Éditorial Bruno Moyen, président de la maison de la

Transcription

Éditorial Bruno Moyen, président de la maison de la
Éditorial
Bruno Moyen, président de
la maison de la photographie et de l’image
Si la photographie et les voyages en Orient ont été mes principales occupations, je le dois en partie
à l’inspiration de quelques défricheurs, la plupart suisses ou allemands. Pour les suisses, bien sur,
Nicolas Bouvier s’imposait, par sa conception “routarde” du voyage et je ne perçu que plus tard mes
affinités avec le coté plus spirituel d’Ella Maillard. Il manquait sans doute un aspect plus “déjanté” et
suicidaire, présent dans chaque authentique voyage, celui-la même que l’on trouve chez Annemarie
Scharzenbach, découverte sur le tard.
La Maison de la Photographie et de l’Image organise donc, à l’ancien Musée de peinture de
Grenoble du 4 au 31 mars 2010, une exposition intitulée “Si d’aventures…” consacrée à Annemarie
[Minna Renée] Schwarzenbach (1908-1942) en écho à la Journée de la femme et au thème
«Aventures humaines» proposé cette année par le Printemps du livre de Grenoble. Aventurière,
auteure, journaliste, poétesse, épistolière et photographe, elle est une des figures les plus
intéressantes de la scène culturelle suisse des années 30-40.
Ellipses 13
© Marilia Destot
éditorial
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Celle que Roger-Martin du Gard remerciait de «promener sur cette terre son beau visage d’ange
inconsolable» a laissé de ses voyages comme de ses errances, des reportages photographiques
socialement engagés, des récits de voyage à la fois poétiques et saisissants.
Les Archives littéraires suisses à Berne conservent le fonds «Annemarie Schwarzenbach» :
articles, manuscrits, une partie de sa correspondance et 7000 photographies, dont 62 épreuves
sont montrées à l’occasion de l’exposition. Les images choisies suivent Annemarie
Schwarzenbach dans trois de ses principaux voyages : dans la région industrielle de Pittsburgh
(janvier 1937) et à travers les Etats du Sud des Etats-Unis (novembre-décembre 1937), en
compagnie de la photographe Barbara Hamilton-Wright ; à travers la Perse, l’Afghanistan et
l’Inde, lors de son quatrième voyage en Orient, en compagnie d’Ella Maillart, de juin 1939 à février
1940 ; vers l’Afrique, enfin, lors de son dernier voyage qui la mena de Lisbonne au Congo, de mai
1941 à juin 1942.
Parallèlement, une exposition rassemblant le travail de photographes contemporains qui
exprimeront pour chacun ce que représente l’Aventure humaine dans toutes ses composantes
(reportages, création, introspection, marginalité, ailleurs…) sera présentée dans la salle
Matisse de l’ancien musée de peinture. Comme chaque année, ces travaux ont été sélectionnés
par nos soins sur dossiers en tachant de presenter les branches multiples de la photographie
d’aujourd’hui.
Malgré la selection à l’aveugle, nous retrouvons cette année des photographes deja presentés
les année precedentes. Qu’ils soient remerciés pour leur talent confirmé …
Bien sur le theme predisposait à une majorité de dossiers «reportages», mais la poesie et la photographie conceptuelle y trouve aussi sa place.
Merci donc aux nouveaux venus Alain Doucé, Dominique Combarnous, Gregoire Montjaux,
Remi Oudinot, Sebastien Berlendis, et à Jean Pierre Angei, Marilia Destot, Halim Zenati et
Elizabeth Filezac de l’Etang que nous retrouvons avec plaisir.
A Massana (Erythrée italienne)
© Annemarie Schwarzenbach
éditorial
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Si d’aventures...
« Je ne veux pas être où je suis et je ne puis
être où je veux : misère de part et d’autre ! »
Les confessions Saint Augustin
Annemarie Schwarzenbach, «l’exilée»
Michel-Ange (1475-1564)
Adam et Ève chassés du Paradis, 1508-12
Fresque du Plafond de la Chapelle Sixtine
Chapelle Sixtine, Vatican
La tradition philosophique est hantée par
l’idée d’une conscience malheureuse qui
erre sans repos et que représente l’exil. L’exil
est aussi un thème éminemment littéraire
et artistique. Il a été traité par des artistes
renommés de nombreux pays et de différentes
époques de la Renaissance à l’Art moderne.
Les peintures et dessins notamment de
Michel-Ange, Jean-Baptiste-Camille Corot,
Alexandre Cabanel, Herbert Draper et plus
récemment Gustav Klimt, Pablo Picasso
ont mis souvent en scène des personnages
religieux ou mythologiques tel Ulysse, qui ont
perdu «leur jardin d’Eden»... Lorsqu’Orphée
perd définitivement Eurydice, c’est pour ne
pas avoir accepté la nécessité de l’exil voulu
par Zeus, et s’être retourné vers sa bien-aimée
avant d’arriver dans le monde des vivants. L’exil
qui consiste dans sa signification première,
en la privation d’un lieu pour un individu
ou un peuple, se révèle être dans son état
fondamental, une errance parfois volontaire
aussi bien géographique qu’ontologique,
consécutive à un manque ou à la perte de
centralité. Cette absence d’attache fonde
Jean-Baptiste-Camille Corot (1796–1875)
Orphée ramenant Eurydice des enfers, 1861
Huile sur toile
Museum of Fine Arts, Houston, Texas.
Si d’aventures...
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Herbert Draper (1863 - 1920)
Ulysse et les sirènes
Tate galery
un état de conscience qui dévoile une autre
réalité au monde. Ce que l’on pleure dans
l’exil, c’est l’origine, la naissance, la nuit que
l’on quitte pour la lumière. L’exilé a perdu la
mémoire, sa raison de vivre, et n’en garde que
des bribes…
L’exilé est un nostalgique qui, tel le Voyageur
de Caspar David Friedrich, contemple de toute
sa hauteur une mer de nuages.
C’est le point de vue du travail littéraire et
photographique d’Annemarie.
Ainsi, c’est pour retrouver cette largeur de
vue, vivre enfin, quitter une mère possessive,
s’éloigner d’un monde qui peu à peu est
recouvert du nuage noir du nazisme,
qu’Annemarie Schwarzenbach, solitaire par
nature et dotée d’une sensibilité exacerbée,
doit partir d’Europe et «s’exiler» aux EtatsUnis, en Perse, en Afrique... pour témoigner,
par l’écriture et par la photographie, des
peuples et des individus, de leurs conditions
de vie, de leurs coutumes, de leurs espoirs.
Mais cet exil, qui lui permet «d’être présente
au monde», prépare ses retrouvailles avec
«Dieu». Annemarie va mourir dans la fleur de
l’âge au sommet de son art, le 15 novembre
1942, des suites d’un accident de vélo, à Sils
en Engadine. Un autre exilé, écrivain hanté
par la mort (il ne rédigea pas moins de 37
testaments), c’est Stendhal l’européen. Son
passeport pour Dieu ? Beyle le demande
italien et compose son épitaphe milanaise
dans ses testaments de 1836, 1837 et 1840
: Arrigo Beyle Milanese, «Ci-git Stendhal
le Milanais». Tout comme Annemarie
Schwarzenbach, cet immigré volontaire est
un amant éternel à jamais insatisfait, aimant
sa mère d’un amour exclusif et pathogène,
possédant une conscience politique aiguë,
s’adonnant à la vie, frôlant la mort. Ces deux
exilés ne pleurent pas une parcelle de terre
mais ils pleurent ce rapport à l’être qu’ils ont
perdu et qui les définissait. Leur suractivité
dans l’écriture, leur sensibilité extrême à
l’image, leur sens esthétique, constituent en
effet des formes de conscience qui permettent
de donner l’illusion de maîtriser la réalité dans
des mondes en marge du réel par crainte
d’être rattrapés par le néant : «Je ne vis que
Caspar David Friedrich
(1774-1840)
Voyageur contemplant
une mer de nuages, 1818
Huile sur toile
Kunsthalle Hambourg
Si d’aventures...
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lorsque j’écris» avoue Annemarie. Tout se passe
comme si Schwarzenbach, comme Stendhal,
ne pouvait vivre que dans sa propre échappée
solitaire, passant son temps à fuir... pour mieux
se trouver. L’exil lui est nécessaire pour prendre
conscience de ce qu’elle perd.
«L’Ange dévasté»
D’une beauté ambiguë, Annemarie
Schwarzenbach, qui fait rêver bien des
hommes, ne peut se passer de la complicité
érotique et émotionnelle des femmes. Son
enfance est marquée par une mère despotique
qui l’appelle souvent son «petit page». Leurs
rapports ne sont qu’une suite de déconvenues
oscillant entre adorations et reniements.
Enfant et adolescente, les photos prises en
général par sa mère Renée la montrent en
culottes courtes ; plus tard, photographiée par
Marianne Breslauer, on la voit en chemise et
cravate puis en costume cravate, les cheveux
coupés comme un garçon, décontractée ou
athlétique, parfois sa cigarette aux doigts,
cultivant très jeune une apparence androgyne.
Son allure aristocratique, mince et élancée,
et son visage à la fois robuste et angélique,
prêtent à confusion. Son visage «d’ange
dévasté», apprécié de Thomas Mann qu’elle
rencontre en 1931, exerce sur tous ceux qui
l’approchent une réelle fascination. Partagée
entre une famille pro-nazie et ses amis de
gauche, Erika et Klaus Mann, les «enfants
terribles», tiraillée entre l’envie de partir
d’Europe et le devoir de revenir, entre le rêve
d’une terre de promesses et la réalité d’une
scène politique où elle pense être utile, sa
vie ne sera qu’une suite d’allers-retours ne
la laissant jamais en paix avec elle-même.
Passionnément amoureuse d’Erika qui ne
répond pas à ses attentes, amie avec Klaus
qui l’initie à la drogue en 1932, elle sera
d’un soutien sans faille dans leur combat
anti-nazi, aussi bien intellectuellement que
financièrement.
En 1933, elle termine son roman Le Refuge des
cimes et part en reportage dans les Pyrénées
espagnoles avec la photographe Marianne
Breslauer. Son existence et ses sentiments
deviennent spontanément un sujet littéraire,
mais aussi un sujet photographique. Le
domaine de l’écriture et de la photographie
est justement celui où la réalité prend sa vraie
dimension. En d’autres termes, le mondeextérieur comme le monde-intérieur n’existe
réellement qu’à partir du moment où il lui
est possible de le traduire en mots... Ou
en photos. En avril, elle conçoit une revue
antifasciste Die Sammlung, mais elle se sent
incapable de demeurer plus longtemps sous
le «nuage noir» qui commence à souiller
l’Europe depuis l’arrivée d’Hitler au pouvoir.
Ses amis Klaus et Erika, opposants de toujours
au nazisme, se sont volontairement exilés dès
mars 1933. Klaus écrira Le Tournant, œuvre
magnifique qui dépeint ces temps sombres et
la vie intellectuelle des Allemands en exil. «La
maison brûle (…) elle brûle, nous en souffrons,
toute l’humanité en souffrira», écrit Annemarie
Si d’aventures...
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Schwarzenbach de Berlin en 1933.
Elle aussi va choisir la fuite. Le 12 octobre
1933 à la gare de Genève, Annemarie
Schwarzenbach monte dans l’Orient-Express
à destination d’Istanbul. Deux semaines
plus tard, en Suisse alémanique, la Zürcher
Illustrierte fait sa couverture avec son portrait
pleine page. La rédaction y annonce que la «
journaliste-photographe » se trouve en Orient
pour un périple à travers la Turquie, la Syrie, la
Palestine, l’Irak et la Perse, et qu’elle réserve à
l’hebdomadaire l’exclusivité de ses reportages.
Sous le choc de ce premier contact avec
l’Orient, qui représente pour elle une «plongée
dans l’intemporel et l’incertain», elle couche
sur le papier ses réflexions d’ordre existentiel.
Impossible en effet de taire plus longtemps
l’angoisse engendrée par la plénitude et la
solitude de ces contrées qui lui inspirent des
descriptions particulièrement poétiques.
Durant l’année 1934, elle participe à des
fouilles archéologiques à Rayy, près de
Téhéran. Cette découverte des colonies
européennes, perdues dans les immensités
de sable aux horizons irréels, lui inspire
des nouvelles qui mettent en scène des
Occidentaux à la dérive, cherchant à guérir leur
mal de vivre. Ce voyage en Orient marquera
profondément sa destinée. L’Orient devient
pour elle le symbole de l’égarement existentiel
de l’être humain. Ecrit cette année-là, Hiver au
Proche-Orient révèle son talent littéraire. En
août, elle assiste avec Klaus Mann au premier
congrès des écrivains soviétiques à Moscou.
En décembre, elle soutient publiquement le
cabaret littéraire d’Erika Mann en proie aux
attaques des sympathisants nazis suisses.
En 1935, elle loue une maison à Sils, petit
village à 10 km de Saint Moritz, qui fut
cinquante ans plus tôt le refuge d’été de
Nietzsche. Dans l’incapacité de choisir entre «le
proche et le lointain», en proie à la dépression,
Annemarie sombre dans la drogue. Cette
année-là est marquée par une première cure
de désintoxication et une tentative de suicide,
mais aussi par son mariage avec Claude Clarac,
diplomate français homosexuel en poste à
Téhéran. Lors d’un séjour avec lui dans la
vallée du Lahr, elle débute La Mort en Perse, un
récit de voyage intérieur où chaque paysage
dans sa minéralité reflète les tensions qui
l’habitent. «Qu’allez-vous faire en Perse?» me
demanda Malraux. Il connaissait les ruines de
Raghès. Il savait aussi ce qu’est la passion de
l’archéologie. Il avait beaucoup réfléchi aux
passions humaines et savait les débusquer ; il
avait tendance à ne pas en faire grand cas, sauf
de ce qui finissait par en rester : la souffrance.
Il me demanda : «Seulement à cause du nom?
Seulement pour être très loin?» Et je songeai à
l’épouvantable tristesse de la Perse...».
À son retour en Suisse, Annemarie subit une
nouvelle cure de désintoxication.
Col de Lataband Vers Khyber
© Annemarie Scwarzenbach
«Où est la terre des promesses ?»
Voyage dans les États du Sud des USA
novembre/décembre 1937
En 1937, Annemarie Schwarzenbach sillonne
avec Barbara Hamilton-Wright les États-Unis
pour un reportage photographique sur le
New Deal. De Pittsburgh à Savannah, elles
dépeignent appareil à la main une grande
fresque romanesque témoignant du quotidien
des gens modestes, de la misère des ouvriers,
de l’exploitation des petits fermiers et de
la condition des femmes. L’enfant gâtée
zurichoise analyse lucidement les causes
structurelles du désastre, dénonce le racisme
et la cruelle inconscience de l’industrie,
tout en soulignant l’œuvre pionnière des
premiers syndicats. D’une beauté rude, ses
photos font voler en éclat le Rêve américain.
Son travail photographique n’est pas sans
rappeler celui des célèbres photographes
américains Dorothea Lange et Walker Evans
dont les images réalisées pendant la Grande
Dépression, dans le cadre d’une mission
confiée par la Farm Security Administration,
comptent parmi les icônes du monde
moderne.
Lumberton, Caroline du Nord
© Annemarie Scwarzenbach
Barbara Wright
© Annemarie Scwarzenbach
Si d’aventures...
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Colonie Suisse dans les Monts Cumberland. Grütli, Tenessee 1937
© Annemarie Scwarzenbach
Ici, au bord d’un fleuve de l’Etat du Tennessee, un atelier de tissage de bas est en construction 1937
© Annemarie Scwarzenbach
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Voyage en Afghanistan juillet 1939 - janvier
1940
Fin août 1939, au volant d’une Ford Roadster
Deluxe, Annemarie Schwarzenbach est en
Afghanistan en compagnie d’Ella Maillart,
après avoir traversé avec elle les Balkans, la
Turquie et l’Iran. Un goût commun pour les
pays lointains a rapproché la photographejournaliste et l’exploratrice-écrivain. De cette
excursion, elles rapportent leurs impressions
transcrites en textes et en photographies.
Cet incroyable et prémonitoire périple fut
d’abord connu par La Voie cruelle, le beau livre
d’Ella Maillart dans lequel Annemarie prend
le pseudonyme de Christina. Le but ultime
: retrouver le goût de vivre et se débarrasser
des douleurs du passé domptées jusqu’alors
à coup de drogues. Au terme du voyage, les
deux femmes se séparent mais continueront
de s’écrire. Annemarie reste une énigme
aux yeux d’Ella qui demeure impressionnée
par son énergie, sa volonté désespérée et
son courage. Annemarie rejoint alors un
camp d’archéologues français et poursuit la
rédaction du recueil Les Quarante Colonnes
du souvenir. Ses proses délicates, où les mots
résonnent comme une prière, confirment la
grande sensibilité de l’écrivain et montrent un
dénuement moral extrême.
Dans les articles regroupés sous le titre Où
est la terre des promesses ?, les descriptions
de la terre afghane et de la steppe immense
alternent avec des réflexions pénétrantes
Annemarie Schwarzenbach et Ella Maillart.
Afghanistan Juillet 1939 - Janvier 1940
Les musiciens piano à soufflet. Bala Murgab
© Annemarie Scwarzenbach
Si d’aventures...
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et des crises de conscience aiguës. «Cet être
doué de qualités rares, qui charmait tous ceux
qui l’approchaient, eut une vie tragique. Bien
que dans ses dernières lettres elle m’eût dit
qu’elle comprenait enfin mes explications de
deux ans auparavant, il est clair que ne pas
parvenir à la sauver d’elle-même avait été un
échec. Et je commençais à voir que tout au
contraire c’était elle qui m’avait aidée dans une
évolution qui devait me permettre d’assimiler
l’enseignement de l’Inde» avouera Ella Maillart
en 1950.
Barrage Norris, Tenessee Novembre 1937
© Annemarie Scwarzenbach
Maison coloniale
© Annemarie Scwarzenbach
En 1940, elle repart pour les Etats-Unis avec
Margot von Opel qui, comme d’autres avant
elle, espère pouvoir la sauver. En juin, elle
rencontre Carson McCullers. Entre elles naît
immédiatement une amitié intense, faite de la
même douloureuse impossibilité de vivre ses
rêves. Carson en tombe follement amoureuse
sans qu’Annemarie puisse répondre à ses
sentiments. «Je ne connais pas d’amie que
j’ai autant aimée et dont la mort inattendue
m’ait causé un si grand chagrin», écrira plus
tard Carson McCullers au sujet d’Annemarie
Schwarzenbach à qui elle avait dédié Reflets
dans un œil d’or. Cette même année 1940 une
crise psychotique terrasse Annemarie qui
tente à nouveau de se suicider. Elle s’évade
de la clinique dans laquelle elle est internée
et les autorités américaines ne l’autorisent à
rentrer en Europe qu’à la condition de ne plus
remettre les pieds aux USA.
Shabash Moulins à vent
© Annemarie Scwarzenbach
Si d’aventures...
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Voyage en Afrique Mai 1941 - Mars 1942
En février 1941, elle rentre en Suisse et reprend
son activité de journaliste. Sa mère, ulcérée
par ce qui s’est passé aux États-Unis et par
ses positions antifascistes lui donne une forte
somme d’argent pour qu’elle quitte la Suisse.
A la mi-avril Annemarie souhaite rejoindre
les Forces Françaises Libres au Congo belge
avec l’intention d’y faire ses preuves comme
correspondante de guerre, à l’instar d’autres
célèbres photographes comme Lee Miller
ou Margaret Bourke-White. Mais bientôt
confrontée à la suspicion et à l’hostilité
locale, elle décide de se retrancher dans la
solitude et «le baume des mots» de la poésie
et parcourt la région armée de son appareil
photographique. « C’est parfois comme si
Tout se transformait en eau» constate la
jeune femme qui, «ballottée en tous sens» au
rythme labile du monde, tente bon gré mal
gré de ne pas s’y «noyer de chagrin». Alors
que la guerre dévaste l’Europe, elle rédige
Rive du Congo, auquel viendra s’ajouter, près
d’un an après lors de sa publication, Tétouan
écrit fin mars 1942 au Maroc où elle retrouve
son mari. Ces deux brefs cycles de poèmes
seront illustrés par ses photographies.
Vibrants de mystérieuses évocations, de
visions fulgurantes et d’élans brisés, ils disent
les tourments de la condition humaine, la
souffrance d’exister, l’amour, la fraternité, la
mort.
Fleuve Ituri
© Annemarie Scwarzenbach
Si d’aventures...
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Ne t’en laisse jamais distraire. Écris, chérie, écris,
et prends soin de toi, comme je vais le faire de
mon côté. (Je n’ai écrit que quelques pages à
Sils, mais je crois qu’elles te plairont). Et, s’il te
plait, n’oublie jamais ce qui nous touchait si
profondément. Ton Annemarie, et toute son
infinie tendresse».
Pygmées dans la partie est de la forêt équatoriale, entre Beni et Irumu
© Annemarie Scwarzenbach
Elle y exprime la nostalgie de son pays natal.
Toujours en 1942, pendant la traversée qui
la ramène à Lisbonne, elle écrit En quittant
l’Afrique qui retrace son séjour de dix mois sur
ce continent.
De retour en Europe cette année-là, elle écrit
dans sa dernière lettre à Carson McCullers «Je
veux à jamais te remercier. Si je retourne un
jour en Amérique, j’aimerais que tu m’autorises
à traduire Reflets dans un œil d’or. Carson,
souviens-toi des moments où nous étions si
bien ensemble. Souviens-toi que je t’aime
et à quel point je t’aime. N’oublie jamais la
terrifiante obligation d’écrire qui est la tienne.
Vraiment redécouverte à partir de 1985, l’œuvre
littéraire et photographique de Schwarzenbach
sort progressivement de l’ombre : film, pièce
de théâtre, colloques, articles critiques lui
sont aujourd’hui consacrés. Le Centre culturel
Suisse à Paris lui a rendu un vibrant hommage
en 2008 pour le centenaire de sa naissance.
Dominique Laure Miermont, germaniste de
formation, qui exerce une activité de traductrice
littéraire, contribue aussi, depuis plus de vingt
ans, par son travail et la fondation en 2007 à
Genève de l’association Les Amis d’Annemarie
Schwarzenbach, à la reconnaissance de l’œuvre
d’Annemarie Schwarzenbach
«J’aimais le généreux courage avec lequel elle
attaquait l’injustice, la droiture honnête avec
laquelle elle se jugeait, la dignité avec laquelle
elle supportait sa solitude, sa conviction que
l’amour est un mystère que nous devons
pénétrer» dit à son propos Ella Maillart
dans La Voie cruelle. Féministe, humaniste,
éprise d’absolu, d’une lucidité politique
exceptionnelle, d’une beauté troublante,
douée pour la photographie, l’écriture, le piano,
l’équitation, le ski... Annemarie Schwarzenbach
mérite que l’on parte à sa rencontre.
Si d’aventures…
Olivier Tomasini
Congo de Léopoldville à Lisala Juillet 1941
© Annemarie Scwarzenbach
Manifestations politiques
© Léon Herschtritt
Si d’aventures...
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Forêt équatoriale éléphants, entre Buta et Aketi
© Annemarie Scwarzenbach
Deh Hassan
© Annemarie Scwarzenbach
Si d’aventures...
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Près de Lubero, à 1900 m d’altitude
© Annemarie Scwarzenbach
Mangbetu-Knabe près de Niangara
© Annemarie Scwarzenbach
Si d’aventures...
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Repères biographique
Naissance le 23 mai 1908, à Zurich
1930 -1933
1930 : se lie d’amitié avec Klaus et Erika Mann
1931-33 : plusieurs séjours prolongés à Berlin
> Le refuge des cimes
Octobre 1933 : Premier séjour départ au Proche-Orient (Turquie, Syrie, Liban,
Palestine, Irak, Perse)
1934-1935
Avril 1934 : Retour en Suisse par Bakou
> Hiver au Proche-Orient
août 1934 : Congrès des Ecrivains Soviétiques à Moscou avec Klaus Mann
Automne 1934 : Deuxième départ pour la Perse, Séjour archéologique à Rayy (1934)
décembre 1934 : Retour en Suisse
> Commence la rédaction de ses nouvelles orientales, La Cage aux faucons. Celles
qui ont été conservées seront publiées en 1989 sous le titre « Bei diesem Regen »
(Orient exils)
janvier 1935 : Cure de désintoxication et tentative de suicide
Avril 1935 : Troisième départ pour l’Iran
21 mai 1935 : Epouse un diplomate français, Claude Clarac, et rencontre la
photographe américaine Barbara Hamilton-Wright
> La mort en Perse
>La Vallée heureuse
1936-1939
1936-1938 : Deux séjours aux Etats-Unis pendant lesquels elle réalise des reportages
sur l’Amérique de la Grande Dépression et du New Deal.
> Loin de New York (1936-38)
Juin 1939 : Quitte Genève avec Ella Maillart pour gagner l’Afghanistan en voiture.
> Les Quarante Colonnes du souvenir
> Où est la terre des promesses ?
1940-1941
1940-1941 : Séjour aux États-Unis où elle fait la connaissance de Carson McCullers
1941-1942 : Séjour en Afrique (Congo)
> Rives du Congo
> Le Miracle de l’arbre
> En quittant l’Afrique
> Tétouan
Fin mars 1942 : Retour en Europe
15 novembre 1942 : Meurt des suites d’une hémorragie cérébrale
Annemarie Schwarzenbach
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Jean Pierre Angei
Jean-Pierre Angéi nous propose ici une déambulation.
La recherche d’indices conduit notre regard sur l’image d’un
gondolier et d’un canal, aux détails précis, avec une grande
profondeur de champ et en clairs obscur…Venise ?
La découverte des couloirs abandonnés d’un hôtel et des
chambres aux couleurs de bonbon nous éloigne de cette
certitude. La présence d’une vie passagère apporte le
mouvement et nous fait passer d’un intérieur sans temporalité
vers l’extérieur. Nous accompagnons le photographe dans son
errance nocturne. Cette série est imprégnée de silence au-delà
même de ce qui est suggéré dans chaque photographie.
L’art pictural rejoint la photographie réaliste livrant au
spectateur le chemin du regard posé sur ce lieu envahi tour à
tour par la lumière dans lieux intérieurs et par les lueurs dans
les extérieurs comme si l’exploration de ces espaces passaient
par cette dualité apparemment opposée.
Comme il se plait à le dire ; « il y a des chances pour que rien
ne se passe et des chances pour que tout arrive » n’est-ce pas
l’essence même de l’aventure ?
Jean-Pierre Angei est né en 1968. Il mène
un travail personnel qui s’étend sur
plusieurs années, souvent emprunts de références cinématographiques (Antonioni,
Jarmusch…)
Photographe itinérant et indépendant, avançant sans contraintes ni buts
prédéfinis. Il laisse venir l’instant sans le
provoquer ;
En 2004, il reçoit le 1° prix Univers d’Artiste
de Dijon pour son « dream », rêve érotique
à découvrir à travers 4 judas. Il propose
des expositions personnelles et collectives
de ses œuvres depuis 1993.
Sabrina Mistral
Jean Pierre Angei
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Jean Pierre Angei
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Sébastien Berlendis
Au départ, il y a un film, profession reporter de Michelangelo
Antonioni…et puis avec le désir de refaire le parcours de Jack
Nicholson de Barcelone jusqu’à sa fuite à Tanger où il n’arrivera
jamais, Sébastien Berlendis en arrivant vers Alméria s’arrête à Los
Albaricoques, village où certains westerns de Sergio Leone ont été
tournés…
Il imagine une mise en scène où il ne surprend pas le moment mais
le crée, tel un écrivain de la photographie. Une histoire alors se
raconte…
En découvrant cette suite d’images écrite à la manière des
surréalistes, il est possible de penser à Duane Michals.
Le photographe utilise la plongée totale puis un plan rapproché qui
crée l’intimité avec une femme que le spectateur imaginera suivre
dans une dérive paysagère. Il propose de continuer la route à ses
côtés vers un lieu baigné par un soleil levant.
Le grain des tirages devient alors plus fin… Le trouble provoqué par
le changement de vêtements renforce l’idée de cet étirement du
temps recherché par l’artiste.
Sabrina Mistral
Sébastien Berlendis
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Sébastien Berlendis
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Dominique Combarnous
Toujours en noir et blanc, Dominique Combarnous s’est attaché à au fil du temps à capter des instantanés
saisis au fils de ses voyages. Il se fait ainsi l’interprète de l’instant qu’il vit en travaillant la construction de
l’image de façon humoristique et esthétique.
Sensible à l’œuvre de Doisneau, Ronis, Koudelka, le photographe grenoblois sait se saisir avec talent
de l’immédiateté d’une scène pour nous en donner une saveur particulière : il en est ainsi de La petite
vendeuse du Mekong. Fillette « grandissime » surplombant de toute sa fragilité le fleuve du Mekong sur
lequel flottent deux embarcations pleines d’hommes…
L’image construite d’une succession de bandeaux horizontaux avec la ligne d’horizon, le fleuve, les
pirogues et la ligne du bras de l’enfant sur son plateau amplifie la perception de la silhouette enfantine
que vient baigner avec délicatesse un rayon de lumière.
Avec La fillette aux arceaux, c’est d’une photo au caractère très marqué qu’il est question. La dynamique
engendrée par le mouvement de l’ enfant gravissant les marches conjointement aux courbes puissantes
des arceaux associées aux lignes de la porte en fer forgé donne au photographe l’occasion de restituer
une densité plastique particulière à une vision passagère.
Ce que nous propose l’oeil de Dominique Combarnous de façon générale, c’est une réinterprétation de la
veine humaniste qui l’a tant porté à ses débuts dans la photographie : on sent combien son attachement
à l’Humain s’accompagne aussi d’un amour de la parole. Sa position d’auteur de la scène photographiée
est largement dépassée quand il titre ses photos . Bien souvent, les mots choisis introduisent une pointe
d’humour tendre ( la petite fille du Mékong ) ou grinçant ( En sortir vivant ) comme une sorte d’hommage
rendu à certaines œuvres de Doisneau ( Porte de l’enfer, 1952).
Le Noir et Blanc utilisé pour ces narrations esthétiques induit une distance poétique même quand le sujet
choisi fait rupture : Fuck deportation qui transpose le tramway de Lisbonne dans une mémoire collective
tragique se construit dans l’association ironique d’une forme symbolique ( le wagon) et d’ une inscription
sauvage sur un mur.
Au-delà des sujets et des mots, et au regard de La pétanque inversée, on perçoit combien la recherche
formelle permise par la photographie est à son point d’orgue dans le travail de Combernous.
Les enfants joueurs de pétanque, devenus ombres, animent la composition de façon surréaliste et magique.
A elle seule, cette image peut symboliser la quête du photographe : jeux et effets de lumière à travers la
vie quotidienne perçue comme un voyage réel ou onirique.
Isabelle Varloteaux
Les 2 baigneurs (Cap Vert, 2002)
Dominique Combarnous
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Né en 1953, Dominique Combarnous
est devenu photographe amateur à
l’âge de 21 ans.
Très sensible à l’œuvre des photographies humanistes, il avoue avoir très
vite une inclinaison pour les « photos
dites de rue ».
Au fil du temps et de ses voyages, il
abandonne l’argentique au profit du
numérique pour aller à la recherche
d’images et de rencontres nouvelles,
loin des contingences de son métier
au sein de L’Office National des Forêts.
La fillette aux arceaux (Bamako, Mali, 2007)
La petite vendeuse du Mékong (Phnom Penh, Cambodge, 1994)
En sortir vivant (Cap Vert, 2002)
Pétanque inversée (Ségou, Mali, 2007)
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Marilia Destot
Avec sa série des Ellipses, Marilia Destot nous plonge dans un univers de poésie onirique et nous
invite à partager son aventure esthétique.Auteur photographe d’origine grenobloise, formée à
Paris, sa vie se partage depuis 2006 entre la France et les Etats-Unis.
Exploratrice du médium photographique tout autant que de l’âme humaine qu’elle dévoile et
interprète, Marilia Destot compose des images d’une grande sensibilité qu’elle offre ensuite au
spectateur sous une forme séquencée.
Cette invitation au partage s’appuie sur le jeu de la réminiscence que chacun peut évoquer au
regard de ses photos : forêt animée par la blondeur d’une silhouette féminine, dune irisée par la
lumière blanche d’un soleil voilé, ruisseau éveillé par les promesses d’une nature printanière,
érable pourpre automnal et promeneur en harmonie, vaste étendue maritime couronnée de
bandeaux nuageux que vient rompre brutalement une silhouette isolée…
Cette série des Ellipses, que l’on a pu découvrir en 2007 à la Galerie Agnés Martel en Suisse, puis
en 2008 à la BNF où elle fut primée à la Bourse du Talent, est une suite d’images assemblées dans
un certain ordre, selon un espace particulier et une progression chromatique réfléchie.
Chaque photo est composée in-situ par l’artiste avec une grande économie de moyen : une ou
deux prises de vues de la même scène. En s’imposant cette rigueur, Marilia Destot déclare ne pas
être « dans la production ni le contrôle, mais la recherche d’images ». Quand l’argentique lui
impose un processus lent, qui permet de « se ré-attacher l’image », le numérique lui offre la
possibilité de traiter le rendu colorimétrique et les densités de la photographie choisie.
Chacune des compositions réalisée devient ainsi un tableau photographique.
Si l’ellipse est à la langue française l’omission d’un ou plusieurs mots qui dans une phrase ne sont
pas utiles à la compréhension, les Ellipses de Marilia, présentées en dyptiques sont des
évidences esthétiques issues d’une sensibilité universelle que chaque Homme peut retrouver au
fond de son être. Cet exercice de mémoire nous fait mesurer alors la puissance de l’image
photographique : fragment de temps, d’espace, témoignage d’un choix artistique, la photo se
suffit à elle-même pour toucher le spectateur dans son intimité et l’inviter à un voyage
contemplatif.
Si comme le déclare René Huygues « les images constituent (…) une langue », alors celles de
Marilia Destot expriment ce qu’il y a de plus suggestif et de plus profond pour toucher et émouvoir.
L’intensité du travail de la jeune photographe réside dans une volonté affirmée de s’appuyer
sur la technique pour traduire une esthétique riche de références historiques…« J’aspirais à
capter toute la beauté qui se présentait devant moi et finalement cette aspiration a été satisfaite ».
Cette déclaration de la pionnière du courant pictorialiste anglais, J.M.Cameron pourrait encore
servir l’art de Marilia Destot, tant les correspondances esthétiques entre les deux femmes sont
frappantes : le choix des sujets mais aussi l’usage du flou.
Pour la jeune photographe grenobloise, celui-ci est évocation, suggestion, vibrato coloré,
abstraction formelle qui permet de distancer la réalité dans une brume et de « créer cette
impression de déjà-vu, de songe éveillé ».
Marilia Destot
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Au-delà de la vision d’un l’érable qui oppose son pourpre aux nuances verdoyantes de la praire
ou de l’ondulation verdoyante d’une forêt de sapins qui en se poursuivant dans des courbes
maternelles offre une évocation symbolique de la nature et de la fertilité ce sont de véritables
correspondances esthétiques que nous offre la photographe à travers ses choix formels,
chromatiques, symboliques …
Dans chacune de ses compositions photographiques, Marilia Destot fait preuve d’une grande
richesse de langage : son art s’appuie sur un vocabulaire formel et iconique très fort qui permet
d’illustrer des valeurs ou des sentiments intrinsèques de l’Humain.
Ce témoignage artistique témoigne d’une qualité humaine chez Marilia Destot qui avoue avancer vers « un espace temps imaginaire » tout en voulant « sonder notre présence au monde ».
Née en 1977 à Grenoble, Marilia Destot fait ses études
à l’Ecole Nationale de photographie Louis Lumière, à
Paris de 1997 à 2000 puis intègre le Conservatoire des
arts et Métiers en 2001.
Très vite, elle entame une carrière de photographe et
journaliste en free lance qu’elle partage entre la France
et New York où elle s’installe en 2006. Connue pour ses
collaborations dans les champs artistiques de la mode,
de la danse et de l’édition, elle expose avec succès
depuis 2000 en France ( Paris, Arles, Valenciennes,
Grenoble…) en Suisse et aux Etats-Unis.
La qualité esthétique de son œuvre lui vaut d’être plusieurs fois distinguée, notamment en 2008 lors de la
36e Bourse du talent où lui est décernée une mention
spéciale.
Isabelle Varloteaux
Marilia Destot
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Alain Doucé
Alain Doucé a développé un long relationnel avec la neige et
les ambiances hivernales. Accompagnateur en montagne, il la
connaît bien et la photographie régulièrement lors de ses
sorties en montagne. Pour ce projet, il a choisi de contrecarrer
la monochromie des paysages enneigés par la flamboyance
d’un parapluie multicolore. Au contraste des espaces
chromatiques répond celui qui existe entre le formalisme du
paysage et le caractère improbable et inadapté du parapluie
dans l’espace montagnard. Ce parapluie incongru décale le
regard, change notre perception et nous amène à nous
questionner : un parapluie ? pourquoi ? Pour l’auteur, ce
parapluie, objet étonnant, amusant, est un vecteur d’évasion
et de voyage. Du parapluie et du paysage ; lequel s’accorde le
mieux avec le personnage présent dans l’image ? Que font l’un
et l’autre ici ? Quel est le but poursuivi et quel hasard (heureux
malheureux ?) les a amené en ce lieu ? Chacun peut construire
son histoire ; imaginer le cheminement, le voyage qui les a
conduit ici. En jouant sur l’esthétisme et le sens, Alain Doucé
invite celui qui contemple ses images à entrer dans le jeu ou
bien .. se joue-t-il
Passionné de montagne, Alain Doucé a
construit son parcours professionnel dans
le champ de la nature et de l’environnement. Depuis 2005, il est accompagnateur en montagne et a publié plusieurs
ouvrages d’itinéraires de randonnées. Ses
textes et photographies ont été présentées
dans des magazines tels que Alpinisme et
Randonnée, Dauphiné Montagne et son
travail photographique a fait l’objet de
plusieurs expositions.
Alain Doucé
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Alain Doucé
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Elizabeth Filezac de l’Etang
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Elizabeth Filezac de l’Etang
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Grégoire Montjaux
Photographe voyageur, Gregory Montjoux nous livre dans ce projet
sa vision de Pahar Ganj, un quartier populaire du centre de
New Delhi connu pour avoir été le quartier hippy de la ville.
Gregory Montjoux ne prétend pas à l’exhaustivité et centre son travail sur ce seul quartier de NewDelhi. Ses photographies partent à la
découverte de la rue Indienne et de ses contrastes, la rue inhumaine
des grandes artères de circulation et des sans abris, la rue conviviale
des petits commerçants, des boutiques grandes ouvertes sur le
passage, la rue qui devient lieu de rencontre et d’échange. Et quand
la rue devient ruelle, elle devient la rue intime, l’intimité de la
pénombre des échoppes aux murs aveugles, celle de la vie de
famille qui s’installe sur le pas des portes. On y découvre alors un
petit havre de tranquillité protégée au milieu du bouillonnement
incessant de la ville.
Gregory Montjoux capte les gens dans leurs activités quotidiennes.
Il nous fait découvrir des ambiances, le tumulte d’une agitation, des
pratiques et des gestes qui appartiennent à un univers qui nous est
étranger et rappelle ainsi l’un des objectifs du voyage :
la découverte de l’autre dans ce qui le façonne le construit.
Né en 1975, Grégory Montjaux pratique
la photographie en autodidacte depuis
10 ans. Il met à profit ses voyages
(Ladakh, Inde, Népal, Thailande, Laos)
pour réaliser ses travaux photographiques. En 2007, ses photographies
sont présentées dans le cadre d’une
exposition collective « le regard d’Holga
» à Villeurbanne et en 2010 il organise
sa première exposition personnelle «
Ladakh, chemin d’Himalaya » à Saint
martin d’Hères (38).
Grégoire Montjaux
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Grégoire Montjaux
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Rémi Oudinot
Les images nous aspirent ; notre regard serpente le long d’une
route, glisse le long d’une rampe d’un tapis roulant ou d’une
carrosserie de voiture. Ici pas de cheminement ou d’errance
contemplative mais un focus, une aspiration qui nous tire
vers le fond et le centre de l’image comme s’il n’y avait pas
de hors champ ou plutôt que l’important est au loin comme
cette destination vers laquelle nous allons. Cette sensation est
renforcée par des contours qui s’effacent et des lignes de fuites
prononcées. Remi Oudinot nous nous livre ici des souvenirs
intimes de voyages personnels ou professionnels : sélection
d’images insolites et inédites qui, pour reprendre les termes
de leur auteur, ‘nettoient le regard’. Le voyage apparaît comme
une façon paresseuse de satisfaire sa rétine avide de
nouveautés et de paysages inédits. Doit-on y voir une fuite
du quotidien et du banal ? Peut-être. Mais c’est aussi des lieux
improbables où l’on ne s’attarde pas volontairement. Lieux de
transit et de passage : train, avion, voiture ; ce sont les
incontournables de chaque voyage. Des espaces que l’on
traverse et dont nous ne pouvons que de manière parcellaire
et restreinte appréhender le contexte.
Né en 1972 Remi Oudinot réside à
Grenoble. Il obtient son premier appareil
(un kodak Instamatic) à l’âge de neuf ans
et découvre la photographie au Lycée. Il
apprend et travaille la photographie en
autodidacte. C’est à partir de 2003 qu’il
présente ses images et sa première exposition a lieu à Grenoble en 2009.
Rémi Oudinot
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Rémi Oudinot
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Halim Zenati
De son travail de photographe qui s’attache à vouloir « résumer l’histoire en une fraction de seconde », Halim Zenati nous donne à voir une belle série de photos venues d’Algérie.
Ses images en noir et blanc, réalisées au plus prés des gens sont réalisées le plus souvent au
grand angle avec un choix délibéré de mettre en valeur les moments de la vie quotidienne qui
construit un peuple ou une culture.
Tous les sujets sont les siens « sauf la publicité » déclare t’il, et c’est
principalement à travers l’Algérie et le Brésil qu’il construit son œuvre.
Une scène de rue, une femme et deux enfants se croisant avec une bouteille de gaz, l’une sur la
tête, les autres aux pieds…
Un enfant assis au sol le regard porté sur un chat blotti dans la jante d’un véhicule…
Un père tenant son fils dans une pose académique renforcée par une
reproduction de la Joconde en arrière plan et que vient rompre le geste de l’enfant le doigt dans
le nez…
Un ensemble d’étagères peuplées d’enfants débordant de malice…
Les scènes offertes au regard du spectateur sont avant tout des témoignages de rencontres faites au fil du temps qui induisent la tendresse et la complicité que l’auteur tisse avec ses sujets.
Parfois c’est la qualité esthétique rencontrée avec le rendu des plis d’une burka et le fondu des
palmiers dans la brume qui introduit une composante poétique à l’œuvre du photographe.
Parfois aussi, au-delà de ses choix formels, c’est une forme de désespèrance ou d’humour qui
surgit de la composition de Halim Zenati : Une silhouette au sommet d’un pic rocheux qui domine la ville…la solitude de l’homme face à l’activité urbaine ou peut être une vue du Christ de
Rio revisitée …
Parallèlement à ces travaux qui se rapprochent du documentaire avec une large place faite à la
sphère artistique, le photographe apporte une force particulière à sa composition . Au-delà de
la forme blanche d’un mur sur laquelle s’inscrivent un personnage immobile et un fragile panneau
« agence reporter », on peut voir un hommage à l’âpreté du contexte historique de l’Algérie et
plus particulièrement au photo-reportage algérien dont Hocine Zaouar est l’un des acteurs plus
connus.
Isabelle Varloteaux
Halim Zenati
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Autodidacte, Halim Zenati a découvre la photographie à l’âge de 20
ans tandis qu’il fait des études d’agronomie à Alger.
En 1978,tout jeune diplômé , il travaille comme ingénieur et photographe pour le Ministère de l’Agriculture, et expose pour la première fois
dans sa ville.
En France depuis 1984, où il obtient un doctorat en informatique et
communication, et s’installe à Grenoble .
L’Algérie est au centre de son travail, comme en témoignent ses nombreux travaux photographique ou publications.
Présent dans des collections publiques en France ( FNAC Paris, Artothèque Grenoble) et en Suisse (Musée de l’Elysée, Lausanne), Halim
Zenati a collaboré également avec l’Institut du Monde Arabe
Halim Zenati
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Conception graphique et mise en page : Gaël Payan
Commissariat des expositions :
association maison de la photographie et de l’image. Prix du catalogue 15 €
http://www.maison-photographie-image.com