Entretien avec Paul LUYTEN
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Entretien avec Paul LUYTEN
HISTCOM.2 Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 Entretien avec Paul LUYTEN par Angel Viñas à Bruxelles le 5 octobre 2010 Transcription révisée par Paul LUYTEN Coordonnateur du projet : Université catholique de Louvain (UCL, Louvain-la-Neuve), dans le cadre d’un financement de la Commission européenne 2/12 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Paul LUYTEN (05.10.2010) PL. : Paul Luyten AV. : Angel Viñas AV. : Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées pour asseoir le rôle de porteparole de la Commission pour la CEE au GATT. PL. : Le rôle de négociateur de la Commission en matière de politique commerciale tel que prévu par le Traité de Rome s’est dès la création de la CEE imposé par la nécessité de renégocier les concessions tarifaires dans les quatre tarifs douaniers des Etats membres (Benelux, Allemagne, France, Italie) pour les remplacer par des concessions équivalentes dans le tarif douanier commun. Ces renégociations se sont déroulées au GATT à Genève et furent conduites dès 1960 par une délégation de fonctionnaires de la Commission composée de membres de diverses Directions Générales qui s’étaient déplacés dans cette ville pour une longue durée. Cette difficile opération tarifaire de compensation négociée fut immédiatement suivie par le cycle de négociations tarifaires multilatérales dit le ‘Dillon Round’ du nom du secrétaire d’état américain de l’époque. Elle avait pour but de réduire sur une base réciproque les droits de douane des Etats participants dont la CEE en tant que telle (1961-62). Le Traité – principalement ses articles 111, 113 et 116 – stipulait que le Conseil approuverait la participation à une telle conférence et préparerait des directives pour la conduite des négociations par la Commission. A cet effet un comité dit de l’article 111 composé de représentants des Etats membres et présidé par l’Etat membre de la présidence devait assister la Commission et siéger en tant que de besoin avant et après les séances de négociation. Ce ne fut pas facile de faire accepter dans les faits le monopole de négociateur conféré à la Commission par le Traité dans les matières de commerce extérieur. Surtout les premières années nombreux furent les représentants d’Etat membres, notamment mais pas seulement ceux de France, qui eurent de la peine à se soumettre à la discipline communautaire et à renoncer à la parole. De plus, si ce rôle exclusif était prescrit par le Traité et était de toute évidence inévitable s’agissant d’un seul tarif douanier sur lequel plusieurs négociateurs ne pouvaient intervenir pour la CEE dans les réunions à Genève, l’exclusivité de la Commission comme intervenant fut encore plus ardue à faire admettre dès lors qu’il s’est agit d’autres mesures de politique commerciale telles que les prohibitions et restrictions quantitatives à l’importation (nationales à l’époque), et d'autres instruments également différenciés au plan national tels que le droits fiscaux à la frontière, certaines accises etc. À partir de ces exercices 3/12 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Paul LUYTEN (05.10.2010) portant principalement sur les tarifs douaniers, le rôle de négociateur exclusif a progressé au fil des années, en particulier dans le cadre des cycles (les rounds) successifs de négociation du GATT qui comportaient de plus en plus la mise au point négociée d’engagements multilatéraux portant sur d’ autres instruments et domaines de la politique commerciale: (Kennedy Round (1964-67), Tokyo Round (1973-79) et Uruguay Round (1987-94). Le moment venu la politique agricole commune avec notamment ses prélèvements variables et autres dispositifs complexes a appelé pour sa présentation et défense à Genève des spécialistes peu ou pas disponibles dans les délégations nationales. Les fonctionnaires de la Commission étaient seuls à posséder le savoir-faire technique de ‘l’ingénierie’ de la politique agricole commune et donc en mesure de l’expliquer et de la défendre. Le plus récent et très important de ces exemples d’extension du champ d’application de négociations au GATT au cours des années 1980 fut celui du domaine du commerce des services, un sujet de négociations nouveau introduit au GATT et pour lequel au départ certains EM s'étaient déclarés déterminés à conserver pour eux le rôle de négociateur. Mais encore une fois, au fil des discussions intracommunautaires la nécessité d’une défense et position commune s’est imposée, au début à partir des travaux d’études préparatoires de ce secteur entrepris par les services de la Commission avec des contributions d’Etats Membres, ensuite à Genève par ses représentants e ce sans intervention en séance par les EM. A coté des négociations multilatérales classiques décrites ci-dessus, des questions ponctuelles diverses relevant directement ou indirectement du domaine de la politique commerciale se sont posées notamment dans le cadre du GATT et ont requis le détachement permanent ou en mission de fonctionnaires compétents pour parler au nom de la CEE. A titre d’exemple l’on peut mentionner les mesures protectionnistes adoptées par le gouvernement des Etats-Unis en août 1971 lors du décrochement du dollar US de son lien avec l’or. Cette opération monétaire s’était accompagnée de l’imposition d’une surcharge à l’importation et aussi de mesures fiscales qui avantageaient de manière discriminatoire et illégale les produits américains sur leur propre territoire et à l’exportation. Ce furent les représentants de la Commission qui, notamment sous la direction du commissaire Raymond Barre, ont à cette occasion à Genève conduit l’action offensive contre ces mesures et même dans une large mesure dirigé la riposte de l’ensemble des autres membres du GATT. La justification par les Etats-Unis de ces mesures par un recours aux clauses concernant un déséquilibre de leur balance des paiements fut combattu avec succès. Quelques années plus tard une tentative américaine pour faire 4/12 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Paul LUYTEN (05.10.2010) déclarer illégale la taxation indirecte de la CEE sous la forme de TVA fut également contrée au nom de la CEE par la Commission intervenant seule. AV. : Vous rappelez-vous de quelqu’un de vos partenaires en particulier? PL. : Je tiens à rappeler ici le rôle très positif joué à Genève au GATT par le délégué britannique, Roy Denman, en faveur de la CEE dans les années 1960 y compris le Kennedy Round (devenu plus tard DG des Relations Extérieures à la Commission). Mais pour des raisons inverses je n’oublie pas Michael. Blumenthal, le négociateur principal américain à Genève dans le Kennedy Round. C’était un homme fort intelligent et très dynamique mais peu respectueux des règles de comportement éthique coutumières des négociateurs dans le GATT à l’époque. Ce négociateur prenait de larges libertés avec la vérité et il s’est, en particulier, employé à miner systématiquement la réputation de M. Hijzen (directeur général à la DG I à l’époque, et chargé de la négociation à Genève) auprès des délégués des Etats membres à Genève et dans les six capitales. Dans les milieux du GATT on se référait souvent à cette personne comme ‘le gangster’ par contraste avec les fonctionnaires du Département d’Etat et du Commerce des Etats-Unis qui étaient généralement des gens de classe, des gentlemen. AV. : Et l’atmosphère à la DG I? PL. : Dans le secteur du GATT qui pendant longtemps s’occupa aussi des affaires commerciales avec les Etats-Unis, on ne s’est jamais vraiment préoccupé de l’atmosphère à l’intérieur de la DG I / DG XI. La plupart des responsables étaient souvent à Genève, la charge de travail était fort lourde, épuisante même et peu d’entre eux avaient le temps de s’occuper de problèmes d’atmosphère. Nous étions constamment sur la brèche. L’on peut rappeler par ailleurs qu’après bon nombre d’années d’une charge éreintante le DG Edmund Wellenstein a quitté la Commission avant l’âge de la pension dans un état de fatigue extrême. D’autres sont partis un peu plus tard pour la même raison, d’autres encore sont décédés relativement jeunes. Leurs familles ont beaucoup souffert de leurs absences quasi permanentes pendant de longues périodes. On n’en parle pas du tout dans le premier volume de l’histoire de la Commission mais de nombreux collègues contemporains pourront en témoigner. Je rappelle aussi le cas de Frédéric Donne, premier négociateur à Genève en 1961 5/12 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Paul LUYTEN (05.10.2010) qui est décédé sur place à l'âge de 60 ans. Le stress du travail pendant deux années l’avait considérablement affaibli. AV. : Et la question du statut de la Commission? PL. : Dans sa lutte pour obtenir un statut approprié au GATT la Commission a obtenu une assistance précieuse du Secrétariat du GATT. Le secrétaire exécutif de cette organisation, Mr Wyndham White en tant qu’anglais pragmatique et encouragé sans par les Etats-Unis en tant que supporter de l’intégration européenne, a fait de son mieux pour permettre à la CEE et la Commission de jouer leur rôle. Dans ce cas encore la mise en place d’un tarif douanier nouveau, instrument commercial au cœur des préoccupations du GATT à l’époque, a en quelque sorte forcé le cours des choses. C’est à partir du tarif douanier commun que de fil en aiguille la CEE a élargi et affermi la présence communautaire. La place réservée à la délégation de la Commission dans les réunions a reflété cette progression. Au début dans les discussions au demeurant très vives concernant le ‘marché commun’ et sa compatibilité avec les règles internationales concernant l’intégration régionale, la Commission a obtenu un siège en bout de table de la présidence du GATT à coté des membres de son Secrétariat, les six Etats Membres restant éparpillés parmi l’ensemble des parties contractantes. Quelques années plus tard la Commission et ensuite aussi les Etats Membres ont été placés ensembles, à une des extrémités des sièges réservés aux parties contractantes du GATT (et non pas parmi les observateurs). En pratique donc le statut de délégation à part entière a été obtenu progressivement. Le pragmatisme qui avait fait la réputation du GATT avait fait son œuvre. Une question juridique cruciale s’est posée pour la première fois lorsqu’en 1962 à la fin des négociations tarifaires sur la mise en place du tarif douanier commun et du Dillon round multilatéral (voir supra) il a fallu rédiger un instrument juridique reprenant les résultats. Pour la CEE un engagement juridique de sa part à l’égard de l’ensemble des matières couvertes appelait une signature non seulement des EM mais aussi de la CEE. Au début cette thèse souleva beaucoup de réticences de certains membres du GATT qui estimaient que rien n’était prévu à cet effet dans les textes de base de l’Accord, que seuls des pays membres pouvaient s’engager valablement, qu’il s’agirait d’un précédent dangereux etc. Mais Roy Denman, mentionné plus haut, le représentant du Royaume Uni, un membre qui possédait encore à l’époque une influence considérable, sinon prépondérante, au GATT a soutenu la formule de signature conjointe. Roy Denman a aussi puissamment aidé la CEE à faire accepter au GATT 6/12 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Paul LUYTEN (05.10.2010) sa thèse que le tarif douanier commun tel qu’établi par le Traité de Rome respectait pleinement la règle du GATT prescrivant que le tarif d’une union douanière ne pouvait pas avoir une incidence générale sur les échanges supérieure à l’incidence des tarifs des Etats constitutifs de cette union. AV. : La permanence de la Délégation PL. : Dans les premières années de la CEE les fonctionnaires de la Commission à Genève y étaient tous en mission, les uns pour une durée plus ou moins longue en tant que membres d’une délégation de négociations, d’autres épisodiquement pour des tâches et réunions courtes. Ce n’est que vers la fin du Kennedy Round en 1968 qu’un fonctionnaire, Pierre Nicolas, a été nommé à titre permanent à Genève comme chef d’une délégation accréditée auprès du GATT. C’est aussi vers cette époque qu’un fonctionnaire a été désigné pour les relations avec la presse en général et non plus seulement pour les domaines de la CECA. Lorsque je fus désigné pour succéder à Pierre Nicolas en 1973, l’accréditation auprès du GATT fut formalisée par une lettre de la part du DG de la DG I/XI adressée au Secrétaire Exécutif du GATT. C’est aussi vraisemblablement à ce moment la que des notifications écrites ont probablement été faites auprès du siège des NU à Genève et des autorités du Canton de Genève. Le titre spécifique du représentant de la Commission était “Chef de la Délégation permanente de la Commission des Communautés Européennes près des Organisations Internationales à Genève”, un libellé fort long qui fit parfois sourire à Genève. Compte tenu de l’importance relativement faible à l’époque de l’intérêt et du rôle de la CEE dans des très nombreuses Organisations Internationales à Genève et de l’absence de personnel dans la délégation pour entretenir des rapports, les liens de la délégation avec ces Organisations sont demeurés minimes jusqu’à environ la fin des années 1980. Des fonctionnaires de Bruxelles venaient de temps à autre en mission pour participer en tant qu’observateurs à certaines des réunions de ces Organisations. Personnellement je suis allé parfois en réunion au Bureau International du Travail et à l’OMPI mais pas dans les autres Organisations sauf la CNUCED. Quant à celle ci la participation de la Commission dans son rôle formel d’observateur (sauf erreur de ma part) a pendant la plupart de ces années été assurée par des fonctionnaires de la DG I/XI et VIII en mission. 7/12 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Paul LUYTEN (05.10.2010) En 1979 Tran Van Tinh fut nommé au poste de Genève a un moment ou l’ampleur des domaines communautaires d’activités avait énormément progressé. AV. : Quelles étaient vos relations avec les ambassadeurs des Etats membres? PL. : A vrai dire, pour des questions autres que les affaires commerciales intéressant la CEE, le chef de la délégation n’avait que fort peu de contacts avec les ambassadeurs. Aux réunions concernant les affaires purement politiques traitées dans les Organisations à Genève telles que les conflits internationaux politiques et militaires, sujets qui ne relevaient clairement pas de compétences communautaires à l’époque, les représentants de la Commission n’étaient sauf exception pas invités (tout au moins pas jusque vers la fin des années 1980. Sur le plan social en revanche les contacts étaient nombreux. Lorsque les ambassadeurs nationaux invitaient leurs collègues de la CEE à des activités de représentation, le chef de délégation de la Commission et son épouse étaient également invités. L’absence d’un soutien d’encadrement et assistance diplomatique et de frais de représentation pour le chef de la délégation pendant la plus grande part de sa présence à Genève ne facilitait pas l’organisation d’activités sociales de réciprocité. Lors des premières réunions sur place à Genève avec les neuf Etats membres après l’élargissement de 1973, quelques difficultés ont surgi avec certains des Etats membres dans les réunions communautaires de coordination préparatoires des réunions au GATT. L’un ou l’autre d’entre’ eux étaient tentés d’essayer d’affaiblir le rôle et la position de la Commission dans certaines des matières en discussion. Un jour un problème s’est posé avec l’Ambassadeur du Danemark, Mr Kastoft. Dans un rapport à Bruxelles, j’avais critiqué sa position non-coopérative dans les réunions de coordination des 9. Ce rapport lui est parvenu par le canal de la Commission à Bruxelles (probablement le cabinet du commissaire Danois, M Finn Gundelach, et de là à Copenhague). Un jour il s’est présenté à moi texte entre les mains et a critiqué et contesté la référence au Danemark dans le contenu. Je n’ai pas répondu mais ai pris la précaution d’appeler Mr Emile Noël directement pour lui expliquer l’incident et lui demander conseil. Il m’a dit de ne pas réagir. A titre de précaution j’ai ensuite rencontré l’Ambassadeur d’Allemagne à Genève, Mr Herbst (ancien DG des relations extérieures), ainsi que l’Ambassadeur de Belgique, M. Noterdaeme (ancien représentant belge auprès de la CEE) pour leur donner le texte de mon rapport et leur expliquer l’incident. Je craignais en effet que M Kastoft ne soulève la question dans l’un ou 8/12 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Paul LUYTEN (05.10.2010) l’autre caucus des ambassadeurs et je tenais à ce que ses collègues disposent d’une information objective. Rien ne s’est plus passé par après! Les relations avec le chef de la délégation du Secrétariat Général du Conseil à Genève (M Jagstaidt) ont généralement été sans histoire mais à plusieurs reprises il a été nécessaire de résister à des tentatives de faire valoir une représentation formelle du secrétariat du Conseil sous une pancarte de “Conseil” dans le cadre du GATT (listes de délégation, places en réunion, invitations diplomatiques etc). AV. : La liste diplomatique PL. : La présentation de cette liste au GATT a évolué au fil des années et varié dans ses modalités selon son objet général ou particulier. Au début par exemple la Commission figurait parmi les observateurs dans des groupes de travail du GATT dont l’objet n’avait aucun rapport avec les compétences et activités de la CEE de l’époque. Progressivement cette différenciation s’est estompée et le modèle de pleine participation s’est généralisé. C’est au cours des années 1970 qu’une discussion approfondie sur la présentation et composition de cette liste a eu lieu à Bruxelles entre la Commission et le secrétariat du Conseil, avec je présume une participation de la présidence du Conseil. Un schéma standard a été agréé. A part quelques aménagements, sauf erreur, ce schéma subsiste encore aujourd’hui dans ses éléments essentiels. AV. : Y avait-il des limites au rôle de porte-parole? Au fil du temps les limites ont pratiquement disparues. Un des rares domaines laissés de coté par la Commission étaient les questions concernant le budget du GATT et les discussions et caucus portant sur les nominations de délégués des membres du GATT aux divers postes de présidence etc. Il n’y avait aucun intérêt pour la Commission de s’immiscer dans ces affaires qui auraient pris beaucoup de temps et par ailleurs de telles taches fournissaient aux fonctionnaires sur place des Etats membres une activité diplomatique stimulante pour les intéressés. Certains d’entre eux comme Pierre-Marie Colmant (France) étaient passés maître dans ce domaine et fort utiles pour la CEE. Mais le représentant de la Commission a toujours insisté avec succès pour être tenu au courant sur les projets et démarches en vue de la nomination de présidences afin d’éviter des choix défavorables pour les intérêts communautaires. 9/12 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Paul LUYTEN (05.10.2010) AV. : D’où vient le titre d’Ambassadeur? PL. : La question d’un tel titre pour le chef de la délégation ne s’est pas posée à Genève mais a été discutée et réglée au cours des années 1990 à Bruxelles après des échanges longs et difficiles avec le Conseil. A ce propos, et à titre d’anecdote, après mon retour à Bruxelles au début des années 1980 un de mes directeurs chargé des négociations multilatérales sur le textile au GATT avait de sa propre initiative inscrit le titre d’Ambassadeur sur sa carte de visite sans avoir demandé l’approbation de ses supérieurs de la Commission. Les cartes en question ont heureusement pu être retirées avant qu’un esclandre éclate au Conseil. AV. : Vous revenez à Bruxelles en 1979 et devenez Directeur Général adjoint. Pendant vos années à Bruxelles il y a eu le conflit des Malouines/Falkland où la Commission a réussi à faire accepter sa proposition d’introduire des sanctions. C’est Sir Roy Denman qui l’a proposée. Je ne me souviens pas de m’être occupé personnellement de cette affaire à Bruxelles, certainement pas en tant que chef de file. Le conflit armé n’a en fait que duré environ trois mois. Un différend d’opinion a surgi entre les juristes de la Commission et du secrétariat du Conseil au sujet de la base juridique pour l’adoption d’un embargo commercial par l’UE contre les importations originaires d’Argentine. La Commission préconisait une référence aux dispositions du Traité concernant la politique commerciale qui prescrivent des décisions à la majorité de EM alors que le Conseil et son secrétariat juridique préconisait un recours a un autre article exigeant l’unanimité. Compte tenu de son profil pro-européen passé, dans cette affaire ni d’ailleurs dans aucune autre, Sir Roy Denman n’a aucun moment été soupçonné de favoriser des intérêts spécifiques du Royaume Uni. Après la mise en œuvre de l’embargo l’Argentine a lancé une procédure de plainte en infraction contre l’UE au GATT. Vu la lenteur de ces procédures celles ci ont été interrompues peu après la fin du conflit. A titre complémentaire: après mon retour à Bruxelles je me suis notamment occupé des problèmes du commerce de l’acier, en particulier les échanges commerciaux avec les Etats Unis et les discussions à ce sujet au sein du comité de l’acier de l’OCDE. Dans cette Organisation la Commission n’avait jamais réussi à assurer un rôle de porte-parole exclusif même pas pour les problèmes commerciaux directement liés à la politique commerciale commune. Dans les années 1980 il a cependant été possible pour la Commission dans ce comité, et ce fut le seul, a être porte-parole des Etats membres s’agissant d’un conflit 10/12 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Paul LUYTEN (05.10.2010) commercial ave les Etats Unis dans lequel il s’agissait pour l’UE de s’opposer au protectionnisme américain et d’obtenir les quotas d’importation les plus élevés possibles. AV. : Comment avez vu l’équipe bruxelloise après votre retour de Genève? PL. : Avec sympathie. Mon DG fut d’abord Roy Denman et ensuite Leslie Fielding. Mes deux autres collègues DG adjoints étaient Mr Giola et Mr Loeff. A part quelques petites querelles sur des questions subalternes de compétence tels que des problèmes concernant les Etats-Unis nous avons bien collaboré ensemble, chacun dans son domaine respectif. 11/12 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Paul LUYTEN (05.10.2010) Index des noms de personnes Barre, Raymond, 4 Blumenthal, Michael, 5 Colmant, Pierre-Marie, 9 Denman, Roy, 5, 6, 10, 11 Donne, Frédéric, 5 Giola, Gianluigi, 11 Gundelach, Finn Olav, 8 Herbst, Axel, 8 Hijzen, Theodorus, 5 Jagstaidt, Klaus, 9 Kastoft, ?, 8 Loeff, Jos, 11 Nicolas, Pierre, 7 Noël, Émile, 8 Noterdaeme, Paul, 8 Tran Van Tinh, Paul, 8 Wellenstein, Edmund, 5 Wyndham White, Eric, 6 12/12 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Paul LUYTEN (05.10.2010)