éducatif et honnête
Transcription
éducatif et honnête
SURF PÉDAGOGIQUE Educaunet… éducatif et honnête ? L’Académie de Poitiers vient d’offrir à chacun de ses collèges une précieuse mallette pédagogique expérimentale, Educaunet, le «premier programme d’éducation critique aux risques liés à l’usage d’Internet», destiné aux jeunes «de 8 à 18 ans». Le guide du formateur nous apprend que «l’objectif d’Educaunet est d’apprendre aux enfants et aux adolescents à naviguer en toute responsabilité sur les réseaux». Fort bien, mais à y regarder de près les choses se gâtent… Walt Disney et AOL Time Warner, pour «surfer malin» ! L’élève découvre, page 7 du «cybercarnet» destiné aux jeunes en formation, à la rubrique «pour surfer malin, si tu as entre 8 et 12 ans», des adresses pour «trouver des activités, des lectures, des outils». Tiens, tiens, Educaunet oriente les élèves vers… le «site de Walt Disney en français», www.disney.fr ! Sans surprise, ce site fait la promotion commerciale des parcs et produits Disney. Est-ce vraiment «malin» ? Poursuivons la découverte, dans le «cyber-carnet» —pages 6 et 7— des liens à visiter «si tu veux surfer intelligent, mais aussi divertissant». Nos élèves restent de grands amateurs de cartoons. Comment résister à la proposition d’Educaunet : «si tu as entre 8 et 12 ans, visite cartoonetwork, ce site de bandes dessinées célèbres» ? Nous y voici. L’élève trouve sur ce site des jeux, des animations autour de personnages célèbres, mais Educaunet, grand cachottier, a oublié de nous signaler que ce site, contrôlé par Turner Entertainment Networks International Limited (TENIL) appartient en fait au géant de la communication AOL Time Warner. Deuxième oubli : la finalité de ce site n’est pas de divertir nos élèves, mais bien évidemment de les inciter à demander à leurs parents un abonnement à «cartoon network», programme diffusé par AOLT Time Warner sur le réseau payant de «Canal Satellite». L’activité commerciale va encore plus loin, puisque AOL nous précise : «Nous pouvons être amenés à partager des informations sur les visiteurs de ce site avec des tiers, y compris des annonceurs, des partenaires commerciaux et des sponsors, afin de comprendre les tendances et habitudes du client et de gérer et d’améliorer nos relations commerciales»... Ah, capter le pouvoir d’achat des «juniors» ! Suivons les conseils d’Educaunet et visitons «Pour apprendre et explorer», le site Cyberpapy.com Educaunet a rangé Cyberpapy.com dans la catégorie «Aide aux devoirs». Des personnes en retraite qui, croit-on, aident les jeunes en difficulté, ce serait tout à fait sympathique ! De plus, la page d’entrée du site nous informe que «ce service est gratuit, sans publicité, à caractère non commercial». Fort bien. Mais que vient faire alors, en bas à droite de la première page de ce site recommandé par Educaunet, la société Boulanger, dont le métier consiste à vendre de la Hi-Fi, de l’électroménager ? Un simple «clic» sur ce nom ouvre immédiatement une page de… publicité pour les produits actuellement en vente dans ces magasins… Une rapide «promenade» sur ce site «d’aide aux devoirs» nous informe que nous nous trouvons bien dans la «Fondation Boulanger», que ce site est hébergé par DSI Boulanger à Lesquin ( 59 ), et «qu’il a été élaboré par Boulanger au profit de tous les internautes désireux de mieux connaître notre société et ses activités, ses produits et ses services». Quant au contenu pédagogique du site, chacun appréciera... Suivons les conseils d’Educaunet, et visitons, «pour nous divertir», le site rigoler.com. Educaunet recommande (!) ce site «d’histoires drôles» aux jeunes qui ont «entre 12 et 15 ans». C’est donc en toute confiance que nous laissons nos élèves explorer ce site «recommandé» par le Ministère de l’Education nationale (CLEMI) et l’Université catholique de Louvain, sans prêter une trop grande attention, tout au bas de la première page, à la mention «Attention : le contenu de rigoler.com ou certains liens présents sur le site peuvent choquer le très jeune public». Savourons, dans le stock d’histoires drôles, ce texte rafraîchissant, qui déclenchera les rires innocents des élèves de sixième : «Tu sais que ta femme se promène dans la rue sans p’tite culotte ? — Hein ?! Qui c’est qui t’l’a dit ?? — Mon pt’it doigt.» Dieu merci, ce site n’est pas recommandé aux élèves des écoles primaires ! Rigoler.com nous réserve d’autres rencontres «divertissantes». Ainsi, sous la rubrique «conneries» (!), on trouve un puzzle «XXX puzzle sexy». Précisons «qu’il s’agit d’un jeu de mémoire : vous devez éliminer par paires les cases au-dessus d’une image, afin de pouvoir contempler l’image en son entier». Enfin, notons une dernière mention qu’Educaunet ne semble pas avoir remarquée : «Attention, ce puzzle, extrêmement chaud, est strictement interdit aux moins de 18 ans !» édu-business E ducaunet, précise le guide, bénéficie du soutien de la Commission européenne dans le cadre du plan d’action «Safer Internet», qui vise à promouvoir une utilisation plus sûre de ce média. Trois institutions ont mené à bien ce projet : en France, le Centre de l’enseignement et des moyens d’information (CLEMI), en Belgique, le département Communication de l’université catholique de Louvain. Tous les documents de la mallette (y compris le conte «Cl@r@ au pays d’Internet» destiné aux enfants de 8 ans) portent la mention «GreMS Université catholique de Louvain». Educaunet, présent maintenant dans les collèges de Charente, mérite notre méfiance. Il nous reste à regretter une fois de plus que des sommes importantes aient servi à mettre en place ce projet présenté comme «pédagogique» et à espérer que demain un travail sérieux et moins partial viendra alimenter la réflexion nécessaire sur les dangers —réels, la preuve— de l’Internet pour les jeunes. Sud éducation Charente ENTREPRISES À L'ECOLE, LAÏCITÉ EN PÉRIL Les Masters de l’économie déclarés hors-la-loi Cet argent public détourné aurait pu servir à résorber des emplois précaires Un professeur de philosophie, Gilbert Molinier, a obtenu du Tribunal Administratif l'annulation du jeu concours "les Masters de l'économie"[1] organisé par un groupe bancaire en 2000 dans son lycée Auguste Blanqui de St-Ouen (93) et depuis plusieurs années dans des établissements scolaires et universitaires [2]. C e tribunal, dans sa décision du 1er juillet 2004, considère "que ce jeu qui avait clairement des objectifs publicitaires et commerciaux pour la banque organisatrice" tombait sous le coup de la prohibition des initiatives de nature publicitaire, commerciale, politique ou confessionnelle figurant au règlement intérieur de l'établissement ; qu'il contrevenait également au principe de neutralité de l'école rappelé par de nombreuses circulaires et notes de service émanant du ministre de l'Education nationale ; qu'enfin, son organisation aurait dû être autorisée par le Conseil d'administration de l'établissement, qui, aux termes de l'ar- ticle L. 421-4 du code de l'éducation, "règle, par ses délibérations, les affaires de l'établissement." Même si le combat fut long et mené quasiment seul au tribunal administratif par Gilbert Molinier [3], voilà une bonne nouvelle pour la laïcité. Le CIC a pris la décision de supprimer l'organisation de ce jeu mais il en organise un nouveau sous la forme d'une distribution de prix (chassez le naturel, il revient au galop !). Gilbert Molinier a déjà déposé un recours au TA. Affaire à suivre... et à soutenir par des actions collectives. Parlons donc d'un sujet occulté, le coût de cette opération publicitaire menée par le Ministère de l'Edu- cation nationale au profit d'une banque, le CIC (d'ailleurs, Jack Lang n'avait-il pas supprimé cette "propagande économique") ? A supposer que ce jeu se déroule en dehors des cours, lors de séances "périscolaires", l'enseignant "parrain" n'en demeure pas moins rémunéré. Selon Gilbert Molinier, "environ 30 000 élèves participent à ce jeu chaque année, ce qui constitue 7500 équipes (quatre élèves + 1 professeur; parrain). Si l'on imagine que chaque professeur est payé en heures supplémentaires à raison de deux heures par semaine (HSE), à 25 euros l'HSE (estimation basse), cela représente une somme de 7500 X 24 X 25 = 4 500 000 euros (somme approximative)". Cette somme représente plus de 2 000 postes de personnels (administratifs, ouvriers, conseillers d'éducation, personnels de santé, enseignants, etc.). Cet argent public détourné aurait pu servir à résorber des emplois précaires (dans l'attente de l'abolition de la précarité). Quand on se rappelle les diminutions drastiques de postes aux concours en 2004, il y a des baffes qui se perdent ! Sud éducation Vienne [1] "La banque CIC, depuis plusieurs années, offre aux élèves des établissements scolaires la possibilité de participer à un jeu concours sur Internet consistant à faire fructifier un portefeuille d'actions fictif, sous la responsabilité d'un parrain. Le portefeuille est fictif, certes, mais il fonctionne d'après des valeurs boursières et leurs fluctuations réelles" (Attac.org). [2] http://www.molinier.org/ . Nous avons contacté Gilbert Molinier. Il nous a indiqué que nous étions le seul et le premier syndicat à s'intéresser à cette affaire, "ce qui est assez inquiétant" (sic). Nous le pensons aussi ! [3] Selon Gilbert Molinier : "les élus SNES au Conseil d'administration (NDLR : de son lycée A. Blanqui) sont largement majoritaires, ceux-ci ont tout fait pour étouffer cette affaire comme les autres". Éducation / Le journal / numéro 10 / décembre 2004 janvier 2005 3
Documents pareils
presentation intervention dangers du net 31 mars 2008
Décode le Web, c’est un site ludique et sérieux qui parle de sécurité perso sur Internet. On y trouve nombre
d’exemples qui présentent sous des angles plus ou moins caricaturaux la minorité de pers...