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l’ambiguïté en
architecture
“It is not possible to live in this age if
“I like complexity and contradiction in architecture… I like elements
you don’t have a sense of many contradictory
which are hybrid rather than “pure,” compromising rather than
forces. Each building has to be beautiful, but
“clean,” ambiguous rather than “articulated,” perverse as well as
cheap and fast, but it lasts forever. That is
impersonal, boring as well as “interesting,” conventional rather than
already
“designed,” accommodating rather than excluding… I am for messy
an
contradictory
incredible
demands.
battery
So
yes,
of
I’m
seemingly
definitely
perhaps contradictory person, but I operate in
D
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l’ambiguïté en
architecture
very contradictory times.”
Rem Koolhaas, The architect planning for the
future, CNN World, Pékin, Chine,2009
vitality over obvious unity… I am for richness of meaning rather than
clarity of meaning… I prefer “both-and” to “either-or,” black and
white and sometimes gray, to black or white.”
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Robert Venturi, Complexity and contradiction
in architecture, MoMa, New York, USA, 1966
séminaire de Jacques Lucan
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assistant Benjamin Persitz
Bérénice
Curt
Clément
E.A.V.T M.L.V M.2
Paris, T&P hiver 2012
Lesnoff
Rocard
Bérénice Curt Clément Lesnoff-Rocard
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l’ambiguïté en architecture
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Depuis
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Remerciements
à Jacques Lucan, directeur de mémoire, dont
les contes attiseront toujours la curiosité de ses étudiants.
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À nos proches qui nous supportent depuis (trop) longtemps...
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Sommaire
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A-
Sommaire
Phénomènes
contemporains
Avant-propos
18
Le phénomène du « à la fois »
60
L’élément à double fonction
88
L’élément conventionnel
108
La contradiction adaptée
134
La contradiction juxtaposée
174
L’intérieur et l’extérieur
202
La dure obligation du tout
Le visage de Janus
19
Fonction disparition
61
Au-delà de l’ordre ordinaire
89
Cherche forme cherchante
109
Le charisme du balafré
135
Noir sur blanc
175
Les trois touts-puissant
203
Conclusion
239
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Manifestations venturiennes
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- dont l’interprétation, le sens sont incertains ; équivoque : Réponse ambiguë ;
dont le caractère, la conduite sont complexes, se laissent malaisément définir :
Hamlet est un personnage ambigu.
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Le petit Larousse illustré, éd. 2012
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Ambigu, ambiguë, adj. ( latin ambiguus, équivoque )
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Avant-propos
. Edition
originale de
l’ouvrage,
M oM a,
New York,
1966
E
À partir des années 1960, de nombreux architectes
R
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prennent leur distance à l’égard d’une orthodoxie moderniste
PE
R
largement répandue dans la production architecturale de
SU
l’époque. La publication en 1966 par l’architecte originaire
AL
E
de Philadelphie Robert Venturi de l’ouvrage De l’ambiguïté en
N
architecture - traduction française de Complexity and Contradíction
AT
IO
in architecture - ( Bordas, 1976 pour la lère édition française ) est
N
« la première tentative doctrinale pour fonder une architecture
O
LE
autre que celle dite du Style international »1. Dans la préface
EC
de l’ouvrage, l’historien Vincent Scully écrit d’ailleurs que
10
11
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Avant-propos
A-
« c’est probablement le texte le plus important de l’histoire
EL
de l’architecture depuis celui de Vers une architecture de Le
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N
Corbusier ». Dans ce livre, Robert Venturi reproche à cette
production architecturale, représentée notamment par Mies
ES
A
van der Rohe, un appauvrissement du contenu sémantique des
IR
bâtiments et une pratique qui procède par exclusion de parties
et rapprochements formels empruntés aussi bien aux époques
Maniéristes et Baroque qu’à d’autres lui étant plus contemporaines
(à noter que Robert Venturi a été pensionnaire à l’Académie
américaine de Rome de 1954 à 1956), et étudie 253 exemples
constituant un corpus d’étude anhistorique et universel.
Au travers de sept grandes parties établies dans cet
ouvrage, Venturi prône l’existence de différents niveaux de
significations et de fonctions dans l’élément architectural, la
recherche de contradictions plus ou moins brutales entre des
éléments ou des parties d’un édifice, la juxtaposition d’échelles
différentes au sein d’un même bâtiment, la contradiction
entre l’intérieur et l’extérieur, et enfin la mise en valeur de
R
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Mais au-delà de ces propositions fondées sur une
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discordances au sein d’un tout.
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et complexification. 1L’argumentation repose ici sur des constats
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et simplification excessive plutôt que par inclusion, conjonction
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culture savante, se pressent dans ce livre une réhabilitation
SU
de l’architecture ordinaire qu’il considère comme l’expression
AL
E
d’une joyeuse vitalité sémantique, une première pierre posée
IO
Face à l’architecture moderniste qu’il juge
AT
ans plus tard.
N
à l’édifice du cinglant Learning from Las Vegas qu’il écrira cinq
Description extraite de Claude Massu, « Robert Venturi: l’architecture à
O
1
LE
N
ennuyeuse à force d’être dépouillée, il revendique le désordre
EC
l’ère de la communication », L’art des Etats-unis, Citadelle & Mazenod, Paris, 1992.
12
13
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Avant-propos
A-
et l’heureuse complexité des formes vernaculaires. « Les rêves
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guindés d’ordre pur » doivent céder la place à « la juxtaposition
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apparemment chaotique d’éléments criards »1. A l’aphorisme
« miessien » less is more, Robert Venturi oppose le less is a bore.
ES
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À travers ce prisme de l’ambiguïté, il dresse le portrait d’un des
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visages de l’architecture, celui de sa riche substance, complexe et
Paru à l’orée du postmodernisme, cet ouvrage
laisse ouvert la lecture des manifestations ambigües dans la
production architecturale qui lui succède. Il nous est alors
apparu pertinent de confronter ce regard, ces constats et
ces hypothèses à un paysage nous étant plus contemporain :
depuis l’ambiguïté en architecture.
En prenant comme référent les sept principaux essais de
l’ouvrage, nous avons spéculés sur le possible rapprochement
entre certains phénomènes actuels dont les modalités et
les expressions semblaient, à priori, être pourvoyeuses de
contradiction, ou du moins de contrepoint, et les manifestations
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explicitées par Robert Venturi.
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une image de l’architecture en rupture de l’ordre commun.
IT
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contradictoire. De ses « échantillons significatifs », il constitue
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U
Lors de la constitution de notre champs d’investigation, il
PE
R
nous a semblé inadéquat d’inclure la production architecturale
SU
immédiatement venturienne - pour la plupart issue du mouvement
AL
E
postmoderne - tant sa conception procède souvent d’une
N
traduction littérale des manifestations de complexité évoquées
AT
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par l’auteur. Le corpus de bâtiments constitué, de notre part, se
Robert Venturi, à propos de Main Street, « La dure obligation du tout »,
O
1
LE
N
trouve donc centré sur les vingt dernières années et cherche à
EC
De l’ambigüité en architecture, MoMa, New York, 1966, éd. Dunod, Paris, p. 102
14
15
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Avant-propos
A-
illustrer les manifestations, dans leurs fonds comme dans leurs
EL
formes, des théories architecturales contemporaines. L’objectif
M
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réside donc dans la mise à disposition, pour le lecteur, d’outils
de balance afin de statuer de l’évolution, de la persistance, ou de
ES
A
la disparition des manifestations formelles de complexité et de
IR
contradiction dans le projet : juger de la possible obsolescence
Le présent mémoire propose un dispositif pouvant
se définir comme la création d’un paysage énantiomorphe, à
l’image d’un miroir déformant, ou dans chacune de ses sept
parties, deux textes se trouvent juxtaposés, composant ensemble
un essai lui-même équivoque : sur les pages de gauches sont
convoqués les manifestions venturiennes, sur celles-de droite,
sont évoqués les phénomènes contemporains. L’articulation des
parties réside elle dans la confrontation tendue et systématique
de deux illustrations, dont la mise en forme fait de l’opposition
graphique un outil de liaison sémantique. Provoquant la
rencontre inattendue de deux regards, ce mémoire tente d’offrir
au lecteur la découverte de nouvelles pistes de réflexion,
R
et mise lui aussi sur la complexité et la contradiction. IE
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La confrontation immédiate et brutale d’une image
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d’accointances et de rapprochements dans l’expression formelle,
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de la pensée venturienne.
SU
avec son reflet distordu, d’une pensée avec sa descendance,
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peut-elle être productive ?
Edgar Morin, citation extraite du livre Le paradigme perdu : la nature
O
1
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« C’est toujours ce qui éclaire qui demeure dans l’ombre. »1
EC
humaine, Point essais, Seuil, Paris, 1979
16
17
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niveaux contradictoires et significations doubles
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Le phénomène du « à la fois »
Le
visage de
de la schizophrénie du signe
Janus
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Robert Venturi, « Niveaux contradictoires : le phénomène du « à la fois » »,
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De l’ambiguïté en architecture, p.31, New York, 1966 , Dunod, Paris, 1999
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« Saisir simultanément un grand nombre de niveaux provoque chez
l’observateur des efforts et des hésitations et rend sa perception plus vive. »
20
21
Le
visage de
Janus
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Le phénomène du « a la fois »
. ( 1 ) église de
l’Immaculée
Conception de
Guarini à Turin
E
ambigüité
en
architecture
R
d’une
définie
L’image
du Dieu romain aux deux visages
opposés, présentée dans Italian Thoughts1 tente de
refléter les relations équivoques s’opérant dans le
lecture initiatique afin d’apprécier les six subséquentes. La
paysage architectural contemporain.
décomposition « Venturienne » est mise en route. Le phénomène
du « à la fois » éduque notre regard dans un premier va et vient
dehors, entre une face et une autre d’un bâtiment
entre les parties même d’un bâtiment et son tout.
ou au sein même de son enveloppe une dichotomie
Le phénomène du « à la fois » est décrit par Venturi
de significations. En effet, certains projets ne
Il pourrait exister, entre le dedans et le
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PE
R
par Venturi dans son ouvrage. Elle introduit et offre une
IO
manifestation
phénomène du « à la fois » est la première
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Le
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.(2)
Stadtheater,
Almere, Sanaa,
2004-2006
O
LE
comme « les contrastes et les paradoxes » qu’exprimerait
EC
une architecture. La contradiction se manifeste ici, dans les
22
1
Alison et Peter Smithson,
« Janus Thoughts »,
Italian
Thought, op.cit. p.76,1996
23
Le
cherchent plus à ce que leur signification n’exprime
éléments composant l’ensemble. Ainsi Venturi se libère d’une
que leur fonction mais semblent rechercher leur
certaine vision de la composition architecturale, c’est-à-dire
propre signification, au delà de la contingence.
comme la mise en place de nouvelles associations d’éléments
procurant leur double signification. La double signification
la forme et de son enveloppe, de la dissonance entre
devient un vecteur d’ambigüité. L’ambigüité générée par ces
un plan et son volume ou de l’usage du détournement
A travers les exemples cités par Venturi, la double
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U
de la manipulation des divers rapports entre « les éléments de
PE
R
l’architecture » d’un édifice ce que nomme Guadet « l’arsenal
objets totalement schizophréniques conçus pour être
lus de l’extérieur et vécus de l’intérieur. Sommes-
.(4) Maison
à Minamimachi,
Hiroshima,
Suppose Design
Office, 2010
nous toujours liés à la problématique de l’écran
emblématique
sur
lequel
viendrait
se
condenser
toute la signification ou face à une recherche d’une
profondeur
signifiante
allant
au
delà
du
simple
symbolisme ? Ici se posera la vaste question du
Venturi expose le plan de l’église de l’Immaculée Conception
sens dont peut disposer l’architecture au travers de
AL
E
Comme manifestation efficace de ce « à la fois »,
N
SU
de l’architecture ».
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. ( 3 ) maison
Shodan de Le
Corbusier, à
Ahmedabad, en
Inde, 1956
signification présente de nombreuses expressions provenant
Que ce soit au travers de la dissociation de
de la convention, cette architecture proposerait des
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interactions qui nourrissent une architecture.
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de Guarini à Turin (fig.1). L’église est conçue sur des réalités de
l’étude de projets procédant de conceptualisations
souvent différentes, mais présentant toujours ce
par son plan et unique par son volume. En effet, ce plan révèle
même symptôme : celui d’un visage du « à la fois ».
O
LE
N
plan et de volume qui se contredisent ; elle est à la fois double
EC
la force de la représentation dans la compréhension de cette
Janus
A-
différents niveaux de significations et de fonctionnement des
« contre-sens » offre une richesse dans la compréhension des
24
visage de
VA
L
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E
Le phénomène du « a la fois »
Les exemples susmentionnés se présenteront alors
25
Le
visage de
systématiquement par leur double visage.
volume extérieur comme unitaire et un plan représenté comme
double en suggérant un espace intérieur tourmenté.
(fig.2) est à la fois une agglutination de pièces
orthogonales
A-
double signification. Il permet de saisir simultanément un
N
EL
Le projet du Stadtheater à Almere de Sanaa
M
AR
Historiquement, le phénomène du « à la fois » s’oppose
induites
par
un
diagramme,
et
un
volumique unique. La composition de parties autonomes
architecture de complexité et de contradictions cherchant à
variées d’un programme complexe, s’oppose alors à
IR
ES
A
à la tradition du « l’un ou l’autre ». Venturi promeut ainsi une
en évidence de la pluralité des significations et de niveaux de
un tout cohérent et unitaire. La compartimentation
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arme critique contre l’architecture moderne orthodoxe. La mise
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intégrer plutôt qu’à exclure. Le « à la fois » devient une première
. ( 5 ) plan Tudor,
de Barrington
Cout, Somerset,
XVIème siècle
R
E
signification, dissout ici le lien étroit et univoque, postulé par le
IE
R
Venturi en évoquant la villa Savoye et la maison
PE
U
modernisme, entre forme et fonction.
Janus
VA
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E
Le phénomène du « a la fois »
.(6)La
du plan et la multiplication des parois porteuses
dissimulent
la
flexibilité
des
espaces
par
leur
chambre
de commerce
Flandres,
Kortrijk, Office
KGDS, 20082010
des
indétermination. Ainsi, Sanaa s’éloigne des préceptes
de l’architecture moderne et associe à ces espaces
coagulés une libre circulation des personnes dans
tout le bâtiment. Ces espaces offrent une flexibilité
moderne. En effet, la maison Shodan (fig.3) présente dans
tandis que le plan est en rupture complète avec la
son rapport au contexte des contractions ; elle est à la fois
«large span miessienne »1. Un module constituant
N
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SU
Shodan, dinstingue Le Corbusier des architectes du mouvement
l’enveloppe
vitrée
de
la
nappe
rectangulaire,
AT
IO
ouverte et fermé. Ici, l’opposition se perçoit dans une certaine
N
immédiateté. Le cube de béton se circonscrit par des angles soit
O
LE
saillant soit ouvert. La double signification se manifeste ici dans
EC
une ambigüité relative.
26
1
L’espace du « free span pavillon » au Crown Hall libéré
de point porteur. Le Canton’s Drive Projet 1946 à l’image des
hangars aéronautiques.
27
Le
visage de
unifie l’ensemble et procure la mesure invariante
« mais » décrivant « une architecture où divers niveaux de
de l’édifice. La double signification réside ici dans
programme et de structure se contredisent ». Venturi nous
les contradictions de plan et d’espace, de plan et
livre une énumération d’édifices prenant possession du
de volume.
« mais ». Cette opposition binaire structure son récit et justifie
systématiquement les exemples qui y sont développés.
Office (fig.4) est à la fois ouverte et fermée sur
symétrique dans sa périphérie mais dissymétrique dans
l’agencement de son plan. Il se constitue de deux ailes en
EL
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U
révèle alors une double signification induite par la cohabitation
PE
R
de deux logiques antagonistes : une externe tendant à être
A
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tout son pourtour. Située sur une parcelle carrée,
. ( 7 ) basilique
Saint-Pierre de
Rome, MichelAnge, 1506-1626
miroir mais s’accommodant chacune à leur manière. Le plan
La maison à Minaminachi de Suppose Design
IT
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Le plan Tudor de Barrington Court (fig.5) est
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Le phénomène du « à la fois », use de la conjonction
elle s’entoure d’un mur de béton reprenant la limite
extérieure du terrain. En se tournant de biais par
.(8) Maison
Wieland, à
Felsberg,
Conradin
Clavuot, 2000
rapport à cette enveloppe, elle laisse pénétrer la
lumière naturelle sur toute la périphérie. Au volume
externe sombre en béton, répond une boite de verre
où la réflexion de la lumière sur ce mur d’enceinte
lui confère un éclairage homogène. L’enveloppe murée
SU
symétrique et une interne tendant à désymétriser l’ensemble.
AL
E
Dans cette architecture inclusive, le phénomène du
N
« à la fois » se base sur la hiérarchie des éléments. Chaque élément
AT
IO
acquiert des valeurs diverses classées en fonction des différents
Janus
VA
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E
Le phénomène du « a la fois »
devient
pourvoyeuse
de
lumière
transformant
la
lumière zénithale en lumière horizontale. La maison
présente alors deux visages : celui d’un volume
une gymnastique de l’esprit entre les différents rapports
externe en récession et celui d’un volume interne
O
LE
N
niveaux de significations. Ainsi, la double signification induit
EC
qu’entretiennent les éléments dans l’ensemble. Cette notion
28
en extension. La puissance d’introspection de la
29
Le
maison renvoie au Mètre cube d’infini de Michelangelo
sont pas facile à déchiffrer ». Or, c’est un mal pour un bien car
Pistoletto dont le dispositif permet la constitution
selon Venturi « l’architecture obscure est valable quand elle est
d’un objet paradoxal totalement fermé sur l’extérieur
le reflet de la complexité et des contradictions de son contenu
mais ouvert en lui-même à l’infini.
et de sa signification. »
par l’agence Office KGDVS (fig.6), est à la fois
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Le comportement de la fenêtre perturbe alors les perceptions
PE
R
usuelles et souligne la mise en tension de sa propre construction.
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. ( 9 ) chapelle de
la Propaganda
Fide, Borromini,
Rome, 1667
conservant sa fonction est amené à porter sur le plus grand côté.
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symétrique
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de l’attique. Les fenêtres sont plus larges que hautes, le linteau
La Chambre de commerce des Flandres conçue
IR
Dans la façade arrière de la basilique Saint-Pierre de
de l’architecture classique dans les proportions des fenêtres
fermée.
et
Son
dissymétrique,
plan
en
V
tend
ouverte
à
se
et
dessiner
en miroir entre les deux parties constituant le
.(10) bâtiment
Tod’s, Tokyo,
Toyo Ito, 2004
bâtiment,
de
mais
logiques
l’introduction
internes
d’éléments
distinctes,
et
di-symétrise
l’ensemble. Or ces éléments ne peuvent être considérés
comme les contingences d’une symétrie recherchée,
en représentant la teinte d’une nouvelle signification.
les architectes affirment cette distorsion par la
A un autre niveau de signification, l’architecture baroque en
réalisation de deux escaliers relatifs aux parties
N
AL
E
SU
La fenêtre se met en scène à la fois en suggérant son essence et
AT
IO
cherchant à réconcilier deux plans antagonistes typiques - la
venant alors les démarquer. De plus, le bâtiment
est
ces deux formes. La double signification se révèle alors dans
aspects contradictoires entre la rue et le jardin.
O
LE
N
croix grecque et la croix latine - aboutit à la déformation de
EC
l’expression d’une forme hybride (syntaxique) torturée par les
Janus
A-
se retrouve dans la plupart des exemples de Venturi qui « ne
Rome (fig.7), Michel-Ange déjoue les conventions structurelles
30
visage de
VA
L
LE
E
Le phénomène du « a la fois »
conçu
comme
ayant
deux
faces,
montrant
des
Dans sa forme en V, la façade sur rue, entièrement
31
Le
Janus
vitrée, est concave et façonne un angle révélant
La chapelle de la Propaganda Fide (fig.9) de
les opérations de l’organisation, comme un panneau
Borromini est à la fois orientée par son volume et continu sur
d’affichage dans une armoire en béton. La façade
son pourtour. Ainsi, au plan orienté est associée l’idée d’un
sur jardin quant à elle, est convexe et embrasse
plan centré par la présence d’éléments de « jointure » - les coins
l’esplanade du patio en contrebas.
arrondis. Ces éléments évoquent une continuité enveloppante
tout en laissant exister cet antagonisme.
met en scène ses fenêtres à la façon venturienne
Borromini offre ici une des représentations les plus éloquentes
EL
N
M
AR
E
R
IE
U
de ‘‘ à la fois ’’ » dans la description qu’en fait Venturi. Son
PE
R
plan suggère à nouveau, à la fois une croix grecque et une croix
ES
A
. ( 11 ) San Carlo
alle Quattro
Fontane,
Borromini, Rome,
1641
de cette schizophrénie. L’église « abonde d’exemples ambigus
La maison Wieland de Conradin Clavuot (fig.8),
IR
IT
O
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C C
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IT &
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TE T
U ER
R R
Dans San Carlo alle Quattro Fontane (fig.11),
A-
réalités qui la précèdent.
en
jouant
avec
les
signes
d’une
architecture
ordinaire. Ainsi l’encadrement clair et épais des
.(12) centre du
Parc National,
Zernez, Valerio
Olgiati, 2008
fenêtres devient un signe pour celle-ci et renvoie
à la forme elle même de celle-ci. Les fenêtres se
rapportent alors par les formes mais aussi par les
positions réciproques même si elles ne se réfèrent
chaque angle se trouvent des absides espacées de piliers incluant
à aucun ordre évident. Cependant, le positionnement
l’entrée. Ce pourtour homogène tend à unifier et ainsi signifier
et l’orientation aléatoire des fenêtres renvoient
N
AL
E
SU
latine. Les quatre branches sont traitées de manière identique, à
AT
IO
la logique d’un plan centré. Or, le plan suit une déformation
à
«
un
jeu
ironique
avec
les
caractéristiques
d’une telle maison » et dissimulent à la fois une
« La continuité fluide des murs dénote le plan circulaire
logique interne visant une richesse des perceptions
O
LE
N
selon l’axe est-ouest et vient alors exprimer une orientation.
EC
déformé ». La double signification se manifeste ici dans
32
visage de
VA
L
LE
E
Le phénomène du « a la fois »
extérieures. Les fenêtres de la maison tiennent
33
Le
visage de
alors leur double signification par leur forme en
ou moins explicite chacun usant de ces caractéristiques
elle-même mais aussi par leur représentation en tant
pour
que signe usant des conventions.
plus
dans
cette
EL
peu
dualité.
N
un
Le plafond de l’église (fig.13) accuse, encore une
M
AR
révéler
A-
l’expression de plusieurs choses à la fois ; de manière plus
se
L’enveloppe du magasin Tod’s de Toyo Ito
(fig.10) est à la fois continue et percée. Elle rentre
complexe de ses moulures, suggère une coupole sur pendentifs
en contradiction avec l’intérieur par l’apparition
IR
ES
A
fois, cette distorsion. « Le motif du plafond avec l’articulation
des planchers au niveau de ses percements et se
D D’A
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R R
plutôt une coupole engendrée par la courbure du mur. » Ainsi,
IT
O
à l’intersection d’une croix grecque. La forme du plafond dans
sa continuité enveloppante, déforme ces éléments et suggère
. ( 13 ) San Carlo
alle Quattro
Fontane,
Borromini, Rome,
1641
R
E
les éléments deviennent par leur déformation, « une parodie
IE
U
d’eux-mêmes » à la fois en présentant leur fonction première
PE
R
d’articulation et en représentant leur déformation liée à la
détache ainsi des exigences intérieures. Cependant
ordinaire. Ainsi l’encadrement clair et épais des
.(14) Centre
Sportif
Pfaffenholf,
Herzog et
de Meuron,
St.Louis,
France,
1992-1993
l’enveloppe continue et percée cherche à répondre à
deux échelles. L’aspect continu renvoie à la grande
échelle dans laquelle se manifeste le bâtiment, en
effaçant toute trace de joint tectonique.
procurent une perception ambiguë de l’ensemble.
«
symbolique, afin que ce bâtiment relativement petit
AL
E
SU
continuité recherchée. Les rôles contradictoires de ces éléments
Dès
le
début…j’ai
cherché
quelque
chose
de
N
A travers l’exemple du chapiteau byzantin (fig.15),
Janus
VA
L
LE
E
Le phénomène du « a la fois »
AT
IO
Venturi cherche à mettre en opposition le caractère continu et
N
unitaire de sa forme et la texture créée par ses vestiges de volutes
marque sa présence dans un contexte urbain jalonné
de bâtiments à curtain wall » explique Ito1. Les
O
LE
et ses feuilles d’acanthe servant à articuler les différentes parties.
EC
Le chapiteau byzantin conserve la forme typique du chapiteau
34
1
Toyo Ito, « In Pursuit of an Invisinble Image ». Itw
avec par Kuniko Inui, Architecture and Urbanism, op. cit.,p.12.
35
Le
visage de
percements quant à eux renvoient à l’échelle des
Ainsi, à une forme simple est associée une complexité et une
exigences
profondeur dans les éléments constituant son pourtour, sa
induits
texture et sa structure. On pourrait supposer que Venturi décrit
la structure. De plus, leur irrégularité met en
ici un phénomène architectural à une plus grande échelle.
valeur
respectant pas la volumétrie du bâtiment. Ainsi,
E
R
U
IE
R
PE
SU
De même dans son musée, il emploie un élément archaïque
N
M
AR
A
la
nature
exigences
continue
sont
statiques
de
aussi
qu’inflige
l’enveloppe
en
ne
ES
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AU LA
D VIL
R L
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IT &
D D
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U S
TE T
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R R
byzantin
pendentifs, à des oculis et à des pénétrations de voûtes ».
des
mais
l’enveloppe constitue la descendante du canard et
. ( 15 ) chapiteau
et de structures archaïques ressemblant à des trompes et des
par
interne
IT
O
Soane (fig.17) offre l’éclectisme formel dont le phénomène
voûte » et induisent des « combinaisons complexes de formes
d’éclairage
IR
La salle d’audience du palais de justice de Sir John
du rectangle et de la courbe, à la fois de la coupole et de la
EL
A-
mais vient refléter la complexité de l’architecture byzantine.
du « à la fois » a besoin. Les plafonds « tiennent à la fois
du hangar décoré imaginés par Venturi. Ici, elle
devient partie intégrante du bâtiment (assumant une
.(16)
L’Institut du
Monde Arabe,
Paris, Jean
Nouvel &
ArchitectureStudios, 1987
fonction porteuse) et faisant de ce bâtiment un
signe, et produisant par cet engagement un marqueur
de significations multiples.
Le centre du Parc National de Zernez de
Valerio Olgiati (fig.12), est issu d’une forme pure
forme pour pouvoir transmettre du sens en puisant dans le
mais
N
AL
E
mais qu’il transgresse dans son usage. Cet exemple use de la
AT
IO
répertoire architectural. Or, l’éclectisme ne s’oppose pas ici à
N
l’unité et invite à des articulations savantes. Ainsi l’historicisme
Janus
VA
L
LE
E
Le phénomène du « a la fois »
déformée.
Olgiati
choisit
le
carré
comme
forme libérée de toute signification à la fois «
non référentielle et non contextuelle »1. Cependant,
O
LE
et l’éclectisme introduisent dans le champ de références de
EC
l’édifice, une variété et un pluralisme vecteurs de significations.
36
1
Valerio
Olgiati,
Conversations
with
Students,
op.
cit., p.55
37
Le
il
Dans l’exemple de la Cathédrale de Murcie (fig.19),
constitue
qu’un
point
de
départ
dans
visage de
bâtiment. En effet, dans la manipulation de ses éléments en
l’interpénétration de deux cubes, concède un certain
façade, elle apparaît à la fois grande et petite. Par une inflexion,
purisme mais vient être à la fois parasité par des
les frontons brisés en vis-à-vis suggèrent un énorme portail et
éléments
adressent la façade à la place attenante, jusqu’à symboliser la
L’inclusion
région. Tandis que les ordres et la superposition des pylônes
introduit une hiérarchie entre les façades.
A
M
AR
N
EL
plupart de ses projets. Le bâtiment produit par
ES
E
R
IE
U
Ainsi, le « à la fois » se rapporte plutôt aux liens qui unissent les
PE
Le PSFS building (fig.21) produit une contradiction
SU
R
parties au tout.
déformé
dans
d’éléments
IR
. ( 17 )Salle d’audience, Palais de
justice, Londres,
Sir John Soane,
XIXème siècle
alors de dialoguer avec les différentes échelles du contexte.
et
sa
géométrie
inhérents
au
interne.
programme
IT
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R R
l’édifice, par le jeu subtil de ses éléments en façade, lui permet
Le bâtiment tient à la fois d’une géométrie externe
régulière,
dessinant
un
volume
pure,
et
d’une
.(18) atelier
Bardill,Scharans,
Valerio Olgiati,
2002-2007
géométrie interne irrégulière, un volume déformé
ascenseurs, escaliers de secours, lanterneaux du
sol-sol, plate-forme d’entrée - oriente le volume
et.
Les
deux
murs
en
biais
venant
déformer
la
géométrie interne, dessinent à la fois la forme de
à la rue, tandis que les proportions de la tour, s’adressent à la
l’escalier et la forme des quatre espaces principaux
N
AL
E
similaire mais dans sa volumétrie. Le socle en débord s’adresse
AT
IO
ville tout en entière. De plus, la composition hétérogène des
d’exposition tous identiques, des étages. Ici, les
manipulations
dialoguer les façades de manière inconstante. Le sigle PSFS,
perturbent
O
LE
N
parties et de l’ordonnancement de la tour, semble vouloir faire
EC
posé sur le toit, accentue ce double rapport d’échelle et, par « ses
Janus
la
Venturi révèle les conflits d’échelles que peut revêtir un
se réfèrent à l’échelle du bâtiment. La double dimension de
38
ne
A-
VA
L
LE
E
Le phénomène du « a la fois »
et
internes
et
contredisent
les
la
éléments
rajoutés
régularité
et
la
symétrie générale de la forme.
39
Le
visage de
Le bâtiment propose alors une lecture complexe entre
les
niveaux
EL
différents
de
significations
de
ses
éléments et les expressions contradictoires qu’il
volumétrie. Ainsi, il présente à la fois des éléments de basilique
revêt.
en façade, et des éléments d’église à plan centré dans le corps
Le centre Sportif PFAFFENHOLZ de Herzog &
du bâtiment. Cette discordance est induite ici par des exigences
de Meuron (fig.14) attire, par son volume simple,
interne et externe, distinctes ; le programme exigeait une forme
l’attention sur la manière dont la peau est réalisée:
. ( 19 ) La
Cathédrale de
Murcie, Espagne
1385-1467
R
E
que les contraintes extérieures s’appliquent en façade, celles
IE
U
intérieures s’opèrent dans le corps du bâtiment (et induisent son
PE
R
impact dans sa volumétrie extérieure). L’échelle de l’espace qui
A
ES
IR
IT
O
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M IT
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TE T
U ER
R R
des dimensions plus vastes et une façade droite. Ainsi tandis
N
langages architecturaux l’un écrit la façade et l’autre dessine sa
M
AR
La Karlskirche à Vienne (fig.23) oppose deux
A-
proportions violentes », accentue son appartenance à la ville.
convexe pour le fond de l’église, et le décor urbain exigeait
sur sa « facture ». Le volume de béton est habillé
extérieurement
de
plaques
d’Héraklit,
matériau
.(20) maison
Bäumleingasse,
Bâle, Diener &
Diener, 19992005
isolant, enveloppé de plaques de verre. Le motif
de l’Héraklit, généré par le mélange de la laine
de bois au ciment, est repris et imprimé sur les
plaques de verres.
s’obtient alors dans les rapports qu’entretient le bâtiment avec
Ainsi, Herzog & de Meuron usent de ce que l’on
son contexte.
pourrait nommer « l’effet Duchamp » en mettant le
SU
l’entoure, répare le manque d’unité d’un tel pluralisme. L’unité
La double signification peut se retrouver à plusieurs
N
AT
IO
N
AL
E
Janus
VA
L
LE
E
Le phénomène du « a la fois »
O
LE
niveaux autant dans la compréhension théorique que dans
EC
l’expérimentation vivante.
40
matériau utilitaire dans une situation d’inconvenance
et provoque alors la crise des significations.
«
Nous
poussons
à
bout
le
matériaux
que
nous
utilisons pour le libérer de toute autre tâche que
41
Le
visage de
d’exister »1, affirment les architectes. Le motif
dérobe sous des métaphores comme des contradictions. Or,
du matériaux apparaît à deux reprises dans cette
leur perception n’est pas immuable et engendre une inconstante
transparence et acquiert une double signification dans
dans ces rapports de contradictions et le déplacement des
son expression en façade : les plaques d’Héraklit
dominances dans leurs significations.1
le présente en lui conférant sa fonction première
ES
A
M
AR
N
EL
A-
Inhérente au phénomène du « à la fois », elle se
Janus
VA
L
LE
E
Le phénomène du « a la fois »
IR
tandis que les plaques sérigraphiées le représente
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R R
IT
O
en tant qu’ornement. Ainsi, les deux manières d’être
. ( 21 ) PSFS
Philadelphie, Howe &
Lescaze, 1932
à la « forme trouvée »2, et provoquent une tension
.(22) Wharf
Bar à Walsall,
Sergison et
Bates, Grande
Bretagne, 1997
entre
ces
significations
par
leur
superposition.
« Il n’existe de réalité naturelle, que l’on ne
puisse opposer à la réalité artificielle. Il n’existe
plus non plus une seule réalité, mais plusieurs,
chacune d’entre elles étant aussi réelle, naturelle
et artificielle que les autres.3 » Ce motif rappelle
N
AT
IO
N
AL
E
SU
PE
R
IE
U
R
E
building,
du motif, opposent en cohabitant « l’objet trouvé »
Descriptions, analyses, affirmations et développements tirés de la lecture
LE
1
Herzog et de Meuron, El croquis 1983-1993.
2
Expressions tirées de la thèse de Sung-Taeg Nam
« L’appropriation architecturale du Ready-made : De l’objet
trouvé à la forme trouvée ».
3
O
de : Robert Venturi, De l’Ambiguïté en architecture, chapitre 4 « Niveaux contradictoires
: le phénomène du «à la fois» », pp. 38-45, New York, 1966, éd. Dunod, Paris, 1999
EC
42
1
Martin Steinmann, Forme forte, Birkh., 2002, p.222
43
Le
visage de
Janus
VA
L
LE
E
Le phénomène du « a la fois »
EL
A-
alors les fleurs à la Warhol du Best Store de Venturi,
façade
M
AR
signifiante.
N
et constitue l’expression du bâtiment, sa profondeur
Arabe
ES
Monde
A
La
(fig.16)
IT
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IR
Studio
de
sud
Jean
de
Nouvel
semble
l’Institut
et
se
du
Architecturedonner
comme
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TE T
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une enseigne où l’un des éléments essentiels de
EC
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LE
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PE
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IE
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R
E
. ( 23 )
La Karlskirche,
Vienne, Fischer
Von Erlach,
1737
44
l’architecture
subtilement
islamique,
réactualisé.
le
moucharabieh,
Derrière
une
est
enveloppe
.(24) fondation
Cartier, Jean
Nouvel, Paris,
1995
uniformément vitrée, se tapissent des milliers de
diaphragmes d’appareils photo, conçus pour réagir
instantanément à la lumière au moyen de cellules
photosensibles. Ce complexe joue subtilement sur
deux
registres
contradictoires
:
celui
de
la
disparition, en reflétant le ciel parisien, et celui
de la présence d’une intériorité presque inquiétante
qui s’affirme au delà des micro-percements. Ainsi la
façade, par sa peau vitrée recouvrant le moucharabieh
électronique, produit un dispositif ambigu, et semble
45
visage de
Janus
VA
L
LE
E
Le
A-
à la fois transparente en suggérant une intériorité
EL
irréductible derrière cette membrane, mais aussi
M
AR
N
réfléchissante. A un autre niveau de signification,
le bâtiment présente deux parois antinomiques. L’une
ES
A
courbe accompagne la forme de la voie, tandis que
IR
l’autre constitue un écran brutal sur lequel vient
EC
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O
se refléter l’esplanade attenante. Son positionnement
46
perpendiculaire à la circulation, comme une enseigne
sur le Strip de Las Vegas, permet de les saisir
simultanément.
La cour de l’atelier Bardill de Valerio
Olgiati (fig.18) procède à la fois du carré déformé
en son plan, de l’ovale en toiture et du triangle
en son gabarit. Reprenant la déformation du volume,
elle est monumentalisée par une ouverture zénithale
ovale laissant percevoir les pignons triangulaires
qui soulignent les limites du bâtiment. Or, l’usage
de
formes
évocatrices
dissimule
l’impact
du
contexte sur le gabarit, se soumettant au volume
de l’ancienne grange. Celle-ci génère alors un plan
carré déformé et impose les héberges triangulaires.
L’intégration de l’ovale perturbe alors la clarté
des origines formelles. Ainsi, la cour révèle une
trinité géométrique symbolique associée à un volume
induit par des contingences contextuelles.
La façade de la maison Bäumleingasse de
Diener & Diener (fig.20), composée de deux parois,
induit
plusieurs
niveaux
de
significations
entre
les parties, le tout et le contexte, et concède
alors des figures contradictoires. Dans chacune des
47
visage de
Janus
VA
L
LE
E
Le
de
cinq
éléments
EL
constituée
A-
parois réside une double signification. La première,
en
béton
(quatre
la
construction
»
définie
Hans
Kollhoff,
et
A
de
M
AR
N
« poutres » et un « poteau »), évoque « l’image
ES
rappelle alors certaines structures en compression
IT
O
IR
permettant de retenir les murs mitoyens s’affaissant.
au constat que les éléments n’ont pas de raison
constructive
et
formel
«
poutres
par
:
le
»
leur
«
et
détachement
poteau
se
»
ne
place
physique
porte
pas
derrière
les
elles.
Ainsi, ce contre-sens provoque une ambigüité souvent
recherchée dans l’architecture contemporaine jouant
avec les significations d’une vérité constructive.
La façade est à la fois petite par sa largeur de
quelques mètres, et grande dans l’échelle exprimée
par
cette
diverses
structure
des
maisons
réconciliant
voisines
et
les
échelles
répondant
à
l’alignement de la rue. La deuxième paroi, accusant
la légère courbe
de la rue à cet endroit, forme à
la fois deux baies vitrées et une grande baie pliée,
par l’absence de montant au niveau de la pliure.
Ainsi à travers ces deux parois, la façade manifeste
une
face
rigide
vers
l’extérieur
et
une
face
courbe vers l’intérieur conférant « un équilibre
précaire » au bâtiment. Le reflet brisé des cinq
éléments rigides dans le vitrage plié exprime à la
fois la dissociation et la connivence des parois.
EC
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LE
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U S
TE T
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R R
Or, le signe primaire d’une structure se heurte
48
L’environnement extérieur, tel que l’architecture
ordonnancée du tribunal situé devant, vient lui s’y
49
visage de
Janus
VA
L
LE
E
Le
A-
refléter tortueusement, et appuie le lien fort qui
EL
unit ces trois environnements – la façade rigide, la
M
AR
N
façade plié et le contexte. La façade de la maison
A
répond au lieu en tant que signe par les perceptions
produites
issues
du
comportement
ES
contradictoires
IR
des parois.
Le Wharf Bar de Sergison & Bates (fig.22)
EC
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IT
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50
illustre
la
volonté
de
réagir
aux
forces
contradictoires émanant d’un site. Chacune des quatre
façades
répond
alors
aux
divers
particularismes
du site, mais les faces donnant sur le bassin du
canal et la place du village, sont plus ouvertes en
fonction de leur vocation publique, tandis que les
deux autres, donnant sur une rue très passante et
sur un parking, sont plus fermées.
De plus, la forme simple et banale du bâtiment est
recadrée et tronquée par la géométrie du site. Au
volume externe sombre et absorbant, faisant écho
au goudronnage traditionnel des bâtiments voisins,
répond
un
intérieur
lumineux
et
chaleureux,
entièrement lambrissé de sapin. Ainsi, le traitement
hétérogène des façades et l’altération d’un volume
typique,
produisent
un
bâtiment
schizophrène
en
interaction avec son contexte.
La façade vitrée de la Fondation Cartier
conçue
par
en
Jean
conservant
Nouvel
une
(fig.24),
incertaine
réfléchit
transparence
tout
qui
provoque de multiples interférences et ambiguïtés
déstabilisantes. Ainsi, elle se détache des façades
réfléchissantes des années 70 cherchant à s’effacer
51
visage de
Janus
VA
L
LE
E
Le
EL
A-
pour mieux s’intégrer au contexte, et vient offrir un
N
monde bidimensionnel où l’intérieur et l’extérieur
M
AR
se confondent.
A
Alignée rigoureusement sur les immeubles mitoyens,
ES
elle constitue un écran précédant le bâtiment, où
IR
se reflètent symétriquement les arbres du boulevard
dissocier les arbres réels du jardin, des reflets de
ceux du boulevard.
De
même,
il
différencier
est
les
pratiquement
nuages
qui
impossible
de
appartiennent
au
ciel arrière, de ceux qui appartiennent au ciel
avant. Les choses placées devant et celles placées
derrière se contaminent de sorte que la position du
visiteur entre dehors et dedans se trouve confondue.
L’environnement et le visiteur, lui-même, se sont
pris
dans
la
suggestion
des
espaces,
et
de
la
profondeur. L’écran forme alors une limite franche
et finie par son alignement où se condensent les
profondeurs latérales tout en laissant percevoir
une succession d’espaces suggérant la profondeur du
bâtiment.
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O
et ceux du jardin. Si bien qu’il est difficile de
52
Tous ces projets révèlent, par l’ambivalence
des
à
significations
susciter
un
qu’ils
double
procurent,
visage,
la
ainsi
capacité
le
visage
de Janus évolue dans un champs de significations
ambiguës
ou
à
de
créer
d’elles
ne
plus
précisément
l’ambigüité,
réussit
à
de
s’imposer
de
significations
sortes
comme
qu’aucune
la
bonne.
53
E
LE
visage de
Janus
VA
L
Le
A-
Le fait que ces significations soient contradictoires
EL
est, à cet égard, déterminant. C’est ainsi qu’elles
M
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empêchent le repli rassurant sur une signification ultime.
Se substitue à la profondeur spatiale, la
A
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profondeur du signe où la forme est donnée à voir et
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le signe à comprendre.
54
55
Le
visage de
Janus
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A-
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Le phénomène du « a la fois »
. Projet de
. Projet
de
mairie pour une
mairie pour une
ville de l’Ohio,
ville de l’Ohio,
Venturi et
Venturi
et
Rauch, 1965
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Rauch, 1965
56
57
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ultime, elle consiste dans la corrosion des signes. »
Martin Steinmann, Forme forte. Ecrits/Schriften 1972-2002,
Birkhaüser, Bâle, op. cit. p. 212, 2002
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« S’il existe dans l’apparence de Madonna une signification
58
59
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niveaux contradictoires des particularités d’usage et de structure
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L’élément à double fonction
Fonction
disparition
indétermination des espaces, usages, sens
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« A une plus grande échelle, un barrage est à la fois un pont. »
Robert Venturi, « Niveaux contradictoires (suite) : l’élément à double fonction »,
EC
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E
De l’ambiguïté en architecture, New York, 1966, éd. Dunod, Paris, 1999, p. 39
62
63
fonction disparition
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A-
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L’élément à double fonction
. ( 25 ) Pilgrim,
Robert
Rauschenberg,
1960
E
L’élément à double fonction et le phénomène du « à
R
IE
U
la fois » sont apparentés, mais doivent être distingués : l’élément
.(26) KAIT
Workshop,
Kanagawa, Junya
Ishigami, 2008
Fonction.
– action, rôle caractéristique
(d’un élément, d’un organe) dans un ensemble ; rôle
caractéristique que joue une chose dans l’ensemble
de structure , alors que le « à la fois » se rapporte plutôt aux liens
dont elle fait partie ; remplir une fonction.1
SU
PE
R
à double fonction appartient plus à des particularités d’usage et
Dans le tableau de Robert Rauschenberg Pilgrim
AT
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AL
E
qui unissent les parties au tout.
LE
N
(fig.25), la peinture se prolonge de la toile sur la chaise bien
Dans un monde où les mutations n’ont jamais
été aussi rapides et les phénomènes accélérés, il
existe
les
un
large
bâtiments
consensus
doivent
être
autour
de
l’idée
adaptables,
que
flexibles
O
réelle qui est posée devant, rendant ainsi ambigüe la distinction
EC
entre l’œuvre peinte et les meubles, et, à un autre niveau, la place
64
1
Le Petit Robert, ed. 2006
65
fonction disparition
VA
L
LE
E
L’élément à double fonction
et évolutifs. Si historiquement c’est la capacité
fonction et de signification est sensible dans ces œuvres, et
matérielle à résister aux altérations du temps qui
l’environnement y gagne une certaine tension.
était visée, c’est désormais la propension à se
Mais pour le puriste de la construction aussi bien que
transformer à court, moyen et long terme qui semble
pour le fonctionnaliste, une forme de construction à double
garantir sa durabilité. Pouvoir faire face à la
fonction serait exécrable à cause de la relation non définie et
mutation des programmes, aux évolutions rapides des
IR
ES
A
M
AR
N
EL
A-
de l’art dans une pièce. Une contradiction entre les niveaux de
de bambou tendue et le poteau de bois comprimé ont la même
forme. Un architecte moderne les trouverait alors sûrement
tous deux sinistrement identiques en taille et en section.
L’architecture moderne, outre qu’elle spécialise les
formes selon les matériaux et la structure, sépare et articule les
éléments : elle n’est jamais implicite. En privilégiant la trame et
le mur rideau, elle a ôté à l’ossature son rôle de protection.
En contrepoint, les piliers de la chapelle baroque de
Fresnes (fig.29) sont résiduels par leur forme et surabondants
pour la structure du bâtiment et sont des exemples extrêmes
d’éléments à double fonction : ils ont à la fois une fonction
portante et spatiale.
E
A ce point de vue, la mystérieuse Sagrada Familia
R
modes de vie, semble devenu gage de pérennité.
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Ainsi, dans la villa impériale Katsura à Kyoto (fig.27), la tige
IT
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ambigüe entre la forme et la fonction, la forme et la structure.
IE
U
d’Antoni Gaudi (fig.31) évoque un autre dispositif de mise en
Les architectures mentionnées par la suite
posent ici la question de la de la fonction comme
outil de conception du projet, de sa disparition
comme discriminant des éléments qui le constitue.
Leur
attention
semble
davantage
portée
sur
l’expérience cognitive de ces bâtiments plutôt que
sur leur fonction.
Ainsi, dans la conception de ces projets, toutes
références
historiques
et
architecturales
sont
révoquées. Elle reposent sur la capacité des usagers
à se les approprier, à les réinterpréter afin de
les laisser concevoir leur propre environnement. En
tâchant de se libérer d’un maximum de contraintes,
il se veut non défini, indéterminé. L’architecture
s’implique
alors
dans
une
recherche d’indétermination1, où l’espace devient
isolé, la subtile invention de Gaudi, les piliers inclinés, portent
le support d’une infinité de situations et met en
le poids de la voûte pendant que les contreforts équilibrent la
place un environnement catalyseur de relations, un
poussée, le tout groupé en une forme continue. Dans certains
« milieu ».
bâtiments en maçonnerie, maniéristes ou baroques, le pilier,
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E
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relation de différentes fonctions. Au contraire de l’arc-boutant
N
le pilastre et l’arc de décharge forment une façade presque
Le dictionnaire du Petit Robert définit le
« milieu » de la façon suivante : « l’ensemble des
O
LE
uniforme et la structure qui en résulte porte à la fois les murs
EC
et la charpente. D’une manière semblable, les arcs de décharge
66
1
Adrien Besson, « Architecture et indétermination »,
Matières n°8 - Croissance, PPUR, Lausanne, 2006
67
fonction disparition
VA
L
LE
E
L’élément à double fonction
objets matériels, des circonstances physiques qui
l’origine, donnent naissance à un mur dont la structure a une
entourent et influencent un organisme vivant ».
double fonction.
L’élément emphatique comme l’élément à double
depuis les années 90 principalement au Japon, par
fonction sont rares dans l’architecture « récente ». Si celui-ci est
une génération d’architectes issue du mouvement des
choquant par son ambiguïté inhérente, il scandalise le culte du
métabolistes des années 60. Leurs préoccupations
M
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restent dans la continuité de leurs prédécesseurs
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bien que démodé. Un élément peut sembler emphatique d’un
. ( 27 ) Villa
impériale
Katsura, kyoto,
1645
R
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certain point de vue, mais s’il est solide, à un autre niveau, il
IE
R
Dans le projet de Ledoux pour une porte
PE
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enrichira la signification en l’accentuant.
Ces espaces comme « milieux »1 sont explorés,
IT
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minimum des architectes modernes orthodoxes. Mais l’élément
emphatique se justifie en tant que moyen d’expression solide
N
EL
A-
du Panthéon de Rome (fig. 33), qui n’étaient pas apparents à
dans le sens où ils s’intéressent à une architecture
où le changement, le mouvement perpétuel est inhérent
.(28)Rolex
Learning center,
Lausanne, Sanaa,
2007-2010
au système mis en place.
Le milieu est un « monde en soi », un paysage
intérieur. Il ne peut être appréhendé de l’extérieur.
Il se vit du dedans. Dans le milieu, le visiteur
sont emphatiques, du point de vue de la construction, sinon
s’abstrait de son contexte, il y est englobé.
surabondantes. Pourtant elles accentuent le caractère abstrait
Son expérience est celle de l’intériorité, d’un
N
AL
E
SU
monumentale à Bourneville (fig.35), les colonnes dans l’arche
continuum, d’une substance. Mais dans la création
AT
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de l’ouverture (c’est une ouverture semi-circulaire bien plus
68
LE
Enfin, il existe ce que l’on pourrait nommer
EC
O
font une porte.
N
qu’une arche) et, en outre, elles délimitent cette ouverture et en
1
Concept tirée de Jacques Lucan, « On en veut à la
comoosition », Matières n°5 - Modularité / Proportionnalité,
PPUR, Lausanne, 2002
69
fonction disparition
VA
L
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E
L’élément à double fonction
de ce « milieu », il réside un phénomène nouveau :
moins ambigüe entre l’ancienne signification d’un élément
les architectes de ces espaces utilisent de façon
architectural, à laquelle elle est associée par le souvenir et une
récurrente des références à l’environnent naturel
nouvelle signification issue d’une nouvelle fonction, faisant
pour décrire leurs intentions de projet et semblent
partie de la structure du programme, ou d’un nouveau contexte.
fascinés,
C’est le temps du palais qui devient musée, l’architecture comme
la nature à l’origine de la diversité du monde.
son souvenir.1
L’achitecte Sou Fujimoto décrit ce phénomène de la
par
le
phénomène
de
contingence
dans
façon suivante :
« La coexistence des principes decontingence
et de stabilité a été prouvée, il y a 150 ans
par Charles Darwin. Il montra que la diversité de
la nature dépendait de la contingence et qu’une
méthode délicate de production d’accidents pouvait
réduire la distance entre les choses naturelles et
artificielles. »
1
A titre d’exemple, Junya Ishigami utilise la
métaphore de la forêt pour décrire l’espace qu’il
crée dans le Kait Workshop (fig.26 et 30) :
« Quand je conçois un bâtiment, je ne me
contente
pièces
pas
dans
de
une
le
dessiner
en
composition
assemblant
spatiale.
des
J’essaie
plutôt de réaliser un espace tout en restituant le
genre d’ambiguïtés présentes dans l’environnement
naturel comme si je créais un paysage ou une forêt.
Les utilisateurs suivent des chemins qui varient
infiniment au sein du bâtiment et découvrent toutes
Descriptions, analyses, affirmations et développements tirés de la lecture
N
1
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A-
l’élément archaïque comme le résultat de l’association plus ou
1
Sou Fujimoto, “Architecture is a delicate method to
de : Robert Venturi, De l’Ambiguïté en architecture, chapitre 5 « Niveaux contradictoires
produce accidents”, Primitive Future, ed.
( suite ) : l’élément à double fonction », pp. 38-45, New York, 1966, éd. Dunod, Paris,
2
1999
ed.Toyota Municipal Museum of Art, 2011
EC
O
LE
70
sortes d’espaces »2.
Junya
Ishigami,
Another
Inax, 2008
scale
of
architecture,
71
fonction disparition
VA
L
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E
L’élément à double fonction
A-
Les occupants errent librement à travers une forêt
EL
de poteaux. Junya Ishigami retranscrit la diversité
M
AR
N
que l’on trouve dans la nature en déterminant des
sections et des orientations différentes pour chacun
ES
A
des 305 poteaux qui constituent l’espace : « Tout
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comme la structure d’une forêt dépend de la façon
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dont les arbres sont regroupés, les prototypes de
. ( 29 ) Chapelle
baroque de
Fresnes, xvii e
dont les piliers et les poutres sont positionnés
.(30) KAIT
Workshop,
Kanagawa, Junya
Ishigami, 2008
et groupés pour former la structure spatiale du
bâtiment »1.
A propos de la médiathèque de Sendaï (fig.32),
Toyo Ito utilise lui l’analogie au milieu aqueux:
« Cela a commencé par l’image de quelque chose de
flottant dans un aquarium. J’ai effectivement parlé
d’algues
mais
c’était
pour
donner
une
image
de
l’espace que je voulais réaliser ici : un espace
extrêmement fluide, un espace où à la manière de
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siècle
divers environnements sont formés d’après la manière
72
1
Ibidem page précédente
73
fonction disparition
VA
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L’élément à double fonction
EL
A-
l’eau qui coule, couleraient en permanence air et
N
lumière. Pour le réaliser en trois dimensions, pour
M
AR
le construire donc, j’ai imaginé en guise de poteaux
A
des structures très organiques que j’ai appelé des
ES
tubes : c’est à dire des corps composites destinés à
IT
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soutenir les sept étages de planchers »1.
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Les
sont
des
plateaux
libres
pouvant
accueillir divers programmes. Se servant à cet effet
d’images d’algues se balançant dans l’eau, corps
.(32)
Médiathèque de
Sendai, Toyo
Ito, 2001
souples
dansant
verticalement,
Toyo
Ito
crée
différents espaces sans pour autant en déterminer
leur fonction et s’intéresse avant tout à la fluidité.
Kazuyo
Sejima,
pour
évoquer
le
Rolex
Learning Center de Lausanne (fig. 28 et 34), utilise
elle l’analogie au parc : « J’étais intéressée à
faire ce genre d’espace, une espèce de parc, comme
EC
O
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R
E
. ( 31 ) Sagrada
Familia,
Barcelone,
Antoni Gaudi,
1882-
planchers
74
1
Toyo Ito, Interview de Toyo Ito par Richard Copans, «
La médiathèque de Sendai », Architec¬ture Volumes 4, Arte vidéo,
2005.
75
fonction disparition
VA
L
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E
L’élément à double fonction
EL
A-
le concept de jardin japonais. Un parc permet à
N
différentes personnes de rester au même endroit au
M
AR
même moment. Des gens différents et de générations
A
différentes peuvent être ensemble en même temps,
ES
quelqu’un pourrait être à coté de vous tout seul,
IT
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en train de lire un livre ou de boire un jus.
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J’aime cette sensation ou ce caractère pour les
régulièrement sur une grille. Cette fois-ci, ce sont
.(34) Rolex
Learning
center,
Lausanne,
Sanaa,
2007-2010
les dalles horizontales qui subissent un dérèglement:
elles ondulent doucement. Kazuyo Sejima évoque le
lien direct entre sa volonté de créer un paysage
et
la
dans
nécessité
la
d’insérer
structure
une
part
d’organisation
du
d’ambiguïté
bâtiment
:
« Nous avons essayé de combiner un bâtiment et
un paysage. L’idée n’est pas si singulière mais elle
a un important impact sur la structure. La structure
perd alors de sa clarté en devenant un système
EC
O
LE
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SU
PE
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IE
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E
. ( 33 ) Panthéon
de Rome,
-27-125
bâtiments publics ».1 Des poteaux fins sont ordonnés
76
1
Kazuyo Sejima, « Liquid Playground », El Croquisn°121
77
VA
L
LE
E
fonction disparition
EL
A-
ambivalent. Certaines parties du schéma s’apparentent
à des collines tandis que d’autres constituent des
M
AR
N
parties du bâtiment. Ceci est complètement confus
mais nous avons essayé de toujours conserver cette
1
ES
A
confusion ».
IR
Cette part de « non-clarté » va permettre d’instaurer
qu’il se veut être, soit un paysage.
Le but semble donc être de re-questionner l’espace
dans
sa
dimension
primitive,
à
savoir
:
quelle
relation un corps peut-il avoir avec l’espace dans
lequel il se trouve ? « Ce qui fait énigme, c’est les
liens, c’est ce qui est entre elles (les choses)».2
L’intervalle est ici la matière des projets.
Toyo Ito exprime cette spécificité de la
conception japonaise de l’espace : « Sans doute
l’espace tel que le conçoivent les occidentaux, estil différent de l’espace tel que nous le concevons,
je l’ai souvent pensé. Quand on parle d’espaces,
peut-être est-ce la perception que nous japonais
avons
de
la
notion
occidentale
d’espace.
On
a
l’impression qu’il s’agit de ce qui a été évidé
d’une roche, alors que pour nous c’est ce qui existe
entre deux poteaux, le rien où s’établissent des
relations multiples, c’est l’espace vide, l’espace
néant, le rien. Prenons un autre exemple : je vous
EC
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O
une ambiguïté entre l’espace architectural et ce
78
1
Kazuyo Sejima, “Conversation, Spring 2009”, The SANAA
Studios 2006-2008: Learning from Japan: single story urbanism,
Lars Müller Publishers, 2008, pp.110-111.
2
Merleau-Ponty,
L’oeil
et
l’esprit,
ed.
Gallimard,
1964, p 64.
79
VA
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E
fonction disparition
EL
A-
parle. Entre le mot que je viens d’émettre et celui
N
que je vais émettre, il y a ce rien, cet espace
M
AR
blanc. C’est cet espace qui m’intéresse. C’est cet
espace blanc que je trouve très important. »1
A
La question de la fonction semble donc ici
ES
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éludée. Il n’y a plus simple ou double fonction, mais
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indétermination. Il serait peut-être alors opportun
80
de se poser la question de l’élément architectural
dans ses bâtiments, de ce qu’il reste de sa fontion,
de
la
construction
même
du
milieu
et
non-plus
toujours de de sa conceptualisation (nous avons
compris que le prochain sera la Lune, ou bien le
vent qui agite les moulins du pauvre Don Quichotte).
Dans la conception de ces espaces « milieux » où
l’intérêt n’est plus porté à la matière qui articule
les choses mais à la relation qui les unit, il est
intéressant de se poser la question de ce qu’il
reste de la considération porté à l’élément et à sa
fonction. Dans un paysage, l’arbre et lerocher n’ont
pas de fonction. Dans la création de l’espace, les
élements ne sont-ils pas les dernières contingences
constructives
des
architectes
?
Au-delà
de
la
deconstruction n’est-ce pas la disparition de la
fonction qui est visée. A quand l’architecture sans
bâtiment, ou du moins le bâtiment sans architecture,
le nuage ? Quand l’éspèce des algues mutantes créée
par le Dr.Ito aura-t-elle alienée l’assemblée des
assembleurs?
1
Les
poteaux
schyzophrènes
(fig.2)
Toyo Ito, Interview de Toyo Ito par Richard Copans, «La
médiathèque de Sendai», Architectures Volumes 4, Arte, 2005
81
fonction disparition
VA
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L’élément à double fonction
A-
(tirants / espaces / supports à post it) d’Ishigami
EL
sont ils vraiments encore des poteaux ? Et ceux
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du Rolex (fig.4), ne perdent-ils pas substance en
devenant le mirage d’un mobilier paysager ? Sont-
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ils encore les bienvenus, reliquats d’une histoire
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constructive dont tant semblent vouloir se débarasser ?
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Mais à force de laisser libre cours à tout, elle
. ( 35 ) Porte
monumentale
Bourneville,
Claude Nicolas
Ledoux, 1785
dit
que
finalement,
ce
serait
mieux
si
elle
disparaissait (fig.12), et elle alla courir, libre.
.(36)
Architecture as
air, Barbican,
Londres, junya
Ishigami, 2011
EC
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de
se
82
83
fonction disparition
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L’élément à double fonction
. Vanna
Venturi House,
Chestnut Hill,
Venturi &
Rauch, 1962
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. Vanna Venturi
House, Chestnut
Hill, Venturi &
Rauch, 1962
84
85
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qui doivent subir les risques consécutifs à une décision
mal prise est un système immoral. Or c’est exactement ce
processus qui est suivi actuellement par les architectes
et les urbanistes : ils prennent les décisions et les
utilisateurs prennent les risques. »
Yona Friedman, Pour une architecture scientifique, Paris, Belfond, 1971
EC
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« Tout système qui ne confie pas le droit de décision à ceux
86
87
LE
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l’intégration et les limites de l’ordre
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l’élément conventionnel
Au-delà
variations sur la convention
de l’ordre ordinaire
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« Un ordre valable est capable de s’adapter aux contradictions
accidentelles d’une réalité complexe. »
Robert Venturi, « L’intégration et les limites de l’ordre : L’élément conventionnel »,
EC
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IE
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E
De l’ambiguïté en architecture, New York, 1966, éd. Dunod, Paris, 1999, p.46
90
91
Au-delà
de l’ordre ordinaire
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L’élément conventionnel
. ( 37 ) Palazzo
Nobili-tarugi,
Montepulciano
Antonio da
Sangallo il
vecchio, xvie
E
Un ordre doit être capable de s’adapter, autant qu’il
R
IE
U
impose, aux contradictions accidentelles d’une réalité complexe.
L’usage
de la convention en architecture
est un thème de conceptualisation du projet qui
obsède de nombreux architectes. Cette utilisation
structure à l’intérieur même de l’ordre : il se doit d’être valable.
de préconçus et de prédispositions semble alors
Il induit alors de subtiles évaluations permettant de déterminer
trouver son intérêt dans son détournement, ou du
ce qui est indispensable de ce qui est susceptible d’un
moins dans sa contradiction. Elle se manifeste alors
compromis. Les contradictions et complexités proviennent à
soit dans la manipulation d’éléments disposant d’une
AT
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Il ne peut exclure les contradictions liées au programme et à la
symbolique prééxistente, soit dans la subversion
qui découlent du programme, reflètent les contradictions et
même d’outils de conception du projet.
O
LE
N
la fois du milieu et du programme même du bâtiment. Celles
EC
complexités inhérentes à la vie.
92
.(38) Bureaux à
Kohlenberg, Bâle,
Diener & Diener,
1995
projets
suivants
présentent
Les deux
l’élaboration
de
93
Au-delà
contextes architecturaux dans le dépassement d’un
désaccord / ordre:
ordre établi et jouent de la poésie du glissement
- un désaccord exceptionnel modifie l’ordre ordinairement
des sens : au-delà de l’ordre ordinaire des choses.
harmonieux dû aux circonstances.
L’immeuble
M
AR
commercial
- des désaccords inhérents à l’ordre même ajustent des éléments
Diener
et
(fig.38),
particuliers de l’ordre à des éléments généraux.
d’un îlot, se dresse à un endroit complexe de la
Dans une posture de contradiction intégrée, l’architecte doit se
ville de Bâle. Les deux façades formant le coin
l’ordre volontairement et non avec faiblesse.
La situation de désaccord à l’intérieur d’un ensemble manifeste
de la « difficile unité ».
Il existe alors deux justifications permettant de briser l’ordre :
- la reconnaissance de la variété et de la confusion à l’intérieur et
à l’extérieur, dans le programme et l’environnement, et, en fait,
à tous les niveaux l’expérience.
- le caractère fondamentalement limité de tous ordres créés par
l’homme.
Les circonstances défient l’ordre et leur contraste est le support
des significations. Il faut transgresser les règles pour souligner
IE
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Cependant les contingences ne peuvent devenir la règle. L’ordre
EL
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A
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Kohlenberg
constituant
de
l’angle
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Diener
de
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l’ordre car l’exception confirme la règle et la donne à lire.
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a une attitude à adopter face aux contradictions : transgresser
A-
Les contradictions naissent alors de deux types de relation
permettre de transgresser les règles de l’ordre établi. Ainsi, il y
se composent des mêmes éléments et se soumettent
aux
mêmes
sont
Roger
règles
selon
ordonnancés
Diener
a
lesquelles
mais
ne
sont
amené
sa
manière
ces
pas
derniers
identiques.
de
«
penser
l’architecture » au point suivant : il part de
l’hypothèse
que
l’architecture
l’ont
comme
peut
une
encore
collection
concevoir
d’éléments,
que ces éléments peuvent être constamment utilisés
et
réutilisés,
de
manière
différente,
et
cette
collection formera un jour ou l’autre la base d’une
nouvelle convention. De cette manière, il vient
associer ses bâtiment à l’histoire de l’architecture:
« Une architecture qui se libère de sa réalité nous
est étrangère »1. L’élément à apprécier, ici, est
la fenêtre de grande taille connue des bâtiments de
Diener & Diener. Les fenêtres investissent la façade
opportunités qu’offrent les circonstances comme pourvoyeuse
en venant se décaler les unes par rapport aux autres.
d’une richesse de significations. Briser l’ordre pour intensifier
L’architecte affirme avoir « modifié un premier ordre
les significations. Le Corbusier « adapte les désaccords annexes
régulier de la façade afin de placer davantage la maison
et exceptionnels à un ordre dominant et rigide » quant à Alvar
en relation concrète avec la ville ». En réponse à
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doit exister avant qu’on puisse le briser. Il faut alors saisir les
N
Aalto « crée l’ordre à partir des discordances ».
O
LE
Un exemple historique aidera peut-être à illustrer le rapport
EC
qui lie ordre et exception : les arcs du Palazzo Nobili-Tarugi
94
de l’ordre ordinaire
VA
L
LE
E
L’élément conventionnel
la parcelle, l’immeuble présente une géométrie pure,
1
Extrait de Martin Steinmann,
«Le regard producteur»,
la forme forte, écrits 1972-2002, Birkhaüser, Bäle, 2002
95
Au-delà
de l’ordre ordinaire
VA
L
LE
E
L’élément conventionnel
occupant la surface limite sur six niveaux, où la
« capricieuses » et d’espaces vides asymétriques. L’ordre exagéré,
porte d’entrée marque l’unique anomalie par rapport
d’où découle une unité exagérée accompagnée de certaines
à l’ordre des fenêtres. La fenêtre encadrée par
dimensions caractéristiques, fait la force majestueuse du palais
des montants noirs contraste avec la teinte jaune
italien, comme d’ailleurs celle de certains projets de Le Corbusier.
du béton. Sa proportion de 2:1 accentue l’ordre de
Le secret de leur genre de majesté, ni rigide ni pompeuse, tient
la façade en imposant sa partition en deux carrés.
à des oppositions dues aux circonstances spécifiques de chaque
Chaque façade est divisée en trois parties égales, à
Dans le génie civile, c’est le pont (fig.39) qui
exprime avec acuïté le jeu d’un ordre exagérément pur contre
les discordances de l’environnement. En effet, l’ordre absolu
de la partie haute de la structure est dicté par son unique
et simple fonction : permettre aux véhicules de traverser
sur une surface plane, offre un violent contraste avec les
ajustements exceptionnels de la partie inférieure ; là au moyen
de déformations – le système commode de piles plus ou moins
longues – l’ordre adapte le pont au terrain inégal de la vallée.
L’ordre originel du bâtiment doit être solide afin
de ne pas détruire l’unité d’ensemble après l’introduction de
changements au sein du bâtiment. L’idée de rénovation où le
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programme du bâtiment vient à changer est un phénomène
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composition.
A-
(fig.37) s’opposent à la soudaine accumulation de fenêtres
IE
R
Il existe différents niveaux d’ordre en architecture et
PE
U
valable et une source majeure de contradictions.
chaque niveau deux parties constituent la fenêtre à
deux vantaux et la troisième est un plein. Les joints
de reprise du béton soulignent horizontalement la
lisibilité de la tripartition verticale. De ces
règles
découlent
d’ordonnancement
quatre
des
combinaisons
fenêtres
à
possibles
chaque
niveau.
Les fenêtres aux quatrième et cinquième niveaux et
les ouvertures au rez-de-chaussée sont poussées de
part et d’autre de l’angle, tandis qu’aux trois
premiers étages, elles sont séparées d’un côté ou de
l’autre par un plein. Les façades illustrent alors
trois des combinaisons. Ainsi, le fait que l’une
des combinaisons ne soit pas représentée constitue
l’exception à la règle et manifeste clairement le
choix de l’architecte de cette omission. On imagine
alors
que
ce
choix
s’est
effectué
en
fonction
des
L’ordre particulier qui se rapporte à un bâtiment précis et
nombreux projets où la vibration des ouvertures
dont il fait partie et l’ordre comme expression de conventions,
est
due
« exagérément sévères », a une portée plus générale.
Or,
Roger
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l’on pourrait opposer ordre particulier et ordre conventionnel.
exigences
corporel,
l’usage des conventions de manière à les rendre vivantes et non-
fenêtres
internes
exigences
Diener
réalisé
spatiales
privilégie
par
comme
le
«
dans
de
intérieures.
le
caractère
déplacement
des
sur
les
deux
façades
» 1,
au
détriment
O
LE
N
La contradiction peut alors résider dans la réhabilitation et
aux
spatiales
EC
conventionnels. On peut donc parler d’élément conventionnel,
96
1
Martin Steinmann, Forme forte, Birkh., 2002, p.254
97
VA
L
LE
E
L’élément conventionnel
construction, éléments de fabrication, de forme et d’utilisation
d’une
courante, objets commerciaux et ostentatoires, banals ou
Ainsi « l’ordonnance semble mobile » et nous induit
vulgaires, rarement associés à l’architecture.
à déplacer les fenêtres dans notre tête. Elle nous
Il faut utiliser des objets de pacotille dans un ordre architectural
permet alors de reconnaître les règles combinatoires
afin de répondre à des besoins actuels de variété et de
qu’il a généré.
communication car ceux-ci sont le contexte de notre nouvelle
Avec subtilité, l’architecte peut alors combiner utilement l’ancien
et le nouveau, se situer entre le réformiste et le révolutionnaire.
Un architecte devrait accepter les méthodes et les éléments qui
sont déjà à sa disposition, être un expert des conventions en cour
et choisir tout autant qu’il crée. Pouvons-nous nous targuer de
techniques de pointe tout en excluant les éléments immédiats,
et vitaux même s’ils sont vulgaires, qui sont l’ordinaire de notre
architecture et de notre paysage ?
Est-ce ainsi envisageable d’user de la convention d’une manière
non-conventionnelle, de disposer des objets communs d’une
manière non-commune afin de leur donner de nouvelles
significations par la création d’un nouveau contexte ?
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contribue à la signification d’une partie et qu’un changement
EL
le
espaces
chevauchement
intérieurs.
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deux
que
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La « Gestaltpsychologie » affirme que le contexte
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architecture et notre nouvelle architecture est leur contexte.
A-
d’incongruités
sur
tel
de l’ordre ordinaire
terme qui regrouperait alors éléments et méthodes de
fenêtre
interne
Au-delà
explore
A la Tama Art Library (fig.40), Toyo Ito
les
qualités
d’une
grille
irrégulière,
il essaie ici de se détacher de la grille rigide
moderniste
miessienne.
Pour
lui,
une
telle
déformation du plan induit l’idée de fluidité. La
trame structurelle de la Tama se déforme pour offrir
ces rapports changeants. Chaque « cellule » a sa
taille et géométrie propres. La Tama Art Library
se distingue par l’expression des arches qui se
développent à l’intérieur du bâtiment. L’apparent
archaïsme de ce geste, qui ne manque pas de nous
faire penser aux arcs romans, se détache en réalité
de toute nécessité structurelle. Les arches ont une
envergure allant de 1,6 à 16 mètres et ont pourtant
toute une épaisseur de 20 centimètres, ce sont en
fait des plaques d’acier recouvertes de béton. Ito
utilise donc ces arches pour leur qualité spatiale
La combinaison des parties offre alors un nouveau contexte
plutôt que structurelles. Elles enjambent l’espace
qui confèrera leur signification à ces parties à l’intérieur de
pour le laisser se développer librement à travers
l’ensemble. L’élément conventionnel, chez les modernistes est
le bâtiment. Le développement de ces arches sur
adopté comme le symbole de l’ordre industriel et progressiste
la grille déformée, vient créer cette spatialité
AT
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dans ce contexte provoque un changement de signification.
homogène propre à l’architecture des
production en série. Pourtant il existe une contradiction de
«
O
LE
N
et devient la fondation d’une esthétique machiniste par la
EC
l’emploi de ce langage industriel dans des espaces complexes et
98
milieux
».
Lorsque
l’on
compare
l’impact
des
arches sur les plafonds et sur les sols on comprend
99
Au-delà
que ce dispositif se répète tout autour du bâtiment.
la juxtaposition de formes sophistiquées avec des objets trouvés
Le
dispositif
et des éléments banals : des associations contradictoires
de
plusieurs
d’éléments spécifiquement industriels et d’éléments de divers
différentes qui s’étalent sur cette trame irrégulière
styles dans un même bâtiment.
dessinent ces cellules qui ont elles aussi leurs
géométries
dans
N
développé
les
Tama
est
arches
fait
toutes
M
AR
contradictions,
la
A
ES
IR
L’architecture de Spolium se manifeste alors dans la
en lui donnant une forme nouvelle ou une signification nouvelle.
qui
découle
de
la
E
R
lui complètement homogène. Comme dans une forêt et
une grotte, où chaque arbre et chaque stalactite est
.(40) TAMA
Art University
library, Toyo
Ito, 2007
unique, c’est la somme de toutes les irrégularités
et différences qui crée l’homogénéité de l’ensemble.
La bibliothèque de la Tama se perçoit comme un vide
excavé. L’introduction du plein, le programme, dans
ce dispositif homogène exprime la viabilité de ce
le parti pris de Toyo Ito dans son bâtiment quant à
Descriptions, analyses, affirmations et développements tirés de la lecture
cette contingence. La contrainte programmatique vient
de : Robert Venturi, De l’Ambiguïté en architecture, chapitre 6 « L’intégration et les limites
alors nourrir la lisibilité de l’espace recherché
LE
1
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corps et son fonctionnement. Il permet de discerner
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conventionnels dans une utilisation non familière. ?1
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la création de nouveaux contextes par l’association d’éléments
L’espace
IT
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. ( 39 ) Pont,
Campagne de
Florence,
Giannelli
L’architecte doit-il se questionner quant à
propres.
juxtaposition de ces éléments très différents est
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employer en de nouvelles associations : adopter un élément
EL
A-
l’on peut trouver dans une certainte production architecturale
réutilisation de quelque chose d’une autre manière afin de les
EC
1999
O
de l’ordre : l’élément conventionnel », pp. 46-53, New York, 1966, éd. Dunod, Paris,
100
de l’ordre ordinaire
VA
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LE
E
L’élément conventionnel
par l’architecte et lui offrir une nouvelle lecture.
101
de l’ordre ordinaire
VA
L
LE
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Au-delà
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A-
La réponse volumétrique est double, soit le volume
N
s’affranchit de la grille induite par les points
des
formes
cylindriques
ou
rectangulaires
A
Ainsi
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porteurs soit il suit les tracés courbes des arcs.
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viennent se détacher du dispositif et des formes
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arbitraires viennent s’adapter à l’emprise de la
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grille déformée. Cependant, dans cette volonté de
102
dissocier le plein du vide, Toyo Ito utilise un
matériau unique, le béton, tant pour la structure
que pour le programme. Cette ambiguïté renforce
l’homogénéité de l’espace, et le rend monochrome.
La superposition du même dispositif sur deux niveaux
expose
cette
logique
volumétrique.
L’escalier
principal reliant les deux niveaux s’intègre dans
une emprise de la grille. Bien que les éléments
cherchent à se détacher, ils restent contenus dans
la trame irrégulière de la grille déformée et bornés
à une emprise. Cependant, une singularité dans la
trame s’opère au deuxième niveau : au nord, la
suppression de poteaux produit un arc de deux fois
la portée de celui du premier, venant accueillir
le volume des bureaux. Induite par le programme,
cette irrégularité met en évidence que l’acte de
penser le programme ne s’est pas fait comme du
«
remplissage
»
;
mais
que
l’élaboration
du
dispositif s’est réfléchie en résonance avec celui-ci.
Ainsi, la contingence issue du programme ou
du contexte révèle la force du dispositif et l’encre
dans la réalité du projet. La contingence comme
outil légitimant la subversion ?
103
Au-delà
de l’ordre ordinaire
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L’élément conventionnel
.Guild house,
Philadelphie,
Vebturi et
Rauch, Cope et
lippincott,
1960-1963
EC
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. Guild house,
Philadelphie,
Vebturi et
Rauch, Cope et
Lippincott,
1960-1963
104
105
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LE
VA
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O
et héroïques en même temps ».
Allison et Peter Smithsons citée dans B.Krucker, Complex Ordinariness.
The Upper Lawn Pavillon by Alison et Peter Smithson, Verlag, ETH, Zurich 2002
EC
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« Les choses doivent être ordinaires
106
107
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La contradiction adaptée
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ajustement circonstanciel dans les ordres
établis puis compromis
Cherche
forme cherchante
ajustements opérationnels dans les
pourtours et autres limites
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Louis Kahn cit. in Robert Venturi, « La contradiction adaptée »,
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De l’ambiguïté en architecture, New York, 1966, éd. Dunod, Paris, 1999, p.54
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« La forme doit s’adapter aux circonstances. »
110
111
Cherche
forme cherchante
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VA
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La contradiction adaptée
. ( 41 ) Villa
Pignatelli di
Montecalvo,
San Giorgio a
Cremano, 1747
E
démontre dans cette cinquième partie le
IE
phénomène qu’il nomme celui de la contradiction adaptée.
R
Venturi
U
Aujourd’hui,
Robert Venturi ne s’en porte
que mieux, le rectangle ne semble plus être la figure
dominante chez la profession de fonction oblique,
scène une opposition élémentaire, formelle, entre plusieurs
architecte.
constituants de la syntaxe architecturale.
En effet, les réalités du contexte semblent de plus
en plus influer formellement sur le bâti, des données
circonstanciel en architecture, au travers d’un type de
pragmatiques définissant la forme des bâtiments.
manifestations de la contradiction : celle de la résolution douce
Ainsi, dans une certaine production très helvète,
des oppositions, du compromis noyant la subversion et tolérant
le volume attribué au programme n’est plus défini par
EC
O
LE
AT
IO
N
L’évocation se fait ici d’une certaine idée du compromis
N
AL
E
SU
PE
R
Les exemples susmentionnés mettent systématiquement en
l’oblique.
112
.(42)
Tour signale
principale, Bâle,
Herzog & de
Meuron, 19941997
des intentions plastiques mais s’approche beaucoup
113
Cherche
A la Villa Pignatelli (fig.41), les moulures en
plus de la forme résultant des gabarits imposés1.
A-
forme cherchante
VA
L
LE
E
La contradiction adaptée
Les
et des linteaux, et s’adaptent ainsi facilement à leur fonction
stratégies de manipulation des données du site que
contradictoire.
sur un choix de forme ou de composition et génère des
La contradiction pourrait alors se résoudre par un compromis
projets « trouvés », possédant une forme difficilement
et un ajustement des éléments, ce que l’on pourrait aller jusqu’à
descriptible à partir de figures géométriques simples.
alors
d’avantage
sur
des
IR
ES
A
M
AR
N
portent
IT
O
nommer la diplomatie géométrique.
Elle admet l’improvisation et implique la désintègration d’un
D D’A
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M D
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IT &
D D
’A E
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TE T
U ER
R R
La déformation n’est plus issue de celle d’un type
Ainsi la contradiction adaptée est résistante et souple.
. ( 43 ) Pallazzo
Massimo, Rome,
Peruzzi, 1532
R
E
prototype, en résolvant par l’approximation et la modification
IE
U
et en rendant parfois l’ensemble imparfait.
SU
régularité dominante de la composition ».
PE
R
Pour Robert Venturi, « le compromis rend plus intense la
Au Palazzo Massimo (fig. 43), une déformation selon
AL
E
décisions
EL
s’incurvant vers le bas deviennent à la fois des bandeaux
aux contexte urbain et réglementaire.
étude
de la pharmacie
de bäle,
Herzog
& de Meuron,
1995-1998
Le
pourtour
de
compromis
devenant
et
l’image
non-plus
la
d’une
opération
résultante
d’une
contradiction adaptée.
“ Contextual architecture goes from the particular
to the universal. It understands difference; it does
not produce difference.”2
N
une ligne courbe plutôt que brisée adapte la façade à la rue qui
.(44)
mais généré par une succession d’opérations liées
AT
IO
était également incurvée avant d’être rectifiée au dix-neuvième
N
siècle.
O
LE
De plus, dans son toit en croupe traditionnelle, l’obligation de
EC
rendre l’espace habitable à l’intérieur de l’angle de la toiture,
114
1
Adrien Besson, Architecture par défaut et non-choix
de la forme, Matières n°7,Cohérences aventureuses - Nouvelles
approches réalistes, PPUR Lausanne, 2004.
2
BAUKUH, Notes on contextual architecture, San Rocco 4,
Fuck Concepts! Context! , Milan, juillet 2012.
115
Cherche
VA
L
LE
E
La contradiction adaptée
forme cherchante
déterminé essentiellement par ses fonctions d’écoulement de
l’eau et d’élément de la structure du bâtiment, se résout par une
de
élégante déformation du comble originel.
du geste du sculpteur, peut s’appréhender comme
La contradiction adaptée permet alors au système d’être légèrement
une opération de déduction géométrique : du plan
rectifié pour s’adapter aux exigences spatiales liées au
rectangulaire aligné au niveau de la rue déformé
programme aussi bien qu’au tracé urbain.
jusqu’à l’alignement des rails.
C’est ici la déformation qui adapte les différences.
la
A-
exemple,
dont
tour
la
signale
forme
principale
semble
résulter
ES
A
M
AR
N
EL
(fig. 42),
IR
circonstances de l’environnement qui permet de ne pas rejeter
. ( 45 ) Casa
Valmassoni,
Domegge di
Cadore, XVe
siècle
R
E
une occasion de complexité.
U
Le corbeau en débord de la maison à Domegge
IE
Bâle
PE
R
(fig. 45) est un dispositif qui permet avantageusement et avec
Avec
IT
O
Mais c’est parfois l’ajustement d’un ordre aux
D D’A
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D VIL
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U S
TE T
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R R
Par
le
bâtiment
de
marketing
opération qui se renouvelle avec un bâtiment de
.(46) halle de
marché, Aarau,
Suisse, Miller
et Maranta,
1996-2002
bureaux et de logements à Soleure (fig. 50), tout
autant qu’à Bâle avec la pharmacie de l’hopitâl
cantonal
(fig. 44).
L’architecture
helvétique
symétrie du pignon tout en servant de support au surplomb
Les
dissymétrique du côté droit. Le jeu de l’ordre et du contexte
se
N
AL
E
SU
serait donc pas hermétique au contexte.
IO
AT
N
audacieuses contradictions entre majesté et opportunisme.
à
Laufen (fig. 52), les contours du plan se plient,
rigueur de passer de la symétrie de la façade principale à la
étant un trait caractéristique de l’architecture italienne avec ses
Ricola
configurations
pliant
notamment
ne
deviennent
irrégulières,
aux
du
raisons
contexte,
ce que Herzog se plaira à nommer les « formes
cherchantes »1. A l’occasion du projet pour Bâle
O
LE
De la même façon, il semble exister une modalité d’adaptation
EC
constructive à la sédimentation historique des ordres, entre
116
1
cit. in Jacques Lucan, « On en veut à la composition
(2)», Matières n°6 Actu. de la critique, PPUR Lausanne, 2003.
117
Cherche
et de celui pour Soleure, une série de maquettes
programmatiques.
est
Ainsi, une position exceptionnelle des fenêtres, comme
adéquate, non pas en composant ou en assemblant
une modification significative d’une colonnade engendrent
les éléments, mais en configurant et creusant une
généralement une symétrie déformée, conférant vivacité à une
masse,
rigidité native.
Dans
PE
R
transformé en évènement, crée un effet de surprise dans le
forme
la
plus
N
la
A
la
plaque
même
épaisse
lignée,
(fig. 46)
dont
la
les
initialement
architectes
pleine.
Miller
et
halle de marché à Aarau
géométrie
semble
issue
de
la
contradiction adaptée entre l’homothétie de la place
.(48) Signal
box corten
mimick concrete,
Zurich, Gigon
& Guyer,1999
déformée et de micros opérations de subversions dues
à des contingences de construction.
Au même titre, les architectes Gigon et Guyer
lors de la conception de leur projet pour la signal
box de Zurich (fig. 48), infléchissent légèrement leur
de la maison faite par H.H. Richardson pour Henry Adams
façade afin d’obtenir deux angles droits sur les
AL
E
Les écartements très finement déformés des fenêtres
N
SU
prisme classique de la maison.
trouver
M
AR
E
R
IE
U
central et des ailes symétriques. Cet arrangement commode,
une
ES
IR
. ( 47 ) Mount
Vernon, George
Washington
house, 1757
rénovations récentes, et elle brise l’ordre dominant du fronton
pour
Maranta produisent une
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symétrique. Au lieu de cela, leur répartition est le résultat des
IT
O
Par exemple, les fenêtres de la bâtisse de Mount
Vernon (fig. 47) ne sont pas implantées de manière exactement
élaborée
EL
A-
les volontés de cohérence esthétique et les contingences
AT
IO
à Washington (fig.49) reflètent les circonstances particulières
côtés du bâtiment, alignés aux deux directions de la
parcelle.La ligne de rupture, ne se trouvant pas au
conservent la régularité et la symétrie exigées par le caractère
milieu du plan de façade, elle contredit légèrement
O
LE
N
dues aux fonctions privées du programme intérieur, mais elles
EC
public d’un bâtiment majestueux de Lafayette Square. Ici le
118
forme cherchante
VA
L
LE
E
La contradiction adaptée
la
symétrie
disposée
des
baies
et
engendre
une
119
Cherche
forme cherchante
VA
L
LE
E
La contradiction adaptée
certaine suprise dans cette opposition entre prisme
l’intérieur, le caractère privé et le caractère public, confère à la
volumétrique et ordre.
façade un rythme ambigu et une tension accrue.
Mais
Les exceptions significatives et leur compromis au sein d’un
difficultés de description proviennent aussi de la
ordre rendent ainsi plus intenses la régularité dominante de la
nature de leur pourtour.
composition.
Si
Selon Robert Venturi, l’architecture moderne s’est trop
représentés
comme
réalisations
offrent
soi-disant sont nés des exigences techniques de l’ossature
PE
R
Aalto a conservé l’ordre rectangulaire de l’unité d’habitation
EL
N
Soleure
comme
à
Bâle,
les
M
AR
à
ES
A
E
R
U
Dans son immeuble de logements à Brême (fig.51),
IE
revenir
conceptuellement,
IR
. ( 49 ) Maison
Adams,
Washington DC,
H.H.Richardson,
1885
d’Henry
orthogonale et du mur rideau produits en série.
pour
IT
O
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TE T
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R R
longtemps limité aux formes rectangulaires rigides, qui
A-
subtil compromis entre l’ordre et la situation, l’extérieur et
les
des
des
projets
volumes
se
trouvaient
opaques,
perceptions
elles
leurs
plus
ambigües. A la pharmacie de Bâle, la disposition de
.(50) Immeuble
à Soleure,
Herzog & de
Meuron, 19932000
la façade constituée d’une enveloppe de plaques de
verre sérigraphie lui confère un moirage certain,
flouttant ses limites et accentuant sa profondeur. A
Laufen, c’est la pliure du vitrage des façades qui
verticales d’appartements, mais il a implanté les refends en
fragmente et multiplie les reflets.
diagonale de manière à orienter l’unité d’habitation vers le Sud,
“ I believe the appearance of the work is secondary
N
AL
E
SU
de base de Le Corbusier, et en a fait le motif de ses bandes
AT
IO
la lumière et la vue.
primary importance.”1
N
Il arrive ainsi à maintenir un ordre rectiligne et une certaine
to the idea of the work, which makes the idea of
120
En comparant le Seagram building de Mies et Johnson
EC
O
LE
régularité dans un espace lui déformé.
1
Sol Lewitt n°15 of his 100 sentences on Conceptual Art,
New York, 1969
121
Cherche
forme cherchante
VA
L
LE
E
La contradiction adaptée
(fig.53) , on peut voir que, plutôt que de tenir compte des
les bâtiments que Rem Koolhaas nommera «générés»
contradictions dues aux diagonales de contreventement, Mies
plutôt
que
et Johnson préfèrent exprimer une ossature rectangulaire, « une
entiers
as
très belle dame cachant son corset » selon Kahn.
qu’expérimenterons
Lui au contraire exprime les obliques, mais aux dépens des
suite. Par exemple, dans le projet pour le musée
éléments verticaux tels que les ascenseurs et de l’espace
du Schaulager (fig. 56), la forme du bâtiment est
IE
U
de construction et de production en série, et l’oblique,
aussi
adapte
PE
lui
profondément
SU
Corbusier
R
caractéristique des conditions exceptionnelles.
EL
N
M
AR
et
found»1
ES
«dupliquant
les
Herzog
processus
&
de
les
sites
de
projet
Meuron
par
la
IR
R
E
être d’une tension entre le caractère rectiligne des techniques
en
IT
O
. ( 51 ) Immeuble
d’appartements,
Brême, Alvar
aalto, 1959-1962
Le
«conçus»
A
résiderait semble-t-il dans l’atteinte d’un équilibre, ou peut-
D D’A
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IT &
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R R
destiné aux usagers. Pour l’auteur, la réponse holistique
Parallèlement peuvent aussi être remarqués
A-
au projet de Kahn pour un immeuble de bureaux à Philadelphie
celle d’un polygone irrégulier dont les côtés sont
parallèles aux limites du terrain d’inscription du
.(52) Bâtiment
marketing ricola,
Laufen, Herzog
& de Meuron,
1998
projet. Il semble sorti de terre, comme l’image
littérale de l’extrusion du sol constructible.
Dans son projet pour l’extension du Whitney
Museum à New York (fig.54), Koolhaas s’affranchie
lui
de l’automobile, en disposant de la courbe au rez-de-chaussée et
bâtiment traditionnel2 et procède à une succession
N
AL
E
l’architecture de la Villa Savoye aux éxigences exceptionnelles
aussi
complètement
de
la
configuration
d’un
AT
IO
en disposant un ordre suffisemment fort et souple à la maison
1
2
N
pour lui permettre l’incohérence géométrique.
O
LE
D’une autre façon, on retrouve cette oblique
EC
exceptionnelle dans le projet de Kahn pour la Goldenberg
122
OMA, « Urban Intervention : Dutch Parliament extension,
The hague », Int.Architect n°3, vol.1 p.50, 1980
des.
tirée
de
Jacques
lucan,
«Opérations
contre
composition - forme unitaire et interdépendance des éléments»,
Composition, non-composition, p.569, PPUR, Lausanne, 2009
123
Cherche
forme cherchante
VA
L
LE
E
La contradiction adaptée
d’opérations faisant s’élever et se tordre la forme,
et d’autre part élément de la structure, créant une série
la logique économique du projet justifiant l’usage
d’espace enveloppant les angles du bâtiment et évitant les
« gonflant »
chevauchements des façades l’une sur l’autre.
français).
Ainsi, lorsque l’oblique est due à des circonstances internes
« Si nous ne construisions pas un bâtiment qui ne
ou externes, elle est presque toujours harmonieuse : soit elle
remplissait pas entièrement la zone à disposition
. ( 53 ) Projet pour
la City tower,
Philadeplhie,
Louis Kahn et
Anne Tyng, 1952
R
E
Aalto adapte l’ordre à l’exception, Le Corbusier la juxtapose,
IE
U
Kahn l’utilise comme outil de l’unification des parties et Wright
PE
R
la cache ou la prend pour principe, jusqu’à ce que l’exception
va
alors
encore
AL
E
Venturi
plus
loin
Définissable par l’aphorisme « take zoning as a design
.(54) Projet
New Whitney
Museum, New
York, OMA Rem
Koolhaas, 2001
guideline
»2,
ces
édifices
trouvent
leurs
formes
dans leur adaptation stricte aux règlementations
de
gabarits,
et
opposent
systématiquement
des
après le compromis spatial, résolvant tant bien que
dans
sa
N
exigé. »1
pourtours complexes à des plans semblant courir
SU
devienne la règle.
N
M
AR
A
ES
IR
[…]nous ne pouvions pas satisfaire le programme
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rapports à entretenir avec l’oblique.
du zoning (prospect ou épannelage en
IT
O
se confond dans l’ordre, soit elle domine la composition et en
est le motif central. Il existerait donc plusieurs modalités de
EL
A-
house (fig.55), où elle se trouve d’une part élément spatial
AT
IO
compréhension des phénomènes de contradiction adaptée et
mal la contradiction entre velléités spatiales et
contraintes volumétriques.
N
étend son champ d’observation. Selon lui, ces idées peuvent
O
LE
aussi s’appliquer à la composition et à l’analyse des villes, dont
EC
les programmes sont plus vastes et plus complexes que ceux
124
1
Shohei Shigematsu, « Process chronicle - Scheme A »,
A+U, n° 398, Tokyo, 2003.
2
Herzog & de M., Prada Aoyama Tokyo, Milan, 2003 p.88.
125
Cherche
forme cherchante
VA
L
LE
E
La contradiction adaptée
Le Corbusier déclare : « Un plan procède du dedans
manque pas de violentes contradictions d’échelles, de rythmes
au
et matériaux, sans parler de styles et des hauteurs variées des
« form follows function »2. Ces présupposés modernes
bâtiments qui l’entourent.
considèrent donc que la forme d’un bâtiment est
tandis
EL
»1
qu’Henry
Sullivan
affirme
:
M
AR
N
dehors
A-
de bâtiments. La place Saint Marc (fig.17), par exemple, ne
ES
A
définie par ses fonctions intérieures. Sa justification
Pourtant ne dispose-t-elle pas d’un ordre spatial cohérent ?1
IR
formelle peut-alors être débattue sur le terrain de
D D’A
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O
sa façade, clôture que l’on peut déterminer dès lors
N
AT
IO
N
AL
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SU
PE
R
IE
U
R
E
. ( 55 ) Projet de
la Goldenberg
house, Philadelphie, Louis kahn,
1959
Descriptions, analyses, affirmations et développements tirés de la lecture
LE
1
tout plan ne peut s’étendre à l’infini, sont tolérés.
. (56) Musée
du Schaulager,
Bâle, Herzog &
de Meuron, 2003
Une clôture comme expression du plan détermine une
limite, aussi claire que le sont les intentions du
capitaine du paquebot. Ici, la problématique qui
nous intéresse montre une opération de renversement,
celle du processus qui ne fige pas, mais génère des
formes ouvertes.
Il
1
devient
ainsi
plus
adéquat
s’arrêter
au
Le Corbusier, « Architecture, l’illusion des plans »,
2
», pp. 53-59, New York, 1966, éd. Dunod, Paris, 1999
considered », Lippincott’s Magazin, 1896
O
de
Vers une Architecture, Paris, 1923.
de : Robert Venturi, De l’Ambiguïté en architecture, chapitre 7 « la contradiction adaptée
EC
126
que les idées que toute fonction a une fin et que
Louis
H.
Sullivan,
«
The
tall
office
artistically
127
Cherche
forme cherchante
VA
L
LE
E
La contradiction adaptée
A-
pourtour de l’architecture, limite floue et ambigüe,
N
EL
dans sa possible contradiction objective avec un
M
AR
site et dans sa capacité à se plier aux différentes
contraintes du contexte. Le pourtour n’ayant plus
A
tolèrer
ES
à
l’adaptation,
la
contradiction
lui
IT
O
IR
prééxistant toujours, ne devient-il pas le drapeau
D D’A
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IT &
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blanc de l’architecte face à l’envahisseur contexte?
cherche lui aussi à explorer des situations où le
.(58)
Hyper Neuron
Continuum,
Singapore,
Toyo Ito,
2001-2002
développement
découverte
initialement
d’un
de
processus
conduirait
situations
de
imprévisibles1.
Pour
à
la
contradiction
le
projet
de
l’Hyper Neuron (fig. 58) Continuum, son «rhizome» ne
cherche-t-il pas à se déjouer de la cohérence établie
de l’ordre spatial et à explorer un équilibre formel
plus vif et complexe ?
EC
O
LE
N
AT
IO
N
AL
E
SU
PE
R
IE
U
R
E
. ( 57 ) Place
SAint Marc,
Venise, Italie
A l’échelle de la conception d’une ville, Toyo Ito
128
1
Description tirée de Jacques Lucan, « Processus de
croissance contre procédures de composition », Matières n°8,
Croissance, PPUR, Lausanne, 2006
129
Cherche
forme cherchante
D D’A
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O
IR
ES
A
M
AR
N
EL
A-
VA
L
LE
E
La contradiction adaptée
. North Penn
visiting nurses
association,
visiting nurses
association,
Venturi et
Short, 1960
EC
O
LE
N
AT
IO
N
AL
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SU
PE
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IE
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E
Venturi et Short,
1960
. North Penn
130
131
E
LE
VA
L
AEL
N
M
AR
A
ES
IR
IT
O
s’ils se mettent à bien tourner, peuvent tous se changer
en bonheur. »
citation extraite de Sophocle, Œdipe-Roi, prologue
EC
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Créon (à Œdipe). - « Heureuse. Crois-moi, même les ennuis,
132
133
E
LE
VA
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La contradiction juxtaposée
EC
O
LE
N
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SU
PE
R
IE
U
R
E
traitements de choc, violences et sur-contiguïtés
Le
charisme du balafré
beautés erronées, défigurées, trahies
E
LE
VA
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AEL
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ES
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« ..., la contradiction juxtaposée, elle, implique un traitement de choc. »
Robert Venturi, « La contradiction juxtaposée »,
EC
O
LE
N
AT
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N
AL
E
SU
PE
R
IE
U
R
E
De l’ambiguïté en architecture, New York, 1966, éd. Dunod, Paris, 1999, p. 60
136
137
Le
charisme du balafré
D D’A
O R
C C
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D VIL
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A
M
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N
EL
A-
VA
L
LE
E
La contradiction juxtaposée
. ( 59 ) Villa
Palomba, Torre
del greco, 1765
l’on pose son regard sur un édifice
E
L orsque
R
IE
U
architectural, il arrive parfois qu’un certain dérangement
de logements à
Sargans, Peter
Märkli, 1986
Etant
maintenant
totalement
décomplexés
quant à l’appréhension formelle de la contradiction
franche
d’observer. Qu’ils soient issus d’une confrontation explicite
de porter la question en amont de la résultante
entre deux éléments architecturaux disparates, ou d’une
formelle
superposition plus implicite mettant en crise la conception
sur certaines approches et certains procédés de
N
AL
E
SU
PE
R
s’installe dans la compréhension de ce que l’on est en train
en
de
architecture,
ces
il
convient
contradictions
et
de
peut-être
s’arrêter
conception du projet desquelles la contradiction ne
pertinence ou de la légitimité de ces accidents.
découlerait plus : elle se trouverait à l’origine
LE
N
AT
IO
même d’un projet, il est toujours assez difficile de juger de la
O
La confrontation avec l’erreur étant généralement assez indigeste
EC
pour l’architecte, Robert Venturi tente ici de nous offrir un
138
.(60) Immeuble
même du développement du projet.
La question de la beauté comme celle d’un projet
139
Le
charisme du balafré
VA
L
LE
E
La contradiction juxtaposée
ayant atteint un niveau d’accomplissement et de
nomme la « contradiction juxtaposée ».
complétude à la hauteur des nombreuses complexités
EL
A-
outil de lecture visant à mieux comprendre ce phénomène qu’il
M
AR
N
qui jalonnent le parcours de sa conception peut-elle
alors résider dans le rapport qu’elle entretient
Si la « contradiction adaptée » correspond au
avec
implique un traitement plus violent. La villa Palomba (fig.59) en
l’erreur ? Y’a-t-il une « Beauty through Mistakes »1
est un flagrant exemple : elle juxtapose les contrastes. La position
et surtout, de quelles façons peut-elle se trouver
transperçant les panneaux extérieurs, répond aux besoins de
E
R
U
IE
PE
R
entretiennent des relations absolument contradictoires. Ces
La
conception
peut-elle
créer
ES
Ahmenabad, Le
Corbusier, 1954
dispositions des pilastres : l’ordre intérieur et l’ordre extérieur
?
IR
. ( 61 ) Palais
des filateurs,
l’intérieur. Les fenêtres se heurtent donc violemment à les
l’erreur
IT
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R R
des fenêtres, qui ne tient pas compte du rythme des baies en
A
traitement en douceur, la « contradiction juxtaposée », elle,
légitimement malmenée ? Partons peut-être de l’étude
du travail d’un architecte, Peter Märkli, qui aux
.(62)
Ambassade des
Pays-Bas,
Berlin, OMA
Rem Koolhaas,
2003
yeux de beaucoup de ses pairs a développé une vraie
recherche
sur
la
beauté
dans
son
achèvement
au
travers des erreurs.
rythmes, des orientations ou des voisinages et surtout dans la
(fig.60), construit en 1986, l’architecte semble ne
superposition d’éléments variés : la surcontiguïté.
cesser de jouer de la contradiction et de l’imprévu.
N
AL
E
SU
rapports deviennent alors évident dans la discordance des
Il sous-dimensionne chambres et cuisines, à leur
AT
IO
La surcontiguité est la superposition d’éléments variés. Elle
Dans son immeuble de logements à Sargans
N
inclut plutôt qu’elle n’exclut et peut : réunir des éléments
O
LE
contradictoires par ailleurs inconciliables, comprendre des
EC
oppositions à l’intérieur d’un tout, permettre une multitude
140
1
Andrea Zanderigo, “ Beauty and Mistakes in the early
work of Peter Märkli ”, San Rocco n°3 – Mistakes, hiver 2011,
Milan
141
Le
charisme du balafré
VA
L
LE
E
La contradiction juxtaposée
surface minimum, offrant aux appartements d’immenses
changeant, se manifester de manières diverses. De la
séjours,
surcontiguïté peut naître une vraie richesse.
traditionnel d’espace de distribution.
EL
éludant
de
cette
manière
le
besoin
M
AR
N
et
A-
de niveaux de signification puisqu’elle englobe des contextes
Mais la réelle défiguration réside dans l’expression
extérieure du bâtiment. Märkli use de l’opposition
(fig.61) fournit un des rares exemples de contradictions
entre un socle de béton massif et muet auquel se
juxtaposées en architecture moderne. Dans l’importante
superpose
que rompent violemment l’espace vide de l’entrée, la rampe
ES
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façade Sud, le dessin répétitif des brise-soleil crée un rythme
A
Le palais des filateurs de Le Corbusier à Ahmenabad
. ( 63 )
Cathédrale de
Gloucester,
Abbot Serlo,
1089-1130
R
E
et les escaliers. Ces derniers éléments, des diagonales variées,
IE
U
créent de violentes juxtapositions sur le côté, et de violentes
PE
R
surcontiguïtés sur la façade dans leurs rapports avec les divisions
brusquement
une
façade
visuellement
beaucoup plus évidée. Pourtant fait du même matériau
que son soubassement, le désaxement hasardeux des
.(64)
Kunsthal,
Rotterdam,
OMA Rem
Koolhaas,1992
piliers confère à cet écran un détachement quant à
son expression structurelle, alors que la présence
du joint creux systématiquement apparent entre les
éléments des loggias suggère un usage tectonique de
à savon du bâtiment. La juxtaposition des diagonales et des
l’empilement de ces éléments, et donc une raison
perpendiculaires créent aussi des orientations contradictoires:
structurelle.
Se
retrouvant
dans
nombre
de
ses
N
AL
E
SU
rectangulaires et statiques des étages à l’intérieur de la boîte
AT
IO
la rencontre de la rampe et des escaliers n’est que légèrement
être pour lui un véritable outil de provocation et
O
LE
N
hasardeux superposé à une apparente simplicité semble
modification du rythme des éléments sur cette partie de la façade.
EC
La surcontiguïté peut aussi apparaitre là où les éléments
142
réalisations, cet usage de la création de l’écran
adoucie par l’espace vide exceptionnellement large et par la
de distorsion de la perception.
143
Le
Ainsi, existe-t-il un « système » compositionnel au
en contact visuel. C’est la méthode de l’architecture gothique
sein duquel les désaxements étranges, les violentes
et de l’architecture de la Renaissance. Les murs de la nef des
comme
cathédrales gothiques contiennent des arcades d’ordres et de
apparentes et les proportions hasardeuses jouent un
dimensions différentes. Les fûts et les nervures, les lignes
rôle essentiel dans la définition du projet ?
d’assise, et les arcs qui constituent ces arcades se pénètrent et se
Plus
d’orientation : l’énorme arc-boutant incliné traverse, à l’intérieur
PE
R
le Corbusier (fig. 65), la salle conique de l’assemblée coincée
inconsistances
M
AR
les
A
ES
IR
E
R
U
Dans le palais des deux assemblées à Chandigarh de
IE
asymétries,
clairement,
existe-t-il
une
approche
qui
IT
O
. ( 65 ) Palais des
deux assemblées,
Chandigarh, Le
Corbusier, 1955
du mur du transept, l’ordonnance délicate des arcades.
subtiles
légitime l’accident, l’incongruité et la rencontre
D D’A
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(fig.63), la surcontiguïté est contradictoire d’échelle et
N
EL
A-
superposés se touchent réellement au lieu d’être uniquement
superposent les uns aux autres. A la cathédrale de Gloucester
inattendue, et fasse du projet un beau laidron ?
La
réponse
est
NON
[compositionnelle],
.(66) Projet
pour l’ecole
centrale de
Saclay, OMA
Rem Koolhaas,
2012
surement spoiler par le déroulement plus rapide du
texte que des figures dans cet article, et réside
peut-être
dans
la
production
de
l’empêcheur
de
tourner en rond n°1, Rem Koolhaas et son Office for
les trois directions d’un caractère très violent.
Metropolitan Architecture.
métro
aérien
américain
du
dix-neuvième
N
Le
AL
E
SU
dans la trame rectangulaire représente une surcontiguïté dans
AT
IO
siècle, superposé à la rue, était une anticipation de la ville
En
effet,
Smithson avec Peter Sigmond pour leur projet de Berlin
«
O
LE
N
ouvrage
EC
en
architecturale
à plusieurs niveaux comme l’on imaginé Allison et Peter
(fig. 69) : ils proposaient une ville à plusieurs niveaux avec des
144
charisme du balafré
VA
L
LE
E
La contradiction juxtaposée
la
se
confrontant
ultérieure
Delirious
congestion
New
est
à
York,
la
à
la
production
l’écriture
où
il
condition
de
son
établit
que
sine
qua
non
pour qu’il y ait la ville » et qu’elle est « la
145
Le
condition de base de la culture moderne »1, il
Dans cette sorte de superposition le degré de séparation varie
semble opportun de penser que Koolhaas offre au
entre la superposition changeante, presque occasionnelle, de
paysage contemporain une des premières clés quant à
formes très séparées dans l’espace, et l’interpénétration de
l’acceptation de l’esthétique de la juxtaposition et
superpositions dans le même plan.
de la contradiction. Les surcontiguïtés, à ce degré intermédiaire, sont en rapport
S’affranchissant de la composition, il met en cause
étroits mais ne se touchent pas, comme s’il s’agissait d’une
les simples évènements de collages et de collisions
IR
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moderne.
ES
A
M
AR
N
EL
A-
voies à grande circulation surélevées au-dessus du trafic local.
doublure qui n’adhérait pas. Elles sont rares aussi en architecture
. ( 67 ) Three
Flags,
New York,
Jasper Johns,
1958
E
La combinaison, faite par Thomas Jefferson à
R
IE
U
l’université de Virginie (fig. 71), de colonnes de tailles différentes
PE
R
contredit le principe qui veut qu’à chaque taille correspond un
AL
E
Les divers éléments structurels qui entourent la grande
N
SU
type de structure.
AT
IO
porte de la Porta Pia de Michel-Ange (fig.73) sont superposés
N
autant comme ornement que comme structure. On trouve là
O
LE
une multitude de surcontiguïtés, redondantes et emphatiques,
EC
d’un type d’ornement qui est « proche » de la structure. Les
146
charisme du balafré
VA
L
LE
E
La contradiction juxtaposée
architecturales et propose de rassembler tous ces
éléments
hétérogènes
dans
un
nouveau
scénario,
.(68) IIT Mc
Cormick Tribune
Student Center,
Chicago, OMA
Rem Koolhaas,
1997-2003
infléchissant2 chacune des nouvelles interventions en
fonction de l’existant: une congestion d’éléments de
programmes disparates contenus dans un volume unique.
Pour ainsi dire, met-il en place un processus de
conception où l’unique issue semble ne pouvoir être
qu’une confrontation violente et sans articulation,
entre les diverses parties du programme, et entre
1
Rem Koolhaas, New York Délire, Paris, 1978
2
Description tirée de de Jacques Lucan, «Processus et
programme contre composition - Rem Koolhaas», Composition, noncomposition, PPUR, Lausanne, 2009
147
Le
charisme du balafré
VA
L
LE
E
La contradiction juxtaposée
la limite du bâtiment et ses tripes congestionnées,
par un ornement rustique. Sur cet ornement, on a superposé
d’où découlerait naturellement une expression brute
des pilastres qui, en outre, délimitent les côtés de la porte et
et contredite du bâtiment ?
qui, avec les consoles à volutes du dessus, portent le lourd et
complexe fronton. L’importance de cette ouverture dans le mur
Berlin (fig.62) représente bien cette idée de la
porteur est accentuée par des juxtapositions supplémentaires.
juxtaposition contredite des bandes de programme avec
Le fronton incliné protège le bloc rectangulaire de l’inscription
le pourtour du bâtiment. Remplissant le périmètre du
s’oppose à la courbe semi-circulaire de l’arc de décharge. L’arc
EL
N
E
R
IE
U
le linteau horizontal qui, à son tour, décharge l’arc surbaissé
PE
R
en prolongement de l’ornement rustique. Des consoles ou
M
AR
A
ES
IR
. ( 69 ) Projet
Berlin
Hauptstadt,
Allison & Peter
Smithson and
Peter Sigmond
1958
est à l’origine d’une série d’éléments surabondants, y compris
Le projet de l’ambassade des Pays-Bas à
IT
O
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R R
et le segment concave de la guirlande sculptée qui, à son tour,
A-
arêtes vulnérables de l’ouverture sont protégées sur les côtés
bloc, le bâtiment trouve son organisation interne
issue
de
l’accumulation
des
divers
programmes
autour d’un unique élément de distribution continu,
.(70) Projet
serpentant au sein du volume, « le mur de Berlin »1
nouvelle de
néerlandais. pour la ville
Melun-Sénart,
OMA Rem
Koolhaas, 1987
Elément fondateur du projet, ce couloir devient
tournesol et attiré par la lumière du dehors, il
vient percuter la façade de plein fouet, ne lui
laissant ainsi aucune chance de retour à la vie
ordinaire.
A
la
Kunsthal
de
Rotterdam
(fig.64),
retrouve cette brutale juxtaposition entre éléments.
Le
collage
entre
les
inclinaisons
de
les
différentes
leurs
plans
fonctions,
respectifs2
dans la [dé]construction des espaces, offrent au
diagonales des angles supérieurs de l’ouverture. La clef de voûte
En somme, un paysage de familles recomposées.
aux dimensions exagérées est superposée à l’arc surbaissé, au
N
AL
E
SU
visiteur une symphonie de collisions.
IO
AT
et
l’attribution d’une vaste collection de matériaux
encorbellements, qui diminuent la portée, sont suggérés par les
linteau, au tympan et à l’arc.
on
réitère
Pour le campus de Saclay (fig. 66), Koolhaas
son
expérience
de
défiguration.
Projet
N
Dans leurs relations complexes ces éléments sont, à des degrés
O
LE
variés, à la fois porteurs et décoratifs, souvent surabondant et
EC
quelquefois archaïques. Dans cette combinaison où l’on trouve,
148
1
Référence de Rem Koolhaas lors du concours
2
Description tirée de Rafael Moneo, Theoritical Anxiety
and design Strategies, Barcelone, 2004
149
Le
presque sur un pied d’égalité, horizontales et verticales, ils
architectural
rappellent les cadres violemment superposés de Sullivan autour
ses échelles par la juxtaposition violente d’une
de l’œil de bœuf du bâtiment en forme de boîte à savon de la
grille avec le site. Mais, peut-être aux vues de la
Merchant’s National Bank à Grinnell (fig.81).
création d’une certaine histoire immédiate dans un
A-
urbain,
il
est
défini
à
charisme du balafré
toutes
M
AR
N
EL
et
VA
L
LE
E
La contradiction juxtaposée
A la Eastbury house de Sir John Vanburgh (fig.75), les
brutalement par une diagonale créant une succession
IR
ES
A
lieu qui n’en dispose pas, celle-ci est contredite
créent une tension étrange qui n’est pas sans rappeler celle
d’accidents de proportions et semblant conférer à
D D’A
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M IT
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D D
’A E
U S
TE T
U ER
R R
que les fenêtres à arcades auxquelles elles sont superposées,
IT
O
gigantesques ouvertures à arcades, ayant les mêmes proportions
. ( 71 ) Université
de Virginie,
Thomas
Jefferson, 1817
R
E
qu’exploite Jasper John dans ses peintures de drapeaux
IE
U
superposés : « Three flags » (fig.67).
PE
R
Les arcades romanes de la cathédrale de Lucca (fig.77) sont
ces
géométries
pourtant
orthogonales
une
mémoire de l’erreur. On observe aussi ce phénomène
.(72)
Extension de
l’usine Ricola,
Laufen, Herzog
& de Meuron,
1986-1991
de l’accident géométrique au IIT Mc Cormick Center de
Chicago (fig.68). S’installant dans la grille urbaine
définie par Mies Van der Rohe en 1940, le projet
oppose l’acte du remplissage moderne cartésien de la
contradictoire. La grande dimension publique et l’ordre rigide
parcelle à la décision objective de laisser exister
de l’extérieur s’opposent avec éclat à la petite dimension privée
les parcours étudiants préétablis et traversant le
LE
Des directions juxtaposées créent des rythmes
O
N
AT
IO
N
AL
E
SU
toutes non-engagées et superposées à des fenêtres au dessin
des motifs requise à l’intérieur.
EC
complexes et contradictoires. Dans une certaine architecture
150
toutes
site.
Une fois de plus les obliques se juxtaposent et
créent
des
une
figures
dissonance
puissante
parallélépipédiques
entre
du
le
contexte
fond
et
151
Le
l’intérieur du projet, étrangement signée de la
contiennent des rythmes en contrepoint.
pointe de son épée.
des
EL
moderne,
juxtapositions
N
architecture
M
AR
En
A-
anonyme italienne ( fig.79 ) des arcades adjacentes contradictoires
immédiatement adjacents, sont même plus rares que les
nouvelle de Melun-Sénart (fig.70), Koolhaas contrôle
surcontiguïtés. On peut voir un tel emploi de la dimension dans
le vide et « livre le reste au chaos »1. En opposant
Rome. Il est significatif que ce soit dans des formes non-
ES
IR
IT
O
des « bandes » vides, dessinant comme un idéogramme
D D’A
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O E
IT &
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U S
TE T
U ER
R R
(fig.83) et de son socle dans la cour du musée du Capitole à
. ( 73 ) Porta Pia,
Rome,
Michel-Ange,
1561-1565
R
E
architecturales qu’apparaissent de nos jours de tels contrastes
Toutes ces « contradictions » juxtaposées engendrent
SU
PE
R
IE
U
d’échelle.
Lors du projet de concours pour la ville
A
contradictoires de dimensions, englobant les éléments
juxtaposition accidentelle de la tête colossale de Constantin
« chinois »2 et des « interbandes » constituants
les îlots pleins, l’architecte taillade ce paysage
.(74)
Küppersmühle
Museum,
Duisburg,
Herzog & de
Meuron,
1997-1999
urbain
matériel
en
lui
opposant
sans
compromis
son antimatière. Le rapport de l’opposition entre
figure et fond semble ainsi être un outil légitimant
l’orientation
vers
la
contradiction
juxtaposée.
Est-ce
d’éléments différentes dans nos villes, mais c’est en général
nous aimons tant les balafrés de Koolhaas ? Ces
N
AL
E
une forte tension. On rencontre parfois cette juxtaposition
O
préexistants (fig.85).
d’autoroutes
N
juxtaposition
et
de
bâtiments
LE
l’archaïque
AT
IO
l’effet du hasard plutôt que d’une volonté consciente, comme
EC
Certains urbanistes cependant sont maintenant plus enclins
152
charisme du balafré
VA
L
LE
E
La contradiction juxtaposée
par
empathie
pour
les
«
freaks
»
que
projets sacrifiant leur image pour la science nous
1
in Rem Koolhaas & Bruce Mau, S,M,L,XL, New York, 1995
2
descritpion
tirée
de
Jacques
Lucan,
«Processus
et
programme contre composition - Rem Koolhaas», Composition, noncomposition, PPUR, Lausanne, 2009
153
Le
en zones et à permettre des proximités violentes dans leurs
gueules cassées des tranchées ?
projets, du moins en théorie, que ne le sont les architectes à
l’intérieur de leurs bâtiments : peut-être la route s’entrouvre
lors de gestes architecturaux plus anodins.
-t-elle pour un hollandais jamais trop prolixe et la création de
Par exemple, pour l’extension de l’usine Ricola de
nouveaux contextes par l’association d’éléments complexes et
Laufen (fig.72), Herzog et de Meuron superposent
U
EL
N
M
AR
A
ES
R
E
. ( 75 ) Eastbury
house,
Southampton,
Sir John
Vanburgh
1718-1738
IE
terrifiantes
IR
D D’A
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C C
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O E
IT &
D D
’A E
U S
TE T
U ER
R R
littéralement
R
et
Mais ces petits monstres surgissent aussi
IT
O
contradictoire ?1
PE
A-
rappellent-ils
SU
charismatiques
charisme du balafré
à mettre en question la prolixité de l’orthodoxe découpage
avec
celui
une
partie
existant.
du
Bien
nouveau
que
IO
le
rythme des baies existantes auquel ils viennent
.(76) Projet
du Neubau
Gesamtschule
Nippes, E2a,
Cologne, 2012
juxtaposer les poteaux supportant l’étage haut, les
architectes dénaturent l’humble bâtiment raisonné
de l’usine, qui devra lui retrouver son identité
formelle, enjambé à jamais d’un édicule parasite.
Si nous restons dans l’étude des parasites, après
le
lychen
c’est
peut-être
le
ténia
qu’il
faut
chercher à trouver : l’existence du corps préalable
à la contradiction est alors nécessaire.
N
AT
bâtiment
récupérant
N
AL
E
les
VA
L
LE
E
La contradiction juxtaposée
Descriptions, analyses, affirmations et développements tirés de la
LE
1
O
lecture de : Robert Venturi, De l’Ambiguïté en architecture, chapitre 8 « la contradiction
EC
juxtaposée », pp. 60-70, New York, 1966, éd. Dunod, Paris, 1999
154
La
préexiste
manufacture
au
musée
de
Küppersmühle
la
collection
(fig.74)
Grothe,
et
155
Le
charisme du balafré
VA
L
LE
E
La contradiction juxtaposée
entrailles
fenêtres
à
du
linteau
grand
en
bâtiment.
berceau
L’ordre
préexiste
à
M
AR
des
les
N
dans
EL
A-
pourtant cette dernière s’installe sans gêne aucune
l’opération de Herzog et de Meuron, et pourtant
brusquement
A
juxtaposent-ils
ES
lui
un
nouvel
ordre
IT
O
IR
de longues fenêtres en bandes verticales. Mais il
D D’A
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faut savoir souffrir pour être beau, le phasage
EC
O
LE
N
AT
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N
AL
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SU
PE
R
IE
U
R
E
. ( 77 ) Duomo di
Lucca, Toscane,
xi e-xiii e
156
avec
une
époque
se
jouant
parfois
au
bistouri…
Il existe aussi le geste de l’erreur, par
.(78) Chambre
de commerce
Flandres,
Kortrijk,
Office KGDVS,
2008-2010
des
exemple visible chez eckert eckert architekten pour
leur projet du Neubau Gesamtschule Nippes (fig.76),
qui, décalant un élément du projet géographiquement
(ici
la
double
volontairement
pente
une
du
toit),
sur-contigüité
engendrent
violente
entre
un ordre de grandes loggias rectangulaires et une
géométrie triangulaire. Oups ! Je crois qu’on a mis
le toit au rez-de-chaussée.
Dans
la
petite
dissonance,
on
pourrait
observer aussi le phénomène ambigu du léger décalage,
157
Le
moindre
mais
charisme du balafré
conceptuellement
A-
perceptiblement
VA
L
LE
E
La contradiction juxtaposée
EL
manifeste. Que cherchent les architectes d’Office
M
AR
N
KGDVS à Kortrijk (fig.78) lorsqu’ils désaxent la trame
A
structurelle des poteaux au second plan par rapport
ES
à celle des montants de menuiserie, le bâtiment dans
IR
sa globalité semblant lui chercher à atteindre une
D D’A
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IT
O
expression claire, presque exhibitionniste de la
. ( 79 )
Architecture
anonyme
EC
O
LE
N
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IO
N
AL
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SU
PE
R
IE
U
R
E
italienne
158
syntaxe de tout ce qui le constitue ?
Mais
l’expression
de
la
contradiction
.(80) New
MoMa, New
York, Sanaa,
2007
juxtaposée plus contemporaine semble aussi résider
dans un phénomène plus immédiatement perceptible.
Peut-être celui de la juxtaposition littérale non
plus des parties et éléments du projet, mais de
celles de formes, images elles-mêmes représentant un
objet à part-entière. Une procédure d’« empilement »
de boîtes ou de types architecturaux.
du
Sûrement en référence aux règles du droit
ciel
New
Yorkais,
les
architectes
de
SANAA
pour leur projet du new MoMa (fig.80) jouent du
159
Le
charisme du balafré
VA
L
LE
E
La contradiction juxtaposée
EL
A-
retrait successif des façades au fur et à mesure
N
de l’élévation des niveaux. Mais au-delà de l’usage
M
AR
du retrait traditionnel, ils usent aussi du débord
et
superposent
des
boîtes
dont
les
géométries
ES
A
ne coïncident plus de niveaux en niveaux. Cette
IR
décision fragmente alors la perception de l’unité
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volumétrique, qui ne réside plus dans les liens
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. ( 81 )
Merchant’s
National bank,
Grinnell, Louis
H. Sullivan, 1914
160
qui unissent les parties mais inversement dans la
tension issue de leur décalage. Ils juxtaposent
.(82) Shenzhen
Stock Exchange,
OMA, 2006
alors à cette façade géométriquement déséquilibrée
une enveloppe continue, uniforme et mono-matière
dont le rapport entretenu avec les boîtes empilées
produit une mise en tension contradictoire.
Cette
procédure
d’empilement
peut
se
retrouver aussi dans trois projets que l’on peut
considérer à la fois semblables et dissemblables à
différents degrés de lecture.
Le premier serait le projet pour le Shenzhen
Stock Exchange de l’OMA (fig.82). Dans un entretien à
161
Le
charisme du balafré
VA
L
LE
E
La contradiction juxtaposée
EL
N
explique :
A-
propos du bâtiment, Michael Kokora, associé à l’OMA,
M
AR
« Pendant des millénaires, la construction a reposé
A
sur une base solide, c’est une image qui a survécu à
ES
la modernité [il faut alors oublier la villa Savoye,
IT
O
IR
mais enfin..]. En règle générale, les soubassements
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expriment une structure avec force et se connectent
. ( 83 ) Tëte de
Constantin,
cour du musée du
L’essence même de la bourse est la spéculation: elle
.(84) Projet
Peruri 88,
Jakarta,
Mvrdv, 2012
est basée sur le capital, et non pas la gravité. Dans
le cas du stock market presque virtuel de Shenzhen
le rôle du symbolisme dépasse celui du programme - il
s’agit d’un bâtiment qui doit représenter le marché
boursier, plus que physiquement l’accueillir. Ce
n’est pas une arène de négociation avec des bureaux,
mais
un
bureau
avec
des
organes
virtuels
qui
suggèrent et illustrent le processus du marché. Tous
EC
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Capitole, Rome
à la masse visuelle du bâtiment, à la stabilité.
162
ces facteurs suggèrent une invention architecturale:
notre projet est un bâtiment avec une base flottante.
163
Le
si
elle
était
soulevée
par
charisme du balafré
l’euphorie
EL
A-
Comme
VA
L
LE
E
La contradiction juxtaposée
spéculative même qui anime le marché, l’ancienne
M
AR
N
base s’est glissée le long de la tour afin de devenir
podium de la spéculation. » Ainsi ce bâtiment peut-
ES
A
il être considéré comme un « canard » Venturien,
IR
où l’opposition frontale de deux géométries, le
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détachement
leur
base
et
leur
juxtaposition
entre verticalité et horizontalité deviennent les
expressions métaphoriques d’un monde où de nouvelles
.(86) Vitra
Haus, Weil am
Rhein,Herzog
& de Meuron,
2006-2009
forces sont en jeu. Derrière la forme réside encore
le symbole.
En opposition, prenons le projet de ville
verticale Peruri 88 (fig.84) imaginé à Jakarta par
Winy Maas et MVRDV. Ici le projet semble résider dans
la prouesse constructive nécessitée par l’empilement
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. ( 85 )
Autoroutes, Los
Angeles
de
164
littéral
de
plusieurs
simili-bâtiments,
chacun
devenant successivement œuvre puis socle.
Le concept avancé par les architectes est le suivant:
« associer les nécessités d’espace vert de Jakarta
165
charisme du balafré
VA
L
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E
Le
A-
des densités plus élevées, tout en respectant les
N
EL
typologies du tissu urbain actuel »1. Respecter les
M
AR
typologies environnantes se trouverait donc dans la
création d’un bâtiment mutant à l’image de tout et
ES
A
donc de rien (cf. logements
d’Edouard François à
IT
O
IR
Champigny). L’image est forte et surprenante mais sa
rappeler que « la pensée, avant d’être oeuvre, doitêtre trajet »2. On perd le symbole.
Enfin, arrêtons nous sur un dernier manifeste
de l’empilement, la VitraHaus (fig.86) d’Herzog & de
Meuron. L’inspiration du projet est « une maison
type qui est très commune dans la région – la maison
archétypique avec une toiture à pignons », comme citée
dans l’opuscule publicitaire « Welcome to the Vitra
Campus ». Mais la substance du discours réside ici dans
la gestuelle de l’empilement et non dans l’évocation
d’un concept réellement problématisé. L’idée ne tient
plus dans la juxtaposition d’éléments distincts et
dans la recherche de la contradiction mais dans la
démultiplication aléatoire d’un « archétype », sa
superposition et l’effet de surprise qui en résulte.
« L’architecture ainsi offerte est
rétinienne. Elle
ne cherche pas à manifester un décalage qu’elle
pourrait opérer par rapport à des dispositifs déjà
connus. Elle est auto-suffisante et son langage est
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légitimité et son intérêt sont discutables. Faut-il
166
1
Entretien avec Rodrigo Frey pour le site archdaily
2
Henri
Michaux,
citation
extraite
de
Alain
Farel,
Architecture et complexité,1991, Marseille
167
E
LE
charisme du balafré
VA
L
Le
A-
comme spontané. Allons plus loin : elle est sans
N
EL
mémoire »1. Est-ce la trahison du symbole?
M
AR
Bien loin des énigmatiques balafrés de Koolhaas ou
ES
A
des dérangeants parasites des jeunes Herzog & de
IT
O
IR
Meuron, ces bâtiments « cartes postales », à force
marteler
leurs
gesticulations
conceptuelles
semblent n’avoir conservé que le corps des grands
projets. « Mistakes imply the existence of a story
that we would like to hear »2.
« J’appellerai architecte celui qui, avec
une raison et une règle merveilleuse et précise, sait
premièrement diviser les choses avec son esprit et
son intelligence, et secondement comment assembler
avec justesse, au cours du travail de construction,
tous ces matériaux qui par les mouvements des poids,
la réunion et l’entassement des corps, peuvent servir
efficacement et dignement les besoins de l’homme.
Et dans l’accomplissement de cette tâche, il aura
besoin du savoir le plus choisi et le plus raffiné. »3
Peut-être faudrait-il dépoussiérer
cette jolie maxime ?
EC
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de
168
1
Descritpion tirée de Jacques Lucan, «Agglutinations,
empilements,
tressages,
etc...»,
Matières
n°10,
Diversité
d’approches, PPUR, Lausanne, 2012
2
Kersten Geers, éditorial du San Rocco n°3 - Mistakes,
Milan, hiver 2011
3
Leon Battista Alberti, de Re Aedificatoria, 1450
169
Le
charisme du balafré
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EL
A-
VA
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La contradiction juxtaposée
. Projet de
concours pour la
de
concours pour la
Copley Square,
Boston,Venturi
et Rauch,Clark
et Jones,
1966
EC
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Copley Square,
Boston,
Venturi et Rauch,
Clark et Jones,
1966
.Projet
170
171
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to bad music; but you cannot miss the ugly tower block
opposite your house »
Renzo Piano, discours de remerciement du Pritzker Price, 1998
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« You can put down a bad book; you can avoid listening
172
173
LE
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le mur, théâtre de l’affrontement
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L’intérieur et l’extérieur
Noir sur blanc tout fout le camp
stratégies et mythologies du vide
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« ..., il y a d’autres excellents moyens pour distinguer et relier l’espace
intérieur et extérieur, qui sont étrangers à notre architecture récente. »
Robert Venturi, « L’intérieur et l’extérieur »,
EC
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R
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R
E
De l’ambiguïté en architecture, New York, 1966, éd. Dunod, Paris, 1999, p. 72
176
177
Noir
sur blanc tout fout le camp
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IR
ES
A
M
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N
EL
A-
VA
L
LE
E
L’intérieur et l’extérieur
. ( 87 ) Château
Marly, Jules
HardouinMansart, Robert
de Cotte,
1679-1684
de
E
L e contraste entre l’intérieur et l’extérieur peut être
IE
U
une manifestation majeure de la contradiction en architecture.
bibliothèque
Nationale de
France, OMA,
Rem Koolhaas,
1989
«
Le
rendu. Le poché. — Un plan contient
avant tout la section des murs à environ 1m du
sol.
continuité entre les deux : l’intérieur doit s’exprimer à l’extérieur.
l’expression de saillie ou de relief des murs par
Selon Aldo Van Eyck , « L’architecture devrait être conçue
rapport au sol (ou au plafond, auquel cas on suppose
comme un assemblage d’espaces intermédiaires clairement
la partie supérieure de l’édifice sectionné vue par
IO
N
AL
E
SU
PE
R
Une orthodoxie puissante du XXe siècle exige qu’il y ait
Il
est
donc
nécessaire
de
rendre
tangible
dessous). C’est pour cette raison que l’on teinte
contemporaine (disons la maladie) de la continuité spatiale,
les sections des murs. On appelle cela le poché.
LE
N
AT
délimités. Cela signifie une rupture avec la conception
O
et avec la tendance à effacer toute articulation entre les
EC
espaces, c’est-à-dire entre l’intérieur et l’extérieur, entre un
178
pour la
R
.(88) Projet
On peut pocher dans une teinte quelconque (gris,
vert, rouge, jaune, noir, etc…), le choix dépendant
179
sur blanc tout fout le camp
du caractère expressif du programme et aussi du
cela, la transition doit être articulée en utilisant des espaces
tempérament et du gout personnel. Toutefois la loi
intercalaires bien définis permettant de prendre simultanément
des couleurs joue. C’est ainsi que le poché noir,
conscience de ce qui caractérise chaque côté. Dans cette
brillant ou mat, précise durement et monumentalise.
optique un espace intercalaire fournit le terrain commun grâce
On remarquera que les plans dits d’exécution (plans
auquel des extrêmes incompatibles peuvent encore devenir des
de chantier), ne sont pas pochés. C’est donc bien un
phénomènes jumeaux. »
procédé de présentation. »1
La complexité révélée par la coupe du Château de
Marly (fig.87), est une concession qui permet l’éclairage et le
confort intérieurs. Parce qu’elle n’est pas exprimée à l’extérieure,
la luminosité intérieure est surprenante.
A la maison Louis Carré d’ Aalto (fig.89), on observe
que la stricte enveloppe du toit et des murs englobe des volumes
complexes et des niveaux multiples. Elle contredit les volumes
intérieurs qu’elle recouvre.
Les séries de murs du temple d’Horus à Efdou (fig.91) forment
des couches successives indépendantes. Les couches extérieures
rehaussent les espaces clos intérieurs en leur conférant le
EL
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A
ES
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R
E
caractère de volume protégé et mystérieux. Ils ressemblent
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espaces aussi bien que de bons espaces ».
A-
espace et un autre, entre une réalité et une autre. Au lieu de
Pour Louis Kahn, un bâtiment « devrait comprendre de mauvais
IE
U
d’ailleurs aux séries de fortifications qui entourent les châteaux
PE
Dans la chapelle Sforza de Michel Ange à Santa Maria
SU
R
médiévaux.
Cette définition « beaux-arts » du poché en
architecture réduirait donc l’usage de ce procédé à
celui d’un outil de représentation, a posteriori de
la conception même du projet. Un poché en deçà de
la conceptualisation. Pourtant, il semblerait que
certains architectes aient fait du feutre noir une
arme de prédilection quant à la défense de l’espace
vide opprimé. Entre ses deux seins, pardon, entre
ces deux lignes, on pouvait voir écrit :« like ice
cream »2.
Peut-être
lassés
du
paradigme
moderne
orthodoxe de la continuité entre l’intérieur et
l’extérieur, et de sa traduction par la disparition
quasi-systématique du mur maçonné comme dernière
épreuve architectural entre un dedans et un dehors,
certains architectes semblent aujourd’hui ne plus
vouloir jouer la politique de la transparence.
En effet, on comprend qu’il peut sembler hypocrite
d’un espace rectangulaire et d’un espace courbe et en coupe,
d’affirmer ici que le mariage pour tous peut trouver
des voûtes en tonnelle, des coupoles et des niches voûtées,
sa traduction dans la construction : un environnement
AT
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Maggiore (fig.93), les violentes pénétrations réciproques en plan,
N
créent des espaces stratifiés. Les juxtapositions ambigües de ces
O
LE
deux sortes de forme aussi bien que le sentiment de l’intense
EC
concentration et de l’énorme dimension des espaces légèrement
180
Noir
VA
L
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E
L’intérieur et l’extérieur
1
Gustave
Umbdenstock,
Cours
d’architecture,
Paris,
Gauthier-Villars et Cie, 1930
2
Rem Koolhaas, cit. in AMOMA, Content, Cologne, Taschen,
2003
181
Noir
sur blanc tout fout le camp
VA
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E
L’intérieur et l’extérieur
urbain et un espace intérieur sont deux espèces
Au palais de Charles Quint à l’Alhambra de Grenade
d’espaces, et l’on ne marie pas chien et chat (encore
(fig.95), la cour est une dominante parce qu’elle est grande et
que…). Peut-être certains sont-ils arrivés à la
que sa forme contredit la forme du périmètre du bâtiment. Elle
compréhension du fait que, pour le bien-être de tout
constitue l’espace principal, les pièces du palais sont des espaces
un chacun, il faut parfois savoir faire taire ses
secondaires.
obsessions, ou du moins les conserver en son fort
IR
ES
A
M
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EL
A-
incurvés donnent à l’intérieur sa force et sa tension particulière.
urbaine, mais ce n’est pas seulement un phénomène urbain.
intérieur : toute vérité n’est pas bonne à dire. Ne
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et l’extérieur est une caractéristique essentielle de l’architecture
IT
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Une contradiction ou tout du moins un contrase entre l’intérieur
. ( 89 ) Maison
Louis Carré,
Bazoches-surGuyonnes,
Alvar Aalto,
1959
E
Par exemple, à l’agence d’Alvar Aalto de Munnkiniemi
R
IE
U
(fig.97), on peut observer l’interaction entre les exigences
SU
un modèle un amphithéâtre en plein air.
PE
R
spatiales intérieures et extérieures : l’extérieur concave modèle
sommes-nous tous pas séduit par ces personnalités
ambigües, contradictoires et complexes ? Fascinés
.(90)Casa in
Sao Bras, Aires
Mateus, 2008
par ce mystérieux cœur en chocolat dont la découverte
fait de cette glace une mythologie ?
Et surtout l’espace intérieur n’est-il pas fatigué
d’être toujours tourné en ridicule,
asservi à sa
vitrine, mis à nu sous la contrainte de la lanterne
l’extérieur , mais aussi entre l’arrière du bâtiment et la façade.
rouge ?Ainsi
IO
Mais dans le bâtiment isolé typique de l’architecture
AT
N
AL
E
Dans l’église baroque, il y a une différence entre l’intérieur et
N
moderne, à l’exception de certains traitements de surface, et
revenons
à
Rem
Koolhaas,
qui
le
premier usera du poché pour mettre en place une
« stratégie du vide »1. Après son expérience de mise
O
LE
d’écrans pare-soleil destinés à atténuer l’aspect d’enceinte close
EC
dans l’espace, et à mettre en évidence les différentes orientations,
182
1
Rem Koolhaas, cit. in AMOMA, Content, Cologne, Taschen,
2003
183
Noir
sur blanc tout fout le camp
VA
L
LE
E
L’intérieur et l’extérieur
en cause de l’opposition figure/fond dans sa modalité
des motifs externe d’ordre spatial.Au dix-huitième siècle c’était
urbaine au projet de ville nouvelle à Melun-Sénart,
également la règle. L’ingénieux hôtel particulier de Matignon
l’OMA propose une « stratégie du vide II » pour
à Paris (fig.99) à axe double, même dans son emplacement
le concours de la bibliothèque nationale de France
primitif plus ouvert, ne tenait pas compte de la différence entre
(fig.88). Ici sont présentés une série de plans et
les espaces extérieurs côté cour et côté jardin.
de coupes où les espaces dévolus au rangement des
Gerusalemme (fig.101), c’est la série de colonnes qui délimite
la couche intérieure indépendante et contradictoire de l’enclos.
EL
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Dans le vestibule de l’église de Santa Croce in
livres sont noircis.
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A-
les façades avants et arrières sont rarement différenciés pour
. ( 91 ) Temple
Efdou,
-237-57
d’Horus,
R
E
Ces supports ainsi que les coupoles au-dessus d’eux créent à
IE
U
l’intérieur des rapports d’espace à espace.
PE
R
Dans son plan pour la banque d’Angleterre (fig.103), Sir John
Dans ce poché sont creusés des vides de diverses
configurations, des formes excavées.
.(92) Projet
House ID,
Oporto, Mesquita
& Cardoso,
2012
« C’est un renversement de la relation figure-fond.
Prenant le vide donc le fond comme figure,[…],il
s’avéra que des espaces absolument impossibles à
imaginer comme des formes construites étaient tout à
et des corps de bâtiment qui composent le plan. Ainsi le mur
fait réalisables si on les imaginait tout simplement
périphérique unifie, à l’extérieur et par rapport à l’échelle de la
comme une absence de construction. »1
N
AL
E
SU
Soane enferme par un mur la complexité irrégulière des cours
Cette
masse
1
Textes
relevés
obscure
est-elle
redevenue
AT
IO
ville, les volumes complexes et contradictoires des chambres
N
fortes qui ont évolués au cours du temps.
O
LE
Le mur est comme l’épreuve de l’architecte. Partout on peut
EC
observer des interactions entre des exigences spatiales
184
par
Jacques
Lucan,
extrait
de
son
article « Généalogie du poché® », Matières n°7 - Cohérences
aventureuses, PPUR, Lausanne, 2004
185
Noir
sur blanc tout fout le camp
VA
L
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E
L’intérieur et l’extérieur
l’articulation tant regrettée par Aldo Van Eyck entre
l’extérieur, aussi bien que l’inverse, crée des tensions inévitables
le pourtour d’un bâtiment, sa personne urbaine, et
pouvant devenir un matériau de la pensée architecturale.
ses espaces en dedans, son fort intérieur.
Puisque l’intérieur est différent de l’extérieur, le mur - ligne de
Pusieurs dispositifs existent alors pour jouer de
partage - devient une épreuve pour l’architecte. L’architecture
ce discours équivoque, de cette question du rapport
apparait alors à l’intersection des forces internes et externes
entretenu en plein et vide.
d’utilisation et d’espace, où ces forces rencontrées sont à la fois
EL
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générales et particulières, génériques et occasionnelles.
A-
intérieures et extérieures. Dresser un plan, de l’intérieur vers
. ( 93 ) Chapelle
Sforza à Santa
Maria Maggiore,
Rome,
Michel-Ange,
1573
architectes d’Aires Mateus se trouvent confrontés
à deux nécessités : s’insérer dans un paysage très
.(94)
House in
Montecaveira,
Aires Mateus,
2010
horizontal de bancelles et répondre à la volonté de
leurs clients de disposer d’un paysage intérieur
varié.
Leur
réponse
réside
alors
dans
l’usage,
finalement très baroque, d’un toit épais, plat en
surface, et dont les inflexions intérieures génèrent
des spatialités variés. Le poché se déforme dans son
N
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E
L’architecture devient le théâtre de cet affrontement.1
Par exemple, à la Casa Sao Bras (fig.90), les
Descriptions, analyses, affirmations et développements tirés de la lecture
LE
1
O
de : Robert Venturi, De l’Ambiguïté en architecture, chapitre 8 « L’intérieur et l’extérieur
EC
», pp. 53-59, New York, 1966, éd. Dunod, Paris, 1999
186
épaisseur construite.
Pour le projet de la Casa ID (fig.92), le
poché vient être considérer différemment. Ce n’est
plus la matière que l’on retrouve noircie, mais bien
187
Noir
sur blanc tout fout le camp
VA
L
LE
E
L’intérieur et l’extérieur
A-
le bâti. En plus du bâti, les architectes noircissent
EL
les éléments de pots de fleurs qui jalonnent la
M
AR
N
terrasse, un jeu d’opposition figure / fond avec des
carrés désaxant les parties semblant être à la base
IR
ES
A
du projet. Mais a-t-on le droit de tout pocher ?
Dans leur maison à Monte Caveira (fig.94),
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U E
M D
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IT
O
Aires Mateus jouent eux aussi du désaxement des
EC
O
LE
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PE
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IE
U
R
E
. ( 95 ) Palais de
Charles Quint,
Alhambra de
Grenade, 1527
188
.(96) 151
logements,
Lille, TVK
B&P, 2011
choses. Ils opposent une figure déformée à l’extérieur
à un espace central à la géométrie simple. Ce sont
et
ici les pièces de « service » qui jalonnent ces
espaces et subissent les déformations. Le contexte
est créé par les architectes.
Le
poché
est
«
ouvert
les
réside
dans
les
«
A Lille (fig.96), les architectes de TVK et
barrault&pressacco
»,
et
pièces
de
secondaires
»
espaces
questionnent
servants
eux
le
?
poché
comme un certain poché programmatique. Il n’y a
plus dans le projet de rapport de dominance entre
la
périphérie
réctangulaire
du
bâtiment
et
sa
189
C’est
le
bâti
géométriquement
A-
intérieur
EL
cours
Noir
VA
L
LE
E
L’intérieur et l’extérieur
en
lui-même
et
sur blanc tout fout le camp
plus
son
complexe.
organisation
M
AR
N
interne qui s’infléchit et résout les contrariétés
conceptuelles du projet. Le poché est programme.
A
confrontation
IR
la
Pour la maison à Aroeira (fig.98), c’est
ES
des
courbes
et
des
lignes
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droites en création de petites pièces qui semble
. ( 97 ) Agence
Aalto,
Munnkiniemi,
1954-1956
EC
O
LE
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N
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PE
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IE
U
R
E
d’alvar
190
marier les géométries, mais qui au final ne rend
l’espace que plus confus. Le poché est zizanie.
.(98) House in
Aroeira, Aires
Mateus,
2009-2010
Dans la Truffe de Garcia et Abril (fig.100),
c’est le mythe de la caverne. L’abri est un rocher
duquel on (ici une vache affamée) aurait excavé le
noyau, un château en écosse d’une seule pierre.
Le poché est tellurique.
A Venise (fig.102), l’installation Radix met le poché
à
nu.
Les
architectes
Aires
Mateus
confrontent
une géométrie carrée pleine à son évidement en un
intérieure vouté.
Le poché est sculpture.
191
Noir
sur blanc tout fout le camp
VA
L
LE
E
L’intérieur et l’extérieur
Ce nouveau champ d’action et de représentation
A-
N
EL
soulève alors de nombreuses questions et met en
M
AR
crise le rôle et la forme de l’architecture au-delà
IR
ES
A
des limites qu’elle s’était elle-même posée.
Cette transformation du vide à travers sa
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considération comme « culture plus que nature »1 a
EC
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PE
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U
R
E
. ( 99 ) Hôtel de
Matignon, Paris,
Jean Courtonne,
1722-1724
192
engendré l’effacement de la relation hiérarchique
entre l’objet et son contexte, la figure et son fond,
.(100)Refuge
The Truffle,
Laxe, Garcia &
abril, 2010
et a ainsi altéré radicalement la conceptualisation
de nombreux projets, et de leur capacité à intervenir
dans l’espace contemporain. Mais au-delà de cette
relation, c’est peut-être la considération ellemême du poché en tant que procédé graphique sur
laquelle il faudrait s’arrêter.
Peut-on
utiliser
le
poché
pour
montrer
n’importe quoi ?
1
cit Nicolas Russi «Building context:when architecture
becomes the background»,San Rocco 4–Fuck Concepts!Context! 2012
193
Noir
sur blanc tout fout le camp
VA
L
LE
E
L’intérieur et l’extérieur
EL
A-
Toutefois, il apparaît toujours une difficulté dans le
N
rapport entre contingence, organisation intérieure
M
AR
et forme du bâtiment.
A
Là encore des pistes existent, comme le
ES
IR
projet du Taichung Opera House (fig.104) de Toyo Ito.
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IT
O
Son système spatial / constructif, qui consiste en
. ( 101 ) Santa
croce in
distendues,
produit
deux
espaces
continus,
mais
.(102) Radix,
Biennale de
Venise, Aires
Mateus, 2012
séparés, non pas selon un plan de coupe, mais à
la fois verticalement et horizontalement, générant
deux ambiances distinctes. Ce qui signifie que le
système commence à se dédoubler, à se diviser et se
complexifier à l’intérieur du même organisme, et ceci
sans assemblage1.
EC
O
LE
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N
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E
SU
PE
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IE
U
R
E
Gerusalemme,
Rome, 320-1758
une membrane rattachée en divers points à deux plaques
194
1
Description de Cédric Schärer, « Géométries indexées et
formes continues », Matières n°8 – Croissance, PPUR, Lausanne,
2006
195
que
certains
Noir
sur blanc tout fout le camp
noircissaient
encore
EL
A-
Alors
VA
L
LE
E
L’intérieur et l’extérieur
N
des feuilles, c’est sûrement des tubes à essai du
M
AR
Dr. Ito que s’apprêtait à jaillir le nouveau noir
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ES
A
sur blanc...
.(104)Taichung
Opera House,
Toyo Ito,
2010-
EC
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LE
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SU
PE
R
IE
U
R
E
. ( 103 ) Banque
d’Angleterre,
Londres, Sir
John Soane, 1785
196
197
Noir
sur blanc tout fout le camp
D D’A
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A
M
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EL
A-
VA
L
LE
E
L’intérieur et l’extérieur
.Projet
en
bord
Robert
1959
de villa
de mer,
Venturi,
EC
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U
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E
. Projet de villa
en bord de mer,
Robert Venturi,
1959
198
199
200
LE
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E
R
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R
« On ne peut pas peindre du blanc sur du blanc, du noir
sur du noir. »
Proverbe africain
201
A
EL
N
M
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A-
LE
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E
LE
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unité par inclusions et rapports de dominances
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La dure obligation du tout
Les
trois touts puissants
unité par l’intervalle, la texture, l’enveloppe
E
LE
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R R
« Une architecture fondée sur la complexité et l’ajustement
ne renonce pas au tout .»
Robert Venturi, « La dure obligation du tout »,
EC
O
LE
N
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N
AL
E
SU
PE
R
IE
U
R
E
De l’ambiguïté en architecture, New York, 1966, Dunod, Paris, 1999 p.90
204
205
Les
trois touts puissants
D D’A
O R
C C
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IR
ES
A
M
AR
N
EL
A-
VA
L
LE
E
La dure obligation du tout
. ( 105 ) Holkham
Hall, Holkham,
Thomas Coke,
1734-1764
architecture fondée sur la complexité et
E
Une
IE
U
l’ajustement ne renonce pas au tout. Le tout se doit d’être inclusif.
Les
parties
n’expliquent
pas
tout
le
Tout. Le Tout n’implique pas le tout de chacune de
ses parties. Chaque Tout est partie d’un Tout plus
est le résultat, et dépasse même le résultat, de la somme de ses
grand. Chaque partie est le Tout de ses parties. Le
parties. L’unité à privilégier est donc celle, difficile à obtenir,
Tout est plus que la somme de ses parties. Chaque
par inclusion et non par exclusion.
partie est plus que sa fonction au service du Tout.
IO
N
AL
E
SU
PE
R
La psychologie de la Forme considère qu’un tout perceptible
de
Le Tout se réfléchit dans chacune de ses parties.
contradictions, aboutir à un tout est difficile aux vues des
Chaque partie réfléchit le Tout. Le Tout justifie
l’architecture
de
AT
Dans
complexités
et
LE
N
O
insertions multiples d’éléments divers aux relations à priori
EC
incompatibles. En ce qui concerne le nombre des parties d’un
206
«
R
.(106) Musée de
Kanazawa, Sanaa,
2006
chacune de ses parties.
Chaque partie vivifie son Tout. Le Tout n’accomplira
207
Les
trois touts puissants
VA
L
LE
E
La dure obligation du tout
sa vocation qu’en favorisant l’accomplissement des
parties - sont les plus facile à lire comme des touts.
vocations de ses parties.
Chaque partie ne peut accomplir sa vocation propre
EL
A-
tout, les deux extrêmes - une partie unique ou une multitude de
M
AR
N
Holkham Hall de Thomas Coke (fig.105), par
exemple, manque d’unité. En effet, un ensemble très ample
qu’en
est obtenu en additionnant des ensembles similaires qui sont
Tout.»1
toujours indépendants : chaque travée est un pavillon à fronton,
qui, isolé, constituerait un bâtiment. Holkham Hall pourrait
architecturale, l’un des défis majeurs du projet
Une architecture de complexités et de contradiction
englobe des parties en nombre parfois incommode : si le
programme ou la structure impose une combinaison de deux
éléments, à l’intérieur d’une des dimensions du bâtiment,
l’architecture doit exploiter la dualité et la résoudre au sein
d’une totalité.
En architecture, on parle d’inflexion lorsque la totalité
découle de l’utilisation de la nature de chaque partie, et non
de leurs emplacements ou de leur nombre. En s’infléchissant
vers quelque chose d’autre en dehors d’elles-mêmes, les
parties incluent leurs propres liaisons avec les autres parties,
et s’intègrent mieux au tout. Ce n’est plus l’élément à double
R
la
vocation
du
IR
ES
A
à
Lors
de
tout
processus
de
conception
semble être celui d’appréhender et surtout de gérer
la
complexité
inhérente
à
l’interprétation
des
multiples clés de lectures du contexte introjectées.
L’architecte,
noyé
par
le
flux
ininterrompu
des
percepts ambigus, doit constamment se réélaborer
une
méthode
d’agencer
de
conception
contingences
architecturale
programmatiques,
afin
cultures
et problématiques au sein d’une seule et unique
réponse formelle cohérente : la dure obligation du
tout était, est, et sera toujours origine comme
accomplissement du projet architectural.
Nous
aborderons
au
travers
des
exemples
suivants, trois approches de conception du projet
dont la finalité pourrait résider dans la création
d’une
unité.
Trois
résolutions
qui
pourraient
permettre d’assoir l’hégémonie du Tout puissant.
problématique, constitué de deux qu’à un ensemble complexe.
Chercher de comprendre comment est généré le tout,
C’est un moyen qui permet de résoudre la dualité. Au Royal
comment s’y agencent les parties si parties il y en
Hospital de Wren à Greenwich (fig.107), l’inflexion des coupoles
a toujours.
SU
L’inflexion s’adapte aussi bien à l’ensemble, toujours
AT
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AL
E
PE
générer le tout au-delà de la somme des parties.
IE
U
de ce vers quoi il est orienté et infléchi. L’inflexion peut alors
valablement
IT
O
R
E
fonction mais à fonction partielle, formellement dépendant
D D’A
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R R
presque être une suite de bâtiments.
contribuant
N
par leur position asymétrique, résout la dualité des masses
Trois
Augustes
qui
redonneraient
à
l’abri
1
Marc Halévy-van Keymeulen, conférence Manifeste pour
O
LE
énormes flanquant la Queen’s house en impliquant que le centre
EC
de la composition toute entière est situé dans l’espace médian.
208
l’approche systémique, Plaisians, 02.04.2003
209
Les
Sur le plan de Monticello (fig.109) dessiné par Thomas
« entier, pur »1 une souveraineté toute actuelle.
A-
trois touts puissants
VA
L
LE
E
La dure obligation du tout
extrémités vers le foyer central.
tout dans la mise en relation par le vide.
EL
Jefferson, on voit que les murs biais de clôture infléchissent les
M
AR
N
Le premier serait celui de la création du
En effet, alors que les compositions classiques
dominant qui se manifesterait en créant un motif uniforme et en
IR
depuis
. ( 107 ) Royal
Hospital,
Greenwich,
Thomas Wren,
1696-1712
E
Avec les combinaisons égales, l’unité d’ensemble
R
IE
U
ne dépend pas de l’inflexion, ou des facilités de relations
avec l’agrégat dominant ni de l’unité ornementale. La totalité
un
nouveau
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R R
le mur de fortification. IT
O
étant l’élément dominant, pourvoyant alors l’unité d’ensemble.
Une surimpression unificatrice : la neige qui unifie le paysage,
souvent
A
ont
On pourrait aussi supposer de l’existence d’un agrégat
ES
un
modelé
traitement
paradigme
espace
l’espace
formel
inverse
objectif
ce
constitué
en
de
le
définissant
ses
limites,
rapport
de
la
un
produisant
combinaison
d’éléments divers disposés sans axialité, dans un
.(108) Moriyama
House, Tokyo,
Ryue Nishizawa,
2002
apparent
hasard.
A
l’instar
de
formes
urbaines
vernaculaires ces architectures se focalisent sur
relations
s’obtient par symétrie, superpositions et équivalences et non
in
Collective
plus par domination et hiérarchie.
entretenir l’unité et le groupe, la partie et le
AL
E
SU
PE
R
les
N
De cette façon, au Berlin Philharmonic Hall (fig.111), on trouve
AT
IO
une composition qui combine en nombre presque égal les
multiples
Form,
(cf.
Fumihiko
préambule,
Linkage
Maki)
peuvent
que
tout.
Le
musée
de
Kanazawa
de
Sanaa
(fig.106)
1
Le Corbusier à propos de l’égide la forme pure,
LE
La porte de Sir John Soane au Langley Park (fig.113)
O
N
directions des plans, des parois, murs et toits.
EC
se compose quant à elle de trois éléments architecturaux
210
« L’exposition de l’Ecole spéciale d’architecture», L’Esprit
nouveau, n°23, mai 1924
211
Les
trois touts puissants
VA
L
LE
E
La dure obligation du tout
se présente comme une collection d’éléments. Les
dominant de l’élément central, ce sont les sculptures qui dans
espaces d’exposition, traités selon des géométries
leur inflexion unifient les trois parties.
variées sont la plus pure expression du programme
Si l’inflexion peut apparaitre à différentes échelles - depuis le
initial.
détail d’un bâtiment jusqu’au bâtiment tout entier - elle peut
montre en détail chaque salle et chacune d’elle
aussi contenir des degrés d’intensité différents.
est
M
AR
N
EL
A-
absolument indépendants et non infléchis. Outre le caractère
les
publications,
l’agence
Sanaa
ES
A
Dans
sans
ses
voisines,
ce
mode
de
IT
O
IR
représentée
A un faible degré l’inflexion implique une sorte de
continuité qui renforce l’ensemble. Une inflexion extrême
devient pour ainsi dire la continuité elle-même. Dans les
murs méticuleux du Machu Picchu (fig.115), le même profil se
prolonge depuis le mur appareillé à joints vifs jusqu’au rocher
qui le supporte.
Les formes plastiques de l’architecture populaire
méditerranéenne (fig.117) ont une texture simple, mais
rectangles, obliques et segments de cercles y sont combinés
avec une vulgarité criarde.
A Santa Maria della Spina de Pise (fig.119), il semble
résider une unité forte dans l’apparence du bâtiment, pourtant
constitué de travées accolées « classiquement ». On observe en
R
E
fait un troisième fronton supérieur aux deux portes qui écrase
D D’A
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U S
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R R
représentation exprime l’indépendance des espaces
IE
orthogonalement,
volumes
sont
différents,
séparés
par
assemblés
des
couloirs
de nature similaire. Ces vides, appréhendés comme
des
éléments
intermédiaires
identiques,
assurent
la cohésion de l’ensemble. Le bâtiment se définit
aussi par sa limite avec l’extérieur. Une périphérie
circulaire est violemment appliquée au plan. Les
pièces frontalières sont alors simplement découpées.
La
forme
circulaire
est
une
manière
de
réagir
par rapport à un site non orienté, les visiteurs
arrivant
de
aussi
de
tout.
Enfin,
plusieurs
relier
à
les
directions.
différentes
l’habitude
de
Elle
parties
l’agence
permet
en
un
Sanaa,
un
blanc homogène recouvre tous les éléments assurant une
cohésion matérielle et colorimétrique à l’ensemble.
La circulation, traitée comme un véritable espace
le château de Charleval (fig.121) est un troisième élément qui
d’exposition grâce à de généreuses dimensions assume
domine les deux autres, une liaison dominante pour créer
pleinement son rôle de liant.
l’unité d’une dualité, et évoque un procédé plus « facile » que
l’inflexion pour résoudre cette même dualité.
réflexion
De la même façon, on peut aussi remarquer
atteint
N
AT
N
AL
E
SU
PE
R
Le fronton ornemental sur la façade du projet pour
O
LE
le porche couvert de l’escalier sur la façade d’une ferme
EC
aux environs de Chieti (fig.123) dont la fonction, dans
212
Ces
IO
U
leur dissociation et « domine la situation ».
d’exposition.
De
plus,
urbaine
son
ces
à
projets
l’échelle
paroxysme
avec
introduisent
une
architecturale
qui
la
Moriyama
house
(fig.108) de Ryue Nishizawa construite en 2005. La
fragmentation des volumes est maximale, l’espace ne
213
Les
trois touts puissants
VA
L
LE
E
La dure obligation du tout
peut pas être plus divisé. Pourtant l’unité existe,
les escaliers d’honneur, où un fronton domine les autres
la tension visuelle liant tous ces volumes en un
éléments et confère à l’élévation du bâtiment son unité.
paysage tenu.
Peut-être
PE
R
de contrôler les éléments disparates qui la composent. Le Chaos
EL
N
M
AR
E
R
IE
U
Pour Heckscher cette unité « se contente uniquement
l’extérieur
de
sa
A
D D’A
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Cette
. ( 109 )
Monticello,
Charlottesville,
Thomas
Jefferson, 1769
voir
IR
IT
O
ornementale qui intéresse, mais celle qui provient de l’ordre
scène théâtrale de nombreuses forces mystérieuses.
de
s’objectiver par rapport à un ensemble ?
évidente qui découle de la liaison dominante ou de l’harmonie
La composition est tendue, prônant la vitalité et la mise en
fait
maison depuis son intérieur est-elle une façon de
Dans l’architecture de complexités, ce n’est pas l’unité
complexe de la difficile totalité.
le
ES
A-
ce contexte est semblable à celle que l’on retrouve sur
architecture
de
la
distance
propose
des
associations d’éléments de même nature sans ordre
apparent liées par un vide structurant. Ce vide est
.(110)
markthalle
wohnhochhaus,
Bâle, Diener &
Diener, 2012
à la base de cette architecture. Le vide est le
tout.
En contrepoint de cette approche usant de
l’intervalle
pour
conférer
l’unité
au
bâtiment,
il
l’impression d’unité. »
la création du tout non plus par l’éclatement des
AL
E
N
IO
Dans les bâtiments ou les paysages urbains ayant
AT
SU
est très près : sa proximité et le fait qu’il soit évité renforcent
N
des raisons d’être complexes, l’œil ne cherche pas à être trop
existe
une
notion,
elle
plus
européenne,
de
parties mais par leur fusion en un tout insécable :
ce que Jacques Lucan appellera dans son article, non
sans-raison, une « spatialité texturée »1.
214
EC
dans un tout.
O
LE
rapidement ou facilement satisfait dans sa recherche de l’unité
1
Jacques
Lucan,
«
Hypothèses
pour
une
spatialité
texturée », Matières n°9 – L’espace architectural, PPUR, L.2009
215
Les
« Le peintre all-over rend tous les éléments et
du rêve guindé de l’ordre pur, de la mise en crise de l’unité à la
toutes les zones de son tableau équivalents en terme
mode « Gestalt ».
d’accentuation et d’importance, […], le peintre all-
N
EL
A-
Une des leçon du Pop art tient donc dans l’extraction
M
AR
trois touts puissants
VA
L
LE
E
La dure obligation du tout
over tisse son œuvre d’art en mailles serrées dont
A
Il est nécessaire de disposer d’un ordre complexe et
chaque point récapitule le mode d’unité »1.
ES
contradictoire pour former des ensembles intégrés au cadre
urbain et à son paysage quotidien, vulgaire et dédaigné.1
critique
IR
Tournant
D D’A
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AU LA
D VIL
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O
d’art
«
son
avantage
américain
architecte
légitime
la
possible
over
déduit
Clément
»
notion
à
«
les
propos
du
Greenberg
en
peintre
»,
d’architecture
il
all-
.(112) Projet
pour le Théâtre
de Visp, Herzog
& de Meuron,
1984
et
toile,
sa
de
notion
l’emploi
du
tissage
tridimensionnelle,
de
la
l’espace
comme texture. Cette notion pourrait donc être une
nouvelle clé de lecture quant à la qualification d’une
production architecturale difficilement définissable
par les outils « traditionnels » d’analyse de la
composition architecturale.
Si l’on en revient aux bâtiments à formes cherchantes
N
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IE
U
R
E
. ( 111)
Philharmonie
de berlin, Hans
scharoun, 1963
substituant
à
Descriptions, analyses, affirmations et développements tirés de la lecture
LE
1
1
tout », pp. 90-103, New York, 1966, éd. Dunod, Paris, 1999
1948, Art et culture, Paris, 1988, p.174
EC
O
de : Robert Venturi, De l’Ambiguïté en architecture, chapitre 8 « La dure obligation du
216
Clément Greenberg, « La crise du tableau à chevalet »,
217
Les
trois touts puissants
VA
L
LE
E
La dure obligation du tout
EL
A-
ou unitaires cités au chapitre du même nom, il semble
N
en effet être tout à fait plausible de confronter
M
AR
l’étude du peintre à celle de l’architecte.
En
effet,
si
l’on
s’arrête
par
exemple
A
ES
sur le plan du Wohnhochhaus de Diener et Diener
IR
à Bâle (fig.110), on constate qu’il est difficile
D D’A
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d’avancer l’idée que le dessin du plan résiderait
un
assemblage
s’agirait
d’éléments
d’assembler
pour
préétablis
former
un
qu’il
tout
ou
.(114) Hangar
pour des machines
agricoles,
Orsonnens,
LVPH, 2011
encore que la disposition de ces pièces est réglée par
des schémas établis. Le référent typologique semble
alors oblitéré, confronté à une géométrie de plan
au périmètre déformé. Pourtant conventionnellement
désorganisé,
dans
ce
plan
existe
une
cohésion
puissante de tous les éléments, son contour polygonal
n’offrant aucun axe de symétrie et donc aucune ligne
de partage : le plan est insécable.
EC
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LE
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IE
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R
E
. ( 113 ) Porte du
Langley Park,
Norfolk, Sir John
Soane, 1790
dans
218
En revenant au projet d’Herzog et de Meuron
pour le théâtre de Visp (fig.112), on peut constater
219
Les
la
solution
au
problème
A-
que
VA
L
LE
E
La dure obligation du tout
de
la
trois touts puissants
disposition
EL
procède peut-être déjà de cette même approche. Ici
M
AR
N
ne sont pas confrontés deux logiques de disposition,
une logique compositionnelle de la régularité pour
ES
A
l’intérieur et une logique non-compositionnelle de
IR
l’irrégularité pour le pourtour. Le plan résulte d’un
D D’A
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découpage par des lignes qui ne cherchent pas à faire
EC
O
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U
R
E
. ( 115 ) Escalier,
Machu Picchu
220
de figure. Il n’y a plus coexistence ou confrontation,
mais bien jointure ou fusion de l’espace et du plan.
.(116) Ecole
de Paspels,
Valerio
Olgiati,
1996-1998
De
la
même
façon,
le
hangar
agricole
de
LVPH
(fig.114) dispose d’un caractère insécable entre sa
totalité et ses parties, d’autant plus renforcé par
une matérialité uniforme générant cette « toile »
spatiale.
D’une autre façon, à l’école de Paspels
(fig.116),
Valerio
Olgiati
procède
lui
de
la
superposition de ses plans carrés-déformés all-over
tout en conférant singularité à chacun d’eux : une
mise en abime de la texture dans l’espace. « De
221
Les
trois touts puissants
VA
L
LE
E
La dure obligation du tout
EL
A-
plus, d’un étage à l’autre, les classes n’occupent
N
pas les angles de la même manière, donc leur murs
M
AR
ne se superposent pas, et bien sûr la croix n’est
pas identique. D’un étage à l’autre, on ne retrouve
A
pas
ses
«
habitudes
»,
c’est-à-dire
des
ES
donc
IT
O
IR
dispositions qui sont établies sur la même trame.
D D’A
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Quand bien-même les éléments architecturaux en jeu
. ( 117 )
Architecture
populaire
dans
les
méandres
d’une
spatialité
texturée
»1.
Sihlhof
Zurich,
&
2003
de
Si l’on rapproche ce bâtiment du collège
Sihlhof
peut
alors
de
Giuliani
constater,
et
dans
Hönger
la
(fig.118),
on
non-superposition
de leurs murs, que ceux-ci ne sont pas constitués
de travées. Ils fabriquent alors une résille, un
all-over tridimensionnel dont, une nouvelle fois,
aucun élément ne peut-être soustrait, d’autant plus
EC
O
LE
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IE
U
R
E
méditerranéenne
.(118)
college,
Giuliani
Hönger,
sont-ils délibérément simples, on se perd ainsi
222
1
Description tirée de Jacques Lucan, « Hypothèses pour
une spatialité texturée », Matières n°9 – L’espace architectural,
PPUR, Lausanne, 2009
223
Les
trois touts puissants
VA
L
LE
E
La dure obligation du tout
A-
que tous ces éléments linéaires servent à porter
EL
l’édifice. Le tout du projet ne réside plus dans
M
AR
N
les inflexions qui unissent les parties
mais dans
A
l’appréhension globalisée de son espace. L’espace
ES
texturé est donc lui aussi un tout mais peut-être lui
IT
O
IR
adjoint-il en plus une nouvelle vérité [spatiale] de
D D’A
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la construction ?
Enfin, il semble aussi exister un troisième
procédé
de
création
du
tout
:
l’unité
dans
la
.(120) Halle
nautique,
Nordwesthaus,
Baumschlager et
Eberle, 2008
circonscription du projet, dans son enveloppe.
En
effet,
production
un
autre
phénomène
contemporaine
récurrent
serait
celui
dans
la
de
la
conception du projet par son enveloppe « continue
et percée »1 qui viendrait entourer l’ensemble du
bâtiment.
EC
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LE
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. ( 119 ) Santa
Maria della
spina, Pise, 12301376
224
Arrêtons-nous sur le bâtiment Nordwethaus
de Baumschlager et Eberle (fig.120). Il se compose
1
Cornellia Tapparelli, « Par-delà canard et hangar »,
Matières n°10 - diversité d’approche, PPUR, Lausanne, 2012
225
Les
trois touts puissants
VA
L
LE
E
La dure obligation du tout
volume
EL
A-
de deux enveloppes juxtaposées en périphérie du
intérieur,
une
composée
d’un
ensemble
à
la
M
AR
N
de plaques de verre, assemblée en voile continu
manière
d’un
mur
porteur
en
pierre
où
ES
A
apparaissent les joints, et une autre enveloppe,
IR
un voile de béton armé ajouré supportant le toit où
D D’A
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se disposent des ouvertures au profil irrégulier et
. ( 121 ) Projet
pour le château
EC
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E
de
226
Charleval,
1570
dont les ondulations semblant aléatoires. Bien que
double par son enveloppe, ce bâtiment profite alors
.(122)
Mikimoto
Ginza, Tokyo,
Toyo Ito,
2005
de la singularité conférée par ce canevas d’ombres
et de lumières jalonnant tout son pourtour pour
asseoir son unité, unité de l’imposture.
Dans le cas du magasin Mikimoto (fig.122)
de Toyo Ito, on trouve cette fois une enveloppe
matériellement continue entourant l’édifice. Elle est
percée d’une série d’ouvertures dont la disposition
et les géométries sont irrégulières, ne laissant rien
apparaitre de la position intérieure des planchers.
Le bâtiment est construit en béton, cependant le
227
Les
trois touts puissants
VA
L
LE
E
La dure obligation du tout
EL
A-
coffrage en acier qui dessine les surfaces est laissé
N
en place, conférant un aspect étrangement uniforme
M
AR
à cette enveloppe.
A
« On chercha à le manifester comme un unique voile
ES
d’acier étendu. Pour obtenir une façade continue,
joint,
IT
O
IR
sans
les
bords
de
soudure
ont
tous
été
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poncés »1. L’unité réside dans le trompe l’œil.
. ( 123 ) Ferme
aux environs de
EC
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E
Chieti
228
Pour
realisée
l’école
par
Sanaa
de
management
(fig.124),
le
d’Essen
procédé
semble
.(124)
Zollverein
School, Essen,
Sanaa,
2005-2006
avoir été le même. Initialement conçue percé de
3500
petites
ouvertures,
l’enveloppe
du
projet
se constitue de 150 percements de plus ou moins
grandes dimensions et répartis en nuées aléatoires
sur la façade. Mais bien que répartis selon les
nécessités
les
d’éclairage
ouvertures
intérieur
n’expriment
du
cependant
projet,
pas
la
distribution des espaces intérieurs, des parties
1
Toyo Ito et Yasuaki Mizunuma, « Mikimoto Ginza 2 », The
Japan architect n°62, vol.48, 2006, p.26
229
trois touts puissants
VA
L
LE
E
Les
A-
du bâtiment, laissant sa compréhension extérieur
N
EL
à celle d’un objet monolithique « parachuté » et
M
AR
faussement timide, ne voulant peut-être pas dévoiler
A
à tout un chacun la simplicité de son plan. L’unité
Cette approche de l’architecture qualifiée
IT
O
IR
ES
réside dans la pudeur.
avec les nécessités intérieures. Ainsi tout dépend
finalement dans le projet de la manière dont sont
effectués les percements. Soit l’enveloppe rentre en
contradiction avec l’intérieur soit les percements
cherchent à répondre au plus proche aux exigences
intérieures.
Or, l’enveloppe continue et percée cherche à répondre
à deux échelles. L’aspect continu renvoie à la grande
échelle dans laquelle se manifeste le bâtiment en
effaçant toute tectonique. Les percements quant à eux
renvoient à l’échelle des contingences du programme.
Ces bâtiments peuvent-ils unir leur développement
formel avec la substance d’un contexte, autrement
qu’en un évènement signal ?
Ces
approches
bâtiments
pourtant
proposent,
à
conceptuellement
travers
des
disparates,
trois relectures contemporaines de la question de
l’unité architectural. Mais cette dure résolution
d’un tout, s’exprime ici dans une réponse circonscrite
EC
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R R
par son pourtour tend alors à créer des tensions
230
à la forme architecturale en elle-même. Mais la
vraie nécessité du tout ne réside-t-elle pas dans
l’unité qui doit exister entre un bâtiment et son
contexte et faire d’eux un ensemble cohérent ?
231
E
LE
trois touts puissants
VA
L
Les
EL
A-
« De façon à atteindre la profondeur de
champ contextuelle nécessaire pour garantir l’unité
M
AR
N
entre un bâtiment et son contexte, le projet doit
A
viser un niveau de complexité significatif pouvant
résident
intentions
et
références
[…]
Il
en
IT
O
IR
où
ES
être assimilé à un mélange des couches sédimentaires
les relations entre le contexte physique du bâtiment
et
son
contexte
purement
architectural,
et
qui
l’un après l’autre, s’exprime de manière plus ou
moins explicite.
La notion d’un contexte purement
architectural se réfère au fait que le contexte final
de n’importe quel ouvrage est en fait l’architecture
elle-même.
Un
bâtiment
est
toujours
situé
non
seulement dans un espace physique, mais également
dans un ordre conceptuel et historique, car elle
se réfère nécessairement, que ce soit consciemment
ou non, à d’autres bâtiments, qui sont à leurs
tour, liés non seulement à un espace physique, mais
également à un groupe de choses construites au fil du
temps qui constitue le milieu d’où toute nouvelle
construction tire son sens. »1
EC
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IS E
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IT &
D D
’A E
U S
TE T
U ER
R R
résulte une séquence de connotations qui évoquent
232
1
Eric Lapierre, «Cut-up architecture:toward a unity of
time and space»,San Rocco 4-Fuck Concepts!Context!, Milan, 2012
233
Les
trois touts puissants
D D’A
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ES
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M
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EL
A-
VA
L
LE
E
La dure obligation du tout
. Projet pour
une fontaine,
pour
une fontaine,
Fairmont park,
Philadelphie,
Venturi et
Rauch, Brown,
1964
EC
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LE
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IE
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R
E
Fairmont park,
Philadelphie,
Venturi et Rauch,
Brown, 1964
. Projet
234
235
E
LE
VA
L
AEL
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M
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A
ES
IR
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confusion ; l’unité qui ne dépend pas de la multitude
est tyrannie. »
Blaise Pascal
EC
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« La multitude qui ne se réduit pas à l’unité est
236
237
LE
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ES
A
M
AR
N
EL
A-
Conclusion
.Le Petit
Systémique, adj. – Se dit d’une approche scientifique
Larousse
des
systèmes
politiques,
économiques,
sociaux,
illustré,
etc., qui s’oppose à la démarche rationaliste en
abordant tout problème comme un ensemble d’éléments
en relations mutuelles.
Si
un
constat
peut
être
tiré
de
cette
confrontation de deux regards, de deux époques, au
travers de l’étude de ces 124 « cas » ambigus, c’est
celui de l’évolution.
Les modalités de conception du projet architectural
ont manifestement « progressés », pourtant, soixante
EC
O
LE
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SU
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éd. 2012
ans plus tard, le regard venturien n’en est pas moins
pertinent : le prisme de l’ambigüité semble toujours
être un outil de lecture productif des manifestations
de complexité et de contradiction dans le projet.
241
VA
L
LE
E
Conclusion
projet
ont
évolués
depuis
De
l’ambigüité
en
N
le
A-
En effet, si les processus qui conduisent
EL
M
AR
architecture, leurs manifestations contradictoires
production
architecturale
contemporaine
ES
Notre
A
semblent toujours pouvoir se recouper et se chevaucher.
IR
peut donc toujours engendrer une bonne ambigüité1.
EC
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O
Cependant,
242
celle-ci
manifeste
aujourd’hui
son
expression souvent de manière moins « littérale »,
moins exubérante, et rend donc son discernement plus
complexe.
De plus, aucun courant architectural définissable
ne semblant dominant, mais plutôt une multitude de
recherches avançant de front, conjointement ou non,
il est d’autant plus difficile d’établir avec clarté
l’endroit où réside cette ambigüité. Notre époque
ne semble donc plus
procéder de la tabula rasa,
mais plutôt de la tabula aperta, où les diverses
problématiques,
« chercheurs »,
abordées
par
les
architectes
ne sont plus mises en parallèle les
unes des autres, mais placées dans une compréhension
globale. Ceci rendant la lecture de ce paysage d’une
grande complexité.
Dans un monde cyniquement défini « non plus
comme une utopie statique, mais un état dans lequel
il n’y a rien d’autre qu’une mutation continuelle
et dans lequel la perfection est instantanément
consumée pour faire place à la dernière mode »2,
1
Hypothèse admise par William Empson in Seven Types of
Ambiguity, Meridian Books, New York, 155, p.174
2
Décosterd & Rahm, Architecture physiologique, cit. pp.
89, Birkhäuser, Bâle, 2002
243
des
phénomènes
semble
légitimer
A-
l’accélération
VA
L
LE
E
Conclusion
N
EL
l’idée selon laquelle la réelle complexité ne réside
M
AR
plus dans les manifestations formelles des pensées,
mais dans la compréhension et l’appréhension de la
ES
A
diversité des problématiques qui construisent notre
IT
O
IR
réalité.
doit-on
Ainsi, passé un certain niveau de complexité,
se
poser
la
question
de
l’efficience
de
l’approche « cartésienne » et « traditionnelle » de
l’analyse des phénomènes architecturaux, qui procède
de la réduction de la complexité en générant des
composants élémentaires. Une autre approche semble
être aujourd’hui requise, fondée sur de nouvelles
représentations de la réalité et prenant en compte
l’instabilité, la fluctuation, le chaos, le désordre,
le flou, l’ouverture, la contradiction, l’ambiguïté,
le paradoxe.
Pour
rendre
compte
de
la
complexité,
l’analyse architecturale doit-elle se rapprocher de
l’appréhension systémique des phénomènes qui, elle,
repose sur l’existence concrète de nouveaux concepts:
vision
globale,
interaction,
système,
rétroaction,
évolution.
L’actualité
de
phénomènes
architecturaux
niveau
d’organisation,
régulation,
la
finalité,
compréhension
réside-t-elle
dans
des
la
dure obligation de son approche systémique ?
EC
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244
« Ce qui m’intéresse, c’est d’avoir une
oeuvre qui me paraisse intéressante dans son tout. »1
1
Donald Judd itw. par B.Glaser, « Questions to stella
and Judd », in Regards sur l’art américain des années 60, 1979
245
E
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1
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VA
L
Conclusion
246
1
Détournement du diagramme produit par VSBA pour une
conférence à Tokyo, en 1990, catalogue de l’exposition Venturi,
Scott Brown and associates, Plus Publishing Co., Seoul, 1992,
Extrait de Robert Venturi, Iconography and Electronics upon a
generic architecture, MIT Press, Cambridge, 1996, p.1
247
E
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L’ambiguïté n’est pas une orientation ni un résultzt.
Ce pourrait être une définition du projet réussi, un outil
d’appréciation architectural, où la subtilité d’une nouvelle
mise en relation d’éléments natifs met en avant la richesse
de significations aux dépens de la clarté de lecture. Une
profondeur devant laquelle le spectateur devient lecteur et
ne fait plus qu’éprouver, subir, mais s’approprie, découvre
et comprend. Une poésie que l’on retrouve dans les projets des
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plus grands comme dans certains édifices de l’ordinaire.
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