Lettre meNsueLLe socio

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Lettre meNsueLLe socio
Lettre
mensuelle
socio-économique
N°211
CCE Conseil Central de l’économie
NUMER0 211
SEMESTRE EUROPéEN
LE « Country Profile » de la Belgique
3
MARCHé DU TRAVAIL
Le salaire minimum en France
9
MOBILITé
Réduire les émissions de CO2 14
actualités
Conseil central de l’économie
19
• Comité d’accompagnement: Andy Assez, Emmanuel de Bethune, Kris Degroote, Luc Denayer,
Tasso Fachantidis, Michèle Pans, Michael Rusinek, Siska Vandecandelaere
• Rédaction: Tasso Fachantidis, Fanny Robette, Lieselot Smet
• Secrétariat de rédaction: Alain Cabaux
• Traduction: Bernadette Hamende
• Mise en page: Simonne Loison
• Site Web: www.ccecrb.fgov.be
• Éditeur responsable: Kris Degroote, Avenue de la Joyeuse Entrée 17-21, 1040 Bruxelles
Lettre Mensuelle Socio-économique >
page 3
CCE Conseil Central de l’économie
SEMESTRE EUROPéEN
Le « Country Profile » de la Belgique
Le «sixpack» européen de 2011 a mis en place une procédure concernant les déséquilibres
macroéconomiques (PDM). Il s’agit d’un système d’alerte rapide visant à détecter et à éviter tout
déséquilibre potentiel beaucoup plus tôt qu’auparavant. La Commission européenne contrôle,
annuellement, une série d’indicateurs économiques (par exemple les prix de l’immobilier, les coûts de
la main-d’œuvre ainsi que les exportations étrangères et intra UE) susceptibles d’avoir un effet sur la
compétitivité générale. Les déséquilibres peuvent notamment inclure les hausses de salaires qui ne
suivent pas celles de la productivité, ou une augmentation rapide du prix des logements qui ne cadre
pas avec les dépenses totales des ménages.
En effet, la crise de 2008 a mis en évidence l’ampleur des déséquilibres économiques existant
entre certains pays de l’Union européenne (UE), notamment sur le plan de la compétitivité et de la
productivité. Ces déséquilibres posent particulièrement problème lorsqu’ils concernent des pays de la
zone euro: dès lors que ces pays collaborent dans le cadre d’un système commun, cela signifie, par
exemple, qu’ils ne peuvent pas compenser temporairement une perte de compétitivité en ajustant les
taux de change pour dévaluer leur monnaie (les dévaluations de ce type sont généralement suivies
d’une période d’inflation, ce qui annule, à long terme, les effets d’une dévaluation compétitive). Plus
les déséquilibres économiques sont réduits entre les pays de l’UE, plus le bloc économique que forme
l’UE - et en particulier la zone euro - est fort. C’est la raison pour laquelle l’Union européenne a renforcé
sa surveillance des économies nationales, et surtout des pays de la zone euro.
En cas de déséquilibres excessifs, la Commission élabore des recommandations, que le Conseil des
ministres adresse ensuite au pays concerné afin de redresser la situation. Le gouvernement de ce
pays est alors tenu d’établir un plan de mesures correctives. En dernier recours, un certain nombre de
sanctions financières peuvent être infligées aux pays de la zone euro qui persistent à ne pas donner
suite aux recommandations, tandis que les fonds européens peuvent être suspendus pour les pays
situés en dehors de la zone euro.
Le 26 février dernier, la Commission européenne a publié une série de documents portant sur
l’examen approfondi par pays de leurs déséquilibres macroéconomiques. Lors de la présentation de
ces documents1, la Commission a voulu envoyer un « signal fort » aux États membres, les exhortant
à mettre en œuvre des réformes structurelles et à poursuivre l’assainissement de leurs finances
publiques. Cette position est conforme à l’approche décrite par le nouveau collège des commissaires en
novembre, qui est au cœur de l’examen annuel de la croissance de 2015 et consiste en un recentrage
sur l’investissement, les réformes structurelles et la responsabilité budgétaire.
1 Le paquet concernant la surveillance économique présenté fait suite à l’adoption, en novembre dernier, de l’examen annuel
de la croissance et établit les fondements de l’analyse qui conduira à l’adoption, en mai, de recommandations par pays
(RPP). C’est la première fois que la Commission présente ce paquet dans ce format et qu’elle publie des rapports par pays
aussi tôt dans le cycle du semestre. Auparavant, ces rapports, qui s’appelaient alors encore des documents de travail des
services de la Commission, étaient présentés en même temps que les recommandations par pays, au mois de mai ou de
juin. Seuls les bilans approfondis, qui sont désormais inclus dans les rapports par pays, étaient publiés en mars. Cette date
de publication avancée de trois mois donne plus de temps pour les discussions avec les parties prenantes et permet une
plus grande appropriation par les États membres.
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SEMESTRE EUROPéEN
Le « Country Profile » de la Belgique
Pour 3 des 16 pays dont elle avait considéré en novembre 2014 qu’ils présentaient des déséquilibres
macroéconomiques, il a été décidé de passer au stade suivant de la procédure. Ces trois pays sont :
la France (stade 5), l’Allemagne (stade 3) et la Bulgarie (stade 5). Pour 2 autres pays, le Portugal et
la Roumanie, la Commission a ouvert la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques,
tandis que, pour la Slovénie, elle a décidé d’en revenir au stade antérieur. Enfin, pour les 10 pays
restants, dont la Belgique, le statu quo a été maintenu.
STADE
CATéGORIES PDM
1
Pas de déséquilibre
2
Déséquilibres qui requièrent
l’adoption de mesures et une
surveillance
3
Déséquilibres qui requièrent
l’adoption de mesures décisives et
une surveillance
4
5
6
Déséquilibres qui requièrent
l’adoption de mesures décisives et
une surveillance particulière
Déséquilibres excessifs qui
requièrent l’adoption de mesures
décisives et une surveillance
particulière
(pour FR et HR une décision sera
prise en mai, après évaluation
du PNR et du PSC au sujet
de l’activation de la procédure
concernant les déséquilibres
excessifs)
Procèdure concernant les
déséquilibres excessifs
2014
2015*
-
-
BE, BG, DE, NL, FI, SE, UK
BE, NL, RO**, FI, SE, UK
HU
HU, DE
IE, ES, FR
IE, ES, SI
Synthèse des décisions
du 26 février 2015 pour la
procédure concernant les
déséquilibres macroéconomiques

HR, IT, SI
BG, FR, HR, IT, PT**
-
-
Remarques : * Les caractères gras indiquent un changement par rapport à 2014.
** En 2014, PT bénéficiait d’un programme d’assistance financière et RO d’un programme à titre de précaution.
En ce qui concerne les efforts budgétaires, la Commission recommande de ne pas enclencher la
procédure de déficit excessif pour la Belgique, l’Italie et la Finlande, bien que les efforts déployés par ces
pays ne permettent pas d’atteindre la valeur de référence concernant la dette. La raison en est que la
Commission tient compte des principaux facteurs pertinents comme prévu par l’article 126, paragraphe
3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
La Commission européenne recommande également qu’il soit accordé à la France jusqu’à 2017
pour corriger son déficit excessif. Cette recommandation prévoit des jalons stricts pour la trajectoire
d’ajustement budgétaire, dont le respect sera évalué à intervalles réguliers à compter du mois de mai
2015. L’objectif est de laisser à la France suffisamment de temps pour mettre en œuvre d’ambitieuses
réformes structurelles.
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Le « Country Profile » de la Belgique
PROCHAINES éTAPES
La Commission adresse ces recommandations au Conseil. Elles devraient être débattues lors de la
réunion du conseil des ministres de l’économie et des finances (ECOFIN) en mars 2015.
La Commission organisera en mars un nouveau cycle de réunions bilatérales avec les Etats membres
pour discuter des rapports par pays. D’ici à la mi-avril, les États membres doivent présenter leur
programme national de réforme (PNR) et leur programme de stabilité ou de convergence. En s’appuyant
sur toutes ces sources, la Commission présentera en mai un nouvel ensemble de recommandations par
pays pour 2015-2016, ciblant les priorités les plus urgentes à traiter.
LE COUNTRY PROFILE DE LA BELGIQUE
Les experts de la Commission européenne ont présenté le Rapport pour la Belgique (« Country profile »)
au Conseil central de l’économie et au Conseil national du travail, à l’occasion d’une réunion commune
le 11 mars 2015. Le Rapport évalue l’économie belge en se référant à l’examen annuel de la croissance
réalisé par la Commission, en novembre 2014. Celui-ci recommande précisément que la politique
économique et sociale de l’UE s’articule autour de trois piliers principaux en 2015: l’investissement,
les réformes structurelles et la responsabilité budgétaire. Conformément au plan d’investissement
pour l’Europe, il propose également des pistes pour maximiser les effets des ressources publiques et
débloquer les investissements privés.
Au niveau du diagnostic pour la Belgique, la Commission européenne observe que l’économie belge
s’est ressaisie en 2014, après des années de stagnation qui ont laissé leur empreinte. La Belgique est
entrée dans une phase de reprise lente, avec une croissance du PIB qui devrait s’accélérer et passer de
1 % en 2014 à 1,4 % en 2016, grâce aux investissements des entreprises et au commerce extérieur. Le
secteur privé renouant avec la création d’emplois, le taux de chômage devrait diminuer pour atteindre
8,1 % en 2016, après avoir enregistré l’année dernière un pic de 8,5 %, inégalé depuis dix ans. La
tendance à la hausse de la dette publique devrait marquer un arrêt et se stabiliser autour de 107 % du
PIB en 2016; cependant, la réduction de la dette est entravée par la faiblesse de la croissance et de
l’inflation. Cette dernière est retombée à près de zéro et devrait connaître une hausse progressive à
partir du second semestre de 2015.
Pour la Commission européenne, la Belgique enregistre des déséquilibres macro-économiques
qui requièrent l’adoption de mesures et une surveillance. L’évolution de la compétitivité externe
des biens continue de présenter des risques et mérite attention, car une nouvelle dégradation
menacerait la stabilité macroéconomique. De nouvelles mesures en faveur de la convergence
des paramètres de coûts ralentiraient la baisse de l’emploi dans les secteurs exportateurs, tandis
que des progrès tangibles vers une réduction de l’écart de coûts sans précédent pourraient être
confortés par un déplacement de la pression fiscale du travail vers d’autres sources. La dette
publique demeure élevée, mais plusieurs facteurs modèrent les risques macroéconomiques qui
lui sont associés.
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SEMESTRE EUROPéEN
Le « Country Profile » de la Belgique
Les principales conclusions de ce bilan approfondi contenu dans le rapport de la Commission sont les
suivantes:
Si la perte de compétitivité extérieure continue de représenter des risques macroéconomiques pour
l’économie belge, ces derniers ont néanmoins perdu de leur ampleur. Concernant les paramètres de
coûts, des mesures correctives ont commencé à réduire l’écart de compétitivité lié aux coûts de la maind’œuvre, même si des mesures supplémentaires seront nécessaires pour le supprimer totalement;
prévenir l’apparition de nouveaux écarts supposera une réforme du système de négociations salariales.
Les coûts des intrants énergétiques constituent eux aussi un désavantage concurrentiel, notamment
pour les grands utilisateurs industriels. Les marges d’amélioration sont considérables en ce qui concerne
les aspects de la compétitivité extérieure non liés aux coûts; les résultats de la Belgique en matière
d’innovation sont en effet perfectibles.
La dette publique reste élevée, mais plusieurs facteurs viennent atténuer les risques macroéconomiques
qui y sont associés. D’une part, la capacité réduite à absorber des chocs futurs est source de vulnérabilité.
Un passif non négligeable - quoique en recul - lié aux garanties fournies au secteur financier et une dette
détenue en grande partie dans le pays comportent d’importants risques de contagion. D’autre part, les
risques pour la viabilité à moyen terme semblent plus faciles à contrôler grâce à de faibles coûts de
financement, au retour à des excédents primaires et à une maturité moyenne relativement longue de
l’encours de la dette. La bonne santé financière des ménages belges est un facteur particulièrement
important à cet égard.
Les risques macroéconomiques découlant de l’interaction entre la dette des ménages, le secteur financier
et une éventuelle correction des prix de l’immobilier sont jugés modérés et devraient être gérables. La
solidité des bilans des ménages, la proportion élevée de propriétaires, la pénurie de logements, des
prix relativement abordables et les perspectives démographiques empêcheront vraisemblablement une
chute brutale des prix immobiliers. D’éventuels ajustements des prix à la baisse ou des pertes de
revenus ne devraient avoir que des répercussions limitées sur les banques, grâce à l’application de
normes saines en matière de prêts.
Le rapport analyse également d’autres aspects macroéconomiques et structurels et ses principales
conclusions sont les suivantes.
Les problèmes structurels qui caractérisent le marché du travail belge se traduisent par une sousutilisation chronique de la main-d’œuvre et un faible taux d’emploi global. Les faiblesses résident dans
la fiscalité du travail, les freins financiers à l’emploi, les performances insuffisantes du système éducatif
et l’inadéquation des qualifications, le mécanisme de fixation des salaires, la pénurie de main-d’œuvre
ainsi que dans les systèmes de sécurité sociale pour les personnes âgées. L’entrée sur le marché de
l’emploi des travailleurs jeunes comme des travailleurs âgés se heurte à des obstacles majeurs. Les
personnes issues de l’immigration se retrouvent dans une situation particulièrement précaire.
Pour la Commission, le système fiscal belge se caractérise par une charge globale importante et des
taux d’imposition relativement élevés associés à des bases d’imposition étroites. La charge fiscale pèse
plus lourdement sur le travail. Il en résulte des coûts de main-d’œuvre élevés, qui découragent la création
d’emplois, et des coins fiscaux importants conduisant à la pérennisation des trappes à chômage. Par
ailleurs, certains aspects du système fiscal sont préjudiciables à l’environnement.
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Le « Country Profile » de la Belgique
Elle estime aussi que la concurrence dans plusieurs secteurs de services clés reste faible. Cela rejaillit
sur l’économie au sens large étant donné l’importance de leur contribution. En outre, la situation précaire
en matière d’approvisionnement énergétique risque de durer en raison d’une capacité de production
nationale inadaptée, de la sortie progressive du nucléaire, de l’augmentation de la part de la production
intermittente et de la faible capacité d’importation disponible. Il semble encore largement possible
d’améliorer les infrastructures publiques en investissant davantage.
ÉVALUATION DE LA POLITIQUE DES AUTORITÉS PUBLIQUES
En réponse aux engagements pris par les autorités belges, notamment en novembre 2014, de mener
un certain nombre de réformes structurelles en application des recommandations de juillet 2014,
la Commission estime que dans l’ensemble, la Belgique a progressé dans la mise en œuvre des
recommandations de 2014 lui ayant été adressées. Des progrès significatifs ont été faits dans la réforme
du système de retraite: des mesures ont été prises afin de réduire l’écart entre l’âge effectif et l’âge légal
de départ à la retraite, une augmentation de ce dernier étant d’ailleurs prévue à plus long terme.
Certaines avancées allant dans le sens d’un rétablissement de la compétitivité ont été réalisées grâce à
l’adoption de mesures correctives destinées à réduire l’écart relatif de compétitivité en matière de coûts
de la main-d’œuvre, et les premiers pas ont été faits vers une réforme du système de fixation des salaires.
Des avancées sont aussi à signaler dans les réponses politiques aux problèmes d’emploi, lesquelles
visent à renforcer l’accès et la participation au marché du travail pour les populations désavantagées.
Dans le même temps, des progrès limités ont été enregistrés dans la mise en œuvre d’une réforme
fiscale globale visant à alléger la fiscalité du travail en reportant la charge fiscale sur des facteurs ayant
un effet de distorsion moindre sur la croissance. Les progrès sont également limités en ce qui concerne
le fonctionnement des marchés de détail et la dérégulation des services professionnels.
Concernant la recommandation de faire en sorte que les objectifs de réduction des gaz à effet de serre
soient atteints, les progrès sont jugés modestes en l’absence d’accord entre les différents gouvernements
du pays sur la répartition des efforts et des recettes des enchères. Enfin, les efforts engagés pour que
la contribution des transports soit en adéquation avec l’objectif de réduction de la congestion routière
ont eu des résultats limités.
LES DÉFIS STRATÉGIQUES DE LA BELGIQUE
Le rapport met en évidence des défis de nature stratégique ressortant de l’analyse :
Des efforts soutenus d’assainissement sont indispensables pour réduire les risques liés à l’endettement
public. Afin de neutraliser les incidences budgétaires du vieillissement de la population, une mise en
œuvre rapide des réformes prévues en matière de retraites ainsi que d’autres réformes destinées à faire
décoller la croissance est un préalable incontournable pour le succès de la stratégie d’assainissement.
La poursuite de réformes fiscales visant notamment à rééquilibrer le système fiscal et moins taxer le
facteur «travail» contribuerait à résorber le déséquilibre en matière de compétitivité. Parmi les types de
taxation envisageables figurent les taxes environnementales et les taxes à la consommation, des taxes
sur certains types de revenus financiers et des taxes récurrentes sur la propriété immobilière. En outre,
des efforts visant à mettre la fixation des salaires plus en phase avec le cycle économique et l’évolution
de la productivité auraient un effet bénéfique sur la création d’emplois.
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SEMESTRE EUROPéEN
Le « Country Profile » de la Belgique
De meilleures performances en matière d’innovation et de valorisation de la R&D pourraient améliorer
les aspects de la compétitivité non liés aux coûts. La réduction de la bureaucratie et des obstacles
administratifs ainsi que la lutte contre les rigidités pesant sur le marché des produits et des services
et le marché du travail y contribueraient également. Cela créerait aussi un climat plus favorable aux
investissements.
Les efforts pour augmenter l’emploi pourraient être soutenus par des mesures visant à prévenir le
décrochage scolaire et à réduire les inégalités observées dans les résultats du système éducatif.
Compte tenu de la faible participation des jeunes et des personnes issues de l’immigration au marché
du travail, l’offre en temps utile de parcours d’activation adaptés demeure essentielle. Des politiques
encourageant le prolongement de la vie active et stimulant la demande de personnel âgé conforteraient
les mesures destinées à limiter les possibilités de départ anticipé à la retraite.
L’élimination des goulets d’étranglement dans les infrastructures et l’amélioration de la qualité et de
l’adéquation du stock de capital renforceraient les performances économiques globales. Il convient
d’accorder une attention particulière aux transports et à la continuité de l’approvisionnement énergétique
en renforçant l’interconnexion des réseaux et la capacité de production nationale.
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MARCHé DU TRAVAIL
Le salaire minimum en France
Le Rapport technique du Secrétariat du Conseil central de l’économie, analyse l’évolution du salaire
minimum français1 dans la partie « évolution des salaires dans les pays de référence ». En effet,
l’évolution du Smic est considérée comme un élément essentiel dans le cadre des mécanismes de
formation des salaires en France. Dans ce cadre, le secrétariat réalise le suivi des études traitant de
ce sujet.
Avant de s’attacher à la présentation des résultats de la dernière étude réalisée par l’INSEE2
qui porte sur des données relatives à l’ensemble de l’économie et allant de 1970 à 2009, l’article
explique les particularités du Smic par rapport aux législations relatives au salaire minimum en Europe
et décrit ensuite, de manière plus détaillée, le fonctionnement du Smic et de ses adaptations. Enfin,
une présentation de l’étude et de ses résultats permet de différencier l’impact des revalorisations
du Smic sur le salaire moyen en fonction de la composante du Smic qui est à l’origine de la
revalorisation (inflation/pouvoir d’achat du salaire horaire de base des ouvriers/coup de pouce)3.
LE SALAIRE MINIMUM EN FRANCE ET AILLEURS
Une forme ou l’autre de salaire minimum existe dans 90% des pays à travers le monde. Celui-ci peut
prendre différentes formes : il peut être légal ou négocié, unique au niveau national ou différent selon
la branche. A l’heure actuelle, 22 des 28 états membres de l’Union européenne disposent d’un salaire
minimum généralisé. La majorité de ces pays connaissent un système de salaire minimum national
légal. C’est, entre autres, le cas de nos voisins : la France, les Pays-Bas, le Luxembourg. En Belgique,
tout comme en Grèce, et, depuis le 1er janvier 2015, en Allemagne, il existe un salaire minimum national
négocié collectivement. Dans d’autres pays encore, comme en Finlande, en Autriche, en Italie ou au
Danemark, il n’existe pas de salaire minimum national légal mais, souvent, il arrive que les accords
sectoriels soient applicables erga omnes et constituent un minimum défini au niveau sectoriel (Rycx et
Kampelmann, 2012).
Le présent article concerne le cas particulier de la France. En effet, il existe là-bas un salaire minimum
horaire brut légal en-dessous duquel aucun salarié ne peut être rémunéré (le Smic pour salaire minimum
interprofessionnel de croissance) et qui touche une proportion importante (plus de 10%) des salariés
français. Depuis janvier 2015, il s’élève à 9,61 euros bruts de l’heure (soit un salaire mensuel brut de
1 457,52 euros sur la base de la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires), soit un peu plus
de 60% du salaire médian. Le Smic a été créé par la loi de décembre 1969 dans le but de jouer un rôle
de plancher dont les revalorisations éviteraient un élargissement des inégalités salariales (Ministère de
l’emploi, du travail, de la formation professionnelle et du dialogue social, 2013).
1 Le Smic pour “salaire minimum interprofessionnel de croissance ».
2 « Les effets des hausses du Smic sur le salaire moyen » (Cette, Chouard et Verdugo, 2011).
3 Notons que l’étude a été réalisée avant 2014, ce qui signifie que les critères de revalorisation du Smic sont légèrement
différents de ceux qui sont d’application aujourd’hui : pour l’inflation, le Smic était revalorisé sur base de l’IPC hors tabac
et seul le salaire horaire de base des ouvriers était considéré (pas les employés) pour la revalorisation relative au pouvoir
d’achat.
page 10 > Lettre Mensuelle Socio-économique
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MARCHé DU TRAVAIL
Le salaire minimum en France
Actuellement, le Smic a trois sources d’augmentation4 (INSEE, 2013) :
- Il est revalorisé annuellement (au premier janvier), en fonction l’évolution de l’indice
mensuel des prix à la consommation (IPC) hors tabac pour les ménages du premier quintile
de la distribution des niveaux de vie5. Cette revalorisation est augmentée de la moitié
de la croissance du pouvoir d’achat du salaire horaire moyen des ouvriers et employés6.
- En outre, si, en cours d’année, l’IPC a augmenté d’au moins 2%, le Smic est immédiatement
revalorisé (donc, il se peut qu’il soit revalorisé à la fois en décembre, en cas de dépassement du
seuil d’augmentation de l’IPC, et également en janvier, conséquence de la revalorisation annuelle;
c’est ce qui s’est produit en décembre 2011 et janvier 2012).
- Une troisième source d’augmentation du Smic est un « coup de pouce » (CP) décidé par le
gouvernement. A titre d’exemple, le dernier « coup de pouce » au Smic accordé par le gouvernement
a eu lieu en juillet 2012 (+2%). Celui-ci constituait en fait un à-valoir au titre de l’inflation constatée
au premier semestre (+1,4%) et d’un coup de pouce de +0,6%.
OBSERVATIONS : ÉVOLUTION DU SMIC DE 1970 À 2010 ET DISPERSION DES SALAIRES

CP
SHBO
IPC
Source : CETTE, Gilbert, Valérie CHOUARD et Grégory VERDUGO (2011), « Les effets des hausses du Smic sur le
salaire moyen « dans Economie et statistique n° 448-449, pp. 3-28
4 Le fonctionnement de celles-ci a été revu au premier janvier 2014 5 Avant 2014, la mesure de l’inflation servant à la revalorisation du Smic était l’IPC hors tabacs. Le nouvel indice, davantage ciblé sur les salariés à faible revenu, permet de mieux prendre en compte le poids des dépenses contraintes (loyer,
énergie notamment) qui pèsent sur ces ménages.
6 Et non plus des seuls ouvriers, comme c’était le cas avant 2014.
Augmentations nominales
annuelles moyennes du
Smic selon les 3 composantes
de revalorisation sur la
période 1970-2010
Lettre Mensuelle Socio-économique > page
11
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MARCHé DU TRAVAIL
Le salaire minimum en France
Lors de la réalisation de l’article, les règles de revalorisation du Smic étaient les suivantes7: une
indexation sur les prix, une indexation sur la moitié des gains de pouvoir d’achat du salaire horaire de
base des ouvriers (SHBO) et les coups de pouce. L’analyse reste toutefois pertinente à l’heure actuelle
étant donné que les principes généraux de revalorisation du Smic sont restés similaires. Le graphique
ci-avant illustre l’importance de ces composantes dans les revalorisations du Smic entre 1970 et 2010.
Comme le montre le graphique ci-dessus, en moyenne sur la période étudiée, le Smic a augmenté, en
nominal, de 7,2% par an (premier bâtonnet): 4,6% sont attribuables à l’indexation sur les prix, 1% à
l’indexation sur la moitié des gains du pouvoir d’achat du salaire horaire de base des ouvriers (SHBO)
et 1,5% aux coups de pouce (CP). Les quatre derniers bâtonnets montrent la tendance de la dernière
décennie : une évolution annuelle du Smic qui va en ralentissant et une contribution de l’indexation sur
les prix qui est de plus en plus faible, compte tenu du fort ralentissement de l’augmentation des prix
observé sur l’ensemble de la période.
En outre, l’étude montre que, en moyenne sur la période étudiée (1970-2010), le Smic a été plus
dynamique que le salaire moyen (son pouvoir d’achat ayant davantage progressé que celui de deux
mesures du salaire moyen). En d’autres termes, cela signifie que, mis à part les derniers centiles les
plus élevés de la distribution des salaires, on assiste à un « resserrement de la dispersion des salaires
qui s’explique par une progression du Smic plus rapide que celle du salaire moyen ». En effet, l’étude
montre que les ratios entre le salaire du 9ème décile8 et celui du premier décile (directement impacté
par le Smic) et entre le salaire du 5ème décile et celui 1er décile ont diminué, passant respectivement
de plus de 4 et d’environ 2 en 1966 à environ 3 et 1,5 en 2008. En d’autres termes, l’écart entre le Smic
et le reste des salaires a diminué sur la période (à l’exception des derniers centiles). Les salaires les
plus élevés (le dernier centile) ont, eux, augmenté plus rapidement que ceux du reste de la distribution,
en particulier depuis la seconde moitié des années nonante. En conséquence, la part des salaires dans
la valeur ajoutée étant restée plus ou moins stable depuis la fin des années 80’, la part captée par le
premier décile et le dernier centile le plus élevé a augmenté et la part des déciles restants (le milieu de
la distribution) a diminué. En d’autres termes, on assiste à un resserrement de la dispersion salariale
entre les plus pauvres et le milieu de la distribution et à un accroissement de la dispersion salariale entre
les très riches et le reste de la distribution.
LE SMIC, UN ÉLÉMENT IMPORTANT DANS L’ANALYSE DE L’ÉVOLUTION DES SALAIRES ?
Dans l’article « les effets des hausses du Smic sur le salaire moyen », les auteurs tentent de mettre en
lumière les effets des revalorisations du Smic sur le salaire moyen défini par les concepts de salaire
horaire de base des ouvriers et de salaire moyen par tête, au travers de régressions linéaires d’équations
de salaires.
7 Bien que les règles de revalorisation du Smic étaient différentes lors de la rédaction de l’article, l’analyse reste pertinente
dans le cadre actuel.
8 Si on ordonne une distribution de salaires, de revenus, de chiffre d’affaires..., les déciles sont les valeurs qui partagent
cette distribution en dix parties égales.
Ainsi, pour une distribution de salaires :
- le premier décile (noté généralement D1) est le salaire au-dessous duquel se situent 10 % des salaires ;
- le neuvième décile (noté généralement D9) est le salaire au-dessous duquel se situent 90 % des salaires.
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MARCHé DU TRAVAIL
Le salaire minimum en France
Les deux concepts du salaire moyen utilisés dans l’étude sont définis comme suit :
- Le salaire horaire de base des ouvriers ou SHBO : mesuré par la Dares à partir de l’enquête
trimestrielle sur l’activité et les conditions d’emploi de la main d’œuvre (ACEMO). Cet indicateur ne
comprend ni les primes (sauf, le cas échéant, la prime liée à la réduction du temps de travail), ni
les heures supplémentaires. Il s’agit d’un salaire brut de base mesuré à structure de qualification
constante.
- Le salaire moyen par tête ou SMPT : est calculé en rapportant la masse salariale brute (D11) à
l’effectif salarié en moyenne annuelle. C’est un concept qui intègre toutes les composantes de la
rémunération salariale, et en particulier les primes et majorations liées aux heures supplémentaires.
Les données trimestrielles ici mobilisées concernant l’évolution du SMPT viennent des comptes
nationaux élaborés par l’INSEE.
ANALYSE
Le cœur de l’article présenté ici est la spécification des équations des salaire permettant de mesurer
l’effet d’une revalorisation du Smic sur le SHBO ou le SMPT9 à travers différentes régression linéaires.
Dans un premier temps, les auteurs ne prennent en compte que le niveau et la variations du taux de
chômage, la productivité, la durée du travail, et l’IPC comme variables explicatives du salaire moyen. A
court terme, les variations de prix se répercutent davantage sur le SHBO que sur le SMPT. En effet, le
SMPT inclut des éléments de rémunération (primes diverses) moins directement indexés que le salaire
de base.
Dans un second temps, les auteurs ajoutent aux variables explicatives du salaire moyen l’impact des
variations (présentes et passées) du Smic: il en ressort que les variations du Smic se répercutent
davantage sur le SHBO que sur le SMPT. En outre, les élasticités sont plus élevées à long terme (aux
alentours de 0,3 tant pour le SHBO que le SMPT), ce qui indique que les effets des variations du Smic
sur le salaire moyen prennent du temps pour se réaliser. Le coefficient lié à l’IPC, quant à lui, diminue
par rapport à la première régression, ce qui signifie que les variations de prix se répercutent sur le
salaire moyen par le biais des variations du Smic.
Dans un dernier temps, l’étude présente un modèle qui décompose les effets des revalorisations du
Smic en fonction de la composante à la base de la revalorisation : l’indexation sur les prix, l’indexation
sur la moitié du pouvoir d’achat du SHBO et les coups de pouce. Les effets d’une revalorisation diffèrent
sensiblement entre les trois composantes.
- Lorsque la mesure du salaire moyen est le SHBO : les élasticités de court et de long terme de la
composante « croissance du pouvoir d’achat du SHBO » sont respectivement de 0 et 0,65 contre 0,19
et 0,35 pour la composante « inflation » et 0,11 et 0,23 pour la composante « coups de pouce ».
- Lorsque la mesure du salaire moyen est le SMPT : les élasticités de court et de long terme sont
respectivement de 0,07 et 0,30 pour la composante « inflation », de 0,01 et 0,14 pour la composante
« croissance du pouvoir d’achat du SHBO » et de 0,08 et 0,28 pour la composante « coups de
pouce ».
9 On ne revient pas ici sur les spécifications techniques des modèles, le lecteur intéressé pourra les trouver dans l’article
original.
Lettre Mensuelle Socio-économique > page
13
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MARCHé DU TRAVAIL
Le salaire minimum en France
Si l’on ajoute les effets directs des variations des prix sur le salaire moyen aux effets indirects transitant
via la composante prix des variations du Smic, l’indexation du salaire moyen sur les prix parait au total
élevée et dépasse 70 % à long terme (l’élasticité totale correspondante est, à court et à long terme,
respectivement de 0,52 et 0,82 pour le SHBO et 0,22 et 0,74 pour le SMPT). Un test appliqué sur cette
indexation confirme qu’elle est quasi-totale à long terme.
En conclusion, l’impact d’une revalorisation du Smic due à l’indexation sur le pouvoir d’achat du SHBO a
peu d’impact sur le SMPT mais un impact très important à long terme sur le SHBO. On remarque ici une
certaine circularité : le Smic est revalorisé annuellement sur base de la moitié des gains du SHBO, ce
dernier étant lui-même fortement influencé par les revalorisations du Smic provenant de l’indexation sur
le pouvoir d’achat du SHBO. Des fluctuations importantes de l’inflation peuvent donc être un élément de
fragilisation de la compétitivité française : une augmentation de l’inflation entraine une revalorisation du
Smic, entrainant elle-même une augmentation du SHBO et donc à nouveau du Smic.
CONCLUSIONS
L’étude confirme que l’analyse des mouvements du Smic et de l’inflation, dans le Rapport technique,
peuvent apporter des informations quant à l’évolution future des salaires en France.
Premièrement, parce que, selon les analyses effectuées par les auteurs, une revalorisation du Smic de
1%, due à l’inflation, a, en moyenne et sur le long terme, un impact d’environ 0,3% sur le salaire moyen,
soit un impact non-négligeable sur l’ensemble de la structure des revenus mais avec retard. Dès lors les
évolutions passées du SMIC nous informent quant aux évolutions futures du salaire moyen.
Deuxièmement, les auteurs mettent en avant une indexation quasi-généralisée sur le long terme
qui provient à la fois de l’effet des prix sur le Smic, lui-même se répercutant sur le salaire moyen, et
également des effets directs des prix sur les salaires. Au total (effet direct des prix sur les salaires plus
effet des prix sur le Smic), l’indexation serait de plus de 70%.
BibLiographie
CETTE, Gilbert, Valérie CHOUARD et Grégory VERDUGO (2011), « Les effets des hausses
du Smic sur le salaire moyen » dans Economie et statistique n°448-449, pp. 3-28
INSEE (2013), Salaire minimum de croissance/SMIC, site Internet MINISTERE DE L’EMPLOI, DU TRAVAIL, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET
DU DIALOGUE SOCIAL (2014), Revalorisation du Smic au 1er janvier 2015, site Internet RYCX, François et Stephan KAMPELMANN (2012), Who earns minimum wages in Europe?
New evidence based on household surveys, Etui, Report 124, 64 p.
page 14 > Lettre Mensuelle Socio-économique
CCE Conseil Central de l’économie
MOBILITé
Réduire les émissions de CO2
Notre pays connaît des problèmes de mobilité épineux dont le plus visible est la congestion de
l’infrastructure routière vers les grandes villes et autour de celles-ci. La grande part du trafic automobile
dans le nombre total de déplacements n’est pas dénuée de conséquences pour l’économie, le
fonctionnement du marché du travail, la santé publique et l’environnement. Une part considérable des
émissions de CO2 produites par la circulation routière provient du trafic automobile. En vue de réduire
les émissions de CO2 produites par le trafic routier, les autorités optent souvent pour une subvention
à l’achat de véhicules économes en énergie ou une taxe à l’achat de véhicules à forte consommation.
Quelle est l’option politique la plus efficace si l’on entend réduire les émissions de CO2 : une taxe
à l’achat ou une taxe sur les carburants ? Cette question occupe une place centrale dans l’étude1
“Consumer Valuation of Fuel Costs and the Effectiveness of Tax Policy : Evidence from the European
Car Market”, dont les principaux résultats sont résumés dans l’article ci-dessous.
ARGUMENTs en faveur d’une taxe À L’achat
Les arguments soulignés par les chercheurs et qui plaident en faveur d’une taxe à l’achat sont
la sous-estimation des dépenses futures de carburant lors de l’achat d’une voiture ainsi que leur impact
sur la consommation moyenne du parc de véhicules.
Il ressort de leur étude qu’à l’achat d’une nouvelle voiture, les consommateurs ne prennent pas
suffisamment en compte - seulement à hauteur de 87% selon l’étude - la valeur actuelle nette des
coûts futurs de carburant. Autrement dit, pour une économie d’un euro sur les coûts futurs actualisés de
carburant, les consommateurs ne sont prêts à payer que 0,87 euro sous la forme d’un prix d’achat plus
élevé. C’est la raison pour laquelle une taxe sur le prix d’achat d’une voiture forme un meilleur incitant
à acheter un véhicule économe en énergie. Une taxe sur les carburants ne pourrait avoir le même effet
que si les consommateurs prennent suffisamment en compte leurs dépenses futures de carburant.
Les chercheurs sont parvenus à ce constat après avoir analysé dans quelle mesure les consommateurs
prennent en compte les dépenses futures de carburant dans le prix d’achat d’un véhicule. Sur la base
d’une banque de données des ventes automobiles par modèle de voiture dans sept pays européens (à
savoir la Belgique, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, les Pays-Bas et l’Espagne) et sur
une période observée de 1999 à 2011 inclus, une analyse a été réalisée des fluctuations de la demande
de différents modèles de voitures résultant des variations des prix de l’essence et du diesel à travers le
temps et entre les pays cités. Cette analyse a démontré que les consommateurs sont moins sensibles
aux dépenses futures de carburant qu’au prix d’achat initial du véhicule.
Le tableau ci-après reflète les différences entre les véhicules diesel et essence s’agissant de la part de
marché, de la consommation, du prix d’achat et du prix du carburant. Il en ressort que les véhicules à
moteur diesel sont en moyenne 30% plus chers que les véhicules à moteur à essence. En revanche, la
consommation de carburant des moteurs diesel est de 20% inférieure à celles des moteurs à essence.
1 Cette étude est disponible à l’adresse suivante : http://www.economics.mcmaster.ca/documents/people/grigolon/
copy_of_grigolon/consumer-valuation-of-fuel-costs-and-the-effectiveness-of-tax-policy-evidence-from-the-european-carmarket-with-m-reynaert-and-f-verboven
Lettre Mensuelle Socio-économique > page
15
CCE Conseil Central de l’économie
MOBILITé
Réduire les émissions de CO2
De plus, le diesel coûte environ 20% moins cher que l’essence2. À l’achat d’une nouvelle voiture, les
consommateurs devront donc peser le pour et le contre entre, d’une part, un prix d’achat plus élevé et
des futures dépenses de carburant inférieures et, d’autre part, un prix d’achat moins élevé et des frais de
consommation futurs plus élevés. Cette pondération différera selon le type de véhicule, l’année, le pays
et la sensibilité du consommateur aux dépenses futures de carburant. Par conséquent, les véhicules
diesel et à essence auront des parts de marché différentes selon l’estimation des consommateurs des
futurs coûts de carburant.
1998
Différences entre les
moteurs diesel et à
essence

Part de marché
Litres carburant par 100 km
Prix d’achat/revenu
Prix du carburant (€ par litre)
Essence
0,68
7,4
0,7
1,0
Diesel
0,32
6,2
0,9
0,8
2011
Essence
Diesel
0,42
0,58
5,7
4,8
0,6
0,9
1,2
1,1
Source : Leuven Economische Standpunten 2015/145, p. 2
RÉduction de la consommation moyenne du parc de vÉhicules
Une taxe à l’achat est 20% plus efficace pour réduire la consommation moyenne du parc de véhicules
qu’une taxe sur les carburants. Ce phénomène s’explique par le fait que les consommateurs sousestiment les futurs coûts escomptés de carburant lorsqu’ils achètent une voiture (cf. plus haut).
Les chercheurs sont parvenus à ce résultat au terme d’une analyse de l’impact qu’exercent les taxes à
l’achat et sur les carburants sur la consommation de la flotte automobile. En guise de comparaison, les
chercheurs ont choisi une taxe sur les carburants de 0,5 euro par litre et une taxe à l’achat équivalente
qui fournirait les mêmes recettes aux autorités. Concrètement, il s’agit d’une taxe de 3 835 euros à
l’achat d’un véhicule qui consomme 5 litres de carburant/100km et de 7 670 euros pour un véhicule qui
consomme 10 litres de carburant/100km.
L’on peut déduire de cette analyse d’impact, pondérée selon les ventes par modèle de voiture :
- qu’une augmentation de la taxe sur les carburants d’un demi-euro par litre entraîne une baisse de la
consommation moyenne de la flotte automobile de 1,3% ;
- qu’une hausse équivalente de la taxe à l’achat par litre/100km diminue la consommation moyenne
de la flotte automobile de 1,6%.
2 Il s’agit d’une moyenne européenne qui cache des différences intéressantes entre les pays. Au Royaume-Uni p. ex., le
diesel et l’essence sont vendus à des prix similaires. En Belgique, en France et aux Pays-Bas en revanche, la différence
est grande.
page 16 > Lettre Mensuelle Socio-économique
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MOBILITé
Réduire les émissions de CO2
Argument en faveur d’une taxe sur les carburants : rÉduction des Émissions DE CO2
La réduction de la consommation moyenne du parc de véhicules n’est toutefois pas un but en soi. Il est
plus important de se tourner vers la baisse de la quantité totale de carburant acheté3, déterminante pour
les émissions de CO2.
Une taxe à l’achat visant à réduire la quantité totale de carburant acheté est-elle plus efficace qu’une
taxe sur les carburants ? Selon les chercheurs, la réponse est non. Bien qu’une taxe à l’achat contribue
plus fortement à la réduction de la consommation moyenne de la flotte automobile, elle est moins
efficace pour diminuer la quantité totale de carburant acheté. Une hausse de la taxe à l’achat par
litre/100km diminue le carburant acheté de 1,6%, tandis qu’une hausse de la taxe sur les carburants
d’un demi-euro par litre a un impact plus grand, à savoir de 1,8%. En d’autres termes, une taxe sur
les carburants est 12% plus efficace qu’une taxe à l’achat si l’on entend réduire la quantité totale de
carburant et les émissions totales de CO2 produites par le trafic automobile. Ceci s’explique par le fait
que les taxes sur les carburants incitent les bons chauffeurs à acheter des voitures plus économes, à
savoir ceux qui parcourent de grandes distances.
Taxes discriminatoires sur les carburants
Il ressort de l’étude qu’une accise unilatérale sur le diesel rapporte plus d’argent aux autorités
qu’une accise unilatérale sur l’essence. Elle induit en outre également une baisse plus prononcée
des émissions de CO2 malgré la hausse de la consommation totale de carburant qu’elle engendre.
De plus, le découragement à acheter des voitures diesel entraîne aussi d’autres effets favorables à
l’environnement comme la diminution des fines particules et de l’oxyde d’azote dans l’air.
Les chercheurs sont parvenus à ce constat au terme d’une analyse des conséquences d’une hausse
de l’accise de € 0,20 sur la part de marché de nouvelles voitures diesel, la quantité totale de carburant
acheté, les émissions de CO2 et les recettes fiscales. Le tableau ci-dessous présente les résultats de
cette analyse.
Part de marché Consommation totale carburant émissions Recettes
diesel
toutes les voitures
voitures essence
voitures totales de
diesel
CO2
fiscales
5,60%
-0,20%
8,60%
Accise sur l'essence
4,00%
-0,90%
-15,30%
Accise sur le diesel
-3,70%
0,40%
14,20%
-5,90%
-0,30%
30,20%
Accise sur les deux
0,90%
-0,70%
-3,20%
0,50%
-0,60%
41,90%
Source : Leuven Economische Standpunten 2015/145, p. 5
Nous pouvons déduire du tableau qu’une augmentation de l’accise unilatérale de € 0,20 sur l’essence,
qui accroît l’écart avec l’accise sur le diesel, entraîne :
- une hausse de la part de marché de nouvelles voitures diesel de 4% ;
- une baisse de la consommation totale de carburant de 0,9%, résultant de la substitution de voitures
à essence par des voitures diesel plus économes en énergie ;
3 La quantité totale de carburant acheté est la consommation d’une voiture (exprimée en l/100 km) multipliée par la
distance parcourue (exprimée en km), et ce pour le total de toutes les voitures.

Les effets d’une hausse
de € 0,20 de l’accise
en Belgique
Lettre Mensuelle Socio-économique > page
17
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MOBILITé
Réduire les émissions de CO2
- une diminution des émissions totales de CO2 de seulement 0,2% résultant de l’accroissement des
émissions de CO2 des véhicules diesel ; 18% d’émissions de CO2 en plus par litre de carburant ;
- une hausse limitée des recettes fiscales des accises de 8,6%.
Une augmentation de l’accise unilatérale de € 0,20 sur le diesel, qui supprime l’écart entre l’accise sur
l’essence et l’accise sur le diesel, induit :
- une baisse de la part de marché de nouvelles voitures diesel de 3,7% ;
- une hausse de la consommation totale de carburant de 0,4%, résultant de la substitution de voitures
diesel par des voitures à essence moins économes en énergie ;
- une diminution des émissions totales de CO2 de 0,3% ;
- une forte hausse des recettes fiscales des accises de 30,2%.
Ces chiffres confirment qu’une augmentation de l’accise unilatérale sur le diesel génère plus de
recettes fiscales et une réduction plus marquée des émissions de CO2 qu’une augmentation de l’accise
unilatérale sur l’essence.
Taxes NON discriminatoires sur les carburants
Il ressort de l’étude qu’une augmentation de l’accise de € 0,20 sur les deux carburants (essence et
diesel) :
- a un effet négligeable sur la part de marché de nouveaux véhicules diesel ;
- induit une baisse de la consommation totale de carburant de 0,7% ;
- entraîne une diminution des émissions totales de CO2 de 0,6% ;
- génère les plus grandes recettes fiscales supplémentaires, à savoir un supplément de 41,9%.
Une augmentation de l’accise sur les deux carburants maintient l’écart entre les accises de l’essence
et du diesel, et engendre une plus forte hausse des recettes fiscales que si l’on introduit une accise
unilatérale. Elle engendre de plus une baisse plus marquée des émissions de CO2 dans le cas d’une
taxe discriminatoire sur les carburants.
Si nous regardons l’effet sur la quantité totale de carburant acheté, c’est toutefois la taxe discriminatoire
sur l’essence qui génère une plus grande diminution de la quantité totale de carburant acheté que
la taxe égale à la fois sur l’essence et sur le diesel. Ce constat est surprenant étant donné qu’une
taxe discriminatoire sur l’essence, contrairement à une taxe égale, n’a un impact que sur environ la
moitié des voitures achetées. Selon les chercheurs, deux raisons peuvent expliquer cette situation.
Premièrement, la taxe unilatérale sur l’essence incite les consommateurs à acheter des voitures diesel,
qui consomment moins de carburant que les voitures à essence. Deuxièmement, les effets sont à leur
tour plus marqués pour les consommateurs qui parcourent de nombreux kilomètres.
page 18 > Lettre Mensuelle Socio-économique
CCE Conseil Central de l’économie
MOBILITé
Réduire les émissions de CO2
Conclusion
Les consommateurs européens ne prennent pas totalement en compte les dépenses futures de
carburant lorsqu’ils achètent une nouvelle voiture. Ils sont moins sensibles aux coûts futurs de carburant
qu’au prix d’achat initial du véhicule. C’est la raison pour laquelle les autorités optent traditionnellement
pour des taxes à l’achat afin de stimuler l’acquisition de voitures économes mais ces raisons ne suffisent
pas pour justifier des taxes à l’achat de véhicules.
Les taxes à l’achat induisent une diminution de la consommation moyenne de la flotte automobile mais
n’encouragent pas assez les consommateurs qui parcourent de nombreux kilomètres à acheter des
voitures économes en énergie.
Les taxes sur les carburants en revanche ont un effet plus grand sur la décision d’achat des consommateurs
qui parcourent de nombreux kilomètres. Puisque les taxes sur les carburants visent précisément ce
groupe cible, elles induisent une plus grande diminution de la quantité totale de carburant acheté que
les taxes à l’achat, qui sont les mêmes pour tout le monde.
S’agissant des taxes sur les carburants, l’on peut établir une distinction entre les taxes discriminatoires
et les taxes égales. Les taxes égales sur le diesel et l’essence maintiennent l’écart entre les accises
de l’essence et du diesel, entraînent des recettes supplémentaires plus conséquentes pour les
autorités et une diminution plus prononcée des émissions de CO2 que les taxes discriminatoires sur
les carburants.
Lettre Mensuelle Socio-économique >
page 19
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ACTUALITéS
Conseil central de l’économie
AVIS SUR LA TRANSPOSITION DE LA NOUVELLE DIRECTIVE COMPTABLE
Le 18 mars 2015, les interlocuteurs sociaux siégeant au Conseil central de l’économie ont rendu un avis
unanime sur la transposition en droit belge de la nouvelle directive comptable européenne (directive
2013/34/UE). L’avis a été émis à la demande de Monsieur Kris Peeters, Vice-premier ministre et ministre
de l’Emploi, de l’Economie et des Consommateurs, chargé du Commerce extérieur.
La nouvelle directive comptable modernise et simplifie certaines dispositions qui figuraient précédemment
dans les quatrième et septième directives comptables. La directive doit être transposée dans la législation
nationale au plus tard le 20 juillet 2015. En plus de dispositions à transposer obligatoirement dans le
droit belge, la directive prévoit une série d’options auxquelles les États membres ont la liberté d’avoir
recours ou non. L’avis du Conseil se focalise donc principalement sur le choix des options politiques
les plus appropriées pour répondre aux intérêts respectifs des travailleurs, des employeurs et d’autres
parties intéressées.
Dans son avis, le Conseil souligne l’importance de l’information financière en tant que moyen fiable de
gestion et de communication pour les entreprises et leurs actionnaires. Le Conseil demande en outre
que la transposition de la directive ne porte pas préjudice aux obligations d’information vis-à-vis des
travailleurs, de leurs représentants et des organes de concertation compétents. En effet, l’information
financière représente pour ceux-ci une source importante de données économiques et financières. Le
Conseil a également pris en considération dans son avis l’importance de l’information financière pour
d’autres parties prenantes comme les banques, les fournisseurs, les créanciers, le fisc et les services
statistiques.
À travers cet avis, les interlocuteurs sociaux réunis au sein du Conseil central de l’économie ont donc
adopté un compromis équilibré qui prend en compte les intérêts de l’ensemble des parties prenantes.
Le Conseil espère qu’il sera tenu compte de ces propositions dans les projets de modification des
dispositions pertinentes dans les lois et arrêtés d’exécution correspondants.
Pour le contenu concret de l’avis, nous vous renvoyons à notre site Internet.
LIAISON AU BIEN-ÊTRE 2015-2016
Conformément aux articles 5, 6, 72, 73, 73 bis et 73 ter de la loi du 23 décembre 2005 relative au pacte
de solidarité entre les générations, le Conseil national du Travail, le Conseil central de l’Économie et le
Comité général de gestion pour le statut social des travailleurs indépendants doivent se prononcer tous
les deux ans sur l’importance et la répartition des moyens financiers destinés à l’adaptation au bien-être
des prestations de remplacement de revenus et des allocations d’assistance sociale.
page 20 > Lettre Mensuelle Socio-économique
CCE Conseil Central de l’économie
ACTUALITéS
Conseil central de l’économie
Afin de répondre à la demande formulée dans la loi, les Conseils et le Comité général de gestion ont
émis, le 24 mars 2015, l’avis commun, dans lequel, en exécution de l’accord social du 30 janvier 2015,
ils formulent des propositions de répartition de l’enveloppe bien-être de 319,5 millions d’euros pour
2015 et de 627,2 millions d’euros pour 2016 qui a été fixée par le gouvernement le 15 janvier 2015 au
cours de la rencontre avec le Groupe des 10.
Lettre Mensuelle Socio-économique >
page 21
CCE Conseil Central de l’économie
SECRéTARIAT CCE
Une mission d’étude et de documentation
Le Conseil central de l’économie, institué en 1948, rassemble les interlocuteurs sociaux. Son objectif
est d’associer les représentants de la politique économique. Sa compétence s’étend à tous les
problèmes relatifs à l’économie; elle est uniquement consultative. Son apport spécifique est de susciter
la confrontation des vues et le dialogue entre ses membres.
Le Conseil est donc à la fois, d’une part, un carrefour d’idées où se confrontent les opinions et où
s’élaborent des propositions communes où l’intérêt général prévaut sur les intérêts particuliers et,
d’autre part, un rouage de la politique économique, le Conseil traduisant ses propositions sous forme
de synthèses à l’intention des responsables de la politique économique.
Le secrétariat du Conseil a la double mission d’assurer les services de greffe et d’économat et de réunir
la documentation relative aux travaux du Conseil. Au fil des ans, il a développé cette seconde fonction.
Ses études détaillées ont trait aux problèmes soumis à l’examen du Conseil, mais également à des
sujets sur lesquels il estime qu’il faut attirer l’attention des interlocuteurs sociaux et des responsables
politiques. De plus, le secrétariat publie régulièrement des notes d’information générale et des dossiers
statistiques divers. Dans ce cadre, le secrétariat tire profit des relations privilégiées qu’il entretient avec
les services d’études des institutions économiques nationales et internationales.
La Lettre mensuelle socio-économique s’inscrit dans la mission d’étude et de documentation du
secrétariat. Celui-ci est seul responsable de son contenu.
Robert Tollet
Président
Luc Denayer
Secrétaire
Kris Degroote
Secrétaire adjoint