Nouveaux aspectsde la prise en charge de l`hypertension artérielle

Transcription

Nouveaux aspectsde la prise en charge de l`hypertension artérielle
pratique
Nouveaux aspects de la prise en
charge de l’hypertension artérielle
chez le patient insuffisant rénal
chronique
L’hypertension artérielle (HTA) est fréquemment rencontrée
chez les patients insuffisants rénaux chroniques (IRC). Qu’elle
soit primaire ou secondaire à la maladie rénale, l’HTA demeure un facteur de risque important non seulement pour la
progression de la maladie rénale mais aussi pour la survenue
d’événements cardiovasculaires. L’objectif de cet article est
de passer en revue les différentes modalités de prise en
charge des patients hypertendus en IRC sans traitement substitutif rénal.
Rev Med Suisse 2014 ; 10 : 1668-72
N. Vakilzadeh
O. Phan
V. Forni Ogna
M. Burnier
G. Wuerzner
New aspects of hypertension management
in patients with chronic kidney disease
Hypertension is a frequent finding in patients
with chronic kidney disease. Whether primary
or secondary to renal disease, hypertension
remains an important risk factory for the pro­
gression of chronic kidney disease and the
occurrence of cardiovascular events. The ob­
jective of this paper is to review different
treatment strategies in hypertensive CKD pa­
tients, with the exclusion of patients with renal
replacement therapy such as dialysis or renal
transplantation.
introduction
L’insuffisance rénale chronique (IRC) est caractérisée par une
perte progressive de la masse néphronique. Il en résulte une
augmentation de la pression intraglomérulaire qui favorise la
perméabilité glomérulaire et par conséquent la protéinurie.
L’IRC, définie par un débit de filtration glomérulaire l 60 ml/
min/1,73 m2, a une prévalence de l’ordre de 2 à 12% en Europe
et aux Etats Unis.1,2 Il existe une association entre le déclin de
la fonction rénale et la survenue d’événements cardiovasculaires. Ce risque car­
diovasculaire devient plus important dès que le débit de filtration glomérulaire
estimée (eGFR) est l 45 ml/min/1,73 m2.3 Cette association est en partie expli­
quée par une augmentation de la prévalence de l’HTA à mesure que la fonction
rénale diminue,4 comme le montre l’analyse des données de la Swiss Salt Study,
une étude populationnelle suisse (figure 1).
Le contrôle de la pression artérielle (PA) chez les patients hypertendus en IRC
permet de ralentir la péjoration de la fonction rénale 5,6 et diminue également la
survenue d’événements cardiovasculaires. C’est pourquoi, il est si important de
bien contrôler la PA chez les patients qui présentent une diminution de leur fonc­
tion rénale.
valeurs-cibles de la pression artérielle
Si, d’un point de vue physiopathologique, la réduction de la PA fait sens, il
n’existe que peu de preuves par rapport aux PA cibles à viser. Ceci explique en
partie pourquoi les recommandations, basées sur des avis d’experts, diffèrent
entre elles. Les recommandations concernant les PA à viser chez les patients avec
une IRC ont varié au cours des dernières années. Les dernières recommandations
KDIGO (Kidney Disease : Improving Global Outcomes) datant de 2012 proposent
de viser des PA cibles l 130/80 mmHg chez tous les patients IRC qui présentent
une albuminurie L 30 mg/24 heures. La Société européenne d’hypertension (Eu­
ropean Society of Hypertension – ESH) propose de viser des PA l 140/90 mmHg
chez les patients en IRC, et ceci indépendamment de la protéinurie.7 De fait, une
revue systématique d’Upadhyay et coll., s’intéressant aux PA cibles à viser chez
les patients IRC, n’a pas réussi à mettre en évidence de bénéfices à atteindre des
PA l 130/80 mmHg par rapport à des PA l 140/90 mmHg. Des PA l 130/80 mmHg
pourraient potentiellement être bénéfiques pour les patients avec une protéinurie
plus importante (L 3 g/24 heures).8 A contrario, des PA trop basses (l 110 mmHg
1668
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 10 septembre 2014
28_32_38098.indd 1
04.09.14 09:23
100%
Tableau 1. PA cibles : recommandations KDIGO
2012 et ESH 2013 en fonction de l’albuminurie ou
de la présence d’un diabète
Swiss Salt Study (2010-2011)
KDIGO : Kidney Disease : Improving Global Outcomes ; ESH : European
Society of Hypertension.
Prévalence de l’HTA
80%
KDIGO – Guidelines 2012
60%
40%
20%
PA systolique PA diastolique
cible (mmHg) cible (mmHg)
Insuffisance rénale chronique (IRC)
et albuminurie l 30 mg/24 h
ou rapport albuminurie/
créatininurie l 3 mg/mmol
l 140
l 90
IRC et albuminurie L 30 mg/
24 h ou rapport albuminurie/
créatininurie L 3 mg/mmol
l 130
l 80
Hypertendu non diabétique
l 140
l 90
Hypertendu diabétique
l 140
l 85
ESH – Recommandations 2013
Pas d’IRC
Stades 1-2
Stades 3-5
Stade d’insuffisance rénale chronique
Figure 1. Prévalence de l’hypertension artérielle
(HTA) dans la population suisse selon la fonction
rénale
Insuffisance rénale chronique (IRC) stades 1-2 : eGFR L 60 ml/min/1,73 m2 ;
IRC stades 3-5 : eGFR l 60 ml/min/1,73 m2.
de systolique) pourraient s’avérer délétères, comme cela a
été démontré chez les patients diabétiques de type 2.
Pour les personnes âgées avec une IRC, il n’existe ac­
tuellement pas de recommandations claires concernant les
PA cibles à appliquer. D’après une étude de cohorte amé­
ricaine chez des vétérans en IRC, il semblerait que les PA
cibles optimales pour diminuer le risque de mortalité glo­
bale se situeraient entre 130-160/70-89 mmHg.8 En l’absen­ce
de consensus clair pour cette population à risque, il semble
judicieux d’adapter les valeurs tensionnelles cibles en fonc­
tion des comorbidités et des résultats des examens para­
cliniques. Les traitements antihypertenseurs devraient être
introduits progressivement et les effets indésirables régu­
lièrement contrôlés. Les PA cibles selon les recommanda­
tions KDIGO et de l’ESH sont résumées dans le tableau 1.
mesures hygiéno-diététiques
L’administration de plusieurs médicaments antihyper­
tenseurs, associée à des mesures hygiéno-diététiques, de­
meure souvent nécessaire pour obtenir les valeurs tension­
nelles dans les cibles. La réduction des apports sodés
permet de diminuer la protéinurie ainsi que les valeurs
tensionnelles diurnes et nocturnes. Elle permet également
d’augmenter l’efficacité des bloqueurs du système rénineangiotensine, associés ou non à des diurétiques. Néanmoins,
les recommandations concernant les apports journaliers en
sodium sont devenues un sujet de controverse depuis que
certaines analyses post-hoc ont montré l’existence d’une
courbe en «j» lorsqu’on étudie le risque de complication
rénale en fonction des apports sodés.9 Une limitation trop
stricte des apports sodés pourrait donc avoir un effet délé­
tère sur les reins. Des études prospectives randomisées sup­
plémentaires sont nécessaires pour confirmer ces observa­
tions et, dans le contexte actuel des connaissances, nous
recommandons aux patients hypertendus et insuffisants
rénaux de consommer 5-6 g de NaCl par jour.
D’autres mesures telles qu’une consommation d’alcool
modérée (m 1 unité par jour), une pratique régulière d’exer­
cices physiques, une perte de poids en cas d’IMC M 25 kg/m2
ou une diminution des apports en acides gras saturés peu­
vent aider à diminuer la PA lorsqu’elles sont associées à
une diminution des apports sodés.10,11
place des inhibiteurs du système rénineangiotensine-aldostérone (sraa)
L’introduction d’un inhibiteur du SRAA est parfois re­
doutée chez les patients IRC en raison du risque d’augmen­
tation de la créatininémie et de la kaliémie. S’il est vrai que
l’introduction de cette classe de traitement nécessite quel­
ques précautions, dont une surveillance de la créatininémie
et de la kaliémie, les bloqueurs du SRAA demeurent néan­
moins le traitement de choix dans la prise en charge des
patients hypertendus protéinuriques avec ou sans IRC. Cette
classe de traitement ne contribue pas seulement à baisser
la pression artérielle mais diminue également la protéinurie
et la progression de l’insuffisance rénale indépendamment
de son effet antihypertenseur. Plusieurs études ont permis
de mettre en évidence que la réduction de l’albuminurie est
prédictive de la réduction du risque de survenue d’événe­
ments cardiovasculaires et rénaux.12-14 L’utilisation de blo­
queurs du SRAA est donc fortement recommandée chez
les patients présentant une protéinurie L 30 mg/24 heures.
qu’en est-il du double blocage du sraa ?
ONTARGET (Ongoing Telmisartan Alone and in Combi­
nation with Ramipril Global Endpoint Trial), une grande étu­
de randomisée, contrôlée et en double aveugle a comparé
le ramipril au telmisartan et la combinaison des deux subs­
tances chez plus de 20 000 patients à haut risque cardio­
vasculaire, dont une grande proportion d’hypertendus et
de diabétiques de type 2.15 Cette étude a clairement mon­
tré que l’association de deux bloqueurs du SRAA ne dimi­
nuait pas le risque d’événements cardiovasculaires majeurs
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 10 septembre 2014
28_32_38098.indd 2
1669
04.09.14 09:23
chez ces patients mais qu’elle augmentait le risque d’hyper­
kaliémie et d’insuffisance rénale par rapport au groupe sous
inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou antagoniste de
l’angiotensine 2 seuls.16
L’aliskirène est un antihypertenseur qui inhibe l’activité
de la rénine et permet ainsi de diminuer l’excrétion plasma­
tique et urinaire d’aldostérone.15 L’étude ALTITUDE (Aliski­
ren Trial in Type 2 diabetes Using Cardio-Renal Endpoints),
qui avait comme objectif de comparer les effets d’un dou­
ble blocage du SRAA chez des patients diabétiques de
type 2 et insuffisants rénaux (grade 3) avec antécédents car­
diovasculaires ou présentant une protéinurie, a finalement
été arrêtée en raison d’une augmentation du nombre d’AVC
non fatal, d’insuffisances rénales aiguës (IRA), d’hyperka­
lié­mies et d’hypotensions artérielles dans le groupe aliski­
rène (r inhibiteur ou antagoniste de l’angiotensine 2) par
rapport au groupe contrôle, qui ne recevait qu’un seul blo­
queur du SRAA système rénine-angiotensine.17
La dernière grande étude, NEPHRON-D (the Veterans
Affairs Nephropathy in Diabetes Study), s’intéressant à la
double inhibition du SRAA chez 1448 patients diabétiques,
randomisés dans les groupes losartan-placebo ou losartanlisinopril, a également dû être arrêtée prématurément en
raison du risque accru d’événements indésirables (hyper­
kaliémie et insuffisance rénale aiguë).18 Actuellement, au­
cune étude ne permet de préconiser l’utilisation d’un dou­
ble blocage du SRAA chez des patients hypertendus non
diabétiques et encore moins chez les patients hypertendus
diabétiques.
que faut-il associer à un bloqueur du
sraa : un diurétique ou un anticalcique ?
Une analyse post-hoc de l’étude ACCOMPLISH (Avoi­
ding Cardiovascular Events through Combination Therapy
in Patients Living with Systolic Hypertension), étude multi­
centrique randomisée, contrôlée en double aveugle, a
démontré une supériorité de l’association bénazépril­
amlodipine par rapport à l’association bénazépril-hydro­
chlorothiazide dans la survenue d’événements cardiovas­
culaires et la détérioration de la fonction rénale.19 En se
basant sur cette étude, il faudrait privilégier l’association
d’un bloqueur du SRAA avec un anticalcique comme traite­
ment antihypertenseur chez les patients IRC. Néanmoins,
l’utilisation d’un diurétique est souvent inévitable chez les
patients insuffisants rénaux en raison de la diminution de
l’excrétion sodée par le rein qui conduit souvent à une sur­
charge volémique.
Cette rétention hydrosodée joue un rôle prépondérant
dans la pathogenèse de l’HTA chez les patients IRC. Vogt et
coll. ont démontré que l’association d’un bloqueur du SRAA
avec de l’hydrochlorothiazide et un régime hyposodé était
particulièrement efficace pour diminuer la pression arté­
rielle et la protéinurie.20
En ce qui concerne le choix du type de diurétique, la
plupart des recommandations proposent de privilégier les
diurétiques de l’anse de Henlé à la place des diurétiques
thiazidiques pour le traitement de l’HTA chez les IRC à par­
tir du stade 4 (eGFR l 30 ml/min/1,73 m2). Néanmoins, de
récentes études suggèrent que les diurétiques thiazidiques
1670
pourraient également trouver leur place dans le traitement
des patients hypertendus avec une IRC à des stades avan­
cés.21 Ces données intéressantes méritent toutefois d’être
confirmées par des essais cliniques randomisés et contrôlés
à une plus grande échelle. Au vu des données actuelles, il
semble donc judicieux de privilégier en deuxième ligne les
anticalciques chez les patients euvolémiques et les diuréti­
ques chez les patients en surcharge volémique, en sachant
que les anticalciques induisent plus d’œdèmes des mem­
bres inférieurs chez les patients insuffisants rénaux.
autres traitements antihypertenseurs
D’autres traitements antihypertenseurs peuvent être pro­
posés chez les patients IRC hypertendus. L’utilisation de
bêtabloquants est particulièrement utile chez les patients
IRC qui présentent une insuffisance cardiaque systolique.
Une méta-analyse de Badve et coll. rapporte que la morta­
lité globale et cardiovasculaire est diminuée sous bêtablo­
quant chez les patients IRC avec une insuffisance cardia­
que systolique.22
Les alpha-bloquants et les agonistes alpha-2 centraux
peuvent être proposés en quatrième ligne en cas d’intolé­
rance ou d’échec à atteindre les PA cibles. Les bloqueurs
du récepteur minéralocorticoïde peuvent s’avérer utiles éga­
lement mais ne devraient pas être administrés chez des
patients avec un débit de filtration glomérulaire l 30 ml/
min/1,73 m2 en raison du risque élevé d’hyperkaliémie.
dérèglement du rythme circadien
tensionnel
Plusieurs études suggèrent qu’un dérèglement du rythme
circadien peut interférer avec la fonction rénale et plus par­
ticulièrement avec le contrôle de la PA.23 Chez l’homme,
l’augmentation du risque cardiovasculaire liée à la maladie
rénale pourrait être en partie expliquée par l’absence de
baisse de la PA nocturne (dipping).24 Uzu et coll. postulent
qu’une excrétion sodée diminuée de jour pourrait induire
une augmentation de la PA nocturne dans le but de main­
tenir une natriurèse suffisante sur 24 heures.25 Il est inté­
ressant de constater que les patients IRC présentent plus
fréquemment une augmentation de la PA nocturne ainsi
qu’une baisse du ratio d’excrétion sodée rénale jour/nuit.26
Une étude a mis en évidence qu’un régime pauvre en sel
peut rétablir un profil nycthéméral tensionnel normal chez
les patients hypertendus «sensibles au sel».27
La chronothérapie, qui consiste à adapter l’administra­
tion des traitements en fonction des différentes périodes de
la journée afin d’optimiser la prise en charge médicamen­
teuse, a fait l’objet de plusieurs essais cliniques. Hermida
et coll. ont mené une étude sur 250 patients hypertendus
sous trithérapie antihypertensive en 2011.28 Les patients
étaient randomisés dans deux groupes : le premier avait
pour consigne de prendre l’un des médicaments antihyper­
tenseurs en fin de journée et le deuxième prenait les trois
médicaments le matin. Les résultats ont montré une aug­
mentation significative de la proportion de dipper (par rap­
port aux valeurs basales) dans le premier groupe après
­l’intervention. Un autre essai clinique a permis de mettre en
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 10 septembre 2014
28_32_38098.indd 3
04.09.14 09:23
tenseurs en lien avec la maladie rénale. L’IRC est une cause
d’hypertension secondaire en soi. Néanmoins, en présence
d’une HTAR confirmée chez un IRC, il convient d’exclure les
autres causes d’hypertension artérielle secondaire. Une pro­
position de prise en charge des patients IRC hypertendus
est illustrée dans l’arbre décisionnel de la figure 2.
Exclure un effet blouse blanche en se basant sur
des valeurs mesurées en ambulatoire
Privilégier l’introduction d’un inhibiteur
du SRAA en cas d’albuminurie L 30 mg/
24 h, avec contrôle de la créatininémie
et de la kaliémie à 2 semaines r mesures
hygiéno-diététiques. Réévaluation de la PA
à 6 semaines
dénervation rénale et hypertension
chez l’insuffisant rénal chronique
PA dans les cibles ?
Non
Oui
Poursuite du traitement
et contrôle régulier de la
pression artérielle
Ajouter un anticalcique, un diurétique ou un
bêtabloquant en fonction des comorbidités
PA dans les cibles ?
Non
Oui
Poursuite du traitement
et contrôle régulier de la
pression artérielle
Majorer le traitement avec une trithérapie
antihypertensive comprenant un diurétique aux
doses maximales tolérées. Cumuler ou titrer les
diurétiques en cas de surcharge volémique
PA dans les cibles ?
Non
Oui
Poursuite du traitement
et contrôle régulier de la
pression artérielle
Documenter l’adhérence thérapeutique,
en plaçant par exemple les médicaments dans
des piluliers électroniques.
Vérifier la consommation de sel (urines de
24 heures)
Non
Résistance avérée ?
Oui
Entretien motivationnel
et/ou poursuite de la
médication actuelle
Adresser le patient à un centre spécialisé pour
investiguer les causes d’hypertension artérielle
secondaire
Cause d’HTA
secondaire ?
Non
Oui
Prise en charge de l’HTA
secondaire
PA pas dans les cibles
Majorer le traitement médicamenteux en
introduisant séquentiellement d’autres classes
d’antihypertenseurs
Figure 2. Arbre décisionnel de prise en charge
des patients insuffisants rénaux chroniques (IRC)
hypertendus
SRAA : système rénine-angiotensine-aldostérone.
évidence une baisse significative du risque de survenue
d’événements cardiovasculaires chez les patients IRC après
la mise en place d’une chronothérapie similaire.29 Ces ré­
sultats prometteurs nécessitent toutefois d’être confirmés
par des études en double aveugle à plus grande échelle.
insuffisance rénale et hypertension
artérielle résistante
L’hypertension artérielle résistante (HTAR) est définie
par une persistance des PA au-dessus des cibles visées
malgré une trithérapie antihypertensive comprenant un
diurétique aux doses maximales tolérées. La prévalen­ce
peut s’élever jusqu’à plus de 50% chez les patients hy­
pertendus, suivis pour un problème néphrologique.30 Ce
chiffre s’explique en partie par une prévalence plus élevée
de patients hypertendus dans cette sous-population et par
la stimulation des processus physiopathologiques prohyper­
Le système nerveux sympathique joue un rôle central
dans la pathogenèse de l’hypertension artérielle. La dé­
nervation rénale par radiofréquence a pour objectif une
destruction du système nerveux sympathique afférent et
efférent au niveau des artères rénales. Les premiers essais
cliniques menés chez l’homme semblaient montrer une
­diminution significative et importante de la PA chez les
hyper­tendus résistants.31,32 Ces résultats n’ont pas pu être
confir­més par l’étude Simplicity HTN-3, une étude rando­
misée, contrôlée en simple aveugle.33 Les analyses de sous-­
grou­pes montrent que les patients IRC (eGFR l 60 ml/min/
1,73 m2) répondent moins bien à cette technique que les
patients non IRC. Les insuffisants rénaux semblent être de
mauvais candidats pour la dénervation rénale.34 Dans le
contexte actuel, il n’est donc pas recommandé de pro­
poser une dénervation rénale à un patient hypertendu
­résistant qui présente un débit de filtration glomérulaire
estimé l 60 ml/min/ 1,73 m2.
conclusion
La prévalence de l’HTA chez les patients IRC est élevée.
L’application de mesures hygiéno-diététiques et médica­
menteuses est primordiale pour réduire les risques cardio­
vasculaire et rénal. Des études supplémentaires semblent
nécessaires pour déterminer les PA cibles optimales chez
les patients avec IRC, mais pour l’instant, il est recommandé
de cibler une PA l 140/90 mmHg en faisant attention à la
PA nocturne. Le traitement en première intention chez les
patients hypertendus IRC avec une albuminurie L 30 mg/
24 heures consiste en l’introduction d’un inhibiteur du SRAA
auquel il est souvent nécessaire d’ajouter un anticalcique
et/ou un diurétique.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec
cet article.
Adresses
Drs Nima Vakilzadeh, Olivier Phan, Valentina Forni Ogna
et Grégoire Wuerzner
Pr Michel Burnier
Service de néphrologie et d’hypertension
CHUV, 1011 Lausanne
[email protected]
Consultation de néphrologie et d’hypertension (OP)
Centre de dialyse
Hôpital intercantonal de la Broye
Avenue de la Colline 5
1530 Payerne
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 10 septembre 2014
28_32_38098.indd 4
1671
04.09.14 09:23
Implications pratiques
> Les mesures hygiéno-diététiques sont à recommander à tous
les patients hypertendus, insuffisants rénaux chroniques
(IRC). Une attention particulière doit être portée à l’apport
sodé (5-6 g/jour)
> Chez les patients hypertendus, en IRC et qui présentent
une albuminurie de 24 heures ou estimée M 30 mg/24 heu­
res, l’introduction d’un inhibiteur du système rénine-angiotensine (RAS) doit être privilégiée en première intention
> Le choix du traitement en deuxième ligne doit être adapté en
fonction des comorbidités du patient (anticalcique vs diurétique vs bêtabloquants)
> Une HTA résistante, avérée chez un IRC peut être secondaire à la maladie rénale. Il convient néanmoins d’exclure
les autres causes d’HTA secondaire chez ces patients
> D’après les données actuelles, les IRC sont de mauvais candidats pour le traitement par dénervation rénale
Bibliographie
1 Coresh J, et al. Prevalence of chronic kidney disease
in the United States. JAMA 2007;298:2038-47.
2 Zoccali C, Kramer A, Jager KJ. Epidemiology of CKD
in Europe : An uncertain scenario. Nephrol Dial Transplant 2010;25:1731-3.
3 Foley RN, Parfrey PS, Sarnak MJ. Epidemiology of
cardiovascular disease in chronic renal disease. J Am
Soc Nephrol 1998;9(12 Suppl.):S16-23.
4 Centers for Disease Control and Prevention (CDC).
Prevalence of chronic kidney disease and associated
risk factors – United States, 1999-2004. MMWR Morb
Mortal Wkly Rep 2007;56:161-5.
5 Appel LJ, et al. Intensive blood-pressure control in
hypertensive chronic kidney disease. N Engl J Med
2010;363:918-29.
6 Peterson JC, et al. Blood pressure control, proteinuria, and the progression of renal disease. The modification of diet in renal disease study. Ann Intern Med
1995;123:754-62.
7 TheTask Force for the management of arterial hypertension of the European Society of Hypertension
(ESH) and of the European Society of Cardiology (ESC),
2013 ESH/ESC guidelines for the management of arterial hypertension. Blood Press 2013;22:193-278.
8 Upadhyay A, et al. Systematic review : Blood pressure target in chronic kidney disease and proteinuria
as an effect modifier. Ann Intern Med 2011;154:541-8.
9 Burnier M, Wuerzner G. Chronic kidney disease :
Should sodium intake be restricted in patients with
CKD ? Nat Rev Nephrol 2014;10:363-4.
10 Wuerzner G, et al. Step count is associated with
lower nighttime systolic blood pressure and increased
dipping. Am J Hypertens 2013;26:527-34.
11 Redon J, et al. The metabolic syndrome in hypertension : European Society of Hypertension position
statement. J Hypertens 2008;26:1891-900.
12 Rossing P, et al. Reduction in albuminuria predicts
a beneficial effect on diminishing the progression of human diabetic nephropathy during antihypertensive treat­
1672
ment. Diabetologia 1994;37:511-6.
13 de Zeeuw D, et al. Proteinuria, a target for renoprotection in patients with type 2 diabetic nephropathy :
Lessons from RENAAL. Kidney Int 2004;65:2309-20.
14 de Zeeuw D, et al. Albuminuria, a therapeutic target
for cardiovascular protection in type 2 diabetic patients
with nephropathy. Circulation 2004;110:921-7.
15 White WB, et al. Safety and tolerability of the direct renin inhibitor aliskiren in combination with angio­
tensin receptor blockers and thiazide diuretics : A pooled analysis of clinical experience of 12,942 patients. J
Clin Hypertens (Greenwich) 2011;13:506-16.
16 ONTARGET Investigators, et al. Telmisartan, rami­
pril, or both in patients at high risk for vascular events.
N Engl J Med 2008;358:1547-59.
17** Parving HH, et al. Cardiorenal end points in a
trial of aliskiren for type 2 diabetes. N Engl J Med 2012;
367:2204-13.
18* Fried LF, et al. Combined angiotensin inhibition
for the treatment of diabetic nephropathy. N Engl J
Med 2013;369:1892-903.
19* Bakris GL, et al. Renal outcomes with different
fixed-dose combination therapies in patients with hyper­
tension at high risk for cardiovascular events (ACCOM­
PLISH) : A prespecified secondary analysis of a randomised controlled trial. Lancet 2010;375:1173-81.
20 Vogt L, et al. Effects of dietary sodium and hydrochlorothiazide on the antiproteinuric efficacy of losartan.
J Am Soc Nephrol 2008;19:999-1007.
21 Agarwal R, Sinha AD. Thiazide diuretics in advan­
ced chronic kidney disease. J Am Soc Hypertens 2012;6:
299-308.
22 Badve SV, et al. Effects of beta-adrenergic antagonists in patients with chronic kidney disease : A systematic review and meta-analysis. J Am Coll Cardiol 2011;
58:1152-61.
23 Wuerzner G, Firsov D, Bonny O. Circadian glomerular function : From physiology to molecular and
therapeutical aspects. Nephrol Dial Transplant 2014;29:
1475-1480.
24 Kimura G. Kidney and circadian blood pressure
rhythm. Hypertension 2008;51:827-8.
25 Uzu T, et al. High sodium sensitivity implicates
nocturnal hypertension in essential hypertension. Hypertension 1996;28:139-42.
26 Fukuda M, et al. Patients with renal dysfunction require a longer duration until blood pressure dips during
the night. Hypertension 2008;52:1155-60.
27 Uzu T, et al. Sodium restriction shifts circadian
rhythm of blood pressure from nondipper to dipper in
essential hypertension. Circulation 1997;96:1859-62.
28 Hermida RC, et al. Chronotherapy improves blood
pressure control and reverts the nondipper pattern in
patients with resistant hypertension. Hypertension 2008;
51:69-76.
29* Hermida RC, et al. Bedtime dosing of antihypertensive medications reduces cardiovascular risk in CKD.
J Am Soc Nephrol 2011;22:2313-21.
30 Kaplan NM. Resistant hypertension. J Hypertens
2005;23:1441-4.
31 Symplicity HTN-1 Investigators. Catheter-based
renal sympathetic denervation for resistant hypertension : Durability of blood pressure reduction out to 24
months. Hypertension 2011;57:911-7.
32 Symplicity HTN-2 Investigators, Esler MD, Krum H,
Sobotka PA, et al. Renal sympathetic denervation in
patients with treatment-resistant hypertension (The
Symplicity HTN-2 trial) : A randomised controlled trial.
Lancet 2010;376:1903-9.
33* Bhatt DL, et al. A controlled trial of renal denervation for resistant hypertension. N Engl J Med 2014;
370:1393-401.
34 Persu A, et al. Blood pressure changes after renal
denervation at 10 European expert centers. J Hum Hypertens 2014;28:150-6.
* à lire
** à lire absolument
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 10 septembre 2014
28_32_38098.indd 5
04.09.14 09:23