Construire une range de 3-bet adaptée aux profils adverses
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Construire une range de 3-bet adaptée aux profils adverses
LP63p76-79_Technique-Sharp:LP3 AR pas si simple 20/12/12 10:59 Page76 TECHNIQUE PAR SHARP COACH SUR POKER-ACADEMIE.COM 3-BET ET MÉCHANT Construire une range de 3-bet adaptée aux profils adverses De nos jours, maîtriser la stratégie du 3-bet est véritablement essentiel pour devenir un joueur gagnant aux tables de No Limit Hold’em. Car bien employé, il s’agit d’une arme efficace et particulièrement difficile à contrer. R appelons que le 3-bet est l’action de relancer un joueur qui a ouvert les enchères pré-flop. Si cette première relance a été suivie par d’autres adversaires avant que ce ne soit votre tour de parler, il est question de squeeze. Je ne traiterai toutefois pas de ce cas ce mois-ci, mais dans un prochain article. Revenons-en donc à notre sujet et à ses origines: pourquoi parler de 3-bet alors qu’il ne s’agit que d’une simple relance ? Le terme vient en fait de l’époque où le Hold’em se jouait en Limit. Les montants des mises étaient alors capés. Voyons l’exemple d’une partie en Limit 10/20… Cela signifie que la taille des mises est de 10 € pour les enchères initiales et au flop. Elle atteint le double (20€) pour les enchères au turn et à la river. Pré-flop, et afin de susciter de l’action, la première mise est forcée. Les deux joueurs à la gauche du bouton doivent miser à l’aveugle, sans avoir vu leurs cartes. C’est de là que vient l’appellation “blindes”. Le premier place une demi-mise (soit 5 €) et le second une mise intégrale de 10 €. Les cartes sont distribuées et si un participant souhaite ouvrir les enchères, il doit donc placer 20 €, soit un 2-bet, et celui qui le relance 30 €, pour un 3-bet. Généralement, dans les règles du Limit Hold’em, il ne peut pas y avoir plus de quatre mises, soit trois relances sur un même tour d’enchères. TROIS ACTIONS AU CHOIX Mais ce qui nous intéresse ici est bel et bien le No Limit. Un de nos adversaires ouvre alors les enchères. À notre tour de parole, les regretter d’avoir jeté une main qui aurait trouvé le jeu max ou de sous-jouer une paire de Rois pour voir un As apparaître au flop. • Économiser son argent afin d’en gagner. Par définition, abandonner le coup est d’équité nulle : nous ne gagnerons ni ne perdrons d’argent. À moins de vouloir flamber, si suivre la mise initiale ou la relancer perd de l’argent en moyenne, il faut avoir la discipline d’abandonner. Les équités négatives de toutes ces mains que l’on joue en sachant que c’est marginalement incorrect s’additionnent et pèsent lourd dans la balance de nos résultats à la fin de l’année. • Une ligne gagnante peut en cacher une autre. Si nous avons paire de Rois en main, il est évident qu’un 3-bet est profitable. Cela n’en fait toutefois pas forcément l’action la plus profitable. Comparer deux lignes gagnantes est ce que l’on appelle, en mathématiques financières, évaluer les coûts d’opportunité. Selon notre action, notre range initiale, composée de toutes les combinaisons possibles de deux cartes, va donc se subdiviser en trois catégories : range d’abandon, range de call et range de 3-bet. re « Nous devons construi pant antici notre range de 3-bet en » un éventuel 4-bet. 76 LivePoker règles du poker nous offrent trois options : jeter nos cartes, suivre sa mise ou la relancer par un 3-bet. En théorie, le joueur gagnant est celui qui sait le mieux répondre à la question suivante : de ces trois actions, quelle est la plus profitable? Avec, pour les comparer, l’instrument de mesure qu’est l’équité. • Jauger les risques et accepter les effets de nos actions. Chacune de ces options a des conséquences irréversibles. Il nous est arrivé à tous de LP63p76-79_Technique-Sharp:LP3 AR pas si simple 20/12/12 10:59 Page77 TECHNIQUE RANGE DE 3-BET THÉORIQUE Face à une ouverture adverse, notre premier réflexe doit être d’évaluer la range de Vilain. Selon la dynamique de la partie, son profil et sa position relative au bouton, nous devons déterminer s’il a une range serrée, c’est-à-dire composée de mains fortes, ou bien large, et donc plus facilement attaquable. Le 3-bet rouvre les enchères et redonne la parole au premier relanceur. S’il réplique par un 4-bet, avec des tapis de 100 blindes, notre choix se réduit alors à abandonner ou à jouer pour tout notre stack. Nous ne pouvons donc pas nous contenter d’engager une partie si importante de notre tapis pour simplement aller voir un flop. Nous devons construire notre range de 3-bet en anticipant un éventuel 4-bet. Cela nous conduit à polariser notre range de 3-bet. Avant même que la notion de range polarisée ne soit introduite, le théoricien David Sklansky l’a d’ailleurs soulignée dans un célèbre article intitulé “Ne transformez pas As-Dame en 72o”. Même si AQ est effectivement en avance sur la range d’ouverture adverse, c’est une main qui n’a pas assez d’équité contre la range avec laquelle il va partir à tapis. Pourquoi donc 3-bet avec une main profitable à défendre? Mieux vaut le faire avec 72o, nous ne perdrons pas d’équité à jeter sur un 4-bet (voir graphique ci-contre). • Quelles mains pour le pôle valeur ? Pour y figurer, une main doit être favorite contre la range avec laquelle l’adversaire va engager son tapis. Une main qui constitue le bas de la range adverse ne sera pas assez forte pour être dans la range de 3-bet. Par exemple, en table pleine, un joueur ouvre en premier de parole. Il a un style extrêmement serré à ce poste, ouvrant 3% des mains, soit {JJ+, AK}. Sur un 3-bet, il jette deux fois sur trois et 4-bet avec le tiers de sa range, soit {AA et KK}, pour 1% des mains. Que faire alors avec une paire de Rois au bouton ? Avec 22,6%, KK est loin d’avoir l’équité nécessaire pour s’engager contre la range de 4-bet adverse {AA, KK}. Avec 62,6% contre la range {JJ+, AK}, il est hautement profitable de suivre l’ouverture concurrente. Avec paire de Rois, le 3-bet est une lourde erreur, et partir à tapis est une catastrophe. Contre ce profil, la range de 3-bet doit se limiter à paire d’As et aux bluffs. • Quelles mains dans le pôle bluff ? Idéalement, on veut bluffer avec des mains trop faibles pour suivre la relance. Quitte à piocher dans l’immense ensemble qu’est la range d’abandon, autant sélectionner les meilleures de ces mains. Des jeux à peine trop faibles pour suivre une mise feront d’excellents candidats à une relance. Si un adversaire paye le 3-bet, mieux vaut avoir relancé avec ATo, K9s, QJo, 56s ou T8s, plutôt qu’avec 72o, 93s ou J2o. Nous voulons également maximiser nos chances de bluffs. Avoir en main un bloqueur, c’est-à-dire une carte très présente dans la range avec laquelle l’adversaire défend contre un 3-bet, diminue la probabilité d’échec d’un bluff (voir tableau page suivante). ÉQUILIBRER SA RANGE DE 3-BET Sans aucun historique et dans l’absolu, il est profitable de 3-bet en position la plupart des adversaires avec n’importe quelles cartes en main. Les jeux avec lesquels ils peuvent confortablement contrer le 3-bet et s’engager à tapis sont infimes par rapport à leur range RANGE DE 3-BET POLARISÉE Pôle de 3bet pour valeur Range de call Pôle de 3bet en bluff Range d’abandon Pôle valeur : mains ayant une équité positive pour partir à tapis sur un 4-bet adverse. Range de call : mains bénéficiant d’une équité positive pour suivre la relance, mais trop faibles pour le pôle valeur. Pôle de 3-bet en bluff : mains que l’on prévoit de jeter sur un 4-bet adverse. Range d’abandon : mains qu’il n’est pas profitable de défendre. LivePoker 77 LP63p76-79_Technique-Sharp:LP3 AR pas si simple 20/12/12 10:59 Page78 TECHNIQUE QUELLES MAINS DANS LE PÔLE BLUFF ? Range de défense de l’adversaire contre le 3-bet Range serrée : 99+, AQ+, AJs, KQs Range moyenne : 88+, KQ, AJ+, KJs, ATs Range large : TT+, AK, AQs Aucun bloqueur (44, 72o ou 56s) As bloqueur (A2o, A7s) Roi bloqueur (K5o) Deux bloqueurs au Roi (KTo) Deux bloqueurs à l’As (ATo) 50 combos 42 combos (-16%) 43 combos (-14%) 40 combos (-20%) 39 combos (-22%) 76 combos 64 combos (-16%) 68 combos (-11%) 65 combos (-15%) 61 combos (-20%) 114 combos 98 combos (-15%) 102 combos (-11%) 98 combos (-15%) 94 combos (-18%) d’ouverture. Et s’ils payent, dans la plupart des cas, savoir s’ils sont devant ou derrière post-flop relève du jeu de devinettes. Cependant, un joueur qui pousse cette logique trop loin et 3-bet à tout bout de champ ne va pas faire longtemps impression à une table de poker. Sa range de 3-bet va apparaître pour ce qu’elle est : trop large, trop faible et remplie de bluffs. Il verra progressivement tous ses concurrents attaquer ses 3-bets et perdra à son tour beaucoup d’argent. Pour éviter d’être facilement exploitable, une range de 3-bet doit donc être équilibrée. Avec une proportion maximale pour le pôle bluff du double du pôle valeur. Si par exemple, il est profitable de 3-bet pour value JJ+ et AK, soit 3% des mains, l’ensemble des combinaisons que l’on 3-bet en bluff doit représenter 6%. Dans la pratique, nos adversaires ignorent si nos ranges sont équilibrées. Il est donc plus important d’équilibrer nos fréquences de 3-bets. Par exemple, nous sommes assis au bouton en NL200, les blindes sont de 1e/2e, et c’est notre quatrième orbite de jeu à cette table. Le cut-off, qui semble être agressif et compétent, ouvre les enchères à 6 e. Supposons alors que nous ayons construit la range de 3-bet théorique parfaite contre ce joueur et sa range d’ouverture au cut-off. Que, pour des raisons d’équilibre, K8s fasse partie de notre range de bluff et pas Q7s. Premier cas de figure, nous avons alors K8s, mais nous avons déjà répliqué trois fois par un 3-bet face à ce même adversaire lors des trois premières orbites. À moins d’avoir été à l’abattage en dévoilant une grosse main ces trois fois, notre concurrent a toutes les raisons de penser que notre range est faible. Je m’abstiendrai donc de tout 3-bet en bluff et préfèrerai coucher K8s. Nous avons maintenant Q7s, mais nous n’avons pas encore joué une main depuis le début de la session. Un 3-bet en bluff a maintenant toutes les chances d’être respecté et il est donc certainement profitable relancer par un 4-bet. Si l’une de ces actions est trop fréquente, le joueur devient exploitable. C’est-à-dire qu’il nous est possible de mettre en place une stratégie clairement gagnante contre lui. Attention, pour ce faire, nous devons déséquilibrer notre jeu et prêtons ainsi le flanc pour être à notre tour exploités. Soit directement par le joueur que l’on 3-bet, qui change son jeu pour s’adapter. Soit par un autre adversaire qui, ayant remarqué la manœuvre, entre dans le coup afin de nous contrer. • Exploiter un joueur qui jette trop sur les 3-bets Le niveau d’exploitation le plus simple et le plus répandu pour jouer un tel profil est de le bluffer. On peut ainsi calculer mathématiquement la profitabilité d’un 3-bet en bluff pur… - En position. L’adversaire ouvre à 3 blindes, le pot s’élève donc à 4,5. On 3-bet à 9. C’est justifié s’il jette plus de 9/(9+4,5) = 66%. - Hors de position. Avec les mêmes calculs, en supposant que l’on 3-bet à 10, la manœuvre est justifiée depuis la petite blinde avec un taux de succès de 68%. Et il suffit de 66% de réussite depuis la grosse blinde. Par conséquent, si un adversaire se couche deux fois sur trois, un 3-bet est profitable quelles que soient nos cartes. Du moins jusqu’à ce qu’il s’adapte à cette stratégie. Si sa fréquence d’abandon est très élevée, l’intérêt d’avoir un pôle de 3-bet pour value disparaît. Il est plus profitable, avec le top de notre range, de suivre son ouverture et de tirer valeur de notre main post-flop. op faibles « Des mains à peine tr e pour suivre une mis ndidates feront d’excellentes ca à une relance. » 78 LivePoker de relancer Q7s dans cette configuration. Pour élargir les enseignements de cet exemple, il est essentiel de tenir compte de notre image aux yeux du joueur que l’on 3-bet. Si c’est un adversaire régulier, cette image dépend également de l’historique des précédentes sessions. Si notre range de 3-bet perçue est faible, nous limiterons nos 3-bets au pôle valeur. À l’inverse, si notre range perçue est forte, nous élargirons notre pôle bluff et considérerons sous-jouer en payant simplement la relance avec nos grosses mains. EXPLOITER SES ADVERSAIRES Face à notre 3-bet, Vilain a, à son tour, trois options : jeter ses cartes, suivre le 3-bet ou le LP63p76-79_Technique-Sharp:LP3 AR pas si simple 20/12/12 11:00 Page79 TECHNIQUE Soulignons qu’un joueur exploitable n’est pas nécessairement synonyme de joueur faible. Par exemple, beaucoup de réguliers en petites limites abandonnent trop souvent sur les 3-bets. Mais comme la moyenne des joueurs à ces limites 3-bet insuffisamment en bluff, avoir une fréquence d’abandon élevée est la stratégie gagnante. • Exploiter un joueur qui paye trop Nous voulons essentiellement relancer cet adversaire pour value. C’est-à-dire en élargissant notre pôle valeur à des mains avec lesquelles il est profitable de suivre l’ouverture. De la même façon, nous voulons des mains jouables dans le pôle bluff, plutôt que des bloqueurs. Si le joueur paye énormément, nous dépolarisons notre range de 3-bet. Notre pôle de 3-bet en bluff disparaît alors. Plus exactement, il fusionne avec notre pôle de 3-bet pour valeur et pioche ses mains dans le haut de notre range de call. L’équité que l’on perd en jetant sur un 4-bet est alors largement compensée par les gains engendrés lorsque l’adversaire suit le 3-bet. • Exploiter un joueur qui 4-bet trop Un adversaire qui 4-bet fréquemment va avoir trop de bluffs dans sa range. Nous pouvons alors l’exploiter en étendant le pôle de 3-bet pour valeur à des mains permettant de pousser à tapis en semi-bluff. Ces jeux sont certes en retard sur la range avec laquelle l’adversaire paye le all in. Cependant, l’équité d’un 5-bet est positive grâce aux gains du pot contre les 4-bets en bluff. Les meilleures candidates sont les paires, car elles ont généralement une équité solide contre la range ennemie de 4-bet pour valeur. Les calculs de profitabilité vont dépendre de l’importance du pot gagnable sur le 5-bet. Et donc des tailles du 3-bet et du 4-bet. À titre indicatif, le tableau suivant donne les équités pour un échantillon représentatif de mains selon l’hypothèse suivante : le bouton ouvre à 3 blindes, la grosse blinde relance à 10 et le bouton 4-bet à 24. Le bouton paye le all in avec la range {TT+, AQ+}. ■ EXPLOITER UN JOUEUR QUI 4-BET TROP Main Équité de la main si le bouton paye 5-bet profitable si le bouton abandonne dans plus de… AQo TT 55 A3s KQs 76s 72o 34,4% 40,3% 37,1% 30,5% 31,5% 31,6% 22,1% 43% 29% 38% 50% 49% 49% 60% 5-bet profitable si la range de 4-bet est plus large que… 8,2% 6,6% 7,6% 9,4% 9,2% 9,2% 11,8% LivePoker 79
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