L`efficacité des mesures d`accompagnement sur le retour à l`emploi

Transcription

L`efficacité des mesures d`accompagnement sur le retour à l`emploi
L’efficacité des mesures
d’accompagnement sur le retour à l’emploi
1Denis
Fougère*
Thierry Kamionka*
Ana Prieto*
Dans cet article, nous réalisons une évaluation des effets sur le retour en emploi
du Plan d’Aide au Retour à l’Emploi (pare), mis en place le 1er juillet 2001. Dans
le cadre du pare, les chômeurs indemnisés se voient proposer différents types
d’accompagnement sous la forme d’un suivi individualisé. L’évaluation est réalisée
à partir de deux échantillons représentatifs des chômeurs indemnisés. Un échantillon issu du stock permet d’étudier les effets du pare sur des chômeurs de longue
durée. Un échantillon obtenu à partir du flux concerne les individus qui ont bénéficié des mesures de suivi dès leur entrée en chômage. Nos résultats montrent que
l’accompagnement a un effet positif et significatif sur le retour à l’emploi.
THE EFFECT OF JOB-SEARCH ASSISTANCE
ON THE REEMPLOYMENT RATE
We evaluate the impact on the unemployment duration of a French program
consisting in job-search assistance. Specifically, we provide an evaluation of the
2001 French unemployment reform where individual follow-up became systematic
and more frequent. Significantly larger amounts of job-search assistance services
were provided. We exploit two administrative databases collected by the French
unemployment agency. We use a sample extracted from the stock to study the
effect of the program on long-term unemployed workers. A sample in the flow is
used to evaluate the reform for newly unemployed workers. Our results show that
this new program has a positive and significant impact on return to employment.
Classification JEL : J64, J65, J68, C41
La convention d’assurance chômage du 1er janvier 2001, conclue pour une
durée de trois ans, a pris le relais de la convention du 1er janvier 1997. Les modifications apportées par cette convention sont nombreuses. Les plus emblématiques
sont la suppression de l’Allocation Unique Dégressive au bénéfice d’une allocation
sans paliers de dégressivité et la mise en place d’une politique d’accompagnement
* Cnrs et Crest. Correspondance : Crest, 15 boulevard Gabriel-Péri, 92245 Malakoff Cedex.
Courriels : [email protected] ; [email protected] ; [email protected]
Nous remercions Sylvie Blasco, Florent Fremigacci, Yannick L’Horty, Lionel Wilner, les
participants des conférences jma 2009 (Dijon) et afse 2009 (Nanterre) pour leurs remarques sur
des versions précédentes de ce travail. Nous remercions également l’Unédic, tout particulièrement
MM. Ernst, Blouard et Ducatez, pour l’accès aux données utilisées dans cet article et pour leurs
remarques et conseils. Les interprétations des résultats et erreurs éventuelles sont de notre seule
responsabilité.
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des demandeurs d’emploi au travers de l’instauration du Plan d’Aide au Retour à
l’Emploi (pare). En janvier 2006, le pare est devenu le ppae (Projet Personnalisé
d’Accès à l’Emploi), le principe de l’accompagnement mis en place au sein du
pare restant inchangé. À ce jour, le ppae est toujours en vigueur en France.
Il existe assez peu d’études sur l’impact des mesures d’accompagnement en
emploi et de ses effets sur la durée de chômage. Sur données françaises, nous
pouvons citer Crépon, Dejemeppe et Gurgand [2005] et Dormont, Fougère et
Prieto [2001]. En ce qui concerne les travaux sur d’autres marchés du travail, on
peut citer Van den Berg et Van der Klaauw [2006].
Dans cet article, nous proposons une évaluation du pare, dispositif mis en
place par les Assédic et l’Unédic, pour faciliter les démarches et le reclassement professionnel des chômeurs indemnisés. Dans ce cadre, les chômeurs se
voient proposer quatre types d’offres de services (ofs), qui vont de l’aide ponctuelle jusqu’au suivi renforcé. Le premier niveau d’ofs correspond au « libre
accès » que nous appellerons ofs1, le second niveau à l’« appui individualisé »
(ofs2), le troisième à l’« accompagnement renforcé » (ofs3), et le quatrième à
l’« accompagnement social » (ofs4).
Dans le cadre du « libre accès », les chômeurs sont peu encadrés, bien qu’ils
aient accès aux services usuels de l’anpe (offres d’emploi, documentation sur
les métiers et les formations, accès à des postes informatiques). Dans le cadre
de l’« appui individualisé » et de l’« accompagnement renforcé », les chômeurs
ont accès à une gamme de services très variés : bilans de compétences approfondis, aides à la définition d’un projet, évaluation des compétences et des
capacités professionnelles, ateliers pour rédiger un curriculum vitae, etc. Enfin,
l’« accompagnement social » concerne des chômeurs pour lesquels un accompagnement social, médical ou psychologique, est considéré comme un préalable
au retour à l’emploi. Pour plus de détails sur le contenu des ofs et sur la mise en
place du pare, le lecteur pourra consulter les travaux de Fougère, Kamionka et
Prieto [2008], Debauche et Jugnot [2005] et Boisard etal. [2005].
Nous examinons les effets de ce dispositif d’accompagnement sur le taux de
transition du chômage à l’emploi. Pour cela, nous analysons deux échantillons de
grande taille prélevés dans le Fichier national des allocataires (fna) de l’Unédic.
Le premier de ces fichiers a été extrait du stock des chômeurs indemnisés au
30 juin 2001. Ce fichier est particulièrement important pour notre étude, car il
nous permet d’observer le devenir des chômeurs qui ont connu le basculement
réglementaire de juillet 2001. Par ailleurs, ce fichier permet d’examiner les effets
des dispositifs sur le taux de retour à l’emploi des chômeurs de longue ou de très
longue durée. Le second fichier a été prélevé dans le flux d’individus entrés au
chômage indemnisé entre le 1er juillet 2001 et le 30 juin 2002. Il nous permet
d’observer, de manière précise, les effets de ces dispositifs dans la période de
leur mise en place, puis de leur montée en puissance.
LES DONNÉES
Dans un premier temps, nous avons sélectionné les individus présents
à compter du 30 juin 2001 dans le fichier historique au quarantième du fna
de l’Unédic. Ce fichier contient un échantillon aléatoire au quarantième de la
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DenisFougère,ThierryKamionka,AnaPrieto
population des chômeurs indemnisés. Nous avons complété ce fichier à l’aide
de bases de données contenant l’ensemble de l’information relative au nouveau
dispositif d’accompagnement.
À partir de ce fichier, nous avons pu constituer deux types d’échantillons.
Pour constituer l’échantillon dit de stock, nous avons sélectionné les épisodes
de chômage en cours au 30 juin 2001, alors que pour l’échantillon de flux, nous
avons retenu les épisodes de chômage ayant débuté après le 1er juillet 2001.
Deux épisodes de chômage séparés par une période d’emploi de plus de quatre
mois ont été considérés comme différents.
Nous ne conservons que les individus indemnisés sous le régime général.
Ce régime regroupe la majorité des chômeurs indemnisés. Les autres régimes
présentent des spécificités particulières, comme c’est le cas, par exemple, pour
le régime des intermittents du spectacle. De plus, nous avons exclu du champ
d’étude les individus dispensés de recherche d’emploi. Par ailleurs, les interruptions pour cause de formation ne sont pas comptabilisées dans le calcul de
la durée de chômage1. Enfin, il a été nécessaire de mettre en place un traitement
spécifique pour les individus en activité réduite. Nous avons considéré que les
individus, qui font de l’activité réduite pendant plus de quatre mois consécutifs
et qui ne sont pas indemnisés par le régime pendant cette période, ont retrouvé un
emploi. Les autres mois d’activité réduite sont traités comme des coupures dans
la recherche d’un emploi et sont considérés comme des périodes qualifiantes, de
même que les coupures pour cause de formation.
Chaque individu présent dans le stock des chômeurs au 30 juin 2001 peut
signer le pare2 ; il bascule alors de l’Allocation Unique Dégressive à l’allocation d’Aide au Retour à l’Emploi et peut bénéficier des offres de services. Les
individus présents dans l’échantillon prélevé sur le flux signent le pare à leur
inscription au chômage et ont également la possibilité d’accéder aux ofs. Dans
notre étude, nous ne considérons que la première ofs proposée à un chômeur.
Ainsi, en tout, nous disposons de 38 004 observations dans l’échantillon de stock
et de 44 552 observations dans l’échantillon de flux.
Dans le fichier de stock, seulement 55 % des chômeurs ont bénéficié au moins
d’une offre de service, contre 86 % dans l’échantillon de flux. La différence peut
s’expliquer par les délais de mise en place de la réforme. Ce sont les offres de
service de type 1 et 2 qui sont le plus représentées. Ainsi, les offres de service de
type 1 sont dispensées à 18 % des chômeurs de l’échantillon de stock et à 41 %
des chômeurs de l’échantillon de flux. Les ofs de type 2 concernent 27 % des
chômeurs de l’échantillon de stock et 37 % des chômeurs de l’échantillon de
flux. Les ofs de type 3 sont respectivement de 8 % pour le stock et de 7 % pour
le flux. Enfin, les ofs de type 4, très peu fréquentes (moins de 1 %), ne seront
pas prises en compte dans notre analyse.
1. Sur l’effet spécifique des formations offertes aux chômeurs sur leur probabilité de retour à
l’emploi, voir Crépon, Ferracci et Fougère [2007] ainsi que Blasco, Crépon et Kamionka [2008].
2. Sylvie Blasco [2008] a réalisé une analyse spécifique de la décision de basculement dans
le pare.
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L’ANALYSE DESCRIPTIVE
Une première analyse, extrêmement simple, consiste à comparer les probabilités de survie1, c’est-à-dire les probabilités de rester en chômage au-delà d’une
certaine durée, pour deux groupes de chômeurs :
1. Les chômeurs passés par une ofs de niveau 1, 2 ou 3 et ceux qui n’ont
bénéficié d’aucune ofs ;
2. Les chômeurs passés par une ofs d’un certain type et ceux n’ayant pas
bénéficié d’une ofs.
Pour un échantillon d’observations de durées supposées indépendantes
et identiquement distribuées, mais éventuellement incomplètes (c’est-à-dire
censurées à droite), un estimateur non paramétrique de la fonction de survie
est fourni par l’estimateur de Kaplan-Meier. Cet estimateur sera calculé pour
différents sous-échantillons et, en particulier, pour différents sous-groupes de
l’échantillon extrait du stock des chômeurs indemnisés au 30 juin 2001. Pour ces
sous-échantillons, la durée analysée est la duréerésiduelledechômage, définie
comme la durée totale de l’épisode de chômage diminuée de la durée écoulée
au 30 juin 2001. Dans chacun des cas, nous avons vérifié, à l’aide du test de
Wilcoxon, que les distributions représentées sont significativement différentes
(cf. Fougère, Kamionka et Prieto [2008]).
Si on examine la probabilité de survie en chômage des individus selon qu’ils
ont bénéficié ou non d’au moins une ofs, quelle que soit leur ancienneté en
chômage (cf. fig. 1), on constate que les fonctions de survie estimées des deux
groupes sont très significativement différentes. Les chômeurs passés par une ofs
restent plus longtemps en chômage ; 65 % d’entre eux sont encore en chômage
un an après, contre 55 % pour ceux qui n’ont pas obtenu d’ofs.
Figure 1.
Fonction de survie des individus passés ou non par une offre de service
(échantillon de stock)
1
0.9
Fonction de survie
0.8
Au moins une OFS
0.7
0.6
0.5
Pas d’OFS
0.4
0.3
0.2
0.1
0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
Mois
1. La méthodologie est présentée par exemple dans Fougère et Kamionka [2008].
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DenisFougère,ThierryKamionka,AnaPrieto
À première vue donc, le passage par une ofs aurait un effet négatif sur le taux
de sortie du chômage. Mais, et le reste de l’analyse le confirmera, cet effet apparent est principalement dû à un effet de sélection. Par exemple, si les services
de l’emploi proposent prioritairement aux chômeurs les moins employables
les offres d’aide et d’accompagnement, le fait qu’on les observe sortir moins
rapidement du chômage n’est pas l’effet de l’ofs, mais est imputable à leurs
caractéristiques. Pour s’en convaincre, considérons le sous-groupe des chômeurs
ayant déjà passé au moins dix-huit mois en chômage au 30 juin 2001. Ce groupe
est beaucoup plus homogène en termes de caractéristiques observables et non
observables.
Si l’on fait le même exercice sur ces deux sous-groupes, parmi ces chômeurs
de longue durée qui ont bénéficié d’une ofs, le résultat est sensiblement modifié.
Ceux ayant bénéficié d’une ofs sortent plus vite du chômage : 74 % d’entre eux
sont encore en chômage un an après le 30 juin 2001, alors que 82 % de ceux qui
n’ont reçu aucune ofs sont encore chômeurs au 30 juin 2002 (cf. fig. 2).
Figure 2. Fonction de survie des individus avec une ancienneté de chômage
supérieure à dix-huit mois, selon qu’ils ont bénéficié ou non d’une offre de service
(échantillon de stock)
1
Fonction de survie
0.95
0.9
0.85
Pas d’OFS
0.8
0.75
0.7
Au moins une OFS
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
Mois
Ce résultat est particulièrement important : le passage par une ofs a accéléré
le retour à l’emploi des chômeurs de longue durée encore en chômage au 30 juin
2001. Il est possible d’affiner ce résultat en considérant les différents niveaux
d’offre de service (ofs de niveaux 1, 2, et 3) et en comparant chacun de ces
sous-groupes au groupe de ceux qui n’ont bénéficié d’aucune ofs (cf. fig. 3 à 6).
Le résultat est chaque fois en faveur de l’accompagnement, que le niveau de
l’offre de service soit le « libre accès » (ofs1), l’« appui individualisé » (ofs2)
ou l’« appui renforcé » (ofs3).
Cette analyse ne peut pas être reproduite sur l’échantillon prélevé dans le flux
des individus entrés en chômage indemnisé après le mois de juillet 2001, car
nous ne disposons pas, pour ce second échantillon, d’une période d’observation
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suffisamment longue. Par définition, nous ne pouvons pas y observer de chômeurs
de longue durée. Le résultat obtenu grâce à l’échantillon de stock, et concernant
l’effet de l’accompagnement sur le retour à l’emploi des chômeurs de longue
durée, a donc une valeur remarquable.
Fonction de survie des individus passés par une offre de service
de type 1, 2 ou 3 (échantillon de stock)
Figure 3.
1
0.95
0.9
Fonction de survie
0.85
0.8
0.75
0.7
OFS3
OFS2
0.65
0.6
OFS1
0.55
0.5
Pas d’OFS
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 13
Mois
Figure 4. Fonction de survie des individus avec une ancienneté de chômage supérieure
à dix-huit mois, selon qu’ils ont bénéficié d’une offre de service de niveau 1
ou n’ont bénéficié d’aucune ofs (échantillon de stock)
1
Fonction de survie
0.95
0.9
0.85
Pas d’OFS
0.8
0.75
0.7
OFS1
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10 11
12 13
Mois
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DenisFougère,ThierryKamionka,AnaPrieto
Figure 5. Fonction de survie des individus avec une ancienneté de chômage supérieure
à dix-huit mois, selon qu’ils ont bénéficié d’une offre de service de niveau 2 ou n’ont
bénéficié d’aucune ofs (échantillon de stock)
1
Fonction de survie
0.95
0.9
0.85
Pas d’OFS
0.8
0.75
0.7
OFS2
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10 11
12 13
Mois
Figure 6. Fonction de survie des individus avec une ancienneté de chômage supérieure
à dix-huit mois, selon qu’ils ont bénéficié d’une offre de service de niveau 3
ou n’ont bénéficié d’aucune ofs (échantillon de stock)
1
Fonction de survie
0.95
0.9
0.85
Pas d’OFS
0.8
0.75
0.7
OFS3
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10 11
12 13
Mois
En ce qui concerne l’échantillon de flux, si l’on compare les individus ayant
obtenu une ofs à ceux n’en ayant pas obtenu, on retrouve le même résultat
que pour le stock. Les individus qui ont bénéficié des ofs sortent apparemment moins vite du chômage que ceux n’en ayant pas bénéficié (cf. Fougère,
Kamionka et Prieto [2008]). Là encore, il est possible de mettre ce résultat sur
le compte d’un effet de sélection, les individus ayant bénéficié des ofs présentant vraisemblablement des caractéristiques individuelles moins favorables à un
retour rapide en emploi.
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Revueéconomique
Ainsi, les résultats trouvés sur le stock et sur le flux posent la question d’une
endogénéité de l’accès aux offres de service. Les ofs ne semblent pas avoir été
proposées – ou demandées – de façon aléatoire aux chômeurs. Une spécification
plus générale est donc envisagée dans la section suivante.
LE MODèLE ÉCONOMÉTRIquE
Nous allons approfondir l’analyse statistique en « endogénéisant » les offres
de service. Le taux de sortie du chômage dépend alors de trois types de facteurs :
des caractéristiques observables, du passage par une offre de service, mais aussi
d’une composante d’hétérogénéité individuelle non observable corrélée avec le
besoin d’aide.
Formellement, ces hypothèses donnent lieu à la construction d’un modèle à
deux équations simultanées. La première équation est un Probit ordonné à quatre
modalités. Plus précisément, nous faisons l’hypothèse que le besoin d’aide du
chômeur i de l’échantillon s’écrit sous la forme d’une variable aléatoire Yi*
dont la valeur dépend linéairement de caractéristiques individuelles observables,
notées Xi (parmi lesquelles figurent l’âge, le sexe, la qualification), mais aussi
d’un facteur vi non observable par le statisticien, soit :
Yi* = Xi c + vi
(1)
où Zi est un vecteur de dimension ^1, K h et c est un vecteur inconnu, représentant
l’influence des variables Xi sur le niveau du besoin d’accompagnement. Nous
ferons les hypothèses suivantes :
1. vi est distribué selon une loi normale de moyenne 0 et de variance 1,
2. le niveau de l’offre de service proposé au chômeur est une fonction croissante
par seuils du besoin d’aide Yi* . Ce niveau, qui est noté Yi , est ainsi défini :
– Yi = 0 : aucune offre de service n’est faite au chômeur si Yi* < d1,
– Yi = 1 : le chômeur est orienté vers une offre de service de type « libre
accès » (ofs1) si Yi* est compris entre d1 et d2 _d2 > d1i,
– Yi = 2 : le chômeur est orienté vers une offre de service de type « appui
individualisé » (ofs2) si Yi* est compris entre d2 et d3 _d3 > d2i,
– Yi = 3 : le chômeur est orienté vers une offre de service de type « appui
renforcé » (ofs3) si Yi* est compris entre d3 et d4 _d4 > d3i .
Au total, l’offre de service faite au chômeur est une fonction Yi définie par :
Yi = k # 18dk < Yi* < dk + 1B, k = 0, f,3 ,
(2)
où, par convention, d0 = - 3 et d4 = + 3, et 16 . @ est une fonction indicatrice
qui vaut 1 si l’expression entre crochets est vraie, 0 sinon.
La seconde équation de notre modèle est le taux de sortie du chômage :
h `t Zi , Yi , pi j = ho ^ t h exp e Zi b +
/ lk 17 Yi = k A + pi o
3
k=1
(3)
qui est donc supposé être affecté par trois types de facteurs :
606
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DenisFougère,ThierryKamionka,AnaPrieto
1. Tout d’abord, le temps passé en chômage (noté t) influe sur le taux de sortie
du chômage par le biais d’une fonction de hasard de base ho ^ t h qui, dans notre
application, est supposée être de forme Burr1, soit :
ho ^ t h = ata - 1 61 + em ta @ , a > 0 ;
-1
2. Ensuite, les caractéristiques individuelles, certaines observables par l’analyste, notées Zi , et d’autres, non observables, synthétisées sous la forme d’une
variable aléatoire pi ; pi est supposée être corrélée aux variables aléatoires indépendantes vi et vli affectant le besoin d’aide par le biais d’une relation linéaire
simple :
(4)
pi = avi + vli
le scalaire a pouvant être négatif ou positif 2, vi et vli étant deux variables indépendantes et identiquement distribuées selon une loi N (0, 1) ;
3. Et enfin, de trois fonctions indicatrices 1 7 Yi = k A, k = 1, 2, 3, qui valent
1 ou 0 selon que le chômeur est passé ou non par une ofs de niveau k. Ces
trois fonctions indicatrices sont « endogènes » car engendrées par l’équation (1)
dont le résidu vi est corrélé à la composante pi affectant le taux de sortie du
chômage3.
b est un vecteur de paramètres caractérisant les effets des variables explicatives
observables regroupées dans le vecteur Zi . Les scalaires lk , k = 1, 2, 3, représentent les effets des passages par les offres de service de niveau k^k = 1, 2, 3h .
La fonction de hasard conditionnelle est strictement décroissante lorsque
0 < a < 1 et croissante puis décroissante si a > 1.
La loi conditionnelle de la durée de chômage est caractérisée par la fonction
de survie suivante :
S `t Zi , Yi , pi j = exp *- ln ^1 + em tah e- m exp > Zi b +
/ lk 17 Yi = k A + pi G4 .
3
k=1
(5)
Cette fonction de survie représente la probabilité pour que la durée de l’épisode de chômage soit supérieure à t (conditionnellement aux variables explicatives Zi et pi , et aux fonctions « endogènes » 1 7 Yi = k A, k = 1, 2, 3). La fonction
de densité conditionnelle de la durée de chômage est égale à :
f `t Zi , Yi , pi j = ata - 1 exp > Zi b +
/ lk 17 Yi = k A + pi G
3
k=1
# exp *- ln ^1 + em tah >e- m exp e Zi b +
/ lk 17 Yi = k A + pi o + 1H4 .
3
(6)
k=1
Si l’individu i est passé par une ofs de type k^k = 0, f, 3h, sa durée de
chômage ti est complète (non censurée à droite), sa contribution à la fonction de
vraisemblance de l’échantillon est :
li = ^ih
#A #-+33 h`ti
B ki
ki
Zi , Yi , pi j i S `ti Yi , Zi , pi j z _ vi i z _vli i dvi dvli
c
(7)
1. D’autres spécifications ont été essayées telles que la forme Weibull (cf. Fougère etal. [2008])
ou la Log-logistique. La spécification de type Burr est la plus générale.
2. Ce type de modèle à facteurs de charge a déjà été utilisé dans la littérature par Kamionka et
Lacroix [2008] et Fougère et Kamionka [2008].
3. La corrélation entre pi et le besoin d’aide yi* est égale à t = a 1 + a 2 .
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Revueéconomique
où ci vaut 1 si l’observation i n’est pas censurée (0, sinon) et l’expression de la
fonction de survie conditionnelle S `ti Zi , Yi , pi j est donnée par l’équation (5).
i est le vecteur des paramètres du modèle. Dans cette expression, z et U sont
respectivement les fonctions de densité et de répartition de la loi normale centrée
réduite N^0, 1h, l’expression de la densité conditionnelle f `ti Zi , Yi , pi j est
donnée par l’équation (6) et
A ki = dk - Xi c et B ki = dk + 1 - Xi c .
La fonction de vraisemblance correspondant à la contribution de type (7) est
estimée par la méthode du maximum de vraisemblance simulé1.
LES RÉSuLTATS D’ESTIMATION
Les estimations concernant l’équation d’accès à l’aide sont reportées dans le
tableau 1. Ce tableau montre que l’accès aux différents types d’offre de service
dépend de l’âge, de la qualification et du motif de licenciement. Ce sont les
jeunes, les cadres et professions intermédiaires, les licenciés pour motif économique qui ont accès de façon prioritaire à l’accompagnement.
Tableau 1.
Variable
Sexe
Homme
Femme
Âge
Entre 16 et 24 ans
Entre 25 et 34 ans
Entre 35 et 45 ans
46 ans et plus
Qualification
Cadre
Profession intermédiaire
Employé
Ouvrier
Valeurs manquantes
Motifd’entréeenchômage
Licenciement économique
Fin de CDD
Démission
Autre motif
Bornes
d1
d2
d3
Équation d’accès à l’aide (1re équation du modèle)
Paramètre estimé
Réf.
0.0709***
Écart type
0.0104
0.0918***
Réf.
0.0135***
– 0.0864***
0.0137
0.0937***
0.0761***
Réf.
0.0061***
– 0.0204***
0.0284
0.0328
– 0.3118***
– 0.0223***
– 0.0957***
0.0127
0.0309
0.0350
– 1.2123***
0.0090***
1.3660***
0.0163
0.0148
0.0166
0.0135
0.0154
0.0112
0.0246
1. On peut trouver des exemples d’application de cette méthode dans Kamionka [1998], Edon
et Kamionka [2008] et Fougère et Kamionka [2008].
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DenisFougère,ThierryKamionka,AnaPrieto
Table 2.
Taux de sortie du chômage (2e équation du modèle simultané)
Variable
Paramètre estimé
Écart type
1.3785***
– 7.8249***
– 8.4644***
0.0169
0.0835
0.2375
Réf.
– 0.2309***
0.0237
Réf.
– 0.3454***
– 0.6362***
– 1.0984***
0.0293
0.0337
0.0423
Réf.
0.2380***
0.7460***
1.3452***
0.1355
0.2594
0.3999
Paramètre a de la loi Burr
Paramètre m de la loi Burr
Constante
Sexe
Homme
Femme
Âge
Entre 16 et 24 ans
Entre 25 et 34 ans
Entre 35 et 45 ans
46 ans et plus
Niveaudel’ofs
Pas d’ofs
ofs1
ofs2
ofs3
Qualification
Cadre
Profession intermédiaire
Employé
Ouvrier
Valeurs manquantes
Motifd’entréeenchômage
Licenciement économique
Fin de Cdd
Démission
Autre motif
Situationmaritale
Célibataire
Marié
Nombred’enfants
Pas d’enfants
Au moins un enfant
Nationalité
Française
Autre nationalité
Départementderésidence
Paris
Melun – Seine-et-Marne
Versailles – Yvelines
Evry – Essonne
Nanterre – Hauts-de-Seine
Bobigny – Seine-Saint-Denis
Créteil – Val-de-Marne
Pontoise – Val-d’Oise
Marseille – Bouches-du-Rhône
Toulouse – Haute-Garonne
Lyon – Rhône
Nice – Alpes-Maritimes
Lille – Nord
Tous les autres
Facteur de charge
Effectif
Vraisemblance
– 0.1257***
0.0072***
Réf.
– 0.0649***
– 0.1821***
0.0627
0.0662
0.0243
0.0510
Réf.
0.6932***
0.1561***
0.7398***
0.0423
0.0601
0.0650
Réf.
– 0.0059***
0.0241
Réf.
– 0.0447***
0.0621
0.3000***
Réf.
0.0406
– 0.2507***
0.0714***
– 0.1893***
0.0488***
– 0.1371***
– 0.2703***
– 0.1109***
– 0.1593***
– 0.3813***
– 0.1390***
0.1023***
0.0267***
– 0.2570***
Réf.
– 0.7342***
0.0610
0.0807
0.0801
0.0813
0.0752
0.0694
0.0810
0.0830
0.0609
0.0755
0.0614
0.0762
0.0508
0.1135
44 552
– 150 842,83
*** désigne une significativité à 1 %, ** à 5 % et * à 10 %.
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609
Revueéconomique
Les estimations relatives au taux de sortie du chômage sont reportées dans le
tableau 2. Dans un premier temps, on remarquera que le taux de retour à l’emploi
est une fonction croissante puis décroissante de l’ancienneté en chômage ; en
effet, le coefficient a estimé est supérieur à 1. Par ailleurs, on note que le taux
de retour à l’emploi des femmes est significativement plus faible que celui des
hommes ; ce taux est décroissant avec l’âge. Les cadres présentent un taux de
retour à l’emploi moins élevé que les employés. En ce qui concerne le motif
d’entrée en chômage, on remarque principalement que le taux de retour à l’emploi
est plus élevé pour les chômeurs ayant connu une fin de Cdd que pour les licenciés économiques. La situation maritale et le nombre d’enfants n’affectent pas le
retour à l’emploi. En revanche, les individus de nationalité française présentent
un taux de retour à l’emploi supérieur à celui des étrangers. Enfin, le taux de
sortie du chômage varie en fonction du département de résidence.
Les résultats trouvés sont remarquables à plusieurs titres. En premier lieu,
il faut noter que l’hypothèse d’endogénéité des ofs est vérifiée. En effet, le
facteur de charge a est significativement différent de 0. De plus, son signe négatif
montre que les individus qui accèdent le plus aux offres de service sont aussi
ceux pour lesquels le taux de retour à l’emploi est apriori le plus faible. Par
ailleurs, la prise en compte de l’endogénéité du passage par une ofs modifie
l’effet estimé des ofs sur le taux de sortie du chômage. L’estimation du modèle
à deux équations montre que le passage par une ofs accroît le taux de retour
à l’emploi, toutes choses observables et non observables égales par ailleurs.
Le taux de retour à l’emploi est d’autant plus facilité que le niveau de l’ofs
augmente, c’est-à-dire que l’offre d’accompagnement est plus individualisée et
intensifiée. Ce résultat apparaît au travers des coefficients associés aux niveaux
des ofs dans l’équation du taux de sortie du chômage du tableau 2, coefficients
qui sont estimés être positifs et croissants avec le niveau de l’offre de service.
À notre connaissance, il existe seulement une autre étude sur l’évaluation
du pare, celle réalisée par Crépon, Dejemeppe et Gurgand [2005]. Leur base
de données provient du fichier historique de l’anpe qui contient également les
chômeurs non indemnisés, ce qui n’est pas notre cas. De plus, l’accompagnement
au sein du pare n’y est pas pris en compte de la même façon. En effet, ces auteurs
examinent directement l’effet des prestations du type « évaluations et bilans de
compétences approfondis » proposées au sein des ofs, alors que notre étude prend
en compte l’effet des offres de service dans leur globalité. Enfin, alors que leur base
de données ne contient que les nouveaux entrants dans le pare, notre échantillon
de stock nous permet d’observer le basculement d’un régime à l’autre et de suivre
les chômeurs de longue durée. Malgré ces différences, nos études s’accordent
pour mettre en évidence l’efficacité du pare sur le retour à l’emploi. Cependant,
les effets que nous mettons en évidence sont plus importants. Pour Crépon etal.
[2005], l’effet sur le retour à l’emploi est de faible amplitude, sauf dans le cas de
certaines prestations, où il est nettement favorable. Dans notre article, les effets
sont plus importants et, en particulier, pour les chômeurs de longue durée.
CONCLuSION
Dans cet article, nous avons étudié les effets de l’accompagnement dans le
cadre du Plan d’Aide au Retour à l’Emploi (pare) sur le taux de retour à l’emploi
après un épisode de chômage indemnisé. Dans la première partie de notre étude,
610
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DenisFougère,ThierryKamionka,AnaPrieto
nous avons mis en évidence l’impact agrégé du niveau de l’offre de service sur
la probabilité de retour à l’emploi. Cette probabilité est d’autant plus faible que
l’offre est plus intense. Pourtant, ceci ne doit pas conduire directement à conclure
que les mesures d’accompagnement ne produisent pas des effets bénéfiques en
terme de retour en emploi. En effet, elle est le résultat d’un effet de composition.
Nous avons tenu compte de ces phénomènes de sélection à l’entrée dans les offres
de service en examinant leurs impacts pour des individus dont l’ancienneté en
chômage est d’au moins dix-huit mois. Ces personnes représentent un groupe
plus homogène relativement aux caractéristiques individuelles observables et
non observables. Sur ces chômeurs de longue durée, on trouve que l’accès à une
offre de service a eu pour effet d’augmenter le retour à l’emploi.
Ayant pour objectif de mettre en évidence les effets des offres de service sur
le taux de retour à l’emploi, nous avons modélisé simultanément la décision de
participation à ces offres et le taux de reprise d’emploi. La spécification retenue
est telle que la décision de participation et la durée de chômage ne sont pas
indépendantes. À partir des estimations de ce modèle, nous avons montré la
présence et le sens du mécanisme de sélection ou d’auto-sélection à l’entrée dans
les offres de service. À caractéristiques données, les individus qui ont le plus
besoin de bénéficier des offres de service sont ceux qui, avant d’entrer dans ces
dispositifs d’insertion en emploi, ont des taux de retour en emploi relativement
plus faibles.
À partir de ce modèle à deux équations, nous mettons en évidence le fait que
le passage par une offre de service a pour effet d’augmenter, toutes choses étant
égales par ailleurs, le taux de retour à l’emploi. À partir de cette spécification,
nous trouvons que plus l’intensité de l’offre de service est forte et plus le taux de
retour en emploi est significativement important.
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