Théâtre Après l`Assassinat du Président Kennedy

Transcription

Théâtre Après l`Assassinat du Président Kennedy
Après l’Assassinat du Président Kennedy
ou
La Mère n’a pas de fond
ou
Le Soleil se couche dans la Tête
ou
La Tête en Crabe ou dans le Crabe
ou
Soleil Poisson
ou
La Garonne n’a pas de Fond
( Théâtre que je verrais bien d’objet avec un acteur ou une actrice )
( Pièce faisant diptyque avec : Soleil Cou Coupé )
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Antoine Laurent de Lavoisier
Didascalies
Pendant les cinq ou dix premières minutes Berthe parle dans le noir absolu. L’aube se
lève lentement et ouvre une lumière presque éteinte.
Une lumière de cauchemar et de remords, une lumière blafarde, une lumière de
tombe.
Les murs, et au moins le mur du fond, sont tapissées de feuilles d’or.
Sur la table se tient une cage à oiseau avec dedans un chat ou le mot : chat. Elle le
nourrit d’une carotte de temps en temps si bien qu’à un moment donné le chat est devenu une
carotte.
Un oiseau volette de temps en temps sur la scène humide en flaques de lumière qui
sentent le moite et le chanci cousu au linoléum écorné.
Berthe, car tel est son nom, est truffée de tics. Elle tire sur l’extrémité de ses manches
et de son pull pour l’étirer, l’arranger par coquetterie, qu’il tombe mieux sur son corps
coquet, qu’elle soit plus présentable. Il faut dire pour sa défense que son pull a fortement
rétréci. Elle le fait aussi d’une chiquenaude de ses doigts arrondis entre pouce et index
comme une hostie étoilée des autres doigts étirés ouverts d’une infinie et fort élégante
délicatesse, elle connaît les bonnes manières. Chaque fois d’un petit coup sec mais efficace en
maniaque tiraillée d’élégance.
Théâtre Après l’Assassinat du Président Kennedy
Sous le robinet de l’évier ou non elle lave au Paic-Citron-Lavande les carottes, les
choux, les poireaux, les haricots un à un, les pois cassés un à un, les pommes de terre, un
poisson, les viandes, un citron, une banane, une clémentine, une orange, une pomme, la Bible,
une fraise, un yaourt, un éclair au café, un opéra, une tarte, un millefeuilles, un brie, un
cantal, un boursin, un œuf, un livre, une bouteille de vin, un cahier, une clé, médicament, un
œillet, un fruit de tilleul, une bouillie, etc… Le robinet est très haut, comme elle est toute
petite elle monte sur un escabeau pour laver tous ces objets. Cela occupe une grande partie
de la pièce.
Elle est très coquette d’odeur et s’asperge de sentbon souvent.
Souvent elle joint les mains en prière sous le menton et croise les deux majeurs qui
battent en ailes.
En sus Berthe qui s’est installée dans l’enfance comme les Dieux s’installent dans
l’enfance. Elle rit souvent ou pleure toute seule, cela sans véritable raison semble-t-il.
Oui et oui
tiens tiens tiens oui et oui oui
Tiens oui bon hé bé
et
avec la mort du deuxième justement il la connaissait la belle-mère le le la mère
au juge
d’instruction qui était
chargé
de chercher l’assassin
alors moi
avec ma langue
longueeue
j’ai voulu lui faire dire comment
heu j’ je l’entendais, je lui dit mais Madame c’est son mari et quand je suis revenu la
pauvre au bout de quinze jours je lui ai dit mais alors on n’en parle plus de cette affaire ? Elle
est classée que je lui ai dit
alors ébé alors oh vous comprenez elle me dit Berthe il est fou
Ahahahah je lui dis vous voyez hé que Berthe elle est pas sourde
et dire que
je ne peux
pas entendre au téléphone
et que quand on me dit téléphonez à la boulangère je lui dis à
elle de téléphoner et oh pas moi
parce que je fais répéter tout le temps
je fais répéter
ça agace vous savez de leur dire de répéter
et j’écrirai
à longueur de la journée
auh
il faut pas y faut pas comme meu disait une dame faut pas être orgueil
leuse je vous en
supplie parce que vous savez les pauvres y en sont fatigués de nous alimenter hé
hé
choisi hé il serait difficile
je lui dis vous savez hé
cherchez pas une cuisinière éh ici
parce que euh nature
parce que un jour j’ai voulu chercher à faire des complications
c’était plus mal
qu’au naturel
vous savez vous faire la cuisine ?
Boh oh oh si j’avais su je vous aurais fait manger de l’oignon tééh
parce que
justement c’est cette dame qui m’a dit Berthe y faut y manger de l’oignon parce que
je
traîne les jambes elle m’a dit Berthe faites comme les turcs manger de l’oignon. Beaucoup
d’oignons alors a
alors je lui dis
je lui dis
quand on va dans les autobus
comme moi par exemple manger de l’oignon
je tache de manger de l’oignon à 9 heures
et demie oh elle me dit non mais vous ne savez pas ce qu’il faut faire
elle va
dans une grande maison Berthe
alors tous les jours elle voyait Monsieur passer à la
cuisine
et la bonne lui donner un grain de café ah elle comprenait pas ça
elle
comprenait pas que oh elle lui dit un jour éhéhéh écoutez Madame je voudrais bien savoir
pourquoi Monsieur il vient à la cuisine tous les jours et que la cuisinière lui passe un grain de
café ?
hé bien ma petite me dit-elle c’est parce que ça enlève tous les goûts
toutes les
mauvaises odeurs que l’on peut avoir dans la bouche
oh je lui dis ça va je vais pouvoir
manger de l’oignon
ah et bé l’ail
et Monsieur y m’avait dit Berthe jamais ici éhbé
vous êtes des Landes alors comment que vous cuisinez parce que c’était un gourmand alors je
lui dis à Monsieur
ohohohohoh ici Berthe
pas une gousse d’ail n’est rentrée
dans la maison.
Je m’en vais à la cuisinière je lui dis Annette alors il y a pas une gousse
d’ail ici qui soit rentrée dans la maison
elle me dit taisez-vous donc avec Madame nous
sommes tous d’accord
pensez je lui ai jamais fait manger
ni du mouton ni du porc,
ni, ni des lentilles sans y mettre de l’ail seulement je les
je mets les grosses gousses et
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puis je les enlève
lui ne les voit pas alors y en a pas
mais malheur c’est comme ça
uhm alors vous voyez
Oh moi je sais pas je ne suis pas cuisinière
je vous assure
je fais les lé choses
avec rapidité
il vaut mieux
puisque un jour
j’étais dans ma cui dans ma
chambre et et j’entends
Oh mais qu’est-ce qu’elle fait cette gosse qu’est-ce qu’elle
fait cette gosse dans cette cuisine ça ne m’intéresse pas qu’elle fasse ce qu’elle veut
ooh j’ai dit ça m’étonne pas
elle-était-en-train-de préparer une tête de veau ou d’agneau
qu’elle farcissait
alors
on n’est pas encore assez bon pour y mettre
tant que ça
tant que ça
de choses
Même que j’ai ma table elle est tout en désordre
c’est exact
j’ai tout… J’ai
pas de mémoire si je sers mes affaires vous entendez j’sais pas où je les mets tandis que si
je les ai là devant moi
si je fais un drap un ou plusieurs couleurs je plie
je cherche
je cherche ma pauvre après
si c’est autre chose
si je prends si je laisse je cherche
je cherche
alors que
tandis si je le laisse sur ma table ou c’est tout du désordre
alors je luis dis à Lucien Jupé vous voyez bien moi Monsieur
c’est exact toujours du
désordre sur ma table
toujours.
Berthe regarde le mur et les feuilles d’or ne vibrent pas. Elle en est toute étonnée.
Cette panne de ventilateur reviendra sans doute plusieurs fois.
Berthe très coquette d’odeur s’asperge de sentbon.
Un oiseau volette sur la scène humide en flaques de lumière qui sentent le moite et le
chanci cousu au linoléum écorné.
Parce que je suis pistouille de carambouille
je dodeline
Mais ?
Et ?
Je me demande
je me demande
la neige
c’est une question parce que les noirs.
Les noirs Hein ? En Afrique est-ce que la neige elle est noire ?
Hein ?
Je me le
demande en grand.
Parce que
les noirs
les noirs les pauvres ils sont très vilains
c’est pas leur faute ils sont nés cramés les pauvres
mais ils ne sont pas nés brûlés dans
le ciel
non
mais brûlés dans la terre
oui
au plus profond parce que ça
brûle aussi dans la terre
ça brûle fort
ça brûle même plus fort dans le ventre de la
terre très fort
à cramer les âmes parce que c’est la maison du diable-démon le ventre de
la terre oui ébé ? Mais ces pauvres noirs quand même ils n’ont pas de chance vraiment
Dieu ne les a pas gâtés non vraiment pas vraiment c’est pas de chance d’être aussi laids ils
ont dû pécher
beaucoup pécher si même ?
Vraiment ils ont rien pour eux non
les mains
les mains des noirs c’est catastrophe
des grandes battes toutes noires
noires
avec le dedans des paumes tout rosé couleur de chair chair ?
C’est
l’abomination avec leurs paumes couleur de muqueuse de cul. Et oui
les pauvres mes
pauvres
c’est pas beau pas beau le noir
c’est tellement deuil y a du sinistre
Autrement c’est riche
l’Afrique c’est riche
très riche le diamant ça y pousse
partout
y a pas plus riche que l’Afrique mais on ne le sait pas et non pauvre ! Et oui
Et d’où ça provient ça
alors vous voyez bien qu’il y a des fortunes partout !
éh
tandis que le diamant ça provient du charbon par contraste tandis qu’il y en a d’autres au
Tanganika
alors je lui dis hé bien
dites
hébé hébé
Berthe balance des strass et des strass et des strass.
Mon beau-frère quand il viendra cet été il me le dira
à la Haute Volga ébé là où
il y a des diamants africains
alors d’où ça vient les diamants ? Mais il faut pas le dire
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parce que sur le marché mondial y en aurait tant profus que le diamant il vaudrait comme
carreaux de vitre
Ahh
ah
ah ! Alors ? Ebé mes pauvres
Qu’est-ce que vous
voulez téh bé on le rapporte de Lourdes éhbé les pierres sont pleines de marbre c’est plein
de marbre les Pyrénées C’est comme en Andalousie c’est plein de marbre arabe
et
Madame Destas en Belgique qu’elle m’a dit c’est plein de marbre
parce que son grandpère était belge
alors elle me dit
béh en Belgique c’est du marbre c’est du marbre
partout
alors je lui dis éhbé en Grèce c’est du marbre
alors comment c’est fait la terre
tout en marbre ?
hé
alors c’est beau
éh
quand même
c’est une
transformation le marbre hébé une transformation de
oui
hébé une
transformation de transformation oui hé bé ça vient du broyage
c’est bizarre éh
quand même
hébé ça vient du broyage de de de
poissons
de de de d’animaux de
végétaux et de tout
le marbre
et de quoi cela peut être fait ?
et par
quoi
il y poussait des arbres
au milieu du milieu de de de ce marbre
et des herbes
et des plantes ravissantes
vous trouvez
vous trouvez pas
que c’est pas beau
les Pyrénées
je suis pas allé dans les Alpes
c’est quand même prodigieux éh
c’est quand même prodigieux je vous assure.
Berthe joint les mains en prière sous le menton et croise les deux majeurs qui battent
en ailes. Elle le fera souvent dans la pièce.
C’est l’enfant du vent Poisson est son nom oui
son nom de famille
bien qu’il
n’est pas de famille il est comme ma personne
il est très orphelin il n’a pas de papa il
n’a pas de maman
il n’a pas de frère il n’a pas de sœur et il n’a même pas de tante et de
cousin
dans la vie
c’est vous dire s’il est seul
dans la vie
Et ce Poisson qui
sait pas nagé soit dit en passant, il a déguisé mon taudis en palais oui oui oui en palais
tout en feuilles d’or en feuilles d’or qui vivent
elles portent le vent
elles volètent
comme des oiseaux attachés ébé que ça me fait une maison de riche tout cet or cet or
moi qui suis si pauvre hi hi hi
tout un mur constellé d’écailles d’or hi hi
Une
feuille d’or pour une fille d’or
pour une fille en or hihihi je vaux mon pesant d’or.
En effet tous les murs, et au moins le mur du fond, sont tapissées de feuilles d’or qui
commencent à voleter sous le souffle d’un ventilateur en coulisse. Mais les feuilles d’or ne
sont collées que sur un côté aussi sous le vent du ventilateur elles frémissent et tremblent de
jouissance lorsque Berthe regarde le mur aux écailles d’or et seulement lorsqu’elle le
regarde. Le mot : mur est écrit sur un grand poster ou Berthe l’écrit sur ce grand poster.
C’est pour que oui c’est pour lui rabaisser le caquet
pour pas qu’il caquète
c’est pour que le mur sache qu’il est qu’un mur tout doré qu’il soit
il faut toujours remettre
les choses à sa place si l’on veut vivre dans son rang bien confor table.
Le monde a soif très soif
monde infiniment du monde
et moi tout pareil parce que je suis du monde
très du
Berthe amène une cuvette d’eau pure sur la scène et en verse un peu :
Il a soif le monde hein ?
soif le monde oui oui
Il avait soif oui
Et elle boit à son tour un peu dans la cuvette :
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Et moi aussi j’ai soif
il me donne
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Ah ! Bien le monde sera moins sec il aura plus de sentiments
et moi je serais
moins vieille
avec un peu de fraîcheur dans le cœur les le manifeste les mangeailles
manettes de le les brûlés aïe aï aïe je bafouille bafouille ça va pas
Il faut respecter la langue moi j’admire la langue
quand je parle ça batifole dans
mon âme et
ça gazouille dans mon ventre en grand en énorme énorme c’est pour ça
que je cause tout le temps
et même lorsque je ne parle pas il y a les voix que j’entends qui
me parlent sans cesse c’est ça que j’aime la langue je l’aime à l’adorer oui
et moi
j’aimerais beaucoup beaucoup faire l’amour avec l’alpha
bet
le faire d’amour
beaucoup
Il y en a beaucoup qui font l’amour avec la lettre O moi je voudrais faire
l’amour en grand en très grand
mais en très, très grand avec la lettre Z oui
je la
regarde je la reregarde
je la prends, je la couche je fait l’avion dessus et je l’aime fort
très fort
très, très fort
Mais avant je n’oublierai pas de lui demander la permission de l’aimer
et
puis je la prends par la main et le bas des lèvres pour la dire
Parce que ils disent ils disent qu’il faut toujours commencer
mais moi je crois
qu’il faut toujours commencer par la fin
comme ça l’on sait toujours ce qui adviendra
dans l’advenu, téh !
Parce que l’on n’a jamais su jamais qui a rencontré le premier
l’homme ou la femme ? Qui ? Qui a fait le pas premier de la femme ou de l’homme pour
se rencontrer la première fois ? Qui ? Parce que c’aurait beaucoup changé selon que c’eut été
l’homme ou la femme
le monde n’aurait pas été pareil. Le monde aurait été très,
très différent
bien sûr c’est certain.
Moi je pencherais plutôt pour l’enfant qui
aurait fait la rencontre première oui l’enfant.
C’est ça qui est dur
J’ai peur, je le crains au plus fort
depuis le temps que les
enfants brûlent dans le ciel que le ciel tombe oui
que le ciel tombe malade de tant
d’atrocités
et s’il tombe malade on vivra enfoui
à petite mort
on ne sera plus
que cendre oh peuchère !
D’ailleurs je ne sais pas si un soir j’aurai le courage d’inventer un nouveau ciel
je
ne crois pas non je ne le crois pas fort parce que tout tourne
tout tourne
tourne
tourne tourne et de rotations en rotations de mutations en mutations de transformations en
transformations de réincarnations en réincarnations et de dévergondations en dévergondations
tanguées le monde tourne dans la fournaise du soleil dans un glacis de mer
et les enfants
sont nés dans la matrice de la terre
c’est abominable vous savez abominable mais
c’est beau mais c’est beau si les gens pouvaient le voir seulement
Mais c’est poésie
vous savez C’est quoi la poésie ? C’est lorsque les mots chantent tout seuls
sans les
hommes voilà Parce que le soleil en flamme le soir brûle les enfants dans le ciel avec la lune
sa complice de nuit qui entretient la flamme
oui la lune est l’enfant du soleil et traître à la
terre la lune mais il y a pas la lune il y a multiple
parce que la lune à Pampelune
n’est pas la même qu’ici et non ! et non ! parce que vous croyez que la lune qu’on voit ici
est la même qu’à Pampelune qui est la même qu’à Nouvayork ébé non c’est pas la même
et oui
ils ont chacun leur lune parce que il y a des milliers de kilomètres entre
alors comment que la lune elle pourrait se trouver à la fois ici à Pampelune et à Nouvayork en
même temps ?
elle prendrait le bateau ou un pédalo ? Y en a plein de
lune plein
et comment que ça se fait ? c’est comme ça et puis c’est tout voilà
mais moi la lune que je préfère c’est la lune de Pampelune
mais il y a tout un tapis de
lunes dans le ciel à côté des enfants qui brûlent dans le broyage
C’est douleur
c’est comme les docteurs qui me font toujours misère
misère. Ils m’ont électrochoqués dans les mains des curés qui leur tenaient la main oui c’est
une engeance dévergondée ils s’allient ensembles pour martyriser les voix c’est sale race
vous savez tous acoquinés coquins les docteurs sont les médecins du corps les curés les
médecins de l’âme et les notaires les médecins du portefeuille c’est que des notables
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mécréants de la vie qui ne font que dans le corrompu très véreux
cinq fois qu’ils m’ont
passé aux électrochocs cinq fois
à exploser ma cervelle
c’est pour le coup que j’en avais
des étoiles dans la tête en tout éclaboussée
ils m’ont abonnée aux électrochocs ces
véreux vérés très insalubres à mourir
il faut toujours qu’ils fassent mal
il faut
toujours qu’ils fassent le mal
alors je suis en mayonnaise
je vis sans mon secours
c’est vous dire si je vis mal
Les sans dents il faut toujours qu’ils réservent leur supplice les docteurs aux sans
dents les très vieux sans trop de défense les sans dents et les sans sentiments qu’ils disent
ceux qui s’éternisent dans la vie
Moi je suis une sans dent et oui
mais moi j’ai du
sentiment
beaucoup de sentiments j’ai le dentier qui baigne dans le vinaigre blanc dans
le verre à dents sans dent le soir à l’heure où les enfants ces pauvres anges brûlent dans le ciel
Parce que nous les vieux on est tous amochés de partout tout couturés de défaites
à plein
la vieillesse c’est épouser la maladie
elle nous aime la maladie ça elle nous
aime
elle se nourrit de nos corps
c’est comme Mademoiselle Ducresson elle est
toujours malade
oui je l’ai toujours vu malade
c’est un véritable pot à bouillon
Mademoiselle Ducresson
la maladie c’est son état
Mais maintenant elle est morte
comme mon père
mon père il était aux Pompes Funèbres
J’en ai fait de la
neurasthénie c’est pas étonnant avec le métier qu’il faisait mon père
tout le mal à moi
qu’il m’a légué
il est dans ma tête
Mademoiselle Ducresson elle dit en parlant de moi
cette folasse alors je lui dis
mais dites donc le donc quand j’étais au couvent que je venais vous prendre par le cou le
cou à tous coups
que je vous disais Mademoiselle Ducresson vous allez me faire cette
lettre hum pour ma marraine parce qu’elle passait à la censure à la supérieure alors
je
lui disais toujours à Mademoiselle Ducresson
faites moi la lettre parce que je valais pas
grand-chose
dans l’écriture tandis qu’à présent j’écris, j’écris
mais j’écris
tout ce que les voix me dictent et c’est quelque chose
Berthe oscille et tourne la tête de gauche à droite, de droite à gauche sans fin :
Je dodeline, dodeline j’opine pour que
la gauche deviennent droite et la droite
gauche à force d’à force d’à force gauche droite de gauche à droite et de droite à gauche
gauche droite
c’est comme la politique. Je suis une girouette à politique
ohhhhhhhhhhhhhhhhhh je ne serais pas plus mauvaise que nos politiques actuels
non pas
plus mauvaise
ni que les politiques passés ou avenir même
non pas pire
c’est pas
possible
Et je vis sans aile je ne suis pas oiseau je n’ai pas beaucoup d’espérance
dans
mon corps
et dans mon âme pas plus je ne serai jamais oiseau alors
je dodeline je ne
sais pas becqueter
je ne suis pas oiseau non je serais plutôt poisson goujon même
Berthe dispose les pierres pour faire un gué :
Un gué est un pont. C’est gué un pont
mais un pont c’est plus gai surtout l’hiver
ça mouille moins
et puis c’est joli avec toutes ces arches et ces arches et ces arches
et ces arches toutes en courbes courbées de courbes pas courbatues Les pierres c’est la
vie
Le sang prend sa source dans les pierres de la terre
avec l’eau le sang de la vie
qui coule dans l’eau des rivière où que l’eau véhicule le sang des pierres
Dans la cuvette d’eau pure Berthe jette de l’encre noire. Puis s’asperge de sentbon.
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Et oui les phalanges par phalange, phalange par phalange, broyage par broyage, les
petit poissons, ils deviennent des hommes. Mais oui, mais oui, oui oui oui oui oui, oui,
phalange par phalange.
Les ponts, les ponts ! La mer n’a pas de fond, la Garonne n’a pas de fond, la Garonne !
Et non la mer ça n’a pas de fond. Alors les ponts ça repose sur le dos de ces pauvres petits
poissons ah lala, lala, lala, lala, lala, lalah.
Berthe fait tomber trois choses à la suite l’une de l’autre par exemple une pelote de
laine, un couteau et une aiguille. Le son de la chute met un temps infini à se produire.
Le monde est fait de poissons et oui et oui. Il y en a de l’intelligence là-dessous, làdessous la terre
au coeur des eaux. Oh oui oh oui
oui
Parce que Garonne donne, et Tar ! Tar donne et Lo donne aussi, quand il y a les
grandes inondations, quand il y a les grandes inondations, et toute cette eau qui trimballe le
sang de la terre, et toute cette eau qui n’arrête pas de monter. Mais c’est terrible, c’est terrible.
Ebé toute cette eau, c’est un châtiment, oui, oui. Un châtiment des profondeurs. Alors quand il
y a toutes ces eaux d’inondations, ébé les ponts ils travaillent beaucoup pour retenir toutes ces
eaux qui se cavalent.
Et qui c’est qui porte, Qui c’est qui porte ?
C’est encore le dos de
ces pauvres petits poissons quoi portent encore tout ça.
Tout, tout, tout vient des poissons, c’est des intelligences. Et de transformations en
transformations, de pulvérisations, de mutations en mutations, les petits poissons ils sont
devenus des hommes, oui. Mais c’est beau, c’est beau. Tout est transformation et mutation,
mutation de mutation. Mais c’est immense ! Et nous qu’est-ce qu’on est pauvre ?
Et le monde il est dans les océans. Et les arbres écoutent avec leurs racines au fond des
océans. Et dans la terre, au pôle, il y a un grand trou où la terre descend dans les océans. Tout, il
est dans les océans. Les océans, ses vagues, c’est mouvementation, par les rotations. Les rotations,
elles sont dans les océans. Dieu il est dans les poissons, c’est Jupiter qui l’a dit. Les poissons sont les
premiers de la terre, l’origine de toutes les origines et ce fut encore du broyage et du broyage et
du broyage. Et ce fut la terre épaissie par les poissons. Tout est en maintenance, maintenance
dynamique dans les océans. Parce que le soleil est tombé il y a 46 ans. Et le Saint Esprit est glacé.
Pour éclairer il faut chauffer. Les chaleurs ça vient de l’eau. Le fond des océans c'est un grand
chaudron. Le ciel est chauffé par les océans. Il y a toutes les mouvementations en partance de,
de...dans les océans. Parce que d’où ça vient le pétrole? De l’eau. Et la houille, la houille blanche,
c’est bien…de l’eau. Parce que c’est du broyage et du broyage de poissons et de poisson et de
temps. C’est les océans qui nous éclairent.
Berthe suit une pelote qui se déroule ou qui s’est déroulée. Elle la suit, aller retour,
revient... déroule…
Mais ils ne trouveront jamais, ils auront beau chercher et chercher et chercher, tout savant
qu’ils sont les américains ils ne trouveront jamais le comment de la chaleur. Cette grosse chaleur
solaire de four qui est ensevelie dans les océans. La terre sera sèche sur l'eau. L’eau elle s’avance et
elle se retire par quel commandement ? Toute la force est dans les océans. Toutes les
intelligences des choses, toutes les forces, toutes les mouvementations. Mais c’est beau vous
savez ! C’est beau les chiffres ? Parce que…
Les mathématiciens.
Les mathématiciens qui calculent les fusées à les enfanter ?
Combien ont-ils de chiffres dans leur tête ? Hein ? Qui les meublent
hein ? Combien ?
Comment les nourrissent-ils ? Avec du sucre ? Mille milliards de milliards de milliards de
milliards doit en manger beaucoup ? Sûr
certain
c’est mathématique. Du sucre et
du sucre
Ils en ont des myriades de chiffres dans la tête et tout à nourrir.
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Théâtre Après l’Assassinat du Président Kennedy
Le monde, il est vieux. Toute la science elle est dans l’eau, alors cherchez-la. La puissance
de toutes les intelligences elle est dans l’eau. C’est après les poissons broyés qu’il y a toute cette
terre. La terre s’est solidifiée. C’était de l’eau. Dieu était Dieu. Il n’y avait que de l’eau. C’est par
le broyage des poissons et des coquillages, jusqu’au sable. Jupiter nous aurait dit que de Dieu il
n’avait connu que le poisson. Aaah ! Et il se les pleurait ses enfants.
L’eau qui se mouvemente. Quand y a tremblement de terre, c’est par le fond, par l’eau.
Parce que... Dieu est bien sa puissance. Puisqu’on vous dit qu’autrefois, quand il commença le
commencement. Là. L’eau est chaude dans l’eau, elle est chaude. Mais elle est chaude par quoi ?
Par la calorification des poissons qui mettent dans les sacs à brûler tous les poissons. C’est pour
ça que les poissons sont intelligents. Ils sont lumière.
Berthe tient un poisson (que peut-être elle dessine) dans les mains qui grignotent le
soleil qu’elle tient aussi dans les mains :
Quand
quand
je n’arrive pas à le dire
je le dessine
c’est plus facile
quand je ne peux pas le dire
à cause de la véhémence des sentiments qui m’emporte
jusqu’à la démence
je le dessine oui je peux que le dessiner lorsque j’ai la voix
paralysée par l’émotion dans le corps tout en tourmente incendié par le malheur du monde
oui oui la misère de l’univers
La mer elle vous le dit, la mer. La nuit, la mer, avec les vagues qui viennent et qui
repartent vous le dit. Entendez, entendez ! Les vagues portent les messages des océans. Et oui.
Vous l’avez jamais vu s’allumer la mer la nuit, fluorescence de plancton que ça s’appelle, c’est
de l’énergie libérée, tout part de là et les cinq continents et la fluidité divine et tout. On
l’entend le soir le bruit de la mer, elle dit le commencement des océans. Oh si si, si. Le bruit
du début de l’Univers tombé dans les océans. Défois on l’entend dans un coquillage. Il
remonte crier à la surface le soir.
C’est pas du sable la lune, on croirait du broyage de sable de mer, mais ce n’est pas du
sable. Et les poissons, dans l'eau, ils se suivent. Ils obéissent comme nous, comme tout obéit
dans le monde. Ils se téléphonent par sonar. Ils ont un sonar dans le nez, une machine
électrique pour ne pas se cogner. Mais c’est bien fait ! Comme ça ils naviguent en banc et
tout. Tout est bien dirigé.
Et les tremblements de terre ça vient d’en dessous, et c’est les poissons du fond des
océans. Parce que comme vous ne voulez plus d’enfants à présent, alors toute cette énergie
contenue dans les océans, elle se fatigue et elle s’échappe en tremblement, en colère de mer et
de terre.
Ebé il n’y a pas à ironiser ! Non ! Il y en a un qui m’a dit l’autre jour, que nous
descendions du singe. Il n’a rien compris. Même qu’il l’aurait entendu de Darvinisme, l’imbécile,
ce grand imbécile !
Mais non, non. Tout ça vient de transformation de transformation. Ça vient du broyage de
poissons, d’animaux, de végétaux et de tout. C’est prodigieux ! Mais ils vous disent ! Dieu créa
phalange par phalange, classe par classe, classification par classification. Dieu disait à une
phalange soit broyée, elle faisait de la terre, puis à une autre soit broyée, elle faisait les arbres, tout
vient du broyage des poissons. Tout c’est fait par mutation par le sang des poissons, dans le
hurlement du broyage. Et les océans hurlent ensevelis sous les cris. Et les dieux ils ont donné leur
sang et le fruit de leur chair pour que le monde soit que mouvementation tentation
et en
grande souffrance. Parce que tout est immobile comme on éteint, comme mort.
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Théâtre Après l’Assassinat du Président Kennedy
Berthe tient le soleil (que peut-être elle dessine) dans les mains qui mange le poisson
qu’elle tient aussi dans les mains :
Tout est rotation, magnétisme et électro-dynamique. Dieu il est. Il faut en faire, il faut en
faire, il faut en faire, il faut en faire, il faut en faire, il faut en faire pour être Dieu, pour faire toutes
ces transformations. Jésus, Jésus, le pauvre bougre, il est parti de poisson et en supplément en
supplément, il est passé mouton, thon, vin et pied de vigne. Et puis il est remonté dans le ciel, mais
ils en ont pas voulu le pauvre imbécile, alors il est redescendu dans une étoile, puis il est reparti
dans le soleil pour y flamber, il est mort flambant dans le soleil, oui, gommé.
Tout est rapport de rapports de forces tout est violence et flammes c’est pas soutenable
horrible est le monde qui n’est qu’une pile atomique c’est violent violent violent le corps de
Dieu
Elle change comme par magie le pain en hostie et l’eau en vin :
Mais c’est bien fait, c’est bien fait, rien ne se fait tout seul. Tout se fait de la
transformation du feu et de la pourriture purifiée. Mais c'est beau. Semer, comme ça pousse vite
et c’est bien fait. Et les animaux qui vivent à côté des uns des autres et qui mangent juste ce qu’il
faut, et les plantes et les arbres tout autour pour leur faire de l’ombre, pour habiller la terre, et l’eau
qui tombe jusque ce qui faut pour nourrir les végétaux et pousser en feuilles hein ! Et de quoi
qu’on est nous pour arriver à être ce que nous sommes. Ebé s’il fallait recommencer je ne
recommencerai pas c’est trop dur et trop de batailles. On est nase. On est passé grenouilles et
on est né du poisson. La grenouille et le poisson sont très intelligents. Tout sort d’eux, broyés
dans le ciel. On est né poisson, grenouille, poireau, oignon, vache, arbre, mouton, ange, vin,
enfant et homme, et oui ! oui ! Chaque chose c’est un coup de broyage. C’est un coup de
cycle. Par la pluie c’est le broyage. Le vent, la pluie, ils ravinent les falaises. Le sable c’est du
broyage de terre et la terre du broyage de poissons. Mais c’est beau, c’est beau, c’est beau.
Les mains par exemple, les mains. Vous ne trouvez pas que c’est, beau, les mains ? C’est
ce qu’on a de mieux. Si. Ça pense les mains, ça pense bien les mains, c’est bien les mains, oui
c’est bien. Regardez !
Projection de cent mains dans le ciel tandis que Berthe s’asperge de sentbon :
C’est du sentbon du bon sentbon j’adore
ça me purifie rifie
ça
me fait neuve du sentbon je m’en asperge.
Et si c’est beau. Y a que les tunisiens
où que c’est pas terrible leurs mains Parce que
y en a un en bas de chez moi, il travaille au port autonome à à Bacalan et alors il a les mains
toutes cassées, mais... quand même. Ah mais! Ils sont hospitaliers ces tunisiens. C’est vrai que
nous autres, nous autres les Français on se prend pour les rois de la carotte. Oui. Pfouh ! Pardon !
Oui, on se prend pour les rois de la carotte, mais... Il faudrait pas que, trop la ramener quand même
et faire nos prétentieux, Parce qu’on va l’avoir la punition. Il va nous tomber dessus le châtiment
comme la misère. Hébé ! Alors attrape à courir, petit. Hihi ! Mais ce sera trop tard, il nous tombera
dessus à fanfaronner comme on le fait. Parce que nous les Français on se croit intelligents éh, les
plus supérieurs. Mais un autre plus intelligent va arriver et il nous passera à toutes les
transformations. Et on aura l’air malin oui. Et on fera rire de nous tout le monde. Il faut pas la
montrer votre supériorité sinon il vous en coûte, il vous en coûtera. C’est jaloux. C'est jalousie les
divinités. Alors attrape à courir, oui, tu parles... le plus fort il vous transformera, oui. C’est cruel,
mais c’est comme ça. Parce que si on faisait attention à tout, à tout. On reçoit des leçons de tout,
pauvre de nous, mais on y fait pas attention, on fait bien des promesses mais après, téh…
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Théâtre Après l’Assassinat du Président Kennedy
Parce que l’autre jour, justement je disais à Madame Berton. Y a du linge et, que des
personnes de qualité, et bien habillées, du beau monde, oui ! C’est pas comme nous, pauvre !
Remarquez, je vis honnêtement, je brode et je fais le ménage, y a pas de honte la-dedans, mais
enfin. Alors l’autre jour, Madame Berton elle me dit, Berthe, maintenant que vous avez fini le
repassage, vous allez allez balayer le balcon. Non Madame que je me le lui dit, je ne balaiera pas
le balcon
Elle fait semblant de faire l’étonnée, la mijaurée et tout le tralala qui va avec.
Alors je lui mets le point sur le i. Je ne balaierai pas les crottes de pigeon sur le balcon,
parce que si un jour j’étais transformée en crotte de pigeon, je n’aimerais pas qu’on me balaye.
Voilà. Il faut faire attention à ne pas les vexer, parce qu’après… ça peut ouvrir le danger en
grand en très grand en très, très grand
ça peut faire descendre les phalanges
les faire
descendre en grande, grande colère
et alors ?
Elle déballe des tas et des tas de poche en plastique cassantes, jaunies et vieillies d’où
elle sortira de tas de moineaux, mésanges et autres fauvettes morts plus ou moins momifiés.
Berthe sale et poivre chaque bête et les remet dans les poches sans fin. Puis elle en sucre
quelques uns qu’elle a sorti des poches.
Alors à nous les joies des mutations et des transformations et des broyages et des
rotations retournées et des pulvérisations et des dévergondations et des réincarnations dans
leurs jambes de délicatesse et des et des et des et des mouvementations et des fluidités
électriques et de toutes les putréfactions et et et et encore. C’est ça la mort de la vie
périr dans l’électrique de l’énergie flambé dans le soleil.
Berthe a ôté son foulard violet mais elle le renoue sur sa tête :
C’est carême.
Elle ramasse une des pierres qui lui a servi à créer un gué à défaut d’un pont ; elle la
dépoussière et la lave :
Ohhhh ! Ça va pas, non. Ohh non !
Et non
Elle est toute noire, toute
souillée, il faut que je te lave à fond, fond si tu veux bâtir une maison
ou un pont enfin,
si tu veux que l’on te choisisse au milieu de toutes ces pierres. Faut que chrome-nickel tu sois
absolument
toute ripolinée de neuf. Toute lisse à en être plus que neuve. On ne fait
jamais attention aux pierres,
on ne les soigne jamais
ébé on est dans le tort. C’est
important les pierres c’est elles qui tiennent la terre la tiennent et la retiennent
autrement
elles partiraient à se faire broyer si elles sont pas propres propres
et oui ébé oui elle va
être la toute belle comme ça elle sera humm hummhh ! hum ! Aïe aïe Je suis pas dans le
bien, j’ai une voix de craie éraillée dans le bémol
faudrait que je me sucre et douceur ou
faudra… rhummhh !
Lorsqu’elle sucre comme en ce moment certaines momies d’oiseaux, elle lance :
C’est mes préférés que je sucre.
Je les adorent ceux-là
ils méritent quelques
gâteries
Celui-là je l’adore, je vais le sucrer à merveille
Faudrait que je m’en enfile du sucre
rien que pour soigner ma voix
Enfin
pas seulement je suis très friande de sucre très
en abondance même
en overdose
très
très très absolument
énormément terriblement
à m’en bâfrer à mort
je
peux pas m’en passer
c’est fringale chez moi le sucre
je m’en barbouillerais à
succomber je mangerais du sucre et du sucre que du sucre à me massacrer la dentition si je
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Théâtre Après l’Assassinat du Président Kennedy
pouvais
c’est que j’ai jamais eu de sucre pendant mon enfance
jamais même la chienne
elle avait son sucre à la ferme pour faire la belle moi jamais
même quand je faisais la belle.
Je n’ai jamais connu le sucre ni les douceurs.
Et donc elle se sucre. Ce qui signifie que, comme les mots l’indiquent, elle se sucre
sans manger le sucre. Mais à la fin elle peut manger du sucre en s’en bâfrant ou non, je crois.
Madame Berton, elle me fait bricaner. J’aime pas bricaner, bricaner. Elle me fait repasser
pour la quatrième fois où l’on a déjà briqué. Là où les autres ont passé, non mais. J’aime briquer
mais quand ça se voit, pas pour refaire. Mais ça c’est… c’est comme… Il ne faut jamais dire que
l’on n’aime pas les oignons parce que si un jour on est transformé en oignon. Eh, j’aimerais
bien être transformé en oignon hihi ! En oignon, on fait pleurer les gens hihi ! Et on vous
effeuille couche par couche comme ça…
Elle brandit un oignon et si possible une intolérable odeur à pleurer envahit l’espace
ainsi qu’un ballon genre montgolfière traverse la scène :
C’est tout dans l’agréable
Ou poireaux, il ne faut pas dire que vous n’aimez pas
les poireaux, parce que… et plâtre de même.
Moi j’aimerais bien être transformée en plâtre. C’est blanc,
blanc blanc tout blanc
immaculé, tout lisse. On vous pose la main dessus
c’est caressant, très caressant. On
vous colle un joli papier dessus pour vous couvrir, avec des fleurs des fleurs de papier qui
ne se fanent jamais jamais. C’est joli, c’est joli mais c’est joli joli.
Berthe s’asperge encore de sentbon. Elle s’en aspergera plusieurs fois d’ici la fin de
la pièce.
Puis elle colle des petits carrés de papier peint sur le mur.
J’aime, j’aime beaucoup énormément.
J’aime les fleurs, moi, j’aime les fleurs. Vous voyez c’est un vrai reposoir chez moi. Il
faut aimer les fleurs car si vous êtes transformées en fleurs. Il faut rester là et les écouter avec
leur musique de fleurs qui montent leurs tiges vers le ciel. Parce que tout se tourne vers le ciel
c’est là où il y a la fluidité divine, les petits enfants qui brûlent dans le soleil.
Parce que. Le soleil est le soleil. Mais avant, tout était broyé, la nuit le jour, la nuit le
jour, la nuit le jour, la nuit le jour. Et puis y a eu le soleil qui est monté de l’eau, de la chaleur
des océans. Mais le jour où le soleil a éclaté. Ebé c’était pas beau à voir ! Et ce grand
hurlement de soleil qu’il était. Et tout qui était feu et broyage de flammes éclatées et électricité. Et grande chaleur de milliard et de milliard de chaleur. Et tout rouge, tout en
pulvérisation, tout en bruit. C’est comme ça que sont nés les enfants de la chaleur du soleil
dans les océans. Et que le soleil a éclaté et que le soleil se répand alors, partout. Il coule dans le
ciel en nuage de feu.
Rouge, tout rouge. Ceux sont les enfants qui brûlent dans le ciel. Le ciel est le monde
des enfants. C’est tout plein d’enfants le ciel, qui flambent dans le soleil. Vous avez pas vu au
soleil couchant, quand le ciel est rouge. Tout le sang des enfants qui brûlent dans le ciel. Et c’est
hurlement. C’est terrible, terrible, mais c’est beau. Je l’entend, je 1’entends. Tous ces enfants
tranchés dans le ciel qui coulent de fluidité, de cosmique et de sang. Si c’est pas malheureux, mais
c’est grand. Et le ciel éclairé par les phalanges, les enfants qui brûlent dans le ciel. Toutes ces
phalanges d’enfants broyés dans le soleil rouge. Tous ces enfants, ils viennent des océans, c’est
l’énergie du monde, de la spiritualité, de la matière spiritualisée en attente. C’est prodigieux,
prodigieux. Ils me dictent le soir.
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Théâtre Après l’Assassinat du Président Kennedy
Alors quand vous lancez des avions et des fusées, les chariots du ciel comme ils les
appellent, les avions, vous atteignez quelqu’un, les enfants. C’est les anges que vous atteignez. Les
anges et les enfants c’est pareil. Je le sais, ils me le dictent. Je suis l’épouse des anges. Ils
contiennent la mémoire du monde. Et les phalanges du Japon éloignent les continents. Alors
les avions, ils tronçonnent les enfants, les dévergondés qu’ils appellent, phalange par
phalange. Parce qu’ils sont plus fixes à présent alors en dévergondation, en dévergondation, ils
sont les pauvres. Et c’est joli de les entendre, c’est très beau de les entendre les enfants qui
brûlent le soir dans le ciel. Ils ont une jolie voix. Moi je n’ai pas une jolie voix...
Ah non
! C’est pas comme Madame Verjus, elle avait une belle voix, d’ailleurs elle était de l’Ariège.
Elle met à cuire au four assiettes, verres, plats, couverts, etc…
Dans le ciel, c’est plein de cadavres, car comment c’est éclairé la nuit et le jour. Vous
lancez des fusées qui tronçonnent les enfants et le sang des enfants qui brûlent, éclairent le jour.
Mais croyez-moi à force de rouler dans le ciel avec les fusées, un jour elles vont se mettent en
colère les phalanges. Ebé pauvre de nous. Ebé les enfants refuseront d’éclairer le jour et ils feront
pleuvoir. Et ils feront des trous, de grands trous, pas des trous comme font les avions dans le ciel,
de grands trous où le ciel tombera sur la terre et ce sera le châtiment, et oui... Parce que les
avions dans le ciel et vous croyez que cette pesanteur ne les gène pas et vous roulez sur les
cerveaux des enfants. Et ça finira mal, parce que les enfants ils en ont marre de brûler tout le
temps, tout le temps, dans le ciel en dévergondation, tronçonnés par les avions. Ils veulent se
réincarner, mais ils ne peuvent pas, ils ne peuvent pas, parce qu’ils veulent vivre et vous ne
voulez pas, vous ne voulez pas d’enfants. Vous faîtes, chacun fait des enfants ce qu’il veut. S’ils
les font chevaux, s’ils les font vaches, s’ils les font mouton, s’ils les font chaises, tables. Mais ils se
réincarneraient dans n’importe quoi, dans de la crotte, plutôt que de continuer à brûler dans le ciel.
A nouveau Berthe sur sa tête noue le foulard violet qu’elle avait dénoué :
Parce que
bien sûr, bien sûr
et oui
oui
je ne crois pas que les femmes
jouissent d’être en grossesse
enfin pas toutes. Oui c’est ça.
C’est pour ça que les
enfants brûlent dans le ciel
parce qu’ils ne trouvent pas preneur dans le ventre des femmes
elles ne veulent plus faire d’enfant
et quand elle en font
elles en font un maximum
seulement
alors y a pas renouvellement y a que
sûr toujours plus d’enfants brûlant
brûlés dans le ciel
ils ne trouvent pas preneuse alors ils restent sur le carreau du ciel à
s’incendier cramés y a pénurie de maman sur la terre égoïste il y a indigence ventrale
de
ventre
Ça les déforme les bébés qu’elles disent les femmes
tu parles elles ont l’âme
difforme oui oui. C’est triste
ah ça c’est triste !
pour être triste c’est
très
De toute façon ça déforme toujours la vie y a pas que les naissances ça vous
déforme jusqu’à la poussière à la fin même y a pas que les naissances d’ailleurs qui vous
ruinent la vie et vous minent le corps
c’est la vie elle-même qui vous épuise et vous
suce peu à peu avec le temps qui vous réduit au néant
éh oui éh oui.
Et les enfants, les pauvres enfants, qui brûlent dans le ciel, les pauvres enfants célestes
sont coupés sans fin par les chariots de feu, les chariots du ciel, les avions,
les avions, les
autoroutes, les trains. Tout ce qui circule en grand, en trait.
C’est horrible, c’est
monstrueux-atroce, c’est révoltant-infâme
mais c’est beau, c’est très beau, c’est très, très,
très beau, c’est magnifique.
Un couteau n’arrête pas de hacher menu menu une grande feuille rouge dans une
lumière qui clignote rouge sans fin. Le couteau est peut-être mais seulement peut-être, tenu
par Berthe.
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Théâtre Après l’Assassinat du Président Kennedy
Je brûle avec eux. Ils hurlent tellement tellement qu’ils avortent les décibels. Des
milliards de milliards de décibels qui flambent en flammes.
Ohlalalalalala ! Les petits
enfants qui brûlent et hurlent dans le ciel flamboyant le soir au soleil couchant. Ohlala !
J’en ai le cœur attaché par une ficelle, c’est dire si je suis fragile,
c’est dire
J’en ai le cœur en balançoire
qui s’avorte lui-même dans le retour de l’aller dans le
balancement du vent.
Et Berthe se brûle réellement. L’eau noire dans la cuvette qui était pure au début de la
pièce et qui est devenue noire avec l’encre versée maintenant devient rouge :
Et faut faire dans l’attention, les petits enfants, ils vous sautent dessus, on ne sait pas
comment, ils sont là, ils attendent, ils souffrent tellement les pauvres. C’est beau, mais c’est triste
de les entendre.
Le ciel est éclairé par les phalanges. Les enfants, ils font tourner le monde. Je le sais éh, et
puisque je l’entends. Ça m’est dicté, leurs jambes de délicatesse qu’ils parlent pour les enfants,
mais c’est beau. Quand on voit, au couchant, le soleil rouge et le ciel qui coule dans le ciel, tout
rouge, tout brûlé d’enfants. Elle est la puissance. Les anges, mélangés en transformation, mélangés
avec tous les anges. La prochaine de réincarnation, ils attendent, ils attendent. Chaque fois qu’il y
en a un qui meurt, il y en a un autre qui naît.
Alors Dieu c’est un monstre, monstruosité. Mais on fait bien le commerce des animaux.
Les enfants là-bas au Biafra, que ça meurt comme des mouches avec des ventres comme des
volcans. C’est de la réincarnation qui voudrait se faire et qui peut pas se faire. Qui est ratée. Ils
essaient de tout ces pauvres gosses, même de l’arachide. Et oui. Plutôt que de brûler. Mais s’il
s’en moque Dieu. Mais c’est un monstre je vous dis ! De faire des enfants pour venir à les brûler
mais qu’elle est la mère qui ferait une monstruosité pareille. Les enfants, l’arachide c’est pour
brûler. Les poliomyélitiques à Lourdes c’est raté. Vous, si vous faîtes une chose ratée et bien vous
la jetez. Ce qui est raté est raté. Alors c’est bon pour broyer pour refaire. Dieu n’est pas pour
arranger. Il préfère les remettre à brûler dans le ciel. Alors ils sont nés pour rien. Si c’est pas
malheureux, repartent à brûler. Vous le voyez bien le soir quand passent les phalanges, que tout
le ciel hurle.
Téh ! Les phalanges du Japon sont passées ce matin, il va faire beau, faut s’habiller
légèrement.
Elle prend des carottes dans un vase, les épluche et les remet dans le vase.
On a monté les enfants en haut. La puissance océanique remonte, remonte tout. Leur
intelligence est infinie. Pour faire des étoiles avec le broyage et arriver à les faire hisser. Honte à
Dieu de nous avoir hissé pour que l’on ait une destinée pareille. Jupiter l’a dit, il est mort. Pauvre
enfants, je vous plains si Dieu existait vous seriez tous à broyer et à nourrir les dieux. Il nous
réduirait encore les continents pour nous mettre tous en lumière. Tout est éclairé par les enfants.
Les étoiles c’est des enfants, de broyage en broyage. Et comment on les hisse les étoiles. Aah !
D’en haut de l’eau par leur souffle de eux-mêmes. Ils se montent eux-mêmes par leur puissance.
L’énergie atomique elle est dans l’eau. La nuit et le jour cherchez la dans les cinq continents. Non ! Oui
! L’équateur. C’est rien. Un mensonge. Une ligne ronde sur la terre toute plate ! C’est comme la tête
des enfants dans le ciel c’est plat, par plaques, que coupent les avions. Tous est plat. Mais c’est un être
ignoble Dieu. C’est un criminel, le plus grand criminel pour les enfants qui pleurent dans les océans.
On les entend le soir, les enfants qui brûlent dans le ciel. J’entends tout, j’entends tout.
Attendez ! J’entends. Y a que moi qui entends c’est dommage et c’est tant pis tant pis qu’est-ce
que je peux y faire ?
hein ?
rien rien Ah oui et oui j’entends, j’entends
Moi
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Théâtre Après l’Assassinat du Président Kennedy
j’entends tout. Je les entends là. C’est le soir au coucher du soleil vers les 7 heures que je les
entends. Maintenant. Vous voyez, je mange là et j’entends ici. J’entends mieux ici, alors je me
mets ici pour les entendre Ici. Et et aujourd’hui le temps est au crime
Berthe regarde à nouveau le mur, les feuilles d’or ne vibrent pas. Elle en est toute
étonnée. Aussi se lève-t-elle, souffle-t-elle sur le mur et les feuilles se mettent à frissonner.
Ouf ! La voilà rassurée.
Si j’avais vécu du temps de Jeanne d'Arc, je serais brûlée, depuis longtemps. Elle s’était
une pauvre idiote. Elle n’avait qu’à être plus franche. Moi je fais mon devoir. Il faut que tout le
monde sache que ce qu’il croit est faux. Qu’on leur a dit que des sottises, des tromperies et des
mensonges. On me dicte, ça m’est dicté toue ma connaissance. Ça ne peut pas être de moi,
pauvre, parce que… au couvent j’étais sotte. C’est Mademoiselle Berthe qui me faisait les lettres,
c’est fffffffffffffffff maintenant, ils me dictent tout. Je viens d’écrire sous leur dictée. Mais
faudrait qu’on me corrige mes fautes ! Parce que ça j’en fais des fautes d’orthographe. Ma lettre
ça commence … Monsieur le Ministre des Armées, à Pâques, vos avions en passant dans le
ciel…
Parce que tout est électricité. On marche tous à l’électricité, on est tout électrique. On
est, tout est spiritualité. La terre, la terre ébentine. Oui, oui. C’est de l’essence, l’électricité.
Dans le ciel, partout, tout est mouvementation et changement de cycle. Tout souffre, tout
meurt, tout a une âme. L’électricité c’est la fluidité divinisée, il y en a partout. Les électriciens
sont des fils des divinités. Elle est dans toute la matière. Dans les lunes, les soleils, les étoiles
et parce qu’il y a plusieurs lunes et plusieurs soleils, comme les étoiles. Et sont plus grosses
que notre planète ? Non ! C’est pas gros, c’est pas gros, c’est pas gros les étoiles. Ça peut tout
juste avoir une étoile, la pesanteur d’une montagne au Sahara ou l’épaisseur de Pompéi dans
le Vésuve. Les lunes c’est des bulles de lumière, c’est des myriades et des myriades en
fluidité, de l’électricité, de la fluidité divinisée et les carcasses des enfants qui brûlent.
Les divinités font des enfants par leur souffle. C’est pas de la spiritualité ça ? Tout est
spiritualité. Les plantes c’est de la spiritualité, les pierres, les végétaux, les cochons c’est de la
spiritualité. Le ciel, partout, c’est comme une grande mer de spiritualité, d’électricité, voilà !
Et le monde est un bain de électrique.
Parce que, pour la métamorphose, pour la… oui ! Tout est mouvementation et
transformation perpétuellement. Tous change et cycle, cycle, cycle, cycle, cycle, phalange par
phalange. De pulvérisations en pulvérisations, de dévergondation en dévergondation, de
transformation en transformation, de mouvementation en mouvementation, de cycle en cycle les
petits enfants deviennent des hommes. Mais c’est à hurler. Tant et tant de douleur ! Tout se
transforme, tout se réincarne. Tout meurt, tout naît. C’est beau, mais c’est beau ! C’est beau.
Mais que de hurlement, que de pleurs dans ces réincarnations hurlantes dans des myriades et des
myriades de corps d’électrifiés. Et tous ces enfants qui brûlent toujours dans le ciel sans pouvoir
se réincarner.
Elle passe tout à la moulinette.
Je suis malaise comme assujetti au mal
oui tout en calvaire J’habite le vent
il est tempête dans ma tête
en orage et bourrasque
c’est pagaille dans ma tête et
tout dévasté c’est comme un orage qui remonterait mon ventre en le lacérant comme une
fin de commencement perdu en flamme
Mais mais
je suis pas à ce que je fais je
faitout
je suis dans le potage Parce que pour faire de la bonne cuisine faut faire dans le
fondant faut que tout se mêle que tous les sucs se mélangent en réduisant dans l’intense
dans le concentré
que tous les ingrédients fondent les uns dans les autres
pour ne faire
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Théâtre Après l’Assassinat du Président Kennedy
qu’un seul corps
comme les enfants
qui brûlent dans le ciel
c’est le secret
et puis il faut un peu de hasard
un peu de secret et
d’érroné oui
C’est
comme pour faire du bon vin il faut avoir fait beaucoup d’erreur
avoir beaucoup et
beaucoup mijoté dans sa tête pour
en se nourrissant de ses hésitations de ses erreurs
progresser oui
Et si c’est l’expérience
le bon vin vient toujours de l’erreur répétée
et de
la gourmandise
et la bonne bouffe agréable vient toujours d’une grosse
gourmandise
et de l’erreur oui
souvent la cuisine un peu cramée un peu caramélisée
est bien meilleure que
la cuisine réussie à point si par exemple pour prendre un
exemple exemplaire
la confiture de gelée de coin trop cuite c’est délice
c’est bonbon
caramel
c’est délicieux
c’est délicieux
c’est bien meilleur quand c’est tout
chamboulé renversé
tout chahuté
de sucre caramel
C’est comme
la vie c’est tout bousculé la vie chapardé
Quand tu te
postes au coin d’une rue
l’autre
arrive très vite
T’es vite débordé
y a qu’à regarder les broyages de
broyages des petits poissons dans les enfants qui brûlent
dans le ciel à cramer
comme la confiture de gelée de coin c’est vite fait té pardi ! oui
Berthe renoue le foulard violet sur sa tête elle le portait quelque temps auparavant :
Tout tourne y a pas que la roue non
tout tourne oui
C’est la rotation
rotations et rotations et de rotations en rotations et de transformations en mutations et de
mutations en transformations le monde s’éclaire
dans la vie C’est les rotations qui créent
l’électricité
et l’électricité est la pensée du monde qui se lit dans le ciel
l’électricité
c’est le souffle du monde
l’énergie de son cœur palpitant palpité
c’est demain
l’électricité demain
A force de tourner et de tourner de rotater et de rotater en
rotations et de girer on tourne et à force de tourner on se rencontre. Et toute rencontre est un
commencement. Bon je voudrais pas philosophailler parce que
le philosophe est ce
grand charlatan des mots mais
toute rencontre est un commencement en tournant de
rotations en rotations et de transformations en transformations on recommence
on se
recommence et en tournoyant dans le tourbillon du cycle on prolonge
on se prolonge jeté
dans le fleuve de la vie
voilà c’est ainsi.
Ça tourne ça tourne
La terre tourne oui tourne tourne
la terre tourne mais
tourne-t-elle dans le bon sens ? C’est
c’est ça
J’habite le vent
alors je suis le
corps des choses du ciel
et un peu des nuages
mais l’habitais-je assez fort ?
c’est le gros problème
assez gros
je ne sais pas si je vais m’en sortir
c’est ça
Mais mais un jour le soleil tombera du ciel oui
c’est ça oui c’est sûr
Surtout que
oui
Le temps est marron en ce moment et l’heure
défunte oui oh lala Je suis une fille
du vent rien qu’une fille du vent mais
Je parle la grammaire en panne mais
pas les mots non ça les mots je les copieux
je les ai pas en panne je cause je cause
Je parle, je parle, je parle sans fin j’ai le mot
volatil et tout volage oui aussi volatil que le soleil mais
Berthe met le soleil ou plutôt un soleil dans une boîte qu’elle ferme :
Il faut que je l’enferme
il n’en fait qu’à sa tête
il faut toujours toujours qu’il se
balade c’est simple toujours à courir le ciel
de jour comme de nuit
Mais non
attendez ! Il va s’ennuyer tout seul c’est pas humain
ni solaire non plus non non
Elle plonge plusieurs lunes dans la boîte et referme le tout :
15
Théâtre Après l’Assassinat du Président Kennedy
C’est pour lui tenir compagnie il sera moins seul
autrement il risque de perdre son
éclat. Oui oui oui Euh ? Non
non Et non ça va pas ça ! Non ça va pas c’est pas
possible
où qu’on irait
Elle ouvre la boîte en sort les lunes, referme vite la boîte pour ne pas que le soleil ne
s’échappe. Et enferme les lunes dans une autre boîte :
Ils feraient des choses choses
des choses coquines
très coquines
des
choses d’amour des choses qui s’aiment
avec de la chair dedans et des corps qui se
mêlent
à se butiner
des chairs qui se touchent à se presser de caresses
dedans
ensembles
si bien que bientôt il risquerait
d’enflammer la lune
enfin les lunes
jusqu’à l’incendie
Oui de toute façon les lunes il faut les nourrir si l’on veut qu’elles brillent
en éclat
et enfermées dans une boîte elles sont beaucoup plus faciles à alimenter
oui
elles
goinfreraient même oui elles auraient grosse tendance à goinfrer oui
Berthe ouvre le four et découvre un point d’exclamation noir, elle allume le four pour
le cuire.
Berthe s’asperge de sentbon à son habitude.
Les automobiles c’est une transformation de corps et de corps et de corps et de corps et
de corps et de corps et de corps et de corps. Et les machines à laver c’est réincarnation de
réincarnation. La métamorphose, éh la métamorphose et la métamorphose et la métaphysique.
C’est du broyage de divinités. Il faut être des anges pour savoir se transformer en vache ou en
bœuf ou en mouton ou en n’importe quoi. Et le pauvre Jupiter qui était oiseau. Saturne c’était les
fleurs et tout est intelligence. Minerve s’est transformée en baleine. Elle s’est faite capturée après
la chute du soleil. Il flotta dans le soleil où Jésus-Christ fut frappé dans le soleil et c’est Minerve
qui ouvrit le sac solaire. Les lunes c’est des sacs, et des sacs dans le ciel, alors l’embouteillage ! Et
tout ça à broyer, à broyer, à broyer et à broyer.
Entendez ! Entendez ! Il faut entendre : « Ne pouvant pas devenir un enfant, j’accepterais
de devenir un animal. » Tous ces gosses brûlants qui attendent dans les phalanges. En fluidité
c’est comme une spiritualité, Tout à plat, tout à plat, par plaques. C’est mignon de les entendre.
Les animaux sont nos jouets pourtant. Et si on était transformé en chien on aimerait pas... Un ange
métamorphosé en vache. On dit la grenouille et le bœuf. Peut-être on peut devenir des buffles et
des bisons, mais c’est joli les buffles et les bisons. Et quand la lune se cache, comment ça se fait,
hein ? C’est bien par toiles, par toiles et par toiles. Ils font la nuit et le jour. C’est comme qui vous
direz une relève de rideau, quoi ! Toutes les transformations devaient venir du raisin après le
broyage. Ce que vous appelez lune c’est des étoiles. C’est des étoiles, un peu plus grosses c’est
tout, Des gros sacs d’électricité, téh pardis ! Jésus-Christ qu’est-ce qu’il a reçu comme courant
d’électricité quand on a entendu le tonnerre, à brûler dans le soleil. Parce que…
Berthe cherche dans un portemanteau à fringues une carotte qu’elle pèle.
De l’orgueil d’un continent à un autre continent ébé les enfants africains seraient plutôt
nullité, les phalanges du Japon elles, sont intelligentes. C’est le matin qu’on les voit les phalanges du
japon au lever du soleil. Parce que y a un raffinement de méchanceté des chinois et des japonais.
Parce que si on vous met au feu et que la puissance soit telle que ce feu ne vous réduise pas
complètement. Ebé la souffrance, la souffrance : L’électricité et il y est resté combien, 150.000
ans dans le four solaire, Jésus-Christ. Quand il est mort, il ne pouvait ni vivre ni mourir, qu’à
hurler. Alors ils ont bien des raffinements quand même. Parce que les divinités de chine et de
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Théâtre Après l’Assassinat du Président Kennedy
japon ne sont pas flattées de ce qu’on fait les africains ! D’avoir fait courir le bruit que Dieu
pouvait encore exister dans le corps de Jésus-Christ. Ebé les divinités chinoises et japonaises n’en
sont pas flattées. C’est qu’elles sont jalouses entre elles les divinités. C’est que jalousie et combat
pour la supériorité, les divinités. C’est mouvementation. C’est pas beau à voir, c’est pire que nous
et encore plus fort. Ah ! Ils ne se ratent pas. Elles se jalousent, elles se jalousent mais c’est pas
possible. Parce que. Ce qui vous dit que ce n’était qu’une supériorité. Leur infériorité à tous là
haut elle est prouvée. On est tout petit, tout petit.
Elle retourne au portemanteau à fringues où elle a trouvé une carotte qu’elle a pelé et
plonge sa main dans une des poches d’un pantalon pendu :
Je regarde dans sa poche pour voir s’il est riche.
Berthe ouvre le four et découvre que le point d’exclamation noir est devenu, cuit, soit :
un point d’interrogation rouge.
Il est cuit très cuit
tout cuit
tout tout cuit
Parce que,... la température elle a tout changé. Il y en a bien des grands, des grands. Mais
on est tout petit, alors quand il faut faire 5 continents. Et les îles volcaniques c’est par quoi ? C’est
des intérieurs. Des océans en ébullition qui remontent par le trou de la terre. La terre est propre.
La terre repose sur l’eau. Les océans c’est les océans. Le monde il est fait de poissons. Il doit y
avoir de l’intelligence en tout cas là-dessous. Et si j’étais transformée en chandail.
Il s’est fluidifié la nuit et pas le jour. On est surveillé. Mais oui, mais oui ! Elles savent tout. Elles
nous jalousent les divinités, et téh de brûler comme ça, ça ne les met pas dans la colère. Nous
faisons des promesses quand on nous réincarne mais on les tient pas après. C’est les moins
intelligents qui crament. Mais si on continue à refuser les enfants y en aura des châtiments, y en
aura des cancéreuses, hé ! et encore et encore et encore et encore. Les divinités toujours à brûler.
Berthe montre une bouteille d’eau comme si elle l’avait puisée au plus profond,
profond du fond de la terre :
Elle me vient d’un enfant du ciel
d’un rescapé du ciel
oui d’un enfant qui
brûlait dans le ciel du feu du soleil
qui s’est enfui et qui s’est caché au plus profond des
entrailles de la terre pour survivre
dans un glacis de mer Il me l’a donnée c’est un ange
c’est la bouteille d’un ange
C’est une bouteille de pluie
En fait c’est
une bouteille de neige mais la neige a fondu dans le soleil
maintenant c’est une bouteille
de pluie
il l’a recueillie au Blanc Mont
très haut très, très haut
à des 10.000
mètres de mètres d’en haut
et c’est une bouteille d’incendie pour éteindre le feu
qui brûle les enfants dans le ciel oui.
De la pluie a commencé à tomber des cintres sur la scène, pas
pour très longtemps.
Dieu son vrai nom c’est Dieu. On disait Alfa autre fois, au commencement. Mais on veut
obéir à quelqu’un que vous ne voyez pas ? Non ! Cinq continents, on veut lui obéir ? Non ! Les
divinités ne veulent pas le reconnaître Dieu, du seul fait qu’ils ne peuvent pas savoir où il peut
être. Ils disent, ils le disaient encore ce matin, nous ne le reconnaîtrons que dans le Pacifique. Ils
ne veulent pas le reconnaître par sa brutalité. Cinq continents. Cinq continents quand il hissa les
étoiles, elles y sont restées. Mais à présent avec tout ce bordel qu’on leur envoie et les avions et
les spoutnis et bé vous savez ! Ça finira mal. Il n’y a pas de consolation à avoir.
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Théâtre Après l’Assassinat du Président Kennedy
On croit aller au ciel quand on va mourir. Ebé ! Je me ris, je me ris, ah ça ! Que je me le ris
en cataracte, ça me fait rire rire, oui ! Mais qui va vous y porter, qui va vous y porter ? Non, non,
non, non.
Non, parce qu’ils ne s’attendent pas à voir Dieu aimer parce que avec l’intelligence il les
tuerait dans sa magnificence plutôt. Ce qui est tout petit est broyé pour faire de la lumière. Il vous
disait c’est pas dans sa nature à un supérieur de faire l’instruction à plus petit. A des grands, il
apprendrait la transformation mais à des petits, il les broyerait plutôt pour mettre tout en lumière.
Jupiter a dit avant de mourir : « Si Dieu existe, vous êtes tous à broyer pour faire de la clarté. »
Jupiter avant de mourir : « J’abandonne mes phalanges. » hééé! Ebé tachez de le comprendre !
Aaah !
Neptune veut pas qu’on tue ses phalanges. Des divinités et des divinités, il y en a le Saint
Esprit... Jupiter... Saturne était plus mauvais que Jupiter. Vulcain était le Dieu du feu et le dieu
des transformations y a que lui qui a pu se rapprocher du soleil et Jésus est rentré dans le soleil.
Eh ! à l'enterrement de Juin ils ont tous communié, y avait De Gaulle et... mais...où est-il passé le
Christ qu’ils ont mangé, hein ?
A son habitude Berthe noue un foulard violet sur sa tête, foulard qu’elle avait dénoué
avant à son habitude :
Je voudrais changer de langue pour être autre et être neuve oui être neuve dans ma
langue pour dire des choses neuves
dans un langage neuf
Ohlala je suis née toute emmêlée
dans une langue mal débrouillée toute rouillée
mais
mais faut m’accrocher pas déroger et apprivoiser ma langue
J’aurais aimé être deux Je serais plus à deux
Je pourrais mieux servir ma langue
ainsi j’aurais été plus forte
Je m’en serais sortie dans la vie de mort avec une sœur
jumelle
du même âge que moi c’est sûr à deux on épouse mieux la langue j’aurais
moins été dans la peur solitaire des phalanges japonaises c’est certain
j’aurais pu clôturer
ma petite vie dans le vaste monde mais
C’est grand comment le monde ? Comment ?
Combien ?
parce que pour dire le
grand du monde il faut dire l’intense l’intense du monde dans une langue intense dire
l’intense de la vie vivante grouillante géante
brûlante et pénétrante oui je vais découvrir
une langue toute savante qui dira l’impatience vibrante du monde parce que
Ecrire dire dire écrire est ma vocation et ma fonction
mon rôle dans le monde
j’écris les voix qui m’entendent
Elles me parlent les voix comme à Jeanne cette idiote
oui à Arc
elles me dictent le dire du monde les voix oui les voix me dictent le monde
et j’écris sous leur dictée les dire du monde
je m’applique et je m’implique à mort à
écouter ces voix du ciel
à bien retranscrire tout ce qu’elles disent j’en ai écrit et écrit
des cahiers et des cahiers de leur dire et de leur dire
des cahiers
Ils en auraient des volumes
à la au poste de police
ils en auraient des des
volumes
de mes lectures au poste de police de toutes mes lettres que j’ai adressées de
par le monde mes voix
Et après je les retranscris tout dans des lettres que j’envoie à travers le monde a tous
les présidents du monde en résidence du moment à Kennedy, à la reine d’Angleterre, à JupéPompidou
et papa de Gaulle à des Hollande –Toubira et des Valéry au gros destin à
des Kadafi Kadafa
et tout ça comme Merquerelle et Kim Jong-il à tous les puissants
même les impuissants on sait jamais des fois qu’ils se réveilleraient à l’importance. ( Bien
entendu on peut remplacer ces personnages par les dirigeants que nous dictera l’actualité du
moment. )
mais
Jupiter a dit : « De Dieu j’en ai jamais connu. Mais si y a un Dieu au-dessus, c’est ça ce
qu’on cherche. Mais si Dieu existe tout serait encore remis en lumière. » L’électricité,
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Théâtre Après l’Assassinat du Président Kennedy
puisqu’on sait par ses atrocités que quand on voulait pas marcher, il vous brûlait. Il faisait
phalange par phalange. Pensez ! Créer le monde en 7 jours, comment qu’il aurait fait ? Comment
il aurait hissé les enfants dans le ciel et comment qu’il aurait fait et les enfants avec de l’eau. Il
n’y aura pas de fin du monde. Ça n’a jamais existé, ça ne pourra pas exister. Tout est toujours en
mouvementation pour toujours. Il engloutira tous les continents dans les océans, ils disent. Mais
par quelle force ? Voyez les flots ils se calment vite quand même, le déluge c’était minime quand
même le déluge.
Les Dieux sont révolus. Dieu est mort
Et il est pas mort ? Enfin presque…
Non Dieu n’est pas mort Enfin…pas vraiment… pas tout à fait absolument… peut-être…
enfin, il ne sert pas à grand-chose… Dieu ne parle pas notre langue
Il est à l’envers il
stagne toujours derrière les portes…
Et puis de toute manière
je ne suis pas là pour raconter l’histoire mais pour la faire
Faire révolte avec les enfants qui brûlent dans le ciel et procéder au meurtre de Dieu que l’on
balance à son tour dans la fournaise
C’est fin d’un monde du monde
Berthe boit l’eau qui stagne dans la cuvette puis suit une pelote qui se déroule ou qui
s’est déroulée. Elle la suit, aller retour, revient... déroule...
( 9 heures 48. Lundi 14 novembre 2016. Saint Sidoine est célébré, s’agit-il d’un
saint ou d’une sainte et est-il idoine ? Lune neuve et donc invisible à l’œil humain. Erreur,
gravissime erreur ! Au jour d’aujourd’hui et un peu de demain c’est pleine lune, la lune est
complètement pleine et non neuve, c’est-à-dire éteinte. Qui verrai-je apparaître le premier
ce matin dans l’ascenseur ? Une personne ascendante ou une personne descendante ? Une
femme ou un homme ? Allez savoir, le hasard est impénétrable. Quoique. En fait c’est un
couple qui est descendu du sixième. Les feuilles tombent mortes, l’automne est bien
avancé. Le temps fait la gueule, il est d’un gris sale. Rien d’étonnant, c’est de saison.
L’heure est pâle et humide et le ciel se lit éteint. Je vais aller pisser tiens du coup. Les
fenêtres font miroir mais un miroir qui pleure. Aujourd’hui les piques anti-pigeons
semblent efficaces. )
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