Couverts végétaux : dossier thématique

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Couverts végétaux : dossier thématique
Couverts végétaux : dossier thématique
La pratique des couverts végétaux s’étend actuellement, notamment suite à
l’obligation récente de couverture hivernale des sols en zone vulnérable.
Cette fiche technique a donc pour but de présenter les différents apports
que peut avoir la mise en place de couverts végétaux ; mais aussi leurs
limites et les points à prendre en compte lors du choix.
Première partie : Les effets des couverts végétaux
Sur le sol
L’absence de couverture en automne-hiver fait que le sol n’est plus
protégé. L’implantation d’un couvert évite les risques de battance et
favorise une activité structurante grâce au développement d’un volume
racinaire important. Ce travail des racines est d’autant plus accentué en
combinant des espèces aux systèmes racinaires fasciculés (graminées…)
et pivotants (crucifères…).
Les couverts végétaux permettent ainsi de limiter la prise en masse
hivernale des
sols à dominante sableuse ou limoneuse, par la
restructuration des différents horizons traversés par les racines.
La présence d’un couvert végétal et de résidus en surface
permet également :
-De réduire la battance en favorisant l’infiltration de l’eau en hiver
-De limiter l’érosion sur les sols faiblement en pente, grâce
ralentissement important de la vitesse de ruissellement par les
résidus de surface. Cette différence par rapport à un sol nu est
encore plus accentuée en comparaison avec des précédents
céréales dont les pailles ont été exportées
Le ruissellement du phosphore et des produits phytosanitaires est
également réduit.
Ils favorisent un enrichissement progressif du sol en matière
organique stable de par la fabrication de matière organique transitoire.
Cet enrichissement se traduit par une meilleure stabilité structurale des
sols. Les interventions au printemps seront facilitées par une meilleure
portance, liée à une consommation d’eau de la culture, à un effet
structurant des racines et à une plus forte activité de la faune du sol (en
particulier des vers de terre).
www.dordogne.chambagri.fr - 27/10/2011 – Synthèse réalisée par Edouard Gitton
Exemple de développement
racinaire d’un couvert :
radis et phacélie
(Source : François Hirissou,
essais 2009 en Périgord Noir)
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Réchauffement du sol
Le réchauffement du sol est plus lent au printemps, le couvert conservant
davantage l’humidité. Le choix des espèces et surtout de la date de destruction
permet de s'affranchir de ce risque. Pour les sols battants ou hydromorphes, un
couvert trop développé ou plaqué au sol peut poser des problèmes pour
implanter la culture suivante.
Le rôle de piège à nitrates
En obtenant une couverture quasi permanente du sol, les couverts permettent de
réduire fortement les risques de lessivage hivernal en nitrate, en piégeant l’azote
libéré lors du pic de minéralisation automnal.
Cette réduction du lessivage des nitrates est bien réelle mais varie fortement
selon les conditions et le développement du couvert, allant de 20 à 90% nitrates
lessivés en moins selon les expérimentations.
Pour être efficace et jouer son rôle de pompe à nitrates, le couvert végétal doit être
suffisamment développé avant que ne débute la période de drainage hivernal.
En situation à fort reliquat d'azote ou à minéralisation précoce, les espèces à
croissance rapide (colza, moutarde, phacélie…) sont à privilégier. Inversement, si
la minéralisation est plus tardive, les graminées à croissance plus lente mais avec
cycle long, sont bien adaptées.
Au-delà d’un seuil d’environ 2,5T/ha, un couvert va se lignifier de plus en plus et
ne plus absorber beaucoup d'azote. Avant ce seuil, ils sont riches en carbone
soluble et en azote, et vont donc se décomposer d’autant plus rapidement. On
considère ainsi que la période optimale de piégeage d’azote va de mi-août à
novembre.
Les légumineuses sont moins efficaces pour réduire stock d’azote dans le sol, de
part leur système racinaire (moins profond et moins dense), et surtout avec la
fixation d’azote qui démarre réellement dès que la quantité d’azote dans le sol
n’est plus suffisante.
Effets sur l’azote disponible pour les cultures
La décomposition de la matière organique fraîche va libérer progressivement les
éléments minéraux fixés, les rendant disponibles pour les cultures suivantes. On
considère ainsi que 30 à 50% de l’azote piégée par une culture intermédiaire sera
disponible pour la culture qui suit. Ceci correspond à 15 unités au minimum, mais
cette valeur peut dépasser les 60 unités en présence de légumineuses et lorsque
la destruction et l’enfouissement de la végétation sont réalisés dans de bonnes
conditions.
Ils permettent ainsi de réduire légèrement l’utilisation d’engrais minéraux s’ils sont
suffisamment développés à l’automne (plus de 1,5 t MS).
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Effets sur les éléments minéraux disponibles
Les quantités d’éléments minéraux (P, K, Ca et Mg) fixées par les
différents couverts ne sont pas négligeables et sont fonction des
espèces présentes et de la biomasse produite. La potasse est
présente de façon importante surtout dans les feuilles et les
parties vertes alors que le phosphore est moins mobilisé. Tout
comme l’azote, ils seront libérés au cours de la minéralisation et
vont être partie disponibles pour la culture suivante.
(Source : François Hirissou, chambre d’Agriculture de Dordogne)
Mélange moutarde-phacélie,
essai 2009 en Périgord-Noir
Maîtrise des adventices, maladies et ravageurs
L’implantation d’un couvert va avoir une action concurrentielle sur les adventices
pour la disponibilité en eau, lumière et nutriments. L’effet allélopathique de
certaines espèces (sarrasin, seigle, avoine) permet de réduire encore davantage
le développement des adventices dans le couvert.
Les couverts végétaux peuvent favoriser les populations de limaces, de part le
maintient de conditions humides, y compris pour les couverts les moins appétant
(moutarde, phacélie, avoine).
Un mauvais enfouissement des cultures intermédiaires peut favoriser les
populations de limaces dans la culture suivante, alors qu’un déchaumage avant
semis du couvert et sa destruction précoce peuvent en diminuer la population.
De manière générale, pour minimiser les risques de parasitisme et de maladies
rencontrées sur les espèces cultivées, il convient de privilégier des espèces et des
familles non présentes dans la rotation. Les repousses de culture dans le couvert
présentent également un risque en termes de maintien du potentiel infectieux.
La mise en place de cultures intermédiaires doit être raisonnée en prenant en
compte la globalité de l'itinéraire technique en cohérence avec la rotation : le choix
de l'espèce (voire de la variété), leur mode et leurs dates d'implantation et de
destruction sont autant d'éléments à intégrer ; sans oublier leurs effets positifs ou
dépressifs sur le parasitisme et le salissement dans les cultures suivantes. Il
convient donc d’appréhender cette pratique non pas comme une intervention
permettant d’augmenter directement ses rendements, à la façon d’un engrais
minéral, mais davantage comme un investissement à plus long terme pour le
maintien et l’amélioration de la fertilité d’un sol.
Une pratique adaptée des couverts peut ainsi permettre une stabilisation des
rendements, voire leur augmentation, ainsi qu’une légère réduction des charges
d’intrants.
Chambre d’agriculture de Dordogne - 27/10/2011 – Synthèse réalisée par Edouard Gitton
Partie III : Le choix des espèces
Le choix des espèces, étape cruciale
Le choix d’une ou plusieurs espèces en mélange est fonction de l'objectif
recherché, de la durée de l'interculture et de la rotation. Les caractéristiques liées
à son implantation (dates optimales pour éviter la grenaison, contraintes et qualité
de semis, coût et vitesse d'installation) mais aussi à sa destruction (gélivité) sont à
prendre en compte.
Il convient de privilégier les espèces non présentes dans la rotation pour minimiser
les risques de parasitisme et de maladies On cherche par exemple à éviter le
recours aux graminées comme couvert dans les rotations déjà chargées en
céréales. De même il est déconseillé d’implanter un couvert contenant une
légumineuse avant un pois, une féverole ou un soja comme culture principale.
Culture
Maïs
Tournesol
Pois,
féverole,
soja
Espèces pouvant poser problème
Crucifères et sarrasin (risque de
repousses)
Crucifères et légumineuses (risque
de Sclerotinia), Sarrazin et Nyger
Légumineuses, Nyger, Crucifères et
tournesol (risque de Sclerotinia)
(Source : Arvalis)
A noter que le risque de Sclerotinia n’est à prendre en compte que pour des
parcelles ayant déjà présenté des dégats important dus à ce champignon.
Par la mise en place d’un couvert, on peut chercher à répondre à différents objectifs, avec
pour chacun de nombreuses possibilités envisageable pour le choix des espèces :
- Pour un couvert simple avec une semence économique, facile à implanter et à
détruire, pour respecter la réglementation en zone vulnérable : à base de
crucifères, en pur ou en mélange (moutarde, radis, navette voire phacélie…)
- Pour un objectif de fixation d’azote : couvert à base de légumineuses,
obligatoirement en mélange avec d’autres espèces en ZV : féverole, pois, trèfles…
Un cas particulier : la valorisation des couverts en fourrage
Les couverts peuvent être valorisés par pâturage ou récolté (ensilage, enrubannage), et
constituent un complément intéressant dans la production fourragère d’une exploitation et
donc une source de marge de manœuvre supplémentaire.
Là encore le choix des espèces est particulièrement important et dépendra de la période
de développement du couvert et de la méthode de valorisation
Quelques exemples envisageables :
- trèfle ou RGI en pur entre deux maïs,
- mélange à base de trèfle, sorgho, tournesol, colza fourrager, moha… pour pâturage
avant une culture de printemps
- en méteil (Pois, vesce, triticale, avoine…) pour ensilage voire une récolte en grain.
Chambre d’agriculture de Dordogne - 27/10/2011 – Synthèse réalisée par Edouard Gitton
Il est peut être particulièrement intéressant en année sèche de passer un ou deux tours
d’eau après semis pour favoriser la levée du couvert, vu qu’il va être valorisé pour
l’alimentation animale.
Les mélanges : combiner les atouts de chaque espèce
L’utilisation de différentes espèces en mélange permet de cumuler les effets
positifs de chacune d’entre elles : légumineuses pour l’apport en azote, graminées
pour la restructuration de surface, radis ou tournesol pour la restructuration en
profondeur, moutarde pour sa rapidité d’implantation.
Les mélanges d’espèces apportent donc plus de bénéfices en termes de biomasse
et d’éléments minéraux recyclés que les couverts mono-espèces, en occupant
mieux l’espace aérien et souterrain. Ainsi, pour un mélange contenant
légumineuses et crucifères, on obtient un bon compromis entre le piégeage
d’azote (en cas de forts reliquats, les crucifères seront favorisées) et la fixation
d’azote (légumineuses favorisées si peu d’azote disponible).
Les mélanges donnent en moyenne des résultats plus réguliers, en permettant de
répartir les risques grâce à la complémentarité des espèces. Ainsi la proportion de
chaque espèce qui va se développer pour un même mélange sera très variable
selon les années et les conditions.
La conduite d’un couvert multi espèces est cependant plus difficile, par exemple
dans le cas d’un semis avec des graines de tailles différentes, et il convient de
retenir l’espèce la plus exigeante pour le choix des méthodes d’implantation et de
destruction.
Chambre d’agriculture de Dordogne - 27/10/2011 – Synthèse réalisée par Edouard Gitton
Partie III : Itinéraire technique
L’implantation
L’implantation du couvert végétal est une étape clé pour la réussite d’une
interculture de qualité. Un semis réalisé avec du matériel inadapté ou dans de
mauvaises conditions va conduire à un plus faible peuplement et donc fortement
compromettre l’efficacité du couvert et favoriser les adventices.
Réaliser un faux semis dans les jours suivant la récolte, si le temps n’est pas trop
sec, s’avère particulièrement intéressant pour contrôler les adventices. Cette
intervention culturale réalisée à une profondeur d’environ 5 cm permet de faire
lever une bonne partie du stock semencier présent dans les premiers centimètres
du sol, le tout sans assécher le futur lit de semences du couvert.
L’humidité étant le principal facteur dont dépend la réussite de l’implantation d’un
couvert végétal, il est peut être intéressant de réalisé le semis le plus tôt possible
après la moisson, pour profiter de l’humidité résiduelle des sols, mais un semis
précoce est incompatible avec la réalisation d’un faux semis.
Différents types de matériels sont envisageables :
semis en ligne à l’aide d’un semoir à céréales (combiné classique avec
herse rotative + semoir) qui permet un lis de semence de qualité, adapté
aux espèces les plus exigeantes. Il demande cependant plus de temps et
de carburant, ce qui rend cette technique difficilement compatible avec
un objectif de conduite du couvert à moindre frais.
semis direct sur chaumes à l’aide d’un semoir spécifique.
semis sur déchaumeur avec un distributeur centrifuge (épandeur antilimaces) ou une rampe de semis adaptée. Il est toutefois indispensable
que la semence soit déposée en amont du rouleau afin de bénéficier
d’un rappui convenable.
semis à la volée avec un épandeur à engrais, ce qui n’est possible
qu’avec certaines espèces (crucifères et certaines graminées). Cette
technique permet un gain de temps très important et doit être suivie d’un
recouvrement superficiel et d’un rappui des semences (herse, rouleau
Cambridge…) qui va améliorer le contact terre-graine.
Les contraintes en termes de qualité de semis sont variables en fonctions des
espèces, certaines exigeant un semis suffisamment profond ou ne s’accommodant
pas d’un semis à la volée (graines trop petites ou trop grosses).
Profondeur de semis
A peine enterrée ou sous mulch
A 1-2 cm et bien rappuyée. Eviter le
semis avec un centrifuge (densité des
graines trop faible).
A 2-3 cm et bien rappuyée.
A 4-5 cm et bien rappuyée.
Espèces
Crucifères
Trèfles, Phacélie et Nyger
Avoine, Seigle, Moha, Sorgho,
Tournesol, Sarrasin, Vesce
Féverole, Pois, Gesse
(Source : Arvalis)
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La destruction
La date de destruction doit être suffisamment précoce pour ne pas pénaliser la
réserve en eau du sol pour la culture suivante et pour permettre une bonne
décomposition du couvert avant le semis. On évite ainsi les risques de faim d’azote,
à cause d’une immobilisation par les micro-organismes décomposeur d’une partie
de l’azote minéral pour pouvoir dégrader les résidus de couvert.
Une destruction et une incorporation trop tardive dans le sol peut avoir un effet
dépressif sur la culture suivante (réorganisation d'azote ou effet allélopathique) et
gêner le semis (mauvais placement de la graine à cause des résidus).
Il est donc conseillé de détruire le couvert au plus tard deux mois avant le semis,
voir encore plus tôt en cas de montée à graine du couvert.
Les rouleaux (Cambridge…) permettent souvent une destruction des couverts en
période de gel sur des espèces qui y sont sensibles (moutarde, phacélie…). Le
roulage est une intervention économique et rapide, mais qui demande de
l’opportunité pour pouvoir intervenir en période de gel suffisamment fort, pour
s’assurer une bonne destruction du couvert. Autre avantage, le couvert est toujours
présent mais couché ce qui constitue un paillage au sol limitant le développement
des adventices.
Le travail du sol avant semis, que ce soit un labour ou des outils de travail simplifié
permet de compléter la destruction du couvert, mais les certaines espèces de
graminées peuvent s’avérer problématique à détruire car moins sensibles à un
travail du sol.
L’utilisation d’un désherbant total étant désormais interdite en zone vulnérable, et il
convient dans tout les cas de n’utiliser la destruction chimique qu’en dernier recours,
si aucune alternative n’est envisageable.
Chambre d’agriculture de Dordogne - 27/10/2011 – Synthèse réalisée par Edouard Gitton