu à
l’écriture par le biais du jeu d’acteur. Sa langue est donc
J'aime beaucoup ce que je découvre en
me confrontant à un nouveau genre.
Chaque fois que je touche à d'autres
formes, ça se répercute dans mon
écriture dramatique, je pense. D'avoir
écrit de la poésie m'a appris des choses
sur l'efficacité de la langue sur scène. Et
l'écriture du roman m'a aidé à
comprendre les autres structures
narratives.
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Entrevue accordée par Jean Marc Dalpé
à Marie Labrecque dans Le Devoir, 2021 mars 2004.
ancrée dans le corps de l’acteur, et faite pour être dite à voix
haute.
Dans ses premières œuvres, qui sont surtout collectives, le texte de théâtre est ancré dans le
contexte socioculturel. Si l’identité passe par la langue, alors porter la langue sur scène devient
un acte d’affirmation et de résistance.
La langue populaire, un peu comme chez Michel
Tremblay, devient un langage théâtral qui porte une tentative d’affranchissement.
La langue de Dalpé est une langue bâtarde, un mélange de français,
d’anglais et de jurons. Les répliques sont souvent courtes, hachurées.
Le rythme qui prend au cœur et au corps est une de ses grandes forces.
Différents éléments des univers qu’il crée l’inspirent au niveau du
rythme et influencent la trajectoire des personnages, comme le chien
qui jappe dans Le chien, les coups répétés sur le sac de boxe dans
Eddy, et les pas d’un cheval qui court dans Lycky Lady.
Sous une
apparente réalité se cache une hyperthéâtralité, une langue tout en
sonorité, en résonance et en maîtrise.
Ses textes évoquent une
Cracked : C’est pas ça
qui s’passe, Babe !
Certain que tu peux aller
ailleurs.
Trouve ton
motton, ton cash. Une
fois que tu l’as, les deals
sont
là,
t’attendent,
boum, boum, boum, t’as
un péteux qui pète…
Mais c’pas ça qui
s’passe.
That’s not
what’s going down here.
Trick or Treat dans le
recueil Il n’y a que
l’amour, 1999, p.97.
partition jazzée.
Un déferlement de paroles dont l’énergie fait écho à l’urgence des personnages. En lutte avec le langage même qui
les définit, ils s’expriment comme ils peuvent dans un langage hachuré, frustré et désordonné dont l’acharnement
devant l’urgence frôle la tragédie. L’apparente pauvreté de la langue devient quasi poétique, pleinement riche
puisqu’elle révèle l’essence même de l’être, l’anglais et les fameux sacres faisant irruption lorsque la langue fait
défaut, lorsque la parole ne répond pas à force des émotions embouteillées.
André Perrier dans Jean Marc Dalpé – Ouvrier d’un dire, p. 310
Shirley dans Lucky Lady prépare son introduction au public avant son
spectacle.
Les personnages n’ont pas le
vocabulaire
qu’il
faut
pour
s’exprimer mais font preuve d’un
acharnement
tragique.
qui
touche
au
Ils se démènent, et la
pauvreté de leur langue révèle
admirablement bien qui ils sont.
Shirley : J’aimerais juste dire icitte… J’aimerais juste vous dire que
je me sens honorer… que c’t’un honneur… J’aimerais juste vous
dire que c’t’un/comment j’me sens chanceuse d’avoir la
chance/J’aimerais juste vous dire icitte comment j’me sens/comment
je suis contente… contente/heureuse/comment j’suis heureuse de me
retrouver sur la même scène que ce monsieur-là qui/que c’bonhommelà!/que ce bonhomme-là qui en a fait tant/tellement/tellement/ qui en a
fait tellement pour la musique country.
Lucky Lady, 1995, p. 17.
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Jean Marc Dalpé souligne l’ironie du sort
peu de mots l’explication des conséquences
Maurice : Sans les mots, le monde est plein d’trous. Y
a comme des places où comme tu peux pas aller comme,
fait que tu t’ramasses que c’est d’là à là où tu peux aller
comme… pis pas ailleurs sauf que des fois tu t’ramasses
ailleurs pareil, mais comme t’as yenque ça d’mots…
Ouais… ouain c’est là que tu t’mets à fesser.
désastreuses de ne pas posséder la faculté
Eddy, 1994, p. 87.
avec beaucoup de tendresse, lorsqu’il place
dans la bouche même d’un personnage de
de s’exprimer.
Comme on peut le constater, l’acquisition de la parole représente un espoir, une planche de salut
pour ces personnages sans ressources. Dans le conte urbain Red voir rouge, le personnage de
Red, qui a vécu une grande humiliation et qui rêve de « pendre par les boules » et de « clencher »
son bourreau, raconte son histoire. Ce faisant, il s’affranchit de la violence pour parvenir à la
douleur : « Ostie que ça fait mal ». Nommer la douleur permet d’empêcher de passer à l’acte.
Personnages
Minés par le ressentiment, la rage, les désirs frustrés et le sentiment de n’avoir pas d’avenir, qu’ils ne peuvent
exprimer, les personnages de Dalpé sont acculés à la violence. Leur incapacité à dire leurs pensées et leurs émotions
hypothèque gravement leurs relations interpersonnelles. Lorsqu’un individu sent qu’il n’a pas le pouvoir d’interagir
avec les autres, soit il se laisse dominer, soit il a recours aux seuls moyens qui lui soient accessibles pour obtenir sa
part de pouvoir, le seul à sa portée étant souvent la violence.
Lucie Hotte dans Jean Marc Dalpé – Ouvrier d’un dire, p. 184.
Les personnages de Jean Marc Dalpé sont des personnages d’inspiration tragique, dans le sens
classique du terme. Ils agissent sous le coup d’une passion, d’une colère qu’ils ne comprennent
pas et qui les aveugle.
Mais d’un autre côté, ils conservent une fierté inébranlable, une
conscience de ce qu’ils sont et ont une idée de ce qu’ils pourraient être. Cette fierté et cette
conscience en font des marginaux, mais des marginaux colorés, parfois sympathiques. Ces
caractéristiques, doublées du sens du rythme de l’auteur, donnent lieu à des échanges savoureux.
Zach : J’te l’avais dit : un fuck-up ambulant. Tu m’as-tu écouté ? Non. Tu vois, tu devrais toujours m’écouter.
Shirley : Toujours ?
Zach : Toujours.
Shirley : Toujours. Ouain, toujours. Parc’ toé tu m’bullshittes jamais, c’est ça. Toé tu m’mens jamais, c’est ça.
Zach : Quand j’te mens, Shirley, tu sauras que c’est toujours pour ton bien.
Lucky Lady, 1995, p. 148.
Père : C’est quoi que tu veux ?
Jay : J’veux que tu me dises que j’suis
correct !
savent que la clé de l’impasse réside dans l’impossible
J’veux que tu me dises que tu m’aimes !
J’veux que tu me serres dans tes bras, Pa !
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Père : J’peux pas. C’est trop tard.
Jay : Vieux chriss !
Ces paumés que la vie a fait naître du mauvais côté
Jay dire deux autres coups en direction de
communication
entre
les
individus.
Cette
communication, cette union à laquelle ils aspirent, les
pousse à commettre l’irréparable lorsqu’elle leur est
refusée.
Bibliographie
Août – Un repas à la campagne, Éditions Prise de parole, 2006.
Théâtre
Le chien, Éditions Prise de parole, 2003 {1987}. Prix du Gouverneur général.
Il n’y a que l’amour, Éditions Prise de parole, 1999. Prix du Gouverneur général.
Lucky Lady, Édition Prise de parole/Éditions du Boréal, 1995.
Eddy, Éditions Prise de parole/Éditions du Boréal, 1995.
Les Murs de nos villages (coauteur d’un collectif), Éditions Prise de parole, 1993 {Éditions Sainte-Famille
1982}.
Les Rogers, avec Robert Marinier et Robert Bellefeuille, Éditions Prise de parole, 1985.
Hawkesbury Blues, avec Brigitte Haentjens, Éditions Prise de parole, 1982.
Nickel, avec Brigitte Haentjens, Éditions Prise de parole, 1981.
Roman
Un vent se lève qui éparpille, Éditions Prise de parole, 1999. Prix du Gouverneur général.
Et d’ailleurs, Éditions Prise de parole, 1984.
Poésie
Les Murs de nos villages, Éditions Prise de parole, 1983.
Gens d’ici, Éditions Prise de parole, 1981.
Résumé de la pièce
Quatre générations de femmes habitent sous le même toit et dépendent
des revenus de la ferme familiale pour vivre. L’aïeule, Paulette, sa
fille Jeanne et son mari Simon, de même que leur fille Louise, son
mari Gabriel et leur propre fille, Josée.
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
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Les personnages
Louise
La femme. 38 ans. Travaille depuis quelque temps comme agent immobilier pour
boucler les fins de mois. Traverse une grave crise de couple, parce qu’elle a
entretenu récemment une liaison avec un autre homme.
Gabriel
Le mari. 42 ans. Travaille sur la ferme de sa belle-famille depuis son mariage
avec Louise. Voudrait reconquérir sa femme. C’est un « bon gars ».
Josée
Leur fille. 19 ans. S’apprête à quitter la ferme pour aller étudier en ville. Rêve de
faire du cinéma. N’a pas la langue dans sa poche.
Simon
Père de Louise. 57 ans. Souffre encore des séquelles d’un ACV qui l’a terrassé
trois ans auparavant, et d’une radiothérapie pour le début d’un cancer de la gorge.
Accepte difficilement de se retrouver diminué et de se faire surveiller.
Jeanne
Mère de Louise.
60 ans. Travaillante et contrôlante, c’est la gardienne des
traditions. Elle juge sévèrement sa fille Louise. Elle est épuisée.
Paulette Mère de Jeanne. 86 ans. Parle peu, mais lorsqu’elle ouvre la bouche, on ne sait
jamais ce qui va en sortir. Elle est malcommode et fière de l’être, parce qu’elle
considère qu’elle a été trop gentille toute sa vie.
Monique
Sœur de Simon. 58 ans. A quitté le village assez jeune pour aller travailler en
ville. Divorcée. Autonome. Elle s’apprête à se remarier.
André Mathieu
Son fiancé. 57 ans. Veuf, père de deux enfants. Son fils vit en Californie
et il n’a plus de contacts avec sa fille.
Banlieusard, retraité, à l’aise
financièrement.
Lieu
L’extérieur d’une grande maison de ferme en mauvais état. Galerie, chaises,
balançoire.
Temps
Fin d’un samedi après-midi.
Vers 16h30.
Mi-août.
Troisième journée de
canicule.
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Pré-spectacle
Pendant que le public s’installe, on voit Gabriel qui travaille à remettre en état la galerie. Il range
ses outils et quitte la scène.
Prologue
Louise demande à Gabriel les clés du pick-up. Elle doit rejoindre un jeune couple intéressé à
acheter une maison dont elle s’occupe de la vente, la maison des Lapierre. Gabriel tente de
convaincre sa femme de l’accompagner pour une baignade romantique au clair de lune, à son
retour. Louise rejette sa proposition et se dirige vers le camion. Jeanne, la mère de Louise,
rejoint Gabriel.
Il lui annonce que sa fille va peut-être vendre aujourd’hui la maison des
Lapierre. Jeanne rétorque que cette maison est vendue depuis deux jours. Le malaise de Gabriel
va en grandissant. Il reste sur place, comme un homme qui sait qu’il devrait agir, mais ne sait pas
comment. Pas encore.
Août
Aujourd’hui, la famille reçoit des invités pour le souper. Monique, la sœur de Simon, vient
présenter à la famille son fiancé de la ville, André Mathieu.
Monique est assise sur la balançoire et parle à Jeanne qui est à l’intérieur de la maison. Pendant
qu’elle parle, Josée et Jeanne ont une conversation sur le coupon du nettoyeur que Josée semble
avoir égaré. Josée, dans tout ses états, rejoint sa tante sur la galerie. Le fameux coupon, en plus
de lui permettre de récupérer son uniforme de serveuse du golf où elle travaille à temps partiel,
contient aussi le numéro de téléphone du producteur de films associé au concours auquel elle a
participé. Josée s’empresse de raconter à sa tante qu’elle est parmi les vingt finalistes dans un
concours de courts-métrages et que cinq d’entre eux verront leurs projets produits. C’est ce
week-end que la décision sera prise. La jeune fille décide d’aller vérifier si sa mère n’a pas pris
le coupon.
Monique parle de son imminent mariage à Jeanne qui est toujours à l’intérieur et qu’on entend à
travers la porte moustiquaire. On comprend que Monique aurait voulu que son fiancé vienne
s’installer en ville avec elle mais que ce sera plutôt elle qui ira le rejoindre en banlieue. La
conversation glisse sur Josée, sur l’inquiétude qu’a suscité son anorexie dans la famille et sa
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
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décision d’aller étudier en ville. Monique, inquiète pour le moral de sa belle-sœur, lui propose de
venir passer quelques jours de repos chez elle, en ville. Jeanne refuse mais Monique insiste,
faisant miroiter un week-end de détente, sans ménage, sans repas à préparer. Jeanne finit par
accepter et dans l’enthousiasme, renverse sa limonade et éclate en sanglots, rapidement maîtrisés.
Josée revient victorieuse pour aussitôt repartir : son coupon de nettoyeur était dans le sac à main
de sa mère.
Paulette rejoint Monique sur la galerie, tandis que Simon, Louise et André Mathieu font leur
apparition, après avoir fait le tour du propriétaire. Louise refuse que son père conduise le tracteur
pour aller montrer à André la vieille cabane à sucre. Le père et la fille diffèrent aussi d’opinion
sur l’intérêt du lieu. Alors que Simon voudrait reprendre les activités de la sucrerie, Louise
préférerait vendre le terrain en lots pour la construction de chalets. André, fébrile, réalise que son
fils dont la femme va accoucher incessamment ne pourra le rejoindre sur son cellulaire car la
batterie est vide. Il devra lui donner le numéro de téléphone de la ferme. Simon revient de la
maison avec la clé du tracteur. Sa femme et sa fille, à son grand désespoir, finissent par
l’empêcher de partir. Tandis que les femmes préparent le repas à l’intérieur, Simon et André ont
une conversation sur les vertus du golf.
Gabriel, tout excité, revient à la maison avec un sac contenant une couleuvre, la plus grosse qu’il
ait jamais vue. La bête provoque du dégoût chez André et Monique et de la curiosité chez les
autres. Pendant que Gabriel s’éloigne avec André Mathieu pour essayer de mesurer la couleuvre,
Monique explique à Paulette qu’elle a accepté que son voyage de noces ait lieu en Alaska, même
si ce coin de pays ne l’a jamais intéressé. André revient en annonçant que la couleuvre s’est
échappée. Il entre dans la maison pour téléphoner à son fils.
Gabriel, déçu par la perte de sa couleuvre, se fait également rabrouer par sa femme qui l’invite
sans délicatesse à aller prendre une douche pour faire disparaître son odeur de sueur. André et
Monique tentent de convaincre la famille d’accepter de dormir en ville le soir de leur mariage,
dans une grande suite offerte gracieusement par l’hôtel où aura lieu la réception. André rejoint
finalement en Californie la mère de sa belle-fille et lui donne le numéro pour le joindre. Gabriel,
tenté par la proposition de la chambre d’hôtel, annonce qu’ils vont y réfléchir. Simon questionne
Gabriel à propos d’une entente de principe conclue avec un fermier du coin. Ce dernier, qui
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
13
devait leur louer des terres et ainsi leur permettre de gagner un peu d’argent, a finalement conclu
une affaire avec quelqu’un d’autre. Simon, choqué, se lance dans une longue tirade à l’intention
d’André Mathieu sur la disparition de l’honneur à notre époque. Au même moment, Gabriel
tente de convaincre Louise d’accepter la proposition de sa tante à propos de l’hôtel, mais Louise
en profite pour lui annoncer qu’elle a revu son amant. Gabriel, sous le choc, entre dans la
maison.
Pendant qu’on installe la table, plusieurs actions simultanées ont lieu. Paulette, qui a les idées
fixes, se rend au poulailler pour chercher des œufs. Simon continue son discours à propos de la
parole donnée et Josée, qui entre-temps était revenue en coup de vent du nettoyeur, repart pour
son travail au golf, en prenant bien soin de dire que si on l’appelle à propos du concours, il faut la
prévenir.
Monique annonce fièrement que le champagne est arrivé et Gabriel lance des
remarques assassines à sa femme à propos de son infidélité. Jeanne tente de calmer le jeu.
Louise, excédée, prend le téléphone sans fil et, assez fort pour que tout le monde entende,
demande à son amant de venir la chercher. Elle entre dans la maison.
Gabriel, qui a peur de tout perdre, s’adresse à sa belle-famille. Il veut être certain que toutes les
années où il a travaillé sur la ferme ne vont pas s’envoler en fumée. Simon s’empresse de le
rassurer. Gabriel se fait menaçant quand Louise ressort de la maison. Elle lui annonce qu’ils
vont se donner trois jours de réflexion, et qu’elle va aller attendre son amant au bord du chemin.
Monique et André, mal à l’aise, voudraient en profiter pour s’éclipser mais le pick-up leur bloque
la sortie. Le téléphone sonne. Ça pourrait être le concours de Josée, ou le fils de André, mais
c’est l’amant de Louise. Jeanne prend l’appel.
Il veut parler à Louise.
Tandis qu’André
s’impatiente et que Gabriel est survolté, Simon va chercher Louise, qui prend l’appel. Son
amant, qui a pris peur, ne viendra pas la chercher. Louise, humiliée, plie en deux de douleur,
pour se reprendre aussitôt. André Mathieu, totalement excédé, revient pour demander qu’on
bouge le pick-up, alors que Monique l’implore de leur laisser un peu de temps. André éclate de
colère, rabroue Monique, retourne à sa voiture et se met à klaxonner furieusement. Louise
demande à Gabriel de lui donner la clé, pour partir quand même réfléchir durant trois jours, mais
Gabriel se dirige dans la maison avec la clé.
Mécontente, Louise le suit.
immédiatement de ressortir mais Gabriel la retient par les cheveux.
Elle tente
Des bruits sourds
proviennent de la maison. D’abord Simon, puis Monique, veulent aller voir ce qui se passe, mais
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
14
Jeanne les en empêche. Au bout d’un instant on n’entend plus rien, tandis que Paulette revient du
poulailler et que Monique rejoint André dans la voiture. Gabriel sort de la maison, suivi par
Louise, tremblante et dont la robe est déchirée.
Le téléphone sonne, c’est le fils d’André Mathieu qui tente de rejoindre son père quelques
minutes trop tard.
Au nom de toute la famille, du fond du cœur, Simon lui adresse ses
félicitations pour la naissance de sa fille.
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
15
L’univers de la pièce
Dans cette tentative de piquenique en famille qu’est Août – Un
repas à la campagne, Jean Marc
Dalpé a su remarquablement
mettre la table pour que les
conflits sous-jacents éclatent au
grand jour. Un billet de nettoyeur
perdu, une chaleur accablante, un
nouveau fiancé condescendant,
une couleuvre en fuite, une odeur
de sueur et une vieille
malcommode sont les ingrédients
d’amuse-gueules un peu épicés.
Ajoutez un climat de malaise entre deux époux, une adolescente qui s’apprête à quitter la maison
familiale et une mère contrôlante et aigrie, vous obtenez un plat principal qui bascule de la
comédie de situation au drame sans équivoque.
Août – Un repas à la campagne marque un
changement d’avec les œuvres précédentes de Dalpé,
au niveau du ton et de la galerie de personnages.
Après avoir résolu d’octroyer plus de place aux
personnages féminins, il choisit le lieu (la ferme) et le
moment (août – la canicule). Il est également
intéressant de souligner que la pièce se déroule en
temps réel, c’est-à-dire que l’action qui se passe sur
scène se déroule au même rythme pour les
protagonistes et pour les spectateurs.
Après avoir beaucoup travaillé sur l'éclatement
du temps, les ellipses et les intrigues multiples,
j'ai eu envie de m'imposer des contraintes
formelles. À partir de la fameuse règle des
trois unités (de temps, de lieu et d'action),
l'univers s'est créé, les personnages ont
commencé à se dessiner et le conflit central est
apparu.
Entrevue accordée par Jean Marc Dalpé à
Christian Saint-Pierre dans Voir, le 6 avril
2006.
Les spectateurs familiers avec l’œuvre du dramaturge russe Anton Tchekhov (1860-1904)
remarqueront quelques similitudes entres plusieurs éléments de ses grandes pièces et des
caractéristiques de Août – Un repas à la campagne. En plus de s’inspirer de l’atmosphère et du
déroulement de ses pièces, Jean Marc Dalpé, en hommage à ce pionnier de la dramaturgie
moderne, a inséré quelques clins d’œil dans sa pièce, comme la situation de Gabriel, similaire à
celle d’Oncle Vania dans la pièce du même nom, ou le parallèle entre la Cerisaie qu’on veut
vendre et l’érablière de Simon.
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
16
Dans Août, la quantité d’information que Jean Marc Dalpé
réussit à faire passer en quelques répliques est sidérant. Plus la
pièce avance, plus les personnages se révèlent à nous et se
révèlent entre eux. Seules la plus jeune (Josée), et la plus vieille
(Paulette), semblent jouer à jeu ouvert. Mais leur franchise ne
paraît ni atteindre ni inquiéter les autres membres de la famille,
aux
prises
avec
des
jeux
d’adultes
beaucoup
plus
compromettants.
Si l’action n’est pas très importante dans la pièce,
chaque réplique nous en apprend un peu plus sur les
rapports entre les personnages, sur leurs craintes, leurs
rêves déçus et leurs aspirations.
Les tensions
individuelles entre certains personnages sous-tendent
des tensions plus globales, principalement entre les
tenants de la tradition (Jeanne, Simon, Gabriel) et ceux
qui voudraient que les choses changent (Louise,
Monique, Josée). Le malaise entre Jeanne et sa fille est
cristallisé dans la scène de la nappe.
Qui est la
maîtresse de maison lorsque deux femmes adultes
Josée : J’ai dix-neuf ans. Si je
m’énerve pas, j’passe inaperçue.
Un peu plus loin dans le texte.
Josée : Est-ce que je suis la seule
à pas trouver ça normal qu’on
m’ait pas demandé des détails !?
Qu’on m’ait pas posé des
questions sur mes espoirs !? Mes
rêves !?
Août - Un repas à la campagne,
2006, p. 125.
Louise installe une nappe sur la table.
Jeanne : Oh !
Louise : Tu voulais qu’on se serve de cellelà ?
Jeanne : T’aimes mieux la jaune ? C’est vrai
que ça fait plus « été ».
Louise : C’est toi qui décides.
Jeanne : J’avais pensé la blanche. Blanc…
Noces…
Louise : C’est ta visite.
Jeanne : La jaune est belle.
Louise : Mais si tu veux la blanche, on peut
installer la blanche.
Août - Un repas à la campagne, 2006, p.
116-117.
vivent sous le même toit ?
Même si ce n’est jamais mentionné dans le texte, on peut présumer
que Louise a décidé de s’affranchir de sa mère à partir du moment
où elle a commencé à travailler à l’extérieur comme agent
immobilier. Elle a changé ses cheveux, elle a insisté pour que sa
fille aille étudier en ville et finalement, elle a eu une aventure extraconjugale. Mais Louise osera-t-elle aller jusqu’au bout ? Ce qui
fait la force de la structure de la pièce de Jean Marc Dalpé, c’est
que le destin de chaque personnage est lié à celui des autres. On
est ici aux prises avec l’ancien et le nouveau qui s’affrontent et
jusqu’à maintenant, le statu quo prévalait. La rupture de Louise et
de Gabriel amènerait une changement de vie radical pour chacun.
En effet, maintenant que Simon est invalide, c’est Gabriel qui
s’occupe de la ferme. S’il se sépare de Louise, il se retrouve
Gabriel : Y a quelqu’un qui
va me payer. J’pars pas
d’icitte dans qu’on me paie
pour ces vingt et un ans-là.
C’est pas vrai ça.
Un peu plus loin dans le
texte.
Gabriel : J’ai des droits.
Encore plus loin
Gabriel : Si a’pense que je
vais juste partir. Faire mon
sac. Reprendre mes deux
coffres d’outils, mon linge,
m’effacer…
Août - Un repas à la
campagne, 2006, p. 128-129.
devant rien, puisque la ferme appartient à la famille de sa femme.
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
17
Si le couple formé par Louise et Gabriel est un peu au centre
de l’histoire, celui par qui le drame survient, c’est peut-être
parce qu’ils sont à cheval entre deux mondes, entre deux
visions de la vie, entre deux idéologies. Jeanne et Simon sont
clairement du côté des traditions et Josée est carrément un pas
en avant, déjà ailleurs. Lorsqu’elle subit l’humiliation totale
de se faire rejeter par son amant, Louise conserve tout de
Louise : Pour le moment tout est
arrêté. Mais y a quelqu’un - on
sait pas qui mais quelqu’un – une
personne ici, oui quelqu’un ici va
éventuellement dire quelque chose
de, de, de normal. D’insignifiant
ou de normal. Juste normal. On
sait pas qui, on sait pas quoi. On
sait pas quand. Et une autre
personne ici va répondre ou
ajouter ou compléter, et…
Pause
OK. Pas tout de suite.
même assez de lucidité pour comprendre que la cassure qui
vient de se produire dans leur univers ne sera probablement
Août - Un repas à la campagne,
2006, p. 146.
qu’éphémère.
Pas toute de suite, parce que le choc est grand. Et encore une fois, chez
Dalpé, l’homme incapable de s’exprimer avec les mots, qui a ravalé tout
au long de la pièce, usera de sa force physique pour faire payer son
humiliation.
Viol, voies de fait, on ne saura jamais exactement quel
traitement Gabriel fait subir à Louise. Mais le drame bascule dans la
tragédie lorsque Simon et Monique, qui font mine d’intervenir, sont
fermement arrêtés par Jeanne. Par cet acte, Jeanne se venge également de
sa fille dont elle a honte, de sa fille qu’elle ne reconnaît plus.
Jeanne : Y a le mal.
Y a le bien.
Plus loin dans le texte.
Jeanne : Pis ce qu’elle
fait, c’est mal.
Ce
qu’elle y fait, c’est
mal.
Pis je l’ai dit. Je l’ai
dit parce que j’le
pense.
Août - Un repas à la
campagne, 2006, p.
135.
Ni le texte de Jean Marc Dalpé, ni la mise en scène de Fernand Rainville ne laissent présager des
conséquences qu’aura cette journée dans la vie des personnages. Une rupture est survenue, mais
le spectacle laisse au public le soin de s’interroger sur les issues possibles, à la grande satisfaction
de l’auteur.
J'ai plus envie de parler de mes pièces en termes de conflit qu'en termes de message. Ici, les conflits naissent de
l'effondrement d'un univers. Les personnages essaient de définir de nouvelles valeurs en s'accrochant aux vieilles. Ils
s'opposent les uns aux autres sur des bases qui ne fonctionnent plus, des rêves qui n'ont plus d'allure. Je ne dis pas
qui a raison et qui a tort. Ce qui est intéressant, c'est d'amener le spectateur à réagir à ce conflit.
Entrevue accordée par Jean Marc Dalpé à Christian Saint-Pierre dans Voir, le 6 avril 2006.
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
18
Entretien avec Fernand Rainville
Depuis ses débuts professionnels en 1985, Fernand Rainville
connaît un cheminement de carrière prolifique. À la fois
comédien et metteur en scène, il a développé avec les années
une expertise d’enseignant et, plus récemment, celle de
réalisateur. Homme de théâtre passionné et engagé, il fait
partie de plusieurs comités, jury et associations du milieu
artistique. Sa première mise en scène, Glengarry Glen Ross
de David Mamet (Théâtre de La Manufacture 1989), connaît
un succès retentissant et lance une carrière qui sera des plus
productives. Son sens exceptionnel du rythme et de la tension
dramatique font de lui un habitué du théâtre contemporain et
il a porté à la scène, entre autres, Poor Superman de Brad Fraser, Talk Radio d’Eric Bogosian,
Trick or Treat de Jean-Marc Dalpé et Howie the Rookie de Mark O’Rowe. Toutes ces pièces se
sont mérité des nominations au Gala des Masques remis par l’Académie québécoise du théâtre.
Fernand Rainville a également mis en scène le spectacle à grand déploiement Légendes
fantastiques présenté à Drummondville entre 1998 et 2007. Il occupe en ce moment les fonctions
de directeur de création pour le spectacle Wintuk, la prochaine création du Cirque du Soleil à
New York, prévue à l’automne 2007.
La mise en scène de Août – Un repas à la campagne n’est pas votre première
incursion dans l’univers de Jean Marc Dalpé
Comment avez-vous été amené à
travailler sur ses textes ?
Je connais Jean Marc depuis 1980. Nous avons une affinité de culture, puisque nous sommes
tous les deux d’origine franco-ontarienne. Quand j’étais étudiant à l’École nationale de théâtre
du Canada, à Montréal, Jean Marc et Brigitte Haentjens commençaient leur travail à la direction
du Théâtre du Nouvel-Ontario de Sudbury. À ce moment là, je m’enlignais pour poursuivre une
carrière d’acteur (lorsqu’on est jeune, c’est la chose la plus évidente), et j’ai suivi de très près
leurs premières créations, Les gens de mon village, Nickel. J’étais très proche de ce courant là, et
je le suis encore. Jean Marc et moi on a reconnecté quelques années plus tard, lorsqu’il est venu
s’installer à Montréal. C’est moi qui l’ai amené à la Licorne. Jean Marc m’avait proposé de
diriger une lecture d’un texte qu’il aimerait voir monté sur scène. C’était la première version de
Trick or Treat, et nous pensions avec ce texte pouvoir aller chercher un public adolescent. J’ai
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
19
simplement dit à Jean-Denis Leduc (directeur artistique du Théâtre de La Licorne), que ce texte
était pour lui.
Quelles ont été les étapes de travail pour Août – Un repas à la campagne ?
Jean Marc a livré une proposition qui était assez achevée. Auparavant, Jean-Denis Leduc a fait
avec lui un important travail dramaturgique, qui s’est étendu sur deux ou trois ans, au cours
desquels Jean Marc a rebâti les choses. Quand je me suis impliqué dans le projet, la structure
était très avancée, il ne restait que des petites coquilles à améliorer. En répétition, nous avons à
peine changé deux ou trois répliques. Jean Marc et moi sommes sur la même longueur d’ondes à
propos du texte. Si ce que nous voulons faire passer se joue sans qu’on ait besoin de parler, alors
on enlève les mots.
Justement, la pièce est pleine de silences, de regards, les personnages se
coupent la parole et évoluent dans le non-dit.
Comment établir les rapports
entre les personnages lorsqu’ils sont si importants ?
Dans ma direction d’acteurs, je travaille principalement le sous-texte1. Je fais confiance au texte
pour faire avancer l’histoire, l’anecdote et je me concentre sur le non-dit. Honnêtement, il n’y a
pas grand chose de terriblement intéressant qui se dit dans Août, mais les rapports entre les
personnages en disent long sur l’espèce humaine. En fait, la pièce dégage des idées, mais on n’y
discute pas d’idées.
Jean Marc et moi on se rejoint aussi à ce niveau-là.
Je crois
fondamentalement que des idées doivent se dégager d’une œuvre, mais pour moi il y a d’autres
moyens d’y arriver qu’en discutant, sur scène, de ces idées. En littérature, l’essai est un genre
formidable, tout comme la poésie, on dispose de toutes sortes outils pour faire valoir des idées.
Mais Jean Marc et moi, on aime le théâtre à l’américaine, dans la ligne de Eugene O’Neill, où à
l’intérieur d’une situation donnée se dégage une série d’idées qui porte un regard sur une société,
qui donne un portrait des rapports humains dans le temps.
1
Le sous-texte est ce qui sert de base à la construction d’un personnage dans un théâtre plus réaliste et
psychologique. Grâce à la trajectoire du personnage tout au long de la pièce, l’acteur et le metteur en scène
déterminent les intentions et les sentiments profonds qui motivent le personnage à parler.
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
20
Dans Août – Un repas à la campagne, contrairement à d’autres pièces de Jean
Marc Dalpé (Le Chien, Eddy), on retrouve une unité de temps, de lieu et
d’action.
Quel est l’intérêt de travailler sur un univers réaliste ?
Pour Août, Jean Marc souhaitait retourner à une certaine base d’écriture. Ce n’est pas plus facile
ou moins facile à mettre en scène, même si, à la limite, cette forme porte un vent de fraîcheur,
que les spectateurs n’ont pas vu depuis longtemps. Depuis environ 1960, il s’est écrit des pièces
très structurées qui ont amené un travail très formel à la mise en scène. On est obligé d’user de
conventions éminemment théâtrales, afin de s’assurer que ces référents passent la rampe, pour
que tout le monde puisse comprendre les chemins, les ellipses. Quand on travaille sur une pièce
réaliste, on peut se concentrer sur les rapports entre les personnages et mettre en lumière
l’humanité qui s’en dégage.
On s’attarde au cheminement intérieur, aux questionnements
personnels et universels. Dans ce genre de théâtre, on se reconnaît dans les enjeux et les désirs
refoulés, qui transparaissent dans les silences. On y voit tout ce qui nous touche et qui nous
ressemble.
Vous avez effectué beaucoup de mises en scène dans les dernières années.
Qu’est-ce qui fait que vous allez accepter un projet plutôt qu’un autre ?
Quels sont vos critères de sélection ?
Aujourd’hui avec l’expérience, le temps et les années, je m’assure de choisir, au théâtre
particulièrement, des textes qui portent un questionnement social. S’il m’arrive de revisiter une
pièce du répertoire, j’essaie d’y rattacher quelque chose qui m’aide à mieux comprendre le
monde dans lequel je vis. Je trouve que c’est un métier extrêmement exigeant et impliquant,
alors ma priorité est que je puisse faire ressortir dans la mise en scène ce qui me touche ici et
maintenant.
La
distribution
de
Août
–
Un
repas
à
la
campagne,
est
impressionnante.
Comment travaillez vous avec les acteurs ?
Le théâtre, c’est le médium de l’acteur. Le cinéma, c’est le médium du réalisateur. Pour moi,
faire une mise en scène au théâtre consiste à faire rejaillir et mettre en lumière ce qui doit l’être.
Si je voulais avoir le contrôle total, je ferais du cinéma. Mais la notion de construction au théâtre
passe par le collectif et le consensus. Ce que j’essaie de mettre en place avec les acteurs, c’est
une adhérence à l’idée que je veux porter. Au début des répétitions, j’arrive avec une idée
porteuse qui servira de base au travail. Grâce aux discussions d’équipe, cette idée va se colorer,
parfois, elle va bifurquer, mais les acteurs, tout ce qu’ils veulent savoir, c’est dans quelle
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
21
direction on va travailler. Le chemin qu’il emprunte vers cette direction lui appartient, c’est son
apport à la création. Mon rôle est de faciliter les choix, d’être un agent de communication.
Août, c’est de la dentelle au niveau des dialogues et c’est surtout une formidable partition pour
des actrices. On retrouve dans la pièce quatre générations de femmes. Et, de plus, il n’y a
personne qui a toute la pièce sur les épaules, ce qui est rare dans une pièce qui compte huit
acteurs. Même s’il y a des trajectoires de personnages plus importantes que d’autres, il n’y a pas
de maillon faible. J’ai du faire un casting d’acteurs qui avaient entre 20 et 90 ans, et les acteurs
de la distribution comptent entre 15 et 40 ans de métier. C’est beaucoup de métier autour de la
table ! Il y a aussi la comédienne Catherine de Léan, pour qui, à l’époque de la création de la
pièce, c’était la première expérience professionnelle. Son personnage de Josée représente la
jeunesse. J’ai été très interpellé par ce personnage. Les adultes dans la pièce n’écoutent pas la
jeunesse, et selon moi c’est symptomatique de notre société où les gens au pouvoir rediscutent de
vieilles affaires sans prêter attention aux jeunes et à leurs idées, à leurs besoins. Même si la
présence en scène de Josée n’est pas énorme, c’est elle qui selon moi porte le plus de matière.
Elle évoque de manière très efficace le problème de la soumission aux vieilles idées dont on
n’arrive pas à se déprendre. Sur le plan humain, Août porte un propos sur la peur de vieillir, la
peur de perdre le contrôle, la peur d’être seul, l’absence de sens. Quand, dans une société comme
la nôtre, on a tout jeté par la fenêtre, tout rebrassé, peu importe qu’on ait du succès, qu’on ait
réussi, il reste toujours une quête de sens, une quête spirituelle. La pièce amène ces grandes
questions qui restent toujours sans réponse.
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
22
Activités proposées
L’œuvre complète de Jean Marc Dalpé est publiée aux Éditions Prise de parole, de Sudbury.
•
Pour avoir un bon aperçu de son théâtre, nous conseillons la lecture de sa première pièce
Lectures
solo, Le chien et aussi de parcourir le recueil Il n’y a que l’amour, qui contient huit pièces
en un acte, trois contes urbains (dont l’hilarant Give the lady a break), une conférence et
un texte poétique.
•
La lecture de son magnifique roman Un vent se lève qui éparpille peut sembler ardue au
premier coup d’œil. En effet, le texte ne contient presque pas de ponctuation et la
narration, qui adopte le point de vue des différents protagonistes, est inaccoutumée. Mais
si vous vous laissez entraîner dans cet univers, vous serez largement récompensé !
Homme de théâtre, Jean Marc Dalpé aime le travail collectif. Au cours de sa carrière, il a pris
part à des spectacles de contes, de poésie et de chanson avec ce qu’on pourrait appeler ses
« frères d’écriture ».
•
Le plus marquant est sans doute le poète Patrice Desbiens. Natif
de Timmins, dans le Nord de l’Ontario, Desbiens commence à
publier au milieu des années 1970. L’Homme invisible, Un pépin
Lectures
de pomme sur un poêle à bois, La fissure de la fiction sont parmi
ses recueils les plus connus. Son dernier recueil, Hennissements,
est paru en 2002 aux Éditions Prise de parole, tout comme ceux cihaut mentionnés. Plusieurs de ses textes ont été adaptés pour le
théâtre. Reconnu pour son sens du « punch » et de la dérision,
L’endroit
L’endroit
L’instant
L’infini
et le courrier
arrivent tous
en même temps.
Il n’y a pas d’adresse
de retour.
Poème tiré de
Hennissements, p. 85.
Patrice Desbiens est aussi un très habile performeur.
Tout au long des lectures qui ont servi à préparer ce dossier, d’autres frères d’écriture, plus ou
moins lointains, ont été associés à Dalpé. De chacun, nous vous proposons une œuvre cousine
qui, par ses personnages, sa langue ou sa situation, s’apparente aux œuvres de Dalpé.
•
D’abord, pour la langue vibrante et populaire et les personnages d’écorchés vifs, des
recueils de contes urbains du Québécois Yvan Bienvenue, l’idéateur du projet, sont
publiés chez Dramaturges Éditeurs, sous le titre Dits et inédits 1, 2 et 3.
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
23
Lectures
•
De l’Américain Sam Shepard, on retiendra la pièce L’enfant enfoui (Buried child ), qui lui
vaut le Prix Pulitzer en 1979, et qui raconte l’histoire d’une famille de fermiers qui cache
un lourd secret.
•
Comme nous l’avons mentionné dans ce dossier, on peut tracer plusieurs parallèles entre
les pièces du Russe Anton Tchekhov et la pièce Août – Un repas à la campagne. Pour
son atmosphère familiale étouffante et son immobilisme, nous proposons la pièce Les
Trois sœurs.
Petit et grand écran
•
La télésérie Temps dur, à l’écriture de laquelle Jean Marc Dalpé a consacré plusieurs
années, se déroule dans le milieu carcéral. Le réalisme des personnages a été souligné à
plusieurs reprises par la critique. Dalpé a travaillé en étroite collaboration avec le détenu
Michel Charbonneau, qui est à l’origine du projet.
•
Les films durs et hyperéalistes du britannique Ken Loach lui ont valu plusieurs
récompenses internationales, dont la fameuse Palme d’or du Festival de Cannes pour son
plus récent film, Le vent se lève (The wind that shakes the barley). Nous vous conseillons
également Sweet sixteen, dans lequel un adolescent prend tous les moyens pour offrir une
caravane à sa mère qui doit bientôt sortir de prison.
•
Dans un même esprit d’hyperéalisme, le Danois Thomas Vinterberg a réalisé en 1998 le
film Fête de famille (Festen), dans lequel tout le monde est réuni pour les soixante ans du
patriarche. Personne ne se doute de rien, quand Christian, son fils, se lève pour faire son
Internet
discours et révéler de terribles secrets.
•
L’animateur Raymond Cloutier propose une longue entrevue audio avec Jean Marc Dalpé
autour de sa pièce Août – Un repas à la campagne, sur le site de la radio de RadioCanada :http://www.radiocanada.ca/radio/emissions/document.asp?docnumero=20775&n
umero=1658
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
24
Bibliographie
•
Dalpé, Jean Marc, Août – Un repas à la campagne, Éditions Prise de parole, 2006.
•
Dalpé, Jean Marc, Eddy, Éditions Prise de parole/Éditions du Boréal, 1995.
•
Dalpé, Jean Marc, Il n’y a que l’amour, Éditions Prise de parole, 1999.
•
Dalpé, Jean Marc, Le chien, Éditions Prise de parole, 1987.
•
Dalpé, Jean Marc, Lycky Lady, Édition Prise de parole/Éditions du Boréal, 1995.
•
Dalpé, Jean Marc, et Haentjens, Brigitte, Nickel, Éditions Prise de parole, 1981.
•
Dalpé, Jean Marc, Un vent se lève qui éparpille, Éditions Prise de parole, 1999.
•
Desbiens, Patrice, Hennissements, Éditions Prise de parole, 2002.
•
Jean Marc Dalpé – Ouvrier d’un dire, collectif, sous la direction de Stéphanie Nutting et
François Paré, Éditions Prise de parole/Institut franco-ontarien, 2007.
•
Les théâtres professionnels du Canada francophone – Entre mémoire et rupture, collectif,
sous la direction de Hélène Beauchamp et Joël Beddows, éditions Le Nordir, 2001.
•
Cahiers de théâtre JEU, sur le théâtre franco-ontarien, numéro 73, décembre 1994.
Dossier d’accompagnement scolaire – Août - Un repas à la campagne
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