Issy les Moulineaux V3.indd - Fédération française de Giraviation

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Issy les Moulineaux V3.indd - Fédération française de Giraviation
GIRAVIATION
ISSY-LES-MOULINEAUX
il s’avère aussi que demander la fermeture
d’une plate-forme aérienne est un argument
qui porte dans une élection.
Lors de ses vœux pour la nouvelle année,
le directeur général de la DGAC, Patrick
Gandil, a heureusement assuré qu’il n’était
pas question de faire disparaître l’héliport
de Paris. Par contre, il a aussi annoncé que
son activité allait de nouveau être restreinte
en raison des nuisances sonores. Malgré la
première affirmation, on peut craindre que
la constante diminution réglementaire du
trafic fasse partir tous les exploitants encore
L'HÉLIPORT EST
NÉCESSAIRE
présents, laissant la place aux seuls vols
d’intérêt général. Les « contres » argueront
alors le manque de rentabilité de la plateforme et en demanderont la fermeture.
Cet argument a du reste déjà été soulevé
par les opposants au terrain. Supprimer
l’héliport reviendrait pour ses usagers à
supprimer l’hélicoptère sur Paris. Hommes
d’affaires et autres n’iront pas se poser
sur des bases comme Toussus-le-Noble
ou Le Bourget pour ensuite prendre un
taxi. On perd de vue tous les avantages de
l’hélicoptère !
La DGAC prévoit de développer d’autres
plates-formes en région parisienne, mais
où est l’intérêt si elles se situent loin de la
capitale ? En outre, c’est aussi une façon
de déplacer le problème vers les voisins
éloignés… Il est étonnant de constater que
si le terrain devait être rendu quasi inactif,
voire fermé dans le pire des cas, Paris serait
l’une des seules grandes capitales à ne pas
disposer d’une aire d’atterrissage proche de
son centre. À titre d’exemple, São Paulo
répertorie à elle seule 300 hélistations. Un
comble pour la patrie de l’hélico.
L’héliport de Paris en exemple
L’héliport de Paris est installé dans le
15e arrondissement, un emplacement idéal pour
desservir la capitale et sa couronne, mais qui a valu
au terrain de se faire rogner au passage des années.
L’héliport de Paris est installé dans le 15e arrondissement, un emplacement
idéal pour desservir la capitale et sa couronne, mais qui a valu au terrain
de se faire rogner au passage des années. Déjà soumis à de nombreuses
restrictions, les élus cherchent toujours et encore à en réduire l’activité. Issy
est un exemple de ce que pourraient devenir nos plates-formes hélicoptère
si le décret portant limitation du trafic s’applique sans être amendé.
PAR JULIE CALLIES
PHOTOS DE L’AUTEUR, J-M POTELLE ET SIA
D
epuis les débuts de son histoire,
il y a plus d’un siècle, le terrain
d’Issy-les-Moulineaux n’a cessé
de voir sa surface et ses activités
décroître. Aujourd’hui, l’héliport
remplit essentiellement des missions d’intérêt général : Sécurité Civile, SAMU…
Viennent ensuite les vols commerciaux.
Plusieurs sociétés sont encore présentes sur le terrain mais les riverains et les
autorités politiques ne cessent de barrer
la route aux usagers : il est constamment
question de diminuer l’activité de l’héliport qui est, dans les faits, déjà fortement
réduite. Depuis une dizaine d’années, le
nombre de mouvements enregistrés varie
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433 - Mars
Février
2010
2010
entre 10 000 et 11 000 alors qu’en 1957, il
y avait 57 000 mouvements, dont 18 000
rien qu’en école (interdite depuis). De la
même manière, sa surface est passée au
fil des ans de 63 hectares à 7,5. La voilure
tournante a ses détracteurs.
L’héliport de Paris est toujours dans la
ligne de mire des élus. L’idée de fermer la
plate-forme ne quitte en effet jamais l’esprit
des élus locaux, en particulier ceux du
député Jean-François Lamour et du maire
du 15e arrondissement, Philippe Goujon.
Ces derniers montent régulièrement au
créneau lors d’événements comme le Grand
Prix de Formule 1 de Magny-Cours – qui
n’a plus lieu aujourd’hui – ou le Salon du
Bourget, lesquels impliquent une soudaine
activité de l’héliport sur quelques jours. On
ne peut pour autant reprocher aux passagers
de vouloir éviter quelques heures de route
et d’embouteillages ; les hommes politiques
ne font pas autre chose lorsqu’ils emploient
des jets pour se déplacer. Donc, en fonction
de grandes manifestations, Issy-les-Moulineaux connaît une forte affluence, ce qui est
naturellement préjudiciable pour les riverains. Mais cela justifie-t-il une demande
de fermeture pure et simple ?
En 2008, les deux élus avaient déjà eu
l’intention de demander au ministre des
Transports, Dominique Bussereau, de fermer l’héliport. En réalité, l’héliport de Paris
connaît le sort de nombreux autres terrains.
La densification et l’urbanisation du territoire autour de l’aérodrome induisent naturellement le mécontentement des riverains
qu’il faut bien sûr prendre en compte, mais
Sur les cartes du SIA, les consignes
particulières attachées à l’utilisation de
l’héliport de Paris font deux pages. Les
restrictions sont donc nombreuses et ont
été essentiellement posées par des arrêtés
d’août et décembre 1994. Sont interdits :
les vols d’école et d’entraînement au départ
ou à destination de l’héliport ainsi que
les vols circulaires avec passagers et sans
escale ou avec une escale touristique – sans
motif professionnel pour les pax – de moins
d’une heure au départ de l’héliport. Exit
donc les baptêmes de l’air, les activités
de maintenance d’école de pilotage, les
vols d’essais et d’entraînement… Cela a
constitué un coup dur pour l’héliport qui a
vu ses activités brutalement chuter.
Trafic limité. Le trafic a aussi été limité
à la même époque : les samedis, dimanches et jours fériés, sont autorisés soixantedix mouvements d’appareils, hors vols à
caractère humanitaire ou sanitaire. Enfin,
en raison de son enclavement, certains
itinéraires sont interdits et les trajectoires
départ - arrivée, très réglementées.
La situation sur Issy-les-Moulineaux
donne une idée de ce qu’il pourrait advenir
de nos plates-formes hélicoptères si le
projet de décret portant limitation du trafic
hélicoptères [se reporter à l’article « Un
décret menaçant » du n° 433 / février 2010
d’Aviation & Pilote] passait tel quel puisqu’il s’agit, en résumé, d’interdire au-dessus des zones à forte densité de population
les types de vol précédemment cités et de
limiter le nombre de mouvements. Certainement la meilleure façon de plomber
l’activité hélicoptère en France. L’Union
Française de l’Hélicoptère est vigoureusement montée au créneau par la voie de
Gérard David, son président.
Se poser à Issy
Les pilotes privés sont peu nombreux
à se poser pour le plaisir sur l’héliport de
Paris. L’une des raisons est certainement
que ses approches sont pointues et que
les itinéraires doivent être strictement respectés de peur d’entrer en infraction. La
suppression des vols d’entraînement sur
la plate-forme n’a pas aidé à promouvoir
cette navigation qui vaut pourtant le coup
d’œil.
En effet, un vol avec instructeur est
certainement le meilleur moyen de reconnaître une nouvelle aire de posé, surtout
lorsqu’elle est délicate à aborder. Faire le
trajet seul pour la première fois peut poser
des difficultés à certains pilotes, surtout
lorsqu’ils ont peu d’expérience. De plus,
naviguer en plaine et en ville ne présente
pas le même taux de difficulté. Julien est
jeune pilote hélicoptère. Breveté depuis
mars 2009, il a effectué quelque 70 heures de vol avec l’Alouette 2 qu’il loue.
Issy-les-Moulineaux est un terrain qu’il
affectionne.
Arrivée sur Paris au soleil. L’arrivée sur
Paris avec ses monuments et immeubles
est bien sûr le principal intérêt tandis que
les voitures s’alignent pare-chocs contre
pare-chocs sous les patins de sa machine.
Ensuite, Julien apprécie le challenge de
l’approche parfaite. Il y a atterri une dizaine
de fois et estime que ce type d’approche est
un bon moyen de rester performant.
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GIRAVIATION
Un terrain
historique
1914. Des HLM apparaissent
sur un hectare dès 1931. Après
la libération de Paris, l’Armée
de l’Air construit un bureau de
piste et y base ses Nord 1000
et 1100. Mais les nouvelles
générations d’avions sont plus
puissantes, plus bruyantes,
et nécessitent plus de piste et
d’autres infrastructures.
et bas ». L’aérodrome devient
civil, mais les avions se font de
plus en plus rares en raison de
restrictions de plus en plus nombreuses. La voilure tournante
prend leur place. Des sociétés se
montent, comme Fenwick Aviation dont le chef pilote, Jean
Moine, deviendra célèbre grâce
à ses records. L’école forme les
équipages de l’ALAT, de la
Gendarmerie, de la Protection
civile, de l’Aéronavale, d’EDF,
les premiers privés.
En 1953, les trop nombreuses constructions autour du
terrain et les plaintes des riverains ont raison des avions. Les
mouvements sont limités ; seuls
les hélicoptères de Fenwick, du
commandement de l’ALAT et
de la Protection Civile volent.
L’activité repart en 1957 avec
l’ouverture d’une ligne de transport passagers entre Paris et
Bruxelles par Sabena au moyen
de Sikorsky S 58. Elle ferme en
1962, faute de rentabilité.
Il devient difficile de se
poser sur la plate-forme.
Des obstacles ont entre-temps
poussé aux alentours de l’aérodrome, rendant l’approche
dangereuse par mauvais temps.
L’État se décharge des problèmes d’aéronefs dans la région
parisienne avec la création de
la société nationale Aéroports
de Paris en 1945. Le directeur
de l’époque, Louis Lesieux,
décide de construire un nouveau
bureau de piste, une girouette de
30 mètres de haut et impose une
fréquence radio : 118.50. Pendant ce temps, l’inquiétude des
riverains monte ; le terrain avait
déjà fait l’objet d’une fermeture
provisoire dès 1908 à cause de
« ces avions qui volaient si mal
Paris s’étend, le terrain perd
de sa surface. L’espace vert
au milieu des habitations est
convoité : Paris s’étend, le boulevard périphérique voit le jour
ainsi que des terrains de sport.
La tour EDF, celle de l’hôtel
Sofitel puis l’Aquaboulevard
s’installent sur les approches.
L’ALAT déménage à Villacoublay, Fenwick à Toussusle-Noble, au profit de sociétés
civiles comme Héli-Union.
Seule la Protection Civile
demeure. Le dernier grand
événement qui marque l’aéroport d’Issy-les-Moulineaux se
déroule en 1967 avec le posé
du Bréguet 941. En 1970, le
terrain devient l’Héliport de
Paris. y
PAR JEAN-MARIE POTELLE
S
i l’héliport de Paris est
aujourd’hui installé sur les
terrains d’Issy-les-Moulineaux, il le doit à la Tour Eiffel.
Vers 1880, les militaires, notamment la cavalerie, ont en effet
été délogés du Champ de Mars
où ils s’entraînaient pour être
installés sur un grand terrain
de 120 hectares en pleine campagne : Issy-les-Moulineaux.
La Tour Eiffel est restée et en
1890, ils se sont vus accorder
la concession de 63 hectares du
champ de manœuvre. Cette époque marque aussi les débuts de
l’aviation et Issy fut remarqué
par les passionnés.
Les premiers à décoller
d’Issy-les-Moulineaux sont
des avions. En 1905, le mécène
Ernest Archdeacon est le premier à obtenir des autorités
l’autorisation d’y faire voler
son planeur biplan Voisin. Le
terrain avait alors la forme d’un
triangle dont la base allait du
Viaduc d’Auteuil (Pont de Garigliano) jusqu’à la Porte d’Issy.
Il y avait alors peu d’obstacles
en vue pour décoller et atterrir
sur des axes allant de 600 à 800
mètres.
Les essais de machines innovantes se succèdent les années
suivantes. En 1907, Louis
Blériot parcourt 184 mètres à
80 km/h avec son monoplan
tandem Aéroplane VI Libellule ;
Henry Farman franchit plus tard
les 771 mètres avant de boucler,
en 1908, le premier kilomètre
1958 : la première école hélicoptère, Fnwick, commence
à être envahie par la terre destinée à la construction du
périphérique.
en circuit fermé sur un appareil Voisin à moteur Antoinette.
Les records se suivent et le terrain accueille les plus grands
aviateurs. En 1910, Issy est le
départ de la première course
internationale Paris - Bruxelles en aéroplane. En 1913, s’y
déroule le premier vol amphibie
sur le Canard Voisin piloté par
Colliex. Les curieux affluent
de plus en plus nombreux, des
ateliers de construction aéronautique s’installent : Voisin,
Blériot, Nieuport, Caudron,
des liaisons aériennes postales
voient le jour et les premières
écoles de pilotage s’ouvrent. Ce
« camp d’aviation » a accueilli
quelque 3 000 salariés avant la
Première Guerre.
Après 1918, les civils revendiquent l’aérodrome : la guerre
étant finie, le terrain militaire
n’a pour eux plus d’utilité. Les
hélicoptères font leur entrée sur
Issy en 1920 et quelques essais
sont performés sans être concluants. La plate-forme commence à perdre un peu de son
importance avec le développement rapide du Bourget, créé en
Ces photographies
montrent
l’évolution d’Issyles-Moulineaux.
Celle de gauche a
été prise en 1957,
la piste avion est
toujours visible à
sa droite. L’image
de droite date de
2006, la plateforme n’accueille
plus que des
hélicoptères.
d
LO epui
GN s
ES
Exemple
d’arrivée
par l’est
Julien a choisi pour ce
vol de venir par l’est
depuis l’aérodrome de
Lognes-Emerainville
avec son Alouette 2. Il
arrive par Gentilly, suit
le périphérique sud.
Quand la tour de contrôle lui dit que la 24
est en service, il fait
une verticale terrain
puis un virage à droite
avant de rejoindre la
vent arrière 24.
Arrivée par l’est depuis Gentilly. L’Alouette 2 est au-dessus du périphérique
et va entamer une verticale terrain et entrer dans le circuit.
Spécimen reproduit avec l’autorisation du SIA E01/2010, ne pas utiliser en vol
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