La révolution du quaternaire
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La révolution du quaternaire
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Elle a été l’inspiratrice du plan de développement des services à la personne. L’intervenante prend ensuite la parole pour développer les idées contenues dans son livre L’Espoir économique. Vers la révolution du quaternaire. Les arbitrages impossibles Nous entrons dans une nouvelle économie qualifiée d’économie de l’immatériel dont l’origine réside dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Il s’agit d’une technologie générique et l’économie qu’elle fonde dépasse la précédente mais ne la détruit pas. C’est un processus de destruction créatrice, la transition peut être douloureuse mais également pleine d’espoir. La question est de savoir si on laisse faire la main invisible du marché ou bien si une vision est utile pour raccourcir cette transition et aller plus vite vers la nouvelle économie. Nous sommes face à trois arbitrages impossibles : 1) La croissance du PIB (produit intérieur brut) entraîne fatalement celle des inégalités. Les pays qui ont connu une forte croissance économique sont tous devenus plus inégalitaires. Le FMI (Fonds monétaire international) décrit cette réalité dans son dernier rapport : la France et l’Afrique sont les seuls pays au monde à ne pas connaître de croissance des inégalités, mais c’est parce que la croissance économique y est faible. 2) On a l’impression que la croissance des pays en développement se fait au détriment des pays développés. Toutefois la tendance Table ronde Futuribles du 20 novembre 2007 - La révolution du quaternaire 1 à l’égalisation des savoir-faire va plus vite que celle à l’égalisation des rémunérations. 3) La croissance économique entraîne la destruction de la planète. On ne peut donc pas se passer d’une vision et attendre la solution du marché. La technologie a permis de changer d’échelle en domestiquant les énergies et en décuplant la force physique de l’homme. Les NTIC vont plus loin en décuplant ses capacités mentales. Le premier effet des technologies, c’est de permettre l’automatisation de la production et de mettre au chômage une partie de la population. Les nouvelles technologies permettent aussi de passer d’une production industrielle indifférenciée (la Ford T) à une production très différenciée, avec des modèles personnalisables à volonté. La transformation la plus radicale est celle qui va se produire dans les services, qui consistera en la mise à disposition volontaire d’un savoir et d’un savoir-faire. Les services, réservoir de productivité Auparavant, les gains de productivité n’étaient pas possibles dans les services, ni par conséquent les gains de pouvoir d’achat. Ils ont donc été organisés en services publics et services sociaux, et financés par des prélèvements sur les gains de productivité de l’industrie. Les gains de productivité sont entendus ici au sens large, comme le « supplément de bien-être créé par heure de travail ». L’élargissement du choix des produits et la montée en gamme des produits est une forme de gain de productivité. Les services deviennent à présent eux aussi candidats aux gains de productivité, c’est même le plus grand réservoir de gains de productivité aujourd’hui. Le plan de développement des services à la personne est emblématique de cette évolution, il a permis de montrer que des entreprises se créaient sur ce marché et gagnaient de l’argent. Acadomia (spécialiste du soutien scolaire à domicile) est cotée en Bourse. Environ 4 000 entreprises privées et 110 000 emplois ont ainsi été créés en un an, qui concernent l’aide aux personnes âgées, la garde d’enfants, le ménage / repassage, le jardinage, la réparation…, en tout une liste de 17 activités. Des réseaux de distribution de ces services se mettent en place, portés par des banques, des assurances, la Poste… Des frontières qui s’estompent Le grand changement c’est qu’avant, seuls les riches avaient accès à ces services et qu’à présent, on assiste à une extension aux classes moyennes. La frontière entre biens et services s’estompe : la location, par exemple, est un service qui inclut un bien. De même, la frontière entre secondaire et tertiaire n’est plus pertinente, c’est pourquoi Michèle Debonneuil parle d’économie quaternaire. Il faut savoir que la moitié de la consommation de CO2 serait économisée si les Français louaient toute l’année des voitures plus petites, adaptées à leur besoins quotidiens, et une fois de temps en temps une grosse berline. L’économie quaternaire est donc une économie plus « propre ». Rôle de l’État Le rôle de l’État dans tout cela est de préparer un nouveau compromis social et de faire se rencontrer les différents acteurs, d’orchestrer la coordination (par exemple entre les compagnies de taxis, les constructeurs automobile, les parkings). Le plan a permis de rendre solvable la demande, par la distribution de titres CESU (chèques emploi service universel), mais c’est, selon l’intervenante, temporaire et dangereux. D’un autre côté, beaucoup d’argent est dépensé pour indemniser le chômage : on pourrait « rendre » aux gens leurs cotisations chômage, à condition qu’ils dépensent cette somme dans les services à la personne (piste qui avait été suggérée par l’économiste). 2 Table ronde Futuribles du 20 novembre 2007 - La révolution du quaternaire Comment font les autres ? Les services sont très développés dans les pays anglo-saxons mais il s’agit souvent de « petits boulots », basés sur des inégalités importantes entre classes sociales. L’Allemagne a gardé sa spécialisation industrielle et a développé les services après-vente. Extrait des débats La définition des services présentés par l’intervenante a été jugée trop restrictive (ceux-ci se trouvent aussi dans la banque, l’assurance, et même dans certaines activités comptabilisées dans l’agriculture ou l’industrie). Michèle Debonneuil explique qu’elle s’est délibérément focalisée sur le segment qui va créer le plus d’emplois dans les années à venir, et qui va être le plus révolutionné. Un rapport du CAE analyse la différence en termes d’emploi entre des pays qui ont réussi à diminuer nettement leur chômage, comme le Royaume-Uni, et la France ; il montre que cette différence est essentiellement due à un « déficit » d’emplois dans les services en France. La définition de la productivité suscite également des réserves chez quelques participants au débat, qui font référence aux définitions arrêtées par les grands organismes internationaux telle l’OCDE. Une critique porte sur la qualité des emplois créés : « on ne fait pas carrière dans les services aux personnes ». Mme Debonneuil estime au contraire que grâce aux nouvelles plates-formes et à la professionnalisation croissante du secteur, il sera de plus en plus possible de changer de métier, de se former tout au long de la vie, pour les salariés de ce secteur. Ces métiers ne seront plus dévalorisés. Céline Laisney Table ronde Futuribles du 20 novembre 2007 - La révolution du quaternaire 3
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