Créer un poème dada
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Créer un poème dada Pour cela, «Prenez un journal. Prenez des ciseaux. Choisissez dans ce journal un article ayant la longueur que vous comptez donner à votre poème. Découpez l’article. Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui forment cet article et mettez-les dans un sac. Agitez doucement. Sortez ensuite chaque coupure l’une après l’autre. Copiez consciencieusement dans l’ordre où elles ont quitté le sac. Le poème vous ressemblera. Et vous voilà un écrivain infiniment original et d’une sensibilité charmante, encore qu’incomprise du vulgaire.» Tristan Tzara, Manifeste sur l’amour faible et l’amour amer, 1921 Chant d'amour (I) Si tu pouvais jamais égaler, ô ma lyre, Le doux frémissement des ailes du zéphyre À travers les rameaux, Ou l'onde qui murmure en caressant ces rives, Ou le roucoulement des colombes plaintives, Jouant aux bords des eaux ; Si, comme ce roseau qu'un souffle heureux anime, Tes cordes exhalaient ce langage sublime, Divin secret des cieux, Que, dans le pur séjour où l'esprit seul s'envole, Les anges amoureux se parlent sans parole, Comme les yeux aux yeux ; Si de ta douce voix la flexible harmonie, Caressant doucement une âme épanouie Au souffle de l'amour, La berçait mollement sur de vagues images, Comme le vent du ciel fait flotter les nuages Dans la pourpre du jour : Tandis que sur les fleurs mon amante sommeille, Ma voix murmurerait tout bas à son oreille Des soupirs, des accords, Aussi purs que l'extase où son regard me plonge, Aussi doux que le son que nous apporte un songe Des ineffables bords ! Ouvre les yeux, dirais-je, ô ma seule lumière ! Laisse-moi, laisse-moi lire dans ta paupière Ma vie et ton amour ! Ton regard languissant est plus cher à mon âme Que le premier rayon de la céleste flamme Aux yeux privés du jour. Alphonse de Lamartine Naples, 1822 Dormir la lune dans un oeil et le soleil dans l'autre Un amour dans la bouche un bel oiseau dans les cheveux Parée comme les champs les bois les routes et la mer Belle et parée comme le tour du monde Puis à travers le paysage Parmi les branches de fumée et tous les fruits du vent Jambes de pierre aux bas de sable Prise à la taille à tous les muscles de rivière Et le dernier souci sur un visage transformé. Paul Eluard, 1921 Da da Citations « Dada, c’était pour moi le départ et la rupture dans un zurich libre où les journaux pouvaient dire ce qu’ils voulaient, où l’on fondait des revues et où l’on récitait en public des poèmes contre la guerre, ici où il n’y avait ni tickets de pain ni ersatz, on pouvait hurler ce qui nous emplissait jusqu’à nous faire éclater. » Richard Huelsenbeck « gadji beri bimba glandridi laula lonni cadori gadjama gramma berida bimbala glandri galassassa laulitalomini gadji beri bin blassa glassala laula lonni cadorsu sassala bim (…) » Hugo Ball « Gadji beri bimba » « ce que nous appelons Dada est un jeu de fous issu de rien, dans lequel sont imliquées toutes les questions majeures… » Hugo Ball « DADA signifie rien – nous voulons changer le monde avec rien… » Richard Huelsenbeck « L’art est mort. Vive Dada ! » Walter Serner Liberté : DADA, DADA, DADA, hurlement des douleurs crispées, entrelacement des contraires et de toutes les contradictions, des grotesques, des inconséquences : la VIE. » Tristan Tzara « Ce n’est pas Dada qui est absurde, c’est notre époque qui est absurde. » Les Dadaïstes « Ce qu’on appelle communément la réalité est, pour le dire exactement, un rien monté en épingle » Hugo Ball Hannah Höch « Je voudrais éradiquer les frontières sclérosées que nous hunains, édifions, confiants, autour de tout ce qui est à notre portée. » Raoul Hausmann « Dada…veut toujours et sans cesse du mouvement : il ne voit du repos que dans la dynamique. » John Heartfield « On ne peut combattre la guerre qu’avec le langage de la guerre. » Kurt Schwitters « Ce qu’est l’art, vous le savez aussi bien que moi, ce n’est rien de plus que du rythme. Mais si cela est vrai, je ne me plains pas avec l’imitation ou avec l’âme, mais donne tout simplement du rythme avec n’importe quel matériau, des tickets de tram, de la peinture à l’huile, des cubes en bois, oui ça vous éronne, des cubes de construction… » Marcel Duchamp « Je leur dis que les trucs d’aujourd’hui sont les vérités de demain » « Je me force à me contredire pour éviter de suivre mon goût » Man Ray « Je photographie ce que je ne désire pas peindre, les choses qui ont déjà une existence. » Jean Arp « Nous ne voulons pas imiter la nature, nous ne voulons pas reproduire, nous voulons produire. Nous voulons produire comme une plante qui produit un fruit, et ne pas reproduire. Nous voulons produire directement et non par truchement. Comme il n’y a pas la moindre trace d’abstraction dans cet art, nous le nommons : art concret. » Francis Picabia « Notre tête est ronde pour permettre à la pensée de changer de direction » « Dada lui ne sent rien, il n’est rien, rien, rien il est comme vos espoirs : rien comme vos paradis : rien comme vos idoles : rien comme vos hommes politiques : rien comme vos héros : rien comme vos artistes : rien comme vos religions : rien » Hugo Ball Manifeste DaDa 14 juillet 1916 Dada est une nouvelle tendance artistique, on s’en rend bien compte, puisque, jusqu’à aujourd’hui, personne n’en savait rien et que demain tout Zurich en parlera. Dada a son origine dans le dictionnaire. C’est terriblement simple. En français cela signifie « cheval de bois ». En allemand « va te faire, au revoir, à la prochaine ». En roumain « oui en effet, vous avez raison, c’est ça, d’accord, vraiment, on s’en occupe », etc. C’est un mot international. Seulement un mot et ce mot comme mouvement. Très facile à comprendre. Lorsqu’on en fait une tendance artistique, cela revient à vouloir supprimer les complications. Psychologie Dada. Allemagne Dada y compris indigestions et crampes brouillardeuses, littérature Dada, bourgeoisie Dada et vous, très vénérés poètes, vous qui avez toujours fait de la poésie avec des mots, mais qui n’en faites jamais du mot lui-même, vous qui tournez autour d’un simple point en poétisant. Guerre mondiale Dada et pas de fin, révolution Dada et pas de commencement. Dada, amis et soi-disant poètes, très estimés fabricateurs et évangélistes Dada Tzara, Dada Huelsenbeck, Dada m’dada, Dada m’dada, Dada mhm, dada dera dada, Dada Hue, Dada Tza. Comment obtenir la béatitude ? En disant Dada. Comment devenir célèbre ? En disant Dada. D’un geste noble et avec des manières raffinées. Jusqu’à la folie. Jusqu’à l’évanouissement. Comment en finir avec tout ce qui est journalisticaille, anguille, tout ce qui est gentil et propret, borné, vermoulu de morale, européanisé, énervé ? En disant Dada. Dada c’est l’âme du monde, Dada c’est le grand truc. Dada c’est le meilleur savon au lait de lys du monde. Dada Monsieur Rubiner, Dada Monsieur Korrodi, Dada Monsieur Anastasius Lilienstein. Cela veut dire en allemand : l’hospitalité de la Suisse est infiniment appréciable. Et en esthétique, ce qui compte, c’est la qualité. Je lis des vers qui n’ont d’autre but que de renoncer au langage conventionnel, de s’en défaire. Dada Johann Fuchsgang Goethe. Dada Stendhal, Dada Dalaïlama, Bouddha, Bible et Nietzsche. Dada m’dada. Dada mhm dada da. Ce qui importe, c’est la liaison et que, tout d’abord, elle soit quelque peu interrompue. Je ne veux pas de mots inventés par quelqu’un d’autre. Tous les mots ont été inventés par les autres. Je revendique mes propres bêtises, mon propre rythme et des voyelles et des consonnes qui vont avec, qui y correspondent, qui soient les miens. Si une vibration mesure sept aunes, je veux, bien entendu, des mots qui mesurent sept aunes. Les mots de Monsieur Dupont ne mesurent que deux centimètres et demi. On voit alors parfaitement bien comment se produit le langage articulé. Je laisse galipetter les voyelles, je laisse tout simplement tomber les sons, à peu près comme miaule un chat… Des mots surgissent, des épaules de mots, des jambes, des bras, des mains de mots. AU. OI. U. Il ne faut pas laisser venir trop de mots. Un vers c’est l’occasion de se défaire de toute la saleté. Je voulais laisser tomber le langage luimême, ce sacré langage, tout souillé, comme les pièces de monnaies usées par des marchands. Je veux le mot là où il s’arrête et là où il commence. Dada, c’est le cœur des mots. Toute chose a son mot, mais le mot est devenu une chose en soi. Pourquoi ne le trouverais-je pas, moi ? Pourquoi l’arbre ne pourrait-il pas s’appeler Plouplouche et Plouploubache quand il a plu ? Le mot, le mot, le mot à l’extérieur de votre sphère, de votre air méphitique, de cette ridicule impuissance, de votre sidérante satisfaction de vousmêmes. Loin de tout ce radotage répétitif, de votre évidente stupidité. Le mot, messieurs, le mot est une affaire publique de tout premier ordre. Hugo Ball, Zurich, le 14 juillet 1916. Tristan Tzara Manifeste DaDa Décembre 1918 Que chaque homme crie : il y a un grand travail destructif, négatif à accomplir. Balayer, nettoyer. La propreté de l’individu s’affirme après l’état de folie, de folie agressive, complète, d’un monde laissé entre les mains des bandits, qui se déchirent et détruisent les siècles. Sans but ni dessein, sans organisation, la folie indomptable, la décomposition. Les forts par la parole ou par la force survivront, car ils sont vifs dans la défense, l’agilité des membres et des sentiments flambe sur leurs flancs facettés. La morale a déterminé la charité et la pitié, deux boules de suif qui ont poussé comme des éléphants, des planètes et qu’on nomme bonnes. Elles n’ont rien de la bonté. La bonté est lucide, claire et décidée, impitoyable envers le compromis et la politique. La moralité est l’infusion du chocolat dans les veines de tous les hommes. Cette tâche n’est pas ordonnée par une force surnaturelle, mais pas le trust des marchands d’idées et accapareurs universitaires. Sentimentalité : en voyant un groupe d’hommes qui se querellent et s’ennuient, ils ont inventé le calendrier et le médicament sagesse. En collant les étiquettes, la bataille des philosophes se déchaîna (mercantilisme, balance, mesures méticuleuses et mesquines) et l’on comprit pour la seconde fois que la pitié est un sentiment, comme la diarrhée aussi, en rapport au dégoût qui gâte la santé, immonde tâche de charognes de compromettre le soleil. Je proclame l’opposition de toutes les facultés cosmiques à cette blennorragie d’un soleil putride sorti des usines de la pensée philosophique, la lutte acharnée, avec tous les moyens du Dégout dadaïste Tout produit du dégoût susceptible de devenir une négation de la famille, est DADA; proteste aux poings de tout son être en action destructive : DADA; connaissance de tous les moyens rejetés jusqu’à présent par le sexe pudique du compromis commode et de la politesse : DADA; abolition de la logique, danse des impuissants de la création : DADA; de toute hiérarchie et équation sociale installée pour les valeurs par nos valets : DADA; chaque objet, tous les objets, les sentiments et les obscurités, les apparitions et le choc précis des lignes parallèles, sont des moyens pour le combat : DADA; abolition de la mémoire : DADA, abolition de l’archéologie : DADA; abolition des prophètes : DADA; abolition du futur : DADA ; croyance absolue indiscutable dans chaque dieu produit immédiat de la spontanéité : DADA ; saut élégant et sans préjudice, d’une harmonie à l’autre sphère ; trajectoire d’une parole jetée comme un disque sonore cri ; respecter toutes les individualités dans leur folie du moment : sérieuse, craintive, timide, ardente, vigoureuse, décidée, enthousiaste ; peler son église de toute accessoire inutile et lourd ; cracher comme une cascade lumineuse la pensée désobligeante, ou amoureuse, ou la choyer – avec la vive satisfaction que c’est tout à fait égal – avec la même intensité dans le buisson, pur d’insectes pour le sang bien né, et doré de corps d’archanges, de son âme. Liberté : DADA DADA DADA, hurlement des couleurs crispées, entrelacement des contraires et de toutes les contradictions, des grotesques, des inconséquences : LA VIE. TRISTAN TZARA Tristan Tzara, « Manifeste Dada 1918 », revue Dada3, Zurich, Décembre 1918, réédition Jean-Michel Place, 1981, p. 144. LISTE DIAPOSITIVES DADA • Hannah HÖCH La Belle jeune fille, 1920 collage Moulin Dada, vers 1920, construction en métal, bois, cordelettes et objets divers, collages carton Da Dandy, vers 1919, photomontage, 30x23cm Coupe au couteau de cuisine dans la derniètre époque culturelle de l’Allemagne, celle de la grosse bedaine weimarienne, 1920, collage, 114x90cm Les dictons de chez moi, vers 1922, collage et encre de chine sur papier, 32x41.3cm La Fiancée, 1927, huile sur toile, 114x66cm • Max ERNST Fruit d'une longue expérience, 1919, relief La petite machine construite par minimax dadamax en personne, 1919/20, frottage au crayon, plume et encre de chine, aquarelle et gouache sur papier, 49,4x31,5cm Le Rossignol chinois, 1920, photomontage, 12,2x8,8cm La Chambre à coucher du maître cela vaut la peine d’y passer une nuit, 1920, collage, gouache et crayon sur papier, 16,3x22cm The Punching Ball ou L’Immortalité de Buonarroti ou Max Ernst et Caesar Buonarroti, 1920, collage fatagaga • Raoul HAUSMANN ABCD, Portrait de l'artiste, 1923, collage Tête mécanique ou l'esprit de notre temps, 1919, assemblage Le Critique d’art, 1919-1920, photomontage, Lithographie et collage photographique sur papier Dada Cino, 1920, collage • Kurt SCHWITTERS Construction pour des femmes nobles, 1919, assemblage, 103x84cm Tableau Merz 9b (Le grand tableau-Moi), 119, collage, huile et gouache sur carton, 96,8x70cm Tableau Merz 29A, Tableau à la roue mobile, 1920, assemblage, 93x113.5x17cm Tableau Merz 25A, das Sternenbild, 1920, collage Tableau Merz 32A, Le Tableau cerise, 1921, assemblage, 91,8x70,5cm Relief, 1923, collage de matériaux sur bois, 35,5x30cm Merz, collage Merzbau, la colonne Merz, 1923, photo de l'œuvre détruite Irgendsowas Merz 410 (N'importe quoi), 1920, collage sur papier • John HEARTFIELD N'ayez pas peur, il est végétarien, 1936, photomontage Göring le Boucher, 1933, photomontage • Georges GROSZ Piliers de la société, 1926, huile sur toile • Marcel DUCHAMP Nu descendant l’escalier n°2, 1912, huile sur toile, 146x89cm Roue de bicyclette, 1913 Porte-bouteille, 1914 Fontaine, 1917, réplique en porcelaine LHOOQ, 1919 Mariée, 1912, huile sur toile La Mariée mise à nu par ses célibataires même, 1915-1923, verre • Marcel DUCHAMP et Man RAY Elevage de poussière, 1920, photo • Man RAY Rayographie, env. 1923 Cadeau, 1921 Champs délicieux, 1922, • • Francis PICABIA Parade amoureuse, 1917, huile sur toile Hans RICHTER Portrait visionnaire, 1917, huile sur toile • Hans ARP Portrait des ombres de Tristan Tzara, 1916, bois découpé, vissé et peint Pour en savoir plus sur Dada, vous pouvez consulter les sites : Centre Pompidou Tate Metropolitan Museum of Art (MET) Museum of Modern art (MoMa)
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Le cauchemar, 1781. Detroit.
Les Trois sorcières, ap.1783, Stratford.