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DOCTRINE Publicité comparative : référence au marché et utilisation de superlatifs Cela va faire près de 15 ans que la publicité comparative est autorisée en Belgique moyennant le respect des multiples conditions prévues par la loi (1). Contrairement à ce que certains avaient pu penser à l’époque, cette autorisation de principe des publicités comparatives n’a pas donné lieu à leur prolifération. Néanmoins, si les publicités comparatives n’ont pas été nombreuses et que l’on n’a pas vu apparaître sur nos écrans des comparatifs « chocs » tels que ceux fréquents outre-Atlantique par exemple, les litiges, introduits par les concurrents visés par les comparaisons, n’ont pas manqué. Une question qui s’est souvent posée dans ce cadre est : quand peut-on parler de publicité comparative ? La première partie de cette contribution sera consacrée à l’examen de plusieurs décisions ayant contribué à répondre à cette question. Dans un second temps, nous nous pencherons sur une pratique souvent condamnée, à tort selon nous, à savoir l’utilisation de superlatifs au sein d’une publicité comparative. La publicité comparative La publicité comparative est définie par l’article 2.20° LPMC comme « toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent ». Il s’agit là de la transposition exacte de la définition de l’article 2, c), de la directive 2006/114/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative. (1) Directive 97/55/CE du 6 octobre 1997, modifiant la directive 84/450/CEE sur la publicité trompeuse et transposée en droit belge par la loi du 25 mai 1999 modifiant la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur. Actuellement, la publicité comparative est régie, en droit belge, par l’article 19 de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur (ci-après « LPMC »). 1 ICIP-Ing.Cons. — n° 1, 2014 Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne (2), approuvée par la doctrine (3), cette définition doit s’entendre largement. Ainsi, l’on considérera qu’une publicité est comparative dès lors qu’il y a identification, explicite ou implicite, d’un concurrent ou des biens ou services qu’il offre sans qu’il ne soit requis que celui-ci soit expressément nommé dans la publicité (4). Mais à partir de quand cette exigence d’« identification implicite » est-elle rencontrée ? Dans un arrêt du 29 avril 2004, la Cour de cassation a estimé que constituait une publicité comparative une publicité procédant à une comparaison avec un groupe abstrait de concurrents et exigeant de la part du consommateur un examen complémentaire en vue de l’identification de ceux-ci (5). Le cas d’espèce concernait un magasin qui vendait des livres neufs et d’occasion, revêtus d’une étiquette sur laquelle figuraient deux prix différents. Un panneau se trouvant près de la caisse du magasin indiquait au consommateur que le premier prix était celui conseillé par l’éditeur du livre et que le second prix – inférieur au premier – était le prix pratiqué par le magasin. Cette pratique fut qualifiée par la Cour de publicité comparative, compte tenu de ce que, d’après elle, le consommateur pouvait raisonnablement estimer que le prix le plus élevé était également celui pratiqué par certains concurrents du magasin. Cette interprétation particulièrement extensive de la notion de publicité comparative a été fortement critiquée. Elle a en effet pour conséquence que toute publicité – ou presque – pourrait être qualifiée de comparative, puisque tout produit ou service vanté par une (2) C.J.U.E., 25 octobre 2001, Toshiba Europe GmbH / Katun Germany GmbH, C-112/99, Rec., 2001, p. I-07945, points 28 et s. ; C.J.U.E., 8 avril 2003, Pippig Augenoptik GmbH & Co. KG / Hartlauer Handelsgesellschaft mbH et Verlassenschaft nach dem versorbenen Franz Josef Hartlauer, C-44/01, Rec., 2003, p. I-03095, points 35 et 42 ; C.J.U.E., 23 février 2006, Siemens AG / VIPA Gesellschaft für Visualisierung und Prozeßautomatisierung mbH, C-59/05, Rec., 2006, p. I-02147, points 22 à 24 ; C.J.U.E., 19 septembre 2006, Lidl Belgium GmbH & Co. KG / Etablissementen Franz Colruyt NV, C-356/04, Rec., 2006, p. I-08501, points 22 et 32 ; C.J.U.E., 19 avril 2007, De Landtsheer Emmanuel SA / Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne et Veuve Clicquot Ponsardin SA, C-381/05, Rec., 2007, p. I-03115, point 14. (3) K. Daele, « Interpretatie vergelijkende reclame door het Hof van Cassatie wijkt af van de rechtspraak van het Europese Hof van Justitie », D.C.C.R., n° 66, 2005, pp. 32-33. (4) C.J.U.E., 25 octobre 2001, op. cit., p. I-7945, points 30 et 31 ; C.J.U.E., 19 avril 2007, op. cit., p. I-03115, point 14 ; K. Daele, « Interpretatie vergelijkende reclame door het Hof van Cassatie wijkt af van de rechtspraak van het Europese Hof van Justitie », op. cit., pp. 32-33 ; X. Vermandele, « Publicité comparative : aperçu de la jurisprudence belge récente », D.C.C.R., n° 69, 2005, p. 36. (5) Cass., 1re ch., 29 avril 2004, Ann. prat. comm., 2004, p. 97. 2 ICIP-Ing.Cons. — n° 1, 2014 publicité fait partie d’un marché déterminé et est identifiable et qu’un consommateur, qui a la faculté d’effectuer des recherches complémentaires, sera nécessairement en mesure d’identifier des concurrents actifs sur ce marché. Une telle interprétation extensive de la notion de publicité comparative aurait ainsi pour conséquence de rendre illicite toute une série de publicités « originales » mais non agressives, telles des affirmations générales de supériorité, de leadership, d’exclusivité, etc., qui opèrent une comparaison avec l’ensemble des concurrents de l’annonceur ou avec l’un ou l’autre de ses concurrents, lorsque celui-ci n’est pas identifiable (6). Trois ans après cet arrêt de la Cour de cassation, la Cour de justice a eu l’occasion de préciser sa jurisprudence. Dans son arrêt De Landtsheer, elle a considéré que la publicité comparative est celle qui permet « aux consommateurs d’identifier, explicitement ou implicitement, comme étant concrètement visés par ladite publicité, une ou plusieurs entreprises déterminées ou les biens ou les services fournis par ces dernières » (7). Ce faisant, la Cour de justice a écarté l’interprétation qui avait été formulée par la Cour de cassation. La Cour de justice n’admet en effet pas la qualification de publicité comparative par la simple référence à un groupe abstrait de concurrents mais exige que le consommateur soit en mesure d’identifier, sans recherche complémentaire, et de manière concrète, un ou plusieurs concurrent(s) ou les biens ou services qu’il(s) fourni(ssen)t (8). La publicité comparative par référence au marché Certaines publicités valorisent les biens ou services qu’elles promeuvent, en faisant référence au marché, sans nommer directement les concurrents actifs sur ledit marché (ex. : l’Internet le plus rapide du marché, la voiture hybride la moins chère du marché, etc.). La simple référence « au marché », dans le cadre d’une publicité, permet-elle d’identifier concrètement des concurrents et, ainsi, de qualifier cette publicité de comparative ? (6) C.J.U.E., 19 avril 2007, op. cit., p. I-03115, Conclusions de l’Avocat général Paolo Mengozzi, points 41 et 44. (7) C.J.U.E., 19 avril 2007, op. cit., point 22 ; A. Puttemans, « Publicité comparative et appellation d’origine : la Cour de justice veille à ne pas pousser le bouchon trop loin », J.L.M.B., 2008/4, p. 141. (8) A. Puttemans, op. cit., pp. 141-142. 3 ICIP-Ing.Cons. — n° 1, 2014 La Cour de justice a déjà montré la voie à suivre dans son arrêt De Landsheer (9) susdit. Elle indique qu’une publicité qui fait référence à un certain type de produits est susceptible d’être considérée comme une publicité comparative si un ou plusieurs concurrent(s), ou les biens et services qu’il(s) offre(nt), peuvent être identifiés, même de manière implicite, comme étant concrètement visés par la publicité, eu égard aux circonstances de l’espèce et, tout particulièrement, à la structure du marché en cause. Les juridictions belges ont eu, à plusieurs reprises, l’occasion de se pencher également sur cette question. Ainsi, il a été jugé que lorsqu’un marché qui comprend de nombreux acteurs est dominé par un nombre restreint d’entreprises qui sont bien connues des consommateurs, ceux-ci en identifieront aisément les acteurs dominants, de sorte que la publicité sera considérée comme comparative (10). A contrario, il nous semble que si un marché qui comprend de nombreux acteurs n’est pas dominé par un petit nombre d’entreprises notoires, la simple référence à ce marché ne permet pas l’identification concrète d’un ou plusieurs concurrents et la publicité n’est pas comparative. Par ailleurs, lorsqu’une publicité fait référence à un marché restreint, la jurisprudence considère que le consommateur est à même d’identifier concrètement les quelques acteurs qui se font concurrence et que la publicité est comparative (11). Dans un arrêt récent, la Cour d’appel de Mons s’est inscrite dans la droite ligne de cette jurisprudence (12). Les faits ayant donné lieu à cet arrêt opposaient la société Tecteo, qui exerce son activité sous la marque « Voo » et la société Favco, connue sous le nom de « Billy », soit deux sociétés concurrentes, actives dans le secteur des télécommunications. Fondamentalement, chaque partie reprochait à l’autre de faire de la publicité comparative sans respecter les conditions légales visées à l’article 19, § 1er, LPMC. Plus précisément, Tecteo reprochait à Favco l’utilisation des termes « tout simplement la meilleure offre télécom du marché » et « le meilleur service clien(9) C.J.U.E., 19 avril 2007, op. cit., points 18 à 20. (10) Prés. Comm. Anvers, 2 mars 2010, D.C.C.R., n° 95, 2012, pp. 142 et s. (marché des voyages), et Prés. Comm. Anvers, 22 mars 2007, R.A.B.G., 2007/20, pp. 1325 et s. (marché de la livraison de mazout). Voy. égal. : G.-L. Ballon, « Het identificatievereiste bij reclame », D.C.C.R., n° 95, 2012, p. 154. (11) Voy. Anvers, 17 octobre 1995, Ann. prat. comm., 1995, p. 108 (marché des produits médicaux), et Comm. Anvers, 10 octobre 1996, Ann. prat. comm., 1996, p. 245 (marché des guides téléphoniques). (12) Mons, 16 septembre 2013, Ing.-Cons., 2013/4, pp. 928-954. 4 ICIP-Ing.Cons. — n° 1, 2014 tèle », tandis que Favco faisait grief à Tecteo d’utiliser l’expression « les meilleurs services au meilleur prix ». Bien que Favco n’ait pas explicitement fait référence à Tecteo ni à ses services, la Cour a considéré que le marché en cause, soit le marché des télécommunications, est un marché restreint, dominé par quelques acteurs importants et notoires, qu’un consommateur est aisément et immédiatement en mesure d’identifier et que la simple référence faite à un tel marché permet indirectement au consommateur d’identifier les concurrents directs de Favco. La Cour d’appel de Mons a donc conclu que les publicités de Favco étaient effectivement des publicités comparatives au sens de l’article 2.20° LPMC. Ce raisonnement doit être approuvé selon nous. Examinant la publicité incriminée de Tecteo, la Cour a en revanche estimé que l’utilisation de l’expression « les meilleurs services au meilleur prix » ne constituait pas une publicité comparative, aucune comparaison, explicite ou implicite, n’apparaissant dans la publicité. Le terme « meilleur » induisant nécessairement une comparaison et la publicité de Tecteo concernant le marché des télécoms, dont elle venait de souligner son caractère restreint, impliquant une identification directe des autres acteurs présents sur ce marché, la Cour d’appel de Mons semble se contredire en estimant que la publicité de Tecteo n’est pas une publicité comparative. La Cour ne s’explique pas sur cette « différence de traitement ». Peut-être a-t-elle fondé celle-ci sur le fait que, dans la publicité de Tecteo, la référence au marché n’était qu’implicite, atténuant ainsi le caractère comparatif de la publicité de sorte qu’elle n’incite pas les consommateurs à identifier les concurrents implicitement visés. Une autre explication pourrait résider dans la renommée moindre de Favco sur le marché, de sorte qu’elle a pu considérer que, face à cette publicité, le consommateur ne pourrait identifier aisément et immédiatement Favco ou ses services. À moins encore que cela ne soit la combinaison de ces deux facteurs qui aient incité la Cour à prendre cette décision. Concrètement, il semble en effet peu probable qu’un consommateur moyen qui entend Tecteo se vanter de proposer « les meilleurs services au meilleur prix » établisse, sur la base de ces seuls éléments, une comparaison avec les prix et services des autres opérateurs et en particulier avec ceux d’un opérateur moins connu sur le marché. Partant, si les raisons qui ont motivé la Cour demeurent inconnues, nous approuvons la distinction effectuée. À notre sens, il convient en effet de ne pas étendre à outrance la définition de la publicité comparative et la seule utilisation d’un adverbe ou d’un adjectif comparatif dans une publicité sans autre référence aux 5 ICIP-Ing.Cons. — n° 1, 2014 concurrents de l’entreprise ou au marché dans lequel celle-ci se situe ne devrait pas permettre que pareille publicité soit per se qualifiée de publicité comparative. Comme l’a souligné l’avocat général, dans l’affaire De Landtsheer (13), les conditions, visées à l’article 19, § 1er, LPMC, qu’une publicité comparative doit respecter pour être licite sont très strictes (14), de sorte qu’une telle interprétation extensive aurait pour effet de rendre illicites, ou licites sous conditions, toute une série de publicités qui sont aujourd’hui, par principe, considérées comme licites. La publicité superlative La publicité superlative n’est ni définie, ni même spécifiquement visée par la LPMC ou ses travaux préparatoires, ni par la directive 2006/114/CE. Néanmoins, l’emploi de superlatifs au sein de publicités est chose courante et le consommateur voit fréquemment les annonceurs utiliser des slogans tels que « la meilleure offre », « la voiture la plus fiable », « mieux c’est impossible », « moins cher c’est illégal », etc. Le terme « superlatif » se définit comme « le degré de comparaison de l’adjectif ou de l’adverbe exprimant la qualité ou la modalité à un degré très élevé, supérieure ou inférieure à d’autres (superlatif relatif), ou indépendamment de toute référence (superlatif absolu) » (Larousse, édition 2013). La publicité superlative peut ainsi être définie comme la publicité par laquelle une entreprise fait état de son excellence ou de ses qualités supérieures ou de celles de ses produits ou services. En pratique, la publicité superlative est souvent caractérisée par l’exagération. Dans ce cas, la publicité superlative est dite « hyperbolique », l’« hyperbole » se définissant comme « le procédé qui consiste à exagérer l’expression pour produire une forte impression » (Larousse, édition 2013). Dans deux arrêts récents, la Cour d’appel de Bruxelles a décrit la publicité hyperbolique comme : « een subjectieve reclametechniek die er in bestaat om op een overdreven manier de kwaliteiten van een product aan te prijzen op een wijze die de aandacht moet trekken van de consument » (15). (13) C.J.U.E., 19 avril 2007, op. cit., p. I-03115, Conclusions de l’Avocat général Paolo Mengozzi, points 41 et 44. (14) I. Ferrant, Les pratiques du marché, Waterloo, Kluwer, 2012, p. 51. (15) Bruxelles, 26 juin 2012, Ann. prat. comm., 2012, p. 129, cité par D. Gol, « Actualités en matière de pratiques du marché », in N. Thirion (dir.), Chronique d’actualités en droit commercial, CUP, vol. 43, Bruxelles, Larcier, 2013, p. 166, qui traduit la définition donnée par la Cour comme suit : « une technique de 6 ICIP-Ing.Cons. — n° 1, 2014 Les publicités ayant donné lieu à ces arrêts vantaient respectivement un produit de lessive qui « rend propre et brillant aussi bien à 15° qu’à 40° » et un aspirateur qui « dévore ce que d’autres ne ramassent pas ». La publicité hyperbolique est visée par l’article 84, alinéa 2, LPMC, qui consacre la « pratique publicitaire courante et légitime consistant à formuler des déclarations exagérées ou des déclarations qui ne sont pas destinées à être comprises au sens littéral ». Il est ainsi considéré que, en raison de l’exagération qui la caractérise, elle n’est pas de nature à tromper le consommateur, malgré le caractère amplifié ou parfois inexact du message (16). Au fil du temps, la fréquence de l’utilisation de publicités hyperboliques employant des superlatifs a généré, notamment auprès des juridictions belges, une confusion entre la publicité superlative en tant que telle et la publicité dite hyperbolique. L’examen de la jurisprudence belge amène ainsi au constat que, souvent, les termes « publicité superlative » et « publicité hyperbolique » sont utilisés l’un pour l’autre comme s’il s’agissait de synonymes. À titre d’illustration, dans un arrêt du 4 juillet 2012, la Cour d’appel de Bruxelles a indiqué que « la publicité en cause n’est pas une publicité hyperbolique ou superlative, laquelle consiste à vanter, de manière exagérée, les qualités d’un produit, de façon à susciter l’attention du consommateur » (17). Partant de ce postulat et se fondant sur un arrêt du 26 juin 1998 (18), la Cour précise ensuite qu’une publicité qui vante une qualité objective ne peut pas être qualifiée de superlative ce qui, nous l’expliquerons ci-après, est à nos yeux inexact. De la même manière, quelques mois plus tard, le Président du Tribunal de commerce de Bruxelles affirmant que « la publicité hyperbolique est une publicité dans laquelle le fabriquant exagère les qualités de ses produits par l’utilisation des superlatifs (le meilleur, le plus blanc, le moins cher, etc.) […] » a estimé, qu’« en tout état de cause, les termes “les frites les plus savoureuses” sont une publicité superlative ou “hyperbolique” licite » (19). publicité subjective qui consiste à vanter, de manière exagérée, les qualités d’un produit de façon à susciter l’attention du consommateur » ; Bruxelles, 16 avril 2012, Ann. prat. comm., 2012, p. 83 ; K. Daele, « Vergelijkende reclame : overzicht van rechtspraak (2002-2004) », R.D.C., 2005/7, p. 763. (16) J. Ligot, O. Battard, F. Vanbossele, Les pratiques loyales, 2e éd., Bruxelles, Larcier, 2012, p. 65. (17) Bruxelles, 4 juillet 2012, Ann. prat. comm., 2012, p. 156. Voy. égal. en ce sens : Prés. Trib. Comm. Nivelles, 18 juillet 2003, Ann. prat. comm., 2003, p. 213 ; Prés. Trib. Comm. Anvers, 8 janvier 2009, Ann. prat. comm., 2009, p. 117 ; Bruxelles, 22 février 2011, Ann. prat. comm., 2011, p. 98. (18) Bruxelles, 26 juin 1998, Ann. prat. comm., 1998, p. 127, et voy. égal. en ce sens : Prés. Trib. Comm. Bruxelles, Ann. prat. comm., 2002, p. 237 ; Bruxelles, 29 janvier 2004, Ann. prat. comm., 2004, p. 122 ; Bruxelles, 26 juin 2012, op. cit., p. 141 ; K. Daele, « Vergelijkende reclame : overzicht van rechtspraak (2002-2004) », op. cit., pp. 763-764 et jurisprudence citée. (19) Prés. Trib. Comm. Bruxelles, 17 septembre 2012, Ann. prat. comm., 2012, p. 202. 7 ICIP-Ing.Cons. — n° 1, 2014 Si la publicité superlative est, en soi, licite (20), tout comme la publicité hyperbolique (21), il n’est pourtant pas sans intérêt de les distinguer. Les termes « superlatifs » et « hyperboliques » ayant une signification distincte, il convient, à notre sens, de ne pas les confondre. Une publicité hyperbolique n’est pas nécessairement superlative et inversement. Les travaux préparatoires de la loi sur les pratiques du commerce de 2007 (22), relatifs à l’article 84, alinéa 2, LPMC, confirment cette interprétation. En traitant des publicités manifestement exagérées, ils ne font aucune référence aux publicités superlatives. D’ailleurs, ils fournissent notamment un exemple de publicité manifestement exagérée, n’utilisant aucun superlatif : une boisson énergisante qui « donne des ailes ». Dans l’autre sens, une publicité faisant état de ce qu’un produit est « le moins cher » ou un service d’accès à Internet « le plus rapide » n’est pas nécessairement une déclaration exagérée et pourtant, il s’agit bien d’une publicité qui doit être qualifiée de superlative, en ce qu’elle fait usage d’un superlatif et met en exergue une qualité d’un produit, portée au plus haut degré. L’usage de superlatifs dans une publicité comparative Une certaine doctrine, notamment dans le nord du pays, considère que tout usage du superlatif au sein d’une publicité comparative est de facto impossible (23). D’autres estiment que publicité comparative et superlative ne s’excluent pas nécessairement et que si le superlatif utilisé traduit une réalité, objective et vérifiable, l’usage de ce superlatif doit être admis (24). Enfin, certains considèrent que l’usage de superlatifs serait possible si le caractère manifestement exagéré du superlatif est clairement décelable malgré la comparaison objective opérée (25). Si, sur le fond, comme nous l’expliquerons ci-après, nous approuvons la troisième tendance, elle part, à l’instar de la première position exposée, du postulat, (20) Voy. not. : F. Longfils, « Publicité comparative et publicité superlative : où sont les limites ? », Ann. prat. comm., 2003, p. 230. (21) Art. 84, al. 2, LPMC ; G. Straetmans, « Over hyperbolen, misleiding en vergelijkende reclame », D.C.C.R., n° 73, 2007, p. 152. (22) Doc. parl., 2006-2007, n° 2983/001, p. 26. (23) En ce sens : H. De Bauw, « Misleidende reclame en superlatiefreclame », Ann. prat. comm., 2009, p. 160 ; K. Daele, « Vergelijkende reclame : overzicht van rechtspraak (2002-2004) », op. cit., pp. 763-764 ; Prés. Comm. Bruxelles, 20 septembre 2002, Ann. prat. comm., 2002, p. 226. (24) L. Van Bunnen, « La publicité comparative sous le régime du droit communautaire », R.C.J.B., 2007/4, p. 566 ; F. Longfils, op. cit., p. 230 ; Bruxelles, 4 décembre 2002, Ann. prat. comm., 2002, p. 130 ; Prés. Comm. Bruges, 2 octobre 2003, Ann. prat. comm., 2003, p. 232. (25) G. Philipsen, « Identificatie en inhoud : twee topics in de moeilijke relatie tussen vergelijkende en hyperbolische reclame », Ann. prat. comm., 2012, p. 128. 8 ICIP-Ing.Cons. — n° 1, 2014 à notre sens erroné, que toute publicité superlative est nécessairement hyperbolique et que, dès lors, elle ne peut en principe pas satisfaire à la condition d’objectivité requise par l’article 19, § 1er, 3°, LPMC. Dans son arrêt du 16 septembre 2013, déjà évoqué, la Cour d’appel de Mons prend clairement position pour le deuxième courant. Examinant les publicités de Favco (« tout simplement la meilleure offre télécom du marché » et « le meilleur service clientèle »), la Cour va les juger illicites, non pas en raison de l’usage d’un superlatif, mais parce qu’elle constate que le consommateur ne sait pas, à la lecture du message, quels sont les éléments de la comparaison ni en quoi l’offre de Favco est objectivement la meilleure du marché ou offrirait le meilleur service clientèle. Elle conclut que la comparaison opérée ne repose dès lors sur aucun élément objectif, de sorte que les conditions de l’article 19, § 1er, LPMC, ne sont pas réunies. Il ressort de l’interprétation de la Cour qu’une publicité comparative qui fait usage d’un superlatif est licite si la comparaison effectuée respecte le prescrit de l’article 19, § 1er, LPMC, et porte donc notamment sur des éléments objectifs et vérifiables. Ce raisonnement nous paraît devoir être approuvé : une publicité superlative qui porte sur des éléments objectifs et vérifiables et qui, ce faisant, met en exergue le(s) point(s) fort(s) d’un produit, d’un service ou d’une entreprise et démontre ainsi, de manière objective et vérifiable, sa supériorité par rapport à la concurrence, doit être autorisée. À notre sens, ainsi que le suggère Geert Philipsen dans sa récente contribution évoquée ci-dessus (26), le même raisonnement pourrait être étendu à l’usage d’hyperboles dans le cadre des publicités comparatives. S’il sera probablement plus complexe de respecter les conditions d’objectivité et de vérifiabilité requises pour les publicités comparatives, celui-ci ne devrait pas d’emblée être considéré comme illicite. On pourrait ainsi imaginer un tableau comparatif réalisé de façon parfaitement objective sur la base de critères vérifiables et accompagné d’un slogan tapageur et hyperbolique. De telles publicités sont de nature à attirer l’attention des consommateurs sur différentes caractéristiques des produits ou services d’une entreprise qui sont objectivement supérieurs, d’un point de vue qualitatif, à ceux de la concurrence, ce qui est bénéfique pour le consommateur. Tout est donc question d’espèce, de pondération et de justesse dans le choix des termes utilisés dans une publicité comparative. (26) G. Philipsen, op. cit., p. 128. 9 ICIP-Ing.Cons. — n° 1, 2014 Si l’utilisation de superlatifs trop généraux, tels que « meilleur », ou qui ne se fondent pas sur des éléments objectifs ou vérifiables doit être sanctionnée, en ce qu’ils sont susceptibles de tromper le consommateur, l’emploi de superlatifs précis, relatifs à des qualités avérées, nous semble devoir être admis. Ainsi, si, dans l’arrêt susmentionné (27), Favco avait indiqué offrir au consommateur « l’Internet le plus rapide du marché » et avait été en mesure de démontrer que son service d’accès à Internet est effectivement plus rapide que celui de ses concurrents, la Cour aurait, selon nous, dû admettre la licéité de cette publicité. Conclusion Ce bref passage en revue de la jurisprudence récente en matière de publicité comparative nous amène à un constat mitigé. Pour ce qui est l’identification des publicités comparatives, après l’interprétation pour le moins extensive donnée par la Cour de cassation dans son arrêt du 29 avril 2004, il nous semble que la jurisprudence belge, guidée par la Cour de justice, est revenue à une position plus pondérée où l’identification concrète du ou des concurrent(s) visé(s), si elle peut être implicite, est néanmoins requise. L’identification des concurrents doit alors être appréciée in concreto, notamment en fonction du marché en cause ce qui correspond à la pratique courante qui veut que les publicités soient appréciées globalement et dans leur contexte. Par contre, considérant l’utilisation des superlatifs dans les publicités comparatives, il faut à notre sens espérer que la jurisprudence de la Cour d’appel de Mons fasse « tache d’huile » et que l’idée selon laquelle les superlatifs sont, par principe, interdits dans les publicités comparatives soit désormais définitivement abandonnée. Sans pour autant modifier le paysage publicitaire belge, cette clarification pourrait peut-être octroyer un peu plus de liberté – bienvenue – aux annonceurs empêtrés dans les lourdes conditions imposées pour l’utilisation de publicités comparatives. Nicolas Berthold Avocat au Cabinet Sybarius & Johanne Ligot Avocat associé au Cabinet Sybarius (27) Mons, 16 septembre 2013, op. cit., p. 928. 10 ICIP-Ing.Cons. — n° 1, 2014