UNIVERSITÉ CLAUDE BERNARD – LYON 1 L

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UNIVERSITÉ CLAUDE BERNARD – LYON 1 L
UNIVERSITÉ CLAUDE BERNARD – LYON 1
FACULTÉ DE MÉDECINE LYON SUD CHARLES MÉRIEUX
Année 2012
N°
L’allaitement maternel en médecine générale : Représentations,
vécu des mères, et perception du suivi par le médecin généraliste
Etude qualitative auprès de 17 mères de Rhône-Alpes
Volume 1/2
Thèse
Présentée à l’Université Claude Bernard – Lyon 1
et soutenue publiquement le 8 Mars 2012
pour obtenir le grade de Docteur en Médecine
Par
Mme GALLOT – SABBAGH Violaine
Née le 9 Août 1979
à Vénissieux (69)
UNIVERSITÉ CLAUDE BERNARD – LYON 1
FACULTÉ DE MÉDECINE LYON SUD CHARLES MÉRIEUX
Année 2012
N°
L’allaitement maternel en médecine générale : Représentations,
vécu des mères, et perception du suivi par le médecin généraliste
Etude qualitative auprès de 17 mères de Rhône-Alpes
Volume 1/2
Thèse
Présentée à l’Université Claude Bernard – Lyon 1
et soutenue publiquement le 8 Mars 2012
pour obtenir le grade de Docteur en Médecine
Par
Mme GALLOT – SABBAGH Violaine
Née le 9 Août 1979
à Vénissieux (69)
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD – LYON 1
___________________
. Président de l'Université
Alain BONMARTIN
. Président du Comité de Coordination des Etudes Médicales
François-Noël GILLY
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SECTEUR SANTE
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Chirurgie générale
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Bactériologie – Virologie ; Hygiène hospitalière
Gastroentérologie ; Hépatologie
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Pneumologie
Anesthésiologie et Réa chirurgicale
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Nutrition
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Epidémiologie, Economie Santé et Prévention
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Radiologie et imagerie médicale
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CARRET Gérard
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Biophysique et Médecine nucléaire
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Anatomie et Cytologie pathologiques
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Biochimie et Biologie moléculaire
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Physiologie
MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS (2ème Classe)
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Physiologie
Radiologie et Imagerie médicale
Biochimie, Biologie moléculaire
MAITRE DE CONFERENCES ASSOCIE – MEDECINE GENERALE
ERPELDINGER Sylvie
Composition du Jury
Président du Jury
Monsieur le Professeur Alain LACHAUX
Membres du Jury
Monsieur le Professeur Ambroise MARTIN
Monsieur le Professeur Jean-Pierre DUBOIS
Monsieur le Docteur Thierry FARGE
Membre invité
Madame le Docteur Irène LORAS-DUCLAUX
Remerciements
Aux notre président du jury
Monsieur le Professeur Alain LACHAUX
Vous nous faites l’honneur d’accepter de présider notre jury,
Nous vous sommes profondément reconnaissante pour votre confiance, vos encouragements, et
votre intérêt pour notre travail.
Veuillez trouver ici l’expression de notre sincère respect.
A nos membres du jury
Monsieur le Professeur Ambroise MARTIN
Vous aviez montré de l’intérêt pour notre sujet, étroitement lié avec votre spécialité, et nous
aviez conforté dans ce travail.
Soyez remercié de votre attention, veuillez recevoir l’expression de notre profonde admiration.
Monsieur le Professeur Jean-Pierre DUBOIS
Vous compter parmi nos juges est un honneur.
Veuillez trouver ici l’expression de nos sincères remerciements et de notre profond respect.
Madame le Docteur Irène LORAS-DUCLAUX
Vous nous faites l’honneur d’accepter cette invitation à juger notre travail et à lui porter votre
regard de spécialiste de cette discipline.
Soyez assurée de notre sincère gratitude et de notre profond respect.
A notre directeur de thèse
Monsieur le Docteur Thierry FARGE
Vous avez accepté de nous diriger dans cette thèse.
Vous avez toujours été disponible et encourageant.
Soyez assuré de notre gratitude pour l’aide et les conseils avisés que vous nous avez apportés
dans ce travail qualitatif fastidieux.
Le Serment d'Hippocrate
Je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l'exercice de la
Médecine.
Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans discrimination.
J'interviendrai pour les protéger si elles sont vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou
leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les
lois de l'humanité.
J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences.
Je ne tromperai jamais leur confiance.
Je donnerai mes soins à l'indigent et je n'exigerai pas un salaire au dessus de mon travail.
Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés et ma conduite
ne servira pas à corrompre les mœurs.
Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement la vie ni ne
provoquerai délibérément la mort.
Je préserverai l'indépendance nécessaire et je n'entreprendrai rien qui dépasse mes
compétences. Je perfectionnerai mes connaissances pour assurer au mieux ma mission.
Que les hommes m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois
couvert d'opprobre et méprisé si j'y manque.
TABLE DES MATIÈRES
INDEX DES TABLEAUX ET FIGURES ..........................................................................................................5 LISTE DES ABREVIATIONS...........................................................................................................................6 INTRODUCTION...............................................................................................................................................7 DEFINITIONS ....................................................................................................................................................9 PREMIERE PARTIE : GENERALITES ....................................................................................................... 10 PRATIQUES LIEES A L’ALIMENTATION DU NOURRISSON A TRAVERS L’HISTOIRE ............... 11 A. DANS L’ANTIQUITE. .................................................................................................................................................... 11 B. AU MOYEN ÂGE. .......................................................................................................................................................... 12 C. A LA RENAISSANCE...................................................................................................................................................... 13 D. A L’ÂGE CLASSIQUE. ................................................................................................................................................... 14 E. AU XIXEME SIECLE......................................................................................................................................................... 16 F. AU XXEME SIECLE (24). ................................................................................................................................................ 17 ETAT DES LIEUX........................................................................................................................................... 19 A. COMPOSITION DU LAIT DE FEMME ........................................................................................................................... 19 1. Caractéristiques de la croissance des humains. ......................................................................................... 20 2. Les nutriments. ......................................................................................................................................................... 20 3. Les éléments spécifiques du lait de femme. .................................................................................................. 22 4. Les éléments qui dépendent du régime maternel...................................................................................... 23 B. BIENFAITS DE L’ALLAITEMENT : CONNAISSANCES ACTUELLES........................................................................... 23 1. Bénéfices pour l’enfant.......................................................................................................................................... 23 2. Bénéfices pour la mère .......................................................................................................................................... 27 3. Impact économique ................................................................................................................................................ 29 C. LES ACTIONS DE PROMOTION DE L’ALLAITEMENT MATERNEL A L’ECHELLE INTERNATIONALE ET EN FRANCE. ............................................................................................................................................................................. 29 1. Le rôle des instances internationales.............................................................................................................. 29 2. Les actions nationales............................................................................................................................................ 32 D. L’ALLAITEMENT EN CHIFFRES. ................................................................................................................................. 33 1. En Europe.................................................................................................................................................................... 33 2. En France. ................................................................................................................................................................... 35 E. FORMATION DES MEDECINS GENERALISTES ........................................................................................................... 38 1
DEUXIEME PARTIE : L’ETUDE QUALITATIVE ..................................................................................... 40 MATERIEL ET METHODE........................................................................................................................... 41 A. PROBLÉMATIQUE.............................................................................................................................................. 41 B. HYPOTHÈSES ....................................................................................................................................................... 41 C. OBJECTIFS ............................................................................................................................................................. 42 1 . Objectifs de cette étude.................................................................................................................................... 42 2 . Objectifs communs aux deux thèses ........................................................................................................... 43 D. MÉTHODE ............................................................................................................................................................. 43 1 . Stratégie de recherche documentaire....................................................................................................... 43 2 . L’étude qualitative............................................................................................................................................. 44 E. POPULATION ETUDIEE ................................................................................................................................... 44 F. DÉROULEMENT DE L’ÉTUDE ........................................................................................................................ 45 1 . Recrutement ......................................................................................................................................................... 45 2 . Déroulement des entretiens........................................................................................................................... 48 3 . Traitement des données .................................................................................................................................. 49 RESULTATS.................................................................................................................................................... 50 A. LA POPULATION....................................................................................................................................................... 50 1 . Les mères ............................................................................................................................................................... 50 2 . Les enfants............................................................................................................................................................. 52 B. ANALYSE THEMATIQUE TRANSVERSALE ............................................................................................................. 54 1 . Antécédents et formation des mères.......................................................................................................... 54 2 . REPRÉSENTATIONS CHEZ LES MÈRES INTERROGÉES .................................................................... 65 3 . LA DUREE IDEALE ............................................................................................................................................. 80 4 . PLACE DU PERE .................................................................................................................................................. 82 5 . MODE DE VIE / MATERIEL.......................................................................................................................... 85 6 . LES REPRÉSENTATIONS DE LA SOCIETE ............................................................................................... 88 7 . REFERENT EN ALLAITEMENT..................................................................................................................... 98 8 . LE PROJET D’ALLAITEMENT ......................................................................................................................101 9 . DEROULEMENT DE L’ALLAITEMENT ....................................................................................................104 10 . VECU DU CONSEIL PAR LE MEDECIN GENERALISTE...................................................................128 11 . HISTOIRE ACTUELLE...................................................................................................................................139 12 . LES LAPSUS......................................................................................................................................................145 TABLEAUX RECAPITULATIFS DES ALLAITEMENTS .......................................................................146 ANALYSE CROISEE DES DISCOURS DES MEDECINS ET DE LEURS PATIENTES.......................148 2
A. DOCTEUR A -­‐ MADAME 1. ...................................................................................................................................148 B. DOCTEUR B -­‐ MADAME 7. ...................................................................................................................................149 C. DOCTEUR C -­‐ MADAME 6.....................................................................................................................................149 D. DOCTEUR D -­‐ MADAME 4....................................................................................................................................150 E. DOCTEUR E -­‐ MADAME 5. ...................................................................................................................................151 F. DOCTEUR F -­‐ MADAME 2.....................................................................................................................................152 G. DOCTEUR G -­‐ MADAME 8. ...................................................................................................................................153 H. DOCTEUR H -­‐ MADAME 3. ..................................................................................................................................153 I. DOCTEUR I -­‐ MADAME 12. ...................................................................................................................................154 J. DOCTEUR J -­‐ MADAME 9. ......................................................................................................................................154 K. DOCTEUR K -­‐ MADAME 10. ................................................................................................................................155 L. DOCTEUR L -­‐ MADAME 11. .................................................................................................................................156 M. DOCTEUR M -­‐ MADAME 14. ..............................................................................................................................156 N. DOCTEUR N -­‐ MADAME 17.................................................................................................................................157 O. DOCTEUR O -­‐ MADAME 16. ................................................................................................................................158 P. DOCTEUR P -­‐ MADAME 13..................................................................................................................................158 Q. DOCTEUR Q -­‐ MADAME 15. ................................................................................................................................159 DISCUSSION .................................................................................................................................................160 A. DISCUSSION SUR LA METHODE ...........................................................................................................................160 1 . Le choix de l’analyse qualitative................................................................................................................160 2 . Biais et facteurs de confusion liés à l’étude ..........................................................................................161 3 . Difficultés rencontrées ...................................................................................................................................164 B. LA POPULATION...............................................................................................................................................164 1 . Les mères .............................................................................................................................................................164 2 . Les enfants...........................................................................................................................................................168 C. FACTEURS DETERMINANTS DE L’ALLAITEMENT MATERNEL : LE CONTEXTE .............................................169 1 . L’importance de l’entourage : les grand-­mères, le père, la famille, les amies .......................170 2 . Le moment du choix de l’allaitement et les sources d’information ............................................173 3 . Place des professionnels de santé : promotion et soutien de l’allaitement.............................176 4 . Allaitement et travail .....................................................................................................................................180 D. LA CONDUITE DE L’ALLAITEMENT .....................................................................................................................182 E. REPRESENTATIONS DES MERES, MOTIFS DE LEUR CHOIX D’ALLAITER ........................................................190 1 . La relation à l’enfant : entre plaisir et contrainte .............................................................................191 2 . L’aspect pratique..............................................................................................................................................193 3 . Les nuits, la question de l’asthénie ...........................................................................................................195 4 . Un mode d’alimentation naturel, mais pas inné ?..............................................................................197 5 . Le lait maternel bon pour la santé, comparaison avec le lait artificiel....................................198 3
6 . Les durées d’allaitement et causes de sevrage ....................................................................................200 7 . La question de la pudeur...............................................................................................................................203 8 . Les limites des mères ......................................................................................................................................204 F. LES REPRESENTATIONS DE L’ALLAITEMENT DANS LA SOCIETE ....................................................................204 G. LE RESSENTI DES MERES ......................................................................................................................................208 H. L’ALLAITEMENT ET LE MEDECIN GENERALISTE ..............................................................................................211 DISCUSSION COMMUNE ...........................................................................................................................216 A. REPRESENTATIONS GENERALES DE L’ALLAITEMENT ET DU LAIT MATERNEL. ..........................................216 B. REPRESENTATIONS DE LA VISION DE L’ALLAITEMENT MATERNEL DANS LA SOCIETE ET AU TRAVAIL. 217 C. PLACE DU GENERALISTE DANS LA PRISE EN CHARGE DE L’ALLAITEMENT..................................................218 D. DISCUSSION SUR L’ANALYSE CROISEE DES DISCOURS.....................................................................................219 CONCLUSIONS .......................................................................................... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI. BIBLIOGRAPHIE .........................................................................................................................................224 ANNEXES.......................................................................................................................................................233 4
INDEX DES TABLEAUX ET FIGURES
Tableau 1: Tableau comparatif des laits de vache, préparations pour nourrissons et lait de femme .....20 Tableau 2: Synthèse du recrutement en maternité..................................................................................47 Tableau 3: Catégories socio-professionnelles des mères .......................................................................51 Tableau 4: Caractéristiques des enfants .................................................................................................52 Tableau 5: Mode d'alimentation des mères dans leur enfance ...............................................................57 Tableau 6: Formation et sources d'information des mères avant leur premier allaitement....................59 Tableau 7: les allaitements antérieurs ....................................................................................................64 Tableau 8: perception de l'asthénie en fonction de la "difficulté des nuits" et de l'aide du père............80 Tableau 9: les durées idéales d'allaitement.............................................................................................81 Tableau 10: techniques de maternage ....................................................................................................86 Tableau 11: Conditions de mise en place de l'allaitement à la maternité.............................................112 Tableau 12: contexte, contenu et impact du suivi de l'allaitement par le médecin généraliste ............138 Tableau 13: récapitulatif de l'alimentation actuelle et reprise du travail..............................................139 Tableau 14 récapitulatif des caractéristiques démographiques, professionnelles et durées effectives
d'allaitement .................................................................................................................................146 Tableau 15: synthèse des ressources documentaires et professionnelles et rôle de l'entourage...........146 Tableau 16: synthèse des durées d'allaitement et reprise du travail .....................................................147 Tableau 17: Répartition des mères selon leur tranche d'âge et comparaison avec l'étude nationale (1)
......................................................................................................................................................165 Tableau 18: tableau comparatif des catégories socio-professionnelles des mères avec les autres études :
étude Rhône-Alpes 2006 (Mères allaitantes uniquement) (70), étude Périnatalité 2010 (mères en
maternité)(1).................................................................................................................................166 Figure 1: Prévalence de l'initiation de l'allaitement dans 23 pays européens en 2003...........................34 Figure 2: Taux d'allaitement maternel à 3 ou 4 mois dans 21 pays européens ......................................34 Figure 3: Evolution de la prévalence de l'initiation de l'allaitement (exclusif et partiel) en maternité en
France de 1972 à 2003....................................................................................................................35 Figure 4: Taux d'allaitement maternel en fonction de l'âge du nourrisson selon un sondage réalisé par
l'Institut des mamans en 2002 ........................................................................................................36 Figure 5: Prévalence régionale de l'initiation de l'allaitement en France en 2003 selon l'ENP .............37 Figure 6: Evolution des taux d'AM par département en région Rhône-Alpes .......................................38 Figure 7: Répartition des âges des mères ...............................................................................................50 Figure 8: répartition géographique des mères ........................................................................................50 5
LISTE DES ABREVIATIONS
AFSSAPS : Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé
AM : Allaitement Maternel
ANAES : Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé
CERDAM : Centre de Ressources Documentaires pour l’Allaitement Maternel
CICSLM : Code International de Commercialisation des Substituts du Lait Maternel.
CRAT : Centre de Référence sur les Agents Tératogènes.
CSP : Catégorie Socio Professionnelle
DRASS : Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales
FMC : Formation Médicale Continue
HAS : Haute Autorité Sanitaire
IHAB : Initiative Hôpital Ami des Bébés
INSERM : Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale
IPA : Information Pour l’Allaitement.
LA : lait artificiel
LM : lait maternel
MG : Médecin Généraliste
MT : Médecin Traitant
NSP : Ne Sait Pas
OMS : Organisation Mondiale pour la Santé
ONU : Organisation des Nations Unies.
OR : Odds Ratio
PMI : Protection Maternelle et Infantile
PN : Poids de Naissance
PNNS : Programme National Nutrition Santé
UNICEF: United Nations International Children's Emergency Fund.
6
INTRODUCTION
Sujet de société polémique en France et dans de nombreux pays encore, l’allaitement maternel
cultive les paradoxes : entre pression sociale et liberté de la femme, mythe de la « bonne mère » et
culpabilisation du biberon, féminisme moderne et retour à la nature, bienfaits scientifiquement prouvés
et croyances populaires, relation fusionnelle et contrainte, pratique innée et compliquée, aliment
gratuit et inimitable, les mères doivent faire l’un des premiers choix de la vie de leur enfant : celui de
son mode d’alimentation. Elles évoluent pour cela dans un environnement complexe, mêlant une
tradition familiale fragile, une aide et des informations difficiles à trouver, et une société qui prône
l’allaitement sans toujours le faciliter.
Si les bienfaits de l’allaitement, tant pour le nourrisson que pour sa mère, sont largement
reconnus par les Autorités de Santé, et font l’objet de multiples programmes pour le favoriser, le
soutenir et le protéger, la réalité de la pratique de l’allaitement en France est loin d’être optimale. Les
mères françaises sont 68,7% à allaiter leur enfant à la sortie de la maternité, exclusivement ou
partiellement en 2010 (1). Ces taux sont en progression constante depuis les années 70, mais ils
chutent dès les premières semaines de vie. Faut-il y voir les conséquences de difficultés rencontrées,
de la reprise précoce du travail, du manque d’information, de représentations spécifiques aux femmes
françaises ?
Nous nous sommes intéressées au parcours des mères allaitantes dans le contexte actuel de
l’allaitement. Selon quels critères déterminent-elles leur choix ? De quelles sources d’information et
de quelles aides disposent-elles ? Comment se le représentent-elles ? Comment se situent-elle dans
notre société, par rapport à l’allaitement ? Quels obstacles rencontrent-elles ? Comment vivent-elle
leur allaitement ?
Lorsque les questions pratiques et médicales ne trouvent plus de réponse, le médecin
généraliste peut faire figure de repère pour certaines de ces mères. Il est le médecin de la famille, des
femmes comme des enfants, il connaît leur histoire et leurs antécédents personnels. Il est par ailleurs
souvent proche géographiquement et accessible. Selon le code de déontologie médicale, ses rôles sont,
entre autres d’« apporter son concours à l'action entreprise par les autorités compétentes en vue de la
protection de la santé et de l'éducation sanitaire » et d’« assurer personnellement au patient des soins
consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu,
à l'aide de tiers compétents » (articles R.4127-12 et R.4127-32 du code de la santé publique) (2). Il
apparaît donc du devoir du médecin généraliste de promouvoir l’allaitement et de proposer une
information et une aide médicales éclairées, pour accompagner les mères dans le projet de nutrition de
leur enfant, tout en respectant leurs représentations, leurs limites et leurs choix. Au delà de l’enjeu de
santé publique, l’allaitement est l’occasion d’un lien intense entre la mère et son enfant. Il relève d’une
7
dynamique familiale, intime, d’un choix personnel. Comment sont alors perçus les conseils et la
gestion des problèmes médicaux par celles qui consultent le médecin généraliste ? Quelle place lui
accordent-elles parmi les autres professionnels de santé ? Comment arriver à s’affranchir du sentiment
d’ingérence que le médecin peut ressentir en intervenant dans ce domaine, pour se concentrer sur
l’information médicale ?
Si le bon déroulement de l’allaitement est fortement conditionné par sa mise en place en
maternité, sous la responsabilité des sages-femmes et puéricultrices, le médecin généraliste intervient à
distance de la naissance, selon ses connaissances spécifiques, ses représentations et son histoire
personnelle. Quelles sont alors ses ressources pour apporter une information éclairée et guider les
mères ?
C’est à ces questions que nous nous sommes proposé de répondre en étudiant le discours de 17
mères allaitantes de la région Rhône-Alpes sur leurs représentations, leur vécu et leur interaction avec
leur médecin généraliste. Dans un second temps, nous avons réalisé une analyse croisée des données
récoltées auprès des mères, avec celles obtenues auprès de leur médecin, qui faisaient l’objet d’un
autre travail de thèse, mené parallèlement, afin de définir cette interaction et d’essayer de comprendre
quels étaient les enjeux du suivi de l’allaitement maternel par le médecin généraliste aux yeux de
chacun.
8
DEFINITIONS
Allaitement maternel : Alimentation du nouveau-né ou du nourrisson par le lait de sa mère. La
réception passive (par l’intermédiaire d’une tasse, d’une cuillère, d’un biberon) du lait maternel
exprimé est considérée comme un allaitement maternel même s’il ne s’agit pas de l’allaitement au sein
(3)
Allaitement exclusif : L’allaitement est exclusif lorsque le nourrisson reçoit uniquement du lait
maternel à lʼexception de tout autre ingesta, solide ou liquide, y compris lʼeau. (3)
Allaitement partiel : L’allaitement est partiel lorsquʼil est associé à une autre alimentation comme des
substituts de lait, des céréales, de lʼeau sucrée ou non, ou toute autre nourriture. (3)
Sevrage : Arrêt complet de l’allaitement maternel. Le sevrage ne doit pas être confondu avec le début
de la diversification alimentaire. (3)
Préparations pour nourrissons : Denrées alimentaires destinées à l'alimentation particulière des
nourrissons pendant les premiers mois de leur vie et répondant à elles seules aux besoins nutritionnels
de ces nourrissons jusqu'à l'introduction d'une alimentation complémentaire appropriée (selon la
DIRECTIVE 2006/141/CE DE LA COMMISSION du 22 décembre 2006 concernant les préparations
pour nourrissons et les préparations de suite) (4)
Préparations de suite : denrées alimentaires destinées à l'alimentation particulière des nourrissons
lorsqu'une alimentation complémentaire appropriée est introduite et constituant le principal élément
liquide d'une alimentation progressivement diversifiée de ces nourrissons (selon la DIRECTIVE
2006/141/CE DE LA COMMISSION du 22 décembre 2006 concernant les préparations pour
nourrissons et les préparations de suite) (4)
Maternage : Ensemble des soins qu’une mère prodigue à son enfant.
9
PREMIERE PARTIE : GENERALITES
10
Ces généralités sont communes avec celles de la thèse de Aurélie Borgnat-Jambon : « L’allaitement
maternel en médecine générale : Représentations, attitudes pratiques des médecins généralistes et
perception du vécu de leurs patientes. »
Pratiques liées à l’alimentation du nourrisson à travers
l’histoire
L’étude de l’évolution des pratiques médicales et populaires concernant l’allaitement maternel
nous permet de nous rendre compte que ses représentations actuelles sont issues d’une longue histoire.
A. Dans l’Antiquité.
1. Chez les Grecs.
La Grèce antique était divisée en deux en ce qui concerne le mode d’alimentation de ses
enfants. En effet, une loi de Lycurgue (IXème siècle avant J.C.) imposait aux femmes de Sparte de
nourrir elles-mêmes leurs enfants au sein tandis qu’à Athènes des nourrices esclaves allaitèrent
initialement les enfants des familles aisées avant que cette pratique ne s’étende à l’ensemble des
classes sociales (5).
A cette époque, les conseils des médecins étaient nébuleux et souvent contradictoires (5).
SORANOS D’EPHESE, fondateur de l’obstétrique et de la gynécologie dont le traité des Maladies des
femmes s’est imposé comme référence pendant des siècles (6) considérait qu’il était préférable pour le
nourrisson d’être nourri par le lait de sa propre mère mais que parfois le lait d’une nourrice était un
meilleur choix. Par ailleurs, selon lui, l’allaitement maternel s’avérait délétère pour la mère en causant
chez elle vieillissement précoce, déformation des seins, abcès, tumeur, cancer et autres affections (7).
Pour GALIEN et HIPPOCRATE, le lait de la mère était préférable car il était la continuité du sang qui
avait nourrit l’enfant in utero (8).
Les qualités nutritionnelles du colostrum étaient totalement méconnues. On préconisait de
nourrir l’enfant seulement 1 à 2 jours après la naissance et il ne pouvait recevoir le lait de sa mère qu’à
partir du quatrième jour de vie lorsque celui-ci ne contenait plus de colostrum. Les avis divergeaient
sur le rythme des tétées et les conseils d’hygiène prodigués à la femme allaitante étaient nombreux et
variés, allant de l’exercice physique modéré (5) à un régime fait de prescriptions strictes (éviter
l’ivresse, les indigestions et tout excès) (9) en passant par l’abstinence sexuelle totale car selon
SORANOS : « la copulation gâte le lait et le tarit partiellement ou totalement en réveillant le flux
menstruel de la matrice et en aboutissant à la conception » (10). A l’apparition des premières dents,
on introduisait une alimentation solide et le sevrage s’effectuait progressivement jusqu’à l’âge de 2
ans.
11
2. Chez les Romains.
Pendant cinq siècles, l’allaitement maternel était de règle chez les Romains. Mais au fur et à
mesure que les conquêtes apportaient le luxe, les mères des familles nobles et bourgeoises confièrent
de plus en plus cette tâche à des nourrices esclaves. Certaines femmes du peuple firent ensuite de
même mais, ne pouvant acheter une nourrice, elles en louaient une au forum Olitorium, sorte de
marché où se tenaient les femmes qui vivaient de la vente de leur lait. L’usage des nourrices se
généralisa à tel point qu’on raconte que Jules César se serait écrié sur une promenade publique : « Les
dames romaines n’ont donc plus d’enfants à porter, ni à nourrir, qu’on ne voit plus entre leurs mains
que des chiens et des singes ? ». Les médecins exerçant à Rome étaient surtout des Grecs c’est
pourquoi les conseils médicaux à propos de l’allaitement étaient globalement identiques à ceux
dispensés en Grèce.
3. L’allaitement artificiel à cette époque.
L’allaitement artificiel n’existait sans doute pas en tant que tel car si une femme ne voulait ou
ne pouvait pas allaiter, elle pouvait se faire remplacer par une esclave. Mais si elle n’en avait pas à
disposition, elle utilisait n’importe quel récipient susceptible de convenir à la succion du nourrisson.
On a retrouvé dans des sépultures d’enfants des « gutti », sorte de pichets en terre cuite ou en verre,
dont l’ouverture principale est fermée par un bouchon percé de plusieurs trous (11).
B. Au Moyen Âge.
1. L’allaitement mercenaire : une véritable industrie.
Jusqu’au XIIIème siècle, l’allaitement maternel était la coutume dans toutes les couches de la
société. Mais au-delà, l’aristocratie a commencé à utiliser des nourrices, à tel point que s’est édifiée
une véritable industrie de l’allaitement mercenaire ayant mené à la création du bureau des nourrices à
Paris. Des femmes nommées « recommanderesses » recrutaient des nourrices en province pour les
présenter aux familles.
Une ordonnance du roi fixait les rémunérations des nourrices et des recommanderesses. Ces
dernières n’avaient pas le droit de confier plus d’un enfant à une même nourrice. Ce commerce
prospéra à tel point que le roi Louis XIII décida de réduire le nombre de recommanderesses autorisées
à Paris (12).
12
2. L’idée nouvelle de la transmission héréditaire.
Les médecins du Moyen Âge restaient fortement marqués par les idées de l’Antiquité avec
toutes leurs ambiguïtés. Si le lait maternel continuait d’être considéré comme meilleur, on publiait
pourtant des conseils sur le choix d’une bonne nourrice (13). Cependant, comme les femmes qui
n’allaitaient pas s’exposaient aux pires maux, les médecins préféraient prescrire des substituts tels que
le lait de chèvre si la mère n’avait pas assez de lait plutôt que de confier l’enfant à une nourrice.
Le lait maternel, considéré comme le prolongement du sang placentaire, était censé
transmettre des qualités maternelles et familiales au nouveau-né. Cette théorie de la transmission
héréditaire, soutenue par BARTHELEMY L’ANGLAIS, était unanimement reconnue à l’époque (13).
3. Les conseils médicaux.
Ils étaient encore à cette époque bien confus car deux théories s’opposaient : donner peu mais
souvent dans un souci de digestibilité pour l’enfant ou donner beaucoup mais plus rarement (13).
D’autre part, l’hygiène de vie de la nourrice devait être rigoureuse : alimentation pauvre en épices,
aromates et condiments mais riche en viande.
4. L’allaitement artificiel à cette époque.
On parlait d’ « acorneter » un enfant lorsqu’on lui donnait du lait animal car on utilisait une
corne de vache ou de chèvre percée à son extrémité sur laquelle on aboutait le pis d’un animal. On
utilisait plutôt du lait de chèvre car BARTHELEMY L’ANGLAIS ainsi que d’autres estimaient qu’il
était le plus digestible pour l’enfant après le lait humain (13).
C. A la Renaissance.
1. Allaiter : un véritable devoir pour la mère.
Jusqu’à la fin du XVIème siècle, l’allaitement mercenaire n’était pratiqué que chez les
aristocrates tandis que dans les autres couches de la société la grande majorité des femmes allaitait
elles-mêmes leurs enfants. Les médecins considéraient l’allaitement maternel comme un « devoir
d’état » et reprochaient donc aux femmes nobles de ne pas s’en acquitter, les condamnant moralement
et allant jusqu’à les comparer aux femmes avortantes (14).
13
2. Des connaissances scientifiques ayant peu évolué.
Les connaissances sur l’allaitement maternel avaient peu progressé depuis l’Antiquité et le
Moyen Age, les médecins continuaient donc à prodiguer les conseils de leurs confrères de ces
périodes. Ils justifiaient toujours leurs idées en faveur de l’allaitement maternel en s’appuyant sur
l’ancienne croyance de la transmission des qualités morales et des mœurs de la mère (7).
3. L’allaitement artificiel à cette époque.
Malgré la possibilité de substituer du lait animal au lait maternel, l’allaitement artificiel au
XVI
ème
siècle était plutôt rare. VALLAMBERT, en 1565, conseillait le lait de chèvre qu’il qualifiait de
« meilleur et plus tempéré, comme dit Galien, parce qu’il est moyennement humide et onctueux, entre
gras et subtil » (15). Thomas PLATTER, né en 1499, fut quant à lui nourri au lait de vache comme en
témoignent ses écrits : « je n’ai jamais tété de lait de femme […]. Il a donc fallu que je tète du lait de
vache avec une petite corne percée, comme c’est l’usage dans le pays lorsqu’on sèvre les enfants »
(11)(13).
D. A l’Âge Classique.
1. L’extension de l’allaitement mercenaire.
Bien que l’allaitement maternel soit défendu avec ferveur par de nombreuses personnalités du
monde médical et philosophique, le placement des enfants en nourrice prenait de l’ampleur dans
l’ensemble de la société urbaine. Même les femmes appartenant aux classes sociales qui nourrissaient
de leur sein les enfants aristocrates confiaient à leur tour leurs enfants à des nourrices. On se mit donc
à en chercher dans les banlieues éloignées et les campagnes car la demande en ville était largement
supérieure à l’offre (11).
Cette situation paradoxale était probablement le résultat des idées médicales véhiculées à
l’époque auxquelles s’ajoutaient diverses croyances et facteurs sociaux : remise en cause de la qualité
du lait (air de la ville jugé malsain), complications mammaires fréquentes lors de la mise en route de
l’allaitement décourageant les mères, régime alimentaire des paysannes considéré comme plus
favorable à la lactation du fait d’une meilleure accessibilité aux produits laitiers et à une eau de bonne
qualité, crainte de la déformation de la poitrine, mode du corset, nécessité pour les femmes des
milieux populaires urbains de travailler…(16)(17).
14
2. Des médecins toujours favorables à l’allaitement maternel.
Les médecins se montraient toujours très nettement en faveur de l’allaitement maternel car
l’idée de la continuité entre le sang placentaire et le lait maternel transmettant au nourrisson les
qualités morales de celle qui l’allaitait était encore très répandue à cette période. De plus, l’allaitement
était considéré comme une loi de la nature à laquelle aucune mère ne pouvait se dérober car on
approuvait encore largement les auteurs anciens tels qu’ HIPPOCRATE qui prônait le respect des
fonctions naturelles du corps humain afin de ne pas infliger à l’organisme un déséquilibre physique et
moral. Les médecins affirmaient donc que les mères qui n’allaitaient pas s’exposaient aux plus
terribles maladies liées aux « métastases laiteuses » tandis que celles qui assumaient volontiers cette
tâche vieillissaient lentement et conservaient une santé de fer (17).
Toutefois, certains médecins du XVIIème siècle qui n’approuvaient pas les préceptes
d’HIPPOCRATE se montrèrent plus critiques vis à vis de l’allaitement maternel. Ils devinrent plus
nombreux au siècle suivant et prônèrent l’alimentation des nourrissons par un lait animal associé à des
bouillies trempées de pain ou du miel dans de l’eau (18).
3. De nouvelles découvertes scientifiques.
Grâce à de nouvelles recherches, les bienfaits du colostrum et la variation de composition du
lait maternel selon l’âge de l’enfant furent découverts au XVIIIème siècle (17). Bien que non prouvée,
la transmission de composants immunitaires au nourrisson via le lait maternel était également
soupçonnée: « Quand les enfants n’ont pas d’autres aliments que le lait maternel, ils acquièrent des
forces tous les jours et bravent les maladies de toutes espèces. » (19).
4. L’influence des idées de Rousseau.
Rousseau affirmait qu’au début la mère ne nourrissait elle-même son enfant que pour se
soulager des montées laiteuses, de cette attitude naissait ensuite l’amour maternel. Du fait de son
énorme notoriété, il parvint à convaincre les femmes cultivées de la haute bourgeoisie de nourrir leurs
enfants elles-mêmes. Les femmes nécessiteuses continuaient quant à elles de confier leurs enfants à
des paysannes. Des subventions furent donc créées afin de favoriser l’allaitement maternel dans les
familles pauvres. (20)
5. Les médecins et l’allaitement mercenaire.
Les médecins du XVIIème siècle reconnaissaient le lait maternel comme étant le plus adapté au
nourrisson mais ils estimaient encore le colostrum comme impropre à la consommation. En attendant
que le sein soit débarrassé de ce lait impur, ils préconisaient donc le recours à une nourrice pendant
plusieurs jours (21).
15
C’est surtout au XVIIIème siècle qu’ils se montrèrent plus véhéments vis à vis de l’allaitement
mercenaire. Ils tentèrent de combattre cette pratique en expliquant aux parents que les nourrices
n’avaient pas le temps de s’occuper convenablement d’un enfant qui n’était pas le leur puisque le
travail extérieur et leur propre fonction de mère les accaparaient totalement (21)
6. L’allaitement artificiel à cette époque.
Aux XVIIème et XVIIIème siècles, l’allaitement artificiel avec du lait animal était encore
exceptionnel mais le manque de nourrices nécessitait l’utilisation de méthodes alternatives pour
nourrir les enfants abandonnés recueillis dans les hospices. Cependant, les récipients proposés à
l’enfant étaient sommaires et ne permettaient pas de régler le débit du lait, ni d’être nettoyés
correctement. La mortalité infantile était donc élevée dans ces structures d’accueil mais certains
médecins privilégiaient pourtant le lait animal qui constituait selon eux la meilleure façon d’éliminer
toute transmission à l’enfant des vices des femmes (21).
E. Au XIXème siècle.
1. L’allaitement mercenaire.
Alors que les enfants issus des milieux ruraux étaient nourris par leurs mères, ceux issus des
milieux plus citadins étaient confiés à des nourrices mercenaires. A l’intérieur de cette même classe
citadine, c’étaient surtout les familles de marchands ou d’artisans qui envoyaient leurs enfants en
nourrice puisque la mère travaillait beaucoup. Dans les classes plus nobles (bourgeoisie et
aristocratie), les femmes allaitaient ou faisaient venir une nourrice au domicile (22).
Dans la première moitié du XIXème siècle, le taux national d’allaitement mercenaire était
d’environ 20% mais il existait des variations importantes d’une ville à l’autre. Vers 1880, 10% des
nourrissons français étaient confiés à une nourrice mais là encore il existait de fortes disparités
géographiques puisque cela concernait 32% des enfants parisiens. La mortalité infantile entre 0 et 1 an
était de 6 à 11% pour les enfants nourris par leurs mères, multipliée par 2 ou 3 pour les enfants placés
en nourrice et atteignait 90% lorsque le nourrisson était abandonné. Le taux de mortalité des enfants
des nourrices variait quant à lui de 67 à 87% car leurs mères réservaient leur lait aux enfants qu’elles
gardaient. Les médecins continuaient donc de critiquer fermement l’allaitement mercenaire en
accusant les nourrices d’indifférence et de négligence entraînant une surmortalité des enfants.
Toutefois, ils reconnaissaient la difficulté d’allaiter son enfant dans le mode de vie urbain (23).
2. Les médecins et l’allaitement maternel.
La plupart des médecins prêchait en faveur de l’allaitement maternel en rappelant les dires des
anciens et les idées morales de Rousseau. L’idée déjà très ancienne que l’allaitement était une suite
16
logique de la grossesse et que la mère qui ne s’y soumettait pas s’exposait aux pires maladies gardait
une place prépondérante dans l’esprit médical de l’époque comme en témoigne cet écrit de Charles
François MENVILLE DE PONSAN en 1845 « Le lait qu’elle refuse à son enfant se transforme en
poison funeste qui devient pour elle une source intarissable de douleur et de tourmente ».
Par ailleurs, les multiples qualités du lait maternel en termes de nutrition et d’asepsie étaient
largement reconnues: « Le lait de la mère est de tous les temps tel qu’il doit être, […], il a toujours des
qualités régulières soit qu’on considère au commencement, au milieu ou à la fin de la nourriture»
(23). Suite aux travaux de Pasteur, CHARVET à également écrit que « Le lait de la mère est inoffensif
parce qu’il passe directement de son sein dans la bouche de l’enfant. Il ne peut pas s’infecter » (22).
Cependant on émettait encore de nombreuses contre-indications à l’allaitement : maladies de
peau, affections aiguës, anémie, retour des règles, grandes émotions, colères…Les praticiens mettaient
en garde les mères en leur expliquant que « chaque verre de lait que donne une femme c’est un verre
de sang qu’elle perd : la grossesse épuise les forces, l’allaitement davantage ».
3. L’allaitement artificiel à cette époque.
L’allaitement artificiel était rare et cantonné aux régions Nord et Nord-Ouest du fait d’un
important élevage bovin et d’un coût trop élevé des nourrices pour les femmes ouvrières. Le taux
d’allaitement au sein était de 50% à Lille et de 65% dans le Calvados (22). Jusqu’à la fin du XIXème
siècle la mortalité infantile imputable à l’allaitement artificiel était élevée, surtout en ville, du fait des
mauvaises conditions de conservation et d’acheminement du lait cru.
Louis Pasteur inventa la pasteurisation en 1863 après avoir découvert que la pullulation
microbienne dans le lait était responsable de graves gastro-entérites mais que la stérilisation permettait
de détruire ces bactéries. Cette technique fut utilisée de façon industrielle dès 1882 ce qui marqua le
début de l’ère de l’allaitement artificiel. Toutefois, on a continué à utiliser du lait cru pendant encore
plusieurs dizaines d’années, car le lait stérilisé était très coûteux et certains médecins s’y opposaient,
convaincus des bienfaits du lait cru par rapport au lait bouilli. La stérilisation du lait par ébullition ne
fut conseillée par l’ensemble du monde médical qu’au début du XXème siècle.
F. Au XXème siècle (24).
1. Le déclin de l’allaitement jusqu’aux années 70.
Bien que les médecins aient continué d’affirmer leurs opinions en faveur de l’allaitement
maternel et de condamner fortement l’allaitement mercenaire, en 1910, 65% des femmes avaient
recours à l’allaitement mixte (16,7% par hypogalactie, 4,6% par interdit médical, 1,9% par choix
délibéré et 76,5% à cause de leur travail). Par ailleurs, la mortalité infantile dans les grandes
agglomérations à population majoritairement ouvrière oscillait entre 33 et 86% (23).
17
Cette situation fut à l’origine de nombreuses actions en faveur de l’allaitement maternel :
création d’une prime à l’allaitement maternel pendant 3 mois financée par des caisses de compensation
créées par des associations de patrons, vote de la loi ENGERAUD ordonnant la construction de
chambres d’allaitement puis vote de la loi STRAUSS (1919) accordant une indemnité de repos postnatal à laquelle s’ajoutait une prime supplémentaire aux femmes allaitantes. Mais la fréquence de
l’allaitement maternel n’a cessé de décroître car la composition des laits de substitution s’est améliorée
ainsi que l’efficacité des procédés de stérilisation des biberons. La mortalité due à la nutrition
artificielle a donc chuté de façon importante tandis qu’elle restait toujours élevée chez les enfants
envoyés en nourrice. S’est alors développée dans l’inconscient collectif une représentation opposant
allaitement maternel synonyme de mort et allaitement artificiel apportant vie et bonne santé à l’enfant.
Le nombre des nourrices a donc considérablement diminué pendant la première guerre
mondiale et la crise des années 1930 a marqué la fin de l’allaitement mercenaire.
2. Les causes d’une telle situation.
Une médicalisation hospitalière de l’accouchement s’est développée dans les années 1950. Les
médecins qui étaient encore majoritairement des hommes ne s’intéressaient pas à l’allaitement et
n’avaient pas conscience de ses difficultés pratiques. Ils préconisaient des modalités d’alimentation
chez les nouveau-nés en complète opposition avec les conditions nécessaires au bon déroulement de
l’allaitement. On imposait en effet une diète complète au nouveau-né pendant les deux premiers jours
ce qui ne favorisait ni la montée laiteuse ni le réflexe de succion du bébé et les mères étaient séparées
de leur enfant durant cette période. On imposait également des horaires de tétées rigides calqués sur
les modalités de l’allaitement artificiel afin d’éviter la survenue de troubles digestifs et on pesait
l’enfant avant et après chaque tétée pour quantifier les prises afin d’administrer des compléments de
lait artificiel lorsqu’elles étaient jugées insuffisantes. Le sevrage intervenait quant à lui de plus en plus
tôt (3 mois versus 12 mois au début du siècle) probablement en partie du fait de l’essor commercial de
l’allaitement artificiel suite à l’industrialisation des préparations pour nourrissons.
D’autre part, la gêne d’allaiter en public liée à une pudeur exacerbée et des idées-reçues
tenaces ont aussi participé au recul de l’allaitement. Les femmes françaises ont donc peu à peu
considéré l’allaitement comme un poids supplémentaire parmi les charges familiales, les privant d’une
liberté à laquelle elles aspiraient de plus en plus à une époque où se développait un mouvement
féministe égalitariste amplifié en France par les idées de Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre. Ces
derniers pensaient que la fonction maternelle était incompatible avec la mission intellectuelle des
femmes alors même qu’ailleurs en Europe le combat féministe luttait pour faire avancer la fonction
sociale de la maternité en revendiquant un congé maternité, des allocations et des conditions de travail
favorables à la poursuite de l’allaitement.
18
3. Le renouveau de l’allaitement à partir des années 70.
L’allaitement maternel a suscité un nouvel intérêt grâce aux découvertes scientifiques
démontrant que ce lait était le plus adapté au nouveau-né. Ce mode de nutrition a été privilégié en
premier lieu par les mères des classes sociales les plus aisées et instruites avant de gagner
progressivement les différentes couches de la société.
De nombreux facteurs expliquent ce regain d’intérêt pour cet acte naturel : les nombreuses
découvertes quant aux multiples qualités (nutritionnelles, anti-infectieuses, anti-allergiques, etc…) du
lait maternel, l’émissions de recommandations par les autorités de santé à l’échelon national et
international, les multiples campagnes d’information du public, la mouvance protestataire prônant un
retour à la nature, la création et les actions d’associations de soutien aux mères allaitantes, …
Ainsi, après des siècles de pratiques inappropriées et de fausses croyances populaires et
médicales, nous ne pouvons que constater que la tradition d’allaitement s’est littéralement perdue
comme le souligne Marie THIRION dans un de ses ouvrages (25) : « Les femmes, les mères et donc
aussi le personnel soignant des hôpitaux ont désappris, oublié l’allaitement. Les mères, les grandsmères ne l’ont pas vécu, ne savent plus et racontent les échecs qu’on leur a fait subir. Qui d’entre
nous a vu dans son enfance sa mère ou une autre femme allaiter ? Toutes les petites filles donnent le
biberon à leurs poupées… ».
État des lieux
A. Composition du lait de femme
Le lait maternel est en évolution permanente, au cours de la tétée et au cours de la vie de
l’enfant. C’est l’aliment le plus adapté au nourrisson, il lui est suffisant pendant les six premiers mois
de vie (26).
Les compositions du lait de mère et des préparations pour nourrissons semblent globalement
similaires. Si on les analyse plus en détails, on comprend cependant que ces deux formules sont très
différentes et que les laits artificiels sont loin d’égaler le lait humain.
19
Tableau 1: Tableau comparatif des laits de vache, préparations pour nourrissons et lait de
femme
d’après le professeur D.Turck et le comité de nutrition de la Société Française de Pédiatrie
« l’allaitement maternel, bénéfices pour la santé de l’enfant et de sa mère » (3).
Pour 100 mL
Calories (Kcal)
Protides (g)
- caséine (%)
Lait de vache
65
3,7
80
Préparations pour nourrissons
66-73
1,5-1,9
60-80
Lait de femme mature
67
1
40
Lipides (g)
- Acide linoléique (mg)
- Acide a-linolénique (mg)
3,5
90
Traces
2,6-3,8
350-750
30-100
3,5
350
37
Glucides (g)
- Lactose (%)
- Dextrine-maltose (g)
- Autres sucres
4,5
100
0
Aucun
6,7-9,5
47-100
1,1-2,6
Amidon, glucose, fructose,
saccharose
7,5
85
0
Oligosaccharides
900
48
125
0,03
250-500
16-28
43-93
0,7-1
210
16
33
0,05
Sels minéraux (mg)
- Sodium (mg)
- Calcium (mg)
- Fer (mg)
1. Caractéristiques de la croissance des humains.
•
Croissance pondérale relativement peu rapide par rapport aux autres mammifères, assurée
notamment par l’apport protéique : doublement du poids de naissance en 6 mois (le veau
double son poids en 1,5 mois environ) (27).
•
Croissance cérébrale plus importante assurée par le galactose et les acides gras polyinsaturés à
longue chaîne.
2. Les nutriments.
Les sucres
Le lactose (galactose-glucose): la teneur du lait maternel en lactose est plus élevée et favorise
l’absorption intestinale de calcium. Le galactose participe au développement cérébral (galactolipides)
et le glucose fournit de l’énergie (27).
Les lipides
Leur concentration est très variable dans le temps, au cours de la tétée, de la journée, des mois, des
grossesses. Il existe une grande variété d’acides gras qui n’est pas présente dans les laits artificiels
(27). Leur digestibilité et leur coefficient d’absorption sont bien supérieurs dans le lait humain (3).
Les triglycérides : leur métabolisme est facilité par leur structure spécifique dans le lait maternel. Ils
sont digérés par les lipases en acides gras et glycérol.
20
Les acides gras essentiels : ils sont représentés par l' acide linoléique et l'acide alpha-linolénique,
précurseurs des acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPILC) : acide arachidonique (ARA) et
docosahexaénoïque (DHA) qui jouent un rôle dans le développement cérébral, visuel, et psychomoteur
(28), ainsi que dans la pathologie allergique, l’inflammation et le système cardio-vasculaire. Ces
derniers acides gras ne sont pas naturellement présents dans les laits artificiels et font l’objet d’une
supplémentation, du fait de l’avancée récente des connaissances sur leur utilité (27) (28).
Phospholipides : ils sont impliqués dans la croissance cérébrale.
Le cholestérol : plus concentré que dans le lait de vache, c’est un composant important des membranes
cellulaires. Il joue donc un rôle dans la croissance cellulaire et le développement cérébral (3)(27).
Les protéines
La teneur en protéines du lait humain est faible. Cette propriété, associée à la teneur faible en
minéraux, limite la charge osmolaire du lait qui est donc adaptée à la filtration glomérulaire basse du
nourrisson (3)(28).
La variété des acides aminés qui composent les protéines du lait de femme est différente de celle des
protéines du lait de vache. Les préparations pour nourrissons s’alignent sur la composition en acides
aminés propres au lait humain (par exemple pour la taurine qui y est très présente) (27).
Les caséines : la teneur en caséine du lait maternel est faible par rapport à celle du lait de vache, les
micelles formées sont plus petites, ce qui permet une meilleure vidange gastrique (3). La béta-caséine
facilite l’absorption du calcium (27), la caséine kappa a une action bifidogène (3). Dans le lait de
vache et les préparations pour nourrissons, la caséine majoritaire est l’alpha-caséine qui n’a pas ces
propriétés (27).
Les protéines solubles : la fraction protéique soluble est plus importante dans le lait maternel. L’alphalactalbumine et la lactoferrine prédominent dans le lactosérum humain, alors que la bétalactoglobuline caractérise celui du lait de vache. La lactoferrine humaine facilite fortement
l’absorption du fer. L’alpha-lactalbumine est impliquée dans la synthèse du lactose.
Autres substances azotées : elles sont en plus grande quantité dans le lait humain. Les nucléotides ont
de nombreux rôles, notamment métabolique, d’absorption, et immunitaire. La carnitine participe au
métabolisme des acides gras à longue chaîne.
Les minéraux et vitamines
Le calcium et le phosphore : la teneur en calcium dans le lait de femme est plus faible, mais leur
biodisponibilité est meilleure.
Le fer : il est en moins grande concentration dans le lait humain, mais son absorption est facilitée par
la forte teneur en lactose (et en lactoferrine) ainsi qu’en vitamine C, si l’allaitement est exclusif (27). Il
n’y a donc pas lieu de supplémenter les nourrissons bien portants allaités exclusivement (3).
Le zinc : sa concentration est plus faible, mais il est mieux absorbé ; il facilite certaines activités
enzymatiques et la croissance.
21
La vitamine D : sa teneur est faible dans le lait de femme, elle dépend du statut maternel pendant la
grossesse, de l’apport en produits laitiers et de l’exposition solaire de la mère. La fréquence des
carences en vitamine D chez les nourrissons justifie sa supplémentation jusqu’à l’âge de 18 mois (3).
La vitamine K : sa concentration est faible, d’où la nécessité de supplémenter l’enfant en prévention
de la maladie hémorragique du nouveau-né (3).
3. Les éléments spécifiques du lait de femme.
Les enzymes
La lipase du lait maternel est activée par les sels biliaires du nouveau-né, facilitant la digestion des
lipides. Elle est détruite par la stérilisation (27).
L’amylase compense les taux faibles d’amylase salivaire et pancréatique du nouveau-né.
Les facteurs de protection antibactériens et antiviraux
Le nouveau-né humain est caractérisé par son immaturité immunologique. Le lait maternel contribue
non seulement à la protection immunitaire du nourrisson, mais aussi au développement de son système
immunitaire. Ses composants favorisent le développement d’une flore intestinale non pathogène
(lacto-bacilles, bifido-bactéries), grâce à un effet barrière contre les pathogènes (3).
Cellules : macrophages, leucocytes.
Protéines : immunoglobulines A sécrétoires, lysozymes, lactoferrine, bétadéfensine 1, kappa-caséine,
alpha-lactalbumine.
Sucres :
•
Les oligosaccharides : ne sont pas digérés et participent à la protection contre les
agents pathogènes en empêchant leur implantation et favorisant ainsi la flore
endogène (fonction prébiotique) (3).
•
Les glycoconjugués : ils comportent les glycolipides pour la synthèse de la substance
grise, et les glycoprotéines (dont la lactoferrine) analogues des récepteurs de certains
agents pathogènes, favorisant la flore bifidogène.
Les hormones
Le lait maternel contient des stéroïdes sexuels, des hormones thyroïdiennes, cortico-surrénales,
hypothalamo-hypophysaires, dont certaines ont un rôle immuno-modulateur. Elles sont détruites par la
pasteurisation.
Les autres protéines fonctionnelles
On trouve aussi, dans le lait de femme, des substances immuno-modulatrices, trophiques, facteurs de
croissance : interféron, cytokines, facteurs de croissance leucocytaire, epidermal growth factor (qui a
une action trophique sur la muqueuse gastrique et intestinale), érythropoïétine (3).
22
4. Les éléments qui dépendent du régime maternel
Les apports énergétiques de l’alimentation maternelle n’influencent pas la qualité globale du lait sauf
en cas de dénutrition sévère. Il n’y a donc pas, dans les pays industrialisés, de « mauvais lait » ou de
lait « pas assez nourrissant » (3).
Les éléments qui sont influencés par le régime maternel sont certaines vitamines (A, C, D, Groupe B),
l’iode et les acides gras (26).
Les acides gras ont deux origines dans le lait maternel : une mobilisation des réserves maternelles
(60%), ou un apport exogène par l’alimentation (30%). Plus les réserves maternelles sont faibles, plus
les apports alimentaires influencent la composition en acides gras.
Ainsi, aucune supplémentation maternelle n’est utile en dehors du cas d’un régime maternel
végétalien strict depuis plusieurs années (apport en Vitamine B12) (26).
Par ailleurs, aucun régime d’éviction n’est systématique en vue de prévenir les allergies alimentaires,
en dehors de celui de l’éviction de l’arachide pendant l’allaitement (3).
B. Bienfaits de l’allaitement : connaissances actuelles.
De nombreuses études se sont intéressées aux bénéfices de l’allaitement maternel. La
difficulté de leur interprétation provient des méthodologies variées, de définitions inhomogènes de
l’allaitement et des durées d’allaitement, de biais de mémoire, et de la dimension éthique de la
recherche dans ce domaine, limitant les études prospectives randomisées.
Par ailleurs, le choix et la durée de l’allaitement subissent l’influence de multiples facteurs
maternels, dont il faut s’affranchir lorsque l’on souhaite mettre en évidence des effets strictement liés à
l’allaitement : âge, niveau d’études, catégorie socioprofessionnelle, antécédents médicaux familiaux
(notamment allergiques), etc.
Enfin les pathologies étudiées sont souvent d’origine multifactorielle, l’allaitement est donc
difficile à isoler des autres déterminants qui entrent en jeu dans leur genèse.
Plusieurs méta-analyses récentes permettent de faire le point sur ces bienfaits et de leur
attribuer un niveau de preuve (26)(27)(29)(30)(31).
1. Bénéfices pour l’enfant.
Dans les pays en voie de développement, l’allaitement maternel est associé à une réduction de la
mortalité infantile (32). Nous nous intéresserons ici aux bienfaits observés dans les pays industrialisés.
23
a. Bienfaits à fort niveau de preuve.
Maladies infectieuses :
Otites moyennes aiguës : diminution du risque associé à l’allaitement, plus marquée s’il est exclusif et
dure plus de 3 mois (29) (31).
Diarrhées aiguës infectieuses : diminution de leur incidence pendant la première année de vie
(27)(29)(31), ainsi que de leur gravité (3).
Infections respiratoires sévères : diminution du risque d’hospitalisation chez les enfants de moins de 1
an pour un allaitement maternel exclusif d’au moins 4 mois (3)(31)(33).
Ces observations seraient dues à la forte concentration du lait humain en anticorps (principalement
IgA sécrétoires), notamment dans le colostrum, par les cycles entéromammaire et bronchomammaire
(29).
Facteurs de risque cardio-vasculaire :
Surpoids et obésité : il existe un effet protecteur modeste sur le risque de surpoids et d’obésité à l’âge
adulte, celui-ci est plus marqué chez les enfants et les adolescents (3)(29)(30)(31)(34). Cette
observation peut avoir plusieurs explications : une meilleure gestion de la prise alimentaire en fonction
des besoins suite à l’allaitement « à la demande », une croissance plus lente pendant la première année
de vie (35), un apport protéique et énergétique moins important qu’avec les préparations pour
nourrissons (36)(37) une insulinémie plus basse avec l’allaitement, limitant l’adipogénèse et le
développement d’adipocytes (3).
Tension artérielle : diminution de la pression artérielle systolique à l’âge adulte (de 1,21 mmHg) et
diminution de la pression artérielle diastolique (de 0,49mmHg) (30). Cette différence pourrait provenir
d’une moindre concentration en sodium du lait maternel (cause controversée), d’une différence
d’apport en acides gras polyinsaturés à chaîne longue, composants de l’endothélium vasculaire ou
d’une moindre obésité associée à l’allaitement maternel (30)(3).
Cholestérolémie : plus élevée chez les nourrissons allaités de moins de 1 an (0,64mmol/L), elle est
ensuite plus basse chez l’adulte qui a été allaité (0,18mmol/L) (30), surtout si l’allaitement était
initialement exclusif (38).
Malgré des effets sur l’obésité, la pression artérielle et la cholestérolémie, il n’a pas été démontré de
diminution de morbidité ou mortalité cardio-vasculaire liée à l’allaitement (39).
Pathologies allergiques
Dermatite atopique : effet protecteur de l’allaitement si celui-ci est supérieur à 3 mois, chez les enfants
aux antécédents familiaux d’atopie (3)(31).
24
Autres pathologies
Mort subite du nourrisson : l’allaitement est un facteur protecteur du syndrome de mort subite du
nourrisson (31) d’autant plus s’il est exclusif (40).
Maladie cœliaque : réduction significative du risque de maladie cœliaque si le gluten est introduit
alors que l’enfant est allaité OR 0,48 (41). D’autre part il est décrit une « fenêtre » entre 4 et 7 mois
durant laquelle l’introduction de gluten est associée à un moindre risque de maladie cœliaque chez les
patients à risque (26).
b. Bienfaits probables/possibles.
Pathologies infectieuses
Infections respiratoires : moindre fréquence des symptômes d’infection respiratoire si l’allaitement
maternel est prédominant pendant au moins 6 mois (27)(29)(42).
Infections à Haemophilus influenzae : effet protecteur de l’allaitement sur les méningites et
bactériémies à Haemophilus influenzae avec un effet dose dépendant (27).
Pathologies auto-immunes
Diabète type 1 : il existe une probable association entre un allaitement d’au moins 3 mois et une
diminution du risque de diabète de type 1 (3)(31)(29).
Maladie de Crohn : diminution de l’incidence de cette pathologie (26)(29).
Rectocolite hémorragique : diminution de l’incidence de cette pathologie (26).
Pathologies allergiques :
Les études sont contradictoires dans le domaine de l’allergie, et leur interprétation se heurte souvent à
de nombreux biais (3).
L’allergie alimentaire : l’allaitement est connu pour protéger contre les allergies alimentaires. Il est
recommandé de pratiquer un allaitement exclusif jusqu’à au moins 4-6 mois, selon les sources (3).
Asthme : cette question est très controversée, une méta-analyse de 2007 concluait à une diminution de
l’incidence chez les patients sans antécédent familial d’asthme ainsi qu’une diminution d’incidence
chez les patients de moins de 10 ans aux antécédents familiaux d’asthme si l’allaitement dure plus de 4
mois (31).
Une étude récente montre une protection contre l’asthme entre 2 et 6 ans (43).
De nombreuses études ne retrouvent pas d’association claire entre l’asthme et l’allaitement (44),(45).
Eczéma : la protection contre l’eczéma est parfois admise (29). Une étude récente montre une
protection modérée et uniquement sur les formes sévères (46).
25
Pathologie métabolique
Diabète de type 2 : diminution du risque de diabète de type 2 grâce à l’allaitement OR 0,63 (30), OR
0,61 (31). Diminution de la glycémie et de l’insulinémie dans l’enfance, et très légère baisse de
l’insulinémie à l’âge adulte chez les sujets allaités (47).
Pathologie cancéreuse
Leucémies : il a été montré une association entre un allaitement d’au moins 6 mois et une diminution
du risque de leucémie lymphoïde et myéloïde aiguë (31).
Développement de l’enfant
Développement cognitif : deux méta-analyses montrent un effet positif modeste de l’allaitement
concernant les performances scolaires et la performance aux tests développementaux (26)(30). Ces
effets apparaissent dès les deux premières années de vie et persistent à l’adolescence, ils augmentent
avec la durée de l’allaitement (3). Ils pourraient provenir en partie de la composition du lait maternel,
notamment en acides gras polyinsaturés à longue chaîne participant à la constitution du cortex
cérébral, et en partie de la pratique de l’allaitement en elle-même (27). Le bénéfice est plus important
chez les prématurés (3).
D’autres méta-analyses concluent à des facteurs confondants mal pris en compte : l’intelligence
maternelle (31), les facteurs environnementaux (29).
Développement psychomoteur : meilleur développement psychomoteur de l’enfant allaité (27),
amélioration des performances globales visuelles et motrices.
Croissance : croissance moins rapide pendant la première année de l’enfant allaité, facteur protecteur
de l’obésité (27).
Développement sensoriel : meilleure acceptation des aliments nouveaux au moment de la
diversification alimentaire (3).
Pour l’enfant prématuré
Entérocolites ulcéro-nécrosantes : association entre l’allaitement maternel et une réduction du risque
d’entérocolite ulcéro-nécrosante (27) (31), ainsi que de la gravité (3).
c. Preuves moindres.
Infections urinaires : des études ont montré un effet protecteur jusqu’à l’âge de deux ans (27).
Sténose du pylore : moindre incidence (29).
Episodes fébriles : moindre incidence (29).
Ictère néonatal : résultats contradictoires (29).
Mortalité infantile : moindre en pays industrialisé, et non dissociée de la mort subite du nourrisson
dans les études (27).
26
Cancer du sein préménopausique:diminution du risque chez les femmes ayant été allaitées (31).
Densité osseuse : résultats contradictoires.
Douleur : effet analgésique de l’allaitement durant les soins douloureux à l’enfant (48) (49).
Santé dentaire : meilleure prévention de la malocclusion dentaire, mais résultats contradictoires sur le
risque de carie dentaire avec l’allaitement maternel (27). Le lait maternel n’est pas cariogène en luimême, mais il semblerait qu’à partir de la diversification, l’alimentation nocturne (lait artificiel ou
maternel), favorise l’apparition de caries dentaires.
2. Bénéfices pour la mère
a. A court terme
Meilleure involution utérine
L’allaitement maternel assure une meilleure involution utérine grâce à la sécrétion d’ocytocine qui
facilite la contractilité de l’utérus. L'allaitement diminue ainsi le risque d’hémorragie du post-partum
(27).
Anémie ferriprive
Les pertes sanguines sont moindres du fait de l’aménorrhée entraînée par l’allaitement maternel (27).
Perte de poids
Elle est légèrement plus rapide dans les six premiers mois du post-partum si la mère allaite son enfant
(27).
Sommeil de la mère allaitante
L’architecture du sommeil de la mère allaitante est modifiée du fait probablement de la prolactinémie.
Effets principaux : plongée plus rapide en sommeil lent profond, éveil instantané en sommeil profond,
permettant l’allaitement à la demande, plus de sommeil lent profond (réparateur) (50).
Lien mère-enfant, réponse au stress
Sous l’influence de l’ocytocine, le lien mère-enfant serait favorisé et la réponse de la mère au stress
serait plus adaptée dans l’heure suivant la tétée (27)(51).
Dépression du post-partum
Il a été montré une association entre l’absence d’allaitement ou la courte durée de l’allaitement et la
dépression du post-partum. Cette association est à explorer car la causalité n’est pas évidente (31).
27
Contraception
Une contraception efficace est possible pendant les 6 premiers mois post-partum, en respectant les
conditions de la MAMA (Méthode de l’Allaitement Maternel et de l’Aménorrhée) : aménorrhée,
allaitement exclusif avec au moins 6 tétées par jour espacées de moins de 6 heures.
b. A long terme
Pathologies cancéreuses
Cancer du sein : le rôle de la grossesse est à prendre en compte, puisque la grossesse a un effet
protecteur sur le cancer du sein, mais délétère si le cancer est déjà installé, et ce, pendant les 5 ans qui
suivent la grossesse (52). L’allaitement en lui-même est associé à une diminution du risque de cancer
du sein pré-ménopausique d’autant plus important que la durée totale de lactation est grande (29).
Selon deux autres méta-analyses plus récentes, la diminution du risque s’appliquerait aussi au cancer
post-ménopausique pour un allaitement supérieur à 12 mois cumulés (27)(31). La diminution du risque
de cancer du sein serait de 7% par grossesse et de 4,3% par année d’allaitement (53).
Cancer des ovaires : diminution possible de l’incidence du cancer de l’ovaire en cas d’allaitement
supérieur à 12 mois (27)(29)(31)
Gliome : diminution possible si l’allaitement a été long (29).
Facteurs de risque cardio-vasculaire
Le risque post-ménopause de maladie cardio-vasculaire, diabète de type 2, hypertension,
hypercholestérolémie est inversement corrélé à la durée de l’allaitement (54).
Diabète de type 2 : il existe une diminution du risque chez les femmes qui ont allaité, d’autant plus
importante que l’allaitement a été long (31).
Densité osseuse
Diminution de la densité osseuse pendant l’allaitement, mais récupération au sevrage, donc pas de
perte de densité osseuse ou de risque fracturaire accru à long terme (27)(31). La supplémentation
calcique et en vitamine D pendant l’allaitement est inutile car la principale source de calcium du lait
maternel est la résorption osseuse.
Polyarthrite rhumatoïde
Diminution de l’incidence par l’allaitement (29) : une durée d’allaitement de 24 mois cumulés serait
associée à une diminution de 50% du risque de développer une arthrite rhumatoïde (27).
28
3. Impact économique
a. Pour la société.
La diminution de morbidité infantile et maternelle liée à l’allaitement entraine une réduction des
dépenses de santé non négligeable (55).
b. Pour l’employeur.
L’absentéisme maternel pour maladie de l’enfant est moindre chez les mères des bébés allaités (55).
c. Pour les ménages.
Lait artificiel, biberons, matériel de puériculture et soins médicaux entraîneraient un surcoût de 500
euros par enfant pendant les six premiers mois pour un enfant nourri au lait artificiel (55).
C. Les actions de promotion de l’allaitement maternel à
l’échelle internationale et en France.
1. Le rôle des instances internationales.
L’allaitement maternel s’est progressivement imposé ces trente dernières années comme un
enjeu de santé publique à l’échelon mondial. Plusieurs mesures ayant vu le jour entre le début des
années 1980 et la fin des années 1990 ont finalement aboutit à des recommandations officielles
élaborées sous la direction de l’OMS au début des années 2000.
a. 1939 à 1979 : la prise de conscience (56).
1939 : le Docteur Cicley Williams, dans un discours intitulé « Lait et Meurtre », initie la prise de
conscience des dangers de la promotion des laits artificiels, qualifiant de meurtres les décès dus à l’alimentation
artificielle.
1968 : Le Docteur Derrick Jellife parle de « malnutrition commerciogénique » pour désigner les
conséquences de cette promotion sur la santé des enfants.
1974 : Le groupe Nestlé poursuit en justice le Groupe d’Action pour le Tiers monde de Berne qui avait
publié un article intitulé « Nestlé tue les bébés ». Il obtiendra gain de cause en 1976.
1977 : Début du Boycott du groupe Nestlé aux Etats-Unis, qui s’étendra par la suite à plusieurs pays,
dont la France en 1982.
1979 : L’OMS et l’UNICEF expriment, lors d’une réunion conjointe, la nécessité de créer un code
international de commercialisation des aliments pour nourrissons. Les bases de l’action pour l’allaitement
sont définies : favoriser, soutenir, protéger. Les grandes compagnies de lait américaines déclarent ne pas avoir
l’intention de suivre ce code.
29
b. 1981 : Le Code International de Commercialisation des Substituts
du Lait Maternel (CICSLM).
En mai 1981, l’OMS a voté, à l’unanimité moins une voix (celle des Etats-Unis), un Code
International de Commercialisation des Substituts du Lait Maternel destiné aux gouvernements, afin
de réglementer la promotion et la vente de tout substitut de lait maternel mais aussi des tétines et des
biberons (Annexe 1).
c. 1982 : Les dix conditions de l’OMS pour le succès de l’allaitement.
En 1982, l’OMS publie une brochure intitulée « Dix conditions pour le succès de l’allaitement
maternel ». Ces dix conditions résument les pratiques utilisées en maternité visant à encourager
l’allaitement maternel (Annexe 2). Elles insistent sur la nécessité d’une proximité continue entre la
mère et son bébé, la mise au sein précoce après l’accouchement et l’absence d’utilisation de
compléments, de tétines ou de sucettes. Elles soulignent aussi l’importance de la formation du
personnel soignant sur les techniques d’allaitement et encouragent la constitution d’un réseau
associatif de soutien à l’allaitement maternel. Ces dix conditions constituent le support de l’Initiative
Hôpitaux Amis des Bébés dont l’OMS et l’UNICEF sont à l’origine. Les conditions d’accès au label
IHAB ont fait l’objet d’une révision en 2009 (Annexe 3).
d. 1989 : La Convention sur les Droits de l’Enfant.
Le 20 novembre 1989, les 159 Etats membres de l’ONU ont adopté, à l’unanimité, la Convention sur
les Droits de l’Enfant (57) et la France l’a ratifiée le 2 juillet 1990. L’article 24.e) concerne plus
particulièrement l’allaitement maternel : « Faire en sorte que tous les groupes de la société, en
particulier les parents et les enfants, reçoivent une information sur la santé et la nutrition de l’enfant,
les avantages de l’allaitement au sein, l’hygiène et la salubrité de l’environnement et la prévention des
accidents, et bénéficient d’une aide leur permettant de mettre à profit cette information».
e. 1990 : La déclaration d’Innocenti
La déclaration d’Innocenti (Annexe 4) a été élaborée puis adoptée par les participants de la réunion
OMS/UNICEF sur « L’allaitement maternel dans les années 90 : une initiative mondiale ». Cette
réunion s’est tenue à Florence en Italie du 30 juillet au 1er août 1990. Les représentants de 32 pays ont
adopté cette déclaration dans le but de promouvoir l’allaitement maternelen définissant pour chaque
gouvernement quatre objectifs :
 Désigner un coordonnateur national et créer un comité national pour la promotion de
l’allaitement maternel.
 Faire en sorte que l’ensemble des maternités respecte les dix conditions pour le succès de
l’allaitement maternel.
 Prendre des mesures pour faire appliquer le Code International de Commercialisation des
Substituts de Lait Maternel.
30
 Promulguer des lois protégeant le droit des femmes qui travaillent à allaiter leur enfant et
adopter des mesures assurant leur application.
Les participants déclarent également qu’« il faudrait que chaque femme ait la possibilité de
nourrir son enfant au sein exclusivement et que chaque nourrisson soit nourri exclusivement au lait
maternel de la naissance jusqu’à l’âge de 4 à 6 mois ». Cette déclaration souligne également l’intérêt
de nourrir son enfant au sein jusqu’à l’âge de 2 ans en complément d’une alimentation diversifiée. La
Suède, le Royaume-Uni, la Pologne et l’Italie sont les seuls pays européens participant à cette
déclaration.
f. 1991 : L’Initiative Hôpital Ami des Bébés (IHAB)
L’UNICEF et l’OMS ont entrepris en 1991 une action visant à transformer les méthodes pratiquées
dans les maternités nommée « Initiative Hôpital Ami des Bébés ». Cette action repose sur
l’engagement des établissements et des membres du personnel soignant à suivre les « Dix conditions
pour le succès de l’allaitement maternel ». Les hôpitaux ne peuvent être déclarés « Amis des Bébés »
qu’après que des évaluateurs indépendants aient vérifié qu’ils respectent effectivement ces dix
conditions.
Il y avait 15000 Hôpitaux « Amis des Bébés » dans le monde en mars 1999 mais il faudra attendre
novembre 2000 avant de voir la première maternité labellisée en France (58). En 2011, il y a plus de
20 000 hôpitaux « Amis des Bébés » dans le monde et environ 700 en Europe. Fin 2011, 17
établissements étaient labellisés « Amis des Bébés » (59).
g. Les recommandations de l’OMS.
2001 : Résolution WHA 54.2 :
La durée de l’allaitement maternel exclusif recommandée par l’OMS en 1979 était de 4 à 6 mois.
Depuis, de nombreuses études ont prouvé ses avantages, en particulier en terme de morbidité et de
mortalité infantiles. La 54ème Assemblée Mondiale de la Santé fut donc l’occasion d’élaborer de
nouvelles recommandations fixant la durée optimale de l’allaitement maternel exclusif à 6 mois et
celle de l’allaitement total à 2 ans (60).
2002 : Résolution WHA55.25 :
Consciente que 55% des décès annuels des nourrissons par maladies diarrhéiques et infections
respiratoires aiguës sont le résultat de pratiques d’alimentation inappropriées, et que moins de 35% des
nourrissons dans le monde sont exclusivement nourris au sein au moins dans les quatre premiers mois
de la vie (point 13.10), la 55ème Assemblée Mondiale de la Santé approuve le 18 Mai 2002 la stratégie
mondiale pour l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant (61). Celle-ci s’appuie sur les
nombreuses actions déjà mises en place : le Code International de Commercialisation des Substituts du
Lait Maternel, l’Initiative Hôpital Ami des Bébés, la déclaration d’Innocenti et les nouvelles
recommandations de durée d’allaitement maternel exclusif (6 mois) et total ( 2 ans).
31
2. Les actions nationales.
a. Application partielle du CICSLM.
Les conseils de l’OMS ont été repris par l’Europe en 1991 puis par la législation française avec la loi
du 3 juin 1994 dont le décret d’application n’a été adopté que le 30 juillet 1998 en les limitant à la
distribution gratuite des laits premier âge et à leur promotion (62)(63).
Par ailleurs, le décret réglemente l’étiquetage des laits artificiels pour nourrissons qui doit mentionner
la supériorité de l’allaitement maternel, la difficulté à revenir à l’allaitement maternel après avoir
introduit un lait industriel et l’effet délétère d’une alimentation partielle au biberon sur l’allaitement au
sein mais ces dernières obligations ne sont guère appliquées par les industriels.
b. Le Code du Travail.
La loi du 5 août 1917 a institué les pauses et les chambres d’allaitement, permettant aux mères
allaitantes de nourrir leur bébé dans ou à proximité de leur lieu de travail. Ces dispositions sont
toujours en vigueur dans les articles du Code du Travail concernant le repos des femmes en couches et
des mères allaitant leur enfant. Elles ont fait l’objet d’une mise à jour par le décret n°2008-244 du 7
mars 2008 - art. (V).
Ces articles mentionnent plus particulièrement (Annexe 5) :
•
La possibilité pour la mère de bénéficier pendant un an, à compter du jour de la naissance de
l’enfant allaité, d’une heure par jour durant les heures de travail, consacrée à l’allaitement de
celui-ci (divisée en deux demi-heures, l'une pendant le travail du matin, l'autre pendant l'aprèsmidi à un moment laissée à l’appréciation de l’employeur en concertation avec la mère
allaitante), (articles L1225-30 et R1225-5),
•
Le droit pour la mère de bénéficier de locaux adaptés à l’allaitement de l’enfant ou à
l’expression du lait maternel, dans des conditions d’hygiène et de sécurité satisfaisantes
(articles L1225-32 et R4152-13),
•
L’obligation pour les établissements employant plus de cent femmes en âge de procréer de
mettre à disposition de leurs employées allaitantes des locaux dédiés à l'allaitement (article
L1225-32).
Rappelons qu’en France, la durée légale du congé de maternité pour les femmes salariées, dépend de
trois facteurs: nombre d’enfants à charge, naissances simples ou multiples, état pathologique ou non.
La durée minimale du congé de maternité est de 16 semaines, en général 6 semaines avant et 10
semaines après l’accouchement.
c. Recommandations ANAES/HAS.
La conférence de consensus « Allaitement maternel – Mise en œuvre et poursuite dans les six
premiers mois de la vie de l’enfant » a été réalisée à la demande de l’Association de Recherche en
Soins Infirmiers et du Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français en Mai 2002 dans le
but, entre autre, d’améliorer la durée de l’allaitement maternel (64).
32
Dans ces recommandations concernant les femmes ayant mis au monde un enfant sain et né à
terme, les experts rappellent que l’allaitement exclusif protège le nouveau-né des infections gastrointestinales et des infections ORL et respiratoires. Ils affirment également que l’effet protecteur de
l’allaitement maternel exclusif pendant 6 mois, par rapport à une durée de 3 ou 4 mois, permet un
développement optimal des nourrissons et doit donc être encouragé (grade B).
Le groupe de travail précise aussi dans sa conclusion qu’il est souhaitable de mettre en place
des mesures telles que l’allongement de la durée du congé postnatal afin de favoriser des durées
d’allaitement maternel plus longues.
d. Le Programme National Nutrition Santé.
PNNS-1 : Le Programme National Nutrition Santé 2001-2005, reconnaissant « le retard de la
France par rapport aux autres pays européens dans la pratique de l'allaitement maternel, y compris
dans sa durée », fait de la promotion de l'allaitement maternel un de ses objectifs spécifiques.
L’objectif est de combler ce retard et de prolonger les durées d’allaitement maternel en renforçant la
formation du personnel des maternités et en favorisant l’information prénatale sur l’allaitement. Ce
plan prévoit également de renforcer l’application des directives européennes sur la promotion des
substituts du lait maternel. L'allaitement maternel est aussi un moyen de réaliser 3 autres objectifs du
PNNS: diminuer l'obésité, les maladies cardio-vasculaires, et les allergies.
PNNS-2 : Le Programme National Nutrition Santé 2006-2010, outre l'augmentation des durées
d'allaitement, définit des objectifs plus détaillés, parmi lesquels l'augmentation de la fréquence de
choix de l'allaitement maternel exclusif à la naissance, afin de passer d'environ 55% en 2005 à 70% en
2010.
PNNS-3 : Le Programme National Nutrition Santé 2011-2015 (65) réaffirme des objectifs
d’augmentation des taux d’allaitement à la naissance (15%) et de la durée médiane d’allaitement (2
semaines) mais fixe également pour objectif de retarder d'un mois l’âge effectif de la diversification
des enfants allaités au sein ou non.
D. L’allaitement en chiffres.
1. En Europe.
Une étude réalisée en 2005 (66) montre qu’en 2003 le taux d’initiation de l’allaitement en Europe
variait de moins de 40% en Irlande à plus de 95% dans les Pays Scandinaves. Quatorze pays (dont
l’Allemagne, l’Italie, le Portugal et la Suisse) avaient un taux supérieur à 90% et cinq pays (dont
l’Espagne, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne) avaient un taux entre 70 et 90%.
33
Figure 1: Prévalence de l'initiation de l'allaitement dans 23 pays européens en 2003
(NO = Norvège ; DK = Danemark ; LT = Lituanie ; SE = Suède ; IS = Islande ; SI = Slovénie ; DE = Allemagne
; AT = Autriche ; SK = Slovaquie ; CH = Suisse ; FI = Finlande ; CZ = République Tchèque ; PT = Portugal ; IT
= Italie ; LU = Luxembourg ; NL = Pays-Bas ; PL = Pologne ; ES = Espagne ; GB = Grande-Bretagne ; BE =
Belgique ; FR = France ; MT = Malte ; IE = Irlande) (d’après Cattaneo et al., 2005)
En 2003, un bilan de la situation européenne a été publié par un groupe de travail européen financé par
la Commission Européenne, reprenant entre autres les taux d'allaitement nationaux de 0 à 12 mois
(67). Le graphique suivant a été réalisé à partir de ces résultats.
Figure 2: Taux d'allaitement maternel à 3 ou 4 mois dans 21 pays européens
(Source : IPA 2004)
Nous constatons donc que la plupart des pays européens, en particulier ceux du nord de
l’Europe (Norvège et Suède) ont des taux d’allaitement à la naissance et dans les 3 premiers mois de
vie de l'enfant bien supérieurs à la France qui présente le taux le plus bas.
34
Les Pays Scandinaves sont à l’heure actuelle le parfait exemple de la réussite d’une politique
favorisant l’allaitement. Par exemple, la Suède qui affichait au début des années soixante-dix un taux
d’allaitement à 2 mois de 30% seulement (68) atteint actuellement des taux supérieurs à 90% à l’image
de ses voisins. Ces progressions sont la preuve qu’une action à l’origine initiée par un important
mouvement d’associations actives relayée par une volonté politique forte peut rapidement aboutir à
l’augmentation des taux d’allaitement maternel. Plutôt que de présenter l’allaitement comme un devoir
pour les femmes, c’est en le considérant comme un droit qu’elles revendiquaient, que les mères ont su
redonner à l’allaitement son caractère naturel dans les pays nordiques. Elles peuvent ainsi bénéficier
d’un congé maternité permettant un allaitement exclusif prolongé puisqu’il peut aller jusqu’à 10 mois
avec salaire intégral et 1 an avec 80% du salaire en Norvège.
2. En France.
a. Données nationales.
Initiation de l’allaitement.
D’après les Enquêtes Nationales Périnatales (ENP) , la proportion d’enfants allaités pendant leur
séjour en maternité, de façon exclusive ou partielle, a augmenté régulièrement entre 1972 et 1998: les
taux sont passés de 36% en 1972, à 45,5% en 1976, 51,6% en 1995 et 52,5% en 1998 (Figure 3). En
2003, la proportion d’enfants allaités en maternité était de 62,6 % (55). En 2010, ce chiffre a atteint
plus de 69% (dont 60,2% d’allaitement maternel exclusif) (1).
Figure 3: Evolution de la prévalence de l'initiation de l'allaitement (exclusif et partiel) en
maternité en France de 1972 à 2003
(source : Rapport du Professeur Turck Juin 2010) (55)
35
Durée d’allaitement.
Lors de la visite médicale obligatoire du neuvième mois de l’enfant, le médecin remplit le
certificat de santé dit du « 9ème mois » sur lequel figure depuis 1998 une question concernant la durée
d’allaitement. Cependant, l’exploitation par les autorités sanitaires de ces certificats et de leurs
données reste difficile. C’est en partie la raison pour laquelle il n’est pas toujours possible d’évaluer de
façon précise la durée de l’allaitement.
Une enquête de l’INSERM en 2000 (69) montre qu’à 8 semaines, 50% des bébés allaités sont
sevrés, ils sont 70% à l’être à 12 semaines et seulement 15% des bébés sont encore allaités au sein à
l’âge de six mois.
Plus récemment, un sondage effectué sur internet en 2002 par l’Institut des Mamans sur un
échantillon de 1117 mères a permis d’élaborer une courbe qui représente l’évolution des taux
d’allaitement les 12 premiers mois.
Figure 4: Taux d'allaitement maternel en fonction de l'âge du nourrisson selon un sondage
réalisé par l'Institut des mamans en 2002
(Source : IPA 2004)
En somme, le taux d’allaitement maternel en France continue de progresser mais cette
augmentation est discrète par rapport à la plupart de ses voisins européens et la durée moyenne
d’allaitement reste encore insuffisante.
b. Disparités régionales et données en Rhône-Alpes.
Des différences régionales importantes ont été mises en évidence en France depuis les années 1970,
les taux d’initiation d’allaitement étant globalement plus élevés dans l’Est que dans l’Ouest et au Sud
qu’au Nord. L’ENP de 2003 montre des variations importantes de ces taux entre les régions, allant de
43% en Picardie à 74 % en Région Parisienne. La figure 5 montre un groupe de régions (Picardie,
Pays de Loire, Auvergne et Nord-Pas de Calais) avec les résultats les plus bas et un autre groupe de
régions (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Paris, Petite Couronne Parisienne et Rhône-Alpes) avec les
résultats les plus élevés (55).
36
Figure 5: Prévalence régionale de l'initiation de l'allaitement en France en 2003 selon l'ENP
Une étude réalisée en Rhône-Alpes en 2004-2006 par la DRASS (70) a estimé le taux d’allaitement
global à 68,5% dont 57,5% d’allaitement maternel exclusif. La durée médiane d’allaitement était
estimée à 16 semaines (contre 10 semaines à l’échelle nationale). Ces chiffres sont donc bien
supérieurs aux moyennes nationales. Mais ces taux chutent rapidement comme dans le reste du
territoire. La figure 6 montre l’évolution des taux d’allaitement maternel par département de la
naissance jusqu’à 12 mois.
37
Figure 6: Evolution des taux d'AM par département en région Rhône-Alpes
selon l'âge de l'enfant (70).
E. Formation des médecins généralistes
La formation initiale des médecins généralistes en matière d’allaitement est actuellement assez
succincte :
 Lors du premier cycle des études de médecine, le sein et la lactation sont abordés sur les
plans anatomique, histologique, embryologique, cellulaire et biochimique, selon les
programmes spécifiques de chaque faculté,
 Pour l’Examen National Classant, l’allaitement maternel est traité dans l’item 24 intitulé
« Allaitement et complications » dans le Module 2 « De la conception à la naissance »
(71). Ses objectifs sont :
o
d’expliquer les modalités et d’argumenter les bénéfices de l'allaitement maternel,
o
de préciser les complications éventuelles et leur prévention.
 Au cours de l’internat de médecine générale, des journées thématiques sont organisées
pendant le semestre de stage chez le praticien selon les universités. A Lyon, par exemple,
deux journées d’étude sont consacrées à « la femme ». Au cours de l’une de ces journées,
l’allaitement maternel est évoqué, sur le plan pratique, pour un volume horaire de 1 heure
environ.
Dans son « plan d’action » pour l’allaitement de juin 2010, le professeur Turck faisait état d’une
formation initiale des professionnels de santé souvent insuffisante (55). Concernant celle des médecins
38
généralistes, il émettait donc la proposition suivante : « Le CNA (Comité National de l’Allaitement)
aura pour charge l’élaboration d’un standard minimal de connaissances sur l’allaitement destiné aux
étudiants en médecine, dont l’enseignement pourrait être organisé sous la forme d’un séminaire d’une
demi-journée. Un renforcement de cet enseignement, sur un mode pratique, sera proposé au cours du
Diplôme d’études spéciales de médecine générale. ».
Il existe actuellement en France deux types de formation diplômante en allaitement:
 Le Diplôme Inter-Universitaire de Lactation Humaine et Allaitement Maternel créé en
2001 et organisé par les facultés de Brest, Toulouse, Lille et Grenoble. Cet enseignement
comporte 102 heures de cours théoriques, une évaluation écrite des connaissances et la
rédaction d’un mémoire (72).
 Le diplôme de Consultante en Lactation IBCLC (International Board of Lactation
Consultant Examiners). Il propose une formation adressée aux professionnels de santé et
aux animatrices d'associations de soutien aux mères (73).
Si la formation initiale des médecins généralistes dépend des programmes nationaux et des différents
programmes d’enseignement des facultés, il existe aussi une large offre de formation continue et de
sources documentaires à la disposition des praticiens :
 Formations pratiques ou théoriques organisées par de nombreuses associations.
 Revues spécialisées en allaitement : « Journal of Human Lactation », « Breastfeeding
Review », « Breastfeeding Médicine », « International Breastfeeding journal », « Les
Dossiers de l’Allaitement ».
 Centre de Ressource Documentaire sur l’Allaitement Maternel (CERDAM), créé à Lyon
dans le cadre du PNNS en 2002. Il propose une documentation scientifique conséquente,
ainsi qu’une « veille documentaire » sur ce sujet (74).
 CRAT (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes), site d’information en ligne
destiné aux professionnels de santé. Il renseigne notamment sur la compatibilité avec
l’allaitement maternel de la plupart des médicaments (75).
La formation continue reste cependant dépendante des besoins ressentis et des intérêts de chacun et la
charge de travail des praticiens libéraux leur laisse parfois peu de temps pour cela. Il semble donc
judicieux d’intégrer un enseignement plus approfondi sur le sujet de l’allaitement maternel dès le
cursus universitaire, afin d’assurer des connaissances de base solides et uniformes.
Nous ne pouvons que constater le retard de la France par rapport à la plupart de ses voisins
européens et ce malgré les efforts engagés au niveau international et national pour promouvoir
l’allaitement. Mais comme nous avons pu le voir, notre culture de non-allaitement est le fruit d’une
longue histoire faite de fausses croyances à laquelle s’ajoutent la pression publicitaire en faveur des
préparations pour nourrissons présente dans les revues de la petite enfance, le regard critique de
certains intellectuels sur l’allaitement et la disparité des discours des professionnels de santé.
39
DEUXIEME PARTIE : L’ETUDE QUALITATIVE
40
MATERIEL ET MÉTHODE
A. PROBLÉMATIQUE
L’allaitement maternel est pour de nombreuses spécialités médicales, un enjeu de santé publique
de par ses bénéfices reconnus pour l’enfant et sa mère. Il fait l’objet de plusieurs campagnes de
promotion, tant sur le plan national que mondial. Une des communications phares à ce sujet est celle
de l’OMS qui recommande un allaitement maternel exclusif pendant les six premiers mois de vie, puis
de six mois à deux ans ou plus, un allaitement associé à une alimentation adaptée (76).
Pourtant, bien que les taux d’initiation de l’allaitement en maternité soient en augmentation, nous
avons vu qu’ils chutaient rapidement dans les premières semaines de vie (1). Les recommandations de
l’OMS quant aux durées de l’allaitement ne sont donc pas appliquées en France et la promotion de
cette pratique semble se heurter à de nombreux obstacles, les mères d’aujourd’hui bénéficieraient peu
de l’expérience de l’entourage, de conseils et de soutien dans ce domaine (77). Se pose alors la
question de l’interlocuteur adapté pour les questions concernant le déroulement ou les complications
de l’allaitement.
Le médecin généraliste, du fait de sa proximité géographique, de sa disponibilité, et de la relation
de soin déjà établie avec la patiente et son nourrisson, peut alors sembler être un recours salvateur pour
les femmes qui sont déroutées par leur allaitement. Dans une étude réalisée par la DRASS en Région
Rhône-Alpes, portant sur les mères allaitantes, ce recours au médecin généraliste était fréquemment
relevé (70).
Sur ce constat, il nous a paru intéressant de nous pencher sur le contexte familial, social et
culturel, dans lequel les femmes choisissent et vivent l’allaitement, d’étudier leurs représentations
personnelles, celles qu’elles perçoivent de la société, et d’analyser le ressenti de leur expérience
lorsqu’elles font appel au médecin généraliste pour des questions relatives à l’allaitement.
B. HYPOTHÈSES
Les représentations et le vécu des mères de leur allaitement maternel sont en constante
évolution, influencés par leur perception des représentations médicale, politique, sociale, familiale, et
des sources d’information dont elles disposent.
41
Dans un contexte de difficulté d’allaitement, elles peuvent avoir recours au médecin
généraliste, pour sa proximité géographique, sa disponibilité, ou pour des critères qu’elles jugent
pertinents: sexe, âge, expérience personnelle d’allaitement, réputation, etc.
Le rôle du médecin généraliste est d’apporter des soins et une information clairs fondés sur
les connaissances actualisées de la science, ainsi que de participer à la promotion des actions de santé
publique (2). Il doit donc disposer de bases solides dans le domaine de l’allaitement, et être capable de
conseiller, de soigner, de suivre et d’orienter ses patientes vers un interlocuteur adapté, lorsque ses
limites de connaissances sont atteintes. Il doit être engagé dans la promotion de l’allaitement, tout en
respectant les besoins et les demandes de ses patientes. Cependant plusieurs travaux de thèse
notamment ont dévoilé des failles dans leurs connaissances (78).
Les mères seront d’autant plus fréquemment amenées à avoir recours à celui-ci, qu’elles
résident en zone rurale. Les médecins généralistes de ces régions devraient donc être particulièrement
bien formés en matière d’allaitement maternel, pour répondre à ce motif de consultation spécifique à
leur exercice.
C. OBJECTIFS
1 . Objectifs de cette étude
a . Objectif principal
L’objectif principal de notre thèse est de décrire les représentations des mères sur l’allaitement, leur
intrication avec le vécu de leur expérience, et le ressenti de l’intervention du médecin généraliste dans
ce contexte, afin de croiser, par la suite, ces données avec la perception de leur médecin généraliste.
A la lumière de ce travail, nous souhaitons comprendre les besoins des femmes allaitantes et la place
qu’elles attribuent au médecin généraliste dans la promotion ou la prise en charge de l’allaitement.
b . Objectifs secondaires
Les objectifs secondaires étaient :
•
D’appréhender le contexte dans lequel les mères choisissent l’allaitement, leur vécu, le
soutien familial, documentaire ou professionnel, dont elles bénéficient.
•
D’analyser leur positionnement en tant que mère allaitante dans notre société, leurs besoins,
leurs attentes.
•
De cerner les difficultés et questionnements qui peuvent les amener à consulter leur médecin
généraliste.
42
•
D’étudier les déterminants de leur recours au médecin généraliste et les facteurs qui les
incitent à aborder le sujet avec celui-ci.
•
D’évaluer leur ressenti quant au suivi de leur allaitement par le médecin généraliste.
•
D’envisager comment le médecin généraliste peut promouvoir l’allaitement auprès de ses
patientes.
2 . Objectifs communs aux deux thèses
Sur le support de notre discussion croisée, les objectifs communs de nos deux thèses sont :
•
D’établir s’il existe une congruence entre les représentations des mères et des médecins
généralistes concernant l’allaitement maternel,
•
De comparer le vécu des mères à la perception qu’en a leur médecin généraliste,
•
De déterminer l’impact de l’intervention du généraliste sur la conduite et la durée
d’allaitement de ses patientes.
•
De définir la place du médecin généraliste dans la promotion et le soutien de l’allaitement
maternel du point de vue de chacun.
D. MÉTHODE
1 . Stratégie de recherche documentaire
Nous avons fait appel au CERDAM : Centre de Documentation pour l’Allaitement Maternel sur place
et par le biais d’internet.
Nous avons par ailleurs effectué des recherches sur les représentations de l’allaitement, les
connaissances scientifiques, les données socio-démographiques, les programmes de promotion, via
internet :
 Sur le portail documentaire de l’Université Lyon 1, PubMed, Web of Science, the Cochrane
Library, avec les mots-clefs : « breastfeeding », «benefits », « support », « promotion »,
« pain », « physician », etc.
 Sur les sites de l’HAS, l’UNICEF, L’OMS, L’AFSSAPS, L’INSERM
 Sur des moteurs de recherche généraux
« allaitement »,
« breastfeeding »,
(Google, Bing) avec divers mots clefs :
« médecin
généraliste »,
«
représentations »,
« promotion », etc.
 Sur les sites d’associations de promotion et d’aide à l’allaitement : Leche League, IPA
(Information Pour l’Allaitement), Galactée, ACLP (Association des Consultants en Lactation
Professionnels de santé), CoFAM (Coordination Française pour l’Allaitement Maternel),
CoNaitre.
43
 Sur les sites de statistiques nationales : DREES, DRASS, pour obtenir des publications et
études démographiques, sociologiques, scientifiques.
A l’issue de cette recherche bibliographique, nous avons établi la liste des thèmes en rapport avec
l’allaitement maternel qu’il nous semblait pertinent d’étudier, et avons établi notre trame d’entretien
en fonction de ces paramètres.
Par la suite, les références bibliographiques utilisées pour l’analyse des résultats ont été générées et
classées à l’aide du logiciel Zotero.
2 . L’étude qualitative
La méthode choisie pour notre étude est l’analyse qualitative des discours des patientes
recueillis lors d’entretiens semi directifs individuels enregistrés. Cette méthode permet d’avoir une
vision large du ressenti des sujets étudiés, non limitée par des questions fermées. Les thèmes sont
abordés dans un cadre souple, les réponses obtenues sont spontanées, idéalement non influencées par
des propositions et reflètent les représentations personnelles.
Nous attendions de cette méthode qu’elle permette un recueil exhaustif des caractéristiques
étudiées, à l’échelle des mères, où les idées émises, les expériences personnelles ont une valeur propre,
au delà de leur occurrence, que nous avons étudiée par la suite.
Ce travail s’est basé sur l’analyse des entretiens semi directifs réalisés auprès de dix sept
mères allaitantes préalablement recrutées lors de leur séjour en maternité. Le principal critère de
recrutement était initialement l’intention de solliciter un médecin généraliste en cas de question ou de
problème lié à l’allaitement maternel. Dans un second temps, les mères qui avaient effectivement
évoqué le sujet de l’allaitement avec un médecin généraliste ont pu être incluses.
Parallèlement, la même méthode a été utilisée auprès des médecins généralistes de chacune
des patientes, selon une trame d’entretien de structure similaire.
Ces entretiens ont été réalisés en « double aveugle », puisque ni les interviewés, ni les
interviewers n’ont eu connaissance des réponses recueillies lors de l’entretien réalisé auprès de l’autre
participant du binôme. L’intérêt de l’implication de deux enquêtrices est de limiter les biais
d’interrogatoire par des questions ou des attitudes influencées par la vision que l’autre partie aurait pu
exprimer.
E. POPULATION ETUDIEE
Critères d’inclusion
17 mères ont participé à l’étude.
Les critères d’inclusion pour les mères étaient :
44
•
D’avoir été recrutée lors du séjour en maternité, d’y avoir rempli le questionnaire distribué
aux mères allaitantes.
•
D’être joignables par téléphone, disponible et de donner son accord pour participer à un
entretien individuel.
•
D’avoir fait appel à un médecin généraliste après leur accouchement pour des questions ou un
problème d’allaitement concernant l’enfant né lors du recrutement en maternité
•
D’avoir l’accord du médecin généraliste auquel elles avaient fait appel pour réaliser un
entretien (ce médecin n’étant pas consultant en lactation).
•
De résider en région Rhône Alpes.
Critères d’exclusion
Lors du rappel téléphonique des mères, celles qui n’avaient pas évoqué l’allaitement avec un médecin
généraliste depuis leur sortie de maternité, alors qu’elles allaitaient encore leur enfant, dont le médecin
généraliste n’acceptait pas l’entretien, ou qui résidaient à plus de deux heures de Lyon, ne pouvaient
faire partie de l’enquête.
F. DÉROULEMENT DE L’ÉTUDE
1 . Recrutement
a . Première étape : Recrutement en maternité
Le questionnaire de recrutement en maternité
L’objectif était de recruter des dyades « mère-médecin généraliste », pour cela, nous avons
sélectionné les mères allaitantes en maternité selon leur intention de faire appel à leur médecin
généraliste en cas de question d’allaitement.
Nous avons élaboré un questionnaire de recrutement, ainsi qu’une fiche d’information destinée
aux mères expliquant notre travail. Ceux-ci ont étés testés dans l’hôpital Saint Joseph Saint Luc de
Lyon 7ème en Mars Avril 2010. La pertinence et l’efficacité de ce questionnaire ont fait l’objet de
notre mémoire de stage chez le praticien, intitulé : « ALLAITEMENT MATERNEL ET MEDECIN
GENERALISTE : Etude de la compréhension d’un questionnaire et de sa pertinence pour le
recrutement et la définition de la population de notre thèse ». Le questionnaire a ensuite été modifié
selon les conclusions de ce travail.
Les questionnaires de recrutement corrigés ont été distribués dans 10 maternités de la région
Rhône-Alpes entre le 10 mai et le 26 aout 2010. (le feuillet de recrutement en maternité se trouve dans
le volume 2 de la thèse).
45
Selon la disponibilité et l’implication du personnel, le recueil des données se faisait soit après
remplissage par les mères allaitantes et recueil par le service, soit par questionnement direct au lit de la
patiente.
Les 231 questionnaires récupérés ont été rassemblés et les données compilées dans un tableau
récapitulatif incluant tous les paramètres.
Les mères qui avaient donné leurs coordonnées ont ensuite été classées en 3 catégories selon leurs
réponses :
•
Le groupe VERT (57 mères) contenant les mères qui avaient coché une ou plusieurs
des trois cases « votre médecin traitant »
« Autre médecin généraliste homme »
« Autre médecin généraliste femme » à la question :
•
Le groupe JAUNE (95 mères) : les mères qui avaient répondu « OUI » à une ou
plusieurs des trois questions :
•
Le groupe ORANGE : Les mères qui avaient répondu « NON » aux trois questions
précédentes (10 mères)
Les mères qui refusaient de participer à l’étude composaient le groupe BLANC. (69 mères)
46
Choix des maternités
Dix maternités ont été contactées. Nous souhaitions recruter des mères de différents milieux
géographiques en partant de l’hypothèse que le recours au médecin généraliste serait plus fréquent
dans les régions où le réseau de professionnels de santé était moins dense. Aussi, nous avons distribué
les questionnaires de recrutement dans plusieurs maternités « périphériques ».
Tableau 2: Synthèse du recrutement en maternité
Niveau / situation
géographique
Maternité
CH Saint Luc-Saint
Joseph
CH Belley
CH Roanne
Givors
CH Lucien Hussel
CH Sainte Foy-lèslyon
HFME Lyon
Natécia
Hôpital de la Croix
Rousse
Hopital de
Villefranche sur
Saône
1/ Lyon (69)
privé sous contrat
1/ Belley (01)
public
2/ Roanne (42)
public
1/ Givors (69)
public
2/ Vienne (38)
public
1/ Sainte Foy-lèslyon (69) public
3/ Bron (69)
public
3/ Lyon (69)
privé
3/ Lyon (69)
public
2/ Gleize (69)
public
Nombre de
questionnaires
déposés / récupérés
Nombre de mères
contactées
50/26
36/36
50/32
25/19
25/17
Nombre de mères
incluses
10 jaunes
6 vertes
6 vertes
6 jaunes
7 vertes
6 jaunes
6 vertes
6 jaunes
5 vertes
1 jaune
0 (1test)
2
2
5
1
25/13
3 vertes
1
39/39
7 vertes
0
25/17
8 vertes
3
45/13
2 vertes
4 jaunes
0
40/19
5 vertes
5 jaunes
3
93 mères issues du recrutement en maternité ont été rappelées,
•
17 mères ont été incluses,
•
76 on été exclues pour les motifs suivants:
•
45 n’ont pas évoqué l’allaitement avec un médecin généraliste
•
16 n’ont pas pu être jointes par téléphone
•
1 habite trop loin (accouchement hors de son lieu de résidence)
•
7 médecins n’étaient pas disponibles pour un entretien ou l’ont refusé
•
4 mère n’étaient pas disponibles pour l’entretien ou l’ont refusé pour des motifs
variés : problème de santé d’un enfant, conflit avec le médecin traitant, ne se sentant
pas concernée car ayant allaité trop peu, séjour prévu à l’étranger.
•
2 mères avaient consulté une remplaçante ou une interne
•
1 avait consulté un médecin généraliste femme, alors que nous souhaitions arrêter les
recrutements de femmes généralistes, notre population de médecins étant déjà
largement féminine
47
b . Deuxième étape : le recrutement des mères
Six mois environ après la naissance de leur enfant, les mères étaient contactées par téléphone selon
une grille d’appel (Annexe 7) afin de préciser où en était leur allaitement, si elles avaient évoqué le
sujet avec leur médecin généraliste et si elles souhaitaient participer à un entretien individuel, le cas
échéant.
Les mères du groupe vert étaient contactées en priorité, puis les mères du groupe jaune. Notre objectif
étant de recruter une quinzaine de dyades, nous n’avons pas contacté toutes les mères du groupe jaune,
mais avons cependant sollicité quelques mères de ce groupe ayant indiqué que le médecin généraliste
concerné était un homme, afin d’obtenir une certaine représentation masculine chez les médecins.
c . Troisième étape : le recrutement des médecins
Lorsqu’une mère acceptait d’être vue en entretien, elle nous confirmait les coordonnées de son
médecin. Nous le contactions pour lui expliquer les objectifs de notre thèse et lui proposer un
entretien.
Lorsque nous avions fixé une date d’entretien, ou obtenu un accord de sa part, nous rappelions la
patiente pour convenir d’un rendez-vous avec elle.
2 . Déroulement des entretiens
Les entretiens ont été réalisés entre le 16 novembre 2010 et le 16 février 2011.
Leur durée était de 20 minutes à 57 minutes pour une durée moyenne de 35 minutes.
Les mères étaient rencontrées à leur domicile ou sur leur lieu de travail, aux horaires qui leur
convenaient.
La trame d’entretien (Annexe 8) comportait, après un rappel des données personnelles, plusieurs
questions larges pour chaque thème, ainsi que des sous-questions.
Les thèmes proposés étaient :
•
ANTECEDENTS ET FORMATION
•
REPRESENTATIONS DE L’ALLAITEMENT
•
PLACE DU PERE
•
MODE DE VIE / MATERIEL
•
ALLAITEMENT ET SOCIETE
•
REFERENT EN ALLAITEMENT
•
AVANT LA NAISSANCE : Projet d’allaitement
•
DEROULEMENT DE L’ALLAITEMENT
•
VECU DU CONSEIL PAR LE MEDECIN GENERALISTE
•
HISTOIRE ACTUELLE
48
Le fonctionnement était expliqué au mères en début d’entretien, après avoir récolté hors
enregistrement les données générales.
Chaque thème était abordé par des questions générales, posées systématiquement (en
caractères gras)
Pout chaque question, les sous-thèmes avaient pour but de relancer la discussion, si la mère
n’évoquait pas certains sujets sur lesquels nous voulions connaître ses représentations. Ainsi, les
thèmes étaient abordés de façon homogène entre les différentes mères.
Cette trame d’entretien a été réalisée selon les domaines que nous souhaitions explorer chez
les mères et construite suivant un plan cohérent avec celui des entretiens de médecins. Elle a été testée
auprès de deux mères allaitantes qui ne pouvaient être inclues dans l’étude, et corrigée selon les
observations qui en ont découlé.
Les entretiens ont été enregistrés avec un appareil « digital recorder micro BR » de marque
BOSS, avec l’accord des participantes.
Lors des derniers entretiens, la saturation des données était atteinte.
Enfin, une dernière étape a été ajoutée à la méthodologie : en effet, du fait des longues durées
d’allaitement dans notre population, neuf mères n’avaient pas encore sevré leur enfant au moment de
leur entretien. Afin de compléter les données, notamment concernant les durées totales d’allaitement,
nous avons rappelé ces mères en janvier 2012, pour préciser la date et les raisons du sevrage de leur
enfant.
3 . Traitement des données
La retranscription des entretiens
Les enregistrements ont été rendus anonymes et retranscrits selon les règles des études qualitatives, en
laissant figurer les hésitations, « bafouillages », silences, erreurs de langage, et changements
d’attitudes, ainsi que le contexte environnemental , les interruptions et interventions des autres
membres de la famille (79) . Les retranscriptions se trouvent dans le volume 2 de la thèse.
L’analyse verticale
Chaque entretien a été étudié individuellement, pour faire ressortir les idées principales du discours de
chaque mère. Les analyses verticales de nos entretiens se trouvent dans le volume 2 de notre thèse.
L’analyse thématique des discours
Les résultats ont été présentés de façon transversale. Les différents thèmes abordés par les mères sont
compilés pour en tirer des axes d’analyse en terme de champs lexicaux, d’occurrence, d’idées
originales.
49
RESULTATS
A. La population
1 . Les mères
a . Les âges
Les mères de notre étude ont entre 22 ans et 40 ans lors de leur accouchement.
Leur âge moyen est de 29,7 ans, l’âge médian de 30 ans.
Figure 7: Répartition des âges des mères
Moins de 25 ans; 6% 25-­‐29 ans; 29% 30 ans et plus; 65% Les âges se répartissent ainsi :
o
Moins de 25 ans : 1 mère
o
25-29 ans : 5 mères
o
30 ans et plus : 11 mères
b . Lieu de résidence
Figure 8: répartition géographique des mères
rural 35% semi-­‐rural 53% 6% 6% semi-­‐urbain urbain 50
9 mères vivent en milieu rural (moins de 2 000 habitants),
1 mère vit en milieu semi-rural (2 000 à 5 000 habitants),
1 en milieu semi-urbain (de 5 000 à 10 000 habitants)
6 mères habitent en milieu urbain (plus de 10 000 habitants),
c . Conditions de vie du couple
1 mère (Mère 3) ne vit pas avec le père de son enfant, mais celui-ci est venu partager le même toit
pour les 2 premiers mois.
16 mères vivent maritalement.
d . Catégories socioprofessionnelles
Les catégories socioprofessionnelles (CSP) des mères se répartissent ainsi :
•
5 mères sont employées dans le domaine de l’éducation : 2 institutrices, une professeur de
français, une professeur d’allemand, une professeur d’anglais. (CSP 4)
•
3 mères travaillent dans le milieu social : éducatrice (CSP4), auxiliaire de vie (CSP5),
secrétaire dans le social (CSP5)
•
3 mères sont de profession paramédicale : infirmière (CSP4), aide soignante (CSP5),
auxiliaire de puériculture (CSP5)
•
1 mère cadre supérieur : ingénieur en informatique (CSP3)
•
1 artiste : chanteuse (CSP3)
•
1 employée administrative (CSP5)
•
1 psychologue pour enfant (CSP3)
•
1 documentaliste (CSP3)
•
1 mère au foyer (CSP 8)
La mère qui avait une formation d’aide soignante était en cours de reconversion professionnelle pour
devenir assistante maternelle.
Selon les catégories socioprofessionnelles définies par l’INSEE (80), nous obtenons :
Tableau 3: Catégories socio-professionnelles des mères
Catégories socioprofessionnelles
1 Agriculteurs exploitants
2 Artisans, commerçants et chefs d'entreprise
3 Cadres et professions intellectuelles supérieures
4 Professions Intermédiaires
5 Employés
6 Ouvriers
7 Retraités
8 Autres personnes sans activité professionnelle
Nombre de mères
0
0
4 (environ 25%)
7 (environ 40%)
5 (environ 30%)
0
0
1 (environ 5%)
51
e . Nombre d’enfants et expérience d’allaitement
Le nombre d’enfants par mère était compris entre 1 et 4.
•
7 mères étaient primipares (environ 41%)
•
6 mères avaient 2 enfants (environ 35%)
•
2 mères avaient 3 enfants (environ 12%)
•
2 mères avaient 4 enfants (environ 12%)
Les enfants de notre étude avaient au total 15 frères et sœurs : 10 filles, 5 garçons
Tous ont été allaités, pour des durées allant de 2,5 mois à 15 mois, pour une moyenne de 6,3 mois et
une médiane à 5 mois
2 . Les enfants
Tableau 4: Caractéristiques des enfants
Mère
Médecin
Sexe
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
A
F
H
D
E
C
B
G
J
K
L
I
P
M
Q
O
N
F
F
G
F
G
G
G
F
F-G
F
F
G
F
G
F
F
G
Poids de
naissance
2,110
3,280
3,190
3,470
3,490
2,920
3,240
3,160
2,370 / 1,900
2,580
3,740
3,810
3,330
2,940
3,280
3,290
3,300
Sortie de la
maternité
J5
J4
J4
J4
J5
J3
J4
J4
J6+
J4
J6
J4
J5
J5
J4
J5
J6
âge lors de
l’entretien
5 mois 11j
6 mois 4j
6 mois 5j
6 mois 2j
5 mois 18j
6 mois 12j
6 mois 14j
4 mois 28j
6 mois 25j
6 mois 13j
6 mois
8 mois 17j
6 mois 9J
7 mois 26j
6 mois 6j
5 mois 24j
6 mois 10j
a . Sexe des enfants
Les enfants de notre étude se répartissaient ainsi:
•
10 Filles (soit environ 56%)
•
8 Garçons (soit environ 44%)
52
b . Poids de naissance, modalités de naissance, durée de séjour en
maternité
Les poids de naissance se situaient entre 1,900 kg et 3,810 kg pour une moyenne de 3,080 kg
Les modes d’accouchement étaient répartis ainsi :
 15 accouchements par voie basse dont 1 au domicile par des pompiers. (83%)
 2 césariennes : (3 enfants soit environ 17% des enfants sont nés par césarienne)
o
1 césarienne en urgence sous anesthésie générale pour hémorragie maternelle et perte
du rythme cardiaque fœtal.
o
1 césarienne sous anesthésie locorégionale pour des jumeaux et voie basse difficile.
La durée de séjour en maternité était en moyenne de 4,6 jours (de 3 à 6 jours)
c . Situations particulières d’allaitement
Les trois situations particulières d’allaitement représentées dans cette étude sont:
 L’allaitement de jumeaux (Mère 9),
 L’allaitement d’une enfant atteinte de Trisomie 21 (Mère 10),
 Un allaitement dans un contexte d’allaitement antérieur impossible pour anatomie
maternelle incompatible (Mère 11).
53
B. Analyse thématique transversale
1 . Antécédents et formation des mères
a . Leur propre allaitement (cf Tableau 5 p57)
12 mères ont elles-mêmes été allaitées (Mères 1, 2, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 13, 14, 15), pour des durées
d’allaitement comprises entre 15 jours et « au moins six mois ». La durée moyenne et la médiane très
approximatives sont de : 2,5 mois (2 mères ne connaissent pas leur durée d’allaitement).
Un contexte moins favorable à l’allaitement
On constate que 3 mères (Mères 1, 16 et 17) évoquent les conditions moins favorables à l’allaitement
à l’époque où leur mère les allaitait :
Mère 1 : « Pour elle ça s’est pas… très bien passé, justement parce que… y’avait pas
beaucoup d’aide et cætera » « personne s’y connaissait »
Mère 16 : « c’était pas motivant à l’époque, parce que personne… ne faisait en sorte que les
mamans y arrivent, et donc, elle avait très envie, mais elle n’a pas du tout été heu… soutenue
par l’équipe médicale »
Mère 17 : « Elle n’avait pas pu… nous allaiter, mon frère moi (…) parce qu’elle avait des…
médicaments (…) et puis, je pense qu’il y avait aussi l’époque… C’était trente ans en arrière,
c’était pas les même discours qu’actuellement. »
Des allaitements difficiles, des échecs d’allaitement, des regrets
12 grand-mères (Mères 1, 5, 6, 8, 9, 10, 12, 13, 14, 15, 16, 17) ont exprimé des difficultés
d’allaitement, un vécu difficile, ou des regrets quant à l’allaitement ou l’impossibilité d’allaiter. Elles
ont évoqué :
•
Des mauvais souvenirs, des regrets : Mères 1, 6, 9, 10, 12, 14, 16, 17
« Mauvaises surprises », « pas très bonne expérience » (Mère 1)
•
L’échec de l’allaitement dès l’initiation ou après peu de temps: Mères 5, 8, 13, 15, 16
« Avait très envie, mais… », « La montée de lait, c’était plus possible », « elle n’y a
pas réussi », « très déçue » (Mère 16)
•
L’impossibilité médicale indépendante de la mère ou de l’allaitement : Mères 10, 12, 14, 17
« Déçue d’avoir arrêté si tôt », « aurait bien voulu continuer », « médicalement,
c’était plus possible » (Mère 14)
•
Le manque de lait : Mères 5, 8
« A essayé », « a dû arrêter », « pas assez de lait » (Mère 8)
54
Mère 6 : « au bout de trois mois, heu… he ben, j’ai plus voulu… du sein, en fait.(…) à… son
grand regret, parce qu’elle… avait beaucoup de lait »
Mère 10 : « elle a été obligée d’arrêter en fait, parce qu’à l’époque, elle avait heu… un
traitement heu… elle, elle… je crois qu’elle a pris un… gros… un gros rhume ou une grippe et
en fait elle était sous antibiotiques, (…), je pense qu’elle aurait continué, oui… sinon. »
Mère 12 : « elle avait un… une (…) grosseur au sein (…) ça a été détecté, je crois pendant la
grossesse, du coup, elle a été opérée très peu de temps après, et du coup, elle n’a pas pu
m’allaiter.»« je pense qu’elle aurait bien aimé »
Une mère n’a pas perçu de ressenti de sa mère quant à l’échec de son allaitement :
Mère 13 : « elle n’y arrivait pas, alors elle a pris du lait, c’est tout. »
Une opinion négative
2 mères ont perçu on point de vue négatif de leur mère vis à vis de l’allaitement (Mères 3, 9)
Mère 3 : « Ma mère était contre. Donc heu… je n’ai pas du tout été conseillée par heu… par
ma mère. Au contraire ! »
De bonnes expériences d’allaitement
5 Grand-mères ont évoqué de bonnes expériences d’allaitement (Mères 2, 4, 6, 10, 11)
Mère 2 : « ça a été un bon souvenir apparemment »
Mère 6 : « elle a bien aimé son allaitement »
Mère 11 : « elle a allaité ses trois enfants avec plaisir »
2 autres mères relatent des allaitements bien vécus ou long de leurs frères et sœurs : Mères 12 et 14.
Opinion positive, encourageante
4 mères rapportent que leur mère avait une opinion positive quant à l’allaitement (Mères 1, 6, 16, 17)
Mère 1 : « pour elle c’était important d’allaiter »
Mère 16 : « Heu… ben… on va dire que pendant ma première grossesse, c’est quelque chose
qu’on a… parlé beaucoup, avec ma maman, du coup, puisque… ça lui portait à cœur… et
heu… c’est vrai que du coup, la vision qu’on en a, que ce soit moi ou mes sœurs, c’est
vraiment, heu… quelque chose d’important d’allaiter quoi. »
Mère 17 : « Elle, elle n’avait pas pu...nous allaiter, mon frère moi, donc heu… pff… ben, oui, elle
trouvait ça… positif. »
Causes de sevrage ou de non-allaitement
Les causes de sevrage ou de non-allaitement évoquées étaient :
•
Le manque d’aide : 3 mères (Mères 1, 16, 17)
•
La reprise du travail ou des études : 2 mères (Mères 2, 4)
•
Le manque de lait : 3 mères (Mères 5, 8, 13)
•
Le refus du sein : 1 mère (Mère 6)
55
•
Une séparation mère enfant à la naissance pour hospitalisation: 2 mères (Mères 15, 16)
•
Une raison médicale :
•
o
Un traitement médicamenteux incompatible : 2 mères (Mères 10, 17)
o
Un traitement chirurgical du sein : 1 mère (Mère 12)
o
Un abcès du sein : 1 mère (Mère 14)
Pas d’allaitement car opposée : 1 mère (Mère 3)
Contexte de l’évocation de l’allaitement avec leur mère
7 mères ont évoqué l’allaitement avec leur mère pendant leur première grossesse ou leur premier
allaitement, dans un contexte de questionnement sur leur propre choix (Mères 1, 2, 6, 12, 15, 16, 17)
Mère 2 : « je pensais que j’avais été heu… plus longtemps au sein en fait »
Mère 6 : « je voulais allaiter, en fait, donc heu, je demandais un peu des conseils à… à ma
mère »
4 mères avaient évoqué le sujet dans leur enfance ou avant leur maternité, dans un contexte de
transmission de l’histoire familiale (Mères : 4, 10, 11, 14)
Mère 4 : « il me semble que je le sais depuis longtemps »
Mère 10 : Quand en avez-vous parlé avec votre mère ? « Oh ! Toute petite. »
Mère 11 : « on en a tout le temps parlé, heu… depuis qu’on est jeunes, heu… ma mère nous
en a parlé, parce que… mon frère avait du mal. »
Mère 14 : « avant l’allaitement, avant même d’être enceinte, heu… je le savais, heu… enfin,
je savais que ça s‘était passé, quoi »
4 mères ont peu ou pas abordé le sujet avec leur propre mère (Mères 5, 7, 8, 9)
1 mère a abordé le sujet avec sa propre mère après l’allaitement de son enfant : Mère 13
56
Tableau 5: Mode d'alimentation des mères dans leur enfance
Mère
Alimentation
Cause du sevrage
/non allaitement
Vécu
Evocation du sujet
1
LM 3 mois
Pas assez d’aide
Mauvaise
expérience
2
LM 4 mois
Reprise des études
Bons souvenirs
Pendant la
grossesse
Pendant
l’allaitement
3
4
LA
LM 3,5 mois
LM « quelques
temps »
« contre »
Reprise du travail
Bons souvenirs
6
LM 3 mois
Refus du sein
7
LA
8
LM 15 jours
9
LM durée
inconnue
10
LM 1 mois
11
LM au moins 6
mois
12
LA
Chirurgie du sein
prévue
13
LM 1 mois
Manque de lait
14
LM 1 mois
Abcès du sein
15
LM 2,5 mois
Conditions difficiles
16
LA
17
LA
5
Opinion sur
l’allaitement
Encourageante
AM important
Opposée
Un choix personnel
« on n’en a pas
spécialement parlé »
Dans l’enfance
Manque de lait
Peu
Bien aimé /regrets
au sevrage
Manque de lait
Mauvais
souvenirs
Traitement
incompatible
Pendant sa première
grossesse
Jamais
Succinctement,
avant son premier
enfant
Succinctement lors
de sa 1ere grossesse
« ma maman a essayé de
m’allaiter »
Dans l’enfance
Bons souvenirs
Dans la jeunesse
Bons souvenirs de
ses autres
allaitements
Pendant la première
grossesse
Après l’allaitement
de l’enfant 13
Sœur allaitée plus
de 18 mois
Douleurs,
éloignement
Séparation à la
naissance / manque
d’aide
Traitement
incompatible
AM non encouragé
Avant la grossesse
« elle a allaité ses trois
enfants avec plaisir »
« elle y arrivait pas alors
elle a pris du lait »
« elle était déçue d’avoir
arrêté si tôt »
Au moment de
l’allaitement
Sa mère tirait son lait
Très déçue
Première grossesse,
sujet très abordé
« c’est quelque chose
d’important d’allaiter »
Aurait aimé
allaiter
Avant la naissance
de son premier
enfant
Avis positif
b . Formation et degré d’informations avant la première grossesse
(cf Tableau 6 p59)
Formation professionnelle
5 mères ont eu une formation professionnelle (Mères 4, 5, 6, 10, 13).
•
pratique : par la vente de matériel d’allaitement en parapharmacie : Mère 10
•
paramédicale : dans les études d’infirmière : Mère 5, ou d’aide soignante : Mère 13
•
spécialisée : dans les études d’auxiliaire de puériculture et le travail en maternité : Mère 6
•
théorique sur le lien : dans les études de psychologie de l’enfant : Mère 4
57
Mère 4 : « quand j’étais en fac, moi, sur heu, en effet, la proximité heu… de l’enfant avec la
mère, donc on a parlé en effet de l’allaitement… maternel et du rapport au sein »
Mère 6 : « j’ai toujours travaillé dans les maternités, du coup, c’est vrai que j’étais… à peu
près, heu… enfin… calée en… allaitement, et puis (…) j’étais motivée pour allaiter. »
Mère 10 : « j’étais vendeuse en parapharmacie…(…) et (qu’)on vendait, heu… ben tout ce qui
était heu… en rapport avec heu, l’allaitement maternel et l’allaitement heu… heu… non
maternel. »
Mère 13 : « j’ai travaillé… beaucoup avec les enfants, j’étais heu… j’ai travaillé en crèche,
donc heu… bon, j’avais les… des informations plus heu… au niveau des… des enfants en bas
âge »
Exemples dans l’entourage
10 mères avaient des exemples ou une tradition d’allaitement dans leur entourage, et avaient pu
parfois évoquer le sujet avec des mères allaitantes : (Mères 1, 4, 5, 10, 11, 12, 13, 14, 16, 17)
6 mères n’avaient peu ou aucun exemple, et n’avaient pas évoqué le sujet de l’allaitement avec
l’entourage (Mère 3, 6, 7, 8, 9, 15)
Mère 4 : « moi j’avais une sœur ainée, oui, qui allaitait, qui a allaité longtemps… j’ai… ma
mère qui a eu… une dernière fille… moi j’ai, j’avais seize ans et qui était, qui était allaitée
heu… fort tard. Jusqu’à deux ans »
Mère 5 : « j’ai une copine qui a… on a accouché à trois semaines d’intervalle, donc c’est vrai
qu’on s’était un peu, heu… motivées par rapport à ça… et j’avais une amie qui a accouché au
mois de… mars… par rapport à moi, et heu… donc heu… surtout par rap… enfin grâce à elle
aussi, si heu… si…Vous avez eu envie d’allaiter .Ouai. D’allaiter. Ouai. »
Mère 8 : « j’étais la première du groupe d’amis à avoir un enfant, pareil dans la famille, heu
bon on a fait ça un peu ensemble, puisque que ma, ma belle sœur et ma sœur on été enceintes
en même temps que moi, donc on a eu heu largement l’occasion de… s’en parler, mais heu,
avant heu, personne »
Mère 9 : « Ça a été une première totale pour moi »
Mère 14 : « dans la famille, heu… tous, tous les gens autour de moi plus… ont… plus ou
moins allaité, donc… heu… c’était quelque chose de… une sorte de culture familiale, mais
heu… c’était pas vraiment une formation »
Les sources d’information personnelles
Les sources d’information utilisées en matière d’allaitement avant les grossesses ont été variées, mais
seulement 6 mères en ont évoqué (Mères 5, 7, 8, 10, 11, 13)
Elles étaient représentées par :
•
Les magazines : (Mère 8, 10)
•
Les livres : (Mères 7, 11)
•
Lecture d’un mémoire : (Mère 5)
•
La radio : (Mère 10)
•
Internet : (Mères 7, 13)
•
Foire « bio » : (Mère 7)
Mère 5 : « j’ai une collègue qui avait fait un… son mémoire là-dessus. Donc, ça… du coup, le
fait de l’avoir lu… et tout »
58
Mère 7 : « je m’étais renseignée bon j’ai j’ai lu pas mal de bouquins (… )Heu… j’ai regardé
sur internet heu…j’avais fait des…des foires là bio…un peu »
Mère 8 : « j’ai plutôt été informée par les magazines »
Mère 10 : « beaucoup par heu… par les informations du type magazine, radio, parce que…
c’est à… c’est… vraiment l’époque où l’effet… l’effet heu… l’allaitement revient. »
Mère 13 : « je m’étais renseignée sur internet. Je pense, comme la plupart heu… des
mamans… »
Un choix personnel
8 mères ont spontanément exprimé une conviction intime expliquant ce choix de l’allaitement malgré
un manque d’information. (Mères : 1, 4, 8, 9, 12, 14, 15, 16)
Mère 1 : « j’y connaissais pas grand chose, quoi… je savais que je voulais le faire, mais c’est
tout »
Mère 4 : « personnellement, heu… je savais les choix que je voulais faire pour mes enfants »
Mère 8 : « je savais que c’était mieux pour l’enfant mais heu, après je m’étais pas
spécialement renseignée sur les positions, sur heu, ben sur ce qu’il fallait faire pour heu
déclencher l’allaitement, tout »
Mère 9 : « On ne peut pas vraiment dire que je s… que j’aie été informée…(…) pour moi,
c’était déjà quelque chose qui me semblait déjà naturel (…) Parce que je me suis dit, bon, que
j’avais une poitrine, et même en ayant une petite poitrine, j’ai pensé… que c’était une… suite
logique d’allaiter son enfant… »
Mère 12 : « j’ai pas l’impression d’avoir eu une information vraiment très… claire là-dessus,
mais ça me semblait un peu une évidence. »
Mère 14 : « au niveau de l’information, je sais pas trop heu… j’avais, j’avais envie de le
faire, parce que ça me semblait (…) la solution la plus… naturelle, la plus facile »
Mère 15 : « moi, j’y tenais », « je voulais essayer », « une décision personnelle »
Mère 16 : « je crois qu’après c’est surtout affectif du fait que… que ma maman n’a pas pu
nous allaiter, c’est vrai que ça… ça devait heu… ben voilà, y’avait quelque chose d’important
dans le fait de… d’allaiter son enfant quoi. Ça c’est quelque chose qu’on garde en tête. »
Madame 11 et Madame 13 concluent au sujet de la formation sur l’allaitement :
Madame 11 : « En fait il faut le vivre, hein pour heu… savoir ce que c’est, je crois. (Rires) »
Madame 13 « vous aviez des connaissances en allaitement ? D’un point de vue théorique,
mais je me suis vite rendue compte, que… la pratique, c’était pas pareil… »
Tableau 6: Formation et sources d'information des mères avant leur premier allaitement
Formation professionnelle
Sources d’information
Allaitements dans l’entourage
Internet
Magazines
Livres
radio
Mémoire d’une collègue
Evénement « bio »
famille
amies
aucun
Mères
4, 5, 6, 10, 13
7, 13
8, 10
7, 11,
10
5
7
1, 4, 12, 16
4, 5, 10, 11, 12, 13, 17
3, 7, 9, 15
59
c . Allaitements antérieurs (cf Tableau 7 p64)
10 mères étaient multipares. On compte 15 enfants d’âge moyen et de médiane d’âge de 6 ans.
Tous leurs enfants ont été allaités.
Parmi ces 15 allaitements antérieurs : il s’agit de 10 filles et 5 garçons
La durée moyenne de ces allaitements est de 6, 3 mois, la médiane de 5 mois
•
4,5 mois en moyenne pour les filles, médiane : 4 mois
•
9,8 mois en moyenne pour les garçons, médiane : 12 mois
Les ressentis des mères sont parfois mitigés, mêlant des difficultés et des émotions plus positives.
Aussi, certaines mères peuvent évoquer à la fois des sentiments de frustration ou de regret, et des
sentiments de satisfaction.
Des vécus difficiles pour certaines
8 mères évoquent des difficultés ressenties lors de leurs précédents allaitements, sans parfois porter
préjudice au vécu global de l’allaitement. (Mères 4, 6, 8, 10, 11, 15, 16, 17)
•
Un retentissement familial néfaste : Mères 4, 17
•
Un manque d’information, d’aide : Mères 8 et 15
•
Des difficultés d’allaitement : Mères 4, 6, 10, 11, 15, 16, 17
•
Un manque de lait : Mères 6, 17
•
Un sentiment d’échec: Mère 11
•
Des doutes : Mère 17 « complètement perdue »
Mère 4 : « pour les ainés, ça a créé un peu des… des conflits, (…) moi je me sentais tiraillée
un peu entre le père et l’enfant. »
Mère 10 : « pour le premier, ça a été difficile, (…)Parce que… j’avais heu… les tétons qui
étaient pas sortis (…)Donc il a fallu que j’utilise des bouts de sein, et comme heu… ma
première av… avait du mal à téter, heu… j’étais obligée de prendre les bouts de sein, heu…
pendant les six mois. Donc ça a été assez difficile »
Mère 11 : « on m’avait dit, heu… à "autre maternité" que… j’avais des… une poitrine trop
bizarre pour pouvoir allaiter ma fille », « elle ne prenait pas spécialement le sein, et (…)
apparemment, je ne pouvais pas y arriver, ils m’ont dit de faire le tire-lait, donc, j’ai fait le
tire-lait là-bas, et puis heu… et puis après, j’ai continué », « je me réveillais la nuit pour tirer
mon lait et pour pouvoir, heu… le donner heu… mon lait au lieu du lait, heu… du lait en… en
boite »
Mère 15 : lors de l’aide des sages-femmes à la maternité : « elles ont (rires) voulu me
montrer, on va dire, et elles…elles ont fait ça un petit peu trop brusquement à mon gout.
Heu… et heu… avec heu… (silence) un mépris, un… enfin… enfin quelque chose d’assez
négatif, quoi… donc heu… c’était un très mauvais souvenir. »
Une mère (Madame 17) a visiblement été très marquée par cet antécédent d’allaitement difficile et sa
voix se trouble à chacune de ses évocations. Elle semble avoir vécu des pressions dès le choix de
60
l’allaitement, presque « subi » : « pour la première, heu… j’ai écouté ce qu’on me disait, et j’ai fait ce
qu’on m’a dit. Et… sans plus m’interroger.»
Des complications liées à l’allaitement
4 mères ont souffert lors de leurs allaitements précédents de complications liées à l’allaitement ou
influant sur celui-ci (Mères 4, 8, 10, 16).
Cependant, on notera que l’évocation des crevasses est très fréquente et que celles-ci ne sont pas
toujours vécues comme problématiques.
Les complications évoquées étaient :
•
Les lymphangites (Mère 4)
•
Les crevasses (Mères 4, 8, 10, 16)
•
Traitement d’une pneumopathie intercurrente (Mère 10)
Mère 4 : « j’ai risqué en effet la…la rupture de l’allaitement… heu je sais plus… au bout de
trois semaines, quelque chose comme ça…Parce que j’ai eu un problème de lymphangite »
Des allaitements bien vécus
8 mères ont de bons souvenirs de ces premières expériences (Mères 4, 8, 9, 10, 11, 12, 15, 16)
Mère 9 : « Avec fille ainée 9 super bien, (…) ça se passait super bien, j’avais fait des stock au
congèl, tout ça… »
Mère 10 : « Pour le deuxième, heu… ça a été vraiment heu…(…) Sans problème à part les
crevasses, heu… de temps en temps »
Mère 11 : C’est un allaitement que vous aviez vécu comment ? « Oh ! bien ! Bien, bien,
moi, ça m’avait pas… ça m’avait un peu embêtée, mais bon, à partir du moment où je lui
donnais mon lait, heu… c’était pas très grave, hein…Ça ne me dérangeait pas plus que ça »
(NB : donnait son lait au biberon)
Les causes de sevrage
Lors de ces allaitements précédents, les causes de sevrage évoquées ont été :
•
Projet d’allaitement réalisé : Mères 4, 10, 11, 12, 12
•
L’échec de l’allaitement après la reprise du travail : Mères 6, 8, 12
•
Sevrage pour reprendre le travail : Mères 4, 9, 17
•
Sevrage décidé par l’enfant après diversification : Mères 9, 10
•
Pic de croissance et manque de lait : Mère 16
•
Sevrage pour traitement incompatible avec l’allaitement : Mère 15 (sinusite/antiinflammatoires)
Le vécu du sevrage
Lorsqu’elles parlent du vécu des sevrages antérieurs, les mères utilisent des termes qui expriment :
 L’échec : Mères 6, 9, 16
•
« j’arrivais pas à tirer mon lait» (Mère 6)
61
•
« manque d’information », « pas prévu » (Mère 9, fille ainée)
•
« j’y arrivais plus », « jeté l’éponge », « j’arrivais plus à produire », « produisaient pas
suffisamment » (Mère 16)
 La volonté de l’enfant Mères 10, 12, 16
« Très vite il n’a plus voulu », « ça s’est tari », « il avait très faim », « j’avais plus assez »
(Mère 12 enfant 1)
 Un déroulement progressif : Mères 9 et 12
« petit à petit », « laissé faire », « super doucement », « espacer », « moins réclamer »,
« le bébé est bien » (Mère 9, enfant 2)
« bien passé », « rythmes accordés », « à peu près comme je le souhaitais » (Mère 12)
 Le ressenti de la mère Mères 4 et 11
« s’écouter » (Mère 4)
« jusqu’à ce que j’en puisse plus » « au bout d’un moment, il faut la sevrer » (mère 11)
 Les pressions
« Fortement conseillé d’arrêter », « elles ne voulaient pas », « pression pour arrêter
l’allaitement » (Mère 15)
 Les regrets Mères 15 et16
•
« déçue », « j’aurais bien voulu continuer » (Mère 15)
•
« j’aurais pu faire l’effort » (Mère 16)
 La contrainte
•
« pic de croissance », « difficile à supporter », « tout le temps aller au sein » (Mère 16)
 Le soulagement Mère 17 : « contente de retrouver mon corps »
Mère 15 : « je l’avais mis à la crèche un mois plus tôt… qui heu… m’a (…) aussi fortement,
heu… heu… conseillé d’arrêter l’allaitement. Parce que elles, en fait, à la crèche, ça les…
emmerdait plus qu’autre chose, de, heu… par ce que je voulais absolument, que… tirer mon
lait et leur donner pour heu… pour que ma fille en profite, (…) elles ne voulaient pas le
conserver, elle ne savaient pas comment faire hein… donc heu… j’ai eu une espèce de
pression à ce moment-là pour arrêter l’allaitement… »
Mère 16 : « j’aurais pu faire l’ef… peut-être l’effort de faire plus, après mes filles, elles
enfin… pour les deux ça a été à trois mois à peu près à… elles ont pleuré de faim, enfin, je
veux dire, au bout d’un moment, c’est pas la peine non plus de…Voilà, j’ai préféré la… les
nourrir avec un biberon, plutôt qu’attendre que le lait monte »
Mère 17 : « j’étais contente de… voilà. De retrouver (rires) heu… enfin… je ne sais pas, cette
distance… c’est pas de la distance, mais… voilà. De retrouver mon corps. »
Aides professionnelles sollicitées lors des allaitements précédents
Les professionnels consultés pour des problèmes d’allaitement avaient été :
•
Le médecin traitant (Mère 4, 6, 10, 16)
•
La sage-femme : Mère 4 (de la maternité)
•
Le gynécologue (Mère 4)
•
Le pédiatre (Mère 16)
62
•
La PMI (Mères 10, 16)
Mère 10 : « pour le deuxième (…) j’avais eu un souci, parce que j’avais eu une
pneumopathie…Quand il avait trois mois. Et là par contre, heu… il (le médecin généraliste) a
vraiment heu… cherché par rapport à l’allaitement, heu… ce qui pouvait correspondre à… au
médicaments que je pouvais prendre et puis la manière dont je pouvais allaiter aussi. »
Mère 16, au sujet du pédiatre : « il fallait que ça rentre dans les cases, donc heu… niet. Et
heu… voilà. Pour elle, l’allaitement, heu… oui, mais il fallait que ça devienne comme du
biberon, c’est à dire »
Les autres sources d’information, lors des allaitements précédents
Les mères ont évoqué pour source d’information :
•
Internet : Mères 9, 10,
•
Les associations de soutien aux mères allaitantes : Galactée (Mère 10)
Mère 9 : « ça a été… vraiment sur internet (…) que j’ai été aiguillée, j’ai été visiter le site de
la Leche League »
63
Tableau 7: les allaitements antérieurs
Sexe/
Age
Durée d’allaitement
Vécu
Cause du sevrage
Commentaires
G
8 ans
6,5 mois exclusif
13 mois au total
Difficile :
lymphangite,
crevasses / place du
père
Reprise du travail /
durée estimée
suffisante
Aide : sage
femme,
gynécologue,
médecin
G
5 ans
5,5 mois exclusif
12 mois au total
Difficile : Place du
père
Reprise du travail/
durée estimée
suffisante
6
F
2 ans
6 semaines exclusif
4, 5 mois au total
Impression de
manque de lait/
aurait aimé allaiter
six mois
Reprise du travail/
n’arrivait pas à
tirer son lait
Aide d’un médecin
généraliste
8
F
4 ans
1,5 mois exclusif
4 mois au total
Manque
d’information
Crevasses
Reprise du travail /
échec du tire-lait
Regrets au sevrage
« jai pas du tout
pensé que je
pouvais demander
de l’aide »
F
11 ans
3,5 mois
Bien vécu /regret de
sevrage
F
10 ans
7,5 mois
F
7 ans
6 mois exclusif
7 mois au total
G
3 ans
7 mois exclusif
15 mois au total
F
3 ans
2,5 mois
G
8 ans
3 mois
F
6 ans
5 mois
G
4 ans
6 mois
15
F
9 ans
5 mois
Bien passé
Bon souvenir
Regrets de sevrage
16
F
6 ans
3 mois
Bien passé
17
F
4 ans
3,5 mois
Début difficile,
« complètement
perdue »
Mère
4
9
10
11
12
Bien vécu/ mieux
informée grâce à
internet
Difficile / bouts de
seins
Bien vécu /
Pneumopathie /
Refus de
diversification et du
biberon
Bien vécu /Au tirelait et biberon pour
atypie anatomique
« extrêmement bien
passé »
sevrages : accord des
rythmes entre le bébé
et la maman,
contente de
retravailler
Reprise du travail /
manque
d’information
Désintérêt
progressif après
diversification
refus du sein après
diversification
Projet
d’allaitement
réalisé
Reprise du travail
et allaitement
possible
Recours :
PMI
médecin
généraliste
association
Reprise du travail /
durée suffisante
Sevrage rapide à la
reprise du travail /
préfère le biberon
Travail repris,
transition douce
vers le sevrage
Travail repris,
transition douce
vers le sevrage
Traitement
maternel pour
sinusite
« pic de
croissance »,
Reprise du travail
et allaitement
possible
Reprise du travail
et allaitement
possible
Pression de la
crèche pour le
sevrage
PMI et pédiatre
non aidants
64
2 . REPRÉSENTATIONS CHEZ LES MÈRES INTERROGÉES
Les représentations relatives à l’allaitement que nous avons relevées chez les mères de l’étude sont
nombreuses et souvent contradictoires entre les différentes interviewées et au sein même d’un
entretien.
Ces représentations sont explorées par la question des avantages et inconvénients.
Les mères ont parfois exprimé en cours d’entretien d’autres représentations de l’allaitement maternel.
A l’évocation des avantages, nous avons relevé des remarques d’ordre général, spontanées :
Madame 5 précise que ses représentations ont été influencées par son expérience de l’allaitement.
•
« maintenant que… je l’ai allaité, les avantages, c’est que… » elle complète ses premiers
arguments plutôt scientifique concernant les anticorps, (un discours médical, Madame 5 est
infirmière) par un vécu relationnel intense qu’elle semblait ne pas envisager auparavant.
Madame 9 est très enthousiaste quand on évoque les avantages :
•
« Ha ! Ben… y’en a plein… »
•
« Mais moi heu, si je pouvais… heu, je serais heu… pro-allaitement heu (rires) »
•
« c’est que des avantages. »(2 fois)
•
« pour moi, c’est que du bonheur, l’allaitement… »
Madame 12, elle, est enthousiaste lorsqu’elle aborde les avantages pour la mère allaitante :
•
« … et puis, il y a tellement d’avantage pour la maman ! »
•
et conclut par ces mots : « donc j’y voyais… à peu près que des avantages »
D’autres mères ont marqué un temps d’arrêt, de réflexion avant d’évoquer les inconvénients, ou
ont exprimé qu’elles ne voyaient pas d’inconvénient à l’allaitement maternel : Mères 1, 3, 4, 9, 14
•
Mère 1 : « Les inconvénients heu…pfff…(silence) j’en vois pas vraiment en fait »
•
Mère 3 : « je ne vois pas forcément d’inconvénient »
a . Une relation intense entre la mère et son enfant
La question du lien intime qui se crée entre la mère et l’enfant a été abordée plus ou moins directement
par toutes les mères de notre étude. Elle est au cœur de la problématique de l’allaitement, beaucoup
d’autres représentations parfois paradoxales en découlent.
Un lien bénéfique
Toutes les 17 mères voient la relation qui se crée entre la mère qui allaite et son nourrisson comme
plutôt positive.
Elles expriment leur ressenti de cette relation particulière :
65
 4 mères utilisent le mot « rapport » ou « relation » : Mères 3, 5, 8, 11
 4 mères emploient le mot « contact » : Mères 5, 6, 12, 17
 3 mères utilisent le mot « lien » : Mères 7, 14, 16
 3 mères emploient le terme « proche » ou « proximité » : Mères 4, 5, 17
 2 mères utilisent le mot « fusion » ou « fusionnel » : Mères 9, 11
On trouve aussi : « super » (Mère 1), «sympa » (Mère 2), « riche » (Mère 6), « attaché » (Mère 10),
« extraordinaire », « trop beau » (Mère 13), « primordial » (Mère 14), « maternage » (Mère 17)
Mère 4 : « moi, ma motivation première c’était vraiment la proximité avec l’enfant, je
trouvais que c’était bien au niveau de la… de la constitution psychique, heu… voilà », « je
trouvais que le biberon c’était un peu froid quoi pour heu, à la fois pour la mère et pour
l’enfant… dans un premier rapport… »
Une relation potentiellement trop fusionnelle, envahissante
2 mères pensent que cette relation à l’enfant peut devenir trop fusionnelle et donc négative. Cette
possibilité est formulée comme une hypothèse.
Mère 11 : « peut-être que les femmes qui les allaitent plus longtemps, heu… pensent que le…
le bébé, il est trop sur la mère. (…) je ne sais pas… je ne connais pas beaucoup de gens qui
ont allaité longtemps, mais heu…Moi, j’aurais peur… moi, j’aurais eu peur de ça, quoi.(…)
Qu’il soit trop fusionnel avec sa maman. »
Mère 12 : « il ne faut pas que ça devienne du coup une relation exclusive… et qu’il soit au
sein, heu… vingt quatre heures sur vingt quatre du matin au soir »
L’exclusion du père ?
Découlant de la potentielle relation trop fusionnelle, les 2 mères évoquent une possible exclusion du
père de cette relation mère-enfant. (Mères 11 et 12)
Mère 11 : « Et c’est vrai qu’il y a le papa qui ne peut pas trop participer »
Mère 12 : « mais j’ai jamais eu cette sensation-là (d’exclure le père), enfin, le… le papa a
toujours eu largement… et n’a jamais non plus, lui, eu cette sensation-là »
Une meilleure gestion des besoins
3 mères évoquent cette relation particulière entre la mère et l’enfant comme facilitant la
compréhension des besoins du nourrisson. Elles estiment que la gestion des pleurs ou des réactions du
bébé est plus naturelle avec l’allaitement maternel : (Mères 3, 9, 12)
Mère 3 « justement, il pleure, heu… enfin, il pleure plus après, parce qu’on sait que c’est
qu’il a faim, si il pleure. »
Mère 9 : « moi, c’était à la demande en fait hein, (…) Pour moi, c’était… j’entendais le bébé,
tac !, j’avais la montée de lait heu… y’avait… c’ét… ça a été vraiment à… très à l’instinct
quoi… »
66
Mère 12 : « il pleure on se dit : « c’est peut-être qu’il n’a pas bien bu », on aurait tendance
peut-être à le remettre plus vite, mais je pense que c’est aussi une relation qui s’instaure et
petit à p… les… les, les deux premières semaines, et puis après on… connaît mieux le bébé
(…) On arrive à trouver un peu un rythme. »
Les difficultés de séparation ou de sevrage
Du fait de la relation intense qui se crée entre la mère et l’enfant et du plaisir que chacun éprouve dans
cet échange, la séparation ou le sevrage peuvent être mal appréhendés, redoutés par les mères et leur
bébé.
Soit parce que l’enfant refuse le biberon, accentuant éventuellement le sentiment de dépendance de la
mère :
Mère 2 : « on commence le biberon parce qu’elle va à la crèche donc pour le goûter et… elle
le prend pas super bien »
Mère 3 : « dès que j’ai repris le boulot, ben… il ne voulait plus prendre le biberon, parce
qu’il a compris que… »
Mère 4 : « je trouve que le sevrage, c’est pas forcément quelque chose de simple, heu… donc
plus en terme de détachement de l’enfant. »
Soit parce que la mère n’est pas prête à renoncer au plaisir de cet échange intime :
Mère 1 : à propos de la diversification : « rien que d’imaginer (…) de devoir heu là heu… la
laisser… et de ne pas la… enfin… ne plus l’allaiter enfin (…) j’ai pas envie (rires), heu, pour
moi c’est vraiment un… un moment, heu… enfin… voilà quoi, je… je, je…je heu… vraiment,
je, je trouve ça… super et… et j’ai pas envie d’arrêter, du tout quoi… » Nous notons d’ailleurs
ici que cette mère peine à trouver ses mots sous l’émotion que lui procure cette perspective de
séparation.
Enfant plus demandeur de contact maternel, de maternage
Madame 5 rapporte une observation qu’elle tire de son expérience pour illustrer que les enfants
allaités peuvent être plus demandeurs de contact :
« Par rapport à des copines qui… donnent le biberon, comme quand on donne le biberon,
après on repose le bébé, enfin on n’a pas la même heu… le même contact. (…) Et du coup,
je… je… je trouvais que mon bébé avait besoin de… plus de contact, heu… qu’il fallait
beaucoup que je le porte heu… Des choses comme ça. (…). Mais bon… moi, ça m’arrangeait,
hein… »
b . Le plaisir maternel, moment privilégié
10 mères perçoivent le moment des tétées comme un instant privilégié, un moment de plaisir
maternel : Mères 1, 5, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16
67
Mère 1 : « mon petit privilège à moi »
Mère 5 : « Je… je pense que… voilà, c’est surtout ça, moi, j’ai eu des souvenirs de… lui
que… personne n’a quoi. Parce que… la manière dont je le… portais et tout… »
Mère 7 : « j’ai adoré quoi… ces moments là »
Mère 9 : « que du bonheur »
Mère 10 : « c’est un plaisir pour la maman qui a envie d’allaiter… »
Mère 11 : « je trouvais ça vraiment… heu… vraiment sympa, (…) c’est vrai que c’est un
rapport heu… intime avec le bébé, quoi »
Mère 12 : « A la fois, le plaisir, justement, d’être avec son bébé, heu… cette relation, qui…
enfin, moi, ça a été un de mes plus grands… moi, j’ai trouvé ça génial, quoi… vraiment. Donc
heu… c’est quand même des moments, que je trouve heu… on a la chance de pouvoir… vivre,
et… pourquoi s’en priver ? », « J’ai retrouvé mes sensations… enfin… non, non… c’était…
c’était très agréable. »
Mère 13 : « je me mettais, moi torse nu, pour qu’on soit en contact… Et tout, c’était trop
bien. »
Mère 15 : « j’adore, moi, ce contact heu… de la… de la prendre contre moi… enfin…Les yeux
qui se tournent pour me regarder, ouai, j’adore ça »
Mère 16 : « on est bien, on est ensemble, et il n’y a rien de… de plus important, quoi, quand
on allaite, c’est… c’est ça quoi »
c . Des contraintes : le quotidien de la mère, ses habitudes de vie
La question de la disponibilité : Une perte de liberté ?
12 mères soulignent la nécessité pour la mère d’être disponible pour son enfant. (Mères 1, 2, 4, 5, 6,
9, 10, 12, 13, 14, 15, 17) elles évoquent cet aspect de l’allaitement avec des termes péjoratifs, se
référant à une perte de liberté :
•
La présence physique: Mère 1, 2, 5, 6, 15, 17
« peut pas bouger », «obligée de rester », « tout le temps avec » (Mère 1), « beaucoup être
là » (Mère 2), « toujours là » (Mère 5), « présente » (Mère 6), « tout le temps là », « présence
obligatoire » (Mère 15), « tout le temps présent » (Mère 17)
•
L’exclusivité : Mères 6, 12, 15
« seule » (Mère 6), « attachée à l’enfant », « dépendant » (Mère 10), « c’est toujours la
maman qui s’y colle » (Mère 12) « c’est à nous de s’y coller » (Mère 15)
•
La contrainte : Mères 9, 10, 14, 15
« moins de liberté » (Mère 4), « pouvais rien faire d’autre », « faisais que ça » (Mère 9),
« contraignant », « on peut pas tout faire » (Mère 10), « très prenant » (Mère 14), « pesante »
(Mère 15)
•
La disponibilité : Mères 5, 13, 14
« disponibilité » (Mère 5), « toujours à disposition », « toujours être prêt » (Mère 13), « il faut
être disponible », « disponibilité à toute épreuve » (Mère 14)
•
Le temps : Mères 10, 14
« demande du temps » (Mère 10), « au niveau du temps » (Mère 14)
•
Les termes associés au biberon :
« laisser », « confier », « indépendance » (Mère 2),
68
Certaines mères précisent cependant que ce besoin de disponibilité constante n’était pas vécu comme
une contrainte, soit qu’il est en quelque sorte souhaitée, ou apprécié par la mère, soit qu’elles
trouvent des solutions pour y pallier (tire-lait) Mères 1, 4, 9, 12
Mère 1 : « c’est vrai qu’il faut heu, du coup que heu … qu’elle soit tout le temps avec moi,
mais il y a toujours la possibilité de tirer son lait donc heu…c’est toujours un… moyen de se…
de recours pour pouvoir la laisser heu… quelques heures »
Mère 4 : « on va dire que c’est plus en terme de heu… ça laisse peut-être un peu moins de
liberté à la maman… heu… comment dire en terme de… voilà de sorties et cætera, mais heu
pff… pour moi c’était pas vraiment un problème »
Mère 9 : « …mais là pour des jumeaux, là ça a été un vraiment un… ouai un gros problème,
(…) Je pouvais rien faire d’autre, je faisais que ça… »
Mère 12 : « c’est toujours la maman qui s’y colle, mais… en même temps, heu… enfin, pour
moi, ça a toujours été un plaisir »
Madame 16 estime quant à elle : « il n’y a rien de plus… libre qu’une maman qui allaite »
Une perte de féminité, un inconfort, une dépossession du corps
2 mères : Mères 7 et 17 évoquent les désagréments que l’allaitement engendre dans leur quotidien, sur
l’image de leur corps, leur confort :
Mère 7 :« Le fait de dormir avec le soutien gorge… enfin c’est des petits trucs hein c’est plein
de petits détails mais voilà »
Mère 17 : « il y a heu… le côté engorgement heu…Sous-vêtements, (rires) heu… le côté qui
fait heu… enfin, ce… c’est un peu paradoxal, ce que je vais dire, mais pas féminin, quoi. »,
« d’un seul coup, on… se sent un peu vache lai… vache laitière (rires) heu… Voilà. Il y a ce…
côté-là aussi »
Une contrainte sociale : La question de la pudeur
10 mères (Mères 1, 2, 3, 6, 7, 9, 10, 11, 13, 15) ont abordé leur ressenti de la question de la pudeur ou
plus largement de la gêne d’allaiter en public lors de leur entretien.
Nous reviendrons sur cette notion dans le paragraphe consacré au vécu de l’allaitement.
La question de la pudeur a par ailleurs été citée 4 fois spontanément dans les avantages ou
inconvénients de l’allaitement maternel. (Mères 3, 7, 11, 13)
d . Les bénéfices de l’allaitement sur la santé
Au sujet de la santé de l’enfant, les représentations sont multiples, plus ou moins empreintes de
connaissances médicales ou plus populaires. Aussi, les mères emploient un champs lexical scientifique
(anticorps) ou plus général (santé). Ce que ces termes représentent n’est pas forcément très clair pour
elles, et elles ne se les approprient pas toujours, introduisant leurs arguments par « on dit », « il
paraît », employant souvent le conditionnel.
69
Les arguments scientifiques sont par ailleurs, souvent teintés de doute dans leur évocation, comme un
discours qui ne leur appartient pas, voire auquel elles n’adhèrent pas.
Mère 17 :« j’ai pas de… conviction personnelle, on m’a expliqué que… notre lait il…
s’adaptait, et cætera, mais bon, après, moi, je… j’ai pas étudié les compositions du lait (rires)
heu…Je… j’ai pas d’avis tranché là-dessus, non. »
Les défenses immunitaires
9 mères évoquent les défenses immunitaires, une meilleure « santé » (Mères 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11,
14, 16)
Afin de cerner ces représentations, nous avons souligné les termes liés aux bénéfices sur la santé
attribués à l’allaitement, en précisant le degré d’adhésion des mères aux assertions scientifiques :
Mère 4 « on parle beaucoup quand même de… heu, au niveau des défenses immunitaires, que
c’est bien pour les défenses immunitaires de l’enfant. »
Mère 5 : « on dit que… ça apporte heu…plus d’anticorps par rapport aux défenses
immunitaires, heu… c’était surtout par rapport à ça »
Mère 6 : « ça les protège des maladies, des heu… au niveau immunité, heu… ça renforce, ça
les renforce »
Mère 8 : « déjà au point de vue de la santé, les anticorps, heu on dit que c’est meilleur pour la
(rires) pour l’enfant »
Mère 9 : « les anticorps qu’on donne aux bébés, tout ce qu’on… mange, on leur heu… on leur
donne des défenses »
Mère 10 : « l’avantage principal que moi j’en retire, c’est vraiment au niveau… heu… de la
santé de l’enfant. (…) je remarque que… ben c’est vrai qu’ils… ils sont moins malades au
début.(…) et… qu’après, les… les maladies infantiles, ou les rhumes… ou ce genre de choses,
ça arrive vraiment (…) au niveau de la diversification. »
Mère 11 : « c’est plus par rapport à tout ce qui est anticorps, en fait, heu…C’est heu… je p…
je pense que le… le lait maternel est… peut-être plus heu… plus… oui, avec des… anticorps,
enfin on peut faire passer des choses au bébé que… il n’y a pas forcément dans les laits
infantiles. »
Mère 14 : « j’ai l’impression que c’est meilleur, (…) d’après ce que j’ai lu et puis heu… puis
de… d’après la santé de mon enfant quoi, j’ai l’impression… »
Mère 16 : « il paraît que ça donne des… défenses immunitaires »
Mère 17 : « pour protéger contre heu… les gastros, ces choses-là, il fallait au moins… trois mois,
trois mois et demi… heu… pour avoir suffisamment d’anticorps pour se protéger des… de… ce genre
de maladies, j’avais lu ça quelque part. (…) je ne sais pas si c’est vrai. Voilà. Et que… de toute
manière, ça ne servait à rien contre les problèmes heu… respiratoires, d’asthme, bronchiolite, et
cætera, l’allaitement, c’était inutile, ça, mais heu… voilà, il y a toujours ce côté de dire que c’est heu…
un peu un aliment un peu… miracle… le lait maternel, qui va protéger contre certaines choses, quoi. Il
y a un peu… ça qui est véhiculé. »
Les autres bénéfices pour la santé et le développement de l’enfant
A sujet de la santé de l’enfant, 2 mères semblent connaître d’autres avantages que la protection
immunitaire. Les bénéfices sur la santé cités sont :
•
La diminution du risque d’allergie (Mère 4)
•
Le développement moteur (Mère 4)
•
L’éveil (Mère 4)
•
Le développement bucco-facial (Mère 10)
70
Mère 4 « au niveau des causes allergiques heu, donc moi j’avais… justement, enfin. Alors j’ai
pas fait le choix de l’allaitement pour ça, mais… voilà c’était des… effets secondaires heu…
de l’allaitement, on a… mon mari et moi on a un terrain allergique tous les deux donc heu…
voilà, je savais que ça pouvait limiter… heu… voilà par rapport à la santé de l’enfant » « je
pensais que c’était bon aussi au niveau du développement moteur heu… voilà y’a un peu de
tout ça, de l’éveil de l’enfant, »
Mère 10 : « Comme heu… pour elle en particulier, c’est… c’est bon pour les enfants
trisomiques de… de téter le sein, Parce que ça muscle en fait heu… tout le bas du visage… »
e . La comparaison lait maternel / préparations pour nourrissons
Lorsqu’elles évoquent les préparations pour nourrissons, les mères utilisent des expressions variées,
plus ou moins connotées : nous avons relevé entre autres :
 Les appellations neutres, les plus répandues
Mère 9 : « lait de complément »
Mère 6 : « lait en poudre »
Mère 7 : « lait artificiel »
Mère 4 : « laits infantiles »
 Le lait de référence : connotations positives
Mère 1 : « lait, heu… classique »
Mère 14 : « lait fait sur mesure », « du lait maternisé, qui est p… scientifique, donc
un p… un peu meilleur » (représentation des populations défavorisées, moins
informées sur l’allaitement)
 Les connotations péjoratives
Mère 2 : « truc en poudre »
Mère 16 : « biberon chimique »
Mère 11 : « lait en boite »
 Les anciennes appellations qui ne sont plus admises :
Mère 10 : « lait maternisé »
 Les propriétés suggérées des laits
Mère 5 : « lait en poudre premier âge… et… sur la boite, alors je sais pas si c’est
heu… c’est marqué « en relais de l’allaitement maternel » »
Mère 15 : « le bon lait en poudre… qui fait pas de coliques… qui… ne fait pas mal au
ventre, qui… ne fait pas de rejet »
Mère 16 : « laits qui soient heu… anti allergisants, heu… tout ça ».
 Une appellation incertaine :
Mère 7 : « du lait heu…comment on appelle ça ? Heu…du lait… en poudre… »
71
Madame 12 estime que les préparations pour nourrisson sont fiables : « j’ose croire qu’on peut leur
faire confiance ». Et qu’elles ont une utilité : « heureusement que le lait artificiel existe »
Le lait maternel est « meilleur »
3 mères évoquent la qualité supérieure du lait maternel, sans préciser à quelle supériorité elles font
référence : nutritionnelle, immunologique, autre ? : Mères 13, 14, 15, 16
Madame 13 est d’ailleurs certaine que le lait maternel est « meilleur » que les préparations
pour nourrissons : « c’est indiscutable »
Madame 15 : « c’est des « on dit », mais (…) de toute façon, le lait maternel est toujours
meilleur que le lait en poudre »
Madame 16 : au sujet des avantages de l’allaitement maternel : « la qualité de… de ce qu’on
fournit quand même » mais elle précise que cette qualité dépend de ce que la mère mange.
Le lait maternel est parfois comparé aux préparations pour nourrissons. Les différences
relevées sont, en dehors de la présence d’anticorps déjà évoquée ci-dessus :
Les « substances maternelles » qui passent dans le lait
2 mères citent la présence dans le lait maternel de substances maternelles qui passent de la mère à
l’enfant:
Mère 2 : « par mon lait, heu… comme il passait des choses, je pouvais aussi lui faire heu…
entre guillemets, du bien » (au sujet des tisanes prescrites contre les coliques de son enfant)
Mère 11 : « on peut faire passer des choses au bébé que… il n’y a pas forcément dans les laits
infantiles. »
Le lait maternel évolue
3 mères évoquent la variabilité du lait maternel au fil des tétées en terme de composition et de goût,
alors que les laits artificiels sont fixes. Mères 12, 16, 17
Mère 12 : « ça permet aussi, plutôt que d’avoir toujours (…) le même lait, heu… lambda,
heu… ben, on sait que c’est pas toujours le même gout non plus, donc ne serait-ce que ça, ça
permet aussi de varier un peu les… plaisirs, les gouts »
Mère 16 : « ça change pas de gout un biberon heu… chimique, »
Mère 17 : « on m’a expliqué que… notre lait il… s’adaptait, et cætera »
Pas d’errance entre les différentes marques et « propriétés » des préparations pour nourrisson
Madame 15 évoque l’argument que le lait maternel est toujours adapté à l’enfant et les mères n’ont
pas à se soucier de la marque et des autres « propriétés » des laits artificiels :
« trouver LE bon lait en poudre… qui fait pas de coliques… qui… ne fait pas mal au ventre,
heu…qui… ne fait pas de rejet, heu… alors que… bon, au sein, du coup (…) tout est bon. »
72
L’allaitement est moins cher
6 mères évoquent cet argument financier : Mères 3, 7, 11, 15, 16, 17
Mère 16 : « quand il faut payer une lait… une boite de l’ait à dix huit euros, ben… c’est sur
que ça fait mal, donc heu… c’était une des raisons aussi pour lesquelles je continuais »
f . Les rythmes et la conduite de l’allaitement
La notion de quantification
Si la notion de quantification difficile du lait maternel est évoquée plus loin comme une source
d’angoisse pour les mères qui ont été confrontées à une mauvaise prise de poids de leur enfant, 1 mère
(Madame 12) voit cet absence de quantification comme un atout de l’allaitement maternel qui semble
plus maniable que l’utilisation mesurée des préparation pour nourrissons, où la question de la quantité
se pose à chaque biberon, une autre (Madame 17) estime qu’il faut « faire confiance au bébé »
Mère 12 : « quand un allaitement se passe a priori bien(…) je dirais que tout est… plus
simple. Parce que… on ne sait pas combien il boit, mais tant qu’on sait que ça va à peu près...
ben on n’a pas à se stresser, heu… on a du mal à quantifier la… la… ce qu’il boit vraiment,
donc on se dit, ma foi, voilà, ça a l’air d’aller (…) Moi, je le vois plutôt comme un avantage.
Parce que du coup, ça ne me stresse pas (rires). »
Mère 17 : « ce qui est un peu… un inconvénient pour nous, c’est de ne pas savoir s’il a pris
suffisamment, pas suffisamment…Enfin, voilà, il faut… se faire confiance au bébé pour dire :
« c’est bon, il a pris… ce qu’il voulait quoi. »
La fréquence des tétées
Des tétées plus fréquentes
4 mères considèrent que les tétées sont plus fréquentes au sein, que les biberons au lait artificiel :
Mères 3, 8, 13, 14,
Un rythme naturel, instinctif
2 mères, (Mères 9 et 17), apprécient le rythme « instinctif » des tétées :
Mère 9 : « Moi, c’était à la demande en fait hein, (…) J’ai jamais regardé la pendule (…)
Pour moi, c’était… j’entendais le bébé, tac !, j’avais la montée de lait heu… y’avait… c’ét…
ça a été vraiment à… très à l’instinct quoi… »
Mère 17 : « au niveau… du rythme, je pense que c’est plus… adapté à l’enfant. C’est ce qu’il
y a de plus adapté »
g . La question de l’asthénie et des nuits (cf Tableau 8 p80)
10 mères disent avoir ressenti de la « fatigue » lors de leur allaitement. Toutes ne l’attribuent pas
forcément à l’allaitement. (Mères 2, 4, 5, 6, 8, 9, 12, 15, 16, 17)
73
Mère 2 : « C’est vrai que j’étais quand même bien fatiguée quand même, au départ »
Mère 4 : « je suis quand même relativement fatiguée »
Mère 5 : « j’ai eu mes gros coups de fatigue surtout (…) il y en a qui me disaient qu’il fallait
que j’arrête d’allaiter, heu…Que ça commençait à jouer sur mon…état heu… général»
Mère 6 : « j’ai été arrêtée, ouai… et c’est vrai que j’étais bien fatiguée »
Mère 8 : « Elle se réveille encore deux à trois fois par nuit donc heu c’est fatigant »
Mère 9 : « j’ai eu un gros coup de fatigue en fait parce que je suis rentrée de la maternité,
j’étais comme ça gzzzz… et ce qu’il s’est passé, j’ai eu un gros problème de tension,
d’ailleurs »
Mère 12 : « j’étais certainement aussi plus fatiguée »
Mère 15 : « les premiers temps, quand vraiment elle a… j’avais des moments, ou des jours où
la douleur était, heu… pfff… enfin, heu… j’étais fatiguée… »
Mère 16 : « Je sais pas si ça… fatigue plus. Je pense que de toute façon, il a tout le corps qui
doit se remettre, donc…C’est pas l’allaitement en plus ou en moins, heu… si c’est vrai que des
fois quand je… je sentais quand elle pompait, elle m’emmenait l’énergie avec… (Rires) ça je
le ressentais des fois. »
Mère 17 : « moi, je me sentais fatiguée, j’ai heu… elle m’a fait des examens qui avéraient que
j’étais en parfaite santé »
L’allaitement maternel plus fatigant…
Il est parfois difficile de séparer la notion d’asthénie engendrée par l’allaitement en lui-même et celle
due au manque de sommeil associé aux nuits plus « difficiles » des enfants allaités parmi les 10 mères
qui se sont senties fatiguées.
…ou moins fatigant
1 mère trouve que l’allaitement est moins fatigant que l’alimentation au biberon :
Mère 3 : « quand il se réveillait à six heures, je l’allongeais à coté de moi, j’avais pas besoin
de descendre en bas, heu… donc moins… moins fatigant, déjà. »
Les nuits plus difficiles avec l’allaitement
4 mères évoquent des nuits plus difficiles avec l’allaitement Mères : 5, 8, 13, 14
Mère 5 : « Etre toujours là, heu… jour et nuit… au niveau de la fatigue… »
Mère 8 : « je pense que heu… avec un biberon heu… la petite serait plus calée et dormirait
quatre cinq heures, six heures d’affilée, et là c’est pas le cas » « Elle se réveille encore deux à
trois fois par nuit donc heu c’est fatiguant »
Mère 13 : « Heu… de se lever la nuit heu… heu… d’être toujours à dispos… enfin… le temps,
entre les tétées, il est court. Donc heu… parce que il faut toujours être heu… prêt…c’est
surtout la nuit le plus difficile. »
Mère 14 : « Oui, les nuits heu… bon, le… ouai… il s’est réveillé encore jusqu’à au moins…
trois quatre mois… enfin… pour téter, je m’en rappelle plus… jusqu’à trois mois au
moins…Et c’est vrai que le médecin me disait que… il fallait pas quoi (rires)… que heu… bon
voilà… mais il tétait encore heu… une fois… une fois pendant la nuit quoi… jusqu'à au moins
trois mois quoi. »
Cette représentation est intimement liée à la vision de l’allaitement comme plus asthéniant ou moins
asthéniant que l’alimentation au biberon. Le moment où les enfants « font leurs nuits », est un repère
74
souvent important dans leur vie et celle de la famille. Il est noté comme le gage d’un enfant calme
quand il est précoce et d’un allaitement difficile lorsque l’enfant « ne fait pas encore ses nuits ».
Des nuits peu perturbées par l’allaitement
7 mères, cependant, estiment que la représentation des nuits plus « difficiles » des bébés allaités n’est
pas juste : Mères 3, 4, 10, 11, 12, 16, 17
Madame 12 forte de l’expérience de ses quatre allaitements, n’a jamais trouvé les nuits
problématiques, de même que Madame 16 :
Mère 4 : « bébé 4 en fait heu… se réveillait la nuit jusqu’à trois semaines un mois et en fait
après elle a fait ses nuits »
Mère 10 : « la nuit en plus, elle réclamait une seule fois, donc heu… Ça a pas été très
difficile, de ce côté-là. » « Elle a arrêté très tôt le tétées nocturnes. A… une semaine ».
Mère 11 : « elle dormait bien la nuit, elle faisait heu… cinq heures par nuit heu… dès le
début…
Mère 12 : « Même en étant au sein, heu… je ne me suis jamais levée dix fois la nuit »
Mère 16 : « elles faisaient leurs nuits alors qu’elles étaient allaitées »
Des nuits moins perturbées grâce à l’allaitement
2 mères estiment même que les nuits sont facilitées par l’allaitement
Mère 3 : « il a fait ses nuits heu… tout de suite, et puis, ben… quand il se réveillait à six
heures, je l’allongeais à coté de moi, j’avais pas besoin de descendre en bas, heu… donc
moins… moins fatiguant »
Mère 10 : « au début, quand ils font pas leur nuit, c’est vrai que le fait de… de mettre un bébé
au sein, c’est quand même, heu… super pratique quoi (…) C’est le côté fainéant, quoi »
Le père et levers nocturnes
6 pères se lèvent la nuit pour les soins au nourrisson (Mères 7, 8, 13, 14, 15, 16)
5 pères ne se lèvent pas (Mères 2, 6, 11, 12, 17)
Mère 11 : « Non, ça il ne sait pas faire par contre. (rires) ça il n’a jamais fait. (rires) »
Mère 12 : « ben… la nuit, évidemment, quand j’allaitait, c’était plus moi qui y allais »
h . Un mode d’alimentation pratique ou non
L’allaitement maternel plus pratique
14 mères jugent l’allaitement maternel plus pratique que le biberon (Mères 1, 2, 3, 5, 6, 7, 9, 10, 12,
13, 14, 15, 16, 17)
75
Le terme « pratique » est utilisé avec plusieurs significations: la plupart des mères l’utilisent pour
qualifier la logistique, en terme :
•
de matériel : Mères 3, 12, 17
Mère 3 : « moins de choses à emmener »
Mère 12 : « il y a un coté très pratique, aussi, enfin… on a… toujours, heu… tout ce qu’il faut,
sur place, à la bonne température, au bon moment, quand il faut, il n’ya a pas le stress »
•
de disponibilité : Mères 9, 12, 13, 15, 16, 17
Mère 16 : « partout où on va », « on a ce qu’il faut », « super »
Mère 9 : « C’est génial, le lait, il est toujours à bonne température(…) n’importe où, crac ! »
•
de moindre préparation : Mères 2, 5, 9, 12, 13, 15
Mère 5 : « instantané », « juste à lever le tee shirt » (allaitement) vs « attendre », « laver »,
« temps de chauffage » (biberon)
L’allaitement maternel moins pratique
Il faut noter ici que les mères qui évoquent cet argument en défaveur de l’allaitement maternel par
rapport à la nutrition au biberon sous-entendent d’autres significations du terme « pratique » en
référence au sentiment qui découle d’une contrainte, par exemple :
•
La contrainte sociale : Les femmes qui se sont dites gênées par l’allaitement devant des
personnes étrangères au cercle familial, ont été dérangées dans leurs déplacements, et leur vie
sociale, tantôt contraintes à s’isoler, tantôt à tirer du lait pour le donner au biberon,
compliquant alors la logistique.
Voici comment une mère illustre sa représentation de l’allaitement socialement moins
pratique:
Mère 11 : « Moi, je trouve pas ça très pratique. (L’allaitement). Parce que c’est vrai que
quand je recevais des gens, heu… (rires) voilà, il faut quand même, enfin… les gens, il faut
leur demander : « ça ne te dérange pas ? » Enfin, moi, je trouve… c’est aussi, peut-être,
pour ça que j’ai arrêté heu… au bout de deux mois et demi, parce que heu… parce que voilà,
quand on veut sortir, heu… je trouve… »
•
La contrainte de ne pouvoir se séparer de l’enfant : (Mère 11)
Mère 11 : « j’avais essayé de… de tirer mon lait, mais bon, comme elle était tout le temps au
sein, en fait, j’avais pas le temps de tirer mon lait. Donc heu… c’était pas… pas très
pratique. »
76
i . Changement des habitudes de vie
Le régime de la mère
3 mères évoquent une idée populaire selon laquelle l’alimentation de la mère conditionne le bien-être
de l’enfant. En découle une adaptation du régime alimentaire de la mère allaitante: Mères 2, 9 et 16
Mère 9 : « faut faire attention à ce qu’on mange », « faut pas faire des erreurs de bleus, pas
manger de choux (…) Parce qu’après, le bébé, heu… bon heu… c’est une usine à gaz, quoi »
Mère 16 : (au sujet de la qualité du lait maternel) « ça dépend aussi de ce qu’on mange, de
l’équilibre heu… qu’on a nous même »
Le tabac
1 Mère trouve que la privation (ou la réduction, dans son cas), est une source de difficulté dans
l’allaitement
Mère 9 « je fume comme un sapeur, il a fallu que je me…crouiiiic ! »
j . Un mode d’alimentation naturel, prolongeant la grossesse
9 mères se représentent l’allaitement comme une pratique naturelle, logique, dans la continuité de la
grossesse : (Mères 1, 4, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 17)
Mère 1 : « je pense que c’est le meilleur aliment pour lui heu… on va mettre, jusqu’à ce qu’il
ait au moins heu… six mois. »
Mère 4 : « je pensais que c’était vraiment un prolongement de la grossesse, (…) je trouve que
c’est un peu brutal (…) de passer heu de la sortie de l’enfant (… ) à heu… peu de contact
heu… physique »
Mère 9 : « la vache, c’est pas la maman de l’être humain, un être humain… c’est un être
humain, c’est fait pour allaiter un autre être humain », « c’est une continuité, en fait, du
monde (…) intra-utérin »
Mère 10 : « C’est le lait heu… Le lait de la maman qui correspond au bébé quoi. »
Mère 11 : « je trouve que l’allaitement, c’est un truc qui se fait naturellement »
Mère 13 : «… quelque chose qui s’est créé pendant neuf mois pour pouvoir heu… l’accueillir
et la fai… et la faire heu… … et la nourrir, heu… et voilà, donc, pour moi, c’était le
meilleur. »
Mère 17 : « Ben l’avantage, c’est de… heu… que ce soit au plus près, je pense, des besoins du
bébé. De… quand il a… en quantité, en… en quantité, et puis en fréquence. »
Pour Madame 12, cet argument semble difficile à formuler. Elle introduit les avantages « naturels »
qu’elle ressent pour l’enfant par une série de propositions de source vague : « pour le bébé, mais ça
c’est plus heu… ben… après, de ce qu’on a pu me dire, de ce que j’ai entendu, ou puis même, oui,
enfin, on se dit, heu… c’est prévu comme ça, il n’y a pas de raison que ça ne soit pas le mieux. A
priori… même si…voilà, c’est peut-être un peu idiot, mais… voilà... ». Elle semble assez confuse sur
ces représentations, comme pour remettre en doute leurs origines ou leur bien-fondé.
77
k . Une pratique non innée, ni forcément simple
Bien que l’allaitement soit considéré parfois comme naturel, instinctif, certaines mères soulignent qu’il
n’est pas toujours évident dans sa mise en route ou dans son déroulement, et que naturel ne signifie
pas toujours inné.
Parmi les difficultés que peuvent rencontrer les mères dans la mise en pratique de leur allaitement,
elles citent :
La mise en route ou un déroulement difficile, un combat ?
7 Mères considèrent que l’allaitement peut être difficile notamment au moment de la mise en route.
Mères 2, 5, 6, 10, 11, 13, 16. Les mères emploient des mots qui font référence à un combat, une mise à
l’épreuve.
Mère 5 : « ça a été difficile au début… mais heu… voilà, en fait il faut pas baisser les bras,
c’est sur que c’est pas très simple », « j’ai jamais eu de crevasse ou de choses comme ça…
c’est vrai que de ce côté-là, j’ai eu de la chance, parce que y’en a beaucoup qui arrêtent à
cause de ça. »
Mère 10 : « moi, je trouve que c’est une vraie motivation », « la première semaine, c’est pas
franchement très rigolo »
Mère 16 : « les douleurs du début, ouai… puis après… une fois qu’on a pris le coup de main,
(…) ça va tout seul »
Difficulté pour trouver l’information
2 Mères considèrent qu’un des désavantages de l’allaitement maternel est le manque d’informations
qui le concernent, la difficulté d’accéder à des connaissances éclairées ou de trouver des interlocuteurs
avisés :
Mère 6 : « (un des inconvénients de l’allaitement, c’est) des petites choses qu’on ne sait pas…
même en étant professionnelle, heu… bon, on se fait avoir, et…qu’il… il faut heu… un petit
coup de pouce d’une sage femme ou de quelqu’un heu…(…)… qui… qui est bien dans
l’allaitement, quoi. Et la difficulté de trouver l’information ? (…)… ben… oui, c’est vrai que
c’est … pas facile. »
Mère 7 : «quels sont les inconvénients de l’allaitement maternel ? Disons que (…) je pense
avoir pas été finalement tant informée que ça et que du coup je me suis sentie un peu heu… au
début un peu toute seule avec mon allaitement »
l . Leur image des mères qui n’allaitent pas
Au fil des entretiens, certaines mères ont évoqué leur image des mères qui n’allaitaient pas, voici ce
qu’elles en ont dit :
78
Mère 1 : « Il faut se sentir, quoi, je pense que c’est pas quelque chose de…d’évident, (…)c’est
… quelque chose d’assez animal et… du coup heu…Il faut être à l’aise heu… enfin…avec ça
quoi. »
Mère 1 : « je… ne pense pas que c’est… c’est un retour en arrière, mais je pense que c’est…
plutôt l’image qu’on en a en fait…Enfin, les… que les femmes peuvent heu… avoir
l’impression, surtout… enfin, moi, celles que je connais qui refusent, heu… enfin, qui ont pas
voulu allaiter, c’est vraiment heu… c’est vraiment ça qui ressort de ce qu’elles disent »
Mère 4 : « y’a deux mamans à l’école là qui ont accouché quasiment en même temps que
moi… et qui ont pas fait le choix de l’allaitement maternel, heu… et je pense que justement
elles peuvent être, être étonnées heu… de ce choix… comme moi je peux être étonnée du leur
(Rires) on va dire… Moi je me dis, mais mince, enfin, c’est tellement simple et tellement beau
quoi, que… j’ai du mal à en fait, moi à comprendre les mamans qui n’allaitent pas. Mais je
respecte… »
Mère 4 : « une mère qui n’a pas envie d’allaiter heu… je pense que c’est même pas la peine
quelle essaie » « C’est deux choix heu… je vais dire heu… presque heu… presque opposés
dans le… la prise en charge de l’enfant »
Mère 7 : « dans mon entourage heu… toutes mes amies heu… enfin y’en a aucune qui
allaitait quoi… Elles voient ça plus comme une contrainte heu… voilà c’est plus maintenant
heu la femme active heu machin… qui veut plus heu… allier heu… enfin l’allaitement le
travail heu…parce que c’est vrai qu’on nous demande aussi d’être heu… voilà on sort de la
maternité faut avoir perdu notre ki… nos kilos, faut qu’on soit belle heu… souriante »
Mère 14 : « on peut très bien allaiter et… enfin… avoir un maternage un petit peu… spécial,
quoi et… inversement, on peut donner un biberon et être une bonne mère, donc heu… Voilà,
mais on entend ce genre de choses quand même. »
m . Les limites des mères
Au cours des entretiens, certaines mères nous font part de leurs « limites » en matière d’allaitement : il
s’agit :
•
Du co-allaitement : Mère 1 : « j’envisage heu… probablement d’arrêter pour la prochaine
grossesse… parce que bon… allaiter en étant… enceinte, je pense que ça devrait être…
deviendrait trop compliqué (rires) je le sens pas trop »
•
L’allaitement long : Mère 4 : « Je trouvais que c’était beaucoup (2 ans), heu… voilà parce
que je trouvais que le bébé était grand »
•
L’allaitement long : Mère 10 : au sujet du sevrage à un an : « on peut… un peu aider, parce
que c’est vrai qu’il y des bébés, heu… qui (rires)… qui tèteraient encore à trois quatre
ans… »
•
Les difficultés d’allaitement : Mère 11 : « je trouve que l’allaitement, c’est un truc qui se fait
naturellement, je sais que c’est pas facile pour certaines mères, mais heu… voilà, si ça se fait
tant mieux, si ça ne se fait pas, tant pis, ça ne change rien… à l’amour qu’on a pour son
enfant, hein, »
•
Tirer son lait : Mère 17 : « moi, je ne suis pas trop pour heu… tirer mon lait… Enfin, c’est
quelque chose que j’avais… dont j’avais du mal… que j’avais du mal à faire. », « il était hors
de question que je tire mon lait avant de partir au travail… Que je le tire à midi, enfin, heu…
le truc heu… donc, ça, c’était pas ques… »
79
Tableau 8: perception de l'asthénie en fonction de la "difficulté des nuits" et de l'aide du père
Mère
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
Le père se lève
Perception des nuits
NON
oui
facile
facile
difficile
NON
Oui
Oui
NON
NON
Oui
Oui
Oui
Oui
NON
Asthénie
difficile
facile
facile
facile
difficile
difficile
facile
facile
oui
oui
oui
oui
oui
oui
oui
oui
oui
3 . LA DUREE IDEALE
Les durées idéales d’allaitement
Au sujet des durées d’allaitement, elles se situent entre : « au moins trois mois » et « le plus long
possible
1 mère ne sait pas,
3 mères pensent qu’il n’y a pas de durée idéale dans l’absolu, qu’elle dépend de la mère ou l’enfant ou
les deux… (Mères 1, 4, 12)
Mère 2 : « je ne sais pas combien de temps un bébé doit… encore boire du lait… donc heu
pfff, ça c’est un peu… vague pour moi. »
Mère 7 : « en fait à six mois il faut commencer la diversification alimentaire…Donc c’est
pour le… la santé de l’enfant ? Voilà pour la santé de l’enfant oui tout à fait »
Mère 12 : « pour moi, la durée idéale, c’est la durée qui… qui corres… enfin quand un
allaitement se termine au moment où… où on a l’impression que et la maman et le bébé, heu…
harmonieusement, réussissent à… à petit à petit, heu… passer à autre chose. »
Mère 15 : « quelle est la durée idéale de l’allaitement maternel ? Comme on le sent. Enfin…
idéale, heu… pour qui ? Pour le bébé ? Pour nous ? (…) je ne sais pas… (…) tout le monde
me dit… le docteur y compris : « ah ! ça serait bien d’aller jusqu’à heu… un an. Oui. (rires)
ben… je ne sais pas si je tiendrai jusque là. »
Un sevrage décidé par :
•
L’enfant : 6 mères : 1, 6, 10, 11, 13, 14
•
La mère : 6 mères : 2, 3, 8, 11, 15, 17
•
La mère ou l’enfant : 3 mères : 4, 9, 12
80
•
La diversification : 2 mères : 7, 16
•
La poussée dentaire : 2 mères : 2, 14
•
La reprise du travail : Mère 5
•
La société : Mère 11
•
La mère et l’enfant : Mère 12
Mère 1 : « dans l’idéal, c’est le bébé… après heu…après c’est pas toujours heu…fais…
faisable »
Mère 2 : « Heu je pense que ça sera…un peu moi, plutôt moi, même… » « Peut-être jusqu’aux
dents ? »
Mère 3 : « Il faut que ce soit la maman, quoi, qui décide »
Mère 8 : « la mère évidemment ! »
Mère 10 : « C’est le bébé. Après, on peut… un peu aider, parce que c’est vrai qu’il y des
bébés, heu… qui (rires)… qui tèteraient encore à trois quatre ans… (rires) »
Tableau 9: les durées idéales d'allaitement
Mère
1
2
3
5
6
7
8
Durée idéale
Le plus long possible
Ne sait pas
6 mois
Selon la dyade mère-enfant /
12-18 mois
4 mois
Au moins 6 mois
6 mois
Au moins 3 à 6 mois
9
6 mois
4
Qui décide du sevrage
L’enfant
La mère/ les dents
La mère
commentaires
L’enfant et la mère
Trop long après 2 ans
La reprise du travail
L’enfant ou la mère
La diversification
La mère
Selon les circonstances : la
mère ou l’enfant
11
6 mois exclusifs, 12 mois au
total (non fixe)
6 mois
La mère l’enfant, la société
12
Pas de durée prédéfinie
L’enfant et la mère
13
2 ans
L’enfant
14
18 mois-2 ans
L’enfant / les dents
15
1 an
La mère
16
Jusqu’à la diversification
17
4-5 mois
10
« la mère évidemment ! »
L’enfant
« quand la maman et le bébé
réussissent harmonieusement à
passer à autre chose »
« de notre culture, c’est deux
ans »
associe sevrage et
diversification ?
C’est une durée qu’on lui
suggère
Tout le monde (mère, enfant,
travail, diversification)
La mère
81
4 . PLACE DU PERE
a . Implication du père dans l’allaitement
Une implication positive
14 mères estiment que le père de leur enfant était favorable à l’allaitement (Mères 1, 3, 4, 7, 8, 9, 10,
11, 12, 13, 14, 15, 16, 17)
Elles l’expriment selon différents thèmes, selon ce qu’elles perçoivent de l’implication de leur
conjoint :
•
Des encouragements, une implication : Mères : 1, 3, 4, 7, 11, 15
Mère 7 : « aurait voulu que je continue », « aurait voulu que j’aille plus loin »
•
Un père heureux de ce choix : Mères 8, 9, 13, 14
Mère 8 : « très content »
•
Un choix évident, naturel : Mères 1, 3, 9, 12, 14, 15
Mère 12 : « naturel », « normal », « plutôt bien »
Mère 14 :« ça a même pas été une question », « évident »
•
Un choix de couple : Mères 7, 10, 15, 17
Mère 10 : « on est d’accord », « pas mis à part »
Mère 17 : « coopérant », « on avait discuté de ça tous les deux »
•
Une présence physique, une aide : Mères 7, 16
Mère 16 : « relayait beaucoup », « beaucoup soutenue », « pour que je puisse dormir »
Le choix de la mère
3 mères précisent que l’allaitement restait le choix de la mère : (Mères 2, 12, 16)
•
« ça ne le dérange pas » (Mère 2)
•
« il me laisse », « c’est mes seins ! », « il ne voulait pas remplacer l’allaitement » (Mère 16)
Mère 12 : « pour lui, c’était un peu, heu… le fait de dire : « ben c’est toi, heu… c’est plus toi
qui vois, mais en même temps, heu… je trouverais ça normal et plutôt bien que t’aies envie de
le faire. Si t’as pas envie, je comprends aussi… »
Des pères à l’écart ou opposants
3 mères pensent que leur conjoint était à l’écart vis à vis de l’allaitement, voire non facilitant (Mères
2, 5, 6)
Mère 2 : « inutile », « ne partage pas », « pas le même échange », « privé de », « regrette »
Mère 5 : « loin », « pas impliqué »
Mère 6 : « pour ma fille, heu… j’ai un peu sevré à cause de… de mon mari, parce que… il ne
m’attendait pas pour que je donne le sein quand j’arrivais du boulot, donc du coup (…) ça
s’est arrêté comme ça, quoi. », « décourager », « t’as pas assez de lait »
82
b . Autres implications dans les soins à l’enfant
Pères impliqués
13 mères jugent leur mari impliqué dans les soins au nourrisson (Mères 1, 2, 3, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13,
14, 15, 17)
8 mères répondent à la question sur les implications de leur mari dans les soins par « tout » : Mères :
2, 3, 6, 7, 9, 11, 12, 14
D’autres développent un peu plus :
Mère 1 : « c’est lui qui donne son… le bain en fait. (…) Systématiquement ».
Mère 9 : « moi je souhaite à toute femme qui allaite d’avoir un mari comme j’ai… »
Mère 10 : « les mêmes (implications) que la maman »
Mère 13 : « si j’étais fatiguée, ben, c’est lui qui me l’apportait »
Mère 14 : « c’est un papa à la maison », « il est impliqué dans tout »
Pères peu impliqués dans les soins du nourrisson
4 mères évoquent un père moins présent ou moins impliqué que la mère (Mères 4, 5, 8, 16)
Mère 4 : « pour la troisième, là je trouve qu’il est beaucoup moins impliqué que pour les
ainés… »
Mère 5 : « tant que j’étais en congés, heu… il était pas… Ouai. Voilà, ben des fois il m’aidait
à le changer, mais sinon, c’était tout »
Mère 8 : « pas rentré », « de temps en temps », « pas très présent », « métier très prenant »
(Mère 8)
Mère 16 : « il est pas tranquille de les manipuler… là maintenant, oui… elle a six mois, c’est
pas pareil… Mais tout nourrissons, heu…c’était pas facile pour lui. »
c . La place du père
Un rôle bien défini pour certaines
13 mères estiment que le père a un rôle à jouer dans l’allaitement, principalement de soutien : (Mères
1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16)
L’aide physique : Mères 1, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 14
Mère 7 : « être là », « être présent », « se lever la nuit », « amener »
Le soutien : Mères 1, 4, 7, 8, 10, 14, 16
Mère 4 : « faciliter », « envelopper », « adhésion »
Mère 10 : « il faut être deux », « vraiment à deux »
La présence : Mères 6, 11, 12, 13
Mère 13 : « présence physique », « important qu’il soit à côté », « présent », « détermine
sa place »
83
L’encouragement : Mères 1, 10, 12
Mère 1 : « encouragement », « beaucoup d’encouragement »
Un rôle essentiel : Mères 10, 14
Mère 10 : « place essentielle », « aussi important que s’il donnait le biberon »,
Le partage (en donnant le biberon) : Mères 3, 11
Mère 3 : « partager », « pas de souci »
La valorisation : Mères 12 : « trouve ça bien », « continuité »
Mère 12 : « de savoir aussi que… lui trouve ça bien, mais pas heu… pas bien pour se
dire : « ah ben c’est cool, heu… du coup, c’est pas moi qui ai besoin de me lever la nuit. » ou
« c’est pas moi qui m’en occupe » (…) aussi, parce que c’est un peu une espèce de… de…
continuité de la gross… enfin pour pas que ça ait… l’accouchement soit vraiment une rupture
brutale entre la grossesse et l’arrivée du bébé, quoi. »
Mère 13 : « comme c’est le début, en plus, sur tout, heu… c’est là où on détermine en fait sa
place heu… dans le temps. S’il (le père) est pas là au début, ben… après, ça sera difficile. De
l’intégrer. »
Mère 16 : « de toutes façons pour tout, hein… Le papa, heu… pendant la grossesse, et les
débuts de la vie du bébé, c’est… soutien pour la maman… Pour qu’elle heu…Parce qu’on est
fragile à ce moment là, et qu’on a besoin de quelqu’un heu… voilà, pour donner un coup de
main, et heu… sa place, c’est... ben… de me faire des bons petits repas heu… équilibrés,
heu… voilà de prendre…Il prend soin de nous »
Une situation différente dans les fratries ?
3 Mères évoquent une place du père différente dans les fratries (Mères 11, 12, 17)
Le père partage des moments particuliers avec les autres enfants et s’occupe du bébé entre les tétées :
Mère 11 : « Il avait la grande à s’occuper, donc il (rires) je crois que… (rires) je crois que ça
ne l’a pas dérangé puis, oui, il est… il était très p… il est très p… très présent pour heu…
pour les habiller, pour les changer,…et tout ça, donc heu…Non, non, il a trouvé sa place. »
Mère 12 : « je pense que c’est pas pareil pour l’ainé et pour les autres, par exemple. Heu…
parce que… ben, pour les autres, heu… du coup, ça… ça dégage… enfin, ça dégage, ça fait
aussi un moment où… lui peut avoir une autre relation avec les autres enfants… qui sont…
qui sont là. »
Une place difficile à trouver pour d’autres
7 mères considèrent que le père n’a pas de place dans l’allaitement, ou peut se sentir exclu, que
l’allaitement peut devenir une source de conflit (Mères 1, 2, 4, 5, 11, 15, 17)
Mère 1 : « Les premiers mois, effectivement, heu… le papa peut pas donner, parce que…
enfin… pour éviter heu… la confusion heu… sein-tétine » (mais précise qu’il trouve sa place
quand même.)
Mère 2 : « je ne sais pas trop ce qu’il peut faire »
Mère 4 : « je trouve que c’est pas simple de heu… de, du coup de… de répondre à son désir
personnel et de pouvoir le… le respecter (le père)», « tiraillée »
Mère 5 : « ça dépend, aussi celles qui allaitent et qui tirent leur lait, et heu… celles qui
allaitent uniquement, enfin, moi qui allaitais uniquement, heu… du coup la place était assez,
heu… effacée »
84
Mère 11 : « ne peut pas trop participer », « à l’écart »
Mère 15 : « il n’est pas là »
Mère 17 : « moi, je pense que c’est quelque chose quand même qui l’exclut (le père) (…) de la
relation (…) c’est quelque chose qui se joue entre la mère et… et le… l’enfant. »
5 . MODE DE VIE / MATERIEL
a . Le maternage
Les modes de couchage utilisés
6 mères partagent la chambre de leur enfant depuis la naissance (Mères 2, 4, 9, 11, 14, 15)
1 mère utilise un dispositif de couchage proche du co-sleeping, avec un lit en side-bed (Mère 1)
1 mère n’a jamais partagé la chambre de son enfant (Mère 12),
1 mère a partagé la chambre de son enfant trois jours (Mère 7)
Les 8 autres mères ont toutes partagé la chambre de leur enfant pour des durées comprises entre 2
mois et 4,5 mois (Mères 3, 5, 6, 8, 10, 13, 16, 17)
Au sujet du partage du lit :
8 mères signalent partager occasionnellement le lit de leur enfant, pour des durées variables (Mères 2
4 5 6 8 13 14 16)
Mère 4 : « y’a un lit séparé, mais heu… moi je… enfin quand il y a eu des tétées de nuit heu…
pff… je veux dire si le, si je me rendors, que l’enfant se rendort à côté de moi ça ne me pose
pas de problème »
Mère 5 : « des fois quand je suis de l’après-midi, que… il se réveille un peu tôt le matin, c’est
vrai ça m’arrive de me recoucher et du coup je le mets à côté de moi, mais c’est…une fois ou
deux… de temps de temps. »
Mère 14 : « on l’a fait un petit peu (le partage du lit), parce que il… commençait à se…
réveiller à nouveau là heu… il y a à peu près un mois »
Deux mères évoquent la réputation dangereuse du co-sleeping (Mères 1 et 6) :
Mère 1 : « C’est… proche du co-dodo,(…) sauf qu’on ne la met pas dans notre lit, heu…
comme ça on est sûrs de pas (…) avoir de souci… »
Mère 6 « à la maternité, de toute façon, il a dormi tout le temps dans le lit avec moi (…) c’est
vrai qu’avec mon mari, heu… j’osais pas trop, parce que je me suis dit : si il bouge, heu… »
Le portage
9 mères pratiquent le portage fréquemment, et/ou à la maison (Mères 1, 4, 7, 10, 12, 13, 14, 15, 16),
5 mères occasionnellement, et/ou uniquement pour les sorties. (Mères 2, 5, 6, 8, 11)
3 mères ne le pratiquent pas : Mères 3, 9, 17
85
Mère 6 : « l’écharpe de portage, je l’utilise, mais pas trop souvent, je suis pas encore assez à
l’aise avec »
Mère 9 : « j’avais des copines, donc… enfin des copinautes (…) qui m’ont parlé de cette
écharpe, machin… alors j’ai été voir un site : « porter son enfant »
Mère 14 : « on a une écharpe dont on se sert, heu… peu, parce qu’on sait pas trop s’en servir,
mais… idéalement, on aimerait bien en f… enfin, moi, j’aimerais bien en faire plus » «vous le
portez en écharpe pour le calmer ? pour heu… se libérer parce que c’est vrai… ouai pour
heu… voilà, parce qu’il était pas… content tout seul, quand on le laissait tout seul »
Mère 15 au sujet du portage : « mademoiselle ne veut pas rester heu… tranquille, toute
seule, heu… genre dans le transat nein nein, elle veut être à coté… même… même à côt…
c’est pas simplement à côté. C’est dans mes bras. »
Autres techniques de maternage
Les autres techniques évoquées sont :
•
La langue des signes pour les bébés : mère 10
•
L’emmaillotage : mère 13
•
Les couches lavables : mère 16
•
Câlins ( !): 5
Tableau 10: techniques de maternage
Mère
1
2
Chambre partagée
3
Co-sleeping
Oui
Occasionnel /
involontaire
Non
commentaire
Depuis la naissance
portage
Souvent en écharpe
Peu
Pendant 4,5 mois
Non
Le père a habité 1,5
mois avec la mère et
l’enfant
4
5
régulièrement
occasionnel
Souvent en écharpe
Pour les sorties
occasionnel
Depuis la naissance
Pendant 2,5 mois
(pendant l’allaitement)
Pendant 4,5 mois
6
7
8
occasionnel
Pendant 3 jours
Pendant 4 mois
Peu / pas encore à
l’aise avec l’écharpe
En écharpe
Porte-bébé
9
Jamais
Depuis la naissance
Non (jumeaux)
10
11
non
Pendant 2 mois
Depuis la naissance
12
non
jamais
13
Pendant 4 mois
14
occasionnel
(après les tétées)
passager vers 6 mois
oui
Porte-bébé pour les
promenades
Porte-bébé en balade et
parfois en journée
Oui, bercements
Depuis la naissance
15
non
Depuis la naissance
16
occasionnel
Pendant 2 mois
17
non
Pendant 1,5 mois - 2
mois
Occasionnellement,
parfois en journée
Fréquent dans la
journée
En journée et en balade
non
Co-sleeping à la
maternité
Changement de chambre
difficile
Les jumeaux dorment
ensemble
Séparation progressive
Puis chambre avec sa
sœur
La mère dormait dans la
chambre de son enfant
86
b . Succion non nutritive et objets de substitution.
6 enfants n’ont aucune succion non-nutritive (autre que le sein) : enfants 3, 4, 9, 12, 16, 17
6 enfants ont, ou ont eu une tétine, dont 3 dans les premiers mois (Mères 2, 6, 15)
4 enfants sucent leur pouce : Enfants 1, 2, 10, 11
1 tète son doudou : Enfant 8
7 enfants utilisent un objet de substitution. Dont 3 depuis la naissance (Mères 5, 11, 13)
c . Aides à l’allaitement : matérielles ou médicales
Le matériel d’aide à l’allaitement que les mères ont réellement utilisé comporte:
•
Un tire-lait : 11 mères à la maison (Mères 1, 2, 3, 6, 8, 9, 10, 13, 14, 15, 17), 1 mère
uniquement à la maternité (Mère 5)
•
Des tisanes d’allaitement : 11 mères : (Mères 1, 2, 4, 6, 7, 8, 9, 12, 14, 15, 16)
•
Des crèmes contre les crevasses : 10 mères (Mères 4, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 15, 16)
•
Un traitement homéopathique pour aider l’allaitement ou prévenir ses complications : 7 mères
(Mères 4, 6, 7, 12, 15, 16, 17)
•
Des bouts de sein : 4 mères (Mères 2, 9, 13, 15) et 2 autres les ont essayés sans succès.
(Mères 5 et 8)
•
Les autres aides évoquées une seule fois étaient : Biberon anatomique, huiles, haptonomie,
lentilles, feuilles de choux, Aspégic, régime maternel
•
Parmi les 4 mères qui ont eu recours à l’ostéopathie (Mères 2, 6, 7, 8) aucune ne signale y
avoir eu recours pour le motif de l’allaitement.
Les mères expriment leur ressenti de l’aide apportée par ce matériel :
Mère 3 : « c’est les biberons qui ressemblent le plus au sein, en fait. Et… parce que j’ai eu
du mal à le… dès que j’ai repris le boulot, ben… il ne voulait plus prendre le biberon, (…) Je
pense qu’il a compris, et… du coup, heu… il y avait que ce biberon qui pouvait y arriver
après. »
Mère 8 : « on a tenté le heu… les bouts de seins parce que j’avais eu des crevasses aussi au
début, et puis heu ben finalement en fait elle refusait de téter avec ce bout de plastique (rires)
donc on a, j’ai enlevé très très vite »
Mère 9 : « bouts de seins pour jumelle 9 (…) Parce qu’elle avait du mal à… elle a un frein de
langue qui est court.(…) Et elle avait du mal au niveau de la succion. Alors j’ai essayé ce
truc, c’était la première fois, bon elle avait l’air de prendre… »
Mère 12 : « un peu d’homéopathie, pour le coup, là au tout début, quand il ne prenait pas
bien… heu… pour heu… stimuler un peu l’allaitement, puis je pense que c’était moi, dans ma
tête , aussi, j’avais l’impression que ça allait m’aider (…)ça m’a donné l’impression de
m’occuper de moi »
Mère 16 : « en… chose que j’ai utilisée énormément, (rires) enfin… énormément…c’est bien
le truc qui m’a sauvée, c’est l’Aspégic… parce que c’est ce qui a fait que le lait a… s’est
fluidifié, et a pu sortir plus facilement… voilà. »
87
6 . LES REPRÉSENTATIONS DE LA SOCIETE
a . Image de l’AM dans la société
Des avis disparates au sein de la société
De nombreuses mères relèvent plusieurs courants, parfois opposés dans la perception de l’allaitement
dans la société. Mères 1, 4, 9, 12, 14, 16
•
Mère 1 : « c’est très variable » « ça dépend des gens »
•
Mère 4 : « je pense qu’il y a vraiment deux courants aujourd’hui… »
•
Mère 12 : « Je ne sais pas. J’ai du mal à… me faire une idée vraiment… très nette de ce que
pense la société en général. »
•
Mère 14 : évoque deux courants opposés: « un retour à la mode », et un courant « féministe ».
Mère 16 : au sujet des avis sur l’allaitement à la maternité : « un coup on va sonner et on va
tomber sur quelqu’un (d’autre) qui va nous dire bon… que notre lait est pas bon et que c’est
pour ça que le bébé pleure…ou des choses comme ça, donc heu… voilà, c’est vraiment heu…
on… c’est chaque personne qui se fait son opinion et qui le porte… »
A contrario, Madame 17 déplore une pensée unique qui est préjudiciable à la liberté de choix des
femmes : « Heu… moi, je trouve que c’est un frein.(à la liberté) Parce que heu… de ne prôner qu’un
discours, et de ne pas laisser libre choix. (Rires) »
Une tendance à encourager l’allaitement maternel, une pratique à la mode, bien vue
12 Mères pensent que l’allaitement est vu comme une pratique à la mode, dont on fait la promotion
(Mères 1, 2, 4, 5, 8, 9, 10, 12, 13, 14, 16, 17)
 A la mode : Mères 1, 2, 4, 10, 14, 15,17
Mère 10 : « époque », « revient à la mode », « effet de mode », « bon œil »(2 fois), « rentré
dans les mœurs », « accepté », « à la mode »
 Discours encourageant l’allaitement : Mères 1, 2, 3, 4, 5, 16, 17
Mère 2 : « favorise », « met en avant »
 L’allaitement bénéfique, mieux : Mères 5, 9, 12, 13, 17
Mère 9 : « bien », « avoir du mérite », « chapeau bas »
 Trop encouragé : Mère 15, 17
«trop porté aux nues», «mieux pour le bébé», «discours ambiant», «poussent à l’allaitement
 Le choix laissé aux mères :
Mère 16 : « Je pense que dans la société, on essaie quand même de la… favoriser
aujourd’hui… mais tout en laissant le choix. Ce que je trouve bien, parce que finalement, le
plus important, c’est que… la maman se sente bien dans ce qu’elle fait avec son enfant »
88
L’allaitement n’est pas une question de société, mais un choix personnel et familial
2 mères estiment que la société n’a pas d’avis à donner aux mères : Mères 15 et 16
Mère 15 : « on se mêle de… de ce… de … ce qui ne nous regarde pas. C’est heu… c’est une
histoire entre la maman et le bébé, heu… c’est à elle de prendre sa décision. »
Mère 16 : « c’est plus une histoire, heu… culturelle et familiale qu’une histoire de société.
Parce que c’est plus le choix de l’individu, hein. »
La culpabilisation des mères non allaitantes
Pour 3 mères, la tendance de l’encouragement à l’allaitement s’associe à une culpabilisation des
mères non allaitantes (Mères 1, 15, 17)
Mère 1 : « on a tendance à quand même, culpabiliser les mamans qui… qui… préfèrent heu le
lait artificiel »
Mère 15 : « c’est très culpabilisant » (la pression que la société exerce pour l’allaitement)
Mère 17 : « je trouve qu’en ce moment (…) ça rejoint heu… les discours de Badinter et
cætera, mais il y a un coté, heu… la femme, heu… la bonne mère. C’est celle qui allaite, quoi.
Et ça peut être très culpabilisant pour heu… celle qui ne le fait pas ». « C’est… ça
(l’allaitement) qui… est le meilleur. Donc heu… il faut vraiment avoir des raisons pour ne pas
le faire quoi. »
Une vision négative pour certaines, une pratique marginale, mal vue, découragée
7 Mères estiment que l’allaitement véhicule pour certains une mauvaise image dans notre société, est
peu répandu, mal vu. (Mères 3, 4, 7, 9, 11, 12, 13)
•
« négative », « connaissent pas », « vulgaire », « jugé », « n’aiment pas » (Mère 3)
•
« pas favorisées », « pas accompagnées », « passer rapidement au biberon », « décourager »,
« problème », «vous pouvez pas allaiter » (Mère 4)
•
« aucune qui allaite » (Mère 7)
•
« pas naturel », « pas le top » (Mère 9)
•
« pas beaucoup de place »(Mère 11)
•
« trop fatigant » (Mère 12)
•
« voient d’un mauvais œil », « pas important », (Mère 13)
L’allaitement comme une pratique naturelle / « écolo »
3 mères : rapportent la vision de l’allaitement par la société comme une pratique animale, écologique
(Mères 4, 6, 15)
•
« respecter la nature », « propre nature », « nature de leur enfant », « méthode un peu
naturelle » (Mère 4)
•
« écolo » (Mère 6)
•
« vient du passé », « de la nature », « c’était tellement mieux avant » (Mère 15)
89
Une pratique animale
2 mères évoquent l’image, pour la société d’une pratique animale : Mères 1 et 16
Mère 1 : « on est des animaux très réfléchis et…du coup, heu… enfin… c’est vrai que c’est
difficile de se dire heu… voilà, on va donner le sein, c’est … quelque chose d’assez animal »
Mère 16 : « après, moi, j’ai des amies qui heu… ont refusé d’allaiter parce que… ça leur
donnait le sentiment d’être une vache… quoi »
Une pratique arriérée, rétrograde, supplantée par l’alimentation artificielle
7 mères relèvent la perception d’une pratique rétrograde, arriérée : Mères 1, 3, 7, 9, 11, 13, 16
•
« retour en arrière » (Mère 1)
•
« arriéré » (Mère 3)
•
« commence un peu à changer » (Mère 7)
•
« archaïque », « pas la peine », « un bébé allaité au sein ou un bébé au biberon, vous savez,
maintenant, heu… » (Mère 9)
•
« ça a été à la mode », « avant », « faisait naturellement », « avec la vie qu’on a », « tout le
temps pressé », « le biberon, c’est beaucoup plus pratique » (Mère 11)
•
« être une maman au foyer », « revenir en arrière » (Mère 13)
•
« retour en arrière », « aux sources », « les gens qui cherchent à manger bio, ils vont
allaiter » (Mère 16)
La perte de liberté, ou l’épanouissement de la femme ?
6 mères évoquent le lien qui est fait entre l’allaitement et la liberté, l’épanouissement de la femme
Que ce soit dans le sens d’une privation d’autonomie : Mères 7, 11, 12, 13, 14, 16
Mère 7 : « une contrainte heu… voilà c’est plus maintenant heu la femme active heu
machin… qui (ne) veut plus heu… allier heu… enfin l’allaitement le travail heu… »
Mère 11 : « avec la… la vie qu’on a… on est tout le temps pressés, et tout… le biberon,
c’est… beaucoup plus pratique, hein. »
Mère 12 : « on souligne plus le fait que… que c’est une entrave à… la liberté de la femme, Il
y a plus une… je le vois plus comme une espèce de pseudo revendication ».
Mère 13 : « frein », « contraintes », « il faut être là », « il faut être présent » vs « retourner au
travail », « vivre une vie libre comme quand on n’a pas d’enfant » (Mère 13)
Mère 14 : « il y a aussi tout un courant heu… qui… qui, heu… un petit peu féministe, qui dit
que… heu… c’est, c’est… les femmes sont un petit peu heu… esclaves de… de ça »
Mère 16 : « Les gens qui cherchent à être hyper heu… modernes et je dirais heu… femmes
actuelles, elles, elles vont plutôt donner le… biberon… »
Ou d’un facteur d’épanouissement (Mères 15, 17)
Mère 15 : « tout le côté, heu… je voudrais pas dire négatif, mais heu… heu… je trouve qu’il y
a un discours où, heu… heu… le… la maman doit être absolument complètement consacrée au
bébé, (…) au moins pendant les premiers mois, on va dire. Heu… l’allaitement en fait partie,
heu… voilà… et… et… le côté, justement, frein à la liberté, heu… pfff… c’est absolument pas
vu, ça, hein. »
90
Mère 17 : « l’image de la société par rapport à la femme qui allaite, heu… c’est… l’image
d’une femme qui arrive à tout concilier, donc, j’imagine, qui est libre »
Place du père
Pour 1 mère, l’allaitement est souvent associé à une remise en question de la place du père pour la
société :
Mère 3 : « il y en a beaucoup qui disent que… par rapport au (…) papa, il se sent délaissé, et
tout ça »
L’allaitement long mal vu
4 mères pensent que l’allaitement est mal jugé auprès de l’opinion publique au delà d’une durée
« variable » (Mères 1, 3, 10, 11)
Mère 1 : « Il y a beaucoup de… d’avis négatifs sur l’allaitement long… mais sinon heu… au
moins dans les premiers mois heu… c’est quand même vachem… beaucoup, enfin… très
recommandé »
Mère 3 : « dès qu’on dit qu’on allaite encore à six mois, ben… ils ne comprennent pas
forcément. Pour eux, c’est… enfin, voilà, quoi, c’est plus… un bébé à six mois, il ne doit plus
être allaité, parce que…c’est pas bien »
Mère 10 : « Même pour les autres mamans qui allaitent, (…) plus de deux ans, déjà, on
commence à tiquer »
Mère 11 : « les femmes qui allaitent longtemps, on les regarde un peu bizarrement, hein… »,
« On a l’impression (…) qu’elle veut pas heu… faire grandir leurs enfants, ou heu…(…) on a
l’impression que… elles, elles font ça plus pour elles que pour l’enfant, parfois. »
Des avantages mal connus / des idées reçues
3 mères estiment que les mères, et la société en général, sont mal informées sur l’allaitement, n’en
connaissent pas les bienfaits, ou véhiculent des idées reçues qui sont fausses.
•
Madame 9 évoque trois idées reçues fréquemment associées à l’allaitement :
o
L’allaitement va « déformer les seins »
o
La taille des seins détermine leur capacité à allaiter : « j’aurai pas de lait…
parce qu’ils sont trop petits »
o
•
Le manque de lait est fréquent
Madame 10 évoque des réflexions de son entourage quand son enfant ne grossissait
pas, suggérant que son lait n’était pas assez riche.
•
Madame 11 estime que la communication autour de l’allaitement est insuffisante et
que les mères ignorent ses bénéfices : « Je pense qu’on ne voit pas le bénéfice que…
on peut, heu… on peut avoir en allaitant, tout simplement, ouai. C’est pas assez
expliqué, en fait. »
91
•
Madame 13 a été marquée par la méconnaissance des bienfaits du lait maternel par
certaines femmes : « qu’elles disent (certaines femmes) que… que le lait heu… que
c’est pas… important. Voilà. Moi, ça m’avait marqué, que… il y ait des gens qui
pensent ça. »
•
Madame 14 évoque la représentation, dans les populations peu informées, de la
supériorité des préparations pour nourrissons, plus « scientifiques », « faites sur
mesure ». par rapport au lait maternel.
Perception, par la société, des enfants allaités
Allant de paire avec les croyances erronées ou les informations lacunaires, l’allaitement souffre
d’idées reçues sur le comportement et les pleurs des enfants allaités :
•
Pour 3 mères, l’attachement qu’engendre l’allaitement est montré du doigt, jugé trop
fusionnel, influençant le caractère du bébé (Mères 3, 6, 13)
o
« capricieux » (Mère 3)
o
« toujours dans les bras » (Mère 6)
o
« tu devrais la laisser pleurer », « tu devrais la laisser toute seule » (Mère 13)
Madame 14 estime que cette idée d’enfant trop fusionnel n’est plus d’actualité.
•
Pour Madame 17, cette relation est vue très positivement par la société : « comme heu… ben
le… le summum, quoi, enfin… ce qui va à fond… bien lier l’enfant à la mère, »
•
Certaines mères évoquent les pleurs des enfants allaités, souvent interprétés comme une
carence dans l’allaitement ou le lait, incitant les mères au sevrage
o
« jamais rassasié », « toujours faim » (Mère 6)
o
« c’est l’allaitement, t’as pas assez de lait » (Mère 6)
o
« on nous dit tellement heu…: « ah ben oui, il pleure, mais il a faim, ouai, c’est parce
qu’il est au sein ». (Mère 12)
L’allaitement selon les catégories socio-économiques ou culturelles
Le milieu socio économique ou culturel est perçu par la société comme influençant la pratique de
l’allaitement selon les mères :
•
8 mères associent surtout l’allaitement aux populations aisées (Mère 4, 6, 10, 11, 13, 14, 16,
17)
•
7 mères ne voient pas de lien entre les deux paramètres : (Mères 1, 5, 7, 8, 9, 12, 15)
•
6 mères relèvent une pratique fréquente dans le populations aux revenus faibles (Mère 3, 4,
11, 13, 16, 17)
•
1 mère relève une pratique de l’allaitement chez les mères de profession paramédicale (Mère
3)
•
1 mère pointe l’image répandue d’une pratique de l’allaitement large chez les mères d’origine
maghrébine (Mère 3)
92
•
1 mère relève une situation paradoxale, où les populations aux revenus faibles pourraient
préférer le lait artificiel, plus « scientifique », « fait sur mesure » : Mère 14
Mère 4 : « les milieux favorisés aujourd’hui heu… sont peut-être plus d’avant garde par
rapport à… au respect de l’allaitement maternel. »
Mère 8 : « Je pense que c’est pas un problème de… catégorie sociale, je pense que c’est
plutôt un problème de… d’implication de la maman. »
Mère 11 : « quand on voit… plus des reportages à la télé ou quoi, on voit plus des gens un
petit peu heu… BOBO, heu…C’est heu, voilà… qui heu… qui font du Co dodo… qui
heu……ont leur petite écharpe, machin, ça fait heu…Des fois, on a l’impression que c’est un
peu un effet de mode l’allaitement. (…) Mais bon c’est vrai que peut-être pour des gens moins
aisés, c’est… c’est moins cher que de… d’acheter du lait en poudre, parce que le lait en
poudre… c’est… quand même super cher »
Mère 14 : « les populations défavorisées, (…) ils ont… peut-être moins d’information et heu…
y’a peut-être le… le dogme de… du lait maternisé, qui est p… scientifique, donc un p… un peu
meilleur, et cætera…Et peut-être que… heu… par souci de bien faire, les gens préfèrent heu…
ben se rassurer en ayant du lait heu… ouai, du lait… fait sur mesure entre guillemets »
Pratique de l’allaitement en France :
4 mères ne se prononcent pas sur la progression des taux d’allaitement en France. (Mères 2, 9, 12, 16),
Parmi elles, Madame 16 souligne un encouragement dans les maternités.
Les 13 autres estiment que l’allaitement est en progression. (Mères 1, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 13,
14,15, 17)
4 mères nuancent leur réponse en précisant que si les taux d’allaitement sont en progression
dans les maternités, les arrêts précoces restent fréquents. (Mères 1, 5, 6, 10)
Mère 1 : « je pense que le taux d’ESSAIS, est… plus… enfin a progressé… mais je pense pas
qu’il y ait… enfin… qu’il y en ait vraiment beaucoup plus. Parce que… on est pas encore
assez for… enfin les gens ne sont pas encore assez formés… et il y a beaucoup beaucoup de
gens qui… (…) s’arrêtent tôt. »
Mère 5 : « y’a peut-être beaucoup de mamans qui allaitent au début, mais finalement qui
s’arrêtent rapidement »« je pense qu’au bout d’un mois (…) y’en a beaucoup qui arrêtent. »
« En tout cas, dans mon entourage, heu… c’était ça. »
Mère 6 : « ben, moi, en travaillant à la maternité, oui, si, quand même, il y en a de plus en
plus de mamans qui allaitent. »
Mère 10 : « ce que j’entends souvent à la radio, c’est que… les… les femmes qui sortent de la
maternité, heu… f… les femmes qui ont choisi d’allaiter, sortent de la maternité en allaitant…
et qu’un mois après, il y a un gros gros pourcentage qui…Qui arrête d’allaiter »
b . Mesures d’encouragement à l’allaitement.
L’allaitement prôné mais non facilité
La notion de l’allaitement prôné, mais non facilité apparait dans plusieurs discours plus ou moins
explicitement. Voici ce qui ressort de l’impression des mères qui formulent clairement ce paradoxe :
Mères 2, 8, 10, 11, 15, 17
93
Mère 2 : « une maman qui veut allaiter heu, qui veut allaiter heu… les six, les six mois comme
heu… le préconise plus ou moins l’OMS, ben elle ne peut pas spécialement »
Mère 8 : « il me semble qu’on est plutôt dans, en train d’encourager les mamans à allaiter.
Heu… après, dans le monde du travail, heu… je pense que, c’est pas facile. »
Mère 10 : « Oh, ben moi, je trouve que la société, elle voit l’allaitement d’un bon œil, heu…
tant que ça l’embête pas, heu… dans le bon déroulement heu (…) la bonne marche de la
société dirons-nous, hein… »
Mère 17 : « la législation française fait que heu… on prône l’allaitement d’un certain côté,
mais après, on ne donne pas les moyens de faire correctement. »
Madame 15 pense que la société « encourage trop » l’allaitement, mais ne le favorise pas.
Allaitement et travail : Des dispositifs sociaux inadaptés auxquels le médecin doit pallier ?
 L’heure d’allaitement :
10 mères évoquent l’heure d’allaitement inapplicable (Mères 2, 3, 5, 6, 8, 10, 11, 12, 15, 17)
Mère 8 : « c’est difficile de continuer à tirer son lait… après le retour au travail »
Mère 11 : « aménager, peut-être plus de plages, ou heu… de plages horaires pour allaiter
(…) Parce que quand on reprend le boulot, c’est quand même, heu… bon après on l’allaite
différemment, hein… en tirant son lait, mais, heu… je pense que… ouai, c’est pas… c’est pas
facile, quoi, de le faire. »
Mère 15 : « l’allaitement sur le lieu de travail (…) c’est même plus pris en compte »
 Le congé de maternité
11 mères reviennent sur la durée du congé de maternité, jugée trop courte (Mères 1, 2, 4, 5, 6, 8, 12,
13, 15, 16, 17)
Mère 4 : « pour le troisième enfant j’ai eu la chance d’avoir quand même un congé heu de
maternité quand même relativement heu… long… mais pas forcément heu… suffisant, je veux
dire, ça pourrait être un peu heu quelque chose qui soit modéré en, en fonction du désir de la
maman (…)pour mes deux premiers enfants on avait heu, je crois heu… huit semaines, ce qui
est quand même vraiment limité. Heu… en sachant que heu… je pense qu’il faut bien une
année aux mamans pour se remettre… et à la fois d’un accouchement et d’un allaitement
maternel…heu… voilà, on… on met les mamans en situation vraiment compliquée
aujourd’hui, par rapport à ces choix là. »
Mère 8 : « il faudrait un congé maternité de six mois, puisque on… on nous recommande
d’allaiter six mois mais il faut retourner au b… au travail au bout de 2 mois et demi donc heu
(rires) ça me paraît difficile. »
Mère 12 : « je trouve qu’on n’est pas forcément un pays où le congé maternité est
particulièrement heu… valorisé quoi. »
Mère 13 : « il y a des pays, où, heu… où on pousse la femme à (…) avoir le choix…C’est pas
on la pousse à rester, c’est on le… on lui donne le choix. (…) de pouvoir élever… son enfant,
heu… comme elle p… comme elle veut. »
Mère 16 : « c’est sûr que les trois premiers mois où on est en congés heu… enfin en arrêt
maternité… on peut allaiter. Après il n’y a rien qui nous aide à allaiter »
 L’arrêt de travail et le médecin généraliste
3 mères se tournent vers les médecins généralistes pour pallier à ce congé trop court : Mères 3, 5, 16
94
Mère 3 : « on est obligées de prendre des arrêts maladie »
Mère 5 : « on m’avait dit que… si je demandais à mon médecin traitant, que… y’a des
médecins qui favorisaient le…enfin… prolongeaient l’arrêt. »
Mère 16 : « je sais que les généralistes, et le… le mien en particulier si je lui avais demandé
heu… de continuer, il m’aurait prolongé en arrêt maladie. Par exemple (…) je sais que… y’en
a beaucoup qui le font encore, même si heu… c’est plus sous le couvert de l’allaitement, mais
voilà… que…C’est pas encore possible de… de reprendre le travail… donc ça se fait encore
beaucoup. »
 Le congé d’allaitement
4 mères déplorent la disparition du congé d’allaitement : Mère 3, 11, 12, 17
Mère 3 : « on n’a plus de congé d’allaitement »
Mère 11 : « mettre en place des congés allaitement »
Mère 12 : « on parle du congé maternité, de soi-disant de… du congé allaitement, moi j’en
ai… jamais… vu la couleur »
Mère 17 : « quand on fait le choix de… d’allaiter, he ben… on pourrait, aussi, avoir heu… ce
congé allaitement qui a du exister, ou je ne sais pas… Et qui n’existe plus quoi. Parce que
moi, là, heu… enfin, par exemple, c’était vraiment une frustration de reprendre le travail alors
que ça marchait bien. »
Aide financière
4 mères estiment que l’aide accordée aux mères en congé parental est insuffisante : (Mères 2, 4, 15,
16)
Mère 2 : « en… aidant un peu plus heu… au niveau des allocations, peut-être… heu… un peu
plus, ou un peu plus longtemps, ou un peu mieux, heu.. Je sais pas trop… »
Mère 4 : « aujourd’hui… heu…on peut être très vite découragée d’un, d’un allaitement au
long terme pour des raisons financières (… ) je fais le choix d’un an de… de congé parental
pour pouvoir être proche de mon enfant et heu…voilà être pas stressée par le travail pour
heu… voilà préserver justement le contact avec mon enfant et donc un allaitement au long
terme… mais heu… c’est des choix draconiens. (… )ça nous demande des heu… beaucoup de
sacrifices. »
Mère 16 : « de toute façon, la CAF, heu… elle donne plus rien, moi, je sais que… j’ai pris un
mi-temps (…) ça me remplacera jamais heu… mon salaire à plein temps…donc je vais pas
pouvoir rester comme ça. Donc, non, on est dans un pays où heu… les femmes elles sont pas
du tout heu… mis en valeur…par leur travail à la maison, et que… voilà, c’est en… si on veut
heu… pouvoir s’en sortir financièrement, il faut être au boulot, heu… dès la sortie e la
maternité, pratiquement
Les suggestions quant à la formation et à la communication
Sur le sujet de la communication autour de l’allaitement, une mère (Madame 9) a particulièrement été
enthousiaste. Elle estime que la promotion de l’allaitement devrait se retrouver sur tous les supports,
dans les médias, les manuels scolaires, à l’échelle du gouvernement, etc… que la norme devrait être
l’allaitement. Pour cela elle considère que le regard des gens doit changer. Elle se sent très concernée
par ce sujet.
95
11 mères considèrent que l’information autour de l’allaitement est insuffisante ou partielle, ne visant
que certaines tranches d’âge, ne pouvant changer le regard de la société sur l’allaitement ou informer
le mères, les aider à trouver les ressources nécessaires pour dépasser les difficultés : Mères 1, 4, 5, 6,
7, 8, 9, 10, 13, 14, 17
Les améliorations que les mères souhaiteraient voir mettre en application au sujet de la communication
sont :
 La formation des personnels de santé, l’accès à l’information
Selon 7 mères, la formation des personnels de santé, des structures d’accueil des femmes enceintes ou
jeunes accouchées, complique l’accès à l’information et limite le recours à l’aide, décourageant les
mères qui font face à des difficultés d’allaitement. Mères 1, 3, 9, 10, 13, 14, 17
Mère 1 : « qu’il y ait des gens qui…Qui soient là pour heu… pour expliquer comment ça se
passe et p… enfin… aider les mamans… »
Mère 4 : « Après heu ça nécessite, justement heu, du coup aux mamans de s’informer seules…
voilà des personnes qui pourront heu…aller dans ce sens de… l’accouchement… naturel, et
de l’allaitement maternel. C’est ce que j’ai fait…ce qui n’est pas forcément simple »
Mère 9 : « former davantage le personnel dans les maternités »
Mère 9 : « inciter les médecins traitants, les obstétriciens, les gynécologues… à… à…
balancer des infos, des infos… »
Mère 10 : « les femmes qui ont choisi d’allaiter, sortent de la maternité en allaitant… et
(qu’)un mois après, il y a un gros gros pourcentage qui…qui arrête d’allaiter, et je pense que
ça c’est aussi faute de (…) communication aussi, heu… heu positif, et puis de… de soutien,
quoi dans…S… sur ces mamans. Je vous dis, j’ai pas mal d’exemples de mamans qui disent :
« ah bah oui, si on… avait pu m’aider, heu… j’aurais surement continué. »
Mère 13 : « Moi, je pense qu’il n’y a beaucoup de documents. Beaucoup, beauc… On nous
donne beaucoup de tracts, mais il n’y a pas assez de personnes. », «L’allaitement, c’est
vraiment quelque chose de spécifique, que l’… où l’on doit être préparée. »
Mères 14 : « le travail doit se faire dans les maternités »
Mère 17 : « c’est vrai que… je trouve, on est quand même très démunie… quand c’est un
premier enfant. On a peur de mal faire, et on se retrouve quand même seule, quoi. Voilà,
alors, je ne sais pas, après, c’est dans le suivi, peut-être(…) est-ce que c’est des personnels de
santé, ou heu… oui, c’est les personnels de santé, les PMI, et tout ça, heu… ou des camp… je
ne sais pas. »
Madame 4 : souhaiterait qu’il se crée des maisons de naissance ou des structures qui respectent le
choix de l’allaitement et l’encadrent.
 Une communication moins ciblée
La communication autour de l’allaitement est parfois vue comme très ciblée, ne visant qu’un certain
public, sensibilisé par une maternité à venir ou récente.
Madame 5 : « c’est vrai que… enfin, si on n’est pas dans le milieu… Alors, soit enceinte, soit… dans
ces périodes on n’en entend… enfin… ouai. On n’en entend pas parler ? Ouai »
Madame 11 évoque une augmentation de l’incidence du sujet de l’allaitement dans les magazines
pour femmes, ciblés pour les trentenaires : « Je trouve que… par rapport à quelques années, (…) je
96
trouve qu’on en parlait un peu moins. Là, dans tous les magazine, heu… on trouve des… des sujets
dessus (…) C’est plus pour les femmes, heu… de trente ans »
Madame 17 remarque qu’en dehors de la grossesse, la question de l’allaitement n’est pas un sujet
d’information : « tant que j’ai pas été heu… enceinte, heu… je ne me posais pas la question, quoi.
Enfin, c’était pas quelque chose qui me… j’avais pas l’impression d’être bombardée d’informations
là-dessus, quoi. Donc heu… ça ne me concernait pas. »
 Une information à commencer plus tôt dans la vie des femmes, pendant la grossesse
2 Mères (Mères 7 et 9) évoquent le moment propice à l’information sur l’allaitement :
•
Plus tôt dans la grossesse : « au départ quoi, peut-être avec la gynéco quand on commence
heu les premiers examens… avec la grossesse…commencer déjà à en parler à ce moment là »
(Mère 7)
•
Plus tôt dans la vie d’une femme : « Mes filles, le jour où elles voudront aller voir un
gynécologue… parce qu’elles ont un copain, elles veulent avoir des relations sexuelles, on y
va… eh ben… faut commencer à cet âge-là » (Mère 9)
•
Dès l’école : « ils ont des cours, donc d’anatomie, moi, je vois elle est en CM1, donc c’est moi
qui lui fais les cours, donc elle a l’appareil reproduction… le… de reproduction, la
naissance… heu… donc heu automatiquement, l’allaitement, pour moi, c’est quelque chose
qui doit être… » (Mère 9)
 A l’échelle du gouvernement
2 mères parlent de mesures d’incitation par le gouvernement : Mères 4 et 8
Mère 4 : « je pense qu’il y a un choix politique et économique heu… qui ne va pas dans le
sens justement du respect heu… de la féminité, et de la maternité »
Mère 8 : « de campagne… du gouvernement, non, je n’en ai pas vu une seule » ,« Heu… la
seule chose qu’on m’a… donnée c’est le… l’espèce de… magazine heu… pour expliquer
l’allaitement. »
 Dans les médias grand public
2 mères évoquent une information qui serait souhaitable dans les médias (Mères 8 et 9)
Mère 8 : « je n’ai pas eu l’impression qu’il y avait des campagnes heu pro-allaitement heu…
publicitaires, ni à la télé ni ailleurs… »
Mère 9 : « sous n’importe quel prétexte, notre… boîte aux lettres est remplie de pub… heu…
mais ben ça… oui, ben ça, il faut le… voilà »
Sur ce point il est important de noter qu’une mère, Madame 10, a une image positive de la
représentation de l’allaitement maternel dans les médias, illustrant son propos par les publicités sur les
préparations pour nourrisson :
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« je pense que c’est plut… c’est plutôt quand même heu… mis en avant, parce que…
maintenant, heu… même dans les publicités pour les laits maternisés…Ils prennent toujours
un peu soin de préciser, heu… « après le votre » Heu… « l’un des meilleurs laits », ou
heu…« Ça remplace, quand même pas le lait de la maman, mais c’est très bien »… »
 Lutter contre les idées fausses
Madame 9 souligne l’importance des idées reçues qui circulent beaucoup sur allaitement, et qui
nuisent à sa promotion :
Mère 9 : « y’a des bonnes femmes, à trente ans elles savent pas qu’elles peuvent allaiter…
même avec un quatre-vingt-cinq B…Donc heu moi, j’estime que… y’a y’a une… y’a pas
d’information, pas suffisamment d’information »
Mère 9 : « faut rassurer peut-être certaines femmes, leur dire que « mais attendez, votre
poitrine, vous allez pas avoir des gants de toilette après… » (…) informer, voilà… (…) y’a des
bonnes femmes qui m’ont dit : « ha ben moi, j’ai pas de lait. »…Ben, ça paraît bizarre, parce
que quand on connait bien l’anatomie… ça paraît bizarre, quand même…Une femme qui dit
qu’elle a pas de lait ? (Silence)… ben moi je reste un peu dubitative, quoi »
 Changer les mentalités
2 mères considèrent qu’un changement des mentalités serait bénéfique : Mères 9 et 14
Mère 9 : « en France on est vachement tabou, moi, j’avais des copines qui étaient allaitantes,
eh ben au parc, elles pouvaient pas allaiter leur gamin… »
Mère 9 : « il faudrait inverser vraiment la tendance et ce que… une femme, elle dise : « si je
ne peux pas allaiter, là ça n’est pas normal. Que je ne puisse pas allaiter ».Parce que il faut
vraiment bombarder tout le monde en disant, « mais toutes les femmes peuvent allaiter. »
Mère 14 : « c’est aussi une question de mentalité, je pense que… enfin… selon les gens, moi,
c’est vrai que l’entourage est… très important… et si l’entourage heu… soutient pas, c’est
vrai que… c’est peut-être beaucoup plus difficile, alors pour faire changer l’en… (rires) les
mentalités de l’entourage, c’est heu… »
7 . REFERENT EN ALLAITEMENT
a . Professionnel de santé référent de l’allaitement
Plusieurs mères distinguent le moment de la grossesse et de l’accouchement, où la sage-femme et le
personnel des maternités sont les référents, et le retour à la maison où le médecin généraliste est le
recours préférentiel. (Mères 12, 16)
98
Plus généralement, le professionnel de santé qui est considéré comme référent en allaitement est :
•
La sage-femme pour 13 mères : Mères 1, 3, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17
o
Mère 12 : « les sage femmes, ou les gens qui peuvent prendre en charge les
préparations… à la naissance à l’accouchement, parce que c’est à ce moment-là
aussi qu’on se pose des questions très certainement »
o
Mère 12 : « les sage femmes ou l’ensemble du personnel qui… est à la maternité au
moment de la naissance.… parce que c’est quand même… là que ça se met en place,
et c’est souvent… là que… si il peut y avoir des difficultés, c’est là qu’elles arrivent et
qu’elles… qu’il faut être là pour pas qu’elles se… s’installent trop »
•
Le médecin généraliste pour 6 mères : Mères 2, 4, 5, 8, 12, 16
o
Mère 4 : « le repère a été plus mon médecin généraliste là »
o
Mère 8 : « il y a le… médecin traitant évidemment, puisqu’il me connaît bien »
o
Mère 12 : « dans le quotidien, justement, le médecin, heu… parce que c’est celui qui
est le plus proche, qui est le plus facile à… à contacter, quoi… »
•
Le gynécologue pour 1 mère (Mère 9)
•
Les puéricultrices pour 4 mères (Mères 7, 11, 12, 16)
Madame 16 exprime sa réticence à consulter la PMI : « la PMI, elle connaît rien de nous, quoi. On
arrive… elle va nous donner (…) des généralités, elle ne connaît ni l’enfant ni la maman, et puis
heu… elle a ses cours, heu… voilà. Puis, enfin… pour moi, ça n’a aucun intérêt quoi »
b . Formation et position des médecins généralistes en matière
d’allaitement
Une formation insuffisante ou lacunaire
Pour 9 mères, La formation des médecins généralistes en matière d’allaitement est jugée défaillante :
Mères 3, 4, 6, 7, 8, 10, 11, 13, 16
Mère 3 : « ils sont peut-être moins formés, quand même que… que des sages femmes, qui sont
toujours (…) dans cet univers »
Mère 6 : « y’a une bonne information, mais… il leur manque toujours quelque chose »
Mère 7 : « ils ne sont peut-être pas tous encore heu… bien opérationnels »
Mère 11 : « C’est moyen, quand même, hein. Mais, bon, ils ont tellement à faire, les pauvres
(…) ils ne sont pas vraiment dedans, quoi, parce que…… je pense que c’est un peu le cadet de
leurs soucis, hein…ce qui me semble normal. »
Mère 16 : « Moi, je dirais que peut-être vous avez un cours heu… d’une demi page non ?
(Rires) j’en sais rien. C’est l’idée que j’en ai… »
99
Une formation qui dépend des centres d’intérêt
Pour 2 mères, cette formation est dépendante des centres d’intérêt de chaque médecin : Mères 1, 16
Pas d’avis sur la formation des médecins généralistes
Les mères 2, 5, 9, 12, 14, 15 ne se prononcent pas sur la question :
Mère 15 : « j’en sais rien. Je sais même pas s’ils l’abordent » (la question de l’allaitement
dans la formation médicale)
Des médecins bien formés
Madame 17 n’a pas relevé de manque d’information des médecins généralistes : « c’était le même
type d’informations que mon généraliste m’a données que j’avais déjà… enfin, ça correspondait à…
aux autres informations que j’avais, donc j’avais pas l’impression qu’il y avait un… manque de…
connaissances là-dessus. »
L’opinion des médecins par rapport à l’allaitement maternel
La position des médecins généralistes vis à vis de l’allaitement est qualifiée de :
•
Encourageante, favorable, bienveillante pour 9 mères : Mère 2, 4, 6, 7, 8, 11, 12, 14, 17
•
Individuelle pour 5 mères : Mère 1, 12, 13, 15, 16
•
Neutre pour 2 mères : Mères 3, 5
•
Une mère ne sait pas : Mère 9
•
Les femmes sont plus favorables à l’allaitement que les hommes (Mère 10)
Madame 17 pointe une situation délicate des médecins généralistes face à l’allaitement :
« Moi, à mon avis, ils (les médecins généralistes) sont… (Silence) pro… enfin, ils… suivent
les… campagnes heu… au niveau, même mondial, où on pousse les gens à allaiter, et heu…Et
en même temps, ils sont coincés par des argum… enfin… voilà. Prolonger un arrêt heu… de
travail ou pas à le faire, heu… voilà. Ils sont entre… peut-être deux paradoxes aussi, quoi.
C’est à dire, on, on… on prône l’allaitement, et en même temps, heu… ils n’ont pas les
moyens de… de le laisser… continuer, quoi. Parce que… ils ne peuvent pas donner de congés
ou de choses comme ça. (ils sont) Pris entre deux... Discours quoi »
Importance de l’expérience / connaissances théoriques
 Les femmes médecin : une expérience personnelle qui compte
11 mères accordent de l’importance au sexe et/ou à l’expérience de leur médecin en matière
d’allaitement (Mères 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 15, 17)
Mère 1 : « j’ai demandé à mon médecin traitant si elle s’y connaissait, parce que… bon, en
plus c’est une femme, donc heu… (rires) avec un peu plus de chances… »
Mère 2 : « peut-être que j’irais pas spécialement poser… des questions sur l’allaitement à un
médecin… homme »
100
Mère 4 : « elle est passée par (…) les mêmes expériences que moi en fait…(…) je pense que
j’ai trouvé un bon écho »
Mère 5 : « elle a eu un… enfant y’a pas très longtemps, donc je pense que ça m’a… que du
coup elle était assez… bien… dans le truc, quoi. »
Mère 8 : « Une femme à mon avis est plus à même d’en parler, (rires) elle l’a vécu »
 Les hommes bien informés sont aptes à suivre un allaitement
6 mères pensent cependant que les hommes sont aussi aptes à suivre un allaitement à condition qu’ils
aient soit une formation solide, soit une expérience familiale ou un intérêt pour le sujet : Mères 3, 8,
10, 12, 13, 16
Mère 10 : « par rapport au fait que ça soit une femme, n… heu… non, ça, ça m’incitera pas
plus heu… à en parler », « c’est plus par rapport à… à l’expérience personnelle, et comment
je… je sens la personne »
Mère 13 : « je préfère (…) que ce soit un homme, et qu’il soit… vraiment formé, et sensibilisé
à ça, et qui nous donne des ob… des conseils objectifs, selon heu… n… nous. Selon notre…
notre personne, notre environnement, et caetera… notre vécu… que quelqu’un qui a déjà eu
des enfants, et qui va parler d’elle. »
1 mère ne se prononce pas sur le sujet : Mère 14
8 . LE PROJET D’ALLAITEMENT
a . Choix et durée prévue d’allaitement
Date du choix de l’allaitement
15 mères avaient arrêté le choix de l’allaitement avant leur accouchement.
Ce choix était plus ou moins concret selon les mères et le vocabulaire pour le qualifier illustre leur
sentiment quant à son importance : (Mères 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16)
Mère 2 :« J’avais… envie d’allaiter, mais j’étais pas sûre d’y arriver »
Mère 9 : « cela va de soi ! »
Mère 10 : « pour moi, c’était évident que… je voulais allaiter (…) quand j’ai eu l’envie
d’avoir des enfants, pour moi, ça allait de paire avec l’allaitement. »
Mère 12 : « j’avais un excellent souvenir des trois premiers…Et (que)… je savais que ça
serait a priori mon dernier, et (que) j’avais très très envie de ne pas rater ce moment là »
Mère 14 : « j’ai pas l’impression que c’était vraiment un choix dans… dans la mesure où je
pensais pas que c’était non plus imposé, mais c’était… tellement naturel que c ‘était comme
heu… donner naiss… enfin… le petit allait naitre, quoi… et voilà, il allait être allaité et
y’avait même pas de… question »
Mère 16 : « c’était déjà réglé dans ma tête »
1 mère pensait « essayer » mais n’avait pas arrêté de choix ferme (Mère 3)
«Jusqu’aux dernières semaines, ben, j’avais pas encore été forcément bien renseignée làdessus, heu… je ne savais pas trop, en fait, je voulais… je voulais lui donner le sein le premier
jour, mais je me voyais… j’aurais jamais cru heu… allaiter aussi longtemps. »
101
1 mère avait choisi le lait artificiel et souhaitait allaiter seulement les premiers jours. (Mère 17)
Comment envisagiez-vous de nourrir votre enfant avant d’accoucher ?« Je pensais par le
biberon, moi. », « on n’était pas forcément partis pour un allaitement heu… et puis fi… vu que
ça a démarré bien, ben… on a continué, quoi »
Commentaires sur la durée prévue
8 mères n’avaient pas arrêté de durée d’allaitement. Mères 1, 6, 8, 10, 12, 14, 15, 16
Nous avons relevé quelques commentaires des mères sur la durée d’allaitement :
Mère 5 : « je savais que c’était à peu près trois mois après, heu…(…) Qu’il fallait que je
reprenne le boulot »
Mère 7 : « C’est des bons moments et autant, enfin le faire le plus longtemps possible »
Mère 8 : « jusqu’au retour du travail, après je… je voyais pas trop comment faire après, tirer
mon lait…tout ça je… c’était pas du tout dans… (rires) dans mon imagination »
Mère 9 : « je voulais… tenir minimum trois mois, et voire heu… alors après, bon, je
fantasmais sur six mois d’allaitement… »
Mère 12 : « dans la mesure où a priori, c’est quand même notre dernier, heu… bébé, j’avais
très envie que ce soit le plus long possible. »
Mère 17 : « je m’étais dit : « je vais commencer, et puis… et on verra… si c’est vraiment trop
dur, on passera rapidement au biberon, je vais pas me… mettre heu… de… pression làdessus. »
Projets d’allaitement et reprise du travail
Concernant la reprise du travail :
•
13 mères avaient prévu de repousser leur reprise du travail, de 3,5 mois à 3 ans après la
naissance (Mères 1, 2, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 12, 13, 14, 15, 16)
•
4 mères avaient décidé de reprendre le travail dès la fin du congé de maternité, (Mères 3, 5,
11, 17) dont 2 à temps partiel. (Mères 3 et 17)
Mère 2 : Reprendre le travail plus tard ? « c’était prévu, parce que j’avais l’intention
d’allaiter... Et… aussi parce que bon, heu… je la trouvais un peu… petite à…deux mois et…
quatre jours là… ou je sais pas combien de… de la laisser heu… pendant dix heures à une
crèche heu… ça faisait un peu long je trouve »
Mère 5 : Reprendre le travail plus tard ? « j’y ai pensé, un petit peu, mais le problème, c’est
que… ben, voilà, toujours à… par rapport à mon copain, et (…)Son travail, heu… c’était un
peu difficile, quoi. (…) Au niveau… salaire, enfin… par rapport à ça, quoi. »
Mère 6 : « Je voulais reprendre heu… (compte sur ses doigts) quatre mois après, ouai… que
ça fasse… que mon… enfant ait six mois en fait.(…)Pour que je puisse bien allaiter »
Mère 7 : « J’avais prévu heu quand même , heu… enfin voilà, si je faisais un enfant c’était
pour être là et m’en occuper quoi pas pour heu… »
Mère 9 : « je m’étais dit… je vais… finir mon allaitement, je reprendrai pas à bosser… parce
que se retrouver pour cinq heures sur une scène, je veux dire… en allaitant… heu… c’est … se
retaper la glacière… c’est … faire une pause, « heu bon ben fais un morceau musical parce
que moi faut que j’aille me pomper quoi heu… »
Mère 14 : « mon… gynécologue m’avait dit qu’il me donnerait un mois de… prolongement
pour l’all… pour allaitement justement… »
102
b . Equipement avant l’accouchement
Le matériel dont disposaient les mères avant l’accouchement, en anticipation des difficultés
comportait :
•
Un tire-lait : 6 mères (Mères 1, 2, 6, 8, 9, 10, 11)
•
Du lait artificiel : 3 mères (Mères 6, 8, 17)
•
Des bouts de sein : 2 mères (Mères 2, 15)
7 mères n’avaient pas d’équipement en vue de difficulté d’allaitement, ou seulement un biberon, issu
d’un allaitement antérieur (Mères 3, 4, 7, 12, 13, 14, 16)
Nous avons relevé quelques commentaires des mères sur l’équipement qu’elles avaient prévu :
Mère 1 « on n’avait rien prévu du tout, en plus elle est n…née un mois en avance » « on
s’était dit que… « on verra à la maternité… si vraiment ça se passe mal à la maternité heu…
toujours… le papa peut toujours aller acheter deux trois biberons heu (rires)…de secours. » »
Mère 2 : « J’avais acheté heu… un tire lait, heu… des biberons, parce que … comme j’étais
pas sûre de… de le faire »
Mère 7 : « ben j’avais pas du tout de lait en poudre, heu… j’avais heu j’crois que j’avais
même pas de biberon (…) comme j’avais prévu d’allaiter j’m’etais dit on verra… voilà s’il
faut acheter un biberon on ira en acheter un par la suite mais bon j’avais rien… »
Mère 8 : « Vous aviez prévu (…) du lait en poudre ? Oui, j’avais un…Quand même (rires) au
cas où… »
Mère 9 : « du lait artificiel ? Non pas du tout. (…) Sure de moi ! »
Mère 10 : « j’avais prévu aussi pour heu… tout ce qui est montée de lait (…) l’engorgement et
puis les… et puis le temps de… de la montée de lait qui est un peu difficile. (…). Lait
artificiel ? Non, non. Juste au cas où il faille heu… donner le biberon de… lait maternel »
c . Sources d’information avant l’accouchement
Un sujet souvent évoqué par l’entourage d’une femme enceinte
16 mères avaient évoqué l’allaitement avec leur entourage Mères 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13,
14, 15, 16, 17
4 mères précisent en avoir parlé avec leur conjoint : Mères 7, 10, 12, 15
Mère 2 : « avec heu… tout le monde entre guillemets » « c’est souvent…le genre de questions
que…on pose à … une femme enceinte »
Mère 4 : « Oui c’est, c’est vrai que j’en… j’en ai parlé comme ça, mais, si vous voulez, pour
moi c’était une question tellement évidente que…j’avais pas forcement besoin de l’avis
d’autres personnes là pour mon troisième. »
Mère 11 : « tout le monde vous pose la question, hein…« tu vas allaiter ? »
Mère 17 : « en… s’interrogeant, justement, on… pour un peu se former aussi une opinion, on
a besoin un peu des autres. (rires) Même si heu… je sais que c’est quelque chose de très
personnel, et… justement… qui doit se décider tout seul, sans qu’il y ait une pression, heu…
extérieure. »
103
Internet
Une mère évoque internet : Mère 1 : « internet… beaucoup… je suis dans les forums »
Une mère Madame 13, précise qu‘elle n’a pas recherché de renseignement sur internet car elle pensait
que le geste serait naturel.
Le médecin traitant
6 mères avaient abordé le sujet de l’allaitement avec leur médecin généraliste avant la naissance :
Mères 1, 5, 9, 12, 15, 17
Sages femmes et gynécologue
8 Mères avaient parlé d’allaitement avec une sage femme. Mères 1, 2, 3, 4, 6, 7, 10, 17
6 mères en avaient parlé avec un gynécologue. Mères : 3, 5, 14, 15, 16, 17
Les associations
Madame 13 avait été en contact avec une association de soutien aux mères allaitantes lors d’une
réunion sur les écharpes de portage.
9 . DEROULEMENT DE L’ALLAITEMENT
a . Mise en place à la maternité
Le premier contact et la première tétée
Les 15 mères qui ont accouché par voie basse ont eu leur enfant rapidement ou immédiatement
contre elles après l’accouchement (Mères 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16)
Les 2 mères qui ont eu une césarienne ont eu leur enfant après 2 heures (Mère 9) et après 4-5 heures
(Mère 17)
14 enfants ont eu leur première tétée dans les deux heures, et 11 enfants dans un délai inférieur à 1
heure
L’enfant 11 a eu sa première tétée 2-3 heures après l’accouchement
L’enfant 17 l’a eue 4-5 heures après l’accouchement
L’enfant 5 l’a eue 5-6 heures après l’accouchement
Certaines mères ont évoqué leur ressenti de ces premiers instants après la naissance. Elles sont souvent
enthousiastes quant à leur bon déroulement.
Mère 2 : « c’est un peu t… de…du départ… dont j’avais peur… ça s’est très bien passé, heu…
elle a pris tout de suite, elle a trouvé tout de suite, elle m’a pas spi… spécialement fait mal »
Mère 7 : « Ca s’est très bien passé, j’ai été vraiment entourée et puis ça s’est fait, ouai,
naturellement… heu doucement, heu… ça s’est bien passé, puis lui… il a bien pris directement
» « dès qu’il a été heu sur mon ventre, enfin il était là et puis, d’une façon, il cher… il a
cherché directement mon sein et je lui ai donné tout de suite »
104
Mère 9 : « ils m’ont laissé dégazer pendant une heure…alors… j’étais heu…gnegne… et
comme j’avais… la péri, qui était encore branchée, j’ai retrouvé mes enfants, en fait… deux
heures après… »
Mère 11 : « ils ont préféré la… la couvrir un peu et puis après, j’ai dit : « est-ce que vous
pourriez me la (rires) donner quand même un petit peu ?» donc ils me l’ont posée, heu… pour
qu’on en profite tous les deux »
On note par ailleurs, que certaines mères utilisent un vocabulaire riche évoquant l’attitude active de
leur enfant dans cette première interaction. L’enfant est l’acteur de la première tétée. Mères 1, 2, 3, 4,
7, 10, 14, 15
•
« pas l’air motivée » (Mère 1)
•
« elle a pris », « elle a trouvé » (Mère 2)
•
« pas pris tout de suite », « pleuré pour», « demander » (Mère 3)
•
« je l’ai laissé chercher » (Mère 4)
•
« il a pris », « il a cherché », « je lui ai donné » (Mère 7)
D’autres mères formulent une attitude passive de leur enfant, où la mère ou le personnel de la
maternité décident de la « mise au sein ». Mères 5, 6, 12, 16
•
« ils me l’ont ré-enlevé », « j’ai pas eu de tétée de bienvenue », « on n’a pas fait la tétée de
bienvenue », (Mère 5)
•
« je l’ai mis au sein » (Mère 6)
Des maternités pro-allaitement
3 mères (1, 4, 14) indiquent avoir accouché dans une maternité qu’elles estiment « pro-allaitement » :
Mère 1: « de toutes façons à maternité 1 heu… ils sont pro-allaitement »
Mère 4 : « je suis quand même allée accoucher à Maternité 4, donc à une demi-heure de mon
domicile… pour heu trouver aujourd’hui une maternité où je savais que je serais (…)
respectée à la fois dans mon accouchement et dans mon… désir d’allaitement »
Mise en route difficile
Parmi les difficultés rencontrées dans ces débuts de l’allaitement en maternité, les mères relèvent :
 Une prise de poids problématique
4 mères ont vécu des difficultés au début de leur allaitement du fait d’une mauvaise prise de poids.
Mères 3, 9, 10, 12
Mère 3 : « il ne prenait pas bien, et… et du coup, ben il était heu… tellement fatigué, que… du
coup, ben… il se mettait deux minutes, et après, ben, il… il, enfin, il dormait, quoi. Parce qu’il
n’avait plus de force et… je crois qu’il a perdu heu… plus heu… enfin, il a perdu heu… plus
de trois cent grammes, quoi. »
Mère 9 : « il a fallu que je me batte bec et ongles, (…) ils me lâchaient pas de la maternité…
il (jumeau 9) faisait un kilo huit… quand ils m’ont lâchée… alors, c’est sûr qu’ils pouvaient
me dire hep hep hep hep… »
105
Mère 12 : « c’était un gros bébé, (qu’) il a perdu beaucoup de poids, et (qu’) il n’en reprenait
pas au début, (…) on a eu du mal à démarrer. »
 Le retard de montée de lait
2 Mères ont ressenti un manque de lait, ou un « retard » de montée de lait :
de 48 heures: Madame 5 :
« J’avais pas de lait, donc il fallait y aller au tire-lait…Donc c’est pas très esthétique (rires)
pas très agréable. Et puis… voilà, donc j’ai eu du lait assez tard, et puis après il arrivait pas à
prendre… »
de 4 jours : Madame 13 :
« Moi, ça me stressait que ça arrive pas. Parce que je me dis : « comment ? Elle ne va pas se
nourrir, heu… » Mais, je savais que… elle… elle était pas obligée de manger tout de suite.
Mais, moi, je… ça m’inquiétait de pas voir le lait monter. »
 Douleurs, crevasses, montée de lait
7 mères expriment un ressenti douloureux : Mère 2, 7, 8, 9, 10, 15, 16
o
Mère 2 : « abimé », « guérir », « sans avoir trop mal », « j’avais mal »
o
Mère 7 : « avoir toujours mal aux seins »
o
Mère 8 : « tirait fort sur les tétons », « ça faisait mal », « crevasses »
o
Mère 9 : « déchirure », « soulagez-moi », « c’était dur », « j’avais mal » (douleurs dorsales
qui gênent le positionnement)
o
Mère 10 : « désengorger », « pas très rigolo »
o
Mère 15 : « fait mal », « crevasses », « fragilité dans laquelle on est », « tout est amplifié »,
« douleur », «voulait tout le temps téter », « montée de lait qui fait mal », « tellement mal ».
o
Mère 16 : « gros engorgements », « seins énormes », « grosse tension », « douleurs du
début », « grosses crevasses »
Les compléments
5 enfants ont eu un complément de lait artificiel à la maternité (3, 5, 8, 12, 13) les indications étaient
les suivantes :
•
Mauvaise prise de poids : Mères 3 et 12
•
Retard de montée de lait : Mères 5 (48H) et 13 (4jours)
•
Demande de la mère pour tétées fréquentes : Mère 8
Le ressenti du début d’allaitement
 Des débuts bien vécus
8 mères illustrent leur ressenti positif : (Mères 1, 6, 7, 8, 10, 12, 14, 17)
o
« naturel », « pas trop posé de questions », « de suite super », « très agréable » (Mère 1)
o
« impec », « super bien », « satisfaite » (Mère 6)
106
o
« enthousiasmée », « étonnée », « adoré ça » (Mère 7)
o
« assez facilement », « bien passé », « pas eu de souci » (Mère 8)
o
« plutôt à l’aise », « ça allait » (Mère 10)
o
« tout allait bien », « moi, ça allait » (Mère 12)
o
« ça s’est bien passé tout de suite », « bien naturellement », « idéal » (Mère 14)
o
« très simplement », « bien passé tout de suite », « un peu guidée », « très positif », « tout de
suite bien fonctionné », « très positivement », « ça m’a fait changer d’avis » (Mère 17)
 Des difficultés
11 mères expriment un ressenti difficile des débuts de l’allaitement en maternité. Ici encore, certaines
mères ont des ressentis mitigés et peuvent avoir globalement bien vécu leurs débuts tout en ayant
ressenti des difficultés : Mères 3, 5, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 15, 16
Cela se manifeste par les expressions suivantes :
o
« prête à arrêter », « pas bien conseillée », « peur tout le temps » (Mère 3)
o
« pas de lait », « très long », « pas très esthétique », « pas très agréable », « il a fallu un bon
moment », « pas si simple », « difficile », « il faut vraiment être motivée » (Mère 5)
o
« toujours mal aux seins » (Mère 7)
o
« difficulté », « souci », « crevasses », « réclamé toutes les heures », « c’était plus possible »
(Mère 8)
o
« en colère », « mon corps me lâchait », « gâché », « chaos », « je pétais les plombs », « pas
bien », « je dormais pas », « je me battais », « c’était dur »(Mère 9)
o
« pas évident » (Mère 11)
o
« angoisse », « souci », « je n’y arrive pas », « déception », « peur de ne pas y arriver »,
« obligée de passer au biberon », « pas envie » (Mère 12)
o
« c’était long », « ça me stressait », « pas se nourrir », « ça m’inquiétait », « j’avais du
mal », « arrivait pas à prendre », « c’était dur », « je pensais que ça allait être plus naturel »,
« le premier contact a été dur », « elle hurlait », « elle avait faim » (Mère 13)
o
« livrée à moi-même », « mal passé », « savait pas téter», « fait mal », « très grosse
surprise », « fragilité », « déception », « je ne pourrai pas continuer longtemps », « sentiments
intensifiés » (Mère 15)
o
«du mal à attraper le téton», «arrivait pas à s’écouler», « supporter », « failli jeter l’éponge»,
« j’arrivais pas à dormir », « tout ce qui frôlait le sein », « insupportable », « ça me faisait
bondir en l’air », « tant pis », « trop douloureux » (Mère 16)
L’importance des débuts en maternité
5 Mères évoquent spontanément l’importance selon elles, des débuts à la maternité, comme le
moment qui conditionnerait toute la poursuite de l’allaitement. Cette notion est cependant présente
dans plusieurs entretiens, lorsque les mères parlent des difficultés du début d’allaitement. (Mères 4,
12, 13, 14, 16)
107
Mère 4 : « je trouve que le plus compliqué c’est le moment en fait de la montée de lait, et au
moment du séjour à la maternité…(…) C’est vraiment la mise en place qui est le plus
compliqué, c’est là que les mamans ont le plus besoin d’être accompagnées. Parce que une
fois que c’est mis en place… voilà, ça… ça… roule tout seul on va dire… »
Mère 4 : « une maman qui accouche et qui démarre un allaitement, heu… en terme de
confiance, c’est jamais forcément très évident »
Mère 12 : « au moment de la naissance.… (parce que) c’est quand même… là que ça se met
en place, et c’est souvent… là que… si il peut y avoir des difficultés, c’est là qu’elles arrivent
et qu’elles… qu’il faut être là pour pas qu’elles se… s’installent trop »
Le ressenti de l’aide en maternité :
 Une aide efficace :
10 mères estiment avoir reçu une aide efficace à la maternité : (Mères 1, 2, 4, 6, 7, 8, 11, 15
(secondairement), 16, 17)
Elles évoquent leur ressenti :
 « aidés », « du début à la fin », « toutes les questions », « toujours quelqu’un » (Mère 1)
 « soulage », « assez bien aidée » (Mère 2)
 « très bien encadrée », « toutes formées », « informées », « aidée », « bon accompagnement »,
« assurée » (Mère 4)
 « posais des questions», «si j’avais des soucis », « régulièrement », «bien présentes» (Mère 6)
 « pris le temps », « venues discuter », « très bien », « très très bien » (Mère 7)
 « bien conseillée », « plusieurs fois », « aidée », « comme il faut » (Mère 8)
 « bien suivie », « très bien », vraiment » (Mère 11)
 « rassurée », « ça allait bien se passer », « technique pour vider les seins », « très bien »,
« elles ont tout fait pour que ça se passe bien » (Mère 14)
 « venaient
régulièrement »,
« encourageaient
beaucoup»,
« très
encouragée »,
« positivement », « discours très positif » (Mère 17)
Madame 16 s’est sentie très soutenue par le personnel de la maternité, alors qu’elle vacillait dans son
choix de continuer l’allaitement :
Mère 16 : « j’aurais heu, jeté l’éponge, si j’avais pas eu des personnes en face de moi qui…
qui me disaient : « mais non, votre projet, il va… il va tenir, et puis après, ça va être super,
heu… C’est deux jours à passer » enfin voilà. J’ai beaucoup entendu ce genre de choses qui
m’ont aidée à aller au bout. »
 Une aide contradictoire, mal coordonnée
4 mères ont jugé l’aide discordante, déroutante. Soulignant les avis différents et le manque de
coordination au sein de l’équipe soignante, parfois dans une même journée. Certaines mères évoquent
108
des craintes qui ont persisté par la suite, ou un état de stress engendré par cet encadrement peu fiable :
(Mères 2, 5, 9, 16)
Mère 2 :« y’a un peu toujours le problème hein… heu… que tout le monde heu… a s… sa
façon de… (rires) ben on entend tout et le contraire de… de tout, donc heu… donc il faut se
faire un petit peu sa… son… son idée quoi »
Mère 9 : «j’attendais un petit plus de… de… heu… ouai… d’être un petit peu plus…(…)
Aiguillée… un petit peu plus de soutien, alors que c’était le chaos, c’était… heu… je veux
dire, trente six mille sons de cloche aussi au sujet de l’allaitement, au sujet de machin, au
sujet de truc. », « accordez vos violons »
Mère 16 : « ça dépend sur qui on tombe, quoi, on… on a le… on a le noir à un moment donné,
rouge à un autre, quoi. C’est pas facile de faire son opinion. », « on se mettait à parler heu de
quelque chose avec quelqu’un, qui donnait des conseils et des directives, heu…Pour aider à ce
que ça se passe bien… et puis deux heures après, on rappelle, parce que… y’a… un souci de
la même suite…Et c’est une autre personne qui arrive, et en fait, elle dit : « mais non, il ne
faut pas faire comme ça… » Et bing, on repart sur autre chose, enfin bref ! »
 Une aide inefficace ou mal vécue
4 mères ont reçu une aide inefficace, ou se sont senties mal écoutées (Mères 3, 9, 13, 15
(initialement))
Mère 3 : « c’est le seul point que je leur reproche un peu, c’est que… tout le monde me disait
que ça… qu’il prenait bien… tout ça, alors qu’en fait, he ben… il… il ne prenait pas bien. »
Mère 9 : « je leur expliquais que j’avais déjà allaité deux enfants dont 7 mois et demi la
dernière… mais… non non, elles voulaient absolument faire comme elles, elles voulaient que
je fasse… et ça, ça me gonflait, mais ça me gonflait… », « Faites un peu confiance aux
mamans aussi, qui ont déjà une expérience de l’allaitement… »
Mère 13 : « moi, je trouvais que c’était violent, un peu », « c’était vraiment la tête de l’enfant,
collée à mon sein.… « Et allez, il faut que tu tètes, et allez, il faut que tu tètes. »
Mère 15 : « … j’étais… j’allais dire livrée à moi-même, mais parce que c’était mon
deuxième…Donc, forcément, je pen… elles s’occupent certainement plus des premières (…) je
leur avais dit que j’avais déjà allaité, donc heu… elles m’ont laissé, heu… faire. Sauf que ça
s’est mal passé »
 Pas d’aide
2 mères n’ont pas reçu d’aide à la maternité car elles ne l’ont pas sollicitée ou n’en ont pas eu le
besoin. Ces deux mères avaient une expérience de l’allaitement. Mères 10 et 12
Mère 10 : « on ne m’a pas aidée. On m’a demandé si tout allait bien et… On m’a… on m’a
amené le tire lait, voilà », « Ils ont demandé si j’avais des questions, mais comme s… j’en
étais pas à… à ma première fois, généralement, heu… enfin à maternité 10, ils… laissent
bien… »
Mère 12 : « J’en ai pas forcément… reçu, mais, parce que je ne l’ai pas forcément demandé
(…) parce que quand on me demandait si tout allait bien, effectivement, tout allait bien. »
109
La notion de personnel référent en allaitement, ou geste qui sauve l’allaitement
7 mères
relèvent une aide particulière d’une personne éventuellement « référente » pour leur
allaitement. Dans certains cas, cette personne a apporté un geste, une pratique, qui a « sauvé » leur
allaitement, dans un moment où il était compromis. (Mères 1, 2, 3, 9, 11, 13, 16)
•
« une auxiliaire de puériculture » (Mère 1)
•
« une sage femme » (Mère 2)
•
« prise en main », « une puéricultrice », « remettre en forme », « bien remontré », « après ça
s’est bien passé » (Mère 3)
•
« la sage femme qui était présente à la maternité est venue plusieurs fois » (Mère 8)
•
« une aide soignante », « m’a mis un bout de sein », « essayez voir avec ça », « nickel » (Mère
9)
•
« une dame », « très très efficace », « un peu brusqué », « après ça s’est bien passé » (Mère
11)
•
« j’avais une interlocutrice », « j’avais la possibilité de l’appeler » (Mère 13)
•
« une sage-femme », « celle qui a fini par me donner un Aspégic », « m’a beaucoup aidée à ce
que ça évacue », « m’a donné des petites astuces », « l’idée de partir avec on bon petit
bagage » (Mère 16)
Des pressions / insinuations ressenties parfois
Les pressions ressenties à la maternité ont été de plusieurs ordres :
•
Madame 14, a ressenti des insinuations encourageantes pour l’allaitement, ne poussant pas à
l’allaitement, mais lui envoyant une image du « bonne mère » puisqu’elle allaitait.
•
Madame 3, elle a ressenti une pression non « matérialisée » car son enfant perdait du poids,
qu’elle exprime par ces mots : « J’avais peur, tout le temps »
•
2 mères ont ressenti des pressions de la part du personnel pour donner des compléments de
lait artificiel à leur enfant : Mères 10 et 12 :
Mère 10 : « on m’a un peu mis la pression en disant, ben il faudrait peut-être donner, heu…
un biberon de lait maternisé… en plus de votre lait pour lui faire reprendre du poids »
Mère 12 : « j’ai ressenti, heu… une pression pour le faire grossir. Et… donc, sous-entendu,
heu… il faut donner des compléments, parce que… il ne grossit pas, et ça ne va pas du tout. »,
« le stress de la nuit, la pression aidant, et (rires) donc il a eu un petit coup de complément. ».
•
1 mère, Madame 9, a ressenti des insinuations l’incitant au sevrage de ses jumeaux dans le
contexte de son allaitement difficile et douloureux.
« on m’a eu insinué… « écoutez, si vous les allaitez pas c’est pas un problème… »
« y’en avait d’autres, qui disaient « oh là là, mais c’est pas la peine, nous on vous dit ça pour
vous parce qu’après tout, un bébé allaité au sein ou un bébé au biberon, vous savez,
maintenant, heu… »
110
Les visites
2 mères ont été gênées par les visites en maternité, dans le moment critique de l’apprentissage de
l’allaitement et de la suite de couche. Les conséquences ont porté sur le manque de repos et le manque
d’intimité pour les tétées et la construction de la famille : (Mère 5, 7)
Mère 5 : « sur le coup, je… j’étais contente, mais en même temps, heu… c’est … ouai… pas
eu de… enfin, pas eu le repos, peut-être heu… espéré quoi… »
Mère 7 : « ça a été aussi, heu… super difficile ouai. Je pense que les visites, elles ont
contribué au… au fait que… y’a des fois heu… j’en avais marre d’allaiter. », « c’était pas
évident, on commence notre allaitement y’en avait… enfin je veux dire y’a onze personnes
dans la chambre heu… c’est pas… » « intimité avec mon enfant et mon mari »
2 mères précisent qu’elles ont limité les visites (« pour être tranquille » :Mère 11) (« j’ai demandé à
ce que…on ne vienne pas trop » : Mère 16)
Un relais assuré à la sortie de la maternité
La sortie de la maternité a été problématique pour 2 mères, an raison du poids de leur enfant (Mères 9
et 12)
Les supports donnés et les aides conseillées en relais, à la sortie de la maternité pour les orienter en cas
de question ou de problème sur l’allaitement ont été représentés par:
•
La PMI (puéricultrice, sage femme) : 10 mères (Mères 2, 5, 7, 9, 10, 11, 12, 15, 16, 17)
•
Livrets d’information/ prospectus/ documentation : 6 mères (Mères 1, 2, 4, 10, 15, 17)
•
Rappel de la maternité : 5 mères (Mères 5, 6, 7, 12, 14)
•
Coordonnées et informations sur les associations de soutien aux mères allaitantes : 3 mères
(Mères 4, 7, 8)
•
Numéros de téléphone de personnes conseil : Mère 1
•
Dates de réunion d’un groupe de discussion sur l’allaitement : Mère 14
•
Sage-femme spécialisée en allaitement : Mère 12
•
Aucun : Mère 13
•
Prescription d’un lait en cas de désir de sevrage : Mère 16
Mère 16 : « c’est tout sponsorisé à la maternité. Je ne sais pas comment ils se débrouillent,
mais… (rires).Voilà donc heu… c’est le lait gallia qui est marqué, mais… ils nous… ils nous
affirment qu’on peut acheter un autre lait si ça va mieux, mais enfin c’est le premier qui…
qu’ils préconisent ».
111
Tableau 11: Conditions de mise en place de l'allaitement à la maternité
Mère
Premier
contact
Sommeil
partagé
Compléments de
lait artificiel
Visites
Commentaires
Immédiat
Délai avant
la première
tétée
<1 heure
1
+
non
peu
Maternité « proallaitement »
2
3
Immédiat
Rapide
Tout de suite
2 heures
+
+
non
1
4
Immédiat
Rapide
+
non
peu
Beaucoup/
non gênantes
peu
5
Rapide puis
séparation
5-6 heures
Sauf 1ère
nuit
LA à la tasse
pendant 2 jours
Gênantes
6
Rapide
< 2 heures
Partage du
lit
non
peu
7
8
9
10
11
Immédiat
Immédiat
2 heures
Rapide
5 minutes
Immédiate
2 heures
2 heures
1 heure
2-3 heures
+
+
+
+
+
non
1
non
non
non
Gênantes
peu
peu
peu
peu
12
Immédiat
Rapide
+
1
peu
Enfant couvert car
avait froid
Contact immédiat
puis séparation pour
l’habiller
13
14
15
Immédiat
Immédiat
Immédiat
Immédiate
10 minutes
Rapide
1
non
non
peu
peu
peu
« c’était idéal »
16
Immédiat
Immédiate
+
+
Sauf 1ère
nuit
+
non
peu
17
4-5 heures
4-5 heures
Sauf 1ère
nuit
non
peu
Accouchement
physio / maternité
« pro-allaitement »
Séparation pour état
de santé préoccupant
du nouveau-né
Accouchement au
domicile par les
pompiers
Césarienne mal vécue
Bébé « emballé »
dans un linge
Césarienne en
urgence / AG
b . Poursuite à la maison
Pour certaines mères un retour serein
10 Mères décrivent un retour à la maison serein, indépendamment des complications (Mères 1, 3, 5, 7,
8, 9, 10, 11, 16, 17)
Nous avons relevé les expressions utilisées pour qualifier ce ressenti de retour à la maison.
 Un bon déroulement après résolution des problèmes initiaux : Mères 1, 5, 8, 9, 16
Mère 16 : « tout a filé », « le pire s’est passé à la maternité », « après ça a coulé de source »
(Mère 16)
Mère 8 : « en persévérant, une fois que les crevasses ont été guéries ça a été beaucoup plus
facile »
 Une poursuite sur la « lancée de la maternité » : Mère 14, 17
Mère 14 : « continué sur la lancée », « rien qui a changé »
 Des mères qui vivent bien / très bien leur retour : Mères 3, 7, 10, 11
112
Mère 9 : « J’étais contente de rentrer à la maison (…) j’étais bien… j’avais pas de visite(…) je
pouvais faire ce que je voulais à la maison… voilà… donc l’allaitement ça s’est mieux passé
Les complications maternelles
 Crevasses, hypersensibilité du mamelon
8 mères ont signalé des crevasses après le retour à la maison: Mères 4, 7, 8, 10, 12, 13, 15, 17
Il est à noter que l’intensité et le vécu de ces crevasses étaient très variables
Madame 15 signale une hypersensibilité des mamelons.
 Engorgement
5 mères décrivent des engorgements (Mères 2, 5, 7, 13, 17)
Mère 2 : « vu qu’elle… tétait pas souvent, j’étais souvent heu… très…gonflée.. »
Mère 5 : « pic de température », « seins durs », « phénomène inflammatoire »
Mère 7 : « montée de lait », « invalidante… »
 Asthénie
10 mères disent avoir ressenti de la « fatigue » lors de ce retour au domicile. Toutes ne l’attribuent pas
forcément à l’allaitement. (Mères 2, 4, 5, 6, 8, 9, 12, 15, 16, 17)
Mère 2 : « C’est vrai que j’étais quand même bien fatiguée quand même, au départ »
Mère 4 : « je suis quand même relativement fatiguée »
Mère 5 : « j’ai eu mes gros coups de fatigue surtout (…) il y en a qui me disaient qu’il fallait
que j’arrête d’allaiter, heu…Que ça commençait à jouer sur mon…état heu… général»
Mère 6 : « j’ai été arrêtée, ouai… et c’est vrai que j’étais bien fatiguée »
Mère 8 : « Elle se réveille encore deux à trois fois par nuit donc heu c’est fatigant »
Mère 9 : « j’ai eu un gros coup de fatigue en fait parce que je suis rentrée de la maternité,
j’étais comme ça gzzzz… et ce qu’il s’est passé, j’ai eu un gros problème de tension,
d’ailleurs »
Mère 12 : « j’étais certainement aussi plus fatiguée »
Mère 15 : « les premiers temps, quand vraiment elle a… j’avais des moments, ou des jours où
la douleur était, heu… pfff… enfin, heu… j’étais fatiguée… »
Mère 16 : « Je sais pas si ça… fatigue plus. Je pense que de toute façon, il a tout le corps qui
doit se remettre, donc…C’est pas l’allaitement en plus ou en moins, heu… si c’est vrai que des
fois quand je… je sentais quand elle pompait, elle m’emmenait l’énergie avec… (Rires) ça je
le ressentais des fois. »
Mère 17 : « moi, je me sentais fatiguée, j’ai heu… elle m’a fait des examens qui avéraient que
j’étais en parfaite santé »
 Mastite
Madame 15 présente des « débuts de lymphangite » récurrents. Qui se manifestent par des « caillots
dans le sein », « des canaux qui se bouchent », « des plaques rouges », sans fièvre, résolutifs en deux
jours
113
 L’utilisation des bouts de sein
6 mères ont essayé d’utiliser ou ont utilisé des bouts de sein (Mères 2, 5, 8, 9, 13, 15)
•
Pour une prise de sein difficile : Mères 5, 9, 13,
•
Pour un problème de crevasses :Mères 2, 8, 15
•
Pour une hypersensibilité des mamelons : Mère 15
4 mères ont utilisé des bouts de sein sur une période de plusieurs jours ou mois (Mères 2, 9, 13, 15)
Mère 5 : « j’avais pas de téton »
Mère 9 : « elle avait du mal à… elle a un frein de langue qui est court.(…) Et elle avait du
mal au niveau de la succion. Alors j’ai essayé ce truc (les bouts de sein), c’était la première
fois, bon elle avait l’air de prendre… mais par contre après pour jumelle 9, je tirais mon lait
et je lui donnais dans un biberon »
Mère 13 : « elle arrivait pas à téter », « au début, les bouts de sein, ça a bien aidé, ensuite, je
les ai enlevés. »
La prise de poids du nourrisson
Pour 12 enfants la prise de poids n’a pas été problématique : Enfants 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9 (fille), 11, 14,
16, 17
Pour 6 enfants, la prise de poids a été difficile à un moment de leur parcours : Enfants 3, 9 (garçon),
10, 12, 13, 15. Parmi ceux-ci, pour 2 enfants la prise de poids médiocre n’a pas été expliquée Mères
10 et 13
Mère 10 : « (…) ma petite, heu… elle grossissait pas Ça, c’est vrai que… (rires) c’est un peu
le problème avec moi, parce que les trois, heu… ça faisait pareil. »
 Notion de bébé en « économie d’énergie »
Le problème des « bébés en économie d’énergie » a été décrit par 4 mères : Mères 2, 3, 12, 15.
L’enfant 2 cependant n’avait pas de problème de prise de poids. Il ne réclamait seulement pas assez,
risquant de compromettre la lactation.
2 mères ont eu une période d’hyperstimulation avec des tétées très fréquentes. (Mères 12, 15)
1 mère a fait des tétées toutes les 3-4 heures (Mère 2)
1 mère a utilisé un tire-lait pour donner au biberon et faire « repartir » la lactation. (Mère 3)
Mère 2 : « dormait beaucoup » « il fallait que je la réveille », « on m’a dit tout et son
contraire », « au bout de cinq heures il faut la réveiller », « il faut quand même qu’elle
mange », « cinq heures, c’est pas assez », « il faut la réveiller toutes les trois ou quatre
heures » « sinon, vous allez pas réussir à produire de lait », « ça m’a beaucoup angoissée »
Mère 12 : « perdent beaucoup d’energie », « mode veille », « pleure pas beaucoup »,
« s’économise », « boit peu », « s’endort », « pleure pas », « grossit pas », « il faut le refaire
démarrer », « vous changez dix huit fois si il faut », « le mettre debout », « stimuler tout le
temps »
114
Mère 15 : « ne réclamait pas », « ne savait pas quel rythme lui donner », « perdu du poids »,
« allaitement intensifié », « toutes les deux heures et demi, nuits comprises pendant un mois»,
« au sein bien plus souvent », « ça a été très très chaud »
 La tyrannie du pèse bébé
2 mères ont été perturbées par l’utilisation du pèse-bébé au domicile pour la surveillance du poids :
Mères 12 et 13
Voici comment elles décrivent ce qu’elles ont vécu :
Mère 12 : « surveiller », « tyrannie du pèse bébé », « ça a été l’horreur », « il ne prenait pas
assez », « compléter ou pas », « ça m’inquiétait », « j’étais moins à même d’être dans des
conditions optimales pour bien allaiter », « je n’évaluais pas », « j’ai tout essayé, de le peser
avant, de le peser après », « on devient fou avec ces balances », « je me disais c’est n’importe
quoi », « J’avais qu’une envie, c’était de pouvoir rendre cette balance, et en même temps, je…
je me disais… non j’ai pas le droit, parce qu’il faut quand même que je vérifie qu’il
grossisse »
Mère 13 : « j’étais obligée de la peser tous les jours (…) je pesais même les couches »
Les rythmes
 Fréquence et durée des tétées
La perception de la fréquence et de la durée des tétées est subjective. Selon les représentations de ce
que doit être un allaitement « normal », Par exemple,
Madame 17 estime que 6-7 tétées par jour pour un nourrisson dans ses premiers jours c’est « pas
mal » dans le sens beaucoup, de même 20-30 minutes pour une tétée c’est « un petit moment » dans le
sens long.
Madame 14 trouve que 12 fois par jour « ça commence à faire beaucoup »
Voici comment les mères ont évalué les rythmes de tétées de leur enfant
4 mères décrivent des tétées rapides : 1, 5, 8, 16
2 mères de tétées longues : 13, 17
6 mères des tétées fréquentes : 5, 7, 8, 11, 13, 14, 17
2 mères des tétées espacées : 2, 12
Mère 2 : « au début, c’était…réglé comme du papier à musique »
Mère 7 : « il s’endormait heu… je devais être soporifique, il s’endormait beaucoup à mon
sein et du coup, il prenait pas ce qu’il fallait et… il demandait toutes les demi-heures quoi »
Mère 8 : « Là, elle tétait très souvent mais bon heu… comme c’était un bébé , heu… je ne me
suis pas affolée. »
Mère 11 : « elle dormait bien la nuit, (…). Elle ne dormait pas la journée, par contre. (…)
Elle était tout le temps au sein, donc. »
Mère 14 : «il tétait, heu… à peu près douze fois par jour, donc heu… ça commençait à faire
(rires) beaucoup… c’est vrai que c’est très prenant, donc faut être disponible, mais heu…
dans la mesure où on moi, j’étais en congé, et puis j’avais rien d’autre à faire »
115
 La compréhension des besoins/ les pleurs
7 mères évoquent l’interprétation difficile des besoins de leur enfant et de leurs pleurs et le lien
qu’elles faisaient avec l’allaitement : Mères 4, 5, 6, 8, 14, 15, 16
Mère 5 : « il était souvent au sein, quoi. Parce que je savais pas trop, heu… quand il pleurait,
je le mettais au sein directement, je savais pas trop le pourquoi du comment ? (rires) ».
Mère 6 : « c’est vrai qu’il a beaucoup pleuré, heu… heu… pendant, heu… deux mois et
demi…(…)Mais… bon, au niveau de l’allaitement, je me… il était rassasié, en fait » « Donc,
heu… il pleurait parce qu’il avait des coliques, heu… »
Mère 8 : « c’est un bébé qui était pff qui…réclamait uniquement quand elle avait besoin de
quelque chose… qui réclame d’ailleurs souvent quand elle a besoin de quelque chose (…)
éventuellement quand elle a besoin d’un câlin, mais elle a pas besoin d’être heu… portée
outre mesure. »
Mère 14 : « il réclamait… beaucoup, alors, je sais pas si chaque fois c’était pour heu…
vraiment manger, ou pour téter heu… pour téter, quoi, sans heu… sans… sans vraiment…
boire. »
Mère 15 : « mademoiselle, heu… ne réclamait pas à manger donc heu… j’a… j’avais pas… je
ne savais pas trop quel rythme lui donner », « Autant, elle n’a jamais réclamé à manger…
Mais quand… je la mettais au sein, elle n’a jamais refusé le sein. (…) elle s’en servait aussi
pour heu… tétouiller…Pour heu… se calmer, pour s’endormir…(…)Voilà, comme heu… une
sucette, quoi, en gros.
Mère 16 : « … Surtout en fin de journée, elle (son enfant) demandait beaucoup, mais il y a…
aussi les angoisses. », « Elle a eu beaucoup de coliques, mais encore. Voilà donc heu… non,
c’est la… digestion de lait dans la famille c’est pas… c’est pas optimal (rires) », « on se
demandait si c’était quelle avait mal… si elle arrivait à faire la différence entre le mal de
ventre et la faim. Et vu qu’elle avait beaucoup de… de coliques, on savait jamais trop que… si
il fallait la mettre au sein ou pas »
Mère 17 : « Sans qu’il… se mette à hurler non plus dans tous ses états, ouai, il heu… il
manifestait qu’il (rires) avait faim. »
c . La privation de tabac et d’alcool
Aucune mère ne dit avoir été gênée par la privation d’alcool
Une mère a souffert de la diminution du tabagisme lors de l’allaitement (Mère 9), une avoue avoir
« fait quelques entorses » (Mère 16)
A l’évocation du tabagisme et de la privation d’alcool, les réponses sont assez unanimes et courtes. La
plupart des mères répondent simplement « non » (elle n’ont pas été gênées par la privation d’alcool ou
de tabac), cependant on relève quelques réponses plus développées :
Mère 9 : « il faut savoir que j’étais une grosse fumeuse hein… c’était quarante clopes par
jour hein (…) donc là, le tabac, ça a été vachement difficile. De toute façon, j’ai jamais pu
m’arrêter complètement, (…) j’allais faire des gros efforts, mais je continuerais… alors je suis
arrivée, je suis descendue à sept cigarettes par jour. Mais sept par jour c’était… (grimace) »
Mère 10 : « c’est vrai qu’on a quand même envie des fois de… boire un peu de bière, ou une
coupe de champagne quand on fait la fête, quoi, mais heu… à part ça, non, non. Comme (…)
j’avais arrêté, heu… pendant la grossesse, c’est vrai qu’après, heu… ça pèse pas heu...
Pareil »
116
Mère 16 : « ça m’est arrivé, mais même quand j’étais enceinte, heu… de fumer une cigarette
dans la journée. Mais j’en fumais rarement heu… des fois une, heu… voilà. Puis voilà… on
buvait du panaché (rire). »
d . L’adaptation des traitements
La prise de traitement a été problématique pour 4 mères : mères 5, 9, 15, 16
Mère 5 « j’ai choppé encore une infection en partant de l’hôpital, donc j’étais sous
antibiotique, c’est plutôt ça qui me dérangeait par rapport au petit, quoi. »
Mère 9 : « on m’a dit, « mais madame, vous avez votre déchirure, là qui vous fait mal eh ben
on va vous donner de l’arnica… ». J’ai dit « mais ça c’est pisser dans un violon » on m’a dit :
« mais tant que vous avez votre heu… votre allaitement… eh ben on peut pas vous soigner
votre déchirure, hein… »
Mère 15 : « toutes les années je… normalement, je prenais, heu… un traitement de
désensibilisation. Ben voilà. Que je ne peux pas prendre. Heu… même pendant ma période
allergique, je ne peux pas prendre d’antihistaminiques, heu… il faut que je prenne autre
chose. Heu… j’ai heu… des… une inflammation de la vessie. Et heu… pour la traiter… ben
j’avais… enfin (silence)… je peux, je pourrais prendre un traitement sauf… médicamenteux,
sauf que… pendant l’allaitement, j’ai pas le droit. Heu… voilà. Plein de petites choses comme
ça »
e . La place de l’entourage, entre soutien et pression
Aide logistique
9 mères se sont senties entourées par les proches. (Mères 1, 5, 6, 8, 9, 12, 13, 16, 17)
Mère 1 « tout le monde nous a soutenus »
Mère 5 : « j’ai… ma mère qui m’aidait bien.», « heureusement qu’elle était là.»
Mère 8 : « j’ai eu… ma maman qui était restée quelques temps, donc heu c’est vrai qu’elle
s’occupait un petit peu de toutes les tâches ménagères, ce qui fait que heu j’étais vraiment
centrée sur mon bébé. »
Mère 9 : « mon mari m’a dit : « mais t’inquiète pas pour la maison, tant pis ça sera le bordel,
mais… je vais… activer avec les gamines, on va donner un coup de main… »
Mère 13 : « je suis allée chez ma maman, donc heu… je ne faisais pas à manger, heu…
j’étais heu…princesse.(…)je faisais que de m’occuper de… que de ma fille. »
2 mères ont perçu un entourage peu aidant ou n’ont pas su demander de l’aide : Mères 7 et 15
Mère 7 :« enfin est-ce que vous é… vous étiez entourée ? (…) Pas trop non plus, non. (…)
Du coup je m’arrangeais avec mon mari, enfin voilà, lui il rentrait plus tôt, moi j’allais faire
les courses heu… »
Mère 15 : « c’est surtout que j’ai beaucoup de mal à demander de l’aide. Et heu… je
considère que le premier à m’aider, ça devrait être mon homme… ce qui n’était pas forcément
le cas. »
117
Soutien de l’entourage, incitation à continuer l’allaitement
14 Mères ont reçu des avis positifs ou des encouragement de la part de l’entourage (Mères 1, 2, 3, 4,
5, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 15, 16, 17)
o
Bonne opinion, favorables à l’allaitement : Mères 1, 3, 5, 6, 8, 9, 11, 12, 15, 16, 17 (Mère 3 :
« ils ont maintenant un avis positif », « ils ont vu que »), (Mère 8 : « ils disent que c’est
bien »)
o
Encouragement, soutien : Mères 2, 4, 12, 15 (Mère 2 : « plutôt entourée », « personne ne m’a
dit que je faisais un truc bizarre »)
o
Valorisation : Mères 1, 17 (Mère 16 : « c’est bien que t’allaites », « t’as ce courage »)
Mère 12 : « ma sœur… m’a beaucoup beaucoup soutenue en me disant : « mais non, il n’y a
pas de raison, t’as r… t ‘as allaité les trois autres et ça s’est très bien passé, et… ils en sont…
ravis et toi aussi… il n’y a pas de raison que ça ne fonctionne pas, et je pense que… elle a été
une des personnes qui m’a aidée à faire en sorte que ça f… enfin, à tenir le coup, quoi. »
Mère 15 : « je disais, heu… c’est heu, pfff… allez, ça suffit, on passe au bib, on passe au lait
en poudre, j’arrête l’allaitement. Là par contre, heu… « Oh ! Mais continue un petit… encore
un peu, heu… ou… fais le tire-lait pour te… soulager, heu… » (pression pour continuer de
l’entourage)
Mère 16 : à propos de ses amies : « dès que je les avais au téléphone, c’était : « alors ? » je
dis : « ben, je commence à en avoir marre, là, je vais peut-être arrêter » « ah non, non, il ne
faut pas arrêter, hein, attends, ne bouge pas, je t’amène une tisane, ça va tenir et tout (rires)
ça va faire remonter le lait… » (…) elles étaient à fond, il fallait absolument que je continue
heu… que c’était dommage de s’arrêter là, enfin bon… bref.
Mère 17 « J’ai la chance d’avoir un entourage qui me laisse heu… (rires) qui me fasse pas
trop de commentaires… »
Pressions négatives, ou incitation au sevrage
5 mères estiment avoir ressenti des pressions sur leur allaitement, une incitation au sevrage, ou des
avis négatifs. Mères 5, 7, 9, 10, 13. Ces pressions ont particulièrement été perturbantes pour 3 mères :
Mères 7, 10, 13.
Mère 5 : « il y en a qui me disaient qu’il fallait que j’arrête d’allaiter, heu…(…)Que ça
commençait à jouer sur mon…état heu… général. Mais bon… je continuais… »
Mère 7 : « après l’entourage heu… (…) tu devrais pas faire comme ci, tu devrais pas faire
comme ça… » (…) « ha ben dis donc, si tu luis donnes tout le temps, ben t’as pas fini… » heu,
enfin voilà, c’était sans arrêt des petites réflexions heu… comme ça, c’était pas évident à… à
vivre, non plus. », « surtout le fait de l’allaitement à la demande, ça là… y’a beaucoup de
gens qui ont (rires) eu du mal à comprendre. »
Mère 9 : « J’ai ma belle mère (…) elle m’ ben eu dit : « oh ! pff ça va bien maintenant, tu… tu
sais, au bout de quinze jours, c’est quand même b… » je lui dis… « tststst… » puis comme elle
me connaît, elle me dit : « oui, non mais bon… ben (rires) » »
Mère 10 : « Heu… dans le sens que… que mon lait était pas assez riche, donc il fallait que
j’arrête, parce que ma petite, heu… elle grossissait pas », « de ce côté là, par contre on m’a
bien mis la pression », (mauvaise prise de poids) « par rapport à… mon entourage proche, ça
a été assez difficile, parce que… on mettait plutôt la pression pour que… j’arrête. »
Mère 13 : « C’était très dur, avec tous les avis de toutes les personnes autour.(…)« c’est pas
normal, heu…t’as pas de lait, il faut arrêter »
118
f . Le problème de la pudeur
Lorsqu’on évoque la question de la pudeur, 5 mères reconnaissant avoir été gênées par l’allaitement
en public. L’explication qui en est faite est parfois la pudeur en tant que telle des mères, ne souhaitant
pas dévoiler leur sein. Parfois, elles expriment un autre sentiment : la peur de gêner. Ainsi, certaines
mères allaitantes ont du se cacher par crainte, de la gêne occasionnée chez les autres, ou parce qu’on
leur avait exprimé clairement cette gêne.
La crainte de gêner l’autre
3 mères expliquent ce qu’elles ont ressenti par la crainte de gêner l’autre : (Mères 2, 3, 11)
Mère 2 « j’étais plus embêtée de… éventuellement gêner quelqu’un parce que j’allaitais,
plutôt que d’être gênée parce que quelqu’un… me regardait allaiter quoi… »
Mère 3 : « quand on va chez des… chez des gens, et que… et qu’on se sent des fois gênée
parce qu’il faut partir, et lui donner dans une autre pièce, ça c’est un peu… c’est un peu
embêtant »
Mère 11 : « moi, j’étais pas gênée, mais c’est vrai qu’à chaque fois je demandais aux gens,
quoi… Parce que je voulais pas les gêner non plus, j’essayais de heu……Quand même heu…
de, de cacher un petit peu, enfin, on trouve des astuces hein, mais heu…Voilà, je demandais
toujours : « ça t’embête si je la nourris ? » (…) si ça les embêtait, je montais, heu… mais dans
ce cas-là, je ne les voyais pas »
La crainte d’être gênée
2 mères se sont senties gênées par le regard des autres pendant une tétée (Mères 7, 10)
Mère 7 : « de donner devant tout le monde, devant des gens on n’a pas forcément envie de…
voilà »
Mère 10 : « généralement, je… j’essaie d’éviter d’allaiter en public, quitte à par exemple,
heu, quand je suis heu… d… dans un lieu public, retourner heu… à ma voiture, si je peux… ou
heu… ou éviter, heu… si je peux pas…Et… généralement, heu… j’essaie de m’isoler… Quand
je suis pas vraiment à l’aise, ou… juste avec mon mari ou ma famille proche, heu… j’aime pas
trop, ouai… effectivement. » « parfois, même, si je sais que… par exemple, j’aurais pas
l’occasion d’allaiter, heu… tranquillement, je préfère prendre un biberon et donner le biberon
de… de lait maternel. »
L’allaitement en public non problématique
Parmi les mères qui ne se sont pas senties gênée par la pudeur, nous avons relevé la notion de respect
(Mère 6), d’allaitement assumé (Mère 9), de fierté d’allaiter (Mère 12), d’allaitement discret (Mère 13)
Mère 6 : « les… gens respectent bien aussi »
Mère 9 : « Ah mais moi, qu’il y ait le président de la république ou quoi heu… je m’en fous »
Mère 9 : « moi j’ai jamais été gênée, moi j’ai un collègue de boulot qui est arrivé… j’ai dit
ben moi j’allaite, je vais… heu bon ben il s’est senti heu… Hum… il s… il a toussotté, il est
allé discuter avec mon mari… c’est pas un problème… c’est pas à moi à aller me cacher
(rires) parce que j’allaite mon enfant »
119
Mère 12 : « je pense qu’il y a des gens qui… qui… ne trouvent pas ça bien, ou qui estiment
qu’on n’a pas à le faire… ou pas en public, et qui… mais… moi, c’est quelque chose qui me
faisait tellement plaisir, et dont j’étais tellement… contente et f… fière, même, à la
limite…Que je pense que ça, je ne l’ai absolument pas vu »
Mère 13 : « en famille, heu… ou avec des amis (…) j’arrivais très bien à… allaiter sans que
ça se voie. J’étais pas gênée, en fait. »
g . Le regard de la société
Un regard plutôt bienveillant de la société
10 mères ont perçu un regard bienveillant de la société sur leur allaitement Mères 4, 5, 6, 8, 9, 12, 13,
14, 15, 17
o Mère 4 : « remarques encourageantes », « c’est beau », « c’est bien », « encouragée »
o
o
o
o
o
o
o
o
Mère 5 : « j’ai été bien vue »
Mère 6 : « c’est bien »
Mère 8 : « assez bien vu », « plutôt favorable »
Mère 9 : « regard attendri », « grand sourire »
Mère 12 : « regard bienveillant ou agréable »
Mère 13 : « sourire gentil », « c’est beau »
Mère 14 : « valorisée », « agréablement surpris »
Mère 17 : « bien dans ce qu’il fallait », « dans l’air du temps »
L’indifférence
5 mères n’ont pas ressenti de mauvais jugement de la société, ou n’y ont pas prêté attention : Mères 7,
9, 10, 12, 13
Mère 7 : « je l’ai pas mal ressenti… enfin c’est, après la société, ouai ce qu’ils pensent, moi je
m’en fiche un peu hein… »
Mère 9 : « j’aurais pas supporté, (…) si on m’avait regardé de traviole, j’aurais dit : « quoi ?
Y’a un problème là ? »
Mère 12 : « moi, c’est quelque chose qui me faisait tellement plaisir, et dont j’étais
tellement… contente et f… fière, même, à la limite… Que je pense que ça, je ne l’ai
absolument pas vu… enfin, c’est sur, même… je ne me suis pas rendue compte »
Mère 13 : « c’est aussi par rapport à mon regard, ça m’est égal, donc heu… »
Le jugement de la société
4 mères se sont senties mal jugées par la société : Mères 3, 8, 12, 16
Mère 3 « on est jugée, par exemple, si… si chez un médecin, un jour, ben on doit heu… dans
la salle d’attente, il faut… il faut l’allaiter, malgré qu’on mette une couverture, heu…(…)
Enfin, les gens, ils… ouai ils aiment pas. »
Mère 8 : « il m’est arrivé de… d’allaiter dans les… dans des lieux publics… heu… là on a
parfois un regard un petit peu en biais mais bon heu…disons que j’étais beaucoup moins heu
mal à l’aise par rapport à ça, que pour l’ainée puisque… puis après tout c’est naturel, heu…
même si ça ne leur plait pas c’est pareil »
120
Mère 12 : « je pense qu’il y a certainement eu des regards heu… négatifs, enfin, je pense qu’il
y a des gens qui… qui… ne trouvent pas ça bien, ou qui estiment qu’on n’a pas à le faire… ou
pas en public ».
Mère 16 : « il y a des mamies qui m’ont dit (…)elles étaient autour de moi, elles m’ont prêté,
heu… l’ombrage, heu… la… la chaise pour pouvoir m’asseoir, pour l’allaiter, quoi. Et puis
elle (son enfant) se tortillait beaucoup en étant au sein, parce que… elle avait mal au ventre,
quoi. Elles m’ont dit : « ah, mais c’est votre lait qui n’est pas bon » (rire). Voilà, bof… heu…
dans l’ensemble, heu… ouai, la… les gens ils n’y restent pas indifférents, quoi. »
h . Ressenti de l’allaitement
Des périodes de doute
Lorsque l’on étudie les expressions utilisées pour qualifier le ressenti de leur retour à la maison, on
relève certaines difficultés, indépendantes ou déterminantes pour leur ressenti global de l’allaitement.
o
Les doutes Mères 2, 5, 6, 7, 8, 12, 13, 14
o
Mère 8 : « l’impression que c’était pas efficace », « sentais perdue », « est-ce que
c’est normal », « interrogations »
o
o
o
Le découragement, la fatigue : Mères 7, 8, 9, 10, 13, 15
o
Mère 10 : « envie d’arrêter »
o
Mère 15 : « fatiguée », « ça suffit, on passe au lait en poudre, j’arrête »
La lutte, le combat : Mères 2, 8, 9, 10, 12
o
o
Mère 10 : « difficile », « se bagarrer »
Le stress, l’angoisse : Mères 2, 4, 5, 12
o
o
Mère 12 : « je ne savais pas ce qu’il fallait faire », « je ne savais plus trop »
Mère 2 : « beaucoup angoissée », « j’avais peur »
L’échec Mères 2, 9, 12, 13
o
Mère 13 : « on est obligé », « on est dans le déni », «on ne veut pas », « c’est dur »,
« on pleure », « ça marchait pas », « arrêter d’insister »
o
La douleur Mères 8, 9, 15
o
o
Mère 15 : « la douleur »
La perte de liberté
o
Mère 7 : « l’impression d’être complètement dépendante », « enfermée à la maison
avec mon allaitement », « je pouvais plus faire autre chose »
Mère 7 : « j’avais l’impression d’être complètement dépendante de mon fils heu… et plus du
tout heu… enfin d’être enfermée, un peu heu… voilà à la maison avec mon fils, avec mon
allaitement heu… j’ai l’impression que je pouvais plus faire heu… autre chose »
Mère 8 : « il y a même un moment, enfin quand je suis rentrée à la maison, où je me suis
dit : « je vais arrêter c’est pas possible. »
Mère 9 : « ça a été une grosse galère en rentrant de la maternité, ça m’a… j’étais tellement
fatiguée de la maternité, tellement, avec tout ce qui était arrivé… la tension heu… fuiiiit. » «
je me suis accrochée le dernier mois pour me dire : « je vais y aller jusqu’à mes trois mois,
c’est pour mes bébés, c’est… » Voilà. Donc heu… » « Comme quoi, le, le…le désir
d’allaitement était plus fort que… que tout… mais pourtant ça fait un mal de chien, hein ! »
121
Mère 12 : « comme ça a été compliqué au début, il y a eu un moment où je ne savais… plus
trop (rires). Ben, je me disais, ben il faut que j’a… enfin, tant pis, je vais arrêter et puis on va
passer au biberon, parce que… je m’inquiétais pour lui, en fait, j’avais peur qu’il ne grossisse
pas. Même si moi, je le vivais comme une f… frustration heu… énorme, heu… je préférais que
lui aille bien ».
Craintes du manque de lait et du lait pas assez nourrissant
4 mères ont exprimé la peur du manque de lait ou du lait pas assez nourrissant : (Mères 2, 4, 5, 6)
Mère 2 « j’ai eu beaucoup quand même heu… souvent… l’impression… de pas avoir assez de
lait, ou de pas, de pas… ouai, de pas produire assez heu…donc le soir surtout puisque heu…le
matin, je dégoulinais… »
Mère 4 : « lait pas assez nourrissant heu… si, (…) puisque ma fille re…recommençait à se
réveiller… (…) je pense que c’est des craintes mais qui sont pas… en fait justifiées. »
Mère 5 « comme heu… donc il… pleurait souvent, heu… j’avais peur que mon lait soit pas
assez nourrissant en fait. Ou non, pas… qu’il soit pas assez nourrissant, mais qu’il y en ait
pas assez…Parce qu’il tétait souvent. Donc il s’arrêtait, donc, heu… je pense qu’il était,
heu… je savais pas si c’est qu’il avait plus faim, ou si c’est que c’é… il était fatigué à force de
téter ? Donc c’était surtout ça qui était difficile »
Mère 6 : « j’étais un peu perdue, heu… quand il pleurait beaucoup et… c’est vrai que… y’a
des moments, où j’ai eu heu… heu… des doutes, quoi, en me disant : « moi, j’ai pas assez de
lait »
Un allaitement inutile ?
Madame 17 évoque cette impression d’avoir allaité « pour rien » car en se référant aux publications
sur les bienfaits de l’allaitement, elle n’aurait pas allaité suffisamment longtemps pour apporter à son
enfant une couverture immunitaire significative :
« On trouvait que vous aviez arrêté trop tôt ? Et même heu… par rapport à certaines études
qu’on lit, heu… de manière heu… inutile, quoi. Par rapport aux anticorps, à certaines choses
heu… il fallait tant de délai d’allaitement pour… être protégé de ci ou de ça… donc heu…
même un coup d’épée dans l’eau, quoi, si on voulait que ça soit pour un potentiel de
protection heu… immunitaire,(...) Que… en dessous d’un (…)par exemple heu… pour
protéger contre heu… les gastros, ces choses-là, il fallait au moins… trois mois, trois mois et
demi… heu… pour avoir suffisamment d’anticorps pour se protéger des… de… ce genre de
maladies, j’avais lu ça quelque part. (rires) Je ne sais pas si c’est vrai. Voilà. Et que… de
toute manière, ça ne servait à rien contre les problèmes heu… respiratoires, d’asthme,
bronchiolite, et cætera, l’allaitement, c’était inutile .»
Une impression de savoir faire, de bien être parfois
Pour exprimer leur ressenti de cette expérience, les mères emploient souvent des mots de différents
champs lexicaux
•
La réussite : Mères 1, 3, 8, 9, 12, 17
o
•
Mère 12 : « le bonheur d’y arriver »
L’assurance : Mères 2, 3, 8, 10, 12, 14, 15, 16
o
Mère 14 : « bien », « naturel », « je me posais même pas la question »
o
Mère 16 : « sereine », « tranquille »
122
•
•
La fierté : Mères 1, 10, 12, 14
o
Mère 1 : « valorisée »
o
Mère 12 : « contente de moi »
Le plaisir : Mères 7, 11, 12, 15, 17
o
Mère 11 : « vraiment sympa », « rapport intime »
o
Mère 15 : « contact », « patouille mes cheveux », « me regarde »
Mère 1 « vu que ça se passait bien, je me suis dit bon, ben c’est que je dois savoir faire »
Mère 7 : « j’ai adoré quoi… ces moments là quoi, c’était heu… je me suis posé des questions
mais en même temps j’ai aimé ça quoi »
Mère 8 : « ça s’est bien passé de toute façon, heu c’est vrai que j’avais pas de pression
particulière, hein… heu tant que ça se passait bien au niveau de l’allaitement on continue et
puis… heu, si y’avait eu des soucis, on aurait arrêté heu… un petit peu plus vite »
Mère 10 : « on va pas faire de fausse modestie, je suis super fière de l’allaiter »
Mère 12 : « j’ai retrouvé mes sensations (…) c’était très agréable. »
Mère 14 : : « c’est gratifiant, disons, quoi, de… sentir que… ben qu’on donne, heu… la vie, et
puis après qu’on donne heu… enfin qu’on continue à donner la vie finalement en… donnant à
manger, quoi »
Ere 17 : « je pense qu’il y a aussi cette compensation, (…), par rapport à la manière dont il
est né aussi…Et du coup, c’était vraiment un moment, heu… pour nous deux, quoi. Ouai, ouai.
Quelque chose de très positif. »
La comparaison avec les expériences antérieures
 Une nouvelle expérience à chaque fois
6 mères ont ressenti une expérience différente de leurs allaitements précédents, se sont senties parfois
déroutées, ou ont découvert de nouvelles sensations : (Mères 4, 8, 9, 12, 15, 17)
Mère 4 : « même si c’est mon troisième enfant, on a l’impression que, heu… on a tout à
redémarrer et tout à redécouvrir. »
Mère 8 : «ça s’est… bien passé pour l’ainée, plus difficilement pour la deuxième »
« Ben il y a toujours des moments où on s’interroge heu… c’est vrai que… enfin, j’en ai
allaité deux c’était pas du tout pareil heu… »,
« quand on allaite les deux… enfin deux enfants, on s’attend à ca que ça soit pareil, puis en
fait heu…(rires) c’est , c’est total… totalement diffèrent. »
« Je me sentais plus perdue en fait … parce que c’est vrai que pour la première on n’a eu
aucun souci (…) j’ai eu beaucoup plus d’interrogations heu pour heu… »
Mère 9 : « je connaissais pas les bouts de sein en plastique… (…) et j’ai découvert le tire-lait
électrique… »
« d’avoir deux bébés… qui aspirent en même temps… alors ça c’était… ouai… c’était
nouveau »
Mère 12 : « Non. Ben… le plus compliqué, ça a été le dernier, justement. (rires) »
Mère 15 : « c’était vraiment une grosse surprise » : en parlant des douleur ressenties à la mise
en place de l’allaitement pour sa deuxième fille, qu’elle n’avait pas ressenties pour la
première. Elle a aussi été étonnée qu’on ne donne pas systématiquement de complément à la
maternité.
Mère 17 : concernant la place du père pour le second enfant : « Ben… peut-être que c’était
plus facile, parce qu’on avait déjà… vécu ça (…) on était plus préparés, peut-être. »
123
 Un allaitement plus assumé
3 mères se sont senties plus à l’aise face au regard de la société ou de l’entourage, plus actrices de
leurs choix : (Mères 4, 8 et 15)
Mère 4 : « autant je pouvais être heu…gênée par heu des regards ou heu… heu pour les… les
ainés, autant là heu pff… c’est passé complètement »
Mère 8 : « j’étais beaucoup moins heu mal à l’aise par rapport à ça, (le regard des
autres)que pour l’ainée puisque… puis après tout c’est naturel, heu… même si ça ne leur plait
pas c’est pareil »
Mère 15 : « autant pour ma première, heu… j’écoutais un petit peu trop, justement, heu…
ce… tout ce que disaient les autres…Et pour la deuxième, pour bébé 15, j’ai… décidé… de ne
pas les écouter, et de faire comme je le sentais. Donc du coup, les pressions, je ne les ai pas
ressenties. »
Mère 17 : Concernant le choix de l’allaitement : elle a ressenti une pression de la société pour
sa première fille : « pour la première, heu… j’ai écouté ce qu’on me disait, et j’ai fait ce qu’on
m’a dit. Et… sans plus m’interroger. Pour le deuxième, je m’étais dit : « je verrai » et c’est
moi qui déciderai… »
 Une aisance dans les gestes
3 mères se sont senties plus à l’aise ou ont moins sollicité d’aide. (Mères 6, 9, 10)
Mère 6 : « pour cette grossesse, j’ai pas été non plus heu… conseillée comme la première,
par ce que… vu que j’avais déjà allaité, heu… mon premier. »
Mère 9 : « Quand une maman a déjà allaité, moi je connais mon corps, je connais mes
sensations, mes montées de lait, l’enfant, je sais quand il fait ventouse ou quand il fait pas
ventouse, quand il suce de traviole, je le sais, je veux dire… bon, « faites un peu confiance aux
mamans aussi, qui ont déjà une expérience de l’allaitement… »
Mère 10 : « Ils ont demandé si j’avais des questions, mais comme s… j’en étais pas à… à ma
première fois, généralement, heu… enfin à maternité 10, ils… laissent bien heu… »
«Par rapport à mon expérience, j’étai plus à l’aise, déjà. »
« là ça commence à être pas mal rôdé »
C’est vrai qu’à la première… entre le premier et le deuxième, on a tendance à… à changer
des choses, hein…Ça c’est sûr, mais c’est vrai qu’après, là heu… »
Mère 15 : n’a jamais ressenti de doute quant à la qualité quantité du lait, contrairement à son
premier allaitement.
i . Aides
professionnelles,
documentaires,
ou
associatives
sur
l’allaitement
Les professions de santé
Les aides sollicitées après le retour à la maison pour des questions d’allaitement ont été :
•
La maternité pour 1 mère : Mère 1
•
Une sage-femme spécialisée en lactation pour 2 mères : Mères 3, 12
•
Une sage-femme libérale pour 5 mères : Mères 5, 6, 7, 8, 15
•
La PMI : Mères 2, 7, 15
•
Le SESSAD : Mère 10
124
Une mère, Madame 3, a bénéficié d’une consultation avec une observation de tétée : « je l’ai allaitée
devant elle, donc heu… elle a vu qu’il n’y avait pas de souci »
La place d’internet et de la littérature
6 mères ont consulté internet pour des questions d’allaitement : (Mères 2, 7, 9, 15, 16, 17)
1 mère Madame 8, a consulté le « guide de l’allaitement maternel » édité par le PNNS :
« le médecin m’a donné ce… fameux livret là qui… qui était fabriqué par heu… le
gouvernement »
Madame 14 a consulté des ouvrages sur l’allaitement maternel pour se rassurer quant au bon
déroulement de son allaitement :« du fait de l’appui de ma mère et puis heu… des… des livres que
j’avais heu… heu… ben qui balayaient un petit peu les, les idées reçues, heu… ça m’a rassurée »
Madame 17 s’est référée à des livres : « j’ai des livres là… (Rires). Donc j’ai ressorti les Rufo,
l’Edwige Antier et voilà (rires) » elle évoque aussi des magazines, des journaux.
Les associations évoquées mais non sollicitées
Les mères connaissent en général les associations, mais ne les ont pas sollicitées pour leur allaitement.
•
1 mère, Madame 10, signalait avoir fait appel à une association pour un allaitement antérieur.
•
1 mère, Madame 4, a évoqué ses questions d’allaitement avec une connaissance qui
appartenait à l’association « Galactée ».
2 mères évoquent une image péjorative de l’engagement de ces associations dans l’allaitement,
qu’elles jugent exagéré :
Mère 4 : au sujet de la personne qui appartenait à l’association « Galactée » : « cette personne
(qui) était vraiment heu, je pense très, de très bon conseil … mais heu… tout compte fait,
heu… le médecin généraliste m’a parlé plus d’un respect de moi-même et de ce que moi
j’avais envie de faire… et heu… voilà… que heu… de vouloir à tout prix continuer un
allaitement maternel heu complet, à un moment où je suis quand même relativement épuisée »
Mère 11 : « Ça ne me plaisait pas trop, ce truc là, heu (…)je trouvais que ça faisait un peu
secte. (…) ils sont tellement pro-allaitement, c’était trop, quoi… elle(son amie) s’était mis une
pression monstre…… Parce qu’elle a… son bébé n’arrivait pas à allaiter, et… elle était
obnubilée par ça tout le temps. Tout le temps, tout le temps, tout le temps, donc heu… moi, ça
me… non. (…) je trouve que l’allaitement, c’est un truc qui se fait naturellement, je sais que
c’est pas facile pour certaines mères, mais heu… voilà, si ça se fait tant mieux, si ça ne se fait
pas, tant pis, ça ne change rien… à l’amour qu’on a pour son enfant, hein, donc heu… (rires).
Donc voilà, non, c’était pas… mon truc. »
1 mère (Madame 9) considère l’association « Leche League » comme un interlocuteur privilégié en
cas de question d’allaitement :
« si j’avais eu un… souci au niveau de l’allaitement, des doutes, heu des… des questions… ou
un s… tout simplement, un souci, je pense, que… j’aurais contacté la Leche League, (…) je les
125
aurais appelés, eux. (…) Parce que, eux… vraiment, c’est… vraiment… pour moi (…), la
Leche League, quoi, c’est vraiment… l’allaitement, voilà. Y’a un problème avec l’allaitement,
y’a des professionnels qui sont à l’écoute des femmes, ils sont pro-allaitement, ils prônent…
l’allaitement. »
j . Ce qui aurait été différent sans allaitement.
Une relation à l’enfant différente
7 mères relèvent que l’allaitement leur a apporté un lien particulier avec leur enfant, des moments
privilégiés. Mères 1, 4, 5, 6, 13, 15, 16
Mère 1 « ma fille aurait été moins… heu… moins proche de moi, (…) elle sait, quoi…Elle sait
que c’est moi et que… y’a pas de… y’a pas de doute »
Mère 4 : « ce n’est pas du tout la même chose. C’est deux choix heu… je vais dire heu…
presque heu… presque opposés. Dans le… la prise en charge de l’enfant. (…)Et dans le
nourrissage. Et le nourrissage ne comprend pas que l’allaitement »
Mère 5 : « j’ai eu des souvenirs de… lui que… personne n’a quoi. Parce que… la manière
dont je le… portais et tout… »
Mère 6 : « le contact, déjà, et puis… bon, avec le biberon, on a…on a le contact, mais, c’est
pas pareil »
Mère 13 : « comme c’était l’été, donc on… elle se mettait heu… en couches, et… donc, je me
mettais, moi torse nu, pour qu’on soit en contact… Et tout, c’était trop bien. »
Mère 15 : un contact plus long, plus intime, des moments, des gestes tendres : « Qu’elle
patouille mes cheveux…Qu’elle me regarde… »
Mère 16 : « ça aurait peut-être été du coup heu… une tache dans une première relation avec
ma fille »
Une histoire personnelle où l’allaitement est chargé de sens
Pour 4 mères l’allaitement avait une signification ou a pris une signification lourde de sens dans
l’histoire familiale : Mères 7, 9, 10, 12, 14
o
Les conflits familiaux que l’allaitement a engendrés :
Mère 7 « Ben je pense que, ouai, les gens… la famille m’aurait moins pris la tête » « j’ai
beaucoup culpabilisé sur le fait de…ben de, de… d’incorporer après le lait heu… artificiel »
Le lait artificiel a été introduit à 4 mois
o
Une représentation de la maternité non médicalisée, gâchée par une césarienne, un besoin de
maternage naturel :
Mère 9 « je me suis raccrochée à cet allaitement, mais je peux pas vous dire, comme un…
comme à une bouée en pleine mer »
o
Un allaitement maternel évident, la nutrition au lait artificiel inenvisageable :
Mère 10 : « pour moi, c’était évident que… je voulais allaiter, (…) quand j’ai eu l’envie
d’avoir des enfants, pour moi, ça allait de paire avec l’allaitement. »
o
Un allaitement comme un dû à son enfant par rapport aux ainés :
126
Mère 12 : « J’aurais été extrêmement déçue, frustrée… et… et embêtée pour lui, et je pense
que je me serais presque sentie obligée… à un moment ou à un autre… de me justifier à ses
yeux. Pourquoi lui n’aurait pas été allaité, alors que les autres l’ont été ? »
o
Un non allaitement inimaginable.
Mère 14 : « tout (rires) heu… pffff… c’est… tellement inimaginable que… je sais pas, je pense
que c’est plus… enfin… que c’est autre chose, quoi »
« c’est autre chose… sans, heu… c’est pas… forcément négatif hein…Mais c’est… c’est…
complètement différent, donc heu… ben… je pense que l’organisation de la vie des… des
premiers mois est complètement différente aussi »
o
Une histoire familiale marquée par l’échec d’allaitement de sa mère, un enjeu important :
Mère 16 : « c’est surtout affectif du fait que… que ma maman n’a pas pu nous allaiter, c’est
vrai que ça… ça devait heu… ben voilà, y’avait quelque chose d’important dans le fait de…
d’allaiter son enfant quoi. Ça c’est quelque chose qu’on garde en tête. », « Du fait que… ma
maman, ça a été un vrai… un échec de ne pas pouvoir nous allaisser… nous allaiter toutes les
trois. C’est à chaque fois, heu… qu’il y a une nouvelle naissance, c’est heu… « Alors ça va, tu
t’en sors ? ». « Ça du coup, c’est vraiment… ancré en moi, quoi. »
Une organisation, un retentissement maternel différents
6 mères imaginent que sans allaitement l’organisation ou le rythme auraient été différents : Mères 1,
2, 3, 8, 14, 15
o
Madame 1 : l’organisation des repas :
o
« ç’aurait pas été mon petit privilège à moi »
o
« ç’aurait été beaucoup de contraintes (rires) devoir emmener les biberons et tout et
tout »
o
o
Madame 2 :
o
La reprise du travail : « peut-être que j’aurais pris heu… repris le travail plus tôt »
o
Moins d’asthénie avec l’allaitement : « peut-être que j’aurais été moins fatiguée »
Madame 3 : Plus d’asthénie avec les biberons
« Quand il se réveillait à six heures, je l’allongeais à coté de moi, j’avais pas besoin de
descendre en bas, heu… donc moins… moins fatigant, déjà »
o
Madame 8 : Moins d’asthénie avec les biberons, des nuits meilleures
« Le temps de sommeil (rires) je pense (rires) essentiellement ça parce que c’est… ça qui est
fatigant… je pense que heu… avec un biberon heu… la petite serait plus calée et dormirait
quatre cinq heures, six heures d’affilée, et là c’est pas le cas »
o
Madame 14 : l’organisation matérielle, le père peut donner à manger.
o
Madame 15 : une plus grande liberté : la possibilité de laisser son enfant pour « s’enfuir un
petit coup ».
o
Madame 16 : une organisation simple avec l’allaitement, qui se concentre sur la relation
entre la mère et son enfant : « moi, le fait d’avoir allaité les deux jusqu’à trois mois, j’ai
jamais eu un stérilisateur. Enfin, je veux dire, c’est un biberon propre dans un sac,
127
heu…Voilà aujourd’hui, quoi. Et avant, c’était même pas un sac…C’était une couche glissée
dans la poche »
Un enfant en bonne santé
2 mères évoquent la santé de leur enfant, qu’elles jugent meilleure que s’il avait été nourri avec des
préparations pour nourrisson : Mères 6 et 8
Mère 6 : « ça le protège beaucoup, heu… contre les maladies heu… que… qu’il n’y aurait pas
eu avec le biberon»
Mère 8 : « je pense qu’elle serait sans doute plus malade. »
Rien
2 mère a répondu que pour elles, rien n’aurait été différent si elle n’avait pas allaité. (Mères 11 et 17)
Mère 11 : «rien. (…) Pour moi, il n’y a vraiment aucune différence entre les deux. »
« si ça ne se fait pas, tant pis, ça ne change rien… à l’amour qu’on a pour son enfant. »
10 . VECU DU CONSEIL PAR LE MEDECIN GENERALISTE
a . Relation avec le médecin généraliste
Ancienneté du suivi
8 mères sont suivies depuis peu par leur médecin généraliste, souvent depuis la grossesse de leur
dernier enfant : (Mère 1, 2, 4, 6, 8, 14, 16, 17)
8 mères évoquent un suivi depuis plusieurs années, certaines depuis qu’elles sont mères (Mères 5, 7,
9, 10, 11, 12, 13, 15)
1 mère est suivie depuis l’enfance par son médecin : Mère 3
4 mères signalent que leur médecin suit aussi le reste de la famille : mères 10, 11, 12, 13
Pour les suivis récents, un choix de réputation ou de proximité
5 mères indiquent avoir choisi leur médecin en fonction de sa réputation ou de ses connaissances en
homéopathie, pédiatrie, etc : Mères 4, 6, 7, 14, 16
Mère 4 : « j’ai fait le choix du médecin… je savais qu’elle pouvait répondre aussi (aux
questions d’allaitement) », « ce médecin m’a été indiqué, (…) je souhaitais faire des choix
heu … aussi par rapport à ma fille heu… médicaux… heu qui pouvaient respectuer sa…
respecter sa nature »
Mère 6 : « De réputation, puis je… savais que… elle (le médecin) heu…prescrit de
l’homéopathie, heu… elle est bien »
Mère 7 « on m’avait dit qu’elle (son médecin) était sympa… voilà, jeune… »
Mère 16 : « on me l’a conseillé. Parce que… il suit les enfants d’une, d’une amie »
128
2 mères ont fait un choix d’affinité : Mères 2 et 5
Mère 2 : « c’est un médecin que je connais depuis longtemps, mais qui nous avait jamais
suivis… »
Mère 5 : « je l’avais connue à l’hôpital. (…)En tant qu’interne »
1 mère indique avoir fait un choix de proximité : Mère 8
Une relation de confiance
Nous avons relevé les termes utilisés par les mères pour évoquer la relation qu’elles entretiennent avec
leur médecin :
•
Plutôt bonne/ bonne / très bonne relation : Mères 3, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13
•
De confiance : Mères 4, 8, 11, 12, 15, 17
•
On se/ me connaît bien /très bien : Mères 3, 10
Et aussi :
•
« disponible », « prend le temps », « sentie à l’aise » (Mère 1)
•
« intimité », « vraiment satisfaisant » (Mère 4)
•
« m’entends bien avec » (Mère 5)
•
« excellent », « excellents rapports » (Mère 9)
Mère 1 « je la trouve heu… très disponible et heu… c’est pour ça que… d’ailleurs heu…j’ai
pas hésité à lui demander de faire mon suivi de grossesse parce qu’elle est vraiment heu…
enfin elle prend le temps quoi…elle prend vraiment le temps et… du coup heu… non du coup
je me suis sentie à l’aise et »
Mère 4 : « je me sens vraiment en confiance avec elle, heu… au niveau de l’intimité heu… il y
a quand même quelque chose d’assez heu… ben c’est vraiment satisfaisant »
Mère 8 : « C’est elle qui m’a suivie pour la grossesse, donc heu…y’a pas de souci au niveau
de… de la confiance. »
Mère 9 : « j’ai… mais d’excellents rapports. Autant avec le médecin qu’avec… la personne,
hein… »
b . Le contexte de l’évocation de l’allaitement.
La consultation de suivi du nourrisson
Toutes les mères ont évoqué l’allaitement lors de consultations de suivi du nourrisson, ou lors d’un
rendez-vous pour une vaccination de leur enfant.
Mère 1 : « ma fille avait des vaccins à faire (…) on en a… parlé en passant »
Mère 2 : «comme je le vois en dehors de son cabinet heu…des fois on… parle aussi en dehors
»
Mère 7 : « Pour les visites pour lui (son enfant) en même temps j’en profitais… »
129
Les autres situations
3 mères ont consulté pour une question d’allaitement
o
Mère 1 : prescription de tire-lait
o
Mère 7 : des doutes quant à la poursuite de l’allaitement
o
Mère 15 : une lymphangite
3 mères ont consulté pour motif maternel où l’allaitement a été évoqué : Mère 6, 15, 17
o
Mère 6 : arrêt de travail
o
Mère 15 : adaptation et suivi de son traitement de fond
o
Mère 17 : asthénie
3 mères ont évoqué l’allaitement par téléphone :
o
Mère 2 : impression de manque de lait : veut donner un complément
o
Mère 6 : les pleurs
o
Mère 16 : coliques ou intolérance au lait ? : faut-il passer à un lait anti-allergique ?
c . Les sujets abordés
Les questions sur le déroulement de l’allaitement, de la diversification et du sevrage
Les questions sur le déroulement de l’allaitement ont concerné :
•
Les pics de croissance : Mère 1
•
Les coliques du nourrisson : Mère 2
•
L’impression de manque de lait : Mère 3
•
L’utilisation de compléments, d’eau : Mère 3, 5
•
La diversification : Mères 4, 9, 14
•
Le sevrage : Mères 5, 7, 8, 11, 12, 17
•
Les pleurs : Mère 6
•
La fréquence, durée des tétées : Mère 6, 8, 17
•
La prise de poids : Mère 6, 10
•
Des doutes quant à la poursuite : Mères 7,
•
L’utilisation d’un tire-lait: Mère 1
•
Les nuits : Mère 14
Les complications de l’allaitement
 L’asthénie
5 mères ont évoqué le sujet de l’asthénie avec leur médecin traitant : Mères 4, 5, 6, 16, 17.
Notons que les mères 5 et 17 auraient souhaité un arrêt de travail, et madame 6 a justifié son arrêt de
travail par l’asthénie. Un lien semble exister pour certaines mères entre allaitement, asthénie et arrêt de
travail.
130
3 mères ont perçu chez leur médecin la représentation selon laquelle l’allaitement serait une source
d’asthénie : Mères 4, 5, 16.
Mère 4 : « je suis en allaitement complet avec bébé 4 jusqu’à l’âge de ses 6 mois, elle a six
mois aujourd’hui, voilà, comme je suis quand même relativement fatiguée, heu… on a parlé
justement de pouvoir heu passer à… à la diversification… »
« Elle m’a dit « moi en tant que maman, je trouve que l’allaitement est quand même quelque
chose de… de fatigant… »
Mère 5 : « elle m’a dit : oui, que… il fallait que je prenne soin de moi… que c’était fatigant,
qu’il fallait être soutenue »
Mère 16 : « ben, si ça vous fatigue, vous… vous vous… vous écartez, mais… si… si, c’est … il
n’y a pas de problème, vous vous… vous la mettez au sein »
 Les autres complications de l’allaitement évoquées avec le médecin généraliste :
o
Les crevasses : Mère 10
o
L’engorgement : Mères 5, 10, 13
o
Hypersensibilité du mamelon : Mère 15
o
Lymphangite : Mère 15
Les problèmes médicaux où l’allaitement est pris en compte
Les problèmes médicaux où l’allaitement a été pris en compte ont été :
 Une poussée d’herpès : Mère 5
« j’avais fait un épisode de… d’herpès, donc pour savoir si… j’avais le droit de continuer… si
y’avait pas de souci… de risque avec le bébé… »
« Elle a été rassurante, elle a dit qu’au contraire, heu… ça… allait lui produire des anticorps,
et il fallait que je continue »
« elle a été voir si je pouvais prendre tel ou tel traitement… qu’il n’y avait pas de risque
heu… de passage, heu… au niveau du lait »
 Le sevrage en vue d’une anesthésie : Mère 12
 L’adaptation de traitement : Mère 15
 Des traitements pour les enfants : Mères 4 (homéopathie) et 16 (motilium,
débridat)
La question de l’arrêt de travail
4 mères ont bénéficié d’un arrêt de travail : mères 6, 8, 14, 15.
Madame 14 a eu une prescription d’arrêt de travail par son gynécologue pour pouvoir allaiter un mois
de plus.
Les autres mères justifient ces arrêts de travail par l’asthénie, ou par un « arrangement » avec le
médecin généraliste pour « joindre » les vacances ou le congé parental.
Mère 6 : « … j’ai été arrêtée, ouai… et c’est vrai que j’étais bien fatiguée, heu… »
Mère 8 : « il me manquait en fait une dizaine de jours pour rejoindre les vacances… Ce qui
me permettait d’avoir un mois de plus »
Mère 15 : « Il m’a fait un arrêt de travail avant le congé parental »
131
2 mères ont aussi évoqué la question de l’arrêt de travail :
Madame 5 aurait souhaité un arrêt de travail, mais ne l’a pas demandé (n’a pas osé ?)
« on m’avait dit que… si je demandais à mon médecin traitant, que… y’a des médecins qui
favorisaient le…Enfin… prolongeaient l’arrêt. » « Oui… mais… c’est vrai qu’en même temps,
je lui ai pas demandé à… à avoir un arrêt de tra… enfin… à être heu… ouai. (…)A
prolonger… »
Madame 17 s’est vu refuser un arrêt de travail qu’elle espérait
« là où je l’ai trouvée (le médecin),un peu négative, c’était heu… parce que moi, je pensais
que je pourrais… (Rires) avoir une au deux semaines de plus, heu… et que non, il fallait
heu… sevrer, dès ce moment-là…Donc j’ai compris que… j’allais reprendre le travail à la
date heu… prévue. Donc il fallait que je commence le sevrage.(…) j’étais un peu déçue par
rapport à ça, quoi, ce côté un peu heu… enfin, que je comprends, hein, c’est… La loi, c’est la
loi.».
d . Orientation vers un autre professionnel de santé pour l’allaitement.
Aucune des 17 mères n’a été adressée à un autre professionnel de santé.
e . Position du médecin par rapport à l’allaitement qualité d’écoute et
d’information
Position favorable des médecins généralistes
14 mères ont perçu la position de leur médecin généraliste comme favorable à l’allaitement. (Mères 1,
2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 12, 15, 16, 17)
Pour définir la position de leur médecin par rapport à l’allaitement maternel, les mères utilisent les
qualificatifs suivants, et les introduisent parfois d’une nuance sur la certitude de leur impression :
•
Mère 1 : «elle est pour », « aider » / « je pense », « il m’a semblé », « plutôt dans le sens ».
•
Mère 3 : « le meilleur lait », « continue au maximum / « pour elle c’est »
•
Mère 4 : « bienveillante », « favoriser »
•
Mère 5 : « elle est pour », « prône l’allaitement » / « je pense que »
•
Mère 6 : « bonne »
•
Mère 7 : « pour l’allaitement », « aider » / « je pense »
•
Mère 8 : « plutôt favorable »/ « je pense »
•
Mère 9 : « très pro-allaitement »
•
Mère 10 : « plutôt pour », « plutôt positif »
•
Mère 12 : « plutôt encourageante »
•
Mère 15 : « m’encourage de poursuivre », « le plus longtemps possible », « empathique »,
« position favorable à l’allaitement »
•
Mère 16 : « renvoie plutôt du positif », « favoriser », « laissant le choix »/ « à mon avis »
•
Mère 17 : « prise entre deux discours »
132
Pas de position exprimée :
3 mères n’ont pas ressenti de position de leur médecin par rapport à l’allaitement : Mères 11, 13, 14.
Mère 13 : « c’était pas là la question »
Mère 14 : « y’avait pas de dogme heu… d’un côté ou de l’autre quoi… d’arrêter ou de
continuer »
Qualité de l’information
14 mères ont senti leur médecin à l’aise avec les questions d’allaitement, donnant des informations
adaptées: (Mères 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 14, 16, 17.
Madame 12 a senti son médecin prête à l’aider à poursuivre son allaitement malgré la chirurgie
prévue, mais ne voyait pas « concrètement » comment ces solutions étaient applicables.
Madame 13 a jugé que l’information sur l’allaitement était inexistante, que son médecin n’abordait
pas le problème sur l’angle de l’allaitement : « Il n’y avait pas de question poussée sur l’allaitement ».
Madame 15 a eu le sentiment que son médecin était peu à l’aise avec les questions liées à
l’allaitement. Il a d’ailleurs prescrit une crème en traitement de la lymphangite, que le pharmacien a
refusé de lui délivrer car elle était « déconseillée pendant l’allaitement depuis quelques années ».
Mère 8 : « je pense qu’elle a… bien répondu, après c’est vrai qu’elle a pas forcément réponse
à tout heu… je pense par exemple au sevrage, elle a eu la même pro… les mêmes problèmes
avec ses enfants donc (…) Elle a pas forcément la…la réponse »
Mère 15 : quelle a été sa réponse aux problèmes d’allaitement ? « Pas très assurée… je
dirais (…) j’avais pas l’impression qu’il en connaissait mieux que moi. »
Certains médecins recherchent des informations au sujet de l’allaitement
2 mères ont apprécié le souci de recherche d’information de leur médecin sur les questions
d’allaitement :
Mère 5 : « Et puis, si y’avait souci, parce que…Par rapport heu… comme j’avais fait donc de
l’herpes, elle a été voir si je pouvais prendre tel ou tel traitement… qu’il n’y avait pas de
risque heu… de passage, heu… au niveau du lait »
Mère 10 : « ce que j’ai apprécié, c’est qu’elle hésite pas à s’informer, voire se former, si
besoin est donc heu… je pense que oui, oui, c’est plu… c’est plutôt positif, heu… de ce point
de vue là pour moi»
Des médecins à l’écoute de leurs patientes
Les mères se sont senties globalement écoutées et comprises par leur médecin, en dehors des trois
situations des Mères 6, 13 et 17, que nous étudions ci-après.
Certaines mères ont particulièrement apprécié cette qualité d’écoute :
133
Mère 4 : « je pense qu’elle est dans le respect heu de… de ce que moi je… je souhaite, et
heu…et de ce qui est possible, pour moi. »
Mère 10 : « elle (le médecin) a été vraiment très philosophe, quoi (rires) de ce côté-là. Heu…
ben là, elle était vrai… elle était à l’écoute, oui, oui. » (au sujet de la mauvaise prise de poids
de sa fille)
Mère 12 : «elle m’aurait plutôt poussée dans ce sens, (de continuer l’allaitement) en me
disant : « mais si vous avez envie, c’est dommage, heu… ». Mais en même temps, elle m’a
aussi dit : « il faut que ça soit confortable pour vous… si… » Donc elle a heu… accompagné,
heu… c’était plus ça… de me dire : « ben voilà, ce qui serait possible, médicalement
parlant » mais, heu… on fait en fonction de… des évènements. »
Mère 14 : « elle était là… à mon écoute… et… heu… mais sans, sans m’orienter d’une façon
ou d’une autre quoi… pour ou contre l’allaitement »
Mère 16 : « il m’a dit son point de vue… j’ai pu parler du mien, puis on a pu en reparler
d’abord avec mon mari avant de décider quelque chose pour les vaccins. Donc heu… non je le
t… je le trouve heu… je le trouve souple et heu… et à l’écoute de ce que les… les les gens
souhaitent. Voilà, c’est… Et puis, enfin, tout en… tout en essayant de transmettre aussi son
point de vue heu… médical qui … voilà, qui est nécessaire ».
Des situations d’incompréhension
Madame 6 : évoque un malentendu quant à l’introduction des compléments.
Elle avait émis le souhait aux cinq mois de son enfant, de constituer des réserves de lait en prévision
de la reprise du travail. Elle souhaitait introduire un biberon de complément, occasionnellement, pour
pouvoir tirer son lait à la place d’une tétée. Lors de la pesée, son enfant avait peu ou pas pris de poids,
et le médecin a conseillé l’introduction de complément de lait systématiquement et ainsi débuté le
sevrage. Ses collègues sages-femmes lui ont par la suite expliqué que cet infléchissement du poids
vers les cinq mois était classique. Madame 6 considère donc que ce sevrage a été débuté pour de
mauvaises raisons.
Madame 13 ne s’est pas sentie écoutée dans son désir d’allaiter son enfant et déplore que l’attention
de son médecin ne se soit pas portée sur le bon déroulement de celui-ci.
Elle s’est sentie culpabilisée de vouloir continuer l’allaitement aux dépens de sa fille :
« je ne sais pas si elle m’ a fait comprendre, ou c’est moi qui l’ai compris… mais heu… en fait
que ce… que l’allaitement heu… c’était… enfin, c’est moi… qui heu… qui cherchais
l’allaitement. Qui, qui, qui… qui insistais. Alors que elle, ça lui… ne… n’était pas bénéfique
pour elle. »
« La discussion de l’allaitement, non. C’était le poids, c’était pas : « est-ce que… j’ai des
difficultés à allaiter ? Comment je l’allai… ». Il n’y avait pas de question poussée sur
l’allaitement. Est-ce que peut-être, j’avais un problème au ni… vraiment au niveau de la
méthode ? Et pas de… de mon lait. Parce que du coup, moi, je… et heu… c’est ce que j’ai
compris. Avec l’entourage, et le médecin, c’est que j’ai pas de lait, donc il faut pas que
j’insiste. (très émue). »
Madame 17 aurait souhaité un arrêt de travail, elle se sentait fatiguée. Elle ne s’est pas sentie
comprise :
« la fatigue, voilà, c’est aussi quelque chose de subjectif, je pense, donc, moi, je me sentais
fatiguée, j’ai heu… elle m’a fait des examens qui avéraient que j’étais en parfaite santé
(rires). Donc heu… voilà. Heu… ben, c’est toujours pareil, quand on est fatiguée, heu… les
causes peuvent être multiples… et les manières de mesurer la fatigue aussi, donc après heu…
134
ben, peut-être oui, le côté un peu… compassion. (rires) je ne sais pas. Vous trouvez qu’elle
compatissait beaucoup, ou... ? Peut-être pas… assez à ce moment-là…
f . Impact de l’intervention du médecin sur l‘allaitement ?
Une intervention encourageante, motivante, une réassurance
Les mères qui ont ressenti un impact de l’intervention de leur médecin généraliste dans le déroulement
de leur allaitement relèvent :
Des encouragements, (Mères 1, 3, 4, 6) ou un prolongement de la durée : Mères 8, 10, 12, 17
(initialement)
 Mère 8 : « permis de continuer », « soutenue », « j’aurais arrêté plus vite »
Un déroulement facilité
 Mère 11 : « sevrer sans me poser de questions », « tranquillement »
Une réassurance : Mères 6, 7, 10, 16, 17
 Mère 16 : « il m’a mis à l’aise dans les choix que j’avais faits »
Mère 1 : « plutôt motivante »
Mère 3 : « je voulais tout de suite couper heu… me… enfin couper mon lait pour heu… le
mettre tout de suite au biberon en poudre. Mais bon, elle m’a… enfin, elle m’a bien dit que…
enfin, c’était vraim… c’aurait été vraiment bien que je continue avec le lait maternel et tout ».
Mère 6 : « j’y suis allée, (consulter le médecin) je savais plus heu… si j’avais assez de lait,
ben elle, au contraire, elle m’a... encouragée pour heu… me remotiver » ,
Mère 8 : « je pense que ça m’a…permis de continuer. Je… je crois que si… elle ne m’avait
pas… soutenue en me disant que si, c’était bien heu…(rires) je pense que j’aurais ét…arrêté
plus vite. »
Mère 12 : « plutôt encourageant, sachant que… après, il y avait heu… à la fois, j’étais
d’accord avec ce qu’elle me disait et en même temps, je me sentais p… je ne voyais pas…
vraiment comment concrètement, je pouvais faire. », « En même temps, j’avais l’impression
de… pas vraiment avoir moi, heu… tous les moyens en ma possession pour mettre en œuvre ce
qu’elle me proposait. »
Pas d’impact pour certaines
3 mères estiment que la consultation avec le médecin généraliste n’a rien changé sur le déroulement
ou les représentations de leur allaitement : Mères 9, 14, 15
Mère 14 : « ça a pas changé grand chose en fait (…) ma source la plus heu… pfff… quand
j’avais vraiment des questions, c’était plus à un… bouquin que je me… référais que… qu’à
mon médecin. »
Le médecin a précipité le sevrage ?
Pour Madame 13, l’impact du médecin n’a pas porté sur l’allaitement : « En fait heu… elle, son
impact, c’est vraiment par rap… c’était par rapport à la petite, qu’elle grossisse. C’est tout. Donc,
moi, après je… j’ai continué au maximum, comme je pouvais. »
135
Pour Madame 17, le médecin a précipité le sevrage en refusant l’arrêt de travail : « c’est… finalement
plus elle que moi, qui a décidé que ça… s’arrêtait. »
Quelques représentations qui changent
Les représentations des patientes qui ont évolué grâce à l’intervention de leur médecin ont été :
•
La possibilité de « faire passer » des substances au bébé, via le lait maternel :
Mère 2 : « par mon lait, heu… comme il passait des choses, je pouvais aussi lui faire heu…
entre guillemets, du bien »
•
La supériorité du lait maternel même congelé, par rapport aux préparations pour nourrissons.
Mère 3 : « elle m’a bien dit que… enfin, c’était vraim… c’aurait été vraiment bien que je
continue avec le lait maternel et tout, du coup, j’en ai même congelé, en fait, du lait. Alors que
je ne savais pas qu’on pouvait… enfin… je le… savais, mais moi, j’étais pas pour le lait
congelé, en fait, et elle m’a bien dit que y’avait pas de souci, heu… »
•
L’importance du ressenti de la mère, qui surpasse les théories sur l’allaitement :
Mère 4 : « il y a la théorie… et puis heu il ya le… le vécu de la maman avec l’enfant. », « elle
m’a dit « moi en tant que maman, je trouve que l’allaitement est quand même quelque chose
de… de fatigant… »(…) elle m’a plutôt heu… conseillée de m’écouter en terme de
diversification »
•
Le développement de la motricité buccofaciale grâce à l’allaitement maternel :
Mère 10 : « à cause, justement, heu… du p… du problème heu… d’hypotonie au niveau des…
des muscles… Je me dis : « bon ben là, heu… plus on pourra continuer, mieux ça sera pour
elle. »
g . Participation à notre étude
9 mères n’avaient pas évoqué leur participation à notre étude avec leur médecin au moment de
l’entretien
8 mères l’avaient évoquée. Aucune ne l’avait évoquée avant le recrutement téléphonique.
h . Nouveau recours
6 mères envisagent un nouveau recours à leur médecin généraliste pour leur allaitement en cours :
Mères 1, 2, 4, 6, 8, 10
4 mères l’envisagent pour une prochaine grossesse : Mères 5, 7, 13, 16
Mère 13 : malgré son expérience douloureuse souhaite faire de nouveau appel à son médecin
pour un prochain allaitement et précise: « comme c’était la première fois, bon heu… on… les
questions, elles viennent pas forcément tout de suite, heu… pfff… alors que là, j’aurais peutêtre… plus heu… des questions précises, heu… oui, je pourrais lui… lui redemander… »
136
1 mère envisage un autre recours que son médecin généraliste en cas de problème d’allaitement :
Mère 15
Mère 15 : « sur l’allaitement même, non, je pense que ça ne serait pas le meilleurs référent.
Je m’adresserais, peut-être plus… soit à une sage femme, soit la PM…aux… aux puer de la
PMI, par exemple, ou heu… ou à la Leche League »
1 mère estime que la Leche League est un interlocuteur plus apte à résoudre les problèmes
d’allaitement : Mère 9.
137
Tableau 12: contexte, contenu et impact du suivi de l'allaitement par le médecin généraliste
Mère
1
Ancienneté du suivi
Début de grossesse
2
Une connaissance
ancienne, suivi récent
3
Depuis l’enfance
4
Suivi récent :
réputation homéopathie
5
Rencontrée pendant
l’internat
6
7
8
Depuis la naissance de
bébé 6 (6 mois) Choix de
réputation et de
l’homéopathie
Depuis 3-4 ans
Choix de réputation
Depuis 6 mois,
a suivi sa grossesse
Choix de proximité
9
Depuis 5 ans
10
Depuis 3 ans
Médecin de la famille
11
12
13
Depuis 7-8 ans
Médecin de la famille
Depuis 6 ans
Médecin de la famille
Depuis plus de 5 ans
Médecin de la famille
Sujets évoqués
Pics de croissance
Prescription de tire-lait
Coliques
Manque de lait
Compléments
Durée de l’allaitement
Compléments
Asthénie
Diversification
alimentaire
Donner de l’eau ?
Suivi engorgement
Herpès
Asthénie
Sevrage
Pleurs
Rythme des tétées
Prise de poids
Arrêt de travail
Doutes, besoin de parler
Sevrage
Durée des tétées
Arrêt de travail
Sevrage/refus
biberon
du
Suivi
Diversification
Prise de poids
Engorgement
Crevasses
Suivi simple
Sevrage
Suivi simple, poids
Sevrage pour chirurgie
Mauvaise prise de poids
Engorgement
14
15
Depuis juste avant la
grossesse
Choix de l’homéopathie
Depuis 2,5 ans
17
Quand son enfant avait 1
mois (5 mois)
Juste avant l’accouchement
(7 mois environ)
Impact sur l’allaitement
reprendre le travail en
allaitant
passage de substances
maternelles dans le lait
6 mois
LM mieux que PPN
s’écouter si elle est fatiguée
LM, même congelé est
meilleur que les PPN
motivant
instructif
Encouragée à continuer
Continuer AM, traitement
adapté
Prendre soin d’elle soutien
Relais progressif
Isoler l’enfant de la famille
Allaitement à la demande
« j’étais bien fatiguée »
Ecoute, réassurance
Bonne prise de poids : durée
ok
Changer de tétine, de
biberon, épaississant à la
cuillère
Surveillance du poids
Les nuits
La diversification
Lymphangite
Arrêt de travail
Pleurs/ colique : passer
à un LA anticolique ?
La quantité de lait
Fréquence des tétées/
pleurs
Suivi, sevrage
Asthénie
Encouragée
Remotivée
Permis de continuer
Réconfortée dans le choix
Permis de continuer
Aucun
Approche « philosophe » ne
pas se référer aux normes
Appliquer du chaud/ Masser
Encouragements,
réassurance
Explication du déroulement
du sevrage, pas de traitement
Encourage à continuer
l’allaitement après la
chirurgie
Passage aux préparations
pour nourrisson
Prescription de tire-lait
Sevrage serein
Le suivi
Traitements à adapter
16
Propositions
Tisanes galactogènes
Explications sur les tire-laits
Tisanes
Ne plus allaiter la nuit, laisser
pleurer
Débuter à 6 mois
Crème déconseillée pendant
AM
Désensibilisation et
antihistaminique impossible
Pas de LA mais motilium /
débridat
Douleurs non dues à
l’allaitement.
Courbe de poids satisfaisante
Continuer à la demande si
mère disponible
Introduction progressive des
biberons
Encourageant, mais pas
réaliste ?
Impact sur la prise de
poids de l’enfant, pas
d’impact sur
l’allaitement : sevrage
Pas d’impact, source
privilégiée : un livre sur
l’allaitement
Aucun
Réassurance
Positif au début
Puis responsable du
sevrage
138
11 . HISTOIRE ACTUELLE
a . Alimentation actuelle
9 mères allaitaient encore lors des entretiens, parmi les 8 enfants sevrés, les délais de sevrage allaient
de 2,5 à 5 mois.
Tableau 13: récapitulatif de l'alimentation actuelle et reprise du travail
Mère
Diversification
1
2
3
non
oui
Oui
4
5
6
7
8
9
oui
non
oui
oui
non
oui
10
11
oui
commence
12
oui
13
14
oui
oui
15
16
Oui
Oui
Depuis 5 mois
oui
17
Allaitement/ lait
artificiel
Maternel exclusif
Maternel
Mixte depuis 5,5 mois
Tire son lait
Reprise du travail
oui
non
non
Maternel
Artificiel depuis 3 mois
mixte
Artificiel depuis 4 mois
Maternel exclusif
Artificiel depuis 3,5
mois
Maternel
Artificiel depuis 3 mois
non
Prévue à 6 mois/temps partiel
Prévue à 8 mois
Repris à 2,5 mois/temps
partiel
Non repris
Repris à 3 mois / temps plein
Repris à 6 mois / temps partiel
Prévue vers un an
Repris à 3 mois / temps plein
Repris à 6 mois
Artificiel depuis les 3,5
mois
Artificiel depuis 5 mois
Mixte
surtout maternel
Maternel
Artificiel depuis 3 mois
oui
oui
oui
Oui (jeté)
oui
Artificiel depuis 2,5
mois
Prévue à 3 ans
Repris à 3,5 mois / temps
plein
Repris à 4,5 mois / temps
plein
Prévu à 1 an
Repris à 4,5 mois / temps
plein
Congé parental jusqu’à 1 an
Repris à 4 mois/ temps partiel
Repris à 2,5 mois/ temps
partiel
9 mères allaitent toujours lors de l’entretien (Mères 1, 2, 3, 4, 6, 8, 10, 14, 15)
8 mères ont sevré leur(s) enfant(s) (Mères 5, 7, 9, 11, 12, 13, 16, 17)
5 mères établissent un lien entre la diversification et le sevrage. (Mères 1, 4, 7, 14, 16)
Mère 1 « le pédiatre, pourtant, qui a, elle aussi allaité, qui m’a dit elle aussi, ne pas avoir
heu… enfin être comme moi heu… appréhender la diversification, m’a quand même dit…
« oui, mais quand même à cinq mois et demi, il faudra commencer (…) moi, j’étais un peu
déçue (…) j’ai aussi beaucoup entendu dire que… on peut attendre aussi que le bébé soit prêt
et… moi, je voulais attendre heu… que… mon enfant soit prêt, donc heu… je pense qu’on va
attendre… on va pas la (rires)… désolée par la pédiatre. »
Mère 4 : quels sujets avez-vous évoqué avec votre médecin ? « la continuité ou non heu… ben
du coup de l’allaitement là… heu… si je me risquais justement à … la diversification heu…
maintenant ou heu… s’il était bon que je continue. » « Moi on m’avait déconseillé, en fait
139
de… heu… d’arrêter… enfin de passer à la diversification, ou de passer au biberon parce que
j’étais fatiguée… »
Mère 7 : « qui est-ce qui décide du sevrage ?… Ben en fait à six mois il faut commencer la
diversification alimentaire… »
Mère 14 : « idéalement, je pense que c’est l’enfant qui décide du sevrage, mais bon… moi,
dans mon cas, c’est vrai que… à partir de… six mois heu… on a commencé à lui donner de la
nourriture heu… plus solide quoi, parce que… Ben c’est le médecin qui conseillait ça donc
heu, voilà. »
b . Sevrage
Le vécu du sevrage
Les 8 mères qui ont sevré leur enfant (Mères 5, 7, 9, 11, 12, 13, 16, 17 ) expriment
 leur ressenti :
o
Mère 5 : « progressif », « peur que ça me fasse mal », « bien passé »
o
Mère 7 : « petit à petit », « une tétée toutes les semaines », « de moins en moins
de lait », « vidais les seins sous la douche »
o
Mère 9 : «petit à petit », « pas brusquer le bébé »,« il a fallu que je me fasse à
l’idée »,« il a fallu que je cède », «autrement, ça aurait pas été vivable »
o
Mère 11 : « Tranquillement. », « Tout doucement », « j’étais pas pressée », « je
suis contente »
o
Mère 12 : « brutale », « il a fallu que je sois opérée », « il fallait que j’arrête
d’allaiter »,« pas envie », « peur que ce soit compliqué », « extrêmement
compliqué », « beaucoup plus précoce que je ne l’aurais souhaité »
o
Mère 13 : « petit à petit », « plus de lait », « on est dans le déni », « on veut
pas », « c’est dur », « on pleure », « j’ai continué au maximum, comme je
pouvais » « on ne veut pas croire qu’on ne lui donnera pas le meilleur »
o
Mère 16 : « montées de lait légèrement douloureuses », « pleine de doutes », « on
est au bout », « on a envie de continuer », « faire le deuil », « Maintenant, j’ai pas
de regret. »
o
Mère 17 : « Engorgement », « lait qui coule », « frustration »
 Et celui de leur enfant :
o
Mère 5 : « bien accepté les biberons »
o
Mère 7 : « encore faim », « ça lui a pas trop posé de problème »
o
Mère 9 : «ça glissait tout seul »
o
Mère 11 : « à la fin c’est elle qui n’a plus voulu », « Elle m’a poussée », « c’est
bon, j’en veux plus »
o
Mère 12 : «il a pris très vite et très bien »
o
Mère 13 : « elle s’impatientait »
140
o
Mère 16 : « encore faim »
o
Mère 17 : « facilement », « il n’a pas manifesté de détresse de plus être au
sein de sa maman »
Mère 7 : « pendant un moment il voulait toujours (…) téter quoi, dès que… dès que je le
prenais il heu (…) Il cherchait et puis non il s’est… il s’est calmé. »
Mère 12 « j’avais tellement pas envie que la veille au soir, il était encore au sein, et j’avais un
peu peur que ça soit du coup, heu… très compliqué pour moi (rires) une fois à l’hôpital. »
« Donc, j’avais loué un tire-lait pour me rassurer, et en fait, heu… j’en ai pas eu besoin, parce
que j’avais quand même diminué les tétées », « J’ai eu beaucoup de chance, parce que moi, je
n’avais aucune envie, c’était… extrêmement compliqué ».
Mère 13 : « on a vu que son poids a pas du tout heu… évolué, donc heu… là il faut, et… ben
on est dans le déni, on… on veut pas…On veut pas… croire que on… on l’allaitera pas le
temps qu’on aurait voulu, qu’on lui donnera pas… le meilleur, donc heu… il faut du temps,
c’est dur, heu… on pleure, et puis après… bon, ben ça passe et puis on lui donne heu… ce
qu’on peut. »
Mère 16 : « comment vous avez vécu le sevrage ? Pleine de doutes… Avec heu… d’un coté,
j’en ai marre, heu… faut arrêter, enfin heu… voilà. Heu… d’un autre coté, heu… elle a pas
assez, heu… enfin, voilà… on arrive à un stade où on… on sent que… on est au bout. Soimême, l’enfant, et puis… et en même temps, heu… on a envie de continuer, parce qu’il y a
quand même des moments chouettes, mais en fait, c’est… la difficulté de le voir grandir
aussi. » « je reprenais le travail… Donc, je pense qu’il y avait, heu… dans ma tête, qu’il
fallait que je fasse aussi le deuil, heu dire heu…Voilà. Et puis heu… je sais pas si elle aurait
continué »
Des regrets de sevrage
6 mères sur les 8 qui ont sevré leur enfant, expriment des regrets quant au sevrage : Mères 5, 7,
9, 12, 13, 17
Mère 5 : « maintenant, avec du recul, si. ( j’ai des regrets) Bon… de toutes façons, il y a des
choses, hein… qui passent devant. (rires) c’est dommage… », « moi, j’ai fait deux mois. Et…
c’est au moment où ça se passait vraiment très bien qu’il commençait à être réglé, qu’il a fallu
que j’arrête, que je le sèvre. »
Mère 7 :« j’aurais voulu continuer »
Mère 9 :« j’avais… fantasmé sur du six mois d’allaitement, disant : « super ils vont passer
(…) du lait à… à la purée »
Mère 12 : « Rétrospectivement, j’ai… j’ai, à un moment donné, presque un peu regretté de ne
pas l’avoir fait » (continuer l’allaitement)
Mère 13 : « quand on a toujours imaginé qu’on l’allaiterait pendant deux ans, et que… on
aurait plein, plein de lait et que… et que… ben c’est pas du tout le cas. (émue) (…) je trouvais
ça injuste que y’en a qui en aient plein et qui n’allaitent pas, et moi, que je… que je voulais, et
que j’en ai pas… et que j’ai pas pu (très émue). »
Mère 17 : « c’était vraiment une frustration de reprendre le travail alors que ça marchait bien », « Le
regret, heu… je pense, qui est ressorti plusieurs fois (rires), c’est de ne pas avoir pu le faire là, plus
longtemps (…) pour heu… la raison qui est de… retourner au travail (rires). »
Madame 11 elle, n’exprime pas de regret : « je ne suis pas fière, heu (rires)… je ne sais pas, c’était
une expérience, voilà que… que je voulais faire et heu… non, voilà, c’é… non, c’était… c’était très
bien. Oui, c’était une très bonne expérience.…Moi, j’étais très contente. »
141
Les causes de sevrage
Parmi les causes de sevrage, on note :
•
5 mères pour projet d’allaitement réalisé : Mères 1, 2, 3, 8, 10
•
4 mères en vue de la reprise du travail : Mères 5, 11, 16, 17
•
3 mère ont sevré pour une production de lait insuffisante : Mère 13, 15, 16.
•
1 mère suite à la reprise du travail : Mère 6
•
1 mère a sevré pour une organisation trop difficile et douloureuse avec des jumeaux : Mère 9
•
1 mère a sevré en vue d’une chirurgie : Mère 12
•
1 mère évoque la gêne d’allaiter en public comme une cause d’arrêt : Mère 11
•
1 mère n’exprime pas clairement les raisons de son sevrage : Mère 7 (pressions familiales ?)
c . Reprise du travail
7 mères n’ont pas encore repris le travail : Mères 1, 2, 4, 7, 10, 13, 15
10 mères ont repris le travail entre 2,5 mois et 6 mois, pour une date de reprise moyenne à 4 mois
(médiane 3,5 mois).
6 Mères ont repris le travail alors que leur enfant était sevré (Mères 5, 9, 11, 12, 16, 17)
Le sevrage pour la reprise du travail
2 mères expriment des regrets d’avoir repris le travail, et d’avoir dû sevrer leur enfant pour cela.
(Mères 5 et 17)
Mère 5 : « on était bien réglés. Et puis à cause de ça, heu… du boulot, quoi… »
«Mais, maintenant, que… à trois mois après, heu… je regrette presque. (rires) » (de ne pas
avoir pris de congé parental.) « Parce qu’en plus, il… là… il… change et tout, et je le vois
très peu, quoi… mais bon… »
Mère 17 : « c’était vraiment une frustration de reprendre le travail alors que ça marchait
bien. »
La poursuite de l’allaitement au travail
4 mères ont repris le travail en allaitant : (Mères 3, 6, 8, 14),
Madame 14 est la seule qui n’a pas rencontré de difficulté à concilier travail et allaitement.
Madame 8 est la seule à tirer son lait sur son lieu de travail.
Mère 3 : « dès que j’ai repris le boulot, ben… il ne voulait plus prendre le biberon, parce
qu’il a compris que… Je pense qu’il a compris, et… du coup, heu… il y avait que ce biberon
qui pouvait y arriver après. (un biberon « anatomique »)»
Mère 6 : « Depuis que j’ai repris le travail, il refuse de prendre au sein. » (donne du lait tiré
au biberon)
Mère 8 : « la journée je tire mon lait et… donc qui est mis en biberon pour heu… la nounou.
(…) Le matin… le soir et la nuit, je continue à l’allaiter (…) » « très rapidement, comme elle
continuait à se réveiller deux à trois fois par nuit, heu… je me suis sentie un peu fatiguée…
quand même (rires)… Je le suis toujours d’ailleurs (…) J’ai eu un petit peu plus de difficultés
142
à la laisser que la… que l’ainée. (…) Parce que… je savais que les biberons étaient plus
compliqués à prendre. »
Mère 14 : « je savais que (…) vu mon emploi du temps, je pouvais continuer à l’allaiter,
heu… heu… assez souvent, donc heu… c’était assez satisfaisant »
1 mère se prépare à le faire (Mère 1)
Mère 1 : « je vais devoir reprendre le boulot (…) on se prépare un peu » « je vais heu…
continuer à… tirer mon lait, heu… pendant le… travail, enfin je vais essayer. » « j’ai
commencé à tirer mon lait un petit peu »
d . Projet d’allaitement actuel et durées effectives.
2 mères ont un projet d’allaitement défini dans le temps et prévoient un sevrage proche:
Mère 3 : à sept mois, projet qu’elle a réalisé.
Mère 8 : cinq mois et demi, elle a allaité six mois.
7 mères n’ont pas de durée définie et s’adapteront
Mère 1 : jusqu’à la prochaine grossesse, encore environ neuf mois
Elle a finalement allaité 18 mois, jusqu’à sa grossesse suivante
Mère 2 : au mois jusqu’à la reprise du travail puis selon la diversification
Elle a finalement allaité 12 mois
Mère 4 : jusqu’à ses 12 mois environ et selon « l’état de l’une et de l’autre »
Elle allaite toujours à 19 mois
Mère 6 : souhaite relancer sa lactation, son fils refuse le sein
Elle a finalement sevré quelques jours après l’entretien (regrets maternels)
Mère 10: souhaite sevrer tranquillement vers un an, selon son rythme
Elle a finalement allaité 9 mois
Mère 14 : souhaite allaiter « tant qu’elle a encore du lait »
Elle n’a pas pu être recontactée, car elle a déménagé
Mère 15 : souhaite encore allaiter « tant que je veux » en donnant moins le sein pour se libérer
Elle a finalement allaité 8 mois (regrets maternels)
D’après le rappel des mères, (janvier 2012)
•
Les sevrages ont eu lieu de 2,5 mois à 18 mois dans notre étude.
•
1 enfant et encore allaité à 19 mois.
•
1 mère est perdue de vue, car elle a déménagé.
La durée moyenne des allaitements de notre étude est de 7 mois. La médiane est à 6 mois
Ce calcul est réalisé en considérant que l’enfant perdu de vu a été allaité au moins jusqu’à
l’âge qu’il avait lors de l’entretien (8 mois), et que l’enfant de 19 mois toujours allaité a été
allaité au moins jusqu’à 19 mois c’est donc une moyenne minimale.
143
Si l’on compare les durées prévues et les durées effectives, on note que :
6 mères ont réalisé leur projet d’allaitement (Mères 1, 6, 8, 9, 10, 11)
5 mères sont allées au delà de leur projet (Mères 2, 3, 4, 5, 17)
2 mères n’ont pas atteint leur durée prévue (Mères 7 et 13)
Les autres mères n’avaient pas précisé de projet ou ont été perdues de vue. (Mères 12, 14,
15, 16)
e . Projet d’allaitement futur
A la question : « Que changeriez-vous pour un prochain allaitement ? »
6 mères répondent qu’elles ne changeraient rien : Mères 1, 2, 4, 10, 14, 17
3 mères, (Mères 9, 11, 12) ne répondent pas à la question car ne souhaitent plus d’enfant.
Les autres évoquent :
•
Madame 3 introduirait plus de biberons de lait tiré pour habituer l’enfant à ce mode
d’alimentation. Elle envisage même de ne donner que deux tétées par jour à partir de 2 mois.
•
Madame 5 : se sentirait plus à l’aise et continuerait à utiliser une crème en prévision des
crevasses (qu’elle n’a pas eues).
•
Madame 6 : ne s’inquièterait pas de la perte de poids possible vers les 5 mois de son enfant
allaité.
•
Madame 7 : « je ferai pas pareil heu avec le deuxième en fait ça c’est certain. »
« c’est tout cet entourage en fait, c’est … c’est toute cette mise en place qui s’est faite aussi
à… la maternité, moi j’avais tellement de monde que j’ai pas… ça, ça m’a… ça m’a plus
énervée, j’étais pas sereine quoi en fait et heu … la prochaine fois heu… enfin je veux dire
heu y’aura pas autant de monde et … je me laisserai pas heu… envahir come heu… comme ça
s’est passé pour bébé 7 quoi. »
•
Madame 8 : « essayer de mieux retravailler les po… les positions heu… à la maternité (rires)
parce que… deux fois de suite j’ai eu des crevasses à la maternité, donc c’est vrai que si je
pouvais les éviter au troisième coup ça serait bien »
•
Madame 13 : « He ben, je crois que je serai… plus sereine, déjà. (rires) Parce que je sais
que… comment ça pourrait se passer… donc j’accepterai… peut-être plus facilement…
surtout les premiers jours, en fait… Je pense qui sont les plus… importants. Et… je pense que
j’ai été beaucoup stressée. »
•
Mère 15 : « J’aurais peut-être plus tiré mon lait... pour éventuellement plus la confier, à
d’autres personnes, avec mon lait »
•
Mère 16 : « je continuerais à lui donner comme il le demande, heu… et heu… peut-être heu…
peut-être je me rappellerai tout de suite que ça a été vachement dur les deux trois premiers
jours, pour que je sache que ça va être dur »
144
•
Mère 17 : « je ne me mettrai pas la pression (…) on fait ce qu’on peut et… si ça marche, ça
marche, on continue, si ça ne marche pas, on arrête, et puis voilà. Pas de… pas prôner
l’allaitement comme quelque chose de miraculeux, heu… ouai, si… ça ne fonctionne pas, tant
pis, et… c’est pas… une catastrophe, quoi. Voilà. »
12 .LES LAPSUS
Nous noterons enfin 2 lapsus
Madame 10 emploie trois fois le mot « allaité » au lieu du mot « arrêté », elle nous en fait d’ailleurs la
remarque.
•
Au sujet de son sevrage par sa mère : « je crois qu’elle a pris un… gros… un gros rhume ou
une grippe et en fait elle était sous antibiotiques, c’est pour ça qu’elle a allaité, heu… elle a
arrêté (rires) »
•
Au sujet de l’opinion des professionnels de santé masculins vis à vis de l’allaitement :« On
m’a des… des fois dit carrément d’allait… d’arrêter l’allaitement, hein… »
•
Au sujet de l’alcool pendant l’allaitement : « Comme j’avais allaité… heu… j’avais arrêté
(rires) décidément… les lapsus… (rires) comme j’avais arrêté, heu… pendant la grossesse,
c’est vrai qu’après, heu… ça pèse pas heu... »
Madame 16 : La mère de cette patiente a vécu trois échecs d’allaitement pour séparation à la
naissance, ses enfants ayant tous été hospitalisés. Cela a marqué l’histoire familiale, et a été vécu
comme un « abandon ? ».
Si vous n’aviez pas allaité, qu’est-ce qui aurait été différent ?
« ça aurait peut-être été du coup heu… une tache dans une première relation avec ma fille,
parce que…Du fait que… ma maman, ça a été un vrai… un échec de ne pas pouvoir nous
allaisser… nous allaiter toutes les trois. C’est à chaque fois, heu… qu’il y a une nouvelle
naissance, c’est heu… « Alors ça va, tu t’en sors ? »
145
TABLEAUX RECAPITULATIFS DES ALLAITEMENTS
Tableau 14 récapitulatif des caractéristiques démographiques, professionnelles et durées
effectives d'allaitement
Mère
Médecin
A
F
Sexe
enfant
F
F
Age
mère
27
30
1
2
3
4
H
D
G
F
22
40
5
6
7
E
C
B
G
G
G
29
27
30
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
G
J
K
L
I
P
M
Q
O
N
F
F-G
F
F
G
F
G
F
F
G
30
39
32
39
35
28
29
35
31
34
Profession
Parité
1
1
Durée
effective
18 mois
12 mois
Reprise du
travail
NON
NON
ingénieur info
employée
administrative
auxiliaire de vie
psychologue pour
enfant
infirmière
auxiliaire puer
aide soignante/
assistante mat
prof. français
chanteuse
mère au foyer
institutrice GSM
prof. allemand
secrétaire social
prof. anglais
documentaliste
éducatrice
institutrice
1
3
7 mois
en cours
OUI (2,5 mois)
NON
1
2
1
3 mois
6,5 mois
4 mois
OUI (3 mois)
OUI (6 mois)
NON
2
4
3
2
4
1
1
2
2
2
6 mois
3,5 mois
9 mois
3 mois
3,5 mois
5 mois
8 mois?
8 mois
3 mois
2,5 mois
OUI (3 mois)
OUI (6 mois)
NON
OUI (3,5 mois)
OUI (4,5 mois)
NON
OUI (4,5 mois)
NON
OUI (3,5 mois)
OUI (2,5 mois)
Tableau 15: synthèse des ressources documentaires et professionnelles et rôle de l'entourage
Sources
Avant première
grossesse
Entourage
1, 4, 5, 10, 11, 12,
13, 14, 16, 17
Internet
7, 13
Magazines
Livres
8, 10
7, 11
Allaitements
antérieurs
Pendant la
grossesse :
1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9,
10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17
9, 10
1
Pendant
l’allaitement
Personnel de
santé référent
2, 7, 9, 15, 16,
17
14, 17
Sage-femme
4
Médecin G
Gynécologue
Pédiatre
PMI
Associations
Puéricultrice
Maternité
4, 6, 10, 16
4
16
10, 16
10
1, 2, 3, 4, 6, 7, 10,
17
3, 5, 6, 7, 8, 12,
15
1, 5, 9, 12, 15
3, 5, 14, 15, 16, 17
Toutes
13
1, 3, 6, 7, 8, 10,
11, 12, 13, 14,
15, 16, 17
2, 4, 5, 8, 12, 16
9
1
2, 7, 15
(4)
7, 11, 12, 16
1
146
Tableau 16: synthèse des durées d'allaitement et reprise du travail
Mère
Durée idéale
1
Le + long
2
3
4
5
6
7
8
NSP
6 mois
12-18 mois
4 mois
>6 mois
6 mois
> 3-6 mois
9
10
6 mois
12mois
11
12
6 mois
pas défini
13
14
15
16
17
2 ans
18-24 mois
12 mois
diversification
4-5 mois
Durée prévue à la Projet d’allaitement
maternité
(entretiens)
(recrutement)
Le plus possible 18
jusqu’à prochaine
mois ?
grossesse
NSP
6 mois
NSP
2 mois
12 mois
12-18 mois
NSP
2 mois
6 mois
Au moins 6 mois
6 mois
6 mois
6 mois
Au - jusqu’à reprise du
travail 3,5 mois
6 mois
3-6 mois
NSP
Au moins 6 mois
exclusifs
NSP
2,5-3 mois
NSP
aussi longtemps que
possible
12 mois
24 mois
6 mois
tant qua ça fonctionne
> ou = 5 Mois
NSP
NSP
NSP
NSP
quelques jours
Durée
effective
Regrets
Reprise du travail
18 mois
NON
12 mois
7 mois
en cours
3 mois
6,5 mois
4 mois
6 mois
NON
OUI (2,5 mois)
NON
OUI (3 mois)
OUI (6 mois)
NON
OUI (3 mois)
3,5 mois
9 mois
3 mois
3,5 mois
5 mois
8 mois?
8 mois
3 mois
2,5 mois
oui
oui
oui
oui
oui
oui
oui
oui
OUI (6 mois)
NON
OUI (3,5 mois)
OUI (4,5 mois)
NON
OUI (4,5 mois)
NON
OUI (3,5 mois)
OUI (2,5 mois)
147
Analyse croisée des discours des médecins et de leurs
patientes.
Dans cette partie commune aux deux thèses, nous mettons en parallèles les idées exprimées au
sein de chaque binôme.
Nous cherchons ainsi à identifier les similitudes ou les différences dans les représentations de chacun,
ainsi que dans leur perception de cette interaction autour de l’allaitement maternel.
Nous souhaitons ainsi définir le rôle que chacun attribue au médecin généraliste vis à vis de la
promotion et du suivi de l’allaitement maternel.
A. Docteur A - Madame 1.
Madame 1 a perçu le docteur A comme étant plutôt favorable à l’allaitement maternel ce que
ses propos en entretien confirment. Cette patiente connaît ce généraliste seulement depuis le début de
sa grossesse mais elle dit avoir toute confiance en lui : elle n’a pas hésité à poser ses questions
concernant l’allaitement.
Ce médecin n’avait pas souvenir que cette mère ait rencontré beaucoup de problèmes ou lui ait
posé beaucoup de questions. Elle l’a pourtant sollicité pour avoir des conseils afin d’augmenter sa
production de lait puis pour la location d’un tire-lait. Le docteur A lui a conseillé l’utilisation de
tisanes auxquelles il attribue des propriétés galactogènes. Il n’avait pas évoqué l’utilisation de ces
produits lorsqu’il s’était exprimé sur les conseils qu’il donne habituellement aux mères dans ces caslà, mais cette attitude est cohérente avec ses croyances concernant cette question puisqu’il pense que le
lait maternel peut être défaillant sur le plan quantitatif. En revanche, il ne lui a apparemment pas
donné de conseils concernant la fréquence des tétées pour restimuler la lactation.
Le docteur A semble avoir une vision assez juste du vécu positif de sa patiente en ce qui
concerne son expérience d’allaitement et la position favorable de son conjoint vis à vis de son choix
d’allaiter. D’autre part, Madame 1 parle avec réticence du moment où elle devra reprendre le travail.
Le docteur A semble l’avoir bien compris car c’est ce qui a motivé le choix de sa patiente de prendre
un congé parental selon lui. Madame 1 dit que l’intervention de son médecin n’a pas eu d’influence
sur la durée de son allaitement, cependant elle s’est sentie soutenue et encouragée dans son projet de le
poursuivre après la reprise du travail. Ce médecin ne s’est pas exprimé sur le rôle qu’il pensait avoir
joué auprès de cette mère.
En résumé, ce médecin semble avoir une perception assez juste de l’environnement familial
et du vécu de sa patiente. Même si certains conseils concernant la stimulation de la lactation
148
paraissent peu appropriés, ce médecin a su encourager sa patiente à poursuivre son projet
d’allaitement. Elle a vraisemblablement trouvé les qualités d’écoute qu’elle recherchait chez un
intervenant de santé puisqu’elle envisage de solliciter à nouveau ce médecin en cas de besoin.
B. Docteur B - Madame 7.
Madame 7 a également perçu son médecin comme étant plutôt favorable à l’allaitement ce que
confirment les déclarations du docteur B.
Ce dernier pense que l’expérience d’allaitement de sa patiente a été plutôt négative car il
estime que c’est une femme très indépendante qui s’est sentie « coincée sur un allaitement» et qui
n’en a donc pas retiré de plaisir. Madame 7 a effectivement déclaré qu’au début elle s’était sentie
« enfermée à la maison avec son allaitement » mais que, malgré ses doutes, elle avait « adoré » cet
échange. D’autre part, cette praticienne pense que l'entourage de Madame 7 exerçait une pression sur
elle pour poursuivre l’allaitement. En fait, elle recevait surtout des conseils inappropriés concernant
les pratiques d’allaitement car son entourage ne comprenait pas le principe de l’allaitement à la
demande (« si tu lui donnes tout le temps, ben t’as pas fini » ). Le docteur B n’a pas su identifier
l’inadéquation de ces conseils puisqu’il a les mêmes représentations. Il a donc également conseillé à
cette mère d’appliquer à l’allaitement un rythme non physiologique.
Madame 7 dit avoir apprécié le soutien du docteur B dans les moments où elle doutait. Elle
estime que celui-ci lui a permis de déculpabiliser quant à son désir de sevrage et de pouvoir ainsi
l’appréhender plus sereinement. Le docteur B a en effet bien cerné la détresse de cette patiente :
«J’pense qu’elle avait besoin d’arrêter». Madame 7 garde cependant des sentiments mitigés car elle
n’est pas allée au bout de son projet d’allaitement initial qui était de 6 mois ce dont le docteur B ne
semble pas avoir conscience.
Il ressort donc que pour cette patiente et son médecin c’est avant tout l’intervention de
l’entourage qui est responsable d’un sevrage précoce. Toutefois, on peut se demander si
Madame 7 ne serait pas allée au bout de son projet d’allaitement qui lui procurait tant de plaisir
si le docteur B avait encouragé des pratiques d’allaitement à la demande. Ses représentations
concernant les rythmes des tétées ainsi que sa perception imparfaite de l’expérience positive de
sa patiente ont sans doute contribué à précipiter le sevrage.
C. Docteur C - Madame 6.
Madame 6 se considère « calée » en allaitement et c’est aussi le sentiment du docteur C : « c’était
elle plutôt qui allait m’en apprendre plus là-dessus que moi-même ». Cette patiente a pourtant sollicité
son médecin pour plusieurs questions d’ordre pratique (fréquence et durée des tétées, prise de poids,
149
pleurs…) car elle avait besoin d’être rassurée. Le docteur C a effectivement perçu beaucoup
d’inquiétude chez cette mère.
Madame 6 a été globalement satisfaite des réponses apportées et s’est sentie soutenue: « elle m’a
encouragé pour me remotiver ». Le docteur C n’avait pas souvenir que cette patiente ait rencontré
beaucoup de difficultés et n’a donc pas eu le sentiment d’avoir joué un rôle important. C’est d’ailleurs
la vision qu’il a globalement de son rôle auprès des patientes : « je pense que l’allaitement maternel
c’est pas médical[…] on fait pas grand chose ».
L’intervention du docteur C a pourtant permis dans un premier temps de retarder l’utilisation des
compléments que cette mère envisageait d’introduire alors qu’elle doutait de ses capacités à produire
suffisamment de lait. Cependant, Madame 6 signale un malentendu survenu secondairement
concernant l’introduction de compléments : elle souhaitait utiliser ponctuellement des préparations
pour nourrissons afin de pouvoir tirer son lait en prévision de la reprise du travail alors que le docteur
C préconisait leur utilisation régulière plutôt du fait d’une stagnation de poids à 5 mois. La patiente a
suivi ses conseils car elle n’a été informée que secondairement par d’autres intervenants des
spécificités de croissance des enfants allaités. D’autre part, Madame 6 a bénéficié d’un arrêt de travail
pour asthénie. Le docteur C n’y a pas fait référence dans ce cas précis mais nous avions déjà constaté
qu’il reconnaissait y avoir recours couramment.
Nous pouvons donc conclure que cette patiente a trouvé auprès de son médecin le soutien
qu’elle attendait. Au-delà d’un simple soutien, le docteur C a préconisé dans un premier temps
en tout cas, des conseils décisifs pour la pérennité de l’allaitement mais ne semble cependant pas
avoir réellement conscience de l’impact positif de son intervention. En revanche, ses
recommandations en faveur de l’introduction de compléments se sont peut-être avérées
inappropriées et en partie responsables du sevrage rapide après la reprise du travail.
D. Docteur D - Madame 4.
Madame 4 est suivie depuis peu de temps par le docteur D. Elle s’est orientée vers ce médecin
homéopathe car elle cherchait un praticien susceptible de comprendre et respecter les choix qu’elle
voulait faire pour son enfant en ce qui concerne sa santé. : « je souhaitais faire des choix par rapport à
ma fille […] qui pouvaient respecter sa nature ». Le profil de cette patiente correspond visiblement à
celui de la plupart des patientes du docteur D qui sont « branchées nature » selon lui.
Le docteur D n’a pas le souvenir d’avoir beaucoup parlé de l’allaitement avec cette patiente.
Pourtant, celle-ci a souligné qu’il a été un référent important pour elle en ce qui concerne cette
question. Cette praticienne a surtout eu l’impression que sa patiente était préoccupée par des conflits
conjugaux. Madame 4 a effectivement déclaré que son conjoint a éprouvé des difficultés à trouver sa
place auprès de ses deux premiers enfants lorsqu’ils étaient allaités mais elle l’a ressenti plus impliqué
et soutenant pour l’allaitement en cours.
150
Le docteur D a trouvé Madame 4 très fatiguée durant son allaitement. Il a attribué cela au contexte
familial difficile mais également au manque de sommeil. Madame 4 l’a effectivement consulté à une
période où son enfant ne faisait plus ses nuits pour évoquer la question de la diversification. Le
docteur D y a également fait référence. Madame 4 a particulièrement apprécié son attitude empathique
et ses conseils respectueux de ses besoins. Elle considère que l’intervention du médecin lui a permis
de comprendre qu’elle devait avant tout écouter ses désirs et ne pas se laisser influencer par les
conseils stéréotypés véhiculés par d’autres intervenants. Le docteur D pense, quant à lui, avoir
essentiellement joué un rôle de soutien auprès d’une mère qui avait besoin d’être rassurée sur ses
capacités à répondre aux besoins de son enfant.
Ce médecin et sa patiente ont des représentations assez proches ce qui a certainement facilité
une bonne communication. Bien qu’ayant conscience de l’importance du soutien qu’il a apporté
à Madame 4, le docteur D a peut-être légèrement sous-estimé son rôle de référent aux yeux de
celle-ci.
E. Docteur E - Madame 5.
Madame 5 est suivie par le docteur E depuis peu de temps mais elle le connaissait
antérieurement dans le cadre professionnel. Le docteur E estime d’ailleurs que cela a favorisé la mise
en place d’une relation de confiance. Madame 5 a perçu ce médecin comme étant très favorable à
l’allaitement. Le docteur E dit effectivement encourager cette pratique du fait de son expérience
personnelle très positive.
Ce médecin pense que l’allaitement a généré beaucoup de fatigue chez cette mère, ce que cette
dernière confirme dans son discours. Elle l’a d’ailleurs consulté à ce sujet ainsi que pour connaître la
conduite à tenir lors d’une poussée d’herpès. Les deux autres sujets abordés ont été la nécessité d’une
hydratation complémentaire en cas de forte chaleur et les modalités du sevrage. Le docteur E n’a pas
évoqué ces sujets. En ce qui concerne la poussée d’herpès, le docteur E l’a incitée à poursuivre
l’allaitement afin de transmettre des anticorps à son enfant. Madame 5 a également apprécié son souci
de se documenter sur le traitement adapté.
Par ailleurs, Madame 5 aurait souhaité prolonger son allaitement en bénéficiant d’un arrêt de
travail mais n’a apparemment pas osé le demander et en a éprouvé des regrets par la suite. Bien que le
docteur E ait perçu un sentiment de déception chez sa patiente lorsque celle-ci a dû sevrer son enfant à
la reprise du travail, il ne lui a pas proposé d’arrêt maladie comme il déclarait le faire couramment.
Le docteur E pense avoir surtout joué un rôle de soutien auprès de cette mère en
l’encourageant à poursuivre l’allaitement lorsqu’elle a rencontré des difficultés ce que confirment les
propos de Madame 5.
151
En conclusion, l’impact de la prise en charge de ce médecin a été positif mais un défaut
de communication au sujet de l’arrêt de travail a quelque peu écourté la durée d’allaitement de
sa patiente.
F. Docteur F - Madame 2.
Le suivi de Madame 2 par le docteur F est relativement récent mais ces deux personnes se
connaissent sur le plan privé depuis l’enfance de Madame 2. Le docteur F pense donc incarner une
certaine image maternelle pour cette patiente : « je suis un peu une maman de substitution pour elle ».
Madame 2 ne s’est pas exprimée à ce sujet.
Le docteur F a perçu l’expérience d’allaitement de sa patiente de manière très positive car il
lui a semblé qu’elle en retirait beaucoup de bénéfices sur le plan relationnel avec son enfant et qu’elle
y a trouvé des avantages sur le plan pratique. Madame 2 a effectivement évoqué l’avantage pratique,
en revanche elle s’est peu exprimée sur l’aspect relationnel et s’est contentée de déclarer : « c’est plus
sympa qu’un truc en poudre ».
Selon le docteur F, sa patiente a choisi d’allaiter son enfant car cela s’inscrivait dans un
certain concept de vie qui lui correspond, il pense que « c’était une évidence pour elle qu’elle allait
allaiter ». Les propos de Madame 2 sont beaucoup plus nuancés à ce sujet : « j’avais envie d’allaiter
mais j’étais pas sûre d’y arriver ».
Le docteur F a déclaré que Madame 2 avait peu sollicité son aide, pourtant celle-ci a eu le
sentiment de l’évoquer fréquemment en consultation ou dans le cadre de conversations privées. Elle
dit notamment l’avoir sollicité parce qu’elle pensait ne pas avoir assez de lait. Le docteur F n’a pas fait
référence à cette question et les discours n’ont pas permis de déterminer l’attitude adoptée à ce
moment-là. Madame 2 dit avoir également évoqué avec son médecin des problèmes de coliques chez
son enfant. Ce dernier lui a conseillé l’utilisation de tisanes censées remédier à ce problème. Nous
avons effectivement retrouvé chez le docteur F cette représentation de l’influence de l’alimentation de
la mère sur les qualités gustatives et sur la digestibilité du lait maternel : « il y a une interrelation entre
ce que la maman mange et ce que le bébé ingurgite ». Cette représentation populaire de l’influence de
l’alimentation sur les qualités du lait maternel véhiculée par le docteur F a vraisemblablement
influencé la vision de Madame 2 à ce sujet : « par mon lait, heu… comme il passait des choses, je
pouvais aussi lui faire heu… entre guillemets, du bien ». La patiente a donc adapté son alimentation en
fonction de l’allaitement.
Malgré des récits pas toujours congruents, on peut conclure que l’impact de
l’intervention du docteur F a surtout résidé dans la transmission de ses représentations sur la
possibilité d’influer sur le bien-être du nourrisson par le biais du lait maternel.
152
G. Docteur G - Madame 8.
Madame 8 a perçu son médecin comme étant très favorable à l’allaitement. Le docteur G a
effectivement affirmé, dès le début de l’entretien, son intérêt vif pour cette question. Madame 8 ne
connaît ce médecin que depuis peu de temps mais elle lui fait confiance. Ce généraliste pense surtout
que ce sont l’expérience et les convictions personnelles du médecin concernant les bienfaits de
l’allaitement qui sont importants. Cette opinion est en partie partagée par Madame 8 : « une femme à
mon avis est plus à même d’en parler, elle l’a vécu ».
Ce médecin n’a pas discuté avec sa patiente des raisons pour lesquelles elle souhaitait allaiter
son enfant mais selon lui cette décision découle d’une première expérience positive. Madame 8
semblait plutôt motivée par les bienfaits de l’allaitement. D’autre part, le docteur G n’a pas remarqué
de difficultés particulières concernant l’allaitement de sa patiente et pense que cette expérience s’est
avérée très épanouissante. Pourtant, il ressort du discours de Madame 8 que ce deuxième allaitement
n’a pas été aussi serein que le premier : « Je me sentais plus perdue en fait… parce que c’est vrai que
pour la première on n’a eu aucun souci […] Et là c’est vrai que[…] j’ai eu beaucoup plus
d’interrogations ». Néanmoins, cette patiente s’est sentie encouragée à poursuivre l’allaitement par
son médecin : « si… elle ne m’avait pas… soutenue en me disant que si, c’était bien heu…(rires) je
pense que j’aurais ét…arrêté plus vite ».
Madame 8 dit également avoir parlé avec le docteur G de ses difficultés de séparation au
moment de la reprise du travail car son enfant refusait les biberons. Le docteur G n’a pas vraiment pu
répondre à ses questions car il a apparemment rencontré les mêmes difficultés avec ses propres
enfants. D’autre part, cette patiente a bénéficié d’un arrêt de travail afin de prolonger l’allaitement :
« il me manquait en fait une dizaine de jours pour rejoindre les vacances… Ce qui me permettait
d’avoir un mois de plus ». Le docteur G n’en a pas parlé dans ce cas précis lors de l’entretien mais il a
bien affirmé qu’il accédait systématiquement à ce genre de demande.
Bien que le docteur G n’ait pas vraiment eu conscience des difficultés rencontrées par sa
patiente, son intervention a favorablement influencé la durée de l’allaitement. Ce médecin a
certainement sous-estimé l’importance de son rôle de soutien auprès de cette mère.
H. Docteur H - Madame 3.
Madame 3 est suivie par le docteur H depuis son enfance et entretient une relation privilégiée
avec lui. Ce médecin généraliste pense d’ailleurs qu'une telle relation avec les patientes lui permet de
les soutenir et de les conseiller plus efficacement.
Selon ce médecin, allaiter son enfant est pour cette mère quelque chose de parfaitement
logique, « naturel ». Pourtant, cette patiente dit avoir fait ce choix tardivement et ne pensait pas
allaiter très longtemps au départ.
153
Le docteur H estime qu'il n'a pas joué un rôle très important auprès de sa patiente car celle-ci
lui semblait motivée et ne pas avoir besoin de ses conseils. Pourtant, Madame 3 lui a demandé son avis
sur la durée optimale de l’allaitement à un moment où elle pensait introduire des compléments et
précise que le docteur H lui a conseillé de poursuivre l’allaitement exclusif jusqu’à 6 mois en insistant
sur la supériorité du lait maternel : « c’est le meilleur lait donc je continue au maximum ». Le docteur
H a effectivement affirmé ce point de vue durant son entretien. Madame 3 a donc poursuivi
l’allaitement et a même congelé du lait sur les conseils du docteur H.
La vision positive du lait maternel qu’a le docteur H a donc vraisemblablement influencé
favorablement la poursuite de l’allaitement et a retardé l’introduction de préparations pour
nourrissons en lui transmettant la notion de la supériorité du lait maternel, même congelé, sur
les laits artificiels. Bien qu’il n’en ait pas eu conscience et qu’il ait sous-estimé son rôle, ce
médecin a fortement modifié les représentations des bienfaits de l’allaitement chez cette mère.
I. Docteur I - Madame 12.
Madame 12 est suivie depuis plusieurs années par le docteur I en qui elle dit avoir confiance.
Le docteur I pense que, pour cette patiente, choisir d’allaiter était une évidence et qu’elle aurait
certainement mal supporté de ne pas pouvoir le faire. Madame 12 reconnaît effectivement que cet
allaitement était important pour elle, à la fois parce qu’elle estimait que c’était un devoir vis à vis de ce
dernier enfant puisqu'elle avait déjà allaité les aînés et parce qu’elle souhaitait profiter au mieux de
cette relation privilégiée avec lui.
Ce médecin a également perçu l’existence d’une relation très forte, d’« une symbiose », entre
cette mère et son enfant. Madame 12 n’a pas abordé la question de la relation avec cet enfant en
particulier. Le suivi de cet allaitement a surtout été marqué par la question du sevrage lorsque Madame
12 a dû subir une opération chirurgicale. Le docteur I a eu l’impression que cette perspective posait
problème à sa patiente et lui a donc proposé de tirer son lait afin de maintenir sa lactation. Madame 12
s’est sentie poussée à continuer l’allaitement, cependant la solution proposée lui semblait difficilement
applicable. Elle a donc finalement choisi de sevrer son enfant mais l’a légèrement regretté par la suite.
Au total, le docteur I a exposé à sa patiente les options pratiques qui s’offraient à elle
pour préserver sa lactation mais ces difficultés ont paru insurmontables à Madame 12.
J. Docteur J - Madame 9.
Madame 9 est suivie depuis plusieurs années par le docteur J qu’elle apprécie personnellement
et professionnellement. Elle a perçu son médecin comme très favorable à l’allaitement ce qu’il a
confirmé en entretien.
154
Cette patiente ne pensait pas mener sa grossesse à terme car elle ne souhaitait pas avoir d’autre
enfant. Elle a changé d’avis lorsque l’échographie a révélé une grossesse gémellaire. Le docteur J
pense que cette mère a choisi d’allaiter ses jumeaux parce qu’il s’agissait d’une évidence pour elle.
Madame 9 a effectivement déclaré que pour elle « cela va de soi » et qu’elle ressentait un besoin
« vital » de maternage naturel et de proximité avec ses enfants après avoir subi une césarienne dans un
contexte difficile, alors qu’elle aurait souhaité un accouchement non médicalisé.
Le docteur J a trouvé que cette expérience d’allaitement de jumeaux a été très épanouissante pour
cette mère, mais que cela lui a causé beaucoup de fatigue. Madame 9 s’est dite effectivement très
fatiguée à son retour à la maison mais attribue cette asthénie aux mauvaises conditions de son
accouchement et de son séjour en maternité. Par la suite, elle décrit plutôt des difficultés
d’organisation mais l’allaitement de ses jumeaux lui a procuré beaucoup de « bonheur ». D’autre part,
la perception de ce médecin d’un père très impliqué et présent a été confirmée par sa patiente au cours
de l’entretien.
Cette praticienne pense ne pas avoir joué un grand rôle auprès de cette mère durant son
allaitement, mais estime l’avoir rassurée sur son bon déroulement, ce que confirment les propos de sa
patiente qui a déclaré par ailleurs qu’elle aurait plutôt eu recours à une association de soutien en cas de
problème spécifique à l’allaitement.
Bien qu’il y ait eu plusieurs échanges à ce sujet en consultation, le docteur J n’a
aucunement influencé les représentations de sa patiente ni la durée de son allaitement.
K. Docteur K - Madame 10.
Madame 10 est suivie par le docteur K depuis plusieurs années. Elle l’a perçu comme étant
plutôt favorable à l’allaitement, ce que les propos du docteur K confirment. Cette patiente apprécie
notamment la volonté de son médecin de s’informer en cas de besoin. Le docteur K est effectivement
un des rares interviewés à consulter des bases de données spécialisées en ce qui concerne la
prescription médicamenteuse (CRAT, pharmacovigilance).
Cette praticienne pense que sa patiente était déjà décidée à allaiter bien avant la naissance car
elle avait une perception très positive de l’allaitement et n’y trouvait que des avantages. Madame 10
avait effectivement arrêté son choix indépendamment de tout conseil médical car pour elle
l’allaitement « va de pair » avec la maternité.
Ce médecin a perçu beaucoup de culpabilité chez cette mère vis à vis du handicap de son
enfant car elle en avait refusé le dépistage. Il pense qu’allaiter lui a permis de déculpabiliser et de
développer un lien plus fort avec son bébé. Cette impression ne ressort pas dans le discours de
Madame 10 qui ne fait d’ailleurs pas référence à ses sentiments face au handicap de son enfant.
155
Comme cela avait été le cas pour ses deux aînés, l’enfant 10 posait le problème d’une prise de
poids médiocre pour laquelle l’attitude du médecin a été perçue comme rassurante, incitant à continuer
l’allaitement malgré les avis négatifs de l’entourage.
Madame 10 a ressenti l’intervention de son médecin comme un encouragement à
poursuivre l’allaitement face aux pressions de l’entourage en faveur du sevrage. Le docteur K
pense, quant à lui, ne pas avoir joué de rôle particulier auprès de sa patiente en ce qui concerne
l’allaitement; il semble donc qu’il ait sous-estimé l’impact positif de son intervention.
L. Docteur L - Madame 11.
Madame 11 est suivie par le docteur L depuis plusieurs années. La question de l’allaitement a
été peu abordée en consultation car Madame 11 a allaité son enfant 3 mois et n’a pas rencontré de
difficultés. Elle n’a donc abordé le sujet qu’au cours des visites mensuelles de suivi de son enfant.
Elle a cependant demandé conseil au moment du sevrage pour savoir si un traitement
médicamenteux était nécessaire. Le docteur L lui a alors expliqué que la lactation se tarissait
naturellement.
Le docteur L pense que Madame 11 a choisi d’allaiter parce qu’elle considérait que c’était
naturel et valorisant. Ce médecin a aussi fait référence à l’influence de ses origines culturelles.
Madame 11 n’a pas évoqué ses motivations lors de l’entretien.
Le docteur L ne pense pas avoir tenu un grand rôle auprès de cette mère durant son allaitement
car elle avait vécu, selon lui, une première expérience positive ce qui lui aurait rendu les choses plus
faciles. Pourtant, bien que Madame 11 ait plutôt de bons souvenirs de son premier allaitement, il ne
s’est pas déroulé de façon très naturelle puisque le lait maternel était donné au biberon. On lui avait en
effet signifié à la maternité qu’elle ne pourrait pas allaiter du fait de l’anatomie de ses seins jugée
inappropriée.
Finalement, même si le médecin n’a pas identifié le risque d’échec de ce deuxième
allaitement compte tenu de la première expérience de sa patiente, cela n’a pas eu d’impact
négatif sur son déroulement car elle n’a pas rencontré les mêmes difficultés initiales. Le rôle de
ce médecin s’est donc limité à des conseils appropriés concernant le sevrage.
M.
Docteur M - Madame 14.
Le docteur M ne suit Madame 14 que depuis le début de sa grossesse. Les échanges au sujet de
l’allaitement ont surtout concerné le rythme des tétées nocturnes. Le docteur M estimait en effet que
l’enfant ne devait plus se réveiller et téter la nuit à partir de 2-3 mois. Il a donc conseillé à Madame 14
de le laisser pleurer et de ne pas satisfaire sa demande de contact avec sa mère mais il a le sentiment
156
qu’elle n’a pas suivi ses conseils. Concernant la diversification alimentaire, cette mère a suivi les
conseils de son médecin en la débutant aux six mois de son enfant, même si elle avait pensé
initialement qu’elle commencerait plus tard.
Le docteur M a ressenti que Madame 14 se sentait valorisée à l’idée d’allaiter. Cette patiente a
effectivement affirmé qu’elle trouvait cela « gratifiant ».
Ce médecin estime que son rôle a surtout consisté à conseiller et à rassurer cette mère qu’il
trouvait très inquiète, ce que Madame 14 n‘a pas exprimé en ces termes. En effet, elle précise que ses
questions ont trouvé réponses dans des sources livresques et auprès de sa mère plutôt qu’auprès du
médecin.
En somme, si les conseils de ce médecin sur la fréquence des tétées paraissent peu
justifiés, cela semble ne pas avoir eu d’impact négatif sur le bon déroulement de l’allaitement.
De plus, si l’on s’en tient aux propos de la patiente, son rôle de conseil et de soutien n’a pas été
aussi important que ce qu’il pensait.
N. Docteur N - Madame 17.
Madame 17 connaît le docteur N seulement depuis la naissance de son enfant. Ce médecin a
trouvé que Madame 17 a vécu son expérience d’allaitement de manière très épanouissante et que cela
lui a permis de développer une relation intense avec son enfant. Cette patiente évoque effectivement
une relation particulière avec son bébé qui répondait à un besoin de rapprochement avec celui-ci du
fait d’un accouchement marqué par des complications qui auraient pu engager son pronostic vital.
Le docteur N dit ne pas avoir eu souvent l’occasion de parler d’allaitement avec cette patiente
car son enfant a eu de nombreux problèmes de santé qu’il a dû prendre en charge. Pourtant, Madame
17 estime avoir été encouragée par ce médecin lors des visites de suivi. Elle a par contre regretté qu’il
n’ait pas répondu à son désir de prolonger le congé de maternité par un arrêt de travail alors qu’elle se
sentait fatiguée. Cependant, elle dit comprendre sa réticence et reconnaît que la loi ne lui permet pas
d’accéder à ce genre de demande alors même que les recommandations médicales incitent les
professionnels de santé à promouvoir l’allaitement exclusif chez leurs patientes jusqu’à 6 mois. Le
docteur N a en effet justifié le fait de n’accéder quasiment jamais à ce genre de demande par la
contrainte du cadre législatif (« c’est pas moi qui fais les lois »). Madame 17 estime donc que ce refus
a précipité le sevrage et contrarié son projet d’allaitement.
Il ressort que l’issue de ce suivi a porté préjudice à l’allaitement, ce que Madame 17
déplore, mais que son médecin, visiblement davantage préoccupé par les problèmes de santé de
l’enfant, n’a pas perçu sous cet angle.
157
O. Docteur O - Madame 16.
Madame 16 connaît le docteur O depuis peu de temps, elle l’a sollicité pour la première fois à
l’occasion de la visite de suivi du premier mois. Elle a apprécié sa qualité d’écoute et sa prise en
compte de l’importance de la relation mère-enfant, tout en exposant son point de vue médical.
Le docteur O suppose que sa patiente a choisi d’allaiter parce que c’est un acte naturel et parce
que ses parents médecins ont dû lui conseiller de le faire dans l’intérêt de la santé de l’enfant. Madame
16 a surtout expliqué que son choix a été déterminé par l’importance de l’allaitement dans l’histoire
familiale : sa mère n’a pas pu allaiter ses 3 enfants et en a exprimé beaucoup de regrets. L’allaitement
est un enjeu important de la maternité dans cette famille.
Le docteur O dit ne pas avoir été sollicité par cette patiente à propos de l’allaitement. Il s’est
contenté de lui dispenser ses conseils habituels sur la prévention des complications mammaires. Il ne
considère pas d’ailleurs que l’allaitement soit un problème médical qui nécessite un suivi. Pourtant,
Madame 16 dit l’avoir sollicité plusieurs fois, notamment lors d’épisodes de coliques qu’elle pensait
résoudre avec l’introduction de compléments de lait artificiel. Le docteur O lui a déconseillé cette
solution en lui expliquant que l’allaitement n’était pas en cause. Elle a également discuté avec lui de la
fréquence des tétées dans une période de demande accrue de son enfant. Le docteur O lui a conseillé
de poursuivre l’allaitement à la demande tant qu’elle ne trouvait pas cela trop contraignant.
L’intervention du docteur O a permis de rassurer Madame 16 sur sa bonne conduite de
l’allaitement et d’empêcher l’introduction inutile de compléments qui auraient pu avoir un
impact négatif sur sa durée. Ce médecin a apparemment sous-estimé l’importance de son rôle
auprès de cette mère.
P. Docteur P - Madame 13.
Le docteur P suit Madame 13 depuis plusieurs années. La mise en route de l’allaitement a été
assez « catastrophique » pour cette mère d’après ce médecin car elle avait des crevasses et son enfant
ne prenait pas de poids. Cette patiente a en effet rapporté plusieurs difficultés dès la mise en route de
l’allaitement à la maternité : retard de montée de lait à 4 jours, crevasses et mauvaise prise du sein par
l’enfant ayant motivé l’utilisation de bouts de seins en silicone, utilisation de compléments, mauvaise
prise de poids. Toutefois, le docteur P précise qu’elle tenait à poursuivre l’allaitement car cela lui
procurait beaucoup de plaisir. Madame 13 a effectivement reconnu avoir retiré beaucoup de
satisfaction de cet échange avec son enfant.
Le docteur P s’est davantage concentré sur la prise de poids de l’enfant que sur la prise en
charge de l’allaitement dans sa globalité. Ce médecin a tout d’abord demandé à sa patiente de tirer son
lait pour évaluer les quantités de lait bues par l’enfant puis, les jugeant insuffisantes, il a décidé
d’introduire des compléments ce qui a résolu, selon lui, non seulement le problème de la prise de poids
158
mais aussi celui des réveils nocturnes. Madame 13 reconnaît l’efficacité de la prise de compléments
sur la courbe de poids mais l’a vécue comme un échec. Cette patiente ne s’est sentie soutenue dans son
projet d’allaitement ni par son médecin, ni par son entourage : « c’est ce que j’ai compris. Avec
l’entourage, et le médecin, c’est que j’ai pas de lait, donc il faut pas que j’insiste. ». Elle s’est même
sentie culpabilisée par le docteur P de vouloir poursuivre l’allaitement : « je ne sais pas si elle m’a fait
comprendre, ou c’est moi qui l’ai compris…[…] c’est moi… qui heu… qui cherchais l’allaitement
[…] qui insistais. Alors que elle, ça lui… ne… n’était pas bénéfique pour elle ».
Le docteur P estime avoir surtout joué un rôle d’écoute et de soutien auprès de sa
patiente qui avait besoin d’être rassurée. Celle-ci aurait plutôt souhaité que son médecin explore
davantage la pertinence de ses conduites d’allaitement afin de lui permettre de poursuivre un
allaitement exclusif.
Q. Docteur Q - Madame 15.
Le docteur Q suit Madame 15 depuis plusieurs années pour des problèmes chroniques. Cette
patiente a perçu son médecin comme étant favorable à un allaitement « le plus longtemps possible ».
On relève dans le discours du docteur Q qu’il a effectivement une très bonne opinion de cette pratique.
Ce praticien a le sentiment que le fait d’allaiter est à la fois source de plaisir et valorisant pour
cette mère. Madame 15 parle surtout du plaisir qu’elle en a retiré. Elle ne s’est pas exprimée sur
l’aspect valorisant mais estime que la promotion de l’allaitement est trop pesante pour les mères.
D’autre part, ce médecin a eu le sentiment qu’allaiter relevait d’une évidence pour cette patiente, ce
que le discours de cette dernière confirme.
Madame 15 a trouvé son médecin peu assuré dans ses réponses (« j’avais pas l’impression
qu’il en connaissait mieux que moi. ») car elle considère que la prise en charge de ses épisodes de
lymphangite était peu appropriée et qu’il n’avait pas de solution à son problème d’hypersensibilité des
mamelons. Pourtant, nous n’avions pas relevé de défauts de connaissances notables dans ce domaine
lors de l’entretien avec ce praticien. La patiente reconnaît qu’il trouvait toujours des traitements
compatibles avec l’allaitement. Le docteur Q a effectivement insisté sur le fait qu’il était toujours très
prudent dans ses prescriptions chez les femmes allaitantes et n’hésitait pas à solliciter l’avis d’un
référent gynéco-obstétricien en cas de doute.
Bien qu’ayant visiblement des connaissances théoriques plutôt en adéquation avec les
données actuelles sur le sujet, le docteur Q n’a pas été perçu par sa patiente comme un
intervenant facilitant l’allaitement. Elle n’envisage donc pas de le solliciter à nouveau à ce
propos et n’attribue aucun impact à son intervention sur la durée ou le bon déroulement de son
allaitement.
159
DISCUSSION
A. Discussion sur la méthode
1 . Le choix de l’analyse qualitative
L’allaitement maternel, s’instaure dans le contexte d’une relation naissante entre une mère et
son enfant et plus largement, entre une famille et un nourrisson. Il crée des émotions complexes,
dépendantes de nombreux paramètres non maîtrisables. La méthode de l’analyse qualitative nous
permet d’aborder des items variés et d’appréhender des sujets que nous n’aurions pas envisagés
initialement. Le discours est libre et reflète le ressenti propre de chaque mère interrogée, dans ses
nuances, son intensité, ses paradoxes, parfois. Cette précision et la richesse de chaque vécu ne peuvent
être restituées fidèlement avec des questions fermées.
La taille de l’échantillon et la grande variété de réponses, ne nous permettent pas d’établir des
statistiques sur des paramètres précis, et ce n’est pas le but de notre étude. Chaque idée émise a une
valeur propre, indépendante de la fréquence de son incidence dans les entretiens.
Cette méthode vise cependant à « dégager des tendances », qu’il nous importait de confronter
à celles recueillies auprès des médecins de chacune de ces mères.
Dans la littérature, on recense deux travaux méthodologiquement proches du notre. Une étude
prospective de cohorte réalisée à Boston en 2004 par M. Taveras a croisé les regards des mères et des
intervenants de santé (de plusieurs disciplines) qu’elles avaient sollicités pour des questions
d’allaitement. Les auteurs concluaient à des difficultés de communications entre les mères et les
intervenants professionnels dans le suivi de l’allaitement (81). Une thèse reposant sur les mêmes
questionnements que nos deux travaux a été soutenue à la Faculté de Nancy par Laure Kurth-Aviles.
Elle a étudié les représentations de médecins par un questionnaire distribué au cours de Formations
Médicales Continues en Moselle, et de mères recrutées par le biais de forums internet destinés à la
petite enfance ou l’allaitement (82). L’originalité de notre travail repose, d’une part dans l’utilisation
de la méthode qualitative, et, d’autre part, dans le croisement des données entre les mères et leur
propre médecin généraliste.
a . Biais d’interrogatoire
L’intitulé des questions était volontairement ouvert et neutre, il visait à ne pas à orienter les
réponses. Cependant, des réactions ou des signaux de communication non verbale, pouvaient sans
doute avoir une influence sur le discours de chacune. Selon les représentations que les mères
160
interrogées projetait sur l’enquêtrice, elles ont pu nuancer leurs propos ou les adapter à ce qu’elles
pensaient qu’on attendait d’elles, introduisant ainsi un biais d’interrogatoire.
Le contexte de l’écriture d’une thèse de médecine générale concernant l’allaitement maternel a
pu par ailleurs laisser sous-entendre que le sujet nous tenait à cœur (79).
b . Biais d’interprétation
Les réponses obtenues n’étant pas standardisées, il semble difficile d’en donner une
interprétation objective et univoque. Les termes employés ont été analysés de façon systématique,
mais nous ne pouvons nous affranchir d’un certain biais d’interprétation qui peut nuire à la richesse
des propos initiaux.
2 . Biais et facteurs de confusion liés à l’étude
a . Le recrutement
Le choix des maternités
Les établissements où les mères de l’étude ont accouché, sont principalement des maternités
« périphériques » : 13 mères sur 17 ont accouché dans une maternité hors de l’agglomération
lyonnaise et de sa banlieue.
Trois mères ayant accouché dans deux établissements différentes, indiquent que la maternité
où leur enfant est né est selon elles « pro-allaitement ». Une seule d’entre elles précise avoir
choisi une maternité éloignée de son domicile pour sa réputation de promotion de l’allaitement et
de la méthode de naissance naturelle qui y était proposée.
Le choix des maternités ne semble donc pas avoir engendré de biais de recrutement significatif
en terme d’implication dans l’allaitement.
Le délai de rappel et biais de mémoire
Le délai de quatre à six mois visait à réaliser les entretiens après que les mères avaient eu
recours à leur médecin. Dans l’étude Allaitement Rhône-Alpes de la DRASS (85) le taux
d’allaitement à 6 mois était de 15%. En réalisant les entretiens dans ce délai, nous souhaitions
intervenir alors qu’une grande partie des enfants serait sevrée, et donc après le recours au médecin
généraliste. Cependant, étant donné les durées d’allaitement particulièrement longues observées
dans notre étude, 9 mères allaitaient toujours leur enfant lors de leur entretien.
Toutes les mères de l’étude ont évoqué l’allaitement avec leur médecin généraliste au
moment des visites mensuelles de suivi du nourrisson. Une grande partie d’entre elles a donc pu
avoir eu plusieurs recours à celui-ci en matière d’allaitement, au moment où nous réalisions les
161
entretiens. Le ressenti sur la prise en charge qui en découlait repose donc sur plusieurs
interventions.
Ce délai visait aussi à rencontrer les mères (et les médecins) assez rapidement par rapport aux
consultations et à la naissance pour éviter un biais de mémoire. Cependant 6 mères évoquent des
difficultés de rappel des évènements:
 4 mères (Mères 2, 9, 14, 17) disent ne plus se souvenir des documents reçus à la sortie de
la maternité pour les informer sur l’allaitement, d’autres sont assez peu précises quant à la
teneur de ces informations. Cette remarque peut en outre nous interpeler sur l’intérêt de
remettre une documentation sur l’allaitement à ce moment. La quantité de « prospectus »
donnée à la sortie de la maternité n’est-elle pas préjudiciable à la clarté de l’information ?
 Madame 2 : a peu de souvenirs des premiers jours passés à la maison après
l’accouchement : « c’est loin hein… mais (rires), enfin c’est loin et pas loin, mais heu… je
me souviens que… au début quand même, le soir heu… c’était difficile »
 Madame 7 : hésite à propos des motifs de consultation : « Heu, par rapport heu… ben pff
c’était heu c’était heu c’était… je m’en rappelle même plus pourquoi… Ouai parce qu’en
fait heu, je savais pas si je voulais heu… arrêter ou pas. »
 Madame 15 : ne sait plus si elle a parlé d’allaitement avec son médecin traitant pendant la
grossesse, ni si sa fille a tété tout de suite à la naissance.
 Madame 17 : ne sait plus si le médecin généraliste lui a donné des conseils sur les
positions d’allaitement : « … honnêtement, heu… je ne me souviens plus trop (rires). »
Il y a donc bien eu une perte de données liée à un biais de mémoire, mais celui-ci concerne
des points précis et identifiés par les mères. Il semble donc peu préjudiciable pour
l’interprétation des entretiens.
Biais de recrutement de mères « pro-allaitement »
Les mères recrutées ont toutes accepté un entretien annoncé de « 30 à 50 minutes » pour
évoquer leur allaitement. Nous pouvons donc supposer que ce sujet est pour elles important. Une mère
l’exprime d’ailleurs clairement dans son entretien : Mère 9 : « C’est pour ça d’ailleurs que vous êtes à
la maison, parce qu’autrement… si je m’amusais à recevoir moi… là j’ai décalé ma… ma leçon avec
ma fille… parce que, si c’était pas pour une raison vraiment où… moi je milite… enfin…Pour laquelle
je milite ».
Biais de sélection de mères ayant un médecin généraliste formé en allaitement
Par ailleurs, nous avons recruté les mères en fonction de leur intention de faire appel à leur
médecin généraliste en cas de question d’allaitement, et de leur impression sur ses connaissances en
matière d’allaitement, et ce, dès leur séjour en maternité.
162
Nous pouvons donc supposer que nous avons sélectionné des mères qui avaient un a priori
positif sur les positions et capacités de leur médecin à répondre à leurs questions en matière
d’allaitement.
Ce point est d’ailleurs en partie confirmé par les données observées concernant l’ancienneté du
suivi par le médecin généraliste dans notre étude :
 8 mères sont suivies par leur médecin depuis leur grossesse ou leur accouchement
 4 autres mères ont commencé leur suivi alors qu’elles étaient déjà jeunes mères. (Mères 9,
10, 12, 15)
Nous avons donc au moins 12 mères qui sont susceptibles d’avoir choisi leur médecin généraliste en
vue du suivi de leur enfant et pour lesquelles les connaissances du médecin en pédiatrie et en
allaitement étaient un critère de choix. De nombreuses mères le reconnaissent en effet, lors des
entretiens.
Il existe donc un biais de sélection des médecins généralistes de notre étude. Celui-ci est
d’ailleurs souligné par la grande prédominance des femmes dans notre population de praticiens
(15 femmes pour 2 hommes). Nous devons donc en tenir compte dans l’interprétation de nos
résultats.
b . Biais de prise en charge
Sur les 8 mères qui avaient évoqué notre étude avec leur médecin généraliste, aucune ne l’avait fait
avant que nous les recontactions pour les entretiens, soit un délai d’environ 4 à 6 mois. Il n’y a donc
pas eu de biais de prise en charge : leur suivi n’a pas été influencé par la participation à une étude sur
l’allaitement.
c . Biais de « lissage des réponses »
Si toutes le mères étaient averties de la méthodologie de l’enquête, qui comportait un
croisement des données avec celles de leur médecin, on peut penser qu’elles avaient une réticence à
émettre des avis négatifs sur celui-ci.
Une mère a très clairement hésité à répondre à une des questions, en nous demandant si son
médecin allait « le savoir » : cette réflexion pointe un biais méthodologique de notre étude dans le
« lissage » des réponses quant au suivi par le médecin.
En effet, si l’anonymat des mères et des médecins est assuré, chacun peut se reconnaitre dans
les propos de l’autre. Cependant toutes les mères et tous les médecins ont accepté le croisement des
données qui était un des fondements de notre travail commun.
163
3 . Difficultés rencontrées
Le contexte familial a parfois été perturbant, notamment lorsque d’autres membres de la famille
assistaient à l’entretien. Certains pères ont pu intervenir dans la discussion. Ils en ont cependant peu
gêné le déroulement et n’ont pas modifié les réponses des mères. Ils n’étaient d’ailleurs jamais
présents lorsque nous évoquions leur rôle dans l’allaitement. Les nourrissons étaient généralement
présents lors des entretiens et demandaient parfois une attention particulière de leur mère.
Le temps de l’entretien : les enfants étaient souvent endormis en début d’entretien, et leur réveil par
la suite perturbait la disponibilité de la mère. Par ailleurs les obligations familiales ont parfois précipité
la fin de l’entretien. Cependant les mères avaient été prévenues de la durée probable du questionnaire
(30 à 45 minutes) et étaient généralement disponibles.
La méthodologie de la recherche qualitative nous était étrangère et certaines étapes ont été
déroutantes, comme la retranscription des entretiens, longue et fastidieuse, dans le respect des règles
de cet exercice. Les techniques d’entretien et les écueils à éviter avaient été recherchés dans un
ouvrage spécialisé : « guide de l’enquête de terrain ». (Beaud S et Weber F) (79). Mais certaines
habiletés sont le fruit d’un long apprentissage dans le domaine sociologique, et nous ne les maitrisions
pas. Aussi, avons-nous parfois été certainement « maladroite » dans la conduite des entretiens et dans
leur interprétation.
B. LA POPULATION
1 . Les mères
a . Les âges
L’âge moyen des mères de notre échantillon est de 29,7 ans, l’âge médian de 30 ans.
Cet âge moyen est le même que celui observé dans l’étude périnatale en France de 2010 (tableau 4) (1)
L’âge moyen de notre échantillon correspond donc aux données nationales. L’étude régionale de la
DRASS, sur les mères allaitantes en Rhône-Alpes en 2006 (p67) (70) donnait un âge moyen de 30,8
ans. Cependant il faut se pencher sur la répartition des tranches d’âge :
164
Tableau 17: Répartition des mères selon leur tranche d'âge et comparaison avec l'étude
nationale (1)
Ages des mères
Echantillon de notre étude
Etude périnatale 2010
Moins de 25 ans
1 (environ 6%)
17%
25-29 ans
5 (environ 29%)
33,2%
30 ans et plus
11 (environ 65%)
49,9%
La tranche d’âge « 30 ans et plus » est donc largement surreprésentée dans notre échantillon, par
rapport aux données nationales des mères en maternité.
L’âge de la mère est un facteur déterminant du choix, et de la durée de l’allaitement maternel dans de
nombreuses études (55)(83)(84)(85)(86)(87). Ainsi le choix de l’allaitement maternel est plus fréquent
et sa durée plus longue chez les mères de 25 ans et plus. Dans l’étude de Forster en 2006, la
persistance de l’allaitement à six mois de vie était même d’autant forte, que l’âge maternel était avancé
(88). Dans notre population de mères allaitantes, nous retrouvons bien ce facteur de l’âge « élevé »
associé au choix et à la durée de l’allaitement.
b . Les lieux de résidence
Dans notre échantillon,
 9 mères (soit plus de 50%) habitent en région rurale dont 8 dans des communes de moins
de 1000 habitants.
 6 mères (soit près d’1/3) vivent dans une commune de plus de 10000 habitants : dans une
grande ville ou en banlieue d’une grande agglomération.
Dans l’étude de la DRASS en Rhône-Alpes (70) (p 69), sur les mères allaitantes : 24% habitaient en
« campagne » et 33% en grande ville ou banlieue.
La répartition géographique de notre population est donc plus rurale que la moyenne des mères
allaitantes observées dans le département. Nous avons cependant la même proportion de mères vivant
dans une grande ville ou sa banlieue.
Cette observation tendrait à confirmer notre hypothèse de départ selon laquelle le recours au médecin
généraliste pour des questions d’allaitement est plus important en région rurale du fait de la proximité
et de la moindre densité de professionnels de santé dans ces régions.
c . Condition de vie du couple
Dans notre échantillon, 16 mères sur 17 vivent avec le père de leur enfant. 1 mère vit seule.
Dans l’étude Rhône-Alpes, la proportion de mères vivant seules était de 1,5% (70).
165
Cette « surreprésentation » apparente dans notre échantillon est fortuite du fait de la petite taille de
celui-ci. Par ailleurs, le père de cet enfant était venu habiter avec sa compagne et son enfant pendant
les deux premiers mois. Ce couple n’était en outre pas séparé « affectivement », cette séparation
géographique était due à des contraintes en partie professionnelles.
La présence du père auprès de la femme allaitante est un facteur reconnu de choix et de
prolongation de l’allaitement maternel (83)(84). Toutes les mères de notre étude correspondent à ce
schéma familial de vie en couple.
d . Catégories socioprofessionnelles
Tableau 18: tableau comparatif des catégories socio-professionnelles des mères avec les autres
études : étude Rhône-Alpes 2006 (Mères allaitantes uniquement) (70), étude Périnatalité 2010 (mères
en maternité)(1)
CSP
Echantillon de notre
étude
Mères allaitantes
Etude RA 2006
Mères
allaitantes
Etude
périnatalité
2010 mères allaitantes
et non allaitantes
25%
12%
16,5%
40%
25%
27,6%
30%
40%
46,7%
5%
16%
0,4%
Cadres professions
intellectuelles
Professions
intermédiaires
Employées
Au foyer, étudiant,
autre
Nous notons donc une surreprésentation des cadres et professions intellectuelles ainsi que des
professions intermédiaires tant par rapport aux taux régionaux de mères allaitantes, qu’aux taux
nationaux des mères en maternité.
Ces catégories socioprofessionnelles sont effectivement associées dans plusieurs études à des
taux d’allaitement plus élevés ou des durées plus longues (89). Ainsi, lors de l’étude périnatale de
2003 les taux d’allaitement à la maternité étaient de 81% des cadres et 73% de professions
intermédiaires. (85).
Au delà des catégories socioprofessionnelles, qui pourraient être peu représentatives dans le
cas de notre échantillon de petite taille, nous notons une proportion élevée d’enseignantes : 5/17, ainsi
qu’une certaine représentation des professions paramédicales ou non liées à l’enfant (auxiliaire de
puériculture, assistante maternelle, psychologue pour enfant, mère au foyer).
La notion d’association entre l’expérience de soin au nourrisson et l’allaitement maternel est
déjà explorée dans certaines études notamment celle de Séverine GOJARD, sociologue (90), qui
montre que les femmes ayant une expérience pratique ou professionnelle auprès des enfants, font
souvent le choix de l’allaitement maternel.
Nous n’avons pas retrouvé dans la littérature de recherche spécifiant une incidence plus élevée
de l’allaitement parmi le milieu enseignant. Cette surreprésentation dans notre étude est peut-être liée
166
à un biais de recrutement que nous n’avons pas identifié ou un recours au médecin généraliste
préférentiel chez les enseignants.
e . Parité et expérience d’allaitement
Dans notre étude, nous comptions :
 Sept mères primipares (environ 41%), soit légèrement plus que le taux observé chez les mères
en maternité de l’étude périnatale 2010 de 32,9% (1)
 Six mères avaient déjà un enfant (environ 35%) pour 31,5% dans l’étude périnatale 2010
 Trois mères avaient deux autres enfants (environ 18%), pour 18,4% dans l’étude périnatale
2010
 Une mère avait trois autres enfants (environ 6%) pour 9% dans l’étude périnatale 2010
En raison de la petite taille de notre échantillon, nous pouvons considérer que ces répartitions sont
proches de celles observées dans la population française générale des mères en maternité, allaitantes
ou non.
Certains travaux de recherche ont cependant montré que les primipares choisissaient plus l’allaitement
que les multipares de moins de 4 enfants (55)(85), ce qui pourrait expliquer la proportion légèrement
plus importante de primipares dans notre échantillon.
Concernant l’expérience d’allaitement, tous les frères et sœurs avaient été allaités pour une
durée moyenne de 6,3 mois, et une durée médiane de 5 mois, soit notablement plus que les valeurs
observées dans les différentes études explorant ce paramètre, par exemple de 16 semaines de médiane
dans l’étude Rhône-Alpes (70).
Cette observation tendrait à confirmer le biais de sélection pour les 10 mères multipares qui
auraient été plus enclines à participer à l’étude du fait d’une sensibilité particulière pour le sujet. Ce
biais de sélection pourrait influencer les résultats de notre analyse qualitative chez ces femmes
multipares. En effet, leurs représentations, leur vécu et leurs attentes quant aux conseils du médecin
généraliste, peuvent avoir une toute autre dimension que celles des femmes pour lesquelles le choix de
l’allaitement maternel est moins important.
Une expérience antérieure d’allaitement est, par ailleurs, un facteur identifié de choix de
l’allaitement, si le bilan en est positif (55)(84)(86). Par exemple, dans l’étude Fanello en 2001, le fait
d’avoir déjà allaité était associé au choix de l’allaitement (OR 1,6) (91).
Cependant si l’on examine le vécu rapporté par les mères de ces expériences, les ressentis sont
mitigés : 8 des 15 allaitements avaient été marqués par des difficultés : dans le déroulement, ou de par
un retentissement néfaste sur la famille ou le couple, un manque d’information, un sentiment d’échec,
des doutes, et pour au moins 4 mères des complications liées à l’allaitement (crevasses, lymphangites,
difficulté d’adaptation de traitement de pathologies intercurrentes). Une des mères était
167
particulièrement émue à chaque évocation de son allaitement précédent, en raison d’un vécu
douloureux et évoquait un « soulagement » au moment du sevrage. Seulement 5 allaitements sur les 15
évoqués se sont terminés dans un délai conforme au projet d’allaitement initial, et 3 autres ont pris fin
dans l’optique de reprendre le travail. Huit mères évoquaient cependant de bons souvenirs pour au
moins un allaitement. Ces expériences aux souvenirs mêlés de sentiments de réussite, de moments
tendres et de périodes de doute ont marqué les mères qui y font régulièrement référence au cours des
entretiens, comparant leurs impressions des différents allaitements. Dans ces confrontations des vécus,
il ressort tantôt un sentiment d’étonnement, d’inattendu, devant des situations nouvelles, tantôt un
impression d’aisance acquise grâce à leur expérience, d’allaitement plus assumé, plus libre et plus
choisi.
Les sevrages lors des premiers allaitements font aussi état de sentiments mitigés : d’échec, de volonté
de l’enfant qui décide de ne plus être allaité, d’un déroulement progressif, de pressions ressenties, de
regrets, de contrainte, ou d’un soulagement. Les expériences sont donc très inhomogènes.
Si ces expériences ne pouvaient pas toutes être qualifiées de « réussies », on ne peut écarter le fait
qu’elles aient influencé positivement les choix et les attitudes des mères dans leur allaitement.
Selon certains auteurs, les multipares (89), et les mères ayant déjà une expérience de
l’allaitement allaitent plus longtemps (83). Cependant, dans notre échantillon de peu de cas, les mères
multipares ayant déjà l’expérience de l’allaitement ne présentent pas des durées d’allaitement plus
longues que celles des primipares : durée médiane d’allaitement des mères ayant déjà allaité : 5 mois,
pour 7 mois chez les primipares.
Il semble donc intéressant de connaître et d’identifier les mères qui seraient susceptibles de ne pas
choisir l’allaitement par manque d’information, ou de se décourager rapidement, afin de leur apporter
les armes du choix éclairé et du bon déroulement de l’allaitement. Par exemple, D. Thulier et J.
Mercer suggéraient que les jeunes mères, célibataires, peu instruites, ou de bas niveau socioéconomique bénéficient d’un soutien par des pairs (83).
2 . Les enfants
Parmi les enfants concernés par l’étude, nous avons approximativement 56% de filles et 44%
de garçons, ce qui est la relation inverse de la répartition de 52,3% de garçons et 46,7% de filles
retrouvée dans l’étude nationale (1) (p84). Mais il faut, là aussi, tenir compte de la petite taille de notre
échantillon.
Le poids de naissance moyen des enfants allaités était de 3,080 kg, pour 3,376 dans la
population des enfants allaités de l’étude Rhône-Alpes (85) et 3,254kg dans l’étude nationale
périnatale sur les enfants en maternité (allaités ou non) (1).
168
Les modalités de naissance : environ 83% par voie basse dans notre échantillon, pour 80%
dans l’étude Rhône-Alpes (85), et 79% dans l’étude nationale (1), semblent aussi assez
représentatives. L’influence du mode de naissance a été étudiée dans plusieurs travaux, mais les
résultats sont hétérogènes, montrant tantôt une moindre initiation de l’allaitement chez les mères ayant
subi une césarienne, sans influence sur la durée (95) tantôt une initiation et une durée moins
importantes, ou plus importantes (91). Les mères de notre échantillon ayant accouché par césarienne
ont allaité 2,5 et 3,5 mois. L’une a sevré ses jumeaux car les contraintes étaient trop importantes,
l’autre car elle devait rependre le travail. Nous ne pouvons pas conclure sur une éventuelle influence
de la naissance par césarienne dans ces cas et les mères ne se sont pas exprimées dans ce sens.
La durée de séjour en maternité dans notre échantillon est en moyenne de 4,6 jours, pour une
moyenne nationale de 4,4 jours en 2010 (1). La tendance actuelle à la diminution de ces durées de
séjour pourrait être un facteur d’échec précoce de l’allaitement, les mères n’ayant plus le « temps »
d’apprendre les bons gestes (84).
Il serait donc important d’assurer un suivi de l’allaitement après les sorties précoces de
la maternité.
En somme, parmi notre population d’étude, il y a plus de femmes d’âge supérieur à 30 ans que
dans celle des mères françaises en maternité, elles vivent plus en région rurale, en couple, et
appartiennent plutôt aux catégories professionnelles des cadres et professions intellectuelles
supérieures et de professions intermédiaires avec une surreprésentation d’enseignantes. Elles
ont un nombre d’enfants qui correspond aux moyennes nationales. Ces enfants sont globalement
représentatifs de la moyenne des enfants nés en France en terme de sexe, de poids, et de mode de
naissance et durée de séjour en maternité. Leurs frères et sœurs ont cependant tous été allaités,
pour une durée globalement plus longue que ce qui est observé à l’échelle nationale et régionale.
C. Facteurs déterminants de l’allaitement maternel : le contexte
De nombreux facteurs démographiques, biologiques, sociaux, psychologiques, sont liés au choix
ou la durée de l’allaitement maternel (61)(83)(84)(86)(87). En plus des facteurs tels que l’âge
maternel, la catégorie socioprofessionnelle, les antécédents d’allaitement déjà évoqués ci-dessus,
plusieurs déterminants sont abordés au cours des entretiens. Nous les avons recherchés afin d’étudier
l’importance que ces mères leur ont attribué dans le déroulement de leur allaitement.
169
1 . L’importance de l’entourage : les grand-mères, le père, la famille, les amies
Le rôle des grand-mères
D’après la littérature, les mères ayant elles-mêmes été allaitées choisissent plus facilement
l’allaitement (61)(92)(86)(91) et le pratiquent plus longtemps (96)(89).
Dans notre étude, douze mères sur dix-sept ont été elles-mêmes allaitées pour une durée
moyenne approximative plutôt élevée : 2,5 mois. Cependant, on note une forte proportion de discours
négatifs, soit dans l’opinion, soit dans le vécu de ces grand-mères. En effet, douze grand-mères ont
évoqué un vécu douloureux quant à l’allaitement : un déroulement difficile, l’échec ou l’impossibilité
d’allaiter. Une grand-mère a clairement exprimé à sa fille son opposition à cette pratique. Pour
certaines patientes, ces regrets de leur mère ont fortement marqué leur histoire familiale, et
l’allaitement est devenu un enjeu important de leur propre maternité. Pour d’autres, ces expériences
malheureuses impliquaient un manque de soutien ou de recours possible à leur mère dans ce domaine.
La majorité des patientes allaitées (7/12) a perçu cependant un ressenti au moins en partie positif du
vécu de l’allaitement de leur mère pour elles-mêmes ou pour leur fratrie, et quatre mères sur dix-sept
rapportent une opinion favorable à l’allaitement.
Les taux d’allaitement observés pour la génération des grand-mères de notre étude étaient de
36% en 1972 et 45,5% en 1977 (55). Cette pratique n’était, à cette époque, ni courante, ni très
encouragée ou documentée, et les firmes de lait assuraient une promotion non limitée des préparations
pour nourrissons, comme nous l’avons vu dans les généralités. Ce contexte d’information insuffisante
et de norme d’alimentation représentée par les laits artificiels, est explicitement évoqué par trois
patientes. Il fait par ailleurs partie des causes de sevrage ou de non allaitement rapportées par leurs
mères. Les autres motifs de sevrage énoncés sont aussi révélateurs du manque d’aide et de
connaissances de l’époque : le manque de lait, la séparation de la mère et de l’enfant, un traitement de
« rhume ».
La transmission des savoirs n’apparaît donc pas évidente, malgré la pratique apparemment
répandue, voire « longue » pour l’époque, de l’allaitement maternel chez ces grand-mères. Peu de
patientes ont évoqué avoir eu recours aux conseils de leur propre mère pour des questions
d’allaitement. Or dans la période délicate de l’accueil d’un nouveau-né, les femmes, bien que se
reposant, aujourd’hui, surtout sur une transmission « horizontale » des connaissances (par les pairs, les
médias, les professionnels de santé), sont aussi sensibles aux recommandations de leurs mères ou
belles-mères, quant au mode d’éducation et de nutrition de leur enfant (92). Une étude brésilienne de
2005 a même montré qu’une aide inappropriée apportée par les grand-mères, suggérant d’autres
modes d’alimentation que le lait maternel, avait une influence négative sur la durée de l’allaitement
(93). Ce rôle des grand-mères a fait en outre l’objet d’un travail de recherche visant à définir ce
qu’attendaient les femmes allaitantes de leur propre mère ou belle-mère. Il avait été conclu que la
formation ou l’information de ces grand-mères en matière d’allaitement pouvait être un moyen
d’apporter un soutien aux mères allaitantes en orientant les efforts sur la lutte contre les idées reçues,
les conditions de sa bonne pratique, la valorisation des mères, leur encouragement (94). Dans l’étude
170
de JA. Scott en 2006, les durées d’allaitement étaient positivement influencées par la bienveillance des
grand-mères envers cette pratique (95)
Les grand-mères ont donc un rôle à jouer dans le soutien aux mères allaitantes, à condition qu’il
ne soit pas intrusif et que les informations apportées soient adaptées aux données actuelles sur le
sujet. Il apparaît donc important d’évaluer leurs connaissances et les pressions ressenties par les
mères afin de s’assurer de l’efficacité de leur intervention.
La transmission familiale
Dans notre questionnaire, nous explorions en outre l’importance du sujet de l’allaitement dans
la tradition familiale. Seules quatre mères sur les dix-sept, ont abordé le sujet avec leur propre mère en
dehors d’un contexte de grossesse, comme un élément de l’« histoire de la famille ». La sociologue
Séverine Gojard définit deux modèles d’allaitement (98): le modèle « populaire », où l’allaitement est
un geste naturel, qui s’inscrit dans une tradition familiale, et le modèle « savant », plus
« intellectualisé », où l’information est surtout médicale, scientifique.
La connaissance de ces deux modèles peut être utile pour apporter une aide et une information
adaptées à chaque patiente, en fonction des représentations qui lui sont propres, héritées ou non
de son histoire familiale.
L’importance de l’entourage
L’entourage et son impact sur l’allaitement faisaient l’objet de plusieurs questions: Dix mères
relevaient des exemples d’allaitement dans l’entourage avant leur première grossesse, et les avaient
parfois « vus pratiquer». Les amies occupaient une place particulière (7/10) dans ce rôle d’exemple.
Seize mères avaient évoqué le sujet de l’allaitement avec l’entourage pendant la grossesse, et
beaucoup considèrent que ce sujet est récurrent dans ce contexte : « tout le monde vous pose la
question, hein…« tu vas allaiter ? » , « pour un peu se former aussi une opinion, on a besoin un peu
des autres. (rires) Même si heu… je sais que c’est quelque chose de très personnel (le choix de
l’allaitement) ». De retour à la maison neuf mères ont reçu une aide logistique de l’entourage pendant
l’allaitement, quatorze mères ont perçu des encouragements, un avis favorable ou une valorisation de
l’allaitement par leur entourage. Seules trois mères ont ressenti une forte pression des proches pour le
sevrage, ou un jugement négatif de leur « savoir faire ». Celles-ci ont parfois présenté ces pressions
comme étant l’une des causes du sevrage. On remarque donc que l’exemple de l’entourage, son
adhésion au projet d’allaitement, son aide, ou sa consultation sur le sujet ont été des éléments
importants pour la majorité des mères de notre étude.
L’influence de ce facteur est en effet décrite dans plusieurs travaux de recherche. Ainsi, pour
certains auteurs, des expériences positives d’allaitement dans l’entourage, un modèle de « savoir
faire », le fait d’ « assister » à l’allaitement de proches, sont des déterminants positifs d’un bon
« apprentissage de l’art d’allaiter » et favorisent l’initiation et le succès de l’allaitement (84). Pour
171
d’autres, le soutien émotionnel assuré par les proches a un impact positif sur son initiation ou sa durée
(55)(87). Certaines mères ont souligné l’efficacité du soutien qu’elles avaient reçu et supposaient que
si l’entourage n’était pas encourageant, l’allaitement aurait certainement été difficile. D’autres se sont
senties encouragées par des amies, des sœurs ou cousines, qui avaient une expérience d’allaitement.
Il en ressort que l’entourage a une place primordiale dans l’allaitement maternel. Sa position et
son attitude vis à vis de l’allaitement sont des facteurs déterminants de son bon déroulement. Si
l’on peu difficilement influer sur la composition de l’entourage, il peut être efficace d’identifier
les éventuelles difficultés rencontrées par la mère dans son contexte familial et amical, afin de lui
apporter la réassurance dont elle a besoin.
La place du père
Au cours des entretiens, nous avons vu que la majorité des pères (14/17) a été perçue comme
encourageante. Ceux-ci laissaient penser que le choix de l’allaitement était naturel, qu’il relevait d’une
décision de couple, ils étaient soutenants ou enthousiastes. On note cependant, que pour certains
couples, le choix de l’allaitement était avant tout celui de la mère, et que le conjoint se « pliait » à cette
décision. Pour d’autres encore, le père a été une source de pression pour le sevrage, ou simplement mis
à l’écart, éprouvant des difficultés à définir sa place.
L’implication du père et son soutien dans l’allaitement sont aussi des facteurs reconnus du
choix et de la durée de l’allaitement (83)(84). Ainsi, l’opinion favorable des pères vis à vis de
l’allaitement est associée au choix de l’allaitement (96) et à une durée plus longue (61)(95), alors que
la volonté du père est un facteur de choix fréquemment évoqué pour la nutrition au biberon (97). De
même une étude interventionnelle, réalisée en 2004, comparant des pères ayant suivi une
sensibilisation et une information sur l’allaitement de deux heures au cours de la grossesse, et des
pères ayant suivi un simple cours de préparation à la paternité, non centrée sur l’allaitement, concluait
que les pères sensibilisés et informés à l’allaitement, étaient de bons « avocats » pour encourager le
choix de l’allaitement (74% des conjointes avaient allaité dans le groupe préparé, contre 41% dans le
groupe témoin). La durée de l’allaitement n’était cependant pas influencée (98). Une autre étude
interventionnelle menée en Italie en 2005 a observé que lorsque le père avait reçu une formation de
quarante minutes sur la gestion des complications les plus fréquentes de l’allaitement et son rôle
auprès de la mère allaitante, la durée de l’allaitement, chez les mères qui avaient rencontré des
difficultés, était plus importante que si les informations n’avaient concerné que les bénéfices du lait
maternel (99). Enfin, une étude australienne de 2009 trouvait que les mères estimaient que leur
conjoint avait un rôle important à jouer dans le soutien à l’allaitement en étant favorables à ce choix et
en apportant une aide logistique et psychologique. Les pères quant à eux, souhaitaient être impliqués,
mais exprimaient un besoin d’information quant à la pratique de l’allaitement et à l’aide qu’ils
pouvaient apporter, se sentant parfois exclus (100).
En outre, dans notre étude, treize mères sur les dix-sept ont ressenti une forte implication du
père dans les soins au nourrisson. La relation à la mère, qui est intime pendant l’allaitement,
172
n’implique donc pas que le père soit systématiquement privé d’un lien à son enfant. Le fait de donner
un biberon ne serait pour lui qu’une partie modeste des interactions qui lui sont offertes de vivre avec
le nourrisson. Pour les patientes interrogées, le père n’est non seulement pas un « obstacle » à cette
interaction entre la mère et son nourrisson, mais il a un rôle à jouer important et valorisant de
protection, d’enveloppement, de facilitation de cette relation, créant les conditions du bon déroulement
de l’allaitement (13 mères sur 17). Certaines mères évoquent aussi l’occasion d’un échange particulier
entre le père et la fratrie (4 mères sur 17).
Si l’allaitement est l’occasion d’un échange intense entre une mère et son bébé, il
n’implique pas forcément une « compétition » entre le père et la mère pour l’attachement à
l’enfant, en effet le père dispose de nombreuses autres occasions pour créer un lien fort avec le
nourrisson. Les femmes qui allaitent se disent fragilisées par une nouvelle maternité, et
reconnaissent avoir besoin de l’engagement de leur conjoint et de son soutien pour « réussir »
leur allaitement. L’information du père quant au déroulement, à sa place et à l’importance du
soutien qu’il peut apporter, est donc un élément crucial de la promotion et du soutien de
l’allaitement.
Enfin, notre trame d’entretien n’abordait pas spontanément la question de cette
« triangulation » sous l’angle de la « compétition » entre le père et l’enfant pour l’attention de la mère.
Une seule patiente a explicitement posé la question de cette interaction lors de ses allaitements
antérieurs, où son conjoint s’était senti exclu de la relation : « c’était pas forcément simple pour lui
heu d’être heu… d’avoir sa femme un peu prise heu… par ses enfants… ». Dans le discours des autres
mères, si la relation à l’enfant était décrite comme intense, fusionnelle, source de plaisir,
d’épanouissement, le sentiment d’exclusion ressenti parfois par le père, ne faisait pas clairement
référence à la remise en question de l’intérêt que la mère lui portait. La question de la sexualité,
pourtant souvent associée au positionnement du père par rapport à l’allaitement (101), n’a pas été
abordée par les patientes interrogées. Peut-être que ces représentations de l’exclusion des pères aux
yeux des mères allaitantes et du sein « sexuel » détourné de son usage, aurait été plus présente si nous
avions directement étudié leur discours.
2 . Le moment du choix de l’allaitement et les sources d’information
Les sources d’information sur l’allaitement ont fait l’objet de plusieurs questions dans les
entretiens avec les mères, en fonction du moment de leur parcours : avant la première grossesse,
pendant les allaitements précédents, pendant leur grossesse ou leur allaitement.
Parmi les patientes interrogées, 5 mères avaient reçu une formation pendant leur cursus
universitaire ou professionnel (pratique, paramédicale, spécialisée, ou en psychologie), mais toutes ne
reconnaissaient pas un impact de celle-ci dans le choix de l’allaitement, ni dans son bon déroulement,
173
et insistaient sur l’importance du « vécu », plus que sur celle de la théorie. Six mères s’étaient
documentées sur l’allaitement avant leur première grossesse : dans des magazines, des livres, à la
radio, sur internet, par la lecture d’un mémoire sur le sujet, ou en participant à des évènements « bio ».
Cette information personnelle avant le premier allaitement témoigne d’un intérêt antérieur à la
maternité pour sa pratique ou pour ses bienfaits. Celles qui n’ont pas effectué de recherche sur ce sujet
à ce moment de leur parcours, l’ont parfois expliqué par une impression de simplicité associée à
l’allaitement. Elles n’imaginaient pas que ce geste inné puisse être difficile à apprendre. Dans notre
étude, huit mères évoquaient spontanément le choix de l’allaitement, antérieur à la grossesse, comme
étant indépendant des formations ou informations dont elles avaient bénéficié. Elles le ressentaient
comme naturel, évident, indissociable de la maternité. Par ailleurs quinze mères avaient arrêté le choix
de l’allaitement avant l’accouchement alors que deux autres envisageaient d’« essayer ». Une des
mères qui n’avait pas arrêté son choix évoque un manque d’information ; elle a finalement allaité son
enfant 7 mois. L’autre mère avait vécu difficilement son dernier allaitement, s’était alors sentie
contrainte, poussée dans ce choix, et envisageait donc de nourrir son enfant au biberon pour ne pas
revivre cela ; elle a finalement sevré son enfant à 2,5 mois avec regret, pour reprendre le travail.
Les notions d’intérêt précoce pour l’allaitement, de recherche d’information sur le sujet et de
bonne image de l’allaitement, sont, selon plusieurs auteurs, des facteurs de bon pronostic pour le choix
et la durée de l’allaitement (92)(89)(95)(102), de même, un choix précoce est une indicateur de la
motivation maternelle à surmonter les difficultés, et donc à allaiter plus longtemps (61)(96). Ainsi, A.
Forster suggérait en 2006, que les interventions sur l’intention d’allaiter avant même la grossesse,
pourraient être bénéfiques pour les durées d’allaitement (88).
Cette notion de préoccupation et de choix précoces de l’allaitement est importante pour que la
future mère se projette dans la nutrition de son enfant, s’informe éventuellement sur ses
bienfaits et les contraintes qu’il entraine, afin de prévenir les échecs dûs à une décision non
murie. Le rôle du médecin généraliste pourrait donc être de sensibiliser les femmes, de se
renseigner sur leur choix, et de les inciter à y réfléchir.
Au cours de l’allaitement, les sources consultées ont été internet (6/17), et des « manuels » de
puériculture ou d’allaitement (2/17) : les deux auteurs cités étaient E. Antier et M. Rufo. Les
magazines et les journaux ont aussi été évoqués. On remarque que dans notre population d’étude, la
consultation d’internet a une place importante dans la recherche d’informations sur l’allaitement : neuf
mères sur dix-sept y ont eu recours à un moment de leur parcours. Outre des sites d’information, de
vulgarisation médicale, et ceux des associations de mères, les patientes interrogées ont évoqué les
forums de discussion. L’une d’elle précise même qu’elle y a des « copinautes » (amies avec lesquelles
elle communique par internet souvent sans les avoir rencontrées) qui l’ont conseillée pour le
maternage, ou pour la reprise du travail en allaitant. Dans sa thèse de 2006, L. Kurth-Aviles, avait
aussi étudié les sources d’information des mères allaitantes et observé une forte représentation
d’internet (65%) (82). De même cette source d’information arrivait en tête chez les mères qui
174
souhaitaient se renseigner sur la reprise du travail dans la thèse de G. Fadda (103), et la majorité des
mères de l’étude de S. David-Fondrevelle avaient fréquenté les forums de discussion consacrés à
l’allaitement ou le associations de soutien via internet (104). Les femmes allaitantes se tournent donc
fréquemment vers les réseaux virtuels, elles y partagent leurs représentations, leurs expériences, se
soutiennent, comme cela se ferait entre pairs. On ne peut cependant éluder la question de la fiabilité
des sources d’information, et si ces liens virtuels participent au soutien des mères comme le ferait un
membre de l’entourage ou de la famille, une influence néfaste pourrait aussi être envisagée par le
partage d’informations ou de représentation erronées au sein de ces communautés nouvelles.
Le développement des sites de vulgarisation médicale et de forums de discussion permet une
évolution des attitudes des mères quant à la recherche des informations qu’elles ne trouvent pas
auprès de leurs proches et des professionnels de santé.
Par ailleurs, une mère signale avoir reçu le « guide de l’allaitement maternel du PNNS, mais
estime l’avoir eu trop tard : après l’initiation de l’allaitement. Ce guide, qui a été distribué aux
médecins généralistes depuis 2009, est un outil qui n’a pas été beaucoup évoqué, mais qui est un
support solide et complet pour les mères qui se posent la question d’allaiter leur enfant, et pour celles
qui rencontrent des difficultés d’allaitement (105).
Pour lui donner les chances d’avoir l’impact espéré, ce guide pourrait peut-être faire partie de la
documentation laissée en salle d’attente du médecin généraliste. De cette façon, chacun pourrait
en prendre connaissance, qu’il se trouve ou non dans le questionnement du choix de
l’allaitement.
Au sujet de l’information, certaines mères pensent qu’une « évolution des mentalités » serait
nécessaire pour apporter un soutien aux femmes qui font le choix de l’allaitement, et lutter contre les
idées fausses habituellement associées à l’allaitement. Onze d’entre elles estiment que l’information
autour de l’allaitement est insuffisante et non adaptée au climat actuel de promotion. Le besoin
d’information est souvent abordé lorsqu’on évoque les mesures à prendre pour encourager
l’allaitement. Les cibles et les supports proposés sont multiples : dans les écoles, auprès des jeunes
filles, des futures mères, dans les médias grand public, au niveau du gouvernement, des professionnels
de santé (7/17), de l’accessibilité à une aide efficace.
Cette communication large est effectivement perçue comme étant un outil essentiel de la
promotion de l’allaitement dans la littérature (84)(55). Ainsi, à l’issue de son étude des facteurs
influençant le choix de l’allaitement, S. Arora concluait qu’une information « de masse » des mères,
des familles, des pères et des professionnels de santé, serait utile pour infirmer les idées fausses
classiquement véhiculées (notamment concernant l’insuffisance de lait), et permettre une promotion
efficace de l’allaitement (97). Le changement des regards sur l’allaitement et l’information large de la
population font aussi partie des objectifs d’une politique de promotion de l’allaitement pour le
Professeur Turck. Il propose ainsi que cette information, en plus de cibler les professionnels de santé,
175
soit donnée en milieu scolaire, sur plusieurs supports médiatiques (affichage, télévision), afin que
l’attitude générale de la population vis à vis de l’allaitement évolue et participe à l’effort de soutien de
l’allaitement (55).
L’information et la communication auprès du grand public seraient un point fort de la
promotion de l’allaitement maternel, afin de faire évoluer les représentations et les
connaissances de la société et de l’entourage et par conséquent, d’optimiser l’aide apportée aux
mères.
3 . Place des professionnels de santé : promotion et soutien de
l’allaitement
Le médecin généraliste
Le médecin généraliste occupe une place peu importante pour les mères de notre étude parmi
les référents en allaitement : seules six le considèrent ainsi. Notre population avait pour spécificité
d’avoir fait appel à un médecin généraliste pour des questions d’allaitement. Cependant, si l’on se
penche sur les réponses des mères lors du rappel pour le recrutement aux entretiens, on observe que 45
patientes sur les 60 qui ont été jointes par téléphone n’avaient pas évoqué le sujet avec un médecin
généraliste (soit 75%), alors qu’elle avaient, pour la plupart exprimé leur intention de le faire lors du
recrutement en maternité. S’agit-il de mères donc l’enfant n’était pas suivi par un médecin généraliste,
ou de mères qui n’ont pas ressenti de besoin d’information sur l’allaitement ?
Parmi les mères de l’échantillon, seules quatre sur les dix qui avaient des antécédents
d’allaitement en avaient parlé avec un médecin généraliste lors de leurs premières expériences. Peutêtre faut-il évoquer ici un biais de mémoire : le suivi du nourrisson étant un contexte privilégié pour
aborder le suivi de l’allaitement, les mères ont pu omettre avoir discuté de ce point lors de ces
consultations avec le médecin généraliste. Plus tard, pendant leur grossesse, six mères sur les dix-sept
avaient évoqué l’allaitement avec leur médecin généraliste, cependant, plusieurs précisaient ne pas
l’avoir consulté pendant cette période. Enfin, quatre des six mères qui considèrent le médecin
généraliste comme un référent en matière d’allaitement vivent en région rurale et deux en région
urbaine, il semble difficile d’en tirer des conclusions quant à notre hypothèse selon laquelle le recours
au médecin généraliste en milieu rural est favorisé par la faible densité des autres professionnels de
santé dans ces régions.
Le rôle du médecin généraliste reste donc apparemment assez effacé, tant dans la promotion
que dans le suivi, aux yeux des mères de notre échantillon. Dans le travail de thèse de L. Kurth-Aviles,
26% des mères avaient évoqué des questions d’allaitement avec un médecin généraliste pendant leur
allaitement, 12% pendant la grossesse (parmi celles qui avaient consulté leur médecin à cette période),
alors que 89% l’avaient consulté pendant leur allaitement, et que 27% le considéraient comme un
référent sur ce sujet. La différence de fréquence de recours au médecin généraliste en fonction du lieu
d’habitation (urbain ou rural) n’était pas, significative : 23% des mères en milieu urbain et 31% en
176
milieu rural avaient recours spontanément au médecin généraliste (82). Dans la thèse de I. Triaa, le
médecin n’était consulté que par 5% des mères pour l’allaitement (86). Dans l’étude de B. Branger,
seules 8% des mères allaitantes avaient eu recours au médecin généraliste ou au pédiatre pour
l’allaitement (89). De même, les données de l’étude Rhône-Alpes montraient un recours au médecin
généraliste peu fréquent pour le motif de l’allaitement dans le premier mois (12% des mères qui
continuaient l’allaitement et 20% des mères qui avaient sevré leur enfant entre la maternité et la fin du
premier mois). Pour la période de deux à quatre mois, le recours au médecin, au pédiatre et à la PMI
étaient au même niveau (70).
Les mères considèrent donc peu le médecin généraliste comme un interlocuteur spécialisé pour
des questions d’allaitement et, si elles ont fréquemment recours à lui dans les premiers mois de
vie de leur enfant, elles leur préfèrent d’autres intervenants en cas de problème spécifique à
l’allaitement.
Les sages-femmes :
Pendant leur allaitement, sept mères ont consulté une sage-femme pour des questions
d’allaitement, dont deux une sage-femme spécialisée en lactation. Treize mères considèrent, par
ailleurs, que la sage-femme est le référent en matière d’allaitement. Quatre mères leur associent les
infirmières puéricultrices.
Si l’on s’intéresse à la formation anténatale, on observe qu’une seule mère avait consulté une
sage-femme au sujet de l’allaitement pendant un allaitement antérieur et que huit femmes avaient
évoqué le sujet avec une sage-femme pendant leur grossesse, généralement dans les cours de
préparation à la naissance. Ce chiffre semble peu élevé compte tenu des nombreuses occasions dont
disposent les femmes enceintes d’aborder le sujet de l’allaitement avec ces intervenants: entretien
prénatal précoce et séances de préparation à la naissance. Cependant selon le rapport de périnatalité,
en 2010, seules 21,4% des femmes avaient bénéficié de l’entretien précoce et 73,2% des primipares et
28,5% des multipares, avaient suivi des séances de préparation à la naissance (1). En appliquant
approximativement ces taux dans notre échantillon, nous obtiendrions que 5 primipares et 3 multipares
auraient bénéficié de séances de préparation à la naissance. Notre chiffre de 8/17 correspondrait donc
grossièrement aux taux de participation à ces séances observés dans la population française. Le vécu
de ces préparations à la naissance est peu évoqué par les mères.
Plusieurs études montrent des effets discordants des préparations à la naissance sur les durées
et le choix d’allaitement : certaines ne retrouvent pas d’impact, et une fréquentation faible de ces
« cours » (89), d’autres voient en ces rencontres, une occasion privilégiée d’informer les mères sur
l’allaitement (83) et soulignent un choix facilité par la participation à celles-ci (91). Une revue de la
littérature Cochrane réalisée en 2008, sur l’utilité de la formation anténatale pour le choix de
l’allaitement montrait un effet positif, mais elle portait uniquement sur des populations d’Amérique du
Nord, aux revenus économiques bas (106). Une seconde revue de la littérature Cochrane menée en
2011, n’a pas montré d’effet significatif notable des différentes formations anténatales sur l’initiation
ou la durée de l’allaitement et soulignait le besoin urgent d’enquêtes sérieuses sur le sujet (107).
177
Dans son « Plan d’action pour promouvoir l’allaitement maternel », le Professeur Turck
propose que les futures mères soient incitées à participer aux séances de préparation à la naissance
(55). Par ailleurs l’un des objectifs énoncés dans les recommandations professionnelles pour la
préparation à la naissance et à la parentalité publié par l’HAS est de : « Donner les connaissances
essentielles à l’alimentation du nouveau-né et encourager l’allaitement maternel » (108).
Le médecin généraliste assurant des suivis de grossesse, peut avoir un rôle à jouer dans cette
promotion en encourageant ses patientes à assister aux préparations à la naissance, ou en les
incitant à réfléchir au mode d’alimentation qu’elles choisiront.
La PMI
La PMI a été rarement sollicitée pour des questions d’allaitement par nos patientes : trois
d’entre elles ont parlé d’allaitement avec un professionnel de ce service pendant leur allaitement et
deux lors d’un allaitement précédent. Pourtant, de nombreuses mères ont eu affaire à la PMI pour la
pesée de leur enfant. Les PMI pourraient donc être un lieu privilégié pour aborder ce sujet, d’autant
plus qu’elles interviennent souvent dans un contexte de surveillance du poids. Ces résultats ne se
retrouvaient pas dans l’étude Rhône-Alpes, dans laquelle le premier recours identifié en matière
d’allaitement était la PMI (70), ni dans la thèse de I. Triaa, où 42% des femmes avaient parlé
d’allaitement avec la PMI (86). De même, B. Branger considère les PMI comme un lieu adapté à
l’information et l’aide à l’allaitement (89). Enfin, dans une étude de 2007 sur l’impact de visites au
domicile par des intervenants formés en matière d’allaitement durant les cinq premières semaines, H.
Kronborg concluait que le bénéfice obtenu devait inciter à proposer cette aide précoce plus largement
dans le but d’augmenter les durées d’allaitement (109). Ce rôle de visite au domicile est déjà tenu par
les PMI qui se déplacent souvent dans le premier mois de vie des enfants. Il serait alors probablement
efficace de leur assurer une formation solide sur les questions d’allaitement.
Le gynécologue
Une mère pense que le gynécologue est le référent en allaitement, et six avaient parlé
d’allaitement avec lui pendant leur grossesse. Ce chiffre peut paraître bas, si l’on considère que
l’obstétricien est le spécialiste de la maternité et que les suivis de grossesse relèvent habituellement de
l’obstétricien : 66,8 % des femmes ont été suivies essentiellement par un gynécologue pour leur
grossesse en 2010 (1). Il faut cependant souligner ici que les gynécologues ne font pas spontanément
partie des praticiens consultés dans le post-partum immédiat. Leur rôle dans la promotion de
l’allaitement en prénatal est donc important, mais le suivi de l’allaitement par la suite, en dehors des
complications, est peut-être moins évident.
Le travail en réseau
Une mère (Madame 12) estime qu’il existe un référent en allaitement pour chaque étape de la
maternité : les sages-femmes qui préparent à la naissance, le personnel des maternités (sages-femmes
et puéricultrices), puis le médecin généraliste après la sortie de la maternité. Le travail en réseau est
souvent bénéfique à la prise en charge des patients. Aucune des mères de notre étude n’a été adressée
178
par son médecin généraliste à un autre professionnel de santé pour un problème d’allaitement. Or, si la
plupart n’a pas rencontré de difficulté importante pendant l’allaitement, on relève cependant trois
situations où une évaluation plus approfondie aurait été envisageable : l’enfant 10, atteint de trisomie,
a suivi une courbe de poids médiocre ; Madame 15 a souffert de symptômes évoquant des mastites
et/ou des canaux lactifères obstrués (selon sa description) récidivant malgré le traitement de son
médecin ; et enfin, Madame 13 présentait de multiples facteurs de risque d’allaitement inefficace:
retard de montée laiteuse de 4 jours, prise de compléments en maternité, mauvaise prise de poids de
son enfant, fragilité émotionnelle face à son incapacité à allaiter, elle a ressenti que son désir
d’allaitement n’était pas compris ni pris en compte. Dans la thèse de L. Kurth-Aviles, 50% des
médecins travaillant en zone urbaine et 24% des médecins exerçant en milieu rural, reconnaissaient
avoir parfois recours à des correspondants en matière d’allaitement. Il s’agissait principalement du
gynécologue (66%) (82). Cette observations tendrait à souligner que les médecins exerçant en
campagne, disposant moins de correspondants spécialisé, devraient être bien formés sur le sujet.
Dans la littérature, l’aide aux mères allaitantes fait l’objet d’un vif intérêt actuellement, et de
nombreuses études, surtout étrangères, tentent de définir les modalités optimales de ce soutien. Ainsi,
dans une revue de la littérature Cochrane, C. Britton et al. faisaient le constat qu’une aide
professionnelle augmentait les durées d’allaitement, une aide non professionnelle avait principalement
un impact sur le caractère exclusif de l’allaitement. La combinaison des deux avait un effet sur le
caractère exclusif et sur la durée surtout dans les deux premiers mois. Enfin, l’aide téléphonique
n’apportait pas de preuve d’efficacité, alors que l’aide « face à face » diminuait les abandons
d’allaitement. Les auteurs en déduisaient que les recherches devaient être approfondies afin de
déterminer les modalités de cette aide, notamment sur des durées d’allaitement plus longues, et de
s’interroger sur la perception de celle-ci par les mères, (110). Une étude Française de 2005 a évalué
l’impact d’une visite réalisée au cabinet d’un médecin généraliste ayant reçu une formation de 5
heures, dans les deux semaines qui suivent la sortie de la maternité. Il en a été conclu que cette
intervention augmentait le taux d’allaitement exclusif à 4 semaines et la durée totale d’allaitement. De
plus, les mères qui avaient suivi ce protocole rapportaient moins de difficultés d’allaitement (111). Le
Professeur Turck dans son rapport pour promouvoir l’allaitement suggère entre autre de : « Proposer à
chaque femme une consultation d’allaitement par un professionnel de santé formé, entre J8 et J15,
remboursée à 100% » (55).
Il existerait donc bien une place pour un médecin généraliste formé, dans la promotion et le
soutien efficace de l’allaitement. Par ailleurs, s’il ne peut répondre à tous les problèmes posés
par sa patiente, il devrait disposer d’un « carnet d’adresse » au même titre que pour les autres
spécialités médicales afin d’orienter les mères vers un interlocuteur capable de les accompagner
dans leur projet : échographistes spécialisés, consultants en lactation, pharmaciens, sagesfemmes, pédiatres, associations de soutien aux mères…
179
Enfin, un seule mère signale avoir bénéficié d’une observation de tétée, avec une sage-femme.
Or, pour de nombreux problèmes d’allaitement, l’observation de la tétée est une étape indispensable à
l’évaluation de l’origine des troubles : crevasses, mauvaise prise de poids, suspicion de reflexe
d’éjection fort, comportement anormal au sein, etc.
L’apprentissage de cet examen de tétée, ou la connaissance des spécialistes qui le maitrisent
pourrait être un autre point d’impact pour la meilleure prise en charge des mères allaitantes et
des enfants allaités.
En somme, si les toutes les mères de notre échantillon ont évoqué l’allaitement avec un médecin
généraliste, près des deux tiers considèrent qu’il n’est pas référent dans ce domaine. Son rôle
dans la promotion, le soutien et la coordination du suivi de l’allaitement apparaît cependant
crucial.
4 . Allaitement et travail
Dans notre échantillon, deux mères étaient sans activité lors de la naissance de leur enfant
(12%). Ce taux était de 12% dans l’étude Rhône-Alpes (85) et de 13,2% dans l’étude périnatale
nationale 2010 (1). Si l’on considère la taille de notre population, on peut supposer que les mères de
notre étude sont à peu près aussi engagées dans la vie professionnelle que les mères françaises.
Cette notion d’activité professionnelle avant la grossesse est reconnue comme étant un facteur
prédictif de non choix ou de moindre durée de l’allaitement, puisque la mère doit souvent reprendre le
travail rapidement (83)(84)(95). Selon d’autres auteurs, l’activité professionnelle de la mère est un
facteur de choix de l’allaitement, mais aussi de moindre durée du fait du sevrage à la reprise (89). Le
travail est un thème récurrent des entretiens qui a aussi beaucoup été étudié dans la littérature,
notamment dans plusieurs thèses (112)(103). Il est souvent problématique pour l’allaitement et
entraine parfois un sevrage forcé. Le projet d’allaitement est dépendant de cette reprise pour beaucoup
des mères interrogées. L’une d’elle déclare d’ailleurs que si elle n’avait pas allaité son enfant, elle
aurait certainement repris le travail plus tôt. Parmi les patientes de notre population, treize avaient
prévu de reprendre le travail plus tard que ne le prévoyait leur congé de maternité, choisissant parfois
de « faire des sacrifices financiers » pour prendre le temps de s’occuper de leur enfant. Elles s’étaient
arrangées pour prendre leurs vacances annuelles à la suite du congé de maternité, avaient pris des
congés parentaux, ou profitaient des vacances scolaires.
Deux mères en particulier, ont sevré leur enfant en vue de la reprise du travail et ont éprouvé
une forte frustration de ne pouvoir prolonger cette expérience à cause de leur activité professionnelle.
Ces mères se sont senties incomprises par leur médecin qui ne leur a pas accordé l’arrêt de travail
qu’elles souhaitaient. Quatre mères ont, quant à elles, bénéficié d’un arrêt de travail : l’une d’elles
avait convenu de cet arrêt avec le gynécologue dès la maternité, deux autres l’expliquent clairement
180
par un « arrangement » avec leur médecin (avant les vacances ou jusqu’au congé parental), et une
dernière évoque l’« asthénie ». Le paradoxe entre les recommandations médicales de l’OMS et les
mesures proposées aux femmes pour les appliquer est souvent souligné.
Les mères qui se sont exprimées à ce sujet estiment toutes que le congé de maternité est trop
court (onze mères), certaines souhaiteraient qu’il soit prolongé jusqu’à six mois, d’autres parlent d’une
durée de un an pour se « remettre » d’un accouchement et des changements induits par la maternité.
On note par ailleurs, qu’indépendamment de l’allaitement, plusieurs femmes pensent que l’enfant est
trop petit pour se séparer de sa mère à dix semaines, date habituelle de la reprise du travail pour un
premier bébé. La prolongation du congé d’allaitement maternel à 14 semaines fait aussi partie des
propositions du professeur Turck pour promouvoir l’allaitement (55), et pour de nombreux auteurs, la
durée du congé de maternité ou la part de temps travaillée sont des facteur influençant la durée de
l’allaitement (84).
Si l’on regarde les lois en place dans d’autres pays, on remarque que de plus longues durées
sont appliquées ailleurs. Pour exemple, les mères suédoises bénéficient d’un congé de maternité de un
an, sans perte de salaire. Dans ce pays, le taux d’initiation de l’allaitement est de 98% et 72% des
enfants sont encore allaités à 6 mois (55).
Les dispositifs proposés en France pour que les femmes reprennent le travail en continuant
l’allaitement sont aussi insuffisants d’après les mères interrogées. L’« heure d’allaitement » leur paraît
incompatible avec les rythmes de leur profession, l’organisation avec le tire-lait est trop fastidieuse, et
l’information de leur employeur est insuffisante. Certaines mères souhaiteraient reprendre le travail,
mais les conditions ne leur sont pas favorables. Ainsi, seules quatre mères ont pu concilier travail et
allaitement et une seule d’entre elles n’a pas rencontré de difficulté car elle bénéficie d’horaires
compatibles avec la poursuite de l’allaitement. Les autres relèvent plusieurs problèmes : un refus des
biberons qui engendre une angoisse maternelle de laisser son enfant s’affamer la journée ; une asthénie
liée au « rattrapage des tétées » la nuit ; une organisation difficile avec le tire-lait. L’utilisation du tirelait sur le lieu de travail n’est pas non plus répandue, puisqu’une seule mère y a eu recours. Les autres
ont choisi de pratiquer un allaitement mixte ou de tirer leur lait à la maison. Les difficultés pour
concilier travail et allaitement évoquées dans la thèse de G. Fadda étaient plus développées, les mères
évoquaient : un environnement professionnel mal adapté ou hostile, la diminution de la production de
lait, la fatigue, l’utilisation du tire-lait, le mode de garde et les complications locales : écoulements,
engorgements (103). La question de l’asthénie est aussi intriquée avec la reprise du travail : lorsque
l’enfant est petit, si la mère souhaite poursuivre un allaitement exclusif et qu’il accepte mal les
biberons, il est souvent observé un « rattrapage » des tétées lorsqu’elle est avec son enfant.
Pour s’assurer une reprise du travail dans des délais plus compatible avec un prolongement de
l’allaitement, ou pour sevrer leur enfant un peu plus tard, les mères évoquent parfois le rôle du
médecin généraliste, mais certaines ressentent un malaise à formuler cette demande. En effet, le code
181
de la sécurité sociale n’acceptant pas l’allaitement comme motif de congé maladie, le médecin doit
signaler une pathologie que les mères ne présentent pas, souvent l’asthénie. Cette pratique participe
d’ailleurs, plus ou moins consciemment à la représentation de l’asthénie comme étant liée à
l’allaitement.
Par ailleurs, quelques mères évoquent un « congé d’allaitement » qu’elles jugeraient approprié
à la réalisation de leur projet d’allaitement. Cette proposition, qui pourrait sembler raisonnable, pose le
problème d’une « favorisation » des mères allaitantes, qui bénéficieraient d’avantages sociaux
supérieurs à ceux proposés aux autres femmes. Une telle mesure serait probablement assez
impopulaire dans un contexte où la promotion de l’allaitement est déjà menacée du spectre de la
culpabilisation des mères qui ne font pas ce choix.
Enfin, la quatrième mesure que les mères souhaiteraient voir appliquer est la revalorisation des
congés parentaux. En effet, certaines mères évoquent une dévalorisation du « métier de mère » : « les
femmes elles sont pas du tout heu… mises en valeur…par leur travail à la maison ».
Le médecin généraliste se trouve donc dans une position inconfortable quant à la prescription
d’arrêt de travail pour le motif de prolonger l’allaitement. Même s’il est convaincu que le
bénéfice pour l’enfant et pour la mère est grand, et qu’il est incité à en faire la promotion, il est
dans l’incapacité légale de retarder la reprise du travail. Des mesures cohérentes devraient donc
être prises à l’échelle nationale pour mettre fin à cette situation, soit en revoyant les conditions
de travail des mères allaitantes, soit en proposant des durées de congé de maternité plus longues
ou des aides sociales revalorisées.
D. La conduite de l’allaitement
Au cours des entretiens, cinq mères ont affirmé spontanément que les débuts en maternité étaient
critiques pour le déroulement ultérieur de l’allaitement, soulignant l’importance d’une aide efficace à
ce moment. Cette notion est à corréler à l’appréhension des difficultés déjà vécues ou rapportées des
premiers jours de l’allaitement, qui est souvent présente dans leur discours.
Les mères accordent donc une importance particulière à l’information, la formation, le soutien de
l’équipe qui les suit pendant l’accouchement et le séjour en maternité. Lorsqu’on évoque la formation
des professionnels de santé, plusieurs mères considèrent que le personnel des maternités doit être une
cible privilégiée des campagnes de promotion de l’allaitement.
De nombreux facteurs, au moment de l’accueil à la maternité puis plus tard, ont été associés à
un meilleur déroulement de l’allaitement et à des durées plus longues. Elles sont notamment détaillées
182
et évaluées dans le rapport de l’ANAES de 2002 : « ALLAITEMENT MATERNEL MISE EN ŒUVRE
ET POURSUITE DANS LES 6 PREMIERS MOIS DE VIE DE L’ENFANT » (64).
Comme nous l’avons évoqué dans le chapitre généralités, les conditions de mise en place et de bonne
pratique de l’allaitement maternel décrites par l’OMS et l’UNICEF font l’objet du programme proposé
aux maternités par l’IHAB, qui vise à offrir des conditions optimales d’accueil du nouveau-né et
d’accompagnement de sa famille (voire Annexe 3). Les maternités labélisées HAB ont largement fait
la preuve de l’efficacité de ce programme sur l’initiation, la durée et le vécu général de l’allaitement
(113)(114). Nous nous sommes intéressée à l’application de ces pratiques dans le récit des mères que
nous avons interrogées.
Aucune maternité de la région Rhône-Alpes n’est labélisée HAB, mais trois mères (issues de
deux maternités différentes) estiment que l’établissement où elles ont accouché est « pro-allaitement »
et l’une d’elles a même choisi cet établissement pour cette raison.
Condition 4 : Mettre les nouveau-nés en contact peau à peau avec leur mère immédiatement à la
naissance et pendant au moins une heure, encourager les mères à reconnaître quand leur bébé
est prêt à téter, et offrir de l'aide si nécessaire
Dans notre étude, seules deux mères, celles qui avaient accouché par césarienne, n’ont pas
tenu leur enfant dans leurs bras rapidement. Les quinze autres ont été mises en contact avec lui dans
un court délai. L’une des mères a dû « demander », une autre a été séparée de son enfant dans un
second temps pour recevoir des soins (aspiration gastrique), et une autre n’a pas pu laisser téter son
enfant car il devait subir un prélèvement gastrique. Les mères n’ont pas toutes précisé s’il s’agissait de
peau à peau. Une mère signale cependant que son enfant ayant froid, il lui avait été repris, puis
enveloppé dans un drap.
Les premiers instants de l’interaction d’une mère avec son nouveau-né sont importants pour la
mise en place de l’allaitement. En effet, l’attitude innée du nouveau-né en peau à peau sur le ventre de
sa mère est de se diriger vers le sein pour téter. Plusieurs mères ont décrit leurs premiers moments
avec leur enfant de cette façon stéréotypée. Selon une revue de la littérature Cochrane de 2007, les
effets du peau-à-peau précoce sont nombreux, tant sur la mère que sur le nourrisson : réussite de la
première tétée, augmentation de la durée de l’allaitement, moindre douleur d’engorgement mammaire,
moindre anxiété maternelle, maintient de la température corporelle du nouveau-né, moins de pleurs et
de mouvements désorganisés, maintient des paramètres physiques et biologiques (glycémie), probable
meilleur attachement maternel. La période d’éveil calme qui suit l’accouchement est le moment
propice pour permettre ce premier contact avec sa mère et faciliter la recherche de l’odeur du sein en
vue de la première tétée. Ces reflexes sont fragiles et peuvent être perturbés par les soins précoces
réalisés en salle de naissance (115).
Le délai de première « installation au sein » ou tétée spontanée chez les mères interrogées a
été de moins de 2 heures ou de 2 heures pour quatorze enfants, et de 2-3 heures à 5-6 heures pour les
trois autres. Huit mères ont décrit l’attitude de leur enfant comme volontaire dans cette première tétée.
183
Les autres parlent d’une « mise au sein » (4/17) ou ne précisent pas. Par ailleurs, plusieurs mères
évoquent spontanément une aide d’une sage-femme ou d’une puéricultrice, en salle de naissance,
qu’elles ont ressentie comme bénéfique sur leur assurance dans cette première rencontre avec leur
enfant. Le souvenir de ces premiers moments est largement empreint d’émotions positives dans le récit
des patientes.
Les conditions de contact précoce et de première tétée rapide facilitée ont donc globalement été
respectées dans les récits des mères. A l’échelle du médecin généraliste, il peut être important de
connaître ces conditions optimales pour en informer les patientes, afin qu’elles se préparent au
déroulement de ces premiers instants.
Condition 5 : Indiquer aux mères comment pratiquer l'allaitement au sein et comment
entretenir la lactation même si elles se trouvent séparées de leur nourrisson
Lorsque les mères évoquent le ressenti de l’aide qu’elles ont reçue en maternité, les
impressions sont assez mitigées. En effet, dix mères ont perçu celle-ci comme efficace, soit dès le
début, soit après des difficultés. Quatre mères l’ont mal vécue, initialement ou globalement : elles en
retirent une impression de mise en danger de leur allaitement, la qualifiant de « violente », déroutante,
inadaptée, non respectueuse de leurs sensations. Deux mères n’ont pas reçu d’aide concernant
l’allaitement car elles étaient multipares et n’en ressentaient pas le besoin. Un point important rapporté
par quatre mères est un sentiment d’incoordination de l’aide, d’avis contradictoires. Ces informations
peu claires ont été jugées délétères pour le ressenti de l’allaitement et ont entrainé des doutes persistant
parfois bien à distance du séjour en maternité. Certaines mères ont reconnu avoir été très déstabilisées
par l’aide peu fiable qui leur avait été apportée : « c’était le chaos ». L’effet négatif d’une aide
inappropriée par le personnel soignant est reconnu dans plusieurs travaux de recherche (83)(87). Par
ailleurs la notion d’aide non coordonnée et contradictoire est aussi étayée dans la littérature et
reconnue comme étant néfaste pour l’allaitement (84).
Parallèlement, sept mères évoquent l’intervention d’une personne qui a eu un impact
particulier sur leur allaitement, soit parce qu’elle était la personne référente dans le cadre de
l’allaitement et qu’elles ont trouvé auprès d’elle une aide et un encouragement personnalisés, soit que
son intervention à un moment critique a été vécue comme « salvatrice ». Enfin quatre mères ont
ressenti des pressions ou des insinuations de la part du personnel, les incitant à allaiter, à renoncer à
l’allaitement, ou à donner un complément de lait artificiel. Celles-ci ont parfois exprimé la méfiance
qu’elles éprouvaient dans ce contexte, compromettant la relation de soin avec ces professionnels qui
ne respectaient pas leur projet d’allaitement.
La notion de confiance en soi est importante pour la durée de l’allaitement, ainsi, les mères qui
sont assurées dans leurs gestes et leur démarche allaitent plus longtemps. Le rôle de l’équipe médicale
pour l’aider à acquérir cette confiance est important dès la maternité (116). De même l’impact d’une
aide coordonnée autour d’une personne référente pour les patientes est bénéfique, selon une métaanalyse de 2010 (117).
184
Ces expériences soulignent l’importance d’une aide coordonnée, uniforme, éclairée, reposant sur
une personne référente, ainsi que le respect et le soutien du projet d’allaitement de la part du
personnel des maternités et plus largement des intervenants de santé qui suivent la mère
allaitante.
Condition 6 : Ne donner aux nouveau-nés aucun aliment ni aucune boisson autre que le lait
maternel, sauf indication médicale
L’introduction de compléments en maternité a été reconnue pour être associée à un sevrage
plus précoce, entravant la mise en place de la lactation et l’apprentissage de la prise du sein
(88)(89)(84)(83)(87). Les indications médicales des compléments aux nouveau-nés sont réglementées
et destinées à des situations critiques (118). Aucun des enfants concernés dans notre étude n’a
apparemment présenté ces conditions. Ces recommandations se confrontent à l’impression de manque
de lait et au sentiment de faim que les mères et les soignants prêtent au nouveau-né dès la maternité et
par la suite. Le rapport de l’ANAES précise en outre, que l’introduction de complément entre 4 et 6
mois conduirait à l’augmentation du risque de gastro-enterites, et devrait donc être déconseillée (64).
Dans notre échantillon, quatre enfants ont reçu un biberon de lait artificiel à la maternité, soit
pour une perte de poids, soit pour une demande de la mère pour des tétées trop fréquentes avant la
montée de lait, soit pour un retard de lactation de 4 jours. Un enfant a reçu du lait artificiel à la tasse
pendant deux jours pour un retard de lactation de 48 heures. Parmi ces cinq enfants, deux ont eu des
difficultés de succion après le retour au domicile et trois ont eu une prise de poids problématique. Pour
l’un d’entre eux, l’allaitement a été compromis. Il n’est bien sûr par question d’établir un lien de
causalité entre ces troubles et l’utilisation de complément, dans ces quelques cas.
Il semble cependant utile de considérer l’utilisation de préparations pour nourrissons dans les
premiers jours de vie comme étant l’indicateur d’un risque de difficultés d’allaitement, que ce
risque découle de l’introduction des compléments, ou de ses indications. Ces enfants sont donc à
identifier et à suivre avec une attention particulière après leur retour au domicile.
Condition 7 : Laisser l'enfant avec sa mère 24 heures par jour
La cohabitation du nouveau-né et de sa mère est aussi reconnue pour favoriser la mise en place
de l’allaitement, et prolonger sa durée (89). Cette cohabitation permet d’augmenter le nombre de
tétées, d’aider la mère à comprendre et à répondre aux besoins de son enfant, et donc de faciliter la
lactation en assurant une bonne mise en place dans les premiers jours et un bon calibrage dans les
premiers mois. La cohabitation augmente donc la durée de l’allaitement. (64).
Cette pratique se généralise en maternité, et dans notre étude, quatorze mères avaient partagé
leur chambre avec leur enfant pendant tout le séjour en maternité, l’une d’elle avait même partagé son
lit. Les trois autres avaient été séparées pour la première nuit, une de ces mères évoque une « habitude
du service ».
185
Les bénéfices du partage de chambre ne se limitent pas au séjour en maternité, et cette
cohabitation continue de faciliter la lactation et l’allaitement après le retour à la maison. Elle est
associée à une pratique optimale de l’allaitement « à la demande ». L’enfant et sa mère bénéficient
donc de tous ses avantages. Parmi les dix-sept mères interrogées, quinze ont déclaré partager ou avoir
partagé la chambre de leur enfant, parfois uniquement pour la durée de l’allaitement. Cinq des neuf
mères qui n’avaient pas encore sevré leur enfant partageaient toujours leur chambre.
Une mère avait un dispositif de couchage proche du co-sleeping, en side-bed. Huit mères
signalent avoir partagé ou partager occasionnellement leur lit avec leur enfant. Ces « aveux » sont
parfois teintés de culpabilité et deux mères évoquent la réputation dangereuse de cette pratique.
De nombreuses études aboutissent à la conclusion que le co-sleeping s’il est pratiqué dans le respect
des normes de sécurité, est fortement associé à un meilleur déroulement de l’allaitement. (119).
Si le partage de la chambre et du lit sont reconnus pour favoriser l’allaitement et prolonger sa
durée, ils ne correspondent pas au modèle culturel actuel de couchage. Le médecin peut-il se
permettre d’intervenir sur ce qu’il se passe dans les chambres à coucher ?
Par ailleurs, le portage est un autre moyen de favoriser cette proximité de la mère avec son
enfant. Sa pratique a été étudiée chez les femmes de notre population. Il en ressort que neuf patientes
disent le pratiquer régulièrement et/ou pour calmer leur enfant au cours de la journée, éventuellement à
la maison. Cinq ne l’utilisent que rarement ou uniquement pour les sorties, et trois ne le font pas.
Plusieurs mères évoquent la complexité d’installation comme un obstacle à l’utilisation des écharpes
de portage, alors que certaines mères trouvent un réel avantage à cette technique de maternage pour
calmer leur enfant.
Cette pratique, bien qu’en progression en France, est encore éloignée des représentations de
notre société et rejoint, dans l’imaginaire de certains, la notion de séparation difficile de la mère
et de son enfant.
Condition 8 : Encourager l'allaitement au sein à la demande de l'enfant
L’allaitement, pour être efficace, et pour perdurer dans le temps, doit être pratiqué sans
restriction du nombre ou de la durée des tétées (64). Le rythme initial est irrégulier et les fréquences
sont élevées. La règle de l’allaitement à la demande est une pratique qui est de plus en plus admise
dans les représentations populaires et qui est largement relayée dans les divers guides pratiques de
l’allaitement (64)(120)(105).
Aucune mère, ne nous a mentionné de « cadre horaire restrictif » appliqué à l’allaitement.
L’une d’entre elles a cependant souligné que le concept d’ « allaitement à la demande » n’était pas
compris et était même critiqué par son entourage. Certaines patientes de notre étude ont, par contre, dû
stimuler leur enfant en lui proposant le sein plus régulièrement qu’il ne semblait le réclamer, dans un
contexte de perte ou de stagnation de poids. Les notions de fréquence et de durée des tétées sont
évoquées généralement comme « subies » par la mère. Elles sont propres au caractère de l’enfant, le
186
définissant en tant que bébé « goulu » ou « calme ». Plusieurs patientes comprennent ce rythme
imposé par l’enfant comme un avantage, une assurance que les besoins du nourrisson sont assouvis.
Le rythme instinctif est, pour elles plus physiologique que le cadre strict des biberons réguliers. Une
mère déclare même : « il faut… (se) faire confiance au bébé pour dire : « c’est bon, il a pris… ce qu’il
voulait » ». pour d’autres, il est source d’angoisse notamment quand la prise de poids est
problématique.
La perception des rythmes et des durées des tétées est très subjective et ce qui semble
« fréquent » ou « long » pour certaines, est perçu différemment par d’autres. La comparaison aux
recommandations pour l’alimentation par les préparations pour nourrissons est souvent évoquée.
Ainsi, dans leurs représentations de l’allaitement maternel, quatre mères abordent la question de la
fréquence des tétées sous cet angle et une mère fait le récit de conseils inappropriés d’un pédiatre qui
calquait le rythme des tétées sur celui des biberons de substituts de lait maternel.
Parmi les mères qui se sont exprimées sur la question de la fréquence et de la durée des tétées,
quatre décrivent des tétées rapides, deux des tétées longues, six mères parlent de tétées fréquentes et
deux de tétées espacées. D’autres font état d’enfant « tout le temps au sein » ou de tétées de
« plusieurs heures ». Dans les recherches visant à mesurer ces paramètres, il a été montré que ceux-ci
étaient très variables, selon chaque couple mère-bébé (64). Ils dépendent, entre autres facteurs, de la
capacité de stockage de la mère, de la qualité du transfert de lait, de la satiété de l’enfant. Quelques
études ont observé la fréquence et la durée moyennes des tétées. Ainsi, KR Shealy a mené une enquête
observationnelle de ces paramètres en 2008 (n=1466). Pour les deux premiers mois, les enfants tétaient
de 3 à 12 fois par 24 heures (en moyenne 8 fois), et le nombre de tétées journalières diminuait de une
tétée tous les deux mois. 50% des enfants tétaient moins de 20 minutes par repas à un mois et les
tétées courtes augmentaient au fil des mois, à 6 mois, environ 75% des enfants tétaient moins de 20
minutes (121).
La pratique d’un allaitement à horaires fixes est associée à des complications maternelles plus
fréquentes (engorgement, douleurs des mamelons), augmente le recours aux compléments, entraîne
une diminution du volume de lait, une prise de poids insuffisante, une désorganisation des rythmes du
nourrisson (64). Tous ces effets ont un impact négatif sur la lactation, d’autant plus préjudiciables s’ils
se produisent pendant la phase de calibrage (4 à 6 premières semaines).
S’il est difficile et inutile de donner des chiffres moyens pour définir les fréquences et les
durées d’allaitement, il peut être intéressant de sensibiliser les mères au fait qu’un enfant peut téter 10
à 12 fois par jour pendant les premières semaines, afin qu’elles n’attribuent pas cette impression de
tétées plus fréquentes qu’elles n’auraient imaginé, à un manque de lait ou un allaitement défaillant.
Les chiffres évoqués n’apportent pas d’information quant à l’efficacité de allaitement et il est
plus judicieux de se pencher sur la notion de transfert de lait, de s’assurer que les mères savent
différencier une tétée efficace de la succion non nutritive. Il faut les sensibiliser au fait que la
fréquence des tétées peut être physiologiquement élevée, afin qu’elles ne se fixent pas des
attentes irréalistes et n’éprouvent pas de doutes sur l’efficacité de l’allaitement.
187
Par ailleurs, la question de la quantification est parfois problématique selon les mères
interrogées, notamment en cas de prise de poids insuffisante. Cette difficulté à déterminer la prise
alimentaire de l’enfant fait évoquer par deux mères la « tyrannie du pèse-bébé », expérience
déroutante et angoissante, car elles ne savaient pas quelle attitude adopter selon le résultat des pesées.
La prescription de pèse-bébé au domicile ne semble pas être une prise en charge bénéfique et risque
d’engendrer un stress et un sentiment d’impuissance. Lorsque la prise de poids n’est pas
problématique, cette quantification impossible est vécue plus sereinement, parfois comme un avantage
par rapport au lait artificiel qu’il faut systématiquement mesurer.
La notion d’allaitement à la demande suppose enfin que les mères sachent reconnaître la
« demande » et le moment propice pour proposer le sein. Cette difficulté d’interprétation des signaux
de leur enfant a été plusieurs fois évoquée, principalement dans les premières semaines d’allaitement.
La définition d’états de vigilance (selon les classifications de Prechtl et Brazelton) permet de
comprendre cette notion de « demande » du nourrisson. En effet, dans les premières semaines, le
nourrisson a un rythme de sommeil ultradien, les périodes d’éveil sont réparties tout au long des vingt
quatre heures. Puis, le sommeil s’organise en rythme circadien (fin du premier mois – 3ème mois), et les
périodes d’éveil et donc de tétées se regroupent (122). Les périodes d’éveil sont propices à la
recherche du sein et à la tétée. Cependant, le nouveau-né ne se réveille pas parce qu’il a faim, mais
parce que son cycle de sommeil s’achève. C’est donc le rythme de sommeil qui conditionne le rythme
des tétées. Les périodes d’ « éveil calme », ( nouveau-né attentif, qui cherche la relation) et d’ « éveil
agité » (nouveau-né tonique, qui cherche le sein, impatient) selon la classification de Prechtl, sont
propices à l’allaitement, alors que la période d’ « éveil agité avec pleurs » est indicatrice d’un bébé
« désorganisé » qui aura des difficultés pour téter. Ces stades sont d’ailleurs bien illustrés dans le
Guide de l’allaitement maternel distribué par l’INPES p22-23 (105).
Il ne faut donc pas confondre « demande » et « pleurs ». La définition de la « demande »
exprimée par un enfant calme, ou qui cherche le sein sans pleurer, est importante à expliquer
aux mères pour qu’elles apprennent à reconnaître les besoins de leur enfant.
Condition 9 : Ne donner aux enfants nourris au sein aucune tétine artificielle ou sucette
La plupart des études concluent à un impact négatif de l’utilisation de tétines sur la durée
d’allaitement (64), surtout si elles sont introduites avant 10 semaines (95), et parfois sur la prise de
poids de l’enfant allaité. Une revue de la littérature Cochrane de 2011 nuance cependant ces
observations en ne rapportant pas à d’effet significatif de l’utilisation de tétine sur la durée de
l’allaitement jusqu’à l’âge de 4 mois et préconise de nouvelles recherches pour clarifier cette
conclusion (123).
Six enfants de notre étude ont utilisé une tétine dont 3 dans les premiers mois. Aucune mère ne
signale y avoir eu recours à la maternité. Elles font d’ailleurs peu de commentaires sur la raison de
188
leur utilisation. Précisant seulement qu’elles facilitent ou conditionnent l’endormissement de leur
nourrisson. Ces trois enfants ont eu des durées d’allaitements entre 6,5 mois et 8 mois et aucun trouble
de succion n’a été relevé, plusieurs enfants allaités utilisaient aussi une tétine. Nous ne retrouvons
donc pas d’impact de cette pratique dans ces cas.
Cependant, l’utilisation de la tétine est culturellement répandue, il peut être judicieux d’alerter
les parents sur les difficultés d’allaitement que celle-ci peut engendrer, notamment dans les
premiers mois de vie.
Condition 10 : Encourager la constitution d'associations de soutien à l'allaitement maternel et
leur adresser les mères dès leur sortie de l'hôpital ou de la clinique
Deux associations de soutien aux mères allaitantes sont connues des mères de notre étude. Il
s’agit de Galactée et de la Leche League. Peu d’entre elles les citent spontanément. Une mère y a eu
recours lors d’un allaitement précédent, et une autre a rencontré un membre de Galactée dans le cadre
scolaire. Seules trois mères disent avoir reçu les coordonnées de ces associations au moment de leur
sortie de la maternité et une mère a été orientée vers un groupe de discussion mensuel. Cependant,
nous avons vu que plusieurs mères étaient en contact avec les associations via internet.
Au cours des entretiens, trois mères se sont exprimées sur l’image qu’elles percevaient de ces
associations. Deux mères en ont une impression de militantisme trop ardent : selon elles, ces
associations considèrent l’allaitement comme un objectif à atteindre « à tout prix », et elles ne se sont
pas reconnues dans ce discours. Cette image des associations trop « militantes » avait déjà été évoquée
dans quelques études, notamment dans celle de B Branger (89). Dans une revue de la littérature très
récente, l’efficacité de ce réseau d’aide entre pairs ne faisait pas ses preuves dans les pays
industrialisés (124).
Une autre mère interrogée considère la Leche League comme la référence en matière
d’allaitement et envisage de faire appel à cette association en priorité en cas de difficulté d’allaitement.
Une confiance similaire dans ces associations avait été observée dans la thèse de S. DavidFondrevelle, où les mères les consultaient en première intention et vérifiaient auprès d’elles les
informations reçues du corps médical (104).
Nous voyons donc que les associations de soutien aux mères allaitantes ne semblent
généralement pas obtenir la légitimité nécessaire auprès des patientes pour assurer une prise en
charge optimale.
Il faut noter cependant que si le relais avec les associations n’est pas toujours assuré dans les
maternités, dix mères ont été adressées à la PMI et peuvent avoir obtenu ces informations à l’occasion
de leur visite. Deux autres mères ont reçu les coordonnées de professionnels de santé référents en
allaitement et avaient donc un recours adapté en cas de difficulté.
Cependant, les mères ont été peu marquées par ces informations données en fin de séjour en maternité,
comme nous l’évoquions précédemment. On peut supposer que leurs préoccupations au moment de la
189
sortie ne leur permettent pas d’être réceptives aux nombreuses recommandations qui l’accompagnent.
Ce moment ne serait peut-être pas le plus adapté pour la présentation des intervenants sur
l’allaitement.
Condition 12 : Protéger les familles de toute promotion commerciale en respectant le Code
international de commercialisation des substituts du lait maternel
La question de la publicité pour les préparations pour nourrissons ressort dans deux entretiens.
Une mère s’appuie sur les mentions publicitaires obligatoires qui entourent cette communication, pour
illustrer le fait que l’allaitement maternel est bien représenté dans les médias : « après le votre, le
meilleurs lait ». Le message sur la supériorité du lait maternel semble donc passer malgré le but initial
de promouvoir une marque particulière de substitut de lait maternel. C’est d’ailleurs un point
important du code de commercialisation des substituts de lait maternel, comme nous l’avons évoqué
dans les généralités(Annexe 1).
Une autre mère s’est vue remettre une prescription de préparation pour nourrisson à la sortie
de la maternité stipulant la marque à acheter, alors qu’elle n’avait pas émis le souhait de sevrer son
enfant. On peur donc identifier clairement un manquement au code dans cette pratique. Il est
intéressant de noter que cette prescription a étonné la patiente et qu’elle a critiqué cette démarche.
L’image des substituts de lait maternel apparaît dans les entretiens lorsqu’elles les comparent au
lait maternel. Les mères ont globalement assimilé leur infériorité à celui-ci, et utilisent pour les
désigner un vocabulaire parfois connoté négativement (« truc en poudre », « biberon chimique », « lait
en boite »). Les multiples appellations utilisées et les hésitations parfois formulées dans le choix d’un
terme pour désigner les préparations pour nourrisson sont peut-être aussi le signe de la bonne
intégration du code de l’OMS.
E. Représentations des mères, motifs de leur choix d’allaiter
Plusieurs des mères interrogées sont très enthousiastes à l’évocation des avantages de l’allaitement
maternel, certaines affirment, initialement, ne pas trouver d’inconvénient dans cette pratique. Une
mère reconnaît que ses représentations de l’allaitement ont évolué avec l’expérience, et sa motivation
initiale d’apporter une protection immunitaire à son enfant, est passée au second plan derrière la
relation et le plaisir qu’elle a éprouvé à allaiter son enfant. Une autre semble considérer que
l’allaitement était un bienfait qu’elle se devait d’offrir à son enfant, elle aurait donc ressenti le besoin
de se justifier à ses yeux si elle n’avait pas réussi à l’allaiter, puisqu’elle avait allaité ses autres enfants.
D’autres mères sont plus nuancées et beaucoup ont des représentations paradoxales, et le soulignent
d’ailleurs dans l’entretien.
190
1 . La relation à l’enfant : entre plaisir et contrainte
La relation avec l’enfant est l’argument positif le plus évoqué chez les mères, puisque les dix
sept patientes l’ont abordé. Toutes l’envisagent comme bénéfique, créant une certaine intimité avec
leur enfant. Le vocabulaire employé (« rapport », « lien », « contact », « proximité », « fusion »),
témoigne d’un échange intense avec leur nourrisson, d’un rapport privilégié. Cette relation forte
s’inscrit, par ailleurs, pour plusieurs mères, dans la continuité de la grossesse, en préservant l’enfant
d’une rupture brutale à la naissance. Sept d’entre elles considèrent que si leur enfant n’avait pas été
allaité, le lien avec celui-ci aurait été différent.
Cette notion de lien est un des arguments les plus cités dans les études sur les représentations
des mères (86)(125). Ainsi, B. Branger, en 1997, observait que dans son échantillon de 150 mères
allaitantes, la motivation la plus évoquée (28%) était la « relation à l’enfant » (89). Dans l’étude de S.
Fanello, 82% des mères évoquaient cette relation privilégiée, c’était le deuxième critère de choix
d’allaitement, le premier étant la qualité du lait maternel adapté au nourrisson (91). Dans la thèse de I.
Triaa, cet argument arrivait en seconde position des motivations pour allaiter, après la santé de l’enfant
(86).
Cependant, deux mères supposent que cette relation peut éventuellement devenir trop
fusionnelle, envahissante, excluant aussi le père. La crainte d’un attachement trop intense de l’enfant à
sa mère est présente dans plusieurs discours, de façon parfois moins explicite, et est corrélée à celle de
la dépendance de la mère des rythmes de son enfant, ainsi qu’aux représentations négatives liées à
l’allaitement long.
Dans les entretiens, neuf mères évoquent cette interaction, ce contact pendant la tétée comme
génératrice de plaisir pour elles, de sensations intenses, laissant des souvenirs à long terme dans
l’histoire de la relation avec leur enfant. Elles décrivent le comportement de leur nourrisson au sein
avec beaucoup de tendresse, dans les regards, le contact en peau à peau, les mains de l’enfant qui
caressent ou jouent avec les cheveux de la mère, le sentiment d’être en communion avec leur enfant.
Ce plaisir est intriqué avec l’appréhension qu’expriment certaines mères à l’évocation du sevrage ou
de la diversification. Les mères sont attachées à ces moments qu’elles ne veulent pas perdre.
La notion de plaisir fait aussi partie des avantages évoqués fréquemment par les mères allaitantes dans
d’autre études : c’est le cinquième motif de choix de l’allaitement cité dans l’étude de B. Branger (6%)
(89), dans les travaux de recherche, le plaisir de la mère n’est pas toujours distingué de la notion de
relation à l’enfant. Si le plaisir n’est pas toujours évoqué dans les motivations du choix de
l’allaitement, il est évoqué comme une raison de poursuivre l’allaitement dans certaines études (70).
Ce ressenti intime est important aux yeux des mères, et entre en compte dans les décisions qui
concernent l’allaitement et le sevrage.
Si les bienfaits de l’allaitement sont souvent mis en avant du point de vue du nourrisson, il peut
être important de souligner et de reconnaître cette notion de plaisir chez les mères, afin de mieux
comprendre leurs motivations pour allaiter et leurs craintes de sevrage.
191
Certaines mères estiment que leur enfant est très demandeur de contact, mais une seule associe
plus explicitement ce besoin à un effet de l’allaitement. Elle compare son enfant à ceux de ses amies et
remarque qu’il n’a pas le même comportement après les biberons, qu’il souhaite être porté et bercé
plus longtemps que les autres, qu’il éprouve du plaisir et du réconfort à rester contre sa mère.
De ce sentiment de plaisir réciproque, nait l’impression qu’expriment certaines mères d’être
en osmose avec les besoin de leur enfant, de comprendre ses rythmes, ses demandes, de pouvoir y
répondre naturellement. Une des mères de notre étude, qui avait vécu quatre allaitements, nous a
exposé son point de vue sur les pleurs du début et les multiples doutes que la mère ou l’entourage
pouvaient alors émettre sur l’efficacité et l’utilité de l’allaitement. Pour elle, cette étape est celle de
l’instauration du lien, de l’apprentissage, qui aboutit à une meilleure compréhension des besoins du
bébé. Ces moments de doute des débuts, ce rythme anarchique, sont d’ailleurs évoqués par plusieurs
mères, associés aux douleurs, crevasses, engorgement, et sont vécues comme une épreuve, un combat,
compromettant l’allaitement et leur assurance en tant que mère. L’une des patientes interrogées
déclare qu’elle mettait son enfant au sein dès qu’il pleurait car elle « ne savait pas trop le pourquoi du
comment ». Lorsque le rythme est trouvé, nombreuses sont celles qui reconnaissent alors éprouver du
plaisir dans cette relation.
Plusieurs mères ont proposé leur interprétation des pleurs et des demandes de leur nourrisson
après cette période d’adaptation. Elles évoquent : la faim, les coliques, la douleur, la digestion, les
angoisses du soir, le besoin de se calmer, ou d’être câliné, d’être changé, de « faire son rot ». Ces
interprétation sont parfois énoncées sans hésitation, sans nuance de doute : les mères « savent » que
leur enfant pleure pour une raison particulière, ou se comporte d’une façon précise dans une certaine
situation. On ressent alors dans leur discours l’assurance de l’expérience maternelle quant à la
compréhension des désirs de l’enfant.
Il peut être intéressant d’appréhender les doutes du débuts sous l’angle d’une relation qui se
crée, d’un apprentissage des rythmes et de moyens d’expression de l’enfant, d’un
apprivoisement réciproque, afin de rassurer les mères sur leurs capacités à prendre soin de leur
enfant, de les conforter dans leur image de mère, sans remettre en cause l’allaitement.
Cette relation fusionnelle est aussi vue, pour certaines mères interrogées, comme étant un
potentiel obstacle à la séparation et au sevrage. Soit parce que l’enfant refuse cette séparation, en
rejetant par exemple les biberons, soit parce que la mère ne la souhaite pas, la redoute, ne voulant pas
renoncer à ces moments de plaisir.
Le sentiment de lien intense entre la mère et son enfant, et souvent indissociable de celui de la
contrainte pour la femme allaitante d’être infailliblement présente auprès de son enfant. La notion de
disponibilité ressort dans douze discours. Elle est mentionnée sous les thèmes de la présence physique,
de l’exclusivité de la mère, de la contrainte, de la disponibilité, du temps que l’allaitement nécessite,
alors que l’alimentation au biberon est parfois synonyme de liberté et d’indépendance maternelle.
192
Dans la thèse de D. Sineux, au sujet des représentations des mères allaitantes, cette notion de
contrainte est aussi bien présente, altérant le sommeil de la mère, sa liberté de mouvement, ou
réduisant la place du père (125). Dans celle de A. Bodin-Carduner, la dépendance de la mère est le
premier argument cité comme inconvénient de l’allaitement maternel (126). La notion de contrainte et
de disponibilité est, par ailleurs, au cœur du débat féministe égalitaire, qui associe cette dépendance à
une perte de liberté pour la femme : en assignant systématiquement la mère auprès du nourrisson, elle
est perçue comme privée de sa liberté d’agir, de se déplacer, de travailler. Elle est réduite à sa
maternité, aux dépends de ses propres désirs, alors que le père n’est pas touché par ces contraintes.
Dans son livre « Le conflit :la femme et la mère », Elisabeth Badinter écrit : « prôner l’allaitement à
la demande aussi longtemps que l’enfant le désire revient tout simplement à priver la femme de son
temps à elle (…) on lui signifie que tous ses autres intérêts son secondaires et moralement inférieurs »
(127)(p 160). Cette impression de devoir sacrifier ses propres besoins à ceux de l’enfant ressort
souvent des discours et est parfois citée pour justifier le sevrage. Plusieurs mères de notre enquête
soulignent cependant qu’elles n’envisagent pas cette disponibilité nécessaire comme une contrainte, un
mère déclare même : « il n’y a rien de plus… libre qu’une maman qui allaite ».
Deux mères associent par ailleurs l’allaitement à une paradoxale perte de féminité, de par la
lingerie « grossière » qu’il nécessite, l’inconfort des pertes de lait, de l’engorgement. Cette perte de
féminité semble cependant comprise plus comme une dépossession du corps, une animalité, que
comme une perte d’identité sexuelle ou érotique : les mères se disent réduites à se sentir des « vaches
laitières ».
Le sentiment de contrainte ou de perte d’identité féminine est donc présent dans la plupart des
discours, même si son retentissement est très variable. Il faut le respecter, mais plutôt que de
désigner l’allaitement comme le responsable des contraintes et des pressions subies par les mère
allaitantes, peut-être existe-t-il des pistes à explorer pour les aider à mieux vivre ce besoin de
disponibilité : utilisation de tire-lait, aide de l’entourage pour alléger les tâches ménagères,
participer aux soins, aux levers nocturnes, etc.
2 . L’aspect pratique
L’argument de l’allaitement plus pratique que la nutrition par les préparations pour nourrisson,
est avancé par quatorze mères sur dix-sept. Les avantages énoncés sont de l’ordre de la logistique :
l’allaitement ne nécessite aucun matériel ; de la disponibilité : le lait maternel est à disposition partout
où la mère se trouve ; de la préparation : il ne nécessite aucun chauffage, lavage/ stérilisation de
biberon, etc.
Ce point est souvent abordé avec enthousiasme et comparé aux difficultés de déplacement et
d’organisation associée à l’utilisation des biberons. Cependant, pour une des mères interrogées,
l’allaitement maternel est jugé moins pratique. Elle fait référence à la contrainte sociale qu’il
193
engendre : la difficulté d’allaiter en public isole la mère et la prive de vie sociale ou de sorties. Il pose
aussi pour elle le problème de la séparation de l’enfant. C’est alors la notion de perte de liberté qui est
qualifiée de moins pratique.
Cet argument pratique est largement évoqué dans les études évaluant les motivations des
mères allaitantes et leurs représentations. Dans l’étude de B. Branger en 1997, il arrivait en sixième
position des motivations maternelles à allaiter (après la relation, l’aspect naturel, la meilleure
alimentation, les défenses immunitaires et le plaisir) (89). Dans la thèse de A. Bodin-Carduner, il était
le quatrième cité dans les avantages de l’allaitement (126), dans celle de I. Triaa, il n’était pas avancé
par les mères qui allaitaient, mais était le premier motif de choix de l’alimentation au biberon (86).
Cette notion est donc subjective, mais représente aux yeux des mères de notre étude, un réel avantage
et leur confère un sentiment de liberté. Deux mères estiment d’ailleurs que si leur enfant n’avait pas
été allaité, l’organisation aurait été plus contraignante.
Il est d’ailleurs étonnant que les mères n’établissent pas de lien entre l’aspect pratique et la
liberté de mouvement. En effet, celles qui pensent que l’allaitement maternel est plus pratique,
considèrent qu’elles peuvent se déplacer plus facilement, sans préparer de matériel, sans se soucier de
trouver les conditions nécessaires où elles seront pour faire chauffer un biberon, etc. Une des
explications de ce décalage peut se trouver dans les représentation de notre société de la liberté : une
femme est libre quand elle peut se déplacer comme elle le souhaite, mais sans son enfant. Dans les
pays où l’allaitement est plus répandu, les mères ne considèrent pas le fait d’être avec leur enfant
comme une privation de liberté. Cependant, en France, la présence de l’enfant avec sa mère n’est pas
perçue comme un norme sociale.
La perception de contrainte ressentie par les mères peut aussi être envisagée comme étant liée
aux normes culturelles qui tendent à séparer la mère et l’enfant pour la liberté de chacun, et à
évaluer les performances d’un enfant par le biais de sa capacité à se séparer de sa mère.
Enfin, se rapportant au thème des contraintes pour la mère, le tabagisme, la consommation
d’alcool et l’adaptation des traitements étaient évoqués dans les entretiens avec chaque mère. Le
tabagisme maternel est un facteur reconnu de moindre initiation de l’allaitement ou de durée moins
longue (83)(84)(86)(95)(55)(128). Dans la population des mères en maternité de l’étude périnatale
2010, 30,5% des femmes étaient fumeuses (1). Dans notre population de mères allaitantes, une seule
mère a une consommation importante habituellement de quarante cigarettes par jour, et a admis avoir
été gênée par la diminution de consommation que l’allaitement demandait. Une autre a signalé une
consommation occasionnelle et a reconnu quelques « entorses à la règle ». Nous avons donc une
proportion approximative de 12% de fumeuses, ce qui est inférieur à la moyenne et correspondrait aux
observations sur le tabagisme et le choix de l’allaitement. Aucune n’a indiqué avoir ressenti l’envie de
sevrer son enfant ou avoir hésité à faire le choix de l’allaitement pour cette raison. L’abstinence de la
consommation d’alcool n’était jamais jugée problématique, tout au plus légèrement ennuyeuse dans
les contextes festifs.
194
L’adaptation des traitements a été très problématique pour une des mères qui ne pouvait
soulager des douleurs musculaires : « tant que vous avez votre allaitement on peut pas vous soigner
votre déchirure ». Elle a été tout au long de son allaitement très invalidée par ces douleurs et les
désigne comme une des causes du sevrage. Cette problématique de l’allaitement et des médicaments
est aussi évoquée dans d’autres travaux et les solutions apportés par les soignants sont souvent
inadaptées, souvent dans l’excès de précaution et aux détriments des besoins de la mère. Elle prend un
sens particulier dans les allaitements longs (104).
Ces contraintes du sevrage tabagique et de l’abstinence de consommation d’alcool semblent
donc avoir une place moindre dans les déterminants de l’allaitement pour notre étude et n’ont
pas influencé les durées d’allaitement. Cependant l’adaptation des traitements des mères
allaitantes de façon efficace, dans le respect des possibilités de la pharmacovigilance est un point
à développer auprès des soignants. La recherche des traitements compatibles est donc inévitable
et les médecins devraient connaître les sources d’information spécialisées à ce sujet (par exemple
le CRAT).
3 . Les nuits, la question de l’asthénie
Les rythmes imposés par l’enfant allaité sont parfois perçus comme contraignants, comme
nous l’avons vu précédemment. Ce sentiment est souvent accentué par l’impression que ces
nourrissons ont plus de difficultés à « faire leurs nuits ». Les levers nocturnes influencent beaucoup le
vécu des mères de leur allaitement et leur perception de l’autonomie de leur enfant. Ainsi, quatre
mères considèrent que les nuits d’un enfant allaité peuvent être problématiques, alors que sept autres
estiment que leurs enfant allaités n’ont pas posé de problème pour les nuits. Parmi elles, deux mères
ont même ressenti que les nuits étaient plus faciles du fait de l’allaitement, car elles n’avaient pas à se
lever pour préparer un biberon Dans la thèse de A. Bodin-Carduner, la fatigue était un des critères de
choix du lait artificiel (126).
La perception de l’asthénie qui est parfois associée aux nuits difficiles, n’est pas toujours
identifiée comme étant causée par l’allaitement. Ainsi, dix mères ont ressenti de l’asthénie lors de leur
allaitement. Elles la signalent dans différents contextes : soit au départ, soit vers 6 mois, soit quand
l’enfant se réveille au début ou de nouveau après quelques mois, soit pour motiver un arrêt de travail,
soit lors de poussées de tension, soit dans un contexte de fratrie nombreuse, soit associée à la douleur,
aux suites de l’accouchement, à la reprise du travail. Il est donc difficile d’établir un lien précis avec
l’allaitement en lui-même, même si une mère décrit l’impression que son enfant « pompait son
énergie » lorsqu’elle tétait. L’une des femmes interrogées suppose que l’asthénie aurait peut-être été
moins importante si elle n’avait pas allaité son enfant, alors que deux autres pensent l’inverse.
Nous avons évoqué dans les généralités, les particularités du sommeil de la mère allaitante :
endormissement plus rapide, plus de sommeil profond, meilleure aptitude à se réveiller en sommeil
195
profond, lui permettant d’avoir un sommeil plus récupérateur que si elle n’allaitait pas (50). Ces
observations pourraient être perçues par la mère comme un altération de son sommeil, et interprétées
comme un signe de fatigue, alors qu’il n’en est rien, et que cette modification architecturale est en
réalité bénéfique car elle augmente la proportion de sommeil réparateur.
Il faut évoquer une forte subjectivité quant au ressenti des nuits : les mères qui se lèvent
plusieurs fois au cours de la nuit, qui ne partagent pas la chambre de leur enfant ou qui sont seules à
assumer les levers nocturnes, auront plus tendance à ressentir le rythme de l’allaitement comme
fatigant.
Si l’on se penche, par ailleurs, sur l’aide reçue par le père lors de ces levers nocturnes, parmi
les six mères qui ont indiqué que leur conjoint y participait, trois ont évoqué de l’asthénie. Parmi les
cinq dont le conjoint ne participait pas, quatre ont ressenti de l’asthénie. Par ailleurs quatre mères se
sont senties fatiguées alors que les nuits n’étaient pas perturbées, et deux alors que les nuits étaient
difficiles. Trois n’ont pas signalé d’asthénie alors que les nuits étaient difficiles et deux en ont signalé
avec des nuits faciles. L’association entre la perception des nuits difficiles et de l’asthénie n’est là
encore pas très évidente. Les solutions peuvent se trouver dans le partage de la chambre ou l’aide du
père.
Au cours des consultations avec leur médecin généraliste, le sujet de l’asthénie a été évoqué
par cinq mères. Pour trois d’entre elles, le médecin a reconnu que l’allaitement était fatigant, et pour
une quatrième, cette asthénie a motivé l’arrêt de travail, alors que la dernière aurait justement souhaité
que cette fatigue ressentie soit plus prise en compte par son médecin, sur le plan psychologique (il a en
effet réalisé un bilan sanguin et confirmé qu’il n’y avait pas de pathologie somatique justifiant l’arrêt
de travail désiré). Un lien semble donc souvent exister dans les représentations des mères et de
médecins, entre l’allaitement, l’asthénie et l’arrêt de travail.
Une équipe de psychologues, dirigée par Stacey Callahan, s’est intéressé au lien de
l’allaitement avec la sensation de fatigue, ses travaux ne montrent pas de différence significative entre
les mères qui allaitent et celles qui donnent le biberon en post-partum, sur la perception de fatigue.
Certaines femmes évoquaient cependant l’asthénie comme une cause de sevrage. La conclusion des
auteurs porte sur l’importance de rassurer les mères : si la fatigue est fréquente en post-partum, elle
n’est pas due à l’allaitement. Les solutions pour éviter que cette asthénie n’entraine le sevrage, et qu’il
en découle une éventuelle déception de la voir persister malgré cela, sont à rechercher dans un
meilleur soutien des mères (129).
En préparant les mères au sentiment d’asthénie du post-partum, en les rassurant quant à
l’indépendance de ce sentiment par rapport à l’allaitement, et en les incitant à rechercher des
solutions de soutien, le médecin généraliste peut prévenir la perception des mères d’être
« fatiguées par l’allaitement » et ainsi éviter un sevrage pour un motif erroné.
196
4 . Un mode d’alimentation naturel, mais pas inné ?
La représentation de l’allaitement maternel comme une pratique naturelle est assez répandue,
puisque neuf mères la citent. Il s’agit pour elles d’un geste en continuité avec la grossesse, dans le
prolongement de l’alimentation maternelle reçue pendant la vie intra-utérine. Le lait maternel est
l’aliment physiologique de l’enfant, il correspond à ses besoins, c’est le meilleur aliment, il est propre
à notre espèce. Une mère l’exprime ainsi : « la vache, c’est pas la maman de l’être humain ». Cette
continuité entre l’alimentation maternelle, le liquide amniotique et le lait maternel est étudiée par les
éthologues. En observant les comportements d’orientation préférentielle des nouveau-nés en présence
de différentes odeurs maternelles, ils trouvent notamment, que les nourrissons allaités ne différencient
pas l’odeur de leur liquide amniotique de celle du colostrum (130), ou qu’ils sont attirés par l’odeur du
lait maternel, qu’ils aient été allaités ou non. Les nourrissons de 4 jours nourris au lait artificiel ont une
réaction plus intense à la présentation de l’odeur du lait maternel qu’à celle du lait qui les nourrit
habituellement (131). Ces expériences confirment et mesurent la spécificité humaine du lait maternel,
naturellement orienté vers la nutrition d’enfants humains.
Dans l’étude de B. Branger, l’argument « naturel » était le second cité pour motiver le choix de
l’allaitement (24%), le troisième était que le lait maternel était « le meilleur aliment » (23%), idée qui
rejoint la notion de spécificité du lait maternel pour notre espèce (89). Dans la thèse de D. Sineux,
l’argument de l’aliment « naturel », constitutif de la maternité, opposé au lait artificiel était aussi
rapporté (125).
Si l’allaitement est ressenti comme évident, logiquement adapté à notre espèce, sa pratique
n’est pas innée pour huit mères de notre étude qui l’évoquent comme un combat, une épreuve, qui
peinent à trouver les informations ou l’aide nécessaire et se sentent « seules avec leur allaitement ».
Par ailleurs, onze mères signalent avoir rencontré des difficultés, principalement au démarrage : les
premiers jours et la mise en place sont souvent associés à des moments de doutes, de découragement,
compromettant la poursuite de l’allaitement. Ces difficultés sont parfois vécues avec étonnement,
désarroi, entamant leur motivation à allaiter. Dans l’étude de JA. Scott, des difficultés rencontrées
dans les 4 premières semaines étaient un facteur de mauvais pronostic pour la durée de l’allaitement,
augmentant le risque de sevrage à 6 mois (95). De même dans la méta-analyse de D. Thulier et J.
Mercer, les problèmes physiques tels que les douleurs, l’asthénie, le manque de sommeil,
l’engorgement, les mastites, les crevasses, étaient des causes de sevrage, surtout lorsque les mères n’y
étaient pas préparées, supposant que l’allaitement serait un geste naturel et donc inné (83).
La sensibilisation des mères aux éventuelles difficultés liées à l’allaitement apparaît donc être un
élément important de l’information prénatale, afin de prévenir le découragement.
197
5 . Le lait maternel bon pour la santé, comparaison avec le lait artificiel
La protection immunitaire que le lait maternel confère est connue des mères, puisque neuf
d’entre elles le citent spontanément comme étant un avantage de l’allaitement maternel. L’argument
de la santé constituait le premier motif de choix de l’allaitement dans la thèse de I. Triaa (80% des
mères le citaient en premier) (86).
Cependant, les termes utilisés pour évoquer cet avantage sont nombreux, plus ou moins
généraux : « santé », « défenses », ou scientifiques : « immunité », « anticorps » et l’adhésion des
mères à ce discours est peu assurée, elles introduisent leur argument par des nuances précisant leur
source vague : « on parle », « on dit », « il paraît que », ou par une impression empirique : « je
remarque que », « j’ai l’impression ». Deux mères considèrent cependant que si leur enfant n’avait pas
été allaité, il aurait été plus malade. La qualité immunologique du lait maternel est pourtant prouvée
scientifiquement, comme nous l’avons développé dans la partie généralités de cette thèse, elle
participe à la supériorité du lait maternel sur les laits artificiels, porteuse des bénéfices observés sur la
santé de l’enfant. C’est d’ailleurs une des bases de la promotion de l’allaitement maternel. Il semble
donc étonnant que les mères qui ont fait le choix de l’allaitement ne soient pas convaincues de ces
connaissances scientifiques, alors qu’elles connaissent leur existence.
Peut-être faut-il évoquer un malaise à exprimer avec leur mots des concepts qui sont médicaux et
qu’elles estiment mal maîtriser. C’est d’ailleurs ce que précise une des patientes lorsqu’elle affirme :
« j’ai pas de conviction personnelle, (…) j’ai pas étudié les compositions du lait ».
Peu de mères (2/17) semblent connaître d’autres bénéfices de l’allaitement maternel sur la santé
de l’enfant. Elles citent : la prévention des allergies, le développement moteur, l’éveil, le
développement de la motricité bucco-faciale. Ce dernier argument est d’ailleurs évoqué par cette mère
comme un des motifs de la poursuite de l’allaitement dans le contexte de trisomie 21.
Par ailleurs, aucune mère n’évoque de bénéfice sur la santé de la mère, alors que la question
invitait à les évoquer (Quels sont les avantages de l’allaitement ? pour l’enfant ? pour la mère ?).
Le médecin, porteur du message médical, peut ici confirmer ces connaissances scientifiques qui
sont une des motivations de la promotion de l’allaitement maternel. Il serait d’ailleurs peut-être
intéressant de relayer le message des bienfaits pour la santé de la mère, qui équilibrent la
balance des avantages, et diminue le risque de culpabilisation de la mère.
En outre, lorsque les mères expriment leur vision des laits artificiels, elles emploient des termes
variés, parfois connotés péjorativement. Les appellations de « lait maternisé » ou « lait humanisé »,
qui sont désormais bannies des publicités, apparaissent deux fois (lait maternisé), et les autres termes
font références à la composition industrielle des laits : « en poudre, artificiel, chimique, en boite,
scientifique », ou sont plus neutres : « de complément, infantile, classique ». Certaines précisent leurs
propriétés supposées : « anti-coliques », « anti-allergisant », « anti-rejet », « premier âge », « en
relais de l’allaitement maternel », et avancent d’ailleurs l’argument que le lait maternel permet de
198
s’affranchir de ces errances dans les marques et les propriétés annoncées des laits artificiels. Une mère
estime que ces laits ne sont pas mauvais et qu’on peut « leur faire confiance », mais plusieurs insistent
sur la supériorité du lait maternel. Ce qui est réellement entendu par « meilleur » n’est pas toujours
clair dans les discours, et se rapporte peut-être à la représentation du lait « naturel », propre à l’espèce
humaine. Le choix de l’allaitement pour ses qualités nutritionnelles ou naturelles est souvent évoqué
dans les études concernant les déterminants des choix des mères. C’est le premier argument évoqué
dans l’étude de S. Fanello pour le choix de l’allaitement (91).
La spécificité de composition du lait maternel se ressent dans les entretiens, indirectement,
lorsque les mères évoquent les « substances maternelles » qui passent dans le lait (2/17) ou les qualités
gustatives qui évoluent (3/17). Ces qualités sont opposées aux propriétés des laits artificiels qui sont
invariables. Une des mères signale d’ailleurs que sa fille ne supporte plus les biberons car le goût
n’évolue pas.
Une relation étroite est faite entre l’alimentation maternelle et la qualité nutritionnelle ou
gustative du lait, trois mères mentionnent la croyance populaire du régime alimentaire maternel qu’il
faudrait adapter en fonction des aliments supposés entrainer des troubles chez l’enfant. Le chou tenu
pour responsable d’un météorisme abdominal est le seul exemple donné chez les mères interrogées.
Cette notion est associée à l’idée que la qualité du lait dépend de l’équilibre alimentaire de la mère.
Ces représentations de lait évolutif qualitativement, gustativement, dépendant de l’alimentation et
chargé de substances maternelles se retrouvaient dans la thèse de D. Sineux (125). Nous avons vu dans
la partie des généralités sur la composition du lait de femme, que sa qualité globale ne dépendait pas
des carences alimentaire de la mère, (en dehors de régimes spéciaux, pour la vitamine B12) et
l’adaptation de la concentration des nutriments se fait aux dépends de la mère.
Une autre idée retrouvée est celle que certains aliments peuvent augmenter la sécrétion lactée ou
apaiser les coliques du nourrisson. A ce sujet, il est intéressant de noter que onze mères sur dix-sept
ont utilisé des tisanes d’allaitement dans le but de faciliter la lactation. L’effet galactogène du
fenugrec, et autres herbes contenus dans ces tisanes a fait l’objet de peu d’études de faible valeur
scientifique, concluant bien souvent à un effet modeste sur l’augmentation de la lactation. De plus la
faible connaissance de l’importance des effets secondaires ainsi que la préparation généralement
« artisanale » de ces tisanes, sans dosage précis invitent à la prudence (132). Son utilisation large n’est
donc pas réellement justifiée et ne doit en aucun cas se substituer aux mesures scientifiquement
prouvées telles que l’augmentation de la fréquence des tétées.
Il faut donc prendre conscience des croyances populaires reliant l’alimentation maternelle aux
qualités du lait, afin de prévenir les erreurs diététiques néfastes pour la mère que celle-ci
pourrait engendrer, et libérer les femmes allaitantes des contraintes alimentaires non fondées
qu’elles s’imposent.
199
Si les représentations populaires concernant les aliments aux effets digestifs sur le nourrisson
après passage dans le lait, n’ont pas de fondement scientifique réel, le goût et les qualités olfactives du
lait maternel ont fait l’objet de plusieurs études tendant à prouver une influence de l’alimentation
maternelle dans leur détermination et conditionnant par la suite l’apprentissage des saveurs au sevrage
(133). Ainsi, après ingestion de certains aliments par la mère, la réponse comportementale de l’enfant
au sein est modifiée : dans certaines expériences il tétait plus vite si la mère avait mangé de l’ail et
plus longtemps si celle-ci avait pris de la vanille (130). Par ailleurs, certains phénomènes sont
reconnus dans la physiologie de la lactation pour modifier le goût du lait. Les situations
d’inflammation de la glande mammaire entrainent l’ouverture des jonctions serrées entre les lactocytes
et le passage de sodium dans le lait, lui donnant ainsi un gout salé. De même l’évolution du
crématocrite (concentration en graisses) du lait au cours de la vidange des alvéoles modifie ses
qualités organoleptiques (134).
Cette qualité évolutive du lait est à considérer comme un avantage pour l’appétence ultérieure pour la
nouveauté et facilite l’acceptation des aliments par l’enfant qui a été allaité, lors de la diversification.
L’influence de l’alimentation ou de la physiologie de la lactation sur le goût du lait est donc
réelle, mais ces variations sont propres à chaque couple mère-enfant, elles ne peuvent donc
donner lieu à des conseils alimentaires ou comportementaux standardisés .
Le dernier avantage du lait maternel sur le lait artificiel retrouvé dans les entretiens, est celui
du prix. Six mères l’évoquent et l’une d’elle considère qu’il l’a incitée à poursuivre son allaitement.
6 . Les durées d’allaitement et causes de sevrage
Durées idéales d’allaitement
Les durées idéales d’allaitement proposées par les mères interrogées se situent entre « au
moins trois mois » et « le plus long possible ». Plusieurs mères ne définissent pas de durée idéale, soit
parce qu’elles n’ont pas d’idée précise, soit parce qu’elles estiment que la prolongation de
l’allaitement dépend de plusieurs paramètres, propres à la dyade mère-enfant ou au contexte. Par
ailleurs, pour les mères interrogées, le sevrage est décidé par l’enfant pour six d’entre elles, par la
mères, pour six autres, qui le formulent parfois comme une évidence ou une obligation : « il faut que
ce soit la maman qui décide ». Trois mères pensent que le sevrage peut venir des deux intéressés : la
mère et l’enfant. Les autres facteurs évoqués sont : la diversification, la poussée dentaire, la reprise du
travail, la société.
Projet d’allaitement et durée
Les durées prévues lors du projet d’allaitement se situent entre « quelques jours » et « aussi
longtemps que possible » selon les entretiens. En croisant les données recueillies lors du recrutement
en maternité et lors des entretiens, on remarque que dix mères n’ont pas indiqué la même réponse
200
quant à la durée prévue de l’allaitement. On peut se demander s’il s’agit d’un biais de mémoire : les
mères à 6 mois ne se souviendraient pas des durées d’allaitement qu’elles avaient prévues
initialement ; ou si les données du questionnaire de recrutement sont moins précises du fait de la
présentation de la question : il comportait une case pour le nombre de mois ou la case « ne sait pas ».
Pour analyser ces résultats, nous nous sommes donc basés sur les données de l’entretien, où les mères
étaient en mesure d’être plus précises dans leurs réponses.
On note que huit mères n’avaient pas arrêté de durée, soit par crainte de l’échec de
l’allaitement ou des difficultés, soit parce qu’elles ne savaient pas si la reprise du travail allait être
possible en préservant l’allaitement, soit parce qu’elles envisageaient que l’allaitement ne « fonctionne
plus » après une certaine durée. Enfin, une des mères prévoyait d’arrêter l’allaitement lorsqu’elle serait
de nouveau enceinte, n’imaginant pas pouvoir concilier les deux états de future mère et de mère
allaitante. Dans l’étude Rhône-Alpes, 31% des mères n’avaient pas prévu de durée d’allaitement à la
naissance (70). Des résultats similaires étaient trouvés dans l’étude de M. Le Blay (135) : il avait été
noté que les mères indécises se répartissaient en deux catégories : celles qui souhaitaient allaiter le
plus longtemps possible et celles qui redoutaient un échec d’allaitement. Ces deux catégories se
retrouvent dans notre population. Par ailleurs, SM. Donath observait en 2003 que les mères qui ont un
projet d’allaitement long sont plus susceptibles de débuter et de continuer l’allaitement que celles qui
n’expriment pas de durée précise ou qui prévoient d’introduire du lait artificiel rapidement (136).
L’étude des durée idéales d’allaitement apporte donc un éclairage intéressant à ces représentations.
La comparaison de la durée idéale et du projet d’allaitement
Si l’on compare les durées idéales et les durées prévues lors du projet d’allaitement avant
l’accouchement, on remarque que 4 mères avaient dès le départ envisagé une durée d’allaitement
inférieure à ce qu’elles considéraient comme idéal. Toutes ces mères avaient un projet de reprise du
travail dès la fin du congé de maternité et intervenant avant la fin du délai idéal annoncé, et une en
particulier avait un projet d’allaitement de quelques jours car elle pensait rencontrer des difficultés,
comme cela avait été le cas pour sa grossesse précédente.
La reprise du travail est donc vécue comme un obstacle à l’allaitement idéal, même si toutes les
mères ne le formulent pas directement.
Les durées effectives d’allaitement
Les durées effectives d’allaitement se situent entre 2,5 mois et « en cours » la moyenne des
durées de notre étude est de 7 mois, pour une médiane à 6 mois. Ces valeurs sont de plus sousestimées, car une des mères allaite encore, et une autre mère, que nous n’avons pu recontacter, allaitait
toujours à 8 mois et considérait que la durée idéale d’un allaitement était de 18-24 mois. Elles sont de
toute façon bien supérieures aux durées d’allaitement observées dans l’étude Rhône-Alpes de 16
semaines (70). Cette observation tend encore à confirmer le biais de recrutement : les mères de notre
étude allaitent plus longtemps que la moyenne des mères et sont donc probablement plus engagée dans
ce choix d’allaitement.
201
La réalisation du projet d’allaitement
Si l’on se penche sur la réalisation des projets d’allaitement dans la durée, on remarque que
onze mères sur dix-sept ont réalisé leur projet (6/17) ou sont allé au delà (5/17), seulement deux
mères ont sevré leur enfant avant le délai initialement prévu : l’une a présenté une insuffisance de lait
précoce, probablement consécutive à une lactation mal débutée, l’autre a éprouvé des pressions de
l’entourage mais n’exprime pas clairement les raisons de ce sevrage. Les autres mères n’avaient pas
exprimé de durée prévue d’allaitement. Ces projets sont donc en majorité réalisés, pourtant, quatre des
onze mères qui ont atteint leur durée prévue initialement ou qui sont allées au delà ont exprimé des
regrets : trois d’entre elles ont sevré leur enfant en prévision ou suite à la reprise du travail, et deux
autres mères qui n’avaient pas défini de projet initial d’allaitement ont des regrets de sevrage pour des
durées de 8 mois (sevrage pour perte de poids) et 3,5 mois (sevrage pour chirurgie). Il apparaît donc
que la réalisation du projet d’allaitement en terme de durée n’est pas le garant du sentiment de réussite
de l’allaitement. Par ailleurs, la reprise du travail est encore une fois associée à des regrets de sevrage,
même si le projet initial en tenait compte.
Les mères ressentent souvent des regrets au sevrage, peut-être souhaiteraient-elles prolonger
cette expérience au delà de leur objectif initial, ou sont-elles nostalgiques de ces moments
privilégiés.
Les causes de sevrage
Parmi les causes de sevrage observées dans l’étude, on trouve : la reprise du travail (5/17), Le
projet d’allaitement réalisé (5/17), une production de lait insuffisante (3/17), l’organisation difficile
avec des jumeaux associée à des douleurs dorsales et un traitement antalgique impossible, la prévision
d’une chirurgie, la gêne d’allaiter en public, des pressions familiales. Les causes de sevrage pour les
allaitements antérieurs avaient été : un projet réalisé (5/15), l’échec dû à la reprise du travail (3/15), le
sevrage en vue de la reprise (3/15), le refus du sein par l’enfant (2/15), le manque de lait, la prise de
traitement incompatible pour une sinusite. Les causes de sevrage très représentées dans la littérature
sont principalement le manque de lait (89) (70) et la reprise du travail.
Dans une étude publiée en 2010, V. Walburg observait les causes de sevrage entre la naissance
et trois mois chez 126 mères françaises et obtenait : 45% de « manque de lait », 19% de reprise du
travail, 10% de refus du sein, 10% de mauvaise prise de poids, 10% d’hospitalisation de l’enfant et 6%
de crevasses (137). Dans l’étude Rhône-Alpes, le manque de lait est la première difficulté évoquée par
le mères qui ont sevré leur enfant à 1 mois, 3 mois et 6 mois. Il était d’ailleurs aussi cité par les mères
qui continuaient l’allaitement comme la principale difficulté rencontrée (70).
Le manque de lait est particulièrement représentatif des croyances populaires erronées. Dans
son article de 2003 intitulé « Allaitement maternel, l’insuffisance de lait est un mythe culturellement
construit », le Dr Gremme-Féger fait le point sur cette représentation souvent associée à celle d’un lait
qualitativement insuffisant (138). Le « syndrome d’insuffisance de lait » est donc un concept récent,
propre aux pays où le lait artificiel est la norme d’alimentation, et largement surestimé (seules 5% des
insuffisances de lait seraient primitives). Sa principale cause est une mauvaise conduite de
202
l’allaitement. La clef de son « éradication » reposerait donc dans un meilleure connaissance de la
physiologie de la lactation et de la croissance des nourrissons, pour les professionnels, et dans une
information sur les bonnes pratiques de l’allaitement pour le public : accès au sein non limité, loi de
« l’offre et la demande », proximité mère-enfant.
Les deux causes de sevrage non souhaité les plus répandues dans notre étude et dans la
littérature sont évitables : le manque de lait est la plupart du temps secondaire à des pratiques
d’allaitement inadaptées, et la reprise du travail dépend des mesures nationales adoptées pour
aider les femmes à continuer leur allaitement tout en travaillant, ou pour prolonger les congés de
maternité.
7 . La question de la pudeur
L’allaitement « en public » a été abordé par 10 mères pendant les entretiens. Cinq d’entre elles
ont reconnu que cette question était problématique. Il en ressort que cette notion de gêne à donner le
sein en présence de personnes étrangères au cercle familial revêt deux aspects : deux mères se sont
senties gênées du regard des autres, préférant s’isoler pour préserver l’intimité de la tétée. Alors que
trois autres ont ressentie une gêne d’imposer aux autres la vision d’une tétée. Ces mères évoquent un
isolement pour ne pas déranger les autres. Une mère a même évoqué cet aspect de l’allaitement
comme étant une des causes du sevrage de son enfant. Trois mères ont reconnu tirer leur lait pour le
donner ensuite au biberon lorsqu’elles prévoyaient d’être confrontées à ce problème.
Dans la littérature, la pudeur est souvent un obstacle à l’allaitement. Par exemple, dans l’étude
de B. Branger, 40% des femmes s’étaient senties gênées d’allaiter devant certaines personnes et 50%
des pères étaient gênés si leur conjointe allaitait en public (89).
La crainte de dévoiler son sein devant les étrangers relève de la notion de sein érotique et de sein
nourricier décrite dans la littérature par les psychanalystes comme le résume M. Thirion dans un
article en 2011 (139). Les mères sont troublées de l’intrusion du regard des autres dans cette intimité
de la relation avec leur enfant, le perçoivent comme voyeuriste, ou ressentent le fait d’exposer leur
sein à la vue des autres comme un exhibitionnisme.
Les autres mères interrogées distinguent clairement cette fonction nourricière naturelle du sein
allaitant, sécrétant, de celle, érotisée et sexuelle du sein intime, allant parfois jusqu’à la revendiquer :
« c’est pas à moi d’aller me cacher parce que j’allaite mon enfant ! ». Elles parlent de discrétion, de
respect de l’allaitement, d’allaitement assumé, d’une fierté parfois.
Sur ce point, au delà d’un ressenti personnel, il faut considérer les croyances culturelles et l’image de
l’allaitement dans la société. La désinhibition des femmes à allaiter en public ne peut s’envisager sans
une démarche de changement des mentalités et des représentations sur l’allaitement. L’allaitement
n’est certes pas encore une norme culturelle et sa pratique est taboue aux yeux de certains.
La place du soignant peut être de reconnaître cette gêne, d’évaluer son retentissement, afin
d’aider la mère à trouver des solutions pour ne pas s’exclure socialement.
203
8 . Les limites des mères
Les limites qui apparaissent au cours des entretiens sont de plusieurs ordres. L’allaitement
long ressort dans deux discours spontanément, à l’évocation d’un âge où il n’est plus perçu comme «
acceptable » : une des mères parle d’un sevrage décidé par l’enfant, mais d’une « aide au sevrage » par
la mère dans certains cas : « sinon, il y en a qui téteraient encore jusqu’à trois quatre ans », une autre
estime que sa mère avait allaité sa sœur trop longtemps : 2 ans. Le co-allaitement est une pratique
qu’une des mères ne peut envisager. Pour une autre, l’utilisation d’un tire-lait est problématique, alors
que certaines ne voudraient pas de continuer l’allaitement en cas de difficulté.
Cependant, dans sa thèse sur l’allaitement prolongé, S. David-Fondrevelle relevait que les
deux tiers des mères qui avaient prolongé l’allaitement, dans la population de son étude, n’avaient pas
prévu de le faire initialement (104). Dans notre échantillon, la mère qui allaitait toujours son enfant
lors du second rappel, alors qu’il avait 19 mois, faisait partie de celles pour qui l’allaitement long
jusqu’à deux ans n’était pas envisagé. Elle nous a signifié ressentir des difficultés à assumer cet
allaitement prolongé et le cacher à la personne qui garde son enfant.
Ces limites diverses que les mères ressentent nous renseignent sur les projets d’allaitement et sur
les perceptions de ce qui est « acceptable » pour elles. Ainsi, certains évènements ou certaines
pratiques sont inenvisageables. L’allaitement est alors soumis au respect de ces limites. Il peut
être intéressant de les identifier afin de les faire évoluer ou de comprendre les motivations d’un
sevrage.
F. Les représentations de l’allaitement dans la société
Les patientes interrogées estiment principalement que l’allaitement est en progression en France.
Elles se positionnent donc dans une dynamique positive, et ne se considèrent pas en marge de la
société. Les statistiques montrent en effet cette tendance, en la nuançant d’une chute rapide des taux
d’allaitement après la sortie de la maternité, dès le premier mois, phénomène dont certaines mères ont
d’ailleurs connaissance. Par exemple, dans l’étude sur les mères allaitantes en Rhône-Alpes de 20042006, le taux d’allaitement en maternité était de 68,5% à la naissance et passait à 51% à 1 mois, puis
28% à 3 mois. Seuls 15% des enfants étaient toujours allaités à 6 mois (70).
Au cours de leur allaitement, dix mères ont en ce sens perçu un regard bienveillant de la société
sur leur choix : elles ont été encouragées, valorisées, bien vues, ou ont suscité l’attendrissement.
Quatre mères ont par contre ressenti un avis négatif, elles se sont senties jugées, « regardées de
travers », ont perçu qu’elles faisaient quelque chose de mal, ou se sont entendu dire que leur lait
n’était « pas bon ». Cinq mères déclarent ne pas avoir prêté attention à ce regard, car elles étaient
204
fières de leur allaitement, le revendiquaient, ou parce qu’elles n’étaient pas disposées à percevoir un
mauvais jugement.
Lorsque l’on aborde la question des représentations de la société sur l’allaitement, elles se
positionnent en dehors de celle-ci, parfois en désaccord, et expriment donc surtout de quelle façon la
société juge les mères allaitantes, même si elles ressentent globalement la tendance actuelle à la
promotion de l’allaitement.
Plusieurs mères perçoivent des avis divergents au sein de la société, rendant difficile une
généralisation des représentations à ce sujet. D’autres reconnaissent deux « camps » opposant les proallaitement aux « anti-allaitement », elles se trouvent donc dans la position de choisir un camp. Deux
mères évoquent une pression forte sur les femmes pour allaiter et considèrent que cette « pensée
unique » prive les femmes de leur liberté de choix. Certaines mères estiment que la société n’a pas à
s’immiscer dans le choix de l’allaitement, qu’il est personnel, familial. Elle ressentent de l’ingérence
dans ce domaine, et insistent sur l’importance de laisser les familles libres de ce choix et en dehors de
tout jugement.
L’allaitement est globalement bien perçu pour la société, du point de vue des mères, puisque
douze d’entre elles l’estiment : « à la mode », « encouragé », « bien vu », mais cette position favorable
et cette association de l’image de « bonne mère » à la femme allaitante peuvent entrainer, selon trois
mères, une culpabilisation de celles qui font le choix de l’alimentation artificielle. Cette notion de
culpabilisation se retrouve beaucoup dans la littérature dans le contexte actuel de promotion de
l’allaitement. En effet, signifier aux femmes que l’allaitement est ce qu’il y a de meilleur pour leur
enfant, les inciterait à penser que le refus ou l’échec de cette pratique fait d’elles de « mauvaises
mères ». Ce sentiment de culpabilité est étudié du point de vue des mères et du médecin généraliste
dans un article de 2008 par M. Labbok qui reconnaît que cette problématique est complexe. Elle
implique le vécu du médecin et éventuellement sa propre culpabilité de ne pas avoir allaité ses enfants,
son manque de formation, et donc son incapacité à aider une mère en difficulté d’allaitement, sa
crainte de l’ingérence, la pression publicitaire des firmes de lait, et conclut : « le rôle principal du
médecin est de s'assurer que ses propres connaissances et compétences sont suffisantes pour
permettre un allaitement maternel optimal, réduisant ainsi les éventuels sentiments maternels d'échec,
et d’aider la patiente à en guérir » (140). De même le professeur J. Newman, en arrive à cette
conclusion : « Finalement, qui se sent coupable à propos de l'allaitement? Pas les femmes qui ont fait
un choix éclairé avant d'opter pour le biberon. Ce sont plutôt celles qui auraient voulu allaiter, qui
ont essayé, mais qui ont échoué. En fait, pour prévenir la culpabilisation des femmes n'ayant pu
allaiter, il ne s'agit pas d'éviter de promouvoir l'allaitement; il faut en faire la promotion, mais
conjuguée à un soutien de qualité alliant connaissances et savoir-faire » (141)
Certaines patientes font référence à une image « écologique » de l’allaitement maternel qui leur est
renvoyée, (3/17) une pratique proche de la nature, voire une pratique animale (2/17) où le geste de
l’allaitement demande de reconnaître en soi son essence animale et de l’accepter. Pour une des mères
205
interrogée, l’« abandon » impossible à cette nature animale est la cause du refus d’allaiter pour
certaines femmes.
Par ailleurs, si l’allaitement jouit d’une promotion favorable dans le domaine de la santé, certaines
mères évoquent une réticence des mentalités à adhérer à celle-ci : sept mères reconnaissent que pour
certains, cette pratique est mal vue, qualifiée de « vulgaire », marginale, fatigante, inutile. L’une des
mères oppose un courant écologique pro-allaitement, à un courant scientifique, médicalisé, véhiculé
par les professionnels de santé, qui souhaitent maîtriser l’alimentation des enfants, s’affranchir de
toute variabilité humaine, pour standardiser les naissances et le maternage. Le médecin, dans ce cadre
est perçu comme un opposant à l’allaitement, encourageant le passage au lait artificiel à la moindre
difficulté rencontrée. Dans ce contexte, choisir le camp de l’allaitement, du maternage proximal, et de
la maternité physiologique, revient à s’opposer au milieu médical. Cette idée est parfois exprimée sous
d’autres termes, par exemple, lorsqu’une mère évoque la perception qu’elle attribue aux populations
défavorisées ou désinformées, d’un lait artificiel « fait sur mesure », plus scientifique donc plus adapté
à l’enfant que le lait maternel, humain donc imparfait.
Cette opposition de science et nature est peut-être à l’origine de la perception pour sept mères de
l’image d’une pratique « arriérée », supplantée par le biberon. L’allaitement est, pour ceux-ci un retour
en arrière, une pratique archaïque, n’apportant aucun avantage sur l’alimentation au biberon. Dès lors
que la supériorité du lait maternel n’est pas reconnue, l’allaitement se résume à une perte de liberté de
la femme, un frein à son épanouissement (6/17), alors que le biberon, lui, est adapté à notre rythme de
vie moderne, à la conciliation des rôles de femme active et de mère. Cette représentation se réfère à la
notion de contrainte pour la mère que l’allaitement implique : pour s’en affranchir, elle a pour solution
de se séparer de son enfant, en confiant son alimentation à une tierce personne. Les deux mères qui
déplorent la culpabilisation des femmes non-allaitantes regrettent justement que la société ne
reconnaisse pas cette privation de liberté de la femme allaitante et ne souligne qu’un épanouissement
par le biais d’une relation idyllique entre la mère et l’enfant.
Par ailleurs, le lien intense que l’allaitement crée entre la femme et son nourrisson est à l’origine,
pour certaines mères interrogées, d’une image caricaturale des enfants allaités (4/17). Ils sont qualifiés
de « capricieux », « demandeurs de contact », « pleurant plus », « ne supportant pas d’être seuls ».
Leurs pleurs revêtent parfois la preuve d’une carence de l’allaitement : les enfants allaités ont
« toujours faim », leur mère n’a « pas assez de lait ». Cette relation fusionnelle est enfin associée à
l’exclusion du père.
En rapport avec l’image de la relation intense que l’allaitement permet, quatre mères ressentent
que l’allaitement long est mal perçu par la société : les causes en sont variées et pas toujours
explicites : si l’enfant est « trop grand », ce n’est « pas bien » de l’allaiter, les mères qui ne sèvrent
pas leur enfant dans un délai correct, « ne veulent pas voir grandir leur enfant », ou « ne font ça que
pour elles ». La durée de l’allaitement long est par ailleurs subjective : une mère parle de six mois,
206
deux autres de deux ans, une autre encore de trois quatre ans. Elles reconnaissent parfois cette limite
de l’allaitement long pour elles-mêmes, au delà de leur durée idéale d’allaitement, ou attribuent ce
jugement négatif à la société, parfois même aux autres mères allaitantes. Cette notion d’allaitement
long a été étudiée dans plusieurs travaux. Il est souvent défini comme un allaitement qui dure au delà
de 6 mois. Sa perception par la société a été évaluée dans une étude de 1995, montrant que 29% des
mères ressentaient une « stigmatisation sociale » lorsqu’elles allaitent au delà de 6 mois, 44% au delà
de 12 mois et 61% au delà de 24 mois (142). Dans sa thèse intitulée « Allaitement prolongé et
médecine générale », S. David-Fondrevelle faisait état d’une réticence des médecins généralistes à
promouvoir l’allaitement long ainsi que d’une évolution nécessaire des mentalités dans ce domaine
(104).
En effet, les bienfaits de l’allaitement persistent pour des durées d’allaitement dépassant les six mois
de l’enfant.
Cependant, la société française porte souvent un regard suspicieux sur cette relation qui dure,
perçue comme incestueuse. Citons ici l’une des nombreuses déclarations de M Rufo, pédopsychiatre :
« Je suis en plein combat avec mes consœurs Edwige Antier et Christiane Olivier, qui tiennent des
propos bizarres : il faut allaiter son bébé jusqu’à 1 an. Moi, je crois qu’au 3ème mois on peut le
mettre à la crèche et reprendre le travail. Et lorsque je vois un garçon de 4 ans téter encore sa mère,
je le signale au juge » (143). L’allaitement prolongé est aussi associé à une limitation des
l’autonomisation des enfants, ou un refus de la mère de se détacher de son enfant (104).
La psychologue Lighezzolo écrivait en 2007 à ce sujet : « Ce temps du sevrage (…) lorsqu’il est
différé (au-delà de 6 mois pour le sein, de 24 mois pour l’alimentation mixte) majore le plus souvent
dans notre contexte socioculturel une dépendance réciproque importante entre la mère et l’enfant,
générant l’édification d’un lien d’attachement prenant fréquemment une coloration insécurisante dès
le lâcher du corps à corps. Il appauvrit probablement la construction de l’espace imaginaire et de
l’aire transitionnelle de l’enfant ainsi que son développement langagier. » (144).
Pourtant d’autres études montrent au contraire, une meilleure confiance en eux, un
comportement plus sociable ou une meilleure capacité au détachement, un meilleur développement
cognitif, des enfants allaités longtemps (145)(146)(104). L’allaitement long, très généralement mal vu,
puisque dénoncé aussi dans le discours de certaines mères allaitantes de notre étude, soufre donc
encore d’une image de pratique « anormale » et constitue une limite dans la pratique d’allaitement
pour plusieurs mères de notre étude.
De même que les craintes d’un attachement trop intense lors de l’allaitement long, pour
certaines mères, la société véhicule de nombreuses idées reçues sur l’allaitement, responsables d’une
désinformation. Sont cités : la peur de la déformation des seins par l’allaitement, l’idée que l’on va
« manquer de lait » si on a une petite poitrine, que le lait maternel peut être « pas assez riche », que le
lait maternel n’est finalement pas supérieur, voire inférieur aux autres laits. Ces idées reçues sont
présentées comme les causes du non choix de l’allaitement pour les mères qui n’allaitent pas,
préjugeant des difficultés ou du manque d’intérêt de l’allaitement.
207
Si le message de la société sur la promotion de l’allaitement est perçu de toutes les mères de
l’enquête, nombreuses sont celles qui considèrent que la communication autour de cette pratique
est insuffisante ou trop ciblée. On ressent donc un vif besoin de prise en compte des bienfaits de
l’allaitement dans les représentations collectives, ainsi qu’un souhait de trouver plus aisément
une aide appropriée ou un soutien efficace.
Enfin, les déterminants socio-économiques et culturels de l’allaitement ne sont pas envisagés par
toutes les mères de la même manière : certaines estiment que l’allaitement est surtout une pratique
répandue dans les populations aisées ou « BOBO » (Bourgeois Bohême)(8/17), alors que d’autres
l’associent plutôt aux populations aux revenus faibles, qui sont motivés par l’avantage économique
qu’il entraine (6/17). Une mère évoque une pratique répandue chez les femmes de profession
paramédicale et les populations d’origine maghrébine. Sept mères n’établissent pas de lien entre les
revenus ou le milieu socio-culturel et la pratique de l’allaitement. On tendrait donc ici à retrouver dans
le discours des mères, les deux modèles de S.Gojard : populaire et savant, définissant les catégories
des mères allaitantes(90).
G. Le ressenti des mères
Les débuts de l’allaitement sont largement réputés pour leurs difficultés pour les mères de notre
étude même si elles ne les ont pas toutes éprouvées. Ces impressions sont confirmées par plusieurs
études qui situent la plupart des complications liées à l’allaitement et des recours aux professionnels
de santé dans les premiers mois de vie de l’enfant (70)(86).
Lors du séjour en maternité
Les mères interrogées rapportent dès le séjour en maternité des difficultés de mise en place de
l’allaitement : une prise de poids problématique (4/17), un retard de montée laiteuse (2/17). La
perception du délai de la lactation est d’ailleurs parfois subjective : une de mères n’a pas ressenti de
montée de lait dans les 48 heures, ce qui est un délai non critique encore (27)(p59), cette confrontation
précoce aux doutes quant à la capacité de « produire » du lait et donc à « être mère », a été génératrice
d’angoisse dans les premiers jours de la maternité. L’autre mère a par la suite éprouvé de grandes
difficultés à établir une lactation suffisante et cet échec est à l’origine d’une immense déception. Elle
en retire un sentiment « d’injustice » face à son incapacité à allaiter son enfant alors que ce projet était
très important pour elle.
Les débuts sont aussi associés à des douleurs multiples, des sensations nouvelles, auxquelles
les mères ne s’étaient pas toujours préparées : crevasses, montée de lait douloureuse, succion trop
« avide », engorgement. L’expression de leurs sentiments de ces débuts d’allaitements évoque : le
208
doute, la peur, la gêne, le combat, la colère, la déception, la douleur. Certaines mères précisent même
que ce qui serait différent lors d’un prochain allaitement, serait qu’elles s’attendraient aux difficultés
du début.
Les visites ont été une autre cause de difficultés pour certaines mères (2/17) et d’autres
reconnaissent les avoir volontairement limitées. En effet dans ce contexte de mise en place de
l’allaitement, de douleurs et d’apprentissage des gestes, la présence et le regard d’autres personnes sur
ces débuts en tant que mère peuvent être un facteur de stress supplémentaire.
Cependant près de la moitié de mères (8/10) évoque de bons souvenirs, une impression de
pratique naturelle, simple, agréable, sereine. Ces sentiments d’efficacité et de confiance en soi sont
importants pour plusieurs auteurs et conditionnent la poursuite de l’allaitement (147).
Les difficultés de mise en place de l’allaitement à la maternité et les sensations parfois
douloureuses qui l’accompagnent sont souvent causes d’angoisses et de déception chez les mères
primipares ou chez les multipares qui ne les avaient pas éprouvées auparavant. Il semble
important de sensibiliser les futures mères à ces éventuels obstacles afin qu’elles les
appréhendent plus sereinement.
Le retour à la maison
Si le retour à la maison a été ressenti sereinement pour plus de la moitié des mères (10/17), les
difficultés d’allaitement et les doutes ressentis à la maternité ont souvent persisté quelques jours. Les
complications rencontrées par la suite ont été : les crevasses (8/17), l’engorgement (5/17), des
lymphangites (1/17), une hypersensibilité des mamelons (1/17). Le retentissement de ces
complications a été très variable, allant de la gêne passagère, aux douleurs invalidantes poussant à
envisager le sevrage. L’asthénie (10/17), que nous avons évoquée plus haut, n’était pas toujours
associée à l’allaitement. L’utilisation de bouts de sein, pour pallier à certaines complications, a été
rapportée par six mères dont quatre qui les ont utilisés sur une période de quelques jours à quelques
mois, soit pour une prise de sein difficile, soit pour des crevasses, soit pour une hypersensibilité des
mamelons.
Les indications des bouts de sein répondent en effet à ces problèmes, mais il est important de les
utiliser dans un contexte de surveillance de l’allaitement et de considérer ce matériel comme le
signal d’un allaitement « à risque », qu’il faut identifier et suivre.
Du point de vue des enfants, la seule difficulté rencontrée pour l’allaitement a été une prise de
poids problématique pour six d’entre eux. Quatre de ces nourrissons étaient comme en « économie
d’énergie » : les enfants ne réclamaient pas ou peu, dormaient beaucoup, ne grossissaient pas
suffisamment et s’épuisaient au sein, ne tétaient donc pas assez et risquaient de compromettre la
lactation. Les solutions utilisées ont été de deux ordres selon les mères : de stimuler l’enfant en lui
proposant le sein très fréquemment, ou de tirer le lait pour le lui donner au biberon afin de faire
repartir la lactation et grossir le bébé. Il est intéressant de souligner ici que dans ces situations de
209
stagnation pondérale et d’allaitement qui ne « marche » pas, de nombreux médecins généralistes
proposent facilement des compléments de lait artificiel d’après les études qui ont été menées (126).
Parmi les aides à l’allaitement évoquées, on relève les tisanes (11/17), les traitements
homéopathiques (7/17), ainsi que les crèmes contre les crevasses (10/17). Concernant ces dernières,
certaines mères précisent même les utiliser en prévention, comme une sorte de préparation du sein. Or
il a été démontré qu’aucune préparation des seins n’avait fait la preuve de son efficacité (64). Les
autres aides citées de façon anecdotique, ont été : les feuilles de chou, les lentilles, l’haptonomie, et
l’ostéopathie, bien qu’aucune des mères ne signale y avoir eu recours spécifiquement pour
l’allaitement. Les mères s’équipent donc largement et utilisent de nombreuses techniques pour s’aider
dans l’allaitement. La plupart n’ont pas apporté la preuve de leur efficacité, mais la multitude des ces
aides témoigne d’une volonté forte d’allaiter. Une mère évoque aussi l’utilisation d’un biberon
« anatomique » : « c’est les biberons qui ressemblent le plus au sein en fait » qu’elle utilise quand son
fils refuse les biberons à sa reprise du travail. Il existe en effet, autour du matériel de puériculture, un
puissant marketting auquel les mères qui allaitent peuvent sembler échapper.
Quand elles reviennent sur le ressenti global de leur allaitement, les mères font état de
périodes de doutes, de découragement, de lutte, d’angoisse, d’échec, de douleur ou de perte de liberté.
Les craintes du manque de lait ou de fournir un lait non nourrissant, bien que souvent reconnues
comme n’étant pas fondées, sont présentes dans leurs discours (4/17).
Parallèlement, il ressort largement du discours des mères (13/17) une satisfaction liée à
l’allaitement : elles ont éprouvé de l’assurance, un sentiment de réussite, une valorisation, une fierté,
du plaisir. Ces ressentis sont souvent évoqués au terme des difficultés rencontrées au départ.
Un mère a cependant une réflexion assez inattendue : ayant lu dans un article de vulgarisation
médicale que les effets immunologiques du lait maternel sur la santé de l’enfant n’étaient reconnus
qu’au delà d’une durée minimale d’allaitement, elle percevait le message qu’elle avait allaité « pour
rien ». Elle était par ailleurs très déçue d’avoir dû sevrer son enfant pour la reprise du travail, et
soulignait le paradoxe déjà évoqué de la promotion de l’allaitement entravée par la législation du
travail. Au delà de cette remarque, on peut se demander si l’information transmise par certains articles
de vulgarisation n’entraine pas un effet pervers, inverse au sujet initial en remettant en question des
sujets qui sont déjà peu maîtrisés par les mères qui ne saisissent pas la notion entre ce qui est prouvé et
ce qui est probable.
Concernant le vécu du sevrage, huit mères ont pu s’exprimer sur le sujet, car elles avaient
sevré leur enfant au moment de leur entretien. Il est intéressant de noter ici, l’amalgame fréquent qui
est retrouvé entre sevrage et diversification. Pour cinq mères, le sevrage découle de la diversification,
comme si l’enfant ne pouvait plus être allaité après cette étape. Ainsi, lorsque certaines mères
évoquent le sevrage, elles le ressentent comme le terme de leur allaitement et sont parfois choquées
que le médecin leur parle de sevrage aux six mois de leur enfant. Cette association fait peut-être
référence à une compréhension erronée des recommandations de l’OMS sur les durées d’allaitement.
210
Les mères et le public n’entendent que le conseil de l’allaitement exclusif jusqu’à six mois et
considèrent alors que l’allaitement doit s’arrêter. Ce quiproquo sur la compréhension des consignes de
l’OMS est d’ailleurs relevé dans certaines études (104).
Il est important que le discours du médecin soit clair au sujet des recommandations de l’OMS et
insiste sur la possibilité et surtout le bénéfice de continuer l’allaitement maternel après la
diversification ou la poussée dentaire.
Enfin, les mères décrivent des sevrages progressifs, en douceur, peu douloureux ou gênants,
bien acceptés et parfois souhaités par l’enfant. Les regrets sont pourtant très présents dans leur
discours. Ces regrets ne sont donc pas toujours dus à un vécu difficile, ni par un projet d’allaitement
écourté, comme nous l’avons déjà vu. Il semblerait donc que cette expérience ait apporté tellement à la
mère, qu’elle ait éprouvé un manque lorsqu’elle a dû se sevrer elle-même de cette relation riche.
L’argument du plaisir maternel et le ressenti intense qui sont souvent l’apanage de l’allaitement
maternel font rarement l’objet d’une réelle promotion. Pourtant elles éprouvent du plaisir, une
valorisation, un don de soi pour leur enfant. Le message que la mère a aussi beaucoup à gagner
de l’allaitement équilibre la balance des contraintes et évite la crainte de la culpabilisation liée à
la promotion de l’allaitement.
H. L’allaitement et le médecin généraliste
Pour la moitié des mères interrogées (9/17), les médecins généralistes sont mal ou peu formés en
matière d’allaitement. Les explications qu’elles donnent à cette constatation sont qu’ils ne sont pas les
spécialistes de l’allaitement, qu’ils ont beaucoup de sujets à maîtriser dans d’autres domaines, ou que
leur formation initiale est très pauvre. Il en découle, pour certaines mères, que la formation des
médecins dépend de leurs centres d’intérêt et n’est pas généralisable à l’ensemble du corps de cette
profession. Six autres mères n’ont pas d’idée sur cette question, et une seule considère que les
médecins sont bien formés. Ce manque de formation a été souligné dans plusieurs thèses de médecine
générale étudiant les connaissances des médecins généralistes en matière d’allaitement et leur désir de
formation sur le sujet. Certaines ont montré qu’ils possédaient des connaissances théoriques
globalement satisfaisantes, mais désiraient se former davantage notamment sur les conduites pratiques
en cas de prise de poids insuffisante ou de sensation de manque de lait (148). D’autres ont mis en
évidence qu’ils souhaitaient plus d’information et ont constaté qu’ils seraient favorables à
l’élaboration d’un support écrit regroupant les conduites pratiques les plus courantes (82). D’autres
encore ont évalué l’impact d’une FMC sur l’assimilation des connaissances relatives à l’allaitement et
en déduisaient qu’une formation initiale serait aussi souhaitable (78). D’autres enfin, faisant état d’un
211
sentiment de formation insuffisante chez les médecins généralistes et proposaient que la formation
initiale soit étoffée, parallèlement à l’organisation de soirées FMC (126).
Cependant, parmi les patientes interrogées, quatorze mères se sont senties bien informées par leur
médecin généraliste lors de leurs questions sur l’allaitement. Cette différence entre les représentations
et le vécu des patientes se comprend si l’on considère le biais de recrutement de médecins généralistes
« a priori » compétents en allaitement choisis par les mères de notre échantillon. Leurs connaissances
du sujet seraient donc meilleures que celles de l’ensemble des autre médecins généralistes. Dans la
population de la thèse de L Kurth-Aviles, 56% des mères pensaient que leur médecin n’avait pas de
formation en matière d’allaitement, 59% n’avaient pas obtenu les informations qu’elles souhaitaient
auprès de leur médecin généraliste, et 49% pensaient que les informations reçues n’étaient pas fiables
(82). Elle en déduisait donc que les mères seraient tentées de choisir leur médecin généraliste en
fonction de ses connaissances en allaitement, ce que nous avons bien mis en évidence dans notre
population.
Concernant le positionnement des médecins généralistes français par rapport à l’allaitement, la
moitié des mères (9/17) pense qu’ils sont favorables à cette pratique, à l’image d’ailleurs du reste de la
société. Certaines considèrent encore que cette opinion est personnelle et dépend donc des sensibilités
de chacun, plus que du programme de promotion de l’allaitement actuel. Une des mères interrogées
souligne une position délicate des médecins généralistes, qui sont selon elle « pris entre deux
discours » : celui des autorités médicales qui incitent les médecins à promouvoir l’allaitement et la
législation qui les empêche de donner aux mères les moyens de l’allaitement par la prolongation du
congé de maternité. Les impressions sur les opinions de leur propre médecin généraliste sont plus
homogènes et nettement dans le sens de la bienveillance (14/17), seules trois mères n’ont pas ressenti
l’opinion de leur médecin vis à vis de l’allaitement. Ceci s’explique, comme pour le décalage évoqué
précédemment pour les formations, par le choix des mères orienté en vue du suivi du nourrisson. Dans
sa thèse sur le rôle du médecin généraliste dans l’allaitement, L. Kurth-Aviles relevait que 55% des
médecins consultés par les patientes de son étude avaient été perçus comme étant favorables à
l’allaitement, et 5% exprimaient une opinion variable selon l’âge de l’enfant (82).
Par ailleurs, on constate que la majorité des mères (11/17) estime que le sexe féminin et
l’expérience en matière d’allaitement sont des facteurs qui favoriseront leur recours à un médecin
généralise en matière d’allaitement. Ceci se retrouve dans la population des médecins consultés,
puisque quinze d’entre eux sont des femmes. Un peu plus du tiers de ces mères estime cependant
qu’une formation solide en matière d’allaitement peut compenser l’expérience et le sexe féminin, ou
que les connaissances en allaitement sont de l’ordre du savoir médical et ne devraient donc pas être
influencés par des facteurs personnels.
Les mères souhaitent donc s’adresser, pour un grand nombre, à un interlocuteur qui ait déjà
vécu l’allaitement, car elles accordent une importance particulière à l’expérience personnelle de
212
cette pratique au vécu intense et chargé de multiples émotions. Elles choisissent leur médecin
selon des critères qui leur semblent pertinents : sexe, âge, expérience personnelle en allaitement,
réputation, connaissances en pédiatrie, lorsqu’elles souhaitent évoquer l’allaitement avec lui.
Les mères considèrent globalement qu’elles entretiennent avec leur médecin généraliste une
« bonne » relation (8/17) ou une relation de confiance (6/17). Il faut reconnaître ici que cette question
était délicate, du fait de la difficulté de définir une relation et du biais, que nous avons appelé « de
lissage », qui suggérait que les mères ne souhaitaient pas émettre d’avis négatif sur leur médecin dans
une enquête où celui-ci pouvait potentiellement avoir connaissance de leurs réponses.
Les consultations pour le suivi du nourrisson étaient pour toutes les mères l’occasion
d’aborder le sujet de l’allaitement avec leur médecin généraliste. Par ailleurs trois mères ont sollicité
une consultation pour un motif directement lié à l’allaitement : prescription d’un tire-lait, doute quant
à la poursuite de l’allaitement, lymphangite. Trois mères ont évoqué l’allaitement lors d’une
consultation pour elles-mêmes (asthénie, arrêt de travail, adaptation et suivi du traitement habituel) et
trois mères ont appelé leur médecin par téléphone pour des pleurs, une perception de manque de lait,
des coliques. Lors de ces communications téléphoniques, dans un contexte que l’on pourrait qualifier
« d’urgence », toutes les mères demandaient l’avis de leur médecin sur l’introduction de biberons de
complément, et ont eu une réponse de sa part qui les en dissuadait. Nous pouvons donc souligner que
les médecins sollicités lors de ces questions ont eu une attitude protectrice vis à vis de l’allaitement.
En outre, les thèmes abordés lors de ces consultations concernaient de nombreuses questions
pratiques, non purement médicales, de conduite de l’allaitement : la fréquence, la durée, des tétées, les
« pics de croissance », l’impression de manque de lait, les pleurs, les coliques, les nuits, l’utilisation de
compléments, la conduite du sevrage, de la diversification. Les questions plus rares dans un contexte
de complication de l’allaitement (6/17), concernaient des crevasses, un engorgement (3/17) une
hypersensibilité du mamelon, une mastite. Enfin, les problèmes médicaux qui impliquaient une
attitude à adapter à l’allaitement (3/17) portaient sur une poussée d’herpes, le sevrage en prévision
d’une anesthésie, l’adaptation de traitements maternels, ou des traitements de confort pour l’enfant
(homéopathie, DEBRIDAT). Dans l’étude de L. Kurth-Aviles, le premier motif de consultation
évoqué par les mères était le traitement des pathologies intercurrentes non liées à l’allaitement (63%)
et le suivi du bébé (63%), puis les problèmes du nourrisson (47%), enfin, les complications de
l’allaitement ne représentaient que 20,4% des raisons du recours au médecin généraliste au cours de
l’allaitement (82). Nous retrouvons donc l’importance du suivi du nourrisson, mais pour notre
échantillon, les pathologies de la mère étaient des motifs de consultation relativement plus rares, qu’ils
soient ou non liés à l’allaitement.
213
Deux patientes évoquent une recherche d’information, pour une adaptation de traitement
notamment, et ont apprécié ce souci de la part de leur médecin.
La grande majorité des mères s’est sentie écoutée, respectée dans ses choix, dans ses demandes
(14/17), cependant trois situations d’incompréhensions ont été relevées : au sujet de l’introduction de
complément, ayant par la suite compromis la poursuite de l’allaitement après le retour au travail ; lors
d’une consultation pour asthénie où la patiente n’a pas ressenti la compassion qu’elle souhaitait dans
le regard de son médecin (et l’arrêt de travail qu’elle espérait). La troisième mère peut être considérée
comme plus problématique, puisqu’une série d’événement a contribué à compromettre l’allaitement.
Elle a déploré que l’allaitement n’ait pas été pris en compte par son médecin, qui s’est concentré sur la
prise de poids de l’enfant en conseillant de donner des compléments, sans apparemment se soucier de
préserver cet allaitement qui tenait à cœur à sa patiente. Plusieurs facteurs de risque de sevrage étaient
pourtant présents : montée de lait retardée, prise de complément à la maternité, utilisation de bouts de
sein, primipare peu assurée de ses gestes, perte de poids et comportement au sein mal évalué. Cette
patiente a pourtant été conseillée par son médecin pour le traitement d’un engorgement… autant de
signaux qui auraient pu donner l’alerte d’une lactation en danger. Il est certes primordial de prendre en
charge la santé de l’enfant, mais celle-ci n’est pas forcément et ne devrait même pas du tout être
synonyme de sevrage. Le message que cette femme a reçu était qu’elle voulait à tout prix s’obstiner
dans un allaitement qui n’était pas bénéfique pour sa fille, alors même que rien n’avait été envisagé
pour évaluer les causes de son inefficacité. Cette image relayée par l’entourage et appuyée par le
médecin a eu un effet désastreux chez cette mère dans sa perception de son aptitude à être la mère
nourricière qu’elle aurait souhaité. Elle s’est sentie seule dans ce projet d’allaitement.
Les autres mères ont généralement perçu des encouragements, une réassurance, une aide au
déroulement de l’allaitement. Seules trois mères n’ont pas ressenti d’impact sur leur allaitement, et
estimaient par ailleurs que leur source d’information se situait plutôt sur internet, sur les sites des
associations, ou dans des manuels d’allaitement. Les représentations des médecins qui ont été
transmises aux mères concernaient le passage de substances bénéfiques pour l’enfant par le lait, la
supériorité du lait maternel, même congelé, sur les laits artificiels, l’importance du ressenti de la mère
dans les décisions, le développement bucco-facial favorisé par la succion au sein.
Une seule mère ne pense pas consulter de nouveau son médecin en cas de difficulté spécifique de
l’allaitement, une autre évoque qu’elle se réfèrerait en priorité à la Leche League.
Dans la thèse de L. Kurth-Aviles, l’influence du médecin généraliste avait été plus nuancée, puisque
20% des mères estimaient que celle-ci avait été néfaste pour leur allaitement, 63%, qu’elle n’avait pas
eu d’impact, et seulement 17% que le bilan de cette intervention était positif (82).
Il apparaît donc ici que la recherche d’information en matière d’allaitement et une attitude
respectueuse du projet des mères ont été des facteurs de bonne appréciation des consultations
auprès de ces praticiens. Les mères ont ressenti dans l’ensemble un soutien bénéfique parfois à
l’encontre des avis nuisibles de l’entourage ou de la société. Cependant, les écueils de certains,
214
rappellent la nécessité de travailler en réseau et de savoir trouver de l’aide auprès de spécialistes
de l’allaitement pour les cas délicats.
En conclusion, plutôt que la célèbre phrase : « Mieux vaut un biberon donné avec plaisir
qu’un sein donné à contrecœur », nous pouvons proposer un déplacement du débat et de la
problématique : Mieux vaut un sein donné avec plaisir qu’un biberon donné avec plaisir. Et cette
situation surpassant de loin les autres, le rôle du médecin généraliste et de tous les personnels de santé,
voire du public en général, est de permettre que le sein soit le plus possible donné avec plaisir. Partant
de là, la question de la promotion de l’allaitement ne se trouve plus soumise au risque de la
culpabilisation des mères non allaitantes, mais repose dans leur information éclairée afin qu’elles aient
un réel choix entre un allaitement maternel bien vécu et une nutrition au biberon bien vécue.
Pour cela, à la lumière de notre travail, nous pouvons dégager quelques pistes suggérées par les
entretiens avec les mères de notre étude :
Pour les médecins généralistes :
-
Assurer la promotion large de l’allaitement auprès des mères, des femmes, des
jeunes filles, des jeunes couples, des familles, etc.
-
Inciter les futures mères à se questionner sur ce choix en leur donnant les
informations éclairées nécessaires, sans craindre de les culpabiliser, et sans
omettre les bénéfices pour la mère (plaisir, santé, aspect pratique).
-
Proposer un suivi dans les deux premières semaines après la sortie de la
maternité, pour dépister les difficultés précoces, savoir reconnaître les
situations à risque de sevrage.
-
Assurer un suivi centré sur la mère : s’enquérir du contexte dans lequel elle
évolue : soutien de l’entourage, pressions, charge de travail, asthénie pour
l’accompagner dans son projet d’allaitement et lui proposer des solutions
adaptées.
-
Se former ou travailler en réseau, connaître les sources d’information
spécialisées (CRAT).
Pour la société :
-
Améliorer les conditions de travail des mères allaitantes.
-
Augmenter la durée des congés de maternité.
-
Revaloriser les aides proposées aux mères qui font le choix du congé parental.
-
Communiquer et informer autour de l’allaitement pour changer les mentalités.
215
DISCUSSION COMMUNE
A. Représentations générales de l’allaitement et du lait
maternel.
Les médecins et les mères se représentent l’allaitement maternel comme la source d’une
relation privilégiée entre la mère et l’enfant qu’ils qualifient de fusionnelle, intime et charnelle. Cette
dimension a une place très importante dans les discours des deux parties qui considèrent l’allaitement
comme une source de plaisir. Les médecins pensent aussi que c’est un acte extrêmement valorisant
pour les femmes mais ce sentiment ressort peu dans le discours des mères. Cette relation si étroite est
perçue, aussi bien par les médecins que par les mères, comme un risque potentiel que le père se sente
exclu de cette interaction. Cependant, peu de mères interrogées ici ont rapporté des difficultés pour
que leur conjoint trouve sa place. D’ailleurs elles pensent, tout comme les médecins, qu’un père peut
s’investir auprès de son enfant autrement qu’en s’impliquant dans la fonction nourricière.
L’allaitement est aussi défini par nos deux populations d’étude comme un prolongement
naturel de la grossesse, à la nuance près que les médecins n’envisagent cette continuité que dans le
cadre relationnel alors que les mères l’envisagent aussi sur le plan physiologique, dans le sens où c’est
un geste propre à la condition de l’être humain en tant que mammifère. Bien qu’elle ne soit pas
abordée dans le même cadre, cette notion d’acte naturel se retrouve aussi dans le discours des
médecins. Pourtant, l’allaitement n’est pas perçu comme un geste inné par nos deux populations. En
effet, les mères, comme les médecins, considèrent pour la plupart que sa pratique, notamment lors de
sa mise en route, peut-être difficile. Un autre paradoxe ressort des discours des deux parties : bien que
l’allaitement soit largement considéré comme pratique sur le plan matériel, il est aussi généralement
envisagé comme une contrainte de par la disponibilité maternelle constante qu’il nécessite, privant la
mère allaitante de liberté. Ce sentiment est probablement influencé, aussi bien pour les mères que pour
les médecins, par des représentations socioculturelles qui ne conçoivent la possibilité pour une femme
d’être indépendante que lorsqu’elle peut s’affranchir des contraintes maternelles. D’autre part,
beaucoup de mères et de médecins considèrent volontiers l’asthénie maternelle comme imputable à
l’allaitement et surtout aux tétées nocturnes. Cette idée reçue, pourtant infirmée par des études qui
montrent que l’asthénie maternelle est le fait du post-partum et non de l’allaitement, mène souvent à
l’introduction de compléments le soir dans l’espoir que l’enfant « fasse ses nuits ». Il serait donc
souhaitable que les professionnels de santé prennent conscience de cette réalité et cessent de véhiculer
cette croyance populaire. Ils devraient plutôt suggérer aux mères et à leur entourage des solutions
216
ayant un bon niveau de preuve et plus favorables à l’allaitement, comme celle de porter une assistance
soutenue à la jeune mère dans les tâches de la vie quotidienne les premières semaines suivant le retour
de la maternité. De telles mesures conservatrices permettraient certainement aux mères d’allaiter plus
longtemps et leur éviteraient un sentiment d’échec lors d’un sevrage non souhaité. La question du
sevrage semble même bien plus complexe puisque certaines mères de notre étude ont regretté d’avoir
sevré leur enfant alors même qu’elles étaient allées au-delà de leur projet d’allaitement. Quelques
médecins interrogés ont, quant à eux, conscience du sentiment de frustration ressenti par leurs
patientes lors du sevrage.
Au-delà de leurs représentations sur l’allaitement en général, nos deux populations d’étude ont
également exposé leurs visions du lait maternel. Il ressort des discours, aussi bien des médecins que
des mères, que le lait maternel est supérieur aux préparations pour nourrissons principalement du fait
de ses composantes immunitaires. Cependant, les mères s’approprient difficilement ces assertions
scientifiques et les médecins ont, quant à eux, tendance à les minimiser surtout par crainte de
culpabiliser les mères qui ne veulent pas allaiter ou qui souhaitent sevrer. Les préparations pour
nourrissons sont donc largement considérées et présentées par les médecins comme des produits tout à
fait satisfaisants sur le plan qualitatif. Par ailleurs, le lait maternel est évoqué par plusieurs médecins et
par quelques mères comme un aliment dynamique dont la composition évolue notamment du fait de
l’influence de l’alimentation maternelle sur ses qualités gustatives et sur sa digestibilité. Cette
croyance partagée par les mères et les médecins mène parfois à une adaptation inappropriée du régime
maternel. Dans le même ordre d’idée, médecins et mères attribuent des propriétés galactogènes à
certaines tisanes. Enfin, nous avons également remarqué la perception commune de la dimension non
quantifiable du lait maternel. On relève des avis contradictoires à ce sujet aussi bien chez les médecins
que chez les mères : si pour quelques-uns cette absence de quantification présente un avantage
pratique, ils sont un peu plus nombreux à la percevoir comme une source d’angoisse, surtout lorsque la
mère est confrontée à des difficultés d’allaitement. Cela peut parfois mener, aussi bien les mères que
les médecins, au besoin de quantifier la production lactée en ayant recours au tire-lait ou aux tétéespesées.
B. Représentations de la vision de l’allaitement maternel dans
la société et au travail.
Les médecins comme les mères perçoivent un climat actuel de forte promotion de l’allaitement
maternel pouvant engendrer, surtout selon les médecins, un sentiment de culpabilité chez les mères qui
ne font pas ce choix. Cependant, les médecins considèrent qu’il circule encore beaucoup d’idées
reçues qui découragent souvent les femmes allaitantes. Les mères ont également cette perception mais
217
pensent aussi que les femmes qui allaitent font encore l’objet d’une stigmatisation par une partie de la
société. Nos deux populations perçoivent, en outre, une vision négative de l’allaitement long par la
société, vision que partagent d’ailleurs la plupart des médecins interrogés puisqu’ils jugent cette
pratique inappropriée car non conforme à la culture des pays occidentaux. Les mères, quant à elles,
n’expriment pas un point de vue négatif personnel à ce sujet mais ont parfois du mal à se projeter dans
un allaitement long. Par ailleurs, les médecins et les mères ont abordé le sujet de l’allaitement en
public. Du point de vue des praticiens, les mères peuvent avoir des réticences à allaiter en public par
crainte du regard des autres, d’autant plus que, selon eux, la société perçoit cela comme une forme
d’exhibition. De leur côté, les mères évoquent aussi cette gêne liée à l’allaitement en société soit par
crainte de gêner les autres, soit du fait de leur propre pudeur.
Si la société est globalement perçue par les mères et les médecins comme favorable à
l’allaitement, tous s’accordent à dire qu’elle ne permet pas aux femmes d’allaiter aussi longtemps que
le recommandent les autorités de santé, principalement du fait des contraintes liées à la reprise du
travail. C’est en effet la première cause de sevrage évoquée dans nos entretiens. Mères et médecins
estiment que la durée du congé maternité est trop courte et que les mesures du Code du Travail visant
à permettre aux femmes de poursuivre l’allaitement, sont difficilement applicables en pratique. De ce
fait, le projet d’allaitement des mères est conditionnée, entre autres facteurs, par la durée du congé
maternité, ce qui explique en partie le décalage entre la durée d’allaitement prévue initialement et leur
représentation de la durée idéale d’allaitement. La plupart des médecins, bien conscients de cette
réalité, n’hésitent pas à prolonger le congé maternité de leurs patientes par un arrêt maladie, en
prétextant un autre motif que celui de l’allaitement. Toutefois, les mères qui souhaiteraient un arrêt
maladie ne se sentent pas toujours légitimes dans cette demande. II en ressort donc qu’il serait
souhaitable, à l’image de ce qui se fait dans les pays scandinaves, d’augmenter la durée du congé
maternité et d’améliorer les conditions de travail des femmes allaitantes car les mesures actuelles
semblent encore insuffisantes.
C. Place du généraliste dans la prise en charge de l’allaitement.
Les mères disent souvent avoir choisi leur médecin généraliste pour son expérience
professionnelle supposée en pédiatrie et gynécologie ainsi que pour son expérience personnelle de la
maternité et de l’allaitement car elles considèrent que le corps médical n’est pas toujours suffisamment
formé dans ce domaine. L’expérience personnelle est aussi clairement ressentie par beaucoup de
praticiens interrogés comme un avantage pour répondre aux attentes de leurs patientes. Leurs discours
ont montré qu’ils attachent beaucoup moins d’importance au fait d’être formé. D’ailleurs, la plupart ne
sont pas demandeurs de formation ou n’en ressentent pas le besoin. Leurs réponses concernant leurs
218
attitudes pratiques face aux problèmes rencontrés par les mères laissent pourtant supposer qu’ils
manquent parfois de connaissances théoriques solides.
Les médecins généralistes se considèrent comme des intervenants de premier recours,
essentiellement du fait de leur proximité et de leur disponibilité. Ils se démarquent, selon eux, des
autres intervenants par leur prise en charge globale du couple mère-enfant et le du suivi qu’ils assurent
dans le temps. Cependant, plusieurs considèrent qu’ils ne sont pas les mieux placés pour aborder la
question de l’allaitement avec les patientes. En effet, pratiquement les deux-tiers des mères interrogées
ne les considèrent pas comme des référents spécialisés dans ce domaine, contrairement aux sagesfemmes. Elles leur attribuent cependant une place de choix dans le suivi de leur enfant au cours
duquel elles se sentent libres d’aborder le sujet de l’allaitement. D’ailleurs, les médecins interrogés
ont bien soulevé le fait qu’ils sont le plus souvent sollicités par les mères sur cette question lors de ces
visites de suivi, alors que les consultations centrées sur la mère et l’allaitement sont beaucoup plus
rares. Les autres intervenants cités par les mères sont principalement la PMI et les gynécologues. Bien
qu’ils considèrent que leur rôle est complémentaire de ceux-ci, les généralistes interrogés ne sont, pour
la plupart, jamais en lien avec eux et ne leur adressent pratiquement pas les mères. D’ailleurs, aucune
des mères de notre étude n’a été adressée à un autre intervenant par son médecin traitant. On note
enfin que les associations de soutien aux mères allaitantes sont globalement mal connues des médecins
qui orientent donc peu leurs patientes vers ces structures. En pratique les mères, de leur côté, y ont peu
recours en dehors de la consultation de leurs sites internet.
D. Discussion sur l’analyse croisée des discours.
Il est important de rappeler ici les biais que nous avons relevés dans nos travaux respectifs et
qui ont probablement altéré la richesse des résultats de cette analyse croisée :
- Un biais de mémoire : celui-ci est surtout valable pour les médecins qui éprouvaient
souvent beaucoup de difficultés à se remémorer le cas particulier d’une patiente, d’autant plus que
très peu d’entre eux avaient renseigné leurs dossiers médicaux de données relatives à l’allaitement,
- Un biais de lissage concernant les patientes : celles-ci ont parfois eu des réticences à
exprimer des critiques concernant l’intervention de leur médecin généraliste.
Les patientes étaient pour la plupart suivies depuis peu de temps par leur généraliste qu’elles
précisent souvent avoir choisi dans l’optique qu’il effectue le suivi de leur enfant. L’allaitement a
d’ailleurs été principalement évoqué dans le cadre des consultations mensuelles de suivi du nourrisson.
La qualité de la perception des médecins concernant la façon dont les mères ont vécu leur
allaitement est très inhomogène. Si certains en ont une vision assez juste, d’autres ont tendance à mal
219
évaluer le plaisir que cela procure à la mère et le rôle exact joué par l’entourage. Ils ont également une
perception imparfaite des motivations des mères car ils abordent rarement ce sujet avec elles.
Très peu de mères se sont senties influencées par le discours de leur généraliste en ce qui
concerne leurs représentations de l’allaitement mais, parmi celles qui en ont fait état, cela a
principalement influencé favorablement leurs visions concernant les qualités du lait maternel. Nous
nous attendions pourtant à ce que ce phénomène soit plus marqué car, du fait de l’image de porteur du
savoir scientifique incarnée par le médecin, il n’aurait pas été étonnant de constater que davantage de
mères rapportent une influence de son discours sur leurs représentations concernant les multiples
sujets qu’ils ont évoqués en consultation.
Si quelques mères n’ont perçu aucun impact de l’intervention du généraliste sur la conduite ou
la durée de leur allaitement, la majorité s’est sentie soutenue et encouragée à le poursuivre. Cependant,
certaines considèrent que leur généraliste est responsable, plus ou moins directement, du sevrage de
leur enfant et au vu de ce que nous avons observé, plusieurs autres médecins ont dispensé des conseils
mettant potentiellement en danger la pérennité de l’allaitement.
Enfin, les médecins de notre étude n’ont globalement pas pris pleinement conscience du rôle
qu’ils ont joué auprès de leurs patientes, principalement en sous-estimant l’importance du soutien
qu’ils leur ont apporté. On peut donc se demander si le rôle de promotion et de soutien de l’allaitement
a été bien investi dans le cadre de ces consultations.
A la lumière de ces observations, il semble important pour que les médecins généralistes se
positionnent en acteurs efficaces de la promotion et du soutien de l’allaitement :
•
qu’ils prennent davantage conscience de l’importance du soutien qu’ils peuvent apporter aux
mères allaitantes,
•
qu’ils adoptent une approche centrée sur la mère en évaluant son ressenti ainsi que les
difficultés médicales, relationnelles, professionnelles et familiales auxquelles elle est
confrontée et en lui demandant de préciser ce qu’elle attend de sa prise en charge afin de
l'aider à mieux intégrer l’allaitement dans son quotidien,
•
qu’ils se forment davantage sur la question ou qu’ils se créent un réseau de correspondants
compétents qu’ils n’hésiteront pas à solliciter en cas de doute,
•
qu’ils dispensent les informations objectives dont ils disposent sans craindre de culpabiliser
les mères, en insistant non seulement sur les bienfaits de l’allaitement pour l’enfant mais aussi
(et surtout) pour la mère.
220
221
222
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232
ANNEXES
Annexe 1 :
Code International de Commercialisation des Substituts du Lait Maternel.
Annexe 2:
Dix conditions pour le succès de l’allaitement maternel. Déclaration conjointe de
l'OMS/UNICEF.
Annexe 3 :
Conditions d’accès au label IHAB (Initiative hôpital ami des bébés) (Révision de
2009)
Annexe 4 :
DECLARATION INNOCENTI 1990. 1er août 1990 Florence (Italie)
Annexe 5 :
Code du travail et Allaitement maternel.
Annexe 6 :
Feuillet de recrutement en maternité
Annexe 7 :
Grille de rappel des mères
Annexe 8 :
Trame d’entretien individuel
233
Annexe 1 : Code International de Commercialisation
des Substituts du Lait Maternel.
Les Etats Membres de l’Organisation mondiale
de la Santé :
Affirmant le droit de tout enfant, de toute femme
enceinte et de toute femme allaitante à une
nourriture adéquate en tant que moyen d’acquérir et
de conserver la santé ;
Reconnaissant que la malnutrition infantile est une
partie des problèmes plus vastes dus au manque
d’éducation, à la pauvreté et à l’injustice sociale ;
Reconnaissant que la santé des nourrissons et des
jeunes enfants ne peut pas être isolée de la santé et
de la nutrition des femmes, de leur condition socioéconomique et des rôles qu’elles jouent en tant que
mères ;
Conscients du fait que l’allaitement au sein est un
moyen inégalé de donner aux nourrissons la
nourriture idéale pour une croissance et un
développement sains ; qu’il assure une base
biologique et affective unique pour la santé tant de
la mère que de l’enfant ; que les propriétés antiinfectieuses du lait maternel contribuent à protéger
les nourrissons contre la maladie ; et qu’il existe
une relation importante entre l’allaitement au sein
et l’espacement des naissances ;
Reconnaissant
qu’encourager
et
protéger
l’allaitement au sein tient une place importante
parmi les mesures sanitaires, nutritionnelles et
autres mesures sociales nécessaires pour favoriser
la croissance et le développement sains du
nourrisson et du jeune enfant ; et que l’allaitement
au sein constitue un aspect important des soins de
santé primaires ;
Considérant que lorsque les mères n’allaitent pas,
ou n’allaitent que partiellement, il existe un marché
légitime pour les préparations pour nourrissons et
pour les ingrédients appropriés entrant dans la
confection de ces préparations ; que, par
conséquent, tous ces produits devraient être mis à la
portée de ceux qui en ont besoin au moyen des
systèmes de distribution commerciaux ou non
commerciaux ; et qu’ils ne devraient pas être
commercialisés ou distribués par des méthodes
susceptibles de nuire à la protection et à la
promotion de l’allaitement au sein;
Reconnaissant en outre que des pratiques
d’alimentation inadéquates sont cause de
malnutrition, de morbidité et de mortalité des
nourrissons dans tous les pays, et que des pratiques
incorrectes dans la commercialisation de substituts
du lait maternel et de produits apparentés peuvent
aggraver ces importants problèmes de santé
publique ;
Convaincus qu’il est important pour le nourrisson
de recevoir des aliments de complément appropriés
généralement à partir de l’âge de quatre à six mois,
et que rien ne devrait être négligé pour utiliser à cet
effet des aliments disponibles sur le plan local ; et
convaincus, néanmoins, que ces aliments de
complément ne devraient pas être utilisés comme
substituts du lait maternel ;
Se rendant compte qu’il existe divers facteurs
sociaux et économiques affectant l’allaitement au
sein et que, par conséquent les gouvernements
devraient élaborer des systèmes de soutien social
pour le protéger, le faciliter et l’encourager, et créer
à cet effet un environnement qui favorise
l’allaitement au sein, fournit un appui familial et
communautaire approprié et protège les mères
contre les facteurs qui entravent l’allaitement au
sein ;
Affirmant que les systèmes de soins de santé et les
professionnels de la santé et autres agents de santé
qui y travaillent ont un rôle essentiel à jouer en
orientant les pratiques en matière d’alimentation
des nourrissons, en encourageant et en facilitant
l’allaitement au sein, et en fournissant aux mères et
aux familles des avis objectifs et
cohérents au sujet de la valeur supérieure de
l’allaitement au sein ou, en cas de nécessité, au
sujet d’une utilisation correcte des préparations
pour nourrissons, qu’elles soient de fabrication
industrielle ou confectionnées à la maison ;
Affirmant en outre que les systèmes éducationnels
et les autres services sociaux devraient intervenir
tant dans la protection et la promotion de
l’allaitement au sein qu’en ce qui concerne
l’utilisation
appropriée
des
aliments
de
complément;
Sachant que les familles, les collectivités, les
organisations féminines et autres organisations non
gouvernementales ont un rôle particulier à jouer
pour protéger et promouvoir l’allaitement au sein et
assurer aux femmes enceintes et aux mères de
nourrissons et de jeunes enfants, qu’elles allaitent
ou non, le soutien dont elles ont besoin ;
Affirmant que les gouvernements, les organisations
du système des Nations Unies, les organisations
234
non gouvernementales, les experts de diverses
disciplines concernées, les associations de
consommateurs et l’industrie doivent collaborer à
des activités visant à améliorer la santé et la
nutrition des mères, des nourrissons et des jeunes
enfants ;
commercialisés ou présentés de toute autre manière
comme appropriés, avec ou sans modification, pour
remplacer partiellement ou totalement le lait
maternel ; biberons et tétines. Il s’applique aussi à
la qualité et à la disponibilité de ces produits et à
l’information concernant leur utilisation.
Reconnaissant que les gouvernements devraient
prendre toute une gamme de mesures sanitaires et
nutritionnelles et d’autres mesures sociales pour
promouvoir la croissance et le développement sains
du nourrisson et du jeune enfant, et que le présent
Code ne porte que sur un seul aspect de ces mesures
;
Article 3. Définitions
Considérant que les fabricants et les distributeurs de
substituts du lait maternel ont un rôle important et
constructif à jouer en ce qui concerne l’alimentation
du nourrison et la promotion du but du présent
Code ainsi que sa bonne mise en oeuvre ;
Affirmant que les gouvernements se doivent d’agir,
eu égard à leurs structures sociales et législatives et
à leurs objectifs de développement général, pour
donner effet aux principes et le but du présent
Code, y compris par des mesures législatives ou
réglementaires ou par d’autres mesures appropriées
Estimant, à la lumière des considérations qui
précèdent et compte tenu de la vulnérabilité des
nourrissons au cours des premiers mois de leur vie
ainsi que des risques entraînés par des pratiques
d’alimentation inadéquates, parmi lesquelles
l’utilisation non nécessaire et incorrecte des
substituts du lait maternel, que la commercialisation
des substituts du lait maternel exige un régime
spécial, les pratiques commerciales usuelles ne
convenant pas pour ces produits ;
En conséquences :
Les Etats Membres s’accordent par les présentes
sur les articles ci-après, qui sont recommandés en
tant que base d’action.
Article 1. But du Code
Le but du présent Code est de contribuer à procurer
aux nourrissons une nutrition sûre et adéquate en
protégeant et en encourageant l’allaitement au sein
et en assurant une utilisation correcte des substituts
du lait maternel, quand ceux-ci sont nécessaires, sur
la base d’une information adéquate et au moyen
d’une commercialisation et d’une distribution
appropriées.
Article 2. Champ d’application du Code
Le présent Code s’applique à la commercialisation
et aux pratiques y relatives des produits suivants:
substituts du lait maternel, y compris les
préparations pour nourrissons ; autres produits
lactés, aliments et boissons, y compris les aliments
de complément donnés au biberon, quand ils sont
Aux fins du présent code, on entend par :
“Agent de santé” une personne travaillant dans un
service relevant d’un système de soins de santé, au
niveau professionnel ou non professionnel, y
compris à titre bénévole, sans rémunération.
“Aliment de complément” tout aliment fabriqué
industriellement ou confectionné sur le plan local,
pouvant convenir comme complément du lait
maternel ou des préparations pour nourrissons,
quand le lait maternel ou les préparations ne
suffisent plus pour satisfaire les besoins
nutritionnels du nourrisson. De tels aliments sont
aussi communément appelés “aliments de sevrage”
ou “compléments du lait maternel”.
“Commercialisation”
promotion,
distribution,
vente, publicité d’un produit, relations avec le
public et services d’information le concernant.
“Distributeur” une personne, une société ou toute
autre entité du secteur public ou privé se livrant
(directement
ou
indirectement)
à
la
commercialisation d’un produit visé par le présent
Code au niveau de la vente en gros ou au détail. Le
“distributeur en gros” est l’agent de vente d’un
fabricant, son représentant, son distributeur national
ou son courtier.
“Echantillons” des exemplaires uniques ou de
petites quantités d’un produit, fournis gratuitement.
“Emballage” toute forme de conditionnement des
produits pour leur vente au détail, en tant qu’unités
normales, y compris le papier d’emballage.
“Etiquette” outre l’étiquette proprement dite, tout
label, marque, signe figurant ou autrement
descriptif, écrit, imprimé, stencilé, marqué, estampé
ou empreint, ou fixé sur l’emballage (voir cidessus) de tout produit visé par le présent Code.
“Fabricant” une société ou une autre entité du
secteur public ou privé ayant (soit directement, soit
par l’intermédiaire d’un agent ou d’une entité
qu’elle contrôle ou à laquelle elle est liée par
contrat) pour activité ou pour fonction de fabriquer
un produit visé par le présent Code.
“Personnel de commercialisation” toute personne
dont les fonctions comportent la commercialisation
d’un ou de plusieurs produits visés par le présent
Code.
235
e)
“Préparations pour nourrissons” un substitut du lait
maternel formulé industriellement, conformément
aux normes applicables du Codex Alimentarius,
pour satisfaire les besoins nutritionnels normaux du
nourrisson jusqu’à l’âge de quatre à six mois et
adapté à ses caractéristiques physiologiques. Ces
aliments peuvent aussi être confectionnés à
domicile, auquel cas on les dit “préparés à la
maison”.
“Stocks” quantités d’un produit fournies pour être
utilisées pendant une période prolongée,
gratuitement ou à bas prix, à des fins sociales, y
compris celles fournies aux familles nécessiteuses.
“Substituts du lait maternel” tout aliment
commercialisé ou présenté de toute autre manière
comme produit de remplacement partiel ou total du
lait maternel, qu’il convienne ou non à cet usage.
“Système de soins de santé” les institutions ou
organisations
gouvernementales,
non
gouvernementales ou privées destinées à assurer,
directement ou indirectement, des soins de santé
aux mères,
aux nourrissons et aux femmes
enceintes, ainsi que les crèches ou autres
institutions de soins aux enfants. Le système de
soins de santé comprend aussi les agents de santé
exerçant à titre privé. Il n’englobe pas, aux fins du
présent Code, les pharmacies ou autres points de
vente réguliers.
Article 4. Information et éducation
4.1 Les gouvernements devraient assumer la
responsabilité de veiller à ce qu’une information
objective et cohérente sur l’alimentation du
nourrisson et du jeune enfant soit fournie aux
familles et à tous ceux qui jouent un rôle dans le
domaine de la nutrition du nourrisson et du jeune
enfant. Cette responsabilité devrait s’appliquer soit
à la planification, à la distribution, à la conception
et à la diffusion de l’information, soit au contrôle de
ces activités.
4.2 Les matériels à but d’information et
d’éducation, qu’il s’agisse de documentation écrite
ou de matériel audio-visuel, établis à l’intention des
femmes enceintes et des mères de nourrissons et de
jeunes enfants et portant sur l’alimentation des
nourrissons,
devraient
comporter
des
renseignements clairs sur tout ce qui suit :
a) les avantages et la supériorité de
l’allaitement au sein ;
b) la nutrition maternelle et la façon de se
préparer à l’allaitement au sein et de le
poursuivre ;
c) l’effet négatif d’une alimentation partielle
au biberon sur l’allaitement au sein ;
d) la difficulté de revenir sur la décision de
ne pas nourrir son enfant au sein ;
en cas de besoin, l’utilisation correcte des
préparations pour nourrissons, qu’elles
soient industrielles ou confectionnées à la
maison. Lorsqu’ils contiennent des
renseignements sur l’utilisation des
préparations pour nourrissons, ces
matériels devraient faire état des
incidences sociales et financières de cette
utilisation et signaler les dangers pour la
santé de l’utilisation d’aliments ou de
méthodes d’alimentation inadéquats et, en
particulier, de l’utilisation non nécessaire
ou incorrecte des préparations pour
nourrissons et autres substituts du lait
maternel. Ces matériels ne devraient
employer aucune image ou texte de nature
à idéaliser l’utilisation de substituts du lait
maternel.
4.3 Les fabricants ou les distributeurs ne devraient
faire de dons d’équipement ou de matériels à but
d’information ou d’éducation qu’à la demande et
avec l’approbation écrite de l’autorité publique
compétente ou dans le cadre des directives
énoncées à cet effet par les pouvoirs publics. De
tels équipements ou matériels pourront porter le
nom ou l’emblème de la firme donatrice, mais ne
devraient pas faire spécifiquement référence à un
produit commercial visé par le présent Code, et ne
devraient être distribués que par l’entremise du
système de soins de santé.
Article 5. Grand public et mères
5.1 Il ne devrait y avoir ni publicité, ni aucune
forme de promotion auprès du grand public de
produits visés par le présent Code.
5.2 Les fabricants et les distributeurs ne devraient
fournir ni directement ni indirectement aux femmes
enceintes, aux mères ou aux membres de leurs
familles des échantillons de produits visés par le
présent Code.
5.3 Conformément aux paragraphes 5.1 et 5.2, il ne
devrait y avoir pour les produits visés par le présent
Code ni publicité aux points de vente, ni
distribution d’échantillons, ni aucune autre pratique
promotionnelle de la vente directe aux
consommateurs au niveau du commerce de détail,
telle qu’étalages spéciaux, bons de réduction,
primes, ventes spéciales, ventes à perte et ventes
couplées. Cette disposition ne devrait pas
restreindre l’élaboration de politiques et de
pratiques en matière de prix visant, à long terme, à
fournir des produits à meilleur marché.
5.4 Les fabricants et distributeurs ne devraient pas
distribuer en cadeau aux femmes enceintes ni aux
mères de nourrissons et de jeunes enfants des
articles ou ustensiles de nature à promouvoir
236
l’utilisation de substituts du lait maternel ou
l’alimentation au biberon.
5.5 Le personnel de commercialisation ne devrait
pas chercher à avoir, à titre professionnel, des
contacts directs ou indirects d’aucune sorte avec les
femmes enceintes ou les mères de nourrissons et de
jeunes enfants.
Article 6. Systèmes de soins de santé
6.1 Les autorités sanitaires des Etats Membres
devraient prendre des mesures appropriées pour
encourager et protéger l’allaitement au sein et
promouvoir les principes du présent Code; elles
devraient fournir aux agents de santé des
renseignements et des conseils appropriés
concernant leurs responsabilités, y compris les
renseignements énumérés au paragraphe 4.2
6.2 Aucune installation d’un système de soins de
santé ne devrait être utilisée pour la promotion de
préparations pour nourrissons ou d’autres produits
visés par le présent Code. Celui-ci n’exclut
cependant pas la diffusion d’informations aux
professionnels de la santé, comme prévu au
paragraphe 7.2.
6.3 Les installations des systèmes de soins de santé
ne devraient pas être utilisées pour l’exposition de
produits visés par le présent Code, ni pour la
présentation de placards ou d’affiches concernant
ces produits, ni pour la distribution de matériels
fournis par un fabricant ou par un distributeur, à
l’exception de ceux qui sont énumérés au
paragraphe 4.3.
6.4 Il ne devrait pas être permis aux systèmes de
soins de santé d’employer des “représentants de
services professionnels”, des “puéricultrices” ou
des personnels similaires fournis ou rémunérés par
les fabricants ou les distributeurs.
6.5 Seuls les agents de santé, ou d’autres agents
communautaires en cas de nécessité, devraient
pouvoir faire des démonstrations d’alimentation au
moyen de préparations pour nourrissons, soit
fabriquées industriellement, soit confectionnées à la
maison, et les démonstrations ne devraient être
faites qu’aux mères ou aux membres des familles
en ayant besoin ; les renseignements fournis
devraient comprendre une explication claire des
risques d’une utilisation incorrecte.
6.6 Le don ou la vente à bas prix à des institutions
ou organisations de stocks de préparations pour
nourrissons ou d’autres produits visés par le présent
Code, que ce soit en vue d’une utilisation à
l’institution même ou en vue d’une distribution à
l’extérieur est autorisé. De tels stocks ne devraient
être utilisés ou distribués qu’en faveur des
nourrissons qu’on est obligé d’alimenter au moyen
de substituts du lait maternel. Si la distribution est
faite pour utilisation en dehors des institutions, elle
ne devrait l’être que par les institutions ou
organisations concernées. De tels dons ou ventes à
bas prix ne devraient pas être faits par des
fabricants ou distributeurs pour promouvoir les
ventes.
6.7 Quand des stocks de préparations pour
nourrissons ou d’autres produits visés par le présent
Code qui proviennent de dons sont distribués à
l’extérieur d’une institution, l’institution devrait
prendre des mesures pour garantir que les stocks
pourront être entretenus aussi longtemps que les
nourrissons concernés en auront besoin. Les
donateurs ainsi que les institutions ou organisations
concernées ne devraient pas perdre de vue cette
responsabilité.
6.8 Outre ceux qui sont mentionnés au paragraphe
4.3, l’équipement et les matériels donnés à un
système de soins de santé pourraient porter le nom
ou l’emblème du donateur, mais ne devraient faire
mention d’aucun produit commercial visé par le
présent Code.
Article 7. Agents de santé
7.1 Les agents de santé devraient encourager et
protéger l’allaitement au sein ; et ceux qui
s’occupent spécialement de la nutrition des mères et
des nourrissons devraient se familiariser avec les
responsabilités qui leur incombent en vertu du
présent Code, y compris en ce qui concerne les
renseignements énumérés au paragraphe 4.2.
7.2 Les informations fournies aux professionnels de
la santé par les fabricants et les distributeurs au
sujet des produits visés par le présent Code
devraient se borner aux données scientifiques et aux
faits ; ces informations ne devraient ni impliquer ni
donner l’impression que l’alimentation au biberon
est équivalente ou supérieure à l’allaitement au
sein. Parmi ces informations devraient aussi figurer
les renseignements énumérés au paragraphe 4.2.
7.3 Les fabricants ou distributeurs ne devraient pas
offrir d’avantages en espères ou en nature aux
agents de santé ou aux membres de leurs familles
pour promouvoir des produits visés par le présent
Code, et de tels avantages ne devraient être
acceptés ni par les agents de santé, ni par les
membres de leurs familles.
7.4 Il ne devrait être fourni aux agents de santé ni
échantillons de préparations pour nourrissons ou
autres produits visés par le présent Code, ni
matériel ou ustensiles servant à leur préparation ou
à leur utilisation, sauf s’il en est besoin à des fins
d’évaluation professionnelle ou de recherche au
niveau institutionnel. Les agents de santé ne
devraient pas donner d’échantillons de préparations
237
pour nourrissons aux femmes enceintes, aux mères
de nourrissons et de jeunes enfants ni aux membres
de leurs familles.
7.5 Les fabricants et distributeurs de produits visés
par le présent Code devraient porter à la
connaissance de l’institution à laquelle appartient
un agent de santé bénéficiant de ce qui suit toute
contribution faite à cet agent ou en sa faveur en vue
d’une bourse d’études, d’un voyage d’étude, d’une
bourse de recherche, de la participation à des
conférences professionnelles, ou d’activités
analogues. Le bénéficiaire devrait également faire
pareille déclaration.
Article 8. Personnel des fabricants et
distributeurs
8.1 Dans les systèmes où le personnel de
commercialisation reçoit des primes à la vente, le
volume des ventes de produits visés par le présent
Code ne devrait pas entrer en ligne de compte pour
le calcul des primes, et il ne devrait pas être fixé de
quota de vente pour ces produits. Cette disposition
ne devrait pas être interprétée comme empêchant le
versement de primes sur la base des ventes des
autres produits commercialisés par les sociétés
concernées.
8.2 Le personnel employé à la commercialisation de
produits visés par le présent Code ne devrait pas,
dans le cadre de son travail, remplir de fonctions
éducationnelles en relation avec des femmes
enceintes ou des mères de nourrissons et de jeunes
enfants. Cette disposition ne devrait pas être
interprétée comme empêchant que ce personnel soit
utilisé pour d’autres fonctions par le système de
soins de santé, à la demande et avec l’approbation
écrite de l’autorité compétente du gouvernement
concerné.
Article 9. Etiquetage
9.1 Les étiquettes devraient être conçues de manière
à fournir les renseignements nécessaires pour une
utilisation appropriée du produit, et à ne pas
décourager l’allaitement au sein.
9.2 Les fabricants et distributeurs de préparations
pour nourrissons devraient veiller à ce que soit
imprimée sur chaque emballage, ou sur une
étiquette qui ne puisse pas en être détachée
facilement, une inscription claire, bien visible et
facile à lire et à comprendre, en une langue
appropriée, comprenant tout ce qui suit :
a) les mots “Avis important” ou leur
équivalent ;
b) une mention de la supériorité de
l’allaitement au sein ;
c)
la mention du fait que le produit ne doit
être utilisé que sur l’avis d’un agent de
santé qui en aura indiqué la nécessité et
expliqué le mode d’emploi correct ;
d) des instructions concernant la préparation
appropriée du produit, avec mise en garde
contre les risques, pour la santé résultant
d’une
préparation
inadéquate.
Ni
l’emballage ni l’étiquette ne devraient
comporter de représentation de nourrissons
ni d’autres représentations graphiques de
nature à idéaliser l’utilisation des
préparations pour nourrissons. Ils pourront
toutefois comporter des représentations
graphiques facilitant l’identification du
produit en tant que substitut du lait
maternel et en illustrant les méthodes de
préparation. Il ne devrait pas y figurer les
termes tels que “humanisé” ou “maternisé”
ni de termes similaires. Sous réserve des
conditions ci-dessus, des renseignements
complémentaires sur le produit et son
utilisation correcte pourront être joints à
l’emballage ou à l’unité de produit vendue
au détail. Cette disposition devrait
s’appliquer au cas où les étiquettes
comportent des instructions concernant la
manière de modifier un produit pour en
faire une préparation pour nourrissons.
9.3 Les produits alimentaires visés par le présent
Code, commercialisés en vue de l’alimentation des
nourrissons, qui ne répondent pas à toutes les
conditions auxquelles doivent satisfaire les
préparations pour nourrissons mais qui peuvent être
modifiés en vue d’y répondre, devraient porter sur
l’étiquette une mise en garde prévenant que le
produit non modifié ne doit pas être l’unique
aliment du nourrisson. Etant donné que le lait
condensé sucré ne convient ni pour l’alimentation
des nourrissons, ni pour une utilisation comme
principal ingrédient d’une préparation pour
nourrissons, l’étiquette de ce produit ne devrait pas
comporter d’indications faisant figure d’instructions
sur la manière de le modifier à cet effet.
9.4 L’étiquette des produits alimentaires visés par le
présent Code devrait préciser également tout ce qui
suit :
a) les ingrédients utilisés ;
b) l’analyse (composition) du produit ;
c) les conditions de stockage requises ;
d) le numéro de lot et la date limite de
consommation, en fonction des conditions
climatiques et de stockage du pays
concerné.
Article 10. Qualité
10.1 Comme la qualité des produits est un élément
essentiel de la protection de la santé des
238
nourrissons, cette qualité devrait être d’un haut
niveau reconnu.
10.2 Les produits alimentaires visés par le présent
Code devraient répondre, quand ils seront vendus
ou distribués de toute autre manière, aux normes
applicables en la matière recommandées par la
Commission du Codex Alimentarius ainsi qu’aux
dispositions du Code d’usages du Codex en matière
d’hygiène pour les aliments destinés aux
nourrissons et enfants en bas âge.
Article 11. Mise en œuvre et contrôle
11.1 Les gouvernements devraient prendre des
mesures pour donner effet aux principes et au but
du présent Code, eu égard à leurs structures sociales
et législatives, y compris par l’adoption d’une
législation, d’une réglementation ou d’autres
mesures nationales appropriées. Ils devraient
rechercher à cette fin, quand ce serait nécessaire, la
collaboration de l’OMS, du FISE et d’autres
institutions du système des Nations Unies. Les
politiques adoptées et les mesures prises au plan
national, y compris les lois et les règlements, pour
donner effet aux principes et au but du présent
Code devraient être rendues publiques, et
appliquées sur la même base à tous ceux qui
participent à la fabrication et à la commercialisation
des produits visés par le présent Code.
11.2 Le contrôle de l’application du présent Code
est du ressort des gouvernements agissant
individuellement, et collectivement par l’entremise
de l’Organisation mondiale de la Santé, comme
prévu aux paragraphes 11.6 et 11.7. Les fabricants
et distributeurs des produits visés par le présent
Code
ainsi
que
les
organisations
non
gouvernementales, les groupements professionnels
et les organisations de consommateurs appropriés
devraient collaborer avec les gouvernements à cette
fin.
11.3 Indépendamment de toute autre mesure prise
en vue de la mise en œuvre du présent Code, les
fabricants et distributeurs de produits visés par le
présent Code devraient se considérer comme tenus
de surveiller leurs pratiques de commercialisation
conformément aux principes et au but du présent
Code, et de faire en sorte que leur conduite à tous
les niveaux soit conforme à ces principes et à ce
but.
11.4 Les organisations non gouvernementales, les
groupements professionnels, les institutions et les
individus concernés devraient assumer la
responsabilité d’appeler l’attention des fabricants
ou distributeurs sur les activités qui seraient
incompatibles avec les principes et le but du présent
Code, pour que des mesures appropriées puissent
être prises. L’autorité gouvernementale compétente
devrait être également informée.
11.5 Les fabricants et les distributeurs en gros des
produits visés par le présent Code devraient porter à
la connaissance de tous les membres de leur
personnel de commercialisation tant le Code que les
responsabilités qui en découlent pour eux.
11.6 Conformément à l’article 62 de la Constitution
de l’Organisation mondiale de la Santé, les Etats
membres informeront annuellement le Directeur
général des mesures prises pour donner effet aux
principes et au but du présent Code.
11.7 Le Directeur général fera rapport à
l’Assemblée mondiale de la Santé, les années
paires, sur la situation en ce qui concerne la mise en
oeuvre du Code ; sur demande, il fournira un appui
technique aux Etats membres préparant une
législation ou un réglementation nationales, ou
prenant d’autres mesures appropriées pour la mise
en oeuvre et la promotion des principes et du but du
présent Code.
239
Annexe 2: Dix conditions pour le succès de
l’allaitement maternel.
Déclaration conjointe de l'OMS/UNICEF.
Tous les établissements qui assurent des prestations de maternité et de soins aux nouveau-nés
devraient :
1. Adopter une politique d'allaitement maternel formulée par écrit et systématiquement portée à
la connaissance de tous les personnels soignants.
2. Donner à tous les membres du personnel soignant les compétences nécessaires pour mettre en
oeuvre cette politique.
3. Informer toutes les femmes enceintes des avantages de l'allaitement materne et de sa pratique.
4. Placer le bébé en peau à peau avec sa mère immédiatement à la naissance pendant au moins 1
heure et encourager la mère à reconnaître quand son bébé est prêt à téter, en proposant de
l’aide si besoin.
5. Indiquer aux mères comment pratiquer l'allaitement au sein et comment entretenir la lactation
même si elles se trouvent séparées de leur nourrisson.
6. Ne donner aux nouveau-nés aucun aliment ni aucune boisson autre que le lait maternel, sauf
indication médicale.
7. Laisser l'enfant avec sa mère 24h par jour.
8. Encourager l'allaitement au sein à la demande de l'enfant.
9. Ne donner aux enfants nourris au sein aucune tétine artificielle ou sucette.
10. Encourager la constitution d'associations de soutien à l'allaitement maternel et leur adresser les
mères dès leur sortie de l'hôpital ou de la clinique.
240
Annexe 3 : Conditions d’accès au label IHAB
(Initiative hôpital ami des bébés)
(Révision de 2009)
Pour recevoir le label IHAB, une maternité doit satisfaire aux conditions suivantes :
1. Adopter une politique d'allaitement maternel formulée par écrit et systématiquement portée à
la connaissance de tous les personnels soignants.
2.
Donner à tous les personnels soignants la formation et les compétences nécessaires pour
mettre en oeuvre cette politique
3. Informer toutes les femmes enceintes des avantages de l'allaitement maternel et de sa pratique
4. Mettre les nouveau-nés en contact peau à peau avec leur mère immédiatement à la naissance et
pendant au moins une heure, encourager les mères à reconnaître quand leur bébé est prêt à
téter, et offrir de l'aide si nécessaire
5. Indiquer aux mères comment pratiquer l'allaitement au sein et comment entretenir la lactation
même si elles se trouvent séparées de leur nourrisson
6. Ne donner aux nouveau-nés aucun aliment ni aucune boisson autre que le lait maternel, sauf
indication médicale
7. Laisser l'enfant avec sa mère 24 heures par jour
8. Encourager l'allaitement au sein à la demande de l'enfant
9. Ne donner aux enfants nourris au sein aucune tétine artificielle ou sucette
10. Encourager la constitution d'associations de soutien à l'allaitement maternel et leur adresser les
mères dès leur sortie de l'hôpital ou de la clinique
11. Accompagner et respecter les besoins des mères pendant le travail et l'accouchement
12. Protéger les familles de toute promotion commerciale en respectant le Code international de
commercialisation des substituts du lait maternel
13. Aider les mères qui nourrissent leur bébé autrement qu'au lait maternel à choisir une
alimentation de substitution adéquate et à la préparer sans risque
14. Respecter les règles éthiques suivantes sur les financements :
- Le Code de commercialisation des substituts du lait maternel n’interdit pas les dons
de matériels et d’équipements pour les services
- Le Code n’interdit pas, pour les professionnels de santé, les financements d’études,
de recherches, de formation et activités analogues, mais exige la transparence au niveau de
l’institution dont dépendent ces professionnels
- Il est donc demandé aux professionnels de santé, dans le cas où ils recevraient des
dons de matériels ou accepteraient des financements décrits ci-dessus, de diversifier leurs
sources de financements, de fonctionner dans la transparence associative et de veiller à ce que
cela ne les entraîne pas à faire de la publicité pour les produits visés par le Code.
241
Annexe 4 :DECLARATION INNOCENTI 1990.
1er août 1990 Florence (Italie)
RECONNAISSANT que :
maximum du prestige et de l'autorité des dirigeants
reconnus à tous les niveaux de la société.
L'allaitement maternel constitue un moyen sans
égal de nourrir l'enfant qui :
assure aux nourrissons une alimentation idéale
qui favorise leur croissance et leur bon
développement ;
réduit l'incidence et la gravité des maladies
infectieuses, faisant ainsi baisser la morbidité et la
mortalité infantiles ;
contribue à la santé des femmes en réduisant le
risque de cancer du sein et de l'ovaire, et en
augmentant l'intervalle entre les grossesses ;
apporte des avantages sociaux et économiques à
la famille et à la nation ;
donne un profond sentiment de satisfaction à la
plupart des femmes pour qui l'expérience est
réussie ;
Il faudrait s'efforcer de donner aux femmes plus de
confiance dans leur aptitude à pratiquer
l'allaitement au sein. Ceci suppose l'élimination des
contraintes et des influences qui agissent sur les
idées et les attitudes vis-à-vis de l'allaitement
maternel, souvent par des moyens subtils et
indirects. Il faut pour cela faire preuve de sensibilité
et d'une vigilance continue et appliquer une
stratégie globale et adaptée de communication
faisant intervenir tous les médias et s'adressant à
tous les niveaux de la société. De plus, il faut
supprimer les obstacles à l'allaitement maternel au
niveau des services de santé, du lieu de travail et de
la collectivité.
et que de récentes recherches ont prouvé que :
ces avantages augmentent si les nourrissons sont
exclusivement nourris au sein (1) pendant les six
premiers mois de la vie, et si, par la suite, la mère
continue de les allaiter tout en leur donnant une
alimentation de complément; et que
certaines interventions peuvent modifier de façon
positive les attitudes vis-à-vis de l'allaitement
maternel ;
Des mesures devraient être prises pour faire en
sorte que les femmes soient nourries de façon
adéquate dans l'intérêt de leur santé et de la santé de
leur famille. De plus, il faudrait veiller également à
ce que toutes les femmes aient accès à des
informations et à des services en matière de
planification de la famille afin de pouvoir pratiquer
l'allaitement au sein et éviter les grossesses trop
rapprochées qui risquent de compromettre leur
santé et leur état nutritionnel ainsi que la santé de
leurs enfants.
NOUS DÉCLARONS PAR CONSÉQUENT que :
Dans le but d'assurer une santé et une nutrition
optimales aux mères et aux enfants dans le monde
entier, il faudrait que chaque femme ait la
possibilité de nourrir son enfant au sein
exclusivement et que chaque nourrisson soit nourri
exclusivement au lait maternel de la naissance
jusqu'à l'âge de 4 à 6 mois. Par la suite, il faudrait
que les enfants continuent d'être nourris au sein,
tout en recevant une alimentation de complément
appropriée et adéquate, jusqu'à l'âge de 2 ans et audelà. Pour atteindre cet idéal en ce qui concerne
l'alimentation des enfants, il faudrait sensibiliser le
public de manière à créer un climat de soutien
approprié afin que les femmes nourrissent leurs
enfants de cette manière.
La réalisation de cet objectif nécessite, dans de
nombreux pays, le renforcement d'une "civilisation
de l'allaitement maternel", énergiquement défendue
contre l'incursion d'une "civilisation du biberon".
Ceci suppose un engagement et un plaidoyer en
faveur de la mobilisation sociale, tirant parti au
Tous les gouvernements devraient élaborer des
politiques nationales en matière d'allaitement
maternel et fixer des objectifs nationaux appropriés
pour les années 90. Ils devraient mettre en place un
système national permettant de contrôler la
réalisation des objectifs fixés, et définir des
indicateurs tels que le pourcentage de nourrissons
nourris exclusivement au sein à la sortie de la
maternité et le pourcentage de nourrissons nourris
exclusivement au sein à l'âge de 4 mois.
Les autorités nationales sont en outre instamment
invitées à intégrer leurs politiques en matière
d'allaitement maternel à leur politique générale dans
les domaines de la santé et du développement. Ce
faisant, elles devraient renforcer toutes les activités
de nature à protéger, encourager et soutenir
l'allaitement maternel dans le cadre des
programmes
complémentaires
intéressant
notamment les soins prénatals et périnatals, la
nutrition, les sevices de planification de la famille
et la prévention et le traitement des maladies les
plus courantes chez les mères et les enfants. Tout le
personnel de santé devrait recevoir la formation
242
nécessaire pour pouvoir mettre en oeuvre ces
politiques en matière d'allaitement maternel.
OBJECTIFS OPÉRATIONNELS :
Il faudrait que d'ici 1995 chaque gouvernement ait:
désigné un coordonnateur national doté de
pouvoirs appropriés et créé un comité national
multisectoriel pour la promotion de l'allaitement
maternel, composé de représentants des services
gouvernementaux compétents, d'organisations non
gouvernementales et d'associations professionnelles
dans le domaine de la santé;
fait en sorte que chaque établissement assurant
les prestations de maternité respecte pleinement les
Dix conditions pour le succès de l'allaitement
maternel énoncées dans la déclaration conjointe de
l'OMS et de l'UNICEF intitulée "Protection,
encouragement et soutien de l'allaitement maternel:
le rôle spécial des services liés à la maternité";
pris des mesures pour mettre en oeuvre
intégralement les principes et l'objectif de tous les
articles du Code international de commercialisation
des substituts du lait maternel et les résolutions
pertinentes adoptées ultérieurement par l'Assemblée
mondiale de la santé; et
promulgué des lois novatrices protégeant le droit
des femmes qui travaillent d'allaiter leur enfant et
adopté des mesures pour assurer leur application.
Nous faisons également appel aux organisations
internationales pour qu'elles:
élaborent des stratégies d'action en vue de la
protection, de l'encouragement et du soutien de
l'allaitement maternel, y compris le suivi et
l'évaluation, au niveau mondial, de leur application;
donnent leur appui à la réalisation d'analyses et
d'études sur la situation au niveau des pays et à la
définition d'objectifs nationaux et de buts pour
l'action;
encouragent et appuient les activités des autorités
nationales intéressant la planification, l'exécution,
le suivi et l'évaluation de leurs politiques en matière
d'allaitement maternel.
GOUVERNEMENTS PARTICIPANTS:
Dr. M. Q. K. Talukder, Bangladesh - Dr. Marcos
Candau, Brésil - Dr; Patricio Silva Rojas, Chilie Dr. Wang Feng-Lan, Dr. Guan Yuan Zi, Chine - Dr.
Daniel Arenas Reyes, Colombie - Dr. Plutarco
Naranjo Vargas, Equateur - Colonel Dr. Getachew
Tadesse, Ethiopie - Dr. Ruth de Arango, Guatemala
- M. Teofilo Martel Cruz, Honduras - M. Jagdish C.
Jetli, Mlle Mira Seth, Inde - Mme A. Sulasikin
Murpratomo, Dr. Soepardan Soerjohoedojo, Dr.
Widyasuti Wibisana, Dr. Su Haryono, Indonésie Dr. Alireza Marandi, Iran - M. Ivo Butini, Italie Dr. Joseph Andoh, Côte d'Ivoire - Dr. Mamoun
Maabreh, Dr. Samir Awamleh, Jordanie - Dr.
Joseph S. Oliech, Kenya - Dr. Suzanne Bocoum,
Mali - Dr. J. Ramphul, Ile Maurice - Dr. Yolanda
Senties, Mexique - Dr. Olikoye Ransome-Kuti, Dr.
Adenike Grange, Nigéria - M.S.A.H. Kazmi, Dr.
Syed Tariq Sohail, Pakistan - M. Piotr Mierzewski ,
Pologne - Dr. Fanny Friedman, Dr. Qhing Qhing
Dlamini, Swaziland - Dr. J. W. Temba, Tanzanie Dr. Dhatchai Mungkandi, Thaïlande - Dr. Tomris
Turmen, Turquie - Dr. Petronella Clark, Mlle Dora
Henschel, Royaume Uni - Dr. Audrey Hart Nora,
Etats-Unis d'Amérique - Dr. Ngandu-Kabeya
Dibandala, Zaïre - Dr. Timothy Stamps, Zimbabwe
UNICEF
M. James P. Grant Dr. Nyi Nyi Dr. James Himes
Dr. Urban Jonsson Dr. J. Peter Greaves Mme
Margaret Kyenkya-Isabirye Mlle Agnes Aidoo
US A.I.D.
Dr. Nancy Pielemeier Dr. Mary Ann Anderson Dr.
Nina Schlossman Dr. James Shelton Dr. Janet
Tognetti Dr. Miriam Labbok
UNFPA
Dr. Nafis Sadik
PNUD
M. Aldo Ajello
COMITÉS NATIONAUX UNICEF
Dr. Arnoldo Farina
OMS
Dr. Hu Ching-Li (au nom de Dr. Hiroshi Nakajima)
Dr. Angèle Pétros-Barzavian Dr. Mark Belsey Dr.
Elisabet Helsing Mme Randa Saadeh Dr. Djamil
Benbouzid Dr. Jim Tulloch Dr. Marina Rea
SIDA
M. Nils Öström M. Ted Greiner M. Göran Sterky
UK ODA
Mlle Margaret Pollock
FAO
M. Paul Lunven
PAM
Mlle Judit Katona-Apte
BANQUE MONDIALE
M. Alan Berg
243
Annexe 5 : Code du travail et Allaitement maternel.
Article L1225-30 (remplace Article L224-2)
Pendant une année à compter du jour de la naissance, la salariée allaitant son enfant dispose à cet effet d'une
heure par jour durant les heures de travail.
Article R1225-5 (remplace Article R224-1)
Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
L'heure prévue à l'article L. 1225-30 dont dispose la salariée pour allaiter son enfant est répartie en deux périodes
de trente minutes, l'une pendant le travail du matin, l'autre pendant l'après-midi. La période où le travail est
arrêté pour l'allaitement est déterminée par accord entre la salariée et l'employeur. A défaut d'accord, cette
période est placée au milieu de chaque demi-journée de travail.
Article R1225-6
Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
La période de trente minutes est réduite à vingt minutes lorsque l'employeur met à la disposition des salariées, à
l'intérieur ou à proximité des locaux affectés au travail, un local dédié à l'allaitement.
Article L1225-31 (remplace Article L224-3)
La salariée peut allaiter son enfant dans l'établissement.
Article R4152-2
Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Indépendamment des dispositions relatives à l'allaitement prévues par les articles L. 1225-31 et R. 4152-13 et
suivants, les femmes enceintes ou allaitant doivent pouvoir se reposer en position allongée, dans des conditions
appropriées.
Article L1225-32 (remplace Article L224-4)
Tout employeur employant plus de cent salariées peut être mis en demeure d'installer dans son établissement ou
à proximité des locaux dédiés à l'allaitement.
Article R1225-7
Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Les caractéristiques du local dédié à l'allaitement, prévu à l'article L. 1225-32, figurent aux articles R. 4152-13 et
suivants.
Article R4152-13 (remplace Article R224-2)
Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Le local dédié à l'allaitement prévu à l'article L. 1225-32 est :
1° Séparé de tout local de travail ;
2° Aéré et muni de fenêtres ou autres ouvrants à châssis mobiles donnant directement sur l'extérieur ;
3° Pourvu d'un mode de renouvellement d'air continu ;
4° Convenablement éclairé ;
244
5° Pourvu d'eau en quantité suffisante ou à proximité d'un lavabo ;
6° Pourvu de sièges convenables pour l'allaitement ;
7° Tenu en état constant de propreté. Le nettoyage est quotidien et réalisé hors de la présence des enfants ;
8° Maintenu à une température convenable dans les conditions hygiéniques.
Article L1225-33 (remplace Article L224-5)
Un décret en Conseil d'Etat détermine, suivant l'importance et la nature des établissements, les conditions
d'application de la présente sous-section.
Article L1225-12 (remplace Article L122-25-1-2)
L'employeur propose à la salariée qui occupe un poste de travail l'exposant à des risques déterminés par voie
réglementaire un autre emploi compatible avec son état :
1° Lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté ;
2° Lorsqu'elle a accouché, compte tenu des répercussions sur sa santé ou sur l'allaitement, durant une période
n'excédant pas un mois après son retour de congé postnatal.
245
Annexe 6 : Feuillet de recrutement en maternité
246
247
248
249
ANNEXE 7 : Grille de rappel des mères
250
ANNEXE 8 : Trame d’entretien individuel
Date
__ /__ /__
Nom
Prénom
Code postal
Age de la maman
Profession de la maman
Date de naissance de l’enfant
Fille/ garçon
Prénom
Poids de naissance
Date de sortie de la maternité :
Poids de sortie :
Nom du médecin traitant auquel la maman a fait appel:
ANTECEDENTS ET FORMATION
Comment avez-vous, vous-même, été nourrie étant bébé ? en avez-vous parlé avec votre
maman ?
LM / LA / NSP / pense que…
Combien de temps ?
Comment votre mère vous en a t-elle parlé ? (bons souvenirs, trop long/court)
A quelle occasion en avez-vous parlé (avant l’accouchement / après) ?
Quelle était votre formation ou votre degré d’informations AVANT VOTRE PREMIERE
GROSSESSE ?
Information au Collège lycée
Formation professionnelle
Amis, proches, associations, famille qui allaitent ou ont allaité
Avez-vous d’autres enfants ? Comment ont-ils été nourris ? Si allaitement, comment s’est-il
passé ?
Autres enfants allaités / Durée des allaitements
Vécu de l’allaitement / complications
Aide obtenue ? / Auprès de qui ?
Cause/contexte du sevrage ? Regrets quant au sevrage ?
Quant à la durée, au déroulement de l’allaitement ?
REPRESENTATIONS DE L’ALLAITEMENT
Quels sont d’après vous les AVANTAGES de l’allaitement maternel ?
Pour le bébé (nutrition, protection, obésité, lien)
Pour vous (côté pratique, lien)
Pour les autres (pratique)
Quels sont d’après vous les INCONVENIENTS de l’allaitement maternel ?
Pour le bébé : dépendance, pas de quantification
Pour vous : dépendance pas de quantification, rythme contraignant, nuits plus
difficiles, douleurs, complications, arrêt de l’alcool tabac, alimentation médicaments
Comparaison LM/LA : composition, rythme
Pour les autres : place du père, image négative
Quelle est pour vous la durée idéale d’un allaitement maternel ?
251
Qui décide du sevrage ? Parents entourage travail bébé ?
PLACE DU PERE
Comment se situe le papa de votre enfant par rapport à l’allaitement ?
Très impliqué / bienveillant / neutre / réticent / opposé
Quelles sont ses autres implications pour les soins quotidiens ?
Changes
Bains
Levers nocturnes
Portage / bercement
Garde
Biberons
Eveil
En général comment voyez-vous la place du père dans l’allaitement maternel ?
MODE DE VIE / MATERIEL
Où dort / dormait votre enfant ? Lit des parents / chambre des parents / chambre personnelle
Votre enfant a-t-il utilisé ou utilise-t-il des objets rassurants : tétine / doudou etc…Depuis quand ?
Avez-vous pratiqué ou pratiquez-vous le « maternage » : Co dodo, portage, éducation non violente,
couches lavables etc?
Avez-vous utilisé des aides à l’allaitement : biberons? bouts de sein ? tire lait ? crèmes ou
médicaments pour crevasses
Avez-vous eu recours à
des médecines douces homéopathie / tisanes / phytothérapie de
l’ostéopathie ? à l’haptonomie ?
ALLAITEMENT ET SOCIETE
Comment la société voit-elle l’allaitement selon vous ?
Frein à la liberté de la femme / Bonne mère ?
Mère abusive ou surprotectrice / lien bénéfique au développement ?
Anti progrès / Dans l’air du temps ?
Réservé aux populations défavorisées socio-économiquement / aux populations
aisées ?
Pensez-vous que les taux d’allaitement sont en progression en France?
Trouvez-vous que la société française encourage l’allaitement (heure d’allaitement, congé
allaitement ?) Comment pourrait-elle l’encourager davantage selon vous ? Quelles mesures
auriez-vous souhaité ?
Prolongement du congé mat, conseil en allaitement en maternité, image positive de
l’allaitement : compagne d’information ou sensibilisation scolaire ou autre ?
REFERENT EN ALLAITEMENT
Quel professionnel de santé vous semble le plus à même de vous aider dans votre
allaitement ?
252
Comment évaluez-vous la formation des médecins généralistes (en général) en matière
d’allaitement ?
Bien formés / pas assez formés
Comment se situent d’après vous les généralistes vis à vis de l’allaitement ?
Très impliqué / bienveillant / neutre / réticent / opposé
Pensez-vous que le sexe féminin ou l’expérience personnelle du médecin en matière
d’allaitement conditionne votre choix de faire appel à lui / elle pour une question
d’allaitement ?
AVANT LA NAISSANCE : Projet d’allaitement
Comment envisagiez-vous de nourrir votre enfant avant d’accoucher ?
(NB déjà évoqué dans le questionnaire maternité)
Pourquoi ?
Quelle durée d’allaitement aviez-vous prévue ?
(NB déjà évoqué dans le questionnaire maternité)
Quel était votre équipement avant l’accouchement?
Tire-lait, biberons, chauffe biberon, stérilisateur, soutien-gorge d’allaitement, coussin
d’allaitement, coussinets, achat de lait artificiel ?
Aviez-vous prévu de reprendre le travail plus tard que le congé maternité ou à temps partiel ?
(NB déjà évoqué dans le questionnaire maternité)
Avec qui aviez-vous parlé d’allaitement avant l’accouchement ?
(NB déjà évoqué dans le questionnaire maternité)
Médecin généraliste,
Entourage,
Sage femme,
RV 5ème mois
Associations
Etc…
DEROULEMENT DE L’ALLAITEMENT
MATERNITE : Comment s’est passée la mise en place de l’allaitement ?
Accouchement : voie basse ou césarienne ? Enfant resté avec vous ?
Combien de temps après la naissance avez-vous eu votre enfant au sein ?
Aide pendant le séjour : Comment avez-vous été aidée ou informée à la maternité ? Clarté
de l’information ? Sages femmes / puéricultrices disponibles ? Pressions dans un
sens ou l’autre ?
Quel a été votre ressenti de ce début d’allaitement ? à l’aise / déboussolée ? Déçue /
enthousiasmée par l’allaitement?
Intimité: Avez vous passé les premières nuits avec votre enfant ? A-t-il eu des compléments
à la maternité ?
Chambre simple/ double ?
Visites ? Entrave à l’allaitement ?
Sortie : Conseils pour la suite (livrets, adresses d’associations)
A LA MAISON : Comment s’est déroulé l’allaitement ? Quelles difficultés avez-vous
rencontrées ?
Maman : Douleurs / crevasses / Engorgement / Infection (abcès lymphangite)
Médicaments incompatibles avec l’allaitement / Arrêt de l’alcool tabac / fatigue
253
Bébé : Rythme/nombre/organisation des tétées / Quantité (trop ou pas assez de lait) / prise
de poids du bébé / prise du sein / pleurs etc… enfant calme / agité ?
Relation
Entourage : Pudeur / difficulté d’allaiter en public, Place du père, Pression de l’entourage
/soutien efficace ?
Société : mal vu / pression pour ou contre l’allaitement
Ressenti : Peur de ne pas savoir faire de mal faire
/ ne pas avoir assez de lait / lait pas
assez nourrissant ? Sereine / stressée ? Valorisée ?
A quels professionnels de sante avez-vous fait appel ?
PMI ? etc…
Avez-vous fait appel à des associations ? Leche League ? Galactée ?
Internet ?
Comment avez-vous vécu le regard des autres sur votre allaitement ? Famille ? Entourage ? (Si
peu évoqué précédemment)
Bienveillant / jugée
Pour l’allaitement en public ou non…
Pour les allaitements longs / ou trop courts ?
Remarques entendues sources de fierté ou désobligeantes ?
Au total, qu’est-ce qui aurait différent si vous n’aviez pas allaité?
Rythme / organisation : Trop prenant émotionnellement / pour l’emploi du temps
Lien ?
Santé ?
Vécu ?
VECU DU CONSEIL PAR LE MEDECIN GENERALISTE
Comment qualifieriez-vous votre relation avec le médecin auquel vous avez fait appel (degré
de confiance, d’intimité, depuis quand vous connaît-il ?…)
Combien de fois avez-vous évoqué l’allaitement avec votre médecin généraliste ? quand ?
Pour quelle question ou problème avez-vous évoqué l’allaitement avec votre médecin
généraliste ?
Dans quel contexte ?
Téléphone
Consultation de suivi du nourrisson
Consultation pour un problème de santé autre que l’allaitement
Consultation pour un problème lié à l’allaitement
Quelle a été sa réponse ?
Sur le plan médical : CAT, traitement etc.
Sur le plan de la poursuite de l’allaitement ?
Arrêt de travail ? Durée ?
Adressage à un autre professionnel?
Comment a-t-il cerné votre demande et vos souhaits et comment en a-t-il tenu compte ?
A l’écoute du désir de poursuivre ou arrêter
Impose ses idées
Qu’avez-vous pensé de sa position par rapport à l’allaitement durant cette ou ces
consultations ?
Bienveillant, neutre opposé à l’allaitement ?
A l’aise avec l’allaitement ?
Quel impact l’intervention du médecin a-t-elle eu sur votre allaitement ?
254
Motivante / décourageante
Instructive / déroutante
Salvatrice / Utile / inutile / nocive
Quel rôle sur la durée de votre allaitement ?
Quel impact sur vos représentations de l’allaitement ?
Avez-vous évoqué avec lui votre participation à notre étude ?
Pensez-vous avoir de nouveau recours à lui/elle pour une question d’allaitement ?
Pourquoi ?
HISTOIRE ACTUELLE
Où en êtes-vous actuellement dans l’alimentation de votre enfant ?
Quel est le poids de votre enfant ?
Avez-vous commencé la diversification ?
Allaitez-vous toujours votre enfant ?
Complet ? Mixte ?
Tirez-vous votre lait ?
Si sevré : Comment avez-vous vécu le sevrage ? Quand ?
Avez-vous des regrets ? Causes du sevrage ? Durée de l’allaitement?
Sevrage difficile : refus de l’enfant / de la mère ?
êtes-vous contente / fière ?
Avez-vous repris le travail ? Quand ? A temps plein ? Comment cela s’est-il passé ? Comment
vous êtes-vous organisée ?
Si non sevré : Combien de temps souhaitez-vous continuer l’allaitement ? Comment ?
Fréquence ? Reprise du travail ? Autonomies/absences ?
Envisagez-vous un prochain allaitement ? Si oui, que changerez-vous ou ferez-vous
différemment ?
255
GALLOT-SABBAGH VIOLAINE
L’allaitement maternel en médecine générale : Représentations, vécu des mères, et perception du suivi par le
médecin généraliste - Etude qualitative auprès de 17 mères de Rhône-Alpes
2 tom.; 500p.; 18 tabl; 8fig
Th. Méd.: Lyon 2012; n°
RESUME : Il existe un important fossé entre les taux d’allaitement observés en France et les recommandations
médicales fondées sur des bienfaits de l’allaitement multiples et universellement reconnus. Une des raisons de
ce constat repose dans une promotion et un soutien de l’allaitement souvent insuffisants.
Afin de mieux comprendre les besoins des mères et la place qu’elles attribuent au médecin généraliste
dans la promotion et la prise en charge de l’allaitement, nous avons réalisé une analyse qualitative, sur le
support d’entretiens semi-directifs, auprès de 17 mères allaitantes de la Région Rhône-Alpes ayant évoqué
l’allaitement avec un médecin généraliste.
Les questions portaient sur leurs représentations, leur vécu, leur contexte social, et leur perception de
l’intervention du médecin généraliste et de son rôle dans ce contexte. Les réponses ont ensuite été analysées en
miroir avec celles obtenues pour un autre travail auprès des médecins généralistes consultés, afin d’analyser la
congruence des représentations, leur perception de cette interaction, et de tenter de déterminer la place du
médecin généraliste aux yeux de chacun.
Nous avons ainsi observé que les mères sont partagées entre contrainte et plaisir, ont connaissance des
bienfaits de l’allaitement sur leur enfant, accordent de l’importance à leur entourage et perçoivent une tendance
actuelle à la promotion de l’allaitement, mais déplorent que l’information, la législation du travail et les aides
financières soient insuffisantes pour leur permettre de réaliser leur projet. Elles n’attribuent pas un rôle de
référent au médecin généraliste, mais espèrent trouver en lui le soutien et les connaissances qu’un entourage
familial ou social peu informé ne peut leur apporter. Elles le choisissent souvent selon ses capacités à suivre leur
enfant ou leur allaitement. Lors de ces visites, elles se sentent globalement soutenues et bien informées. Les
médecins, quant à eux, sous-estiment souvent leur impact et évaluent parfois mal le contexte psychosocial de
leur patiente.
L’amélioration de cette prise en charge pourrait donc être assurée par une meilleure formation des
médecins généralistes, un travail en réseau et une approche centrée sur la patiente et son environnement.
MOTS CLES :
JURY :
Allaitement maternel
Médecine générale
Relations patient-médecin
Représentations sociales
Promotion de la santé
Président :
Membres :
Monsieur le Professeur Alain LACHAUX
Monsieur le Professeur Ambroise MARTIN
Monsieur le Professeur Jean-Pierre DUBOIS
Monsieur le Docteur Thierry FARGE
Madame le Docteur Irène LORAS-DUCLAUX
DATE DE SOUTENANCE : 8 mars 2012
ADRESSE DE L’AUTEUR : [email protected]