TRAVAILLEURS SOCIAUX FRANÇAIS ET POLONAIS À PROPOS
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TRAVAILLEURS SOCIAUX FRANÇAIS ET POLONAIS À PROPOS
TRAVAILLEURS SOCIAUX FRANÇAIS ET POLONAIS À PROPOS DE LA PROSTITUTION Aneta Augustyn le 25/11/2009, dernière actualisation 25/11/2009 à 19h13 Depuis mercredi, à Wroclaw, scientifiques et travailleurs sociaux polonais et français débattent de la prostitution : quelle est l’envergure du problème? Comment venir en aide aux personnes souhaitant sortir du commerce du sexe? Psychologues, sociologues, juristes, services de prévention et de réinsertion se sont donnés rendez-vous, trois jours durant, à Wroclaw. Parmi eux, l’Amicale du nid, l’une des plus anciennes associations françaises venant en aide aux personnes prostituées. Fondée en 1946, elle est présente sur tout le territoire français, elle travaille sur le terrain, aide les personnes prostituées à sortir de leur situation, à trouver un logement social. Lors des ateliers d’aujourd’hui, travailleurs de rue et scientifiques débattront des méthodes à mettre en oeuvre avec des personnes prostituées trans-, homo- ou hétérosexuelles. Ils chercheront à savoir comment entrer contact avec des personnes qui risquent de tomber dans le réseau, si les possibilités d’aides actuellement existantes sont suffisantes, comment s’opposer à la montée de la prostitution et comment soutenir de façon efficace les personnes sortant de cet univer. Le colloque est organisé par Jacek Kurzepa, sociologue et professeur à l’Ecole Supérieure de Psychologie Sociale. Il est l’auteur de la première monographie à propos de la prostitution des mineurs dans l’ouest de la Pologne, La Jeunesse des frontières : les cochons, il était également conseiller sur le tournage du film de Robert Glieski, Les Cochons, qui sortira en janvier au cinéma. Depuis 2006, il étudie la prostitution en Basse-Silésie en collaboration avec Alicja Lisowska, docteur en sciences politiques et Agnieszka Pierzschalska. Entretien avec Jacek Kurzepa Aneta Augustyn : Comment les habitants de Basse-Silésie perçoivent-ils la prostitution? Jacek Kurzepa : Nous avons posé cette question à 1300 personnes âgées de 15 à 21 ans : des collégiens, des lycéens, des étudiants. 43% des élèves ont avoué que certains de leurs camarades se prostituaient, ce qui est un chiffre élevé. Étrangement, ces très jeunes gens considèrent que les quatre valeurs principales sont : la famille, l’amour, la santé et Dieu. Pourtant ils dérivent vers la prostitution. Ils ont un rapport ambivalent avec ce sujet : ne critiquent pas mais en même temps ne savent qu’en penser. Ils n’en parlent pas à l’école ni chez eux et ne sont donc pas capables d’être catégoriques dans leur jugement. C’est aussi le cas pour les étudiants? Pour eux, c’est sans équivoque : les étudiants acceptent la prostitution sans problème, ils considèrent que c’est une façon naturelle de compléter leur bourse d’étude. Je connais un étudiant de 23 ans à Wroclaw qui gagne sa vie en vendant son corps car il considère que ses 115 zlotys de bourse ne couvrent pas grand chose. Garçons comme filles, ils reçoivent leurs clients dans les résidences universitaires. Aneta Augustyn: Utilisent-ils internet? Jacek Kurzepa :Oui, internet leur est très utile. Certains étudiants se limitent à un contact virtuel : ils montrent leur nudité par le biais des webcams. La première question posée à un client potentiel est : « tu me recharges ma carte? ». D’autres passent du virtuel au réel, ils se mettent d’accord sur des forums et fixent un rendez-vous en ville ou dans une résidence universitaire. Il y en a qui « chipent » du client de temps en temps, sans avoir l’impression d’être dans le réseau. C’est complètement différent des escorts qui sont des groupes de 2 ou 3 personnes qui louent une chambre et sont régulièrement joignables au téléphone. Eux, sont conscients d’être loués à l’heure. Un escort-boy peut être un jeune homme bien bâti qui préfère avoir rendez-vous à l’hôtel Radisson, à côté de la salle du panorama de la Bataille de Rac•awice toute proche, qui est devenue le « piquet » (piketa), c’est-à-dire le point de rencontre des homosexuels. Pour en revenir à nos recherches, les adultes, comme les jeunes, ne savent que penser de la prostitution. C’est soi-disant mal, mais si quelqu’un la pratique, c’est que son frigo est vide. Ils cherchent des justifications, ils rationalisent le problème, mais ne savent absolument pas ce qu’il faut en faire. Ils préfèrent ne pas en parler, ne pas se torturer la conscience. Les autorités de la vie sociale (les maires, responsables locaux, directeurs d’organismes divers) ont une faible connaissance du problème et préfèrent faire comme s’il n’existait pas. Ils sont incapables de réagir. Source: Gazeta Wyborcza Wroclaw COLLOQUE : LA PROSTITUTION CONCERNE 6 À 8% DE JEUNES POLONAIS 25/11/2009, dernière mise à jour le 25/11/2009 à 19h20 Le problème de la prostitution concerne 6 à 8% des jeunes Polonais et on devrait lutter contre ce phénomène avant tout par le biais de l’éducation sexuelle, estime Jacek Kurzepa, professeur à l’Ecole Supérieure de Psychologie Sociale. Celle-ci coorganise le colloque intitulé « Le phénomène de la prostitution : portrait authentique, portrait médiatique » qui a débuté mercredi à Wroclaw. Parmi les participants au colloque, on trouve entre autres des représentants d’associations françaises et polonaises, s’occupant du problème de la prostitution. Des travailleurs sociaux, thérapeutes et scientifiques participent également aux débats, ateliers et conférences. Jacek Kurzepa affirme que les associations et institutions travaillant sur la problématique de la prostitution sont les plus à même à en mesurer l’ampleur. « Leurs données sont plus fiables que celles de la police, par exemple, qui ne détient que des statistiques sur les délits et infractions liés à la prostitution », estime-t-il. Il ajoute que dans de nombreux cas, il s’agit d’une prostitution temporaire pour répondre à des besoins matériels urgents. Cela peut être une façon de gagner de l’argent pour partir en vacances ou pour acheter des livres avant la rentrée universitaire. Selon Marcin Drewniak du Centre de Protection et d’Education Sociale « Parasol » à Cracovie, lorsqu’on parle de prostitution en Pologne, il faut également avoir en tête sa «face masculine ». Il estime que c’est un problème fondamental, qui n’a pas encore été réellement étudié en Pologne. Pourtant, indique-t-il, dans chaque grande ville il existe un « piquet », c’està-dire un endroit où des personnes de différentes orientations sexuelles se rencontrent. Il s’agit en général de parcs ou de toilettes publiques où les homosexuels viennent chercher des rapports sexuels anonymes. « Ceux qui fréquentent ce genre d’endroit sont des hommes homosexuels qui dans leur vie ne font pas partie du milieu gay. Ils ont en général une famille et c’est lorsqu’ils ont besoin d’un rapport sexuel avec un homme qu’ils viennent au piquet », raconte Marcin Drewniak. Il a également présenté le schéma d’entrée dans la prostitution des jeunes gens, et parmi eux les hommes. « Il est courant que les personnes qui se prostituent aient été elles-mêmes victimes d’abus sexuels dans le passé. » Il estime que les mineurs commencent à se prostituer au moment où apparaissent les besoins liés à un mode de vie consommateur. Il s’avère alors qu’ils peuvent facilement gagner de l’argent en vendant leur corps ». En parallèle, Marcin Drewniak a attiré l’attention sur la difficulté des personnes prostituées à sortir du milieu. « Les jeunes ont du mal à s’en détacher car paradoxalement ils s’y sentent en sécurité», a-t-il expliqué. Un autre schéma d’entrée dans la prostitution est présenté par Joanna Garnier de la fondation La Strada, qui s’occupe entre autres du problème du commerce de personnes humaines. Elle a donné l’exemple d’une jeune fille de 15 ans pour laquelle le facteur ayant provoqué l’entrée dans la prostitution fut l’amour. La jeune fille est en effet tombée amoureuse de son futur proxénète, qui l’a ensuite emmenée dans une maison close en Allemagne. Selon la représentante de La Strada, c’est le cas de nombreuses jeunes prostituées et « le pire c’est que la plupart de ces filles pensent qu’elles vendent leur corps pour le bien de leur couple », a souligné madame Garnier. Interrogé par la PAP sur les méthodes de lutte contre la prostitution, Jacek Kurzepa a affirmé qu’il était indispensable de développer l’éducation sexuelle en Pologne. Très souvent, les personnes entrant dans cet univers ne se rendent absolument pas compte des risques qu’elles prennent. « L’éducation sexuelle doit devenir le premier outil de prévention », a-t-il déclaré. Il a ajouté que le deuxième élément devrait être le développement d’organismes venant en aide aux personnes se prostituant. Il s’agit avant tout d’organismes pratiquant le travail de rue et aidant les personnes qui risquent d’entrer dans le réseau. Lors du colloque, les travailleurs sociaux et les scientifiques échangeront leurs expériences avec leurs homologues français. Un des organisateurs est l’Amicale du Nid, l’une des plus anciennes associations françaises aidant les personnes prostituées à sortir du réseau. Le colloque se clôturera vendredi. (PAP)