Salle Insite de Vancouver Pierre Chappard [Mode de compatibilité]

Transcription

Salle Insite de Vancouver Pierre Chappard [Mode de compatibilité]
Insite, Vancouver
Pierre Chappard, coordinateur du Réseau
Français de Réduction des Risques
Vancouver est une ville les plus importantes du Canada
(Colombie Britannique). Ville à la frontière des USA, elle a
adopté la politique des 4 piliers suisses (prévention, soins,
réduction des risques, répression) à la fin des années 90.
C'est une ville ou la richesse du centre ville, avec ces gratte-ciel,
n'a d'égale que la pauvreté du Quartier du downtown eastside
Le quartier du downtown eastside est un des plus pauvres du
Canada. A 200 mètres des gratte-ciel, la pauvreté, la prostitution,
le deal et l'usage de drogue (injection d'héroïne et inhalation de
crack) débordent dans la rue. Dans les années 90, Vancouver a
été l'une des ville occidental la plus touchée par le VIH, et des
centaines d'usagers y sont morts d'overdose.
Avec VANDU, le Portland Hotel Society (PHS), une association
réformiste qui propose des logements, et d'autres
associations(l'asso de parents From grief to action), il y a un
véritable mouvement social et culturel pour la réduction des
risques à Vancouver dans les années 90. En 95, VANDU
(Vancouver Area Network of Drug Users) installe une salle
d'injection illégale, le "back alley". En 98, il plante 2000 croix
dans un parc du Downtown Eastide, pour symboliser les
nombreux morts du Sida et d'overdose de Vancouver.
Le maire de Vancouver décide alors de développer la politique
des 4 piliers suisses, contre son parti politique, à la fin des
années 90. C'est actuellement une des villes au monde les plus
avancées en matière de réduction des risques.
Parmi les programmes de RDR, un programme d’échange de
seringues ouvert 24h/24 dans le downtown eastside. (PHS)
Un programme mobile, ouvert 18h par jour, qui livre des
seringues aux usagers dans tous Vancouver, mais qui les
ramasse aussi dans l'espace public quand il est appelé par des
riverains. (PHS)
Un sleep-in qui a aménagé son espace fumeur en salle de
consommation de crack (officieux) (PHS)
Le Drug User Ressource Center, qui fait office de CAARUD, de
lieu de réunions thématiques et de mobilisation pour les usagers,
mais aussi qui leur propose du travail. Cela peut aller du petit job
payé à la tache jusqu'au CDI. Le PHS a 800 jobs à distribuer par
mois à la communauté. Il reçoivent 25 millions de dollars par an
de la ville de Vancouver pour "réparer" la communauté du
downtown eastside.
Salome, un programme de recherche sur la substitution
injectable à base d'hydromorphone, une substance proche de
l'héroïne.
Un programme de logement pour les buveurs très excessifs, qui
propose une réduction des risques alcool. A des heures
programmées dans la journée, des doses d’alcool (vodka, vin, ou
bière) sont donnés aux usagers. (PHS)
Et enfin Insite, dans le downtown eastside, la seule salle
d'injection supervisée d'Amérique du Nord, qui a ouvert en 2003
au grand dam des USA. Le PHS a construit Insite et s'en est
servi comme site de démonstration, convainquant le ministre
fédéral de la santé qui a accordé l'exemption à la loi sur les
stupéfiants.
Insite est géré par le PHS, elle est ouverte de 10h du matin à 4h
du matin, 365 jours par an. La salle est ouverte à tous (étrangers,
first nation...) sans restriction.
Quand les usagers entrent, ils doivent donner leur pseudo et
montrer ce qu'ils vont consommer. Lors de leur première visite,
les règles de fonctionnement leur sont expliquées. Pas de deal,
pas de violence. Pas d'injection ailleurs que dans l'espace
d'injection. Les exclusions définitives sont extrêmement rares.
Ils se dirigent ensuite vers la salle d'attente. Pas de numéro
comme à Genève ou Bilbao, le contact humain est privilégié. La
file d'attente est gérée par les professionnels Si un usager est en
manque, il a la priorité.
Une fois qu'ils sont appelés, les usagers se dirigent dans la salle
d'injection proprement dit, qui comporte 12 postes d'injection.
Avant de s'injecter les usagers doivent se laver les mains. Russ
Maynard, le coordinateur du programme : "Ce qui manque le plus
dans le tiers monde, c'est de l'eau pour se laver"
Ils prennent le matériel dont ils ont besoin, puis se dirigent vers
une des 12 places. Les usagers peuvent injecter ce qu'ils veulent
(majoritairement héroïne, cocaïne, mais aussi et de plus en plus
de l'oxycontin) dans n'importe quel endroit du corps.
Il n' a pas de restriction de temps pour une injection, pour ne pas
stresser inutilement les usagers. De plus, les usagers sont
inégaux devant le capital veineux. Cela complique d'autant la
gestion de la salle d'attente.
Le poste d'injection comporte une surface en aluminium, un
container pour matériel usagé, et une grande glace. Cela permet
aux usagers, qui ont l'habitude de s'injecter dans la rue, toujours
à guetter si il n'y a pas la police ou autres, de voir ce qui se
passe derrière eux, sans avoir à tourner la tête. Cela permet
aussi aux professionnels de voir ce que font les usagers sans
avoir à les déranger.
Si les usagers ont des abcès, ou si ils n'arrivent pas à trouver
leur veine, une infirmière peut les soigner ou les aider dans le
cabinet médical. Elles n'ont pas le droit d'injecter le produit.
En cas d'overdose, les professionnels sont formés aux premiers
secours. Ils ont la possibilité d'administrer de la naloxone par voie
nasale, ce qui évite de devoir trouver une veine sur des
personnes qui n'en ont souvent plus. Si l'overdose est plus grave,
ils appellent les urgences. 200 overdoses ont lieu chaque années
dans ces murs, sans qu'aucune d'elles n'aient été fatales.
Uns fois qu'ils ont terminé l'injection, les usagers se dirigent vers
le chill-out, pour prendre un café, se reposer, discuter. Tout est
également construit pour l'accueil des usagers handicapés..
Le chill-out est tenu par des usagers pairs. Il y a trois sortes de
salariés à Insite. Les travailleurs sociaux, payés par le PHS, le
personnel médical (médecins et infirmiers) payés par le
Vancouver Health Autority, et les travailleurs pairs, payés par
Line, une émanation de Vandu.
Au contraire des SCMR européennes, Insite est d'abord une salle
d'injection, avant d'être un lieu d'accueil. Si les usagers veulent
reconsommer, ils doivent sortir de la structure et refaire le tour.
Insite a beaucoup grandi. En 2007, ils ont accueilli un programme
de detox (sevrage, mis à l'abri, initiation de tso) au premier étage,
puis une post cure au 3eme. Cette intégration d'une salle
d'injection et de services de sevrage sur le même site
géographique est exemplaire en ce qu'elle montre à quel point
les soins et la réduction des risques ne sont pas opposés
L'autre particularité d'Insite, c'est qu'avant même que le projet
commence, ils ont fait alliance avec une équipe de chercheurs du
BC Center for Excellence in HIV, de renommée mondiale. Ils ont
pu faire des études de cohorte qu'aucune autre salle au monde
n'a pu faire. Par exemple, quand Insite à ouvert, il y a eu une
augmentation de le demande de sevrage et de TSO à Vancouver
de plus de 30%.
Aujourd'hui, ce qui menace Insite c'est son succès. La salle a été
prévue pour accueillir 700 personnes par jours. Ils en sont à
1400. Les professionnels ne peuvent plus faire leur travail
correctement.
Lorsque le gouvernement conservateur Harper a gagné les
élections en 2007, il a voulu fermer Insite, encouragés par les
USA et l'OICS. Le différent à été jusqu'à la Court Suprême du
Canada, qui a ordonné au gouvernement en sept 2011 de laisser
ouvert Insite, "parce qu'Insite sauve des vies". Ce jugement ouvre
la voie à d’autres villes, comme Toronto, Victoria, Montréal ou
Québec, qui se préparent à installer les SIS qu’elles avaient en
projet.