Pourquoi un Google suisse?

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Pourquoi un Google suisse?
Date: 04.09.2015
L'Agefi
1002 Lausanne
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Genre de média: Médias imprimés
Type de média: Magazines populaires
Tirage: 9'510
Parution: 5x/semaine
N° de thème: 844.003
N° d'abonnement: 844003
Page: 8
Surface: 63'386 mm²
Pourquoi un Google suisse?
Le conseiller national Fathi Derder publie un livre esquissant une politique d'innovation pour le pays. Entretien.
mission, d'avenir ou de relève
science du monde dans lequel
dans ce livre. Pourtant vous le
nous vivions. Les dimensions des
On peut adhérer ou non aux pro- dédicacez à votre père. Pourquoi?
MARJORIE THÉRY
positions du conseiller national Au delà de raisons personnelles,
Fathi Derder. Adhérer ou non au il s'agit d'une question de transpersonnage, ou à sa couleur poli- mission générationnelle. Le prétique. Mais le travail d'inventaire sident de l'EPFL, Patrick Aebiet de prospective qu'il propose schen m'a dit que le drame de
dans un livre qui vient de paraî- notre société est d'oublier d'où
tre*, a le mérite de dresser des elle vient. Après tout, la Suisse est
pistes de réflexion pour une po- un pays plutôt prospère, parmi
litique stimulant davantage l'en- les plus prospères du monde
treprenariat et l'innovation en même aujourd'hui. Alors pourSuisse. Des thèmes qui d'ordi- quoi s'en faire? Mais cette situanaire sont souvent abordés de tion n'a rien d'un acquis. Nous
manière très disparate ou sectopouvons très bien retomber, et
FATHI DERDER. La Suisse est en-
core très loin d'être
championne de l'innovation.
entreprises ne sont plus les
mêmes avec le numérique.
rielle.
plus vite qu'on ne le pense. Ce li- Quand il faut sauver UBS, c'est
Hasard du calendrier, ce livre pa-
vre est un peu un devoir de méraît alors que Google change de moire et un état des lieux, même la Suisse qui est uniquement
nom, de structure, et même de si son objectif est de proposer des concernée. Quand General Mologo... Un signe que même les solutions politiques concrètes tors fait du lobbying, c'est essentiellement auprès du gouvernegéants doivent s'adapter, évoluer,
pour l'avenir, l'entreprenariat et ment américain. Mais si vous
pour rester compétitif.
l'innovation.
prenez les GAFA (Google, Apple,
Commencé il y a quatre ans, ce
livre semble aussi s'inscrire tout Vous pensez que la Suisse oublie Facebook, Amazon), c'est le
monde entier qui est concerné. Il
à fait en ligne avec l'actualité écotrop d'où elle vient?
nomique et politique suisse. Parfois oui. Et j'ai peur surtout est essentiel que les politiques le
comprenne et que l'économie
L'OCDE a encore souligné dans
qu'elle ne sache pas où elle va. Les suisse trouve la place. Google a
plusieurs rapports les faiblesses
Chinois peuvent faire de la poli- par ailleurs un pouvoir politique
suisses en matière de facilité de
tique sur 30 ans, alors que nous énorme, bien plus puissant que
création d'entreprises. Le Grouavons une vision à trop court celui de nombreux présidents
pement des entreprises multinaterme. Je ne parle pas d'établir des d'Etats.
tionales (GEM) n'a de cesse de
plans tout tracés et contraignants,
communiquer pour se faire enje suis un libéral. Mais je pense Pourquoi insistez-vous autant
tendre des autorités politiques qu'il faut avoir une vision, des
sur Google?
suisses, afin d'améliorer les condi-
ambitions, et la capacité de se po- Il s'agit plus d'un symbole. Cer-
tions cadres, notamment sur les
sitionner sur le long terme. C'est
plans de la fiscalité et de l'immice que j'essaye de faire avec ces
gration. Même du côté des PME,
propositions.
taines personnes pensent encore
que Google est un moteur de recherche ou que Amazon est une
septembre) montrent que c'est
libraire en ligne. C'est faux.
les dernières études (L'Agefi du 2
N'y a-t-il pas un risque accru
beaucoup moins le franc fort qui
de collusion entre le politique
les inquiètent, que la réglemen-
Quand Google signe un partena-
riat avec Sanofi, il devient un
et l'économique?
tation et l'instabilité politique. L'essentiel est de mettre en place concurrent de Novartis. Google
investi déjà beaucoup dans la
de bonnes conditions cadres. Je santé et les biotech depuis de
Vous parlez beaucoup de transpense qu'il faut prendre con- nombreuses années. Amazon
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fourni des services web aux entreprises et se développe dans les
services. Le numérique n'est pas
juste une nouvelle révolution industrielle, cela touche autant le
d'Europe et ailleurs dans le tions fiscales pour les start-up. Ce
monde. Un des dirigeants de qui est un désavantage pour nous.
Google à Zurich m'a confié que
la procédure pour pouvoir engager un développeur informatique
droit et la politique que la vie pri- chinois parmi les mieux classés
vée et toute l'économie. Google au monde, avait pris six mois car
son permis de travail lui était reen est un bon exemple.
Quand pourra-t-on voir
un Google suisse ?
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Parmi les rares dépenses
publiques, vous proposez une
réforme de l'armée pour stimuler
l'innovation.
Il ne s'agit pas ici de dépenser plus
fusé. Peut-on vraiment se per- mais d'allouer différemment les
mettre aujourd'hui de telles in- ressources pour développer da-
congruités bureaucratiques alors vantage la cyber défense. D'une
Je pense que nous avons plus de qu'elles ne correspondent pas aux part, cela fait du sens par rapport
90% du chemin qui est fait. Nous besoins de l'économie suisse? aux menaces actuelles. D'autre
part il y a, là encore, des exemples
avons un excellent niveau de forà l'étranger qui fonctionnent très
mation, des hautes écoles tou- Comment ces propositions
sont-elles
accueillies
à
Berne?
bien. Nous pourrions créer une
jours plus performantes, un tissu
riche de PME et de multinatio- L'administration est globalement unité spéciale à l'image de ce qui
nales. Mais il manque encore des consciente de ces problématiques, se fait aux Etats-Unis ou en Israël
incitations pour stimuler l'inno- en particulier le Département fé- par exemple. La DARPA amérivation. Attention, il ne s'agit pas déral de l'économie. Mais celui caine est une source d'innovation
de reproduire une Silicon Valley des finances reste toutefois assez et de recherche considérable, et
en Suisse, mais de s'inspirer de en retrait sur ces questions. Le vé- en Israël, l'armée est devenue un
certains facteurs de succès. Il ne ritable déficit de prise de des plus grands incubateurs de
s'agit pas non plus de créer litté- conscience et de volonté d'action start-up du pays! Pour l'instant,
ralement un nouveau Google en se trouve surtout au niveau des les autorités politiques ne sont
parlementaires. Je pense qu'il pas très réceptives à ces idées. En
Suisse. Cela peut très bien être un faudrait mettre en place des revanche, j'ai été contacté par un
nouveau Nestlé.
stages pour les parlementaires, des hauts responsables de la Dédans les start-up et les entreprises fense qui sont tout à fait favoraDans vos 10 conditions pour
innovantes, pour qu'ils compren- bles à ce projet.
avoir un Google suisse, les ressources humaines apparaissent
en première position.
nent mieux leurs problèmes.
Vous proposez aussi des allégements fiscaux, ce qui n'est pas
Je n'ai pas établi un classement
des propositions par ordre d'im- du goût de tout le monde...
portance. En revanche, il est clair Je préfère proposer des incitaque les deux premières proposi- tions fiscales plutôt que des initions, sur le capital risque et le ca- tiatives étatiques qui engendrepital humain, sont des conditions raient des dépenses publiques
sine qua non. Nous ne sommes supplémentaires. Mais la réaction
pas un pays de start-up car il n'y est souvent la même, avec une
a aucune incitation positive, fis- crainte de pertes fiscales. Ce qui
Favoriser la croissance des startup est peut être une bonne
chose, mais comment les inciter
à rester en Suisse?
Pour cela, il est important de mettre en place de bonnes conditions.
On peut très bien articuler les
deux, avec des implantations en
Suisse et à l'étranger. Notre pays
est trop petit, les start-up doivent
s'internationaliser. Mais elles peucale et/ou réglementaire, qui l'en- est peut être vrai à court terme, vent garder leur siège et/ou des
courage. Il faut donc rester très mais à moyen et long terme, avec équipes de développement en
modeste à ce niveau et tenter d'at- plus d'innovation, d'entreprises Suisse. Israël par exemple fait cela
tirer les capitaux pour que les et d'emploi, cela engendrerait au très bien. Il y a plus de 50 entrejeunes entreprises puissent se déprises israéliennes cotées sur le
velopper. Sur le capital humain, contraire plus de recettes fiscales. NASDAQ américain, et elles garnous devons mettre en place une D'ailleurs de nombreux pays en dent très souvent des équipes ou
politique migratoire offensive Europe ou aux Etats-Unis ont leur siège sur le territoire israépour attirer les meilleurs talents, mis en place ce genre d'incita- lien. Ce n'est d'ailleurs pas très
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différent du modèle des grandes
entreprises suisses traditionnelles.
En dehors de l'horlogerie, la plu-
part des grandes entreprises
suisses ont un chiffre d'affaires et
un volume d'emploi assez faible
en Suisse comparé à leurs activités à l'international. Ce qui n'empêche pas qu'elles restent très at-
tachées à notre pays, dans les
valeurs comme dans les faits.
* Le prochain Google sera Suisse
(à 10 conditions)
INTERVIEW:
La Suisse navigue entre nains et géants
Fathi Derder voudrait donc un géant à la dimension de Google
enfin, et malgré quelques succès bilatéraux, dès qu'il s'agit
en Suisse. Pourquoi pas. Après tout, cela rajeunirait un peu le
de négocier avec de grands blocs à la puissance écrasante,
paysage économique, à côté de Nestlé et Nova dis. Mais qu'on
USA et UE en tête, inutile de préciser qui cède le premier. Seule
ne s'y trompe pas: cet objectif n'a rien d'un gadget politico-
option pour s'imposer: l'économie, et des géants mondiaux
technologique. Encore moins d'un luxe. C'est une nécessité.
pour faire rayonner la Suisse. Une évidence qui se retrouve
Il ne s'agit pas d'avoir notre réplique du géant américain ver-
déjà dans l'image de la Suisse. Personne ou presque à l'étran-
sion rouge à croix blanche, mais de créer de nouvelles entre-
ger ne saurait localiser Berne sur une carte. Encore moins citer
prises de cette dimension et de ce rayonnement.
le nom du président de la Confédération. Par contre: le Swiss
La Suisse est un nain géographique, un nain démographique,
Made, les montres, les banques, le chocolat (et ajoutons la
pharma), sont des clichés certes, mais qui correspondent à
et un nain politique. Un pays neutre dessiné sur un territoire
rude et biscornu, tiraillé par des différences linguistiques ou
une réalité et à des entreprises mondialement connues. Mais
culturelles. Pas vraiment l'ADN d'un géant. Sur le premier point,
faut aller plus loin. Les géants helvétiques actuels sont tous
géographique, on imagine assez mal une extension de nos
ou presque des entreprises centenaires. Certains géants amé-
frontières en Europe. La Suisse restera donc un nain. Sur le se-
ricains ont moins de 20 ans.A la Suisse de mettre en place les
cond, une Suisse, même à 10 ou 15 millions d'habitants, reste
conditions cadres pour que puissent se développer les géants
30 fois plus petite que l'Europe ou les USA, 100 fois plus que
de demain. Car la valeur et l'attraction de la Suisse ne reposent
la Chine. Même pas un nain, une souris. Sur le point politique
pas sur les bénéfices passés mais sur son potentiel. - (MT)
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