La guerre comme vous ne l`avezjamais vue «APOCALYPSE
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La guerre comme vous ne l`avezjamais vue «APOCALYPSE
8 HISTOIRE VIVANTE LA LIBERTÉ VENDREDI 21 AOÛT 2009 La guerre comme vous ne l’avezjamais vue «APOCALYPSE» • Pour la première fois, une série documentaire embrasse la Seconde Guerre mondiale dans sa globalité, racontant non seulement les enjeux géopolitiques, mais aussi le vécu des gens. Impressionnant! PROPOS RECUEILLIS PAR PASCAL FLEURY REPÈRES Le «doc» de tous les superlatifs La Seconde Guerre mondiale comme si vous y étiez! Septante ans après le déclenchement des hostilités, une série documentaire haute définition raconte pour la première fois le conflit dans sa globalité, en utilisant exclusivement des images d’archives, colorisées et commentées par l’acteur Mathieu Kassovitz. Intitulée «Apocalypse – La Deuxième Guerre mondiale», cette fresque colossale réalisée par Isabelle Clarke et Daniel Costelle permet de saisir le terrible conflit dans toute sa complexité géopolitique et toute sa tristesse humaine. Riche en témoignages émouvants de soldats embourbés sur les champs de bataille, de civils en fuite ou de victimes de la Shoah, elle aide à «comprendre l’indicible», s’adressant en particulier aux jeunes générations. Auteur renommé de documentaires historiques, Daniel Costelle nous parle de cette production «événement» à 5,5 millions de francs, déjà vendue dans tous les pays, et qui sera diffusée ces trois prochains dimanches sur TSR2. Raconter la Seconde Guerre mondiale dans sa totalité en six heures de documentaire, c’est un énorme défi. Avec la réalisatrice Isabelle Clarke, vous l’avez pourtant relevé! Daniel Costelle: Cela a duré deux ans et demi. Mais je ne vous cache pas qu’au bout d’un an, ni la production ni nousmêmes ne savions si nous y arriverions. En fait, nous avions un certain nombre d’ambitions extraordinairement difficiles à assumer: la haute définition, la restauration des documents, leur mise en couleur, que le film soit magnifique et émouvant, qu’il y ait du suspense... Tout cela mis ensemble, cela donne un énorme travail. Mais nous avons eu le soutien formidable de France Télévisions et du producteur Louis Vaudeville, vraiment hors pair, qui nous a mis à disposition le maximum de moyens. Le film est constitué uniquement d’images d’archives. La moitié de ces images sont inédites. Quelles ont été vos plus extraordinaires découvertes? Ce sont les films amateurs. Ils représentent une source totalement nouvelle, très appropriée à l’idée que la réalisatrice Isabelle Clarke se faisait du film: un documentaire «à hauteur d’homme» plutôt qu’un film sur les grandes stratégies militaires. On y voit des femmes, des enfants, des malheureux, des «deuxième classe», tout ce monde des victimes de la guerre. Ou encore ce soldat allemand atteint de Le documentaire «Apocalypse» ne manque pas d’évoquer le triste sort des femmes pendant la 2e Guerre mondiale. FRANCE 2/CC&C/DR dysenterie sur le front de l’Est, qui doit courir se soulager en plein air: je n’avais jamais imaginé qu’un tel document puisse exister. Mais il en dit tellement long sur la misère des gens, de tout le monde d’ailleurs. La guerre a été une misère généralisée. On voit aussi ces femmes qui s’entraînent au fusil, en Angleterre... Elles auraient dû se battre si les Allemands avaient débarqué. Cela a un côté pathétique... Et il y a cette fillette anglaise, Rose, qui apparaît à plusieurs reprises dans le film... Elle revient dans toute la série et clôture même le dernier épisode. C’est aussi un document d’amateur. Pendant toute la guerre, un Anglais a filmé le visage de sa fille. Des images très émouvantes, chargées de symboles. L’idée que dans toute cette horreur, le plus important, c’est que sa fille grandisse quand même. Un film à hauteur d’homme plutôt que sur les stratégies militaires Non, c’était la volonté de montrer les choses telles qu’elles se sont passées. Parmi les documents inédits, il y a aussi des images qui avaient été DANIEL COSTELLE longtemps censurées. Mais on n’a pas voulu céder à la complaisance en versant Des images d’espoir... Tout à fait. D’ailleurs, je ne crois pas dans la violence et l’horreur. On a qu’on ait fait un film fondamentale- donc supprimé des séquences. On ment triste. On n’est pas tombé dans en montre en revanche dans le supl’horreur tragique. Même si l’horreur plément du DVD, avec avertisseest là, il y a aussi quelque chose d’opti- ment, pour donner toute la magnitumiste et de constructif dans le film. On de de ces documents. Comme les l’a voulu ainsi pour donner au public images de ce char français qui a reçu jeune un point de vue profondément un obus et dont on sort trois corps, pacifiste. Notre film vise à lutter contre l’un sans tête, le deuxième sans la méconnaissance et l’amnésie. Il est jambes, le dernier sans bras. C’est un indispensable de lutter contre l’oubli, document insoutenable. Il y en a pour ne plus se livrer à la violence ni à d’autres. la guerre. Les images peuvent être trompeuses. Quelles précautions avez-vous prises Est-ce aussi par souci didactique que le pour garantir la rigueur historique de la film montre des images violentes? série? Par volonté de choquer? > Le film documentaire «Apocalypse», qui comprend six épisodes de 52 minutes en haute définition, a nécessité trente mois de travail et mobilisé une quarantaine de personnes. Son coût: 5,5 millions de francs. > Les archives ont été collectées par une équipe de dix recherchistes dans plus de cent fonds et cinémathèques dans le monde. Près de 700 heures de rushes ont été sélectionnées pour ne retenir finalement que 6 heures. La moitié des images utilisées sont inédites. Chaque épisode compte 800 plans. > La musique est signée par le Japonais Kenji Kawai, auteur de plusieurs bandes originales, dont celles de «Ring» et d’«Avalon». > La série sera aussi disponible en DVD et Blu-Ray. Elle sera complétée par un livre de Daniel Costelle (Ed. Acropole). > Un site internet riche en dossiers prolonge déjà le doc sur www.tsrapocalypse.ch. Les profs d’histoire apprécieront! PFY En 40 ans d’expérience et 20 ans pour Isabelle Clarke, nous avons appris à déceler les images d’archives qui sont du domaine de la propagande ou de la falsification. Nous avons procédé à un écrémage drastique. Nos recherchistes ont visionné plusieurs milliers d’heures de pellicule. Nous en avons sélectionné 700, mais de ces 700 heures, nous n’avons finalement monté que 6 heures. Enfin, pour le scénario, nous avions avec nous Jean-Louis Guillaud et Henri de Turenne, les auteurs des «Grandes Batailles». Et comme consultant historique, l’ancien chef du Service historique de l’armée, le général Jean Delmas. Toutes nos informations ont été vérifiées dans quantité d’ouvrages et de documents. La série a pu être vendue pour diffusion dans tous les pays, y compris en Allemagne (ARD) et au Japon (NHK), où elle a été diffusée à l’occasion de la commémoration d’Hiroshima. I Couleurs et sons d’origine restitués Des soldats français montrent aux enfants comment utiliser un masque à gaz, en septembre 1939. Alors que Varsovie est sous les bombes, Paris se prépare au pire. TSR/FRANCE 2/CC ET C/DR «Apocalypse» étant constitué exclusivement d’images d’archives, ses auteurs ont opté pour leur colorisation. «Notre souci numéro un, c’était de rendre cette histoire accessible au jeune public, qui n’est pas du tout habitué au noir et blanc. Le noir et blanc, c’est une anomalie technique du passé», explique le documentariste Daniel Costelle. En fait, il ne s’agit pas d’une simple colorisation des images, avec du bleu pour le ciel et du vert pour l’herbe, mais d’une «restitution des couleurs» par un travail sur la matérialité des couleurs. Un secret de fabrication développé par François Montpellier, qui s’est constitué par exemple une banque de données de plus de 5000 tex- tures rien que pour les prairies et pelouses. La couleur permet alors de replonger directement dans le présent de l’époque. Le spécialiste a pu s’appuyer sur des conseillers historiques pour que chaque uniforme, chaque véhicule, chaque cocarde d’avion puisse être rendu dans sa couleur originale. Un grand soin a aussi été porté à la sonorisation. «Chaque camion, tank ou avion a un son particulier. Mais à l’époque, ces sons n’ont malheureusement pas été enregistrés dans de bonnes conditions», constate Daniel Costelle. Le «collectionneur de sons» Gilbert Courtois est alors venu à son secours. Les sons «authentiques», il les trouve dans les musées où cer- tains engins fonctionnent encore, dans les rencontres d’oldtimers ou les meetings aériens de vieux «coucous». «C’est un fou furieux, Gilbert Courtois! Il se délecte même à mettre le son de la bonne mitrailleuse quand ça tire», s’enthousiasme Daniel Costelle. Et de raconter que lorsque Gilbert Courtois officiait dans un studio parisien, dans une cave insonorisée, ses coups de canons faisaient vibrer le sixième étage... PFY RSR-La Première Du lundi au vendredi de 15 à 16 h Histoire vivante Dimanche 20 h 30 Lundi 23 h 15