Kim Ki-Duk : Une confirmation à espérer ?
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Kim Ki-Duk : Une confirmation à espérer ?
Kim Ki-Duk : Une conrmation à espérer ? Brian Addav, pour CHO-YABA. Génie n. m. : 1. Talent, aptitude particulière pour une chose. 2. Aptitude créatrice extraordinaire, surpassant l’intelligence humaine normale. 3. Personne géniale. 4. Caractère propre et distinctif. D’où il est bon parfois de savoir prendre du recul sur des émotions, des jugements qu’on avait pu porter à la va-vite, dans le feu de l’action. Kim Ki-Duk a littéralement fait explosion dans notre paysage cinématographique en l’an 2001, avec son premier long métrage distribué en Europe : L’île. A l’époque, la vision de cette fable sexuelle incroyablement forte, belle, attirante, voire encore plus attractive, nous avait vite fait attribuer à ce réalisateur (après tant d’autres) un rôle de sauveur du cinéma asiatique. L’âge d’or de HK était révolu depuis longtemps. Commencée vers 1996-1997, notre belle période de découverte du cinéma made in Asie touchait à sa n. Elle avait commencé avec la démocratisation de l’internet, celle des lecteurs CD-ROM sur PC, et donc des VCDs et s’achevait avec le début de démocratisation (encore une fois), des DVDs. On s’était vite rendu compte que HK n’avait plus la même amme que dans la grande période du début des 90. Seuls les grands de cette époque arrivaient à surnager, produit par l’occident, les nouveaux ne conrmaient pas, Fruit Chan en tête. Rien du côté chinois, taïwanais ou vietnamien. Notre attention ne se reportait plus que sur le Japon. Et encore, Kitano avait réussi son chef d’œuvre, Hana-Bi, et ne semblait n’avoir plus rien à dire, et les « nouveaux « de l’époque, ceux qui portaient le futur de leur cinéma (Miike, Tsukamoto et Cie) avaient l’air condamné plus au succès critique des festivals qu’au succès public. Vint alors la lumière coréenne. Sud-coréenne. Alors que ce pays n’avait su alors nous donner que Im Kwon-Taek (ce qui est déjà énorme pour un pays de cette taille), nous nous sommes laissé surprendre par une opée de jeunes réalisateurs sans complexe, n’hésitant pas à battre, sur le marché coréen, les grosses cylindrées US. Action, rythme, le B-A-BA de l’action-movie à la sauce coréenne. Que s’était-il passé ? Simplement la volonté politique d’un gouvernement de tenir à bout de bras et à coup de subvention, de formation, un cinéma qui allait mourir. Tâche réussie. Restait à trouver une âme à ce nouveau cinéma, à trouver ses marginaux, ses « auteurs «, pour parler français. Et Kim Ki-Duk s’invita à la table. Et pas un de nous n’hésitèrent à se plonger dans les eaux sombres de son île malsaine, à tomber raide dingue de la beauté inquiétante de son héroïne, et à voir en lui le messie. Prompt que nous sommes à aduler le premier venu qui nous redonnera l’espoir. Eté 2002, l’Etrange Festival, dans son immense grandeur, propose la complète Kim Ki-Duk. De l’eau a depuis coulé sous les ponts de son l’île. « Adresse inconnue « a eu son succès d’estime dans la plupart des festivals où il est passé. « Bad Guy «, le dernier en titre, semble correspondre à toutes nos attentes. Aucune raison de ne pas plonger dans la lmographie de Kim Ki-Duk, quitte à être déçu. Quitte ou double. Octobre 2002. L’Etrange Festival est passé. Que dire. La déception est quand même assez grande. S’est-on trompé à ce point ? On replonge dans « L’île «. On plonge dans « Bad Guy «. On cherche. Un espoir, oui, présent, mais pas aussi fort que dans nos premières émotions de 2001. Kim Ki-Duk est-il un génie ? Oui, car il touche parfois juste, oui parce qu’il s’est fait tout seul. Non, parce qu’il a beaucoup raté, que son œuvre est déséquilibrée, qu’il se cherche, que ses lms reposent en grande partie sur le pouvoir d’attraction de ses acteurs, jusqu’à en oublier le reste autour, jusqu’à les rendre hermétique au possible. Ce qui est certain, c’est que Kim Ki-Duk ne peut porter à lui tout seul nos espoirs de renouveau, il est à part, hors champ, rien ne peut le rattacher à un quelconque cercle cinématographique. Il est en devenir, peut-être un jour arrivera-t-il à une certaine stabilité, constance. Mais il y a beaucoup à faire, tant son cinéma ne semble reposer que sur un nombre limité d’idées, d’envies, de souvenirs. Il a touché juste, ou quasiment, une fois avec « L’île «, son meilleur lm à ce jour, parce que le plus à part, le moins inuencé par ses souvenirs, ses autres lms. Biographie : Le moins qu’on puisse dire, c’est que le parcours de Kim Ki-Duk est des plus atypique pour un cinéaste reconnu à son niveau. Il naît en 1960 à Bonghwa, province du Kyon-Sang dans le nord de la Corée du Sud. Il n’est pas prédestiné à devenir un cinéaste, loin de là. Il grandit près d’une base américaine, en pleine guerre froide. Il a pour ami un métis (père GI, mère coréenne) qui nira par se suicider vers l’âge de 20 ans, et une amie qui devient borgne par accident. Ces deux éléments, des individus hors champ, rejetés en raison de leurs différences, qu’elles soient d’ordre physique ou social, serviront de pierres angulaires à l’ensemble de son œuvre cinématographique. Mais il est à parier qu’il ne semble même pas l’envisager. Il travaille en usine à 17 ans. A 20 ans, il devient marines, découvre les lois de la camaraderie ainsi que celles des rapports de domination, de violence, d’humiliation. En 1985, il quitte les marines et semble se diriger vers la prêtrise, où il découvre la peinture. Fort heureusement, cette découverte l’entraîne vers les beaux-arts, de 1990 à 1992. On sait qu’il a passé deux ans en Europe, et plus particulièrement en France, au Cap d’Agde, près de Montpellier. Difcile de situer précisément cette période. Lors des interviews de l’Etrange festival, il a avoué que le premier lm qu’il ait jamais vu au cinéma était le Silence des Agneaux, sorti en 1991. Le second L’amant, datant lui aussi de 1991. Il dit aussi avoir découvert Leos Carax la même époque. Il voyage en Allemagne où il découvre Schiele, plus que présent dans ses lms. Il rentre en Corée du Sud, apprend à être scénariste, « Educationnal Institute of Screen University « de 93 à 94, notamment le scénario « A painter and a criminal condemned to death «. En 1996, il tourne son premier lm « Crocodile «, qui porte en lui la plupart des germes de son cinéma. Il enchaîne avec le tournage en Corée et à Paris de Wild Animals, un gros nanard a priori, puis Birdcage Inn en 1998, plus dans la lignée de Crocodile. En 2000, enn, l’Ile. Ainsi que Real Fiction, sorte d’expérience cinématographique dans la lignée des dogmes et autre Time Code. 2001 son lm le plus personnel, Adress Unknown et enn Bad Guy, que l’on pourra qualier de lm somme. Film somme, tel est l’idée qui prédomine à la vision de Bad Guy. Comme si la plupart de ses lms précédents n’avaient servi qu’à aboutir à celui-ci. L’Ile exceptée, sûrement phagocytée par son actrice. Que dire ? Ses lms ne sont pas tous parfaits, loin s’en faut. Beaucoup de maladresses, un hermétisme qui laisse reposer l’intérêt sur les seules épaules de ses acteurs. Un accident, osons le mot, l’Ile, et enn un lm somme, Bad Guy. On aimerait comparer ce cheminement à d’autres réalisateurs, Kitano en tête, qui ont construit des bases, essayé des idées, des méthodes, dans le seul but d’arriver au lm phare. Las, Bad Guy n’est pas un chef d’œuvre à l’instar du Hana-Bi de Kitano. On peut espérer que Kim Ki-Duk ne suivra pas la voie de Kitano et aura toujours quelque chose à dire. A ce jour, c’est son parcourt qui peut le sauver. C’est un autodidacte, un vrai, de ceux qui s’imprègne de leurs rencontres pour les digérer et en construire quelque de positif. Il s’est trouvé attirer par la prostitution et en a fait un de ses thèmes de prédilections. Il a commencé par la peinture et ne peut s’empêcher d’en retranscrire les règles, les codes dans ses images. Il a rencontré Schiele et ne peut plus s’en passer. On ose espérer que Kim Ki-Duk continue encore et encore sa découverte de l’histoire du cinéma, de la peinture. Qu’il continuera à découvrir des sujets qui le toucheront et l’amèneront à écrire de nouvelles histoires, à défricher de nouvelles terres. Il n’est pas le génie qu’on avait pu espérer. C’est un cinéaste possédant d’énormes capacités si on tient compte de son manque de culture avant de commencer. Reste à voir comment il mènera sa charrette, et surtout comment il arrivera à se détacher de ses souvenirs, de ses obsessions. Liens : Le site ofciel, où Kim Ki-Duk expose sa théorie d’un cinéma semiabstrait: http://www.kimkiduk.com/ Une interview très intéressante: http://www.sensesofcinema.com/contents/01/19/kim_ki-duk.htm Crocodile 1996 avec Cho Jae-Hyun Crocodile est le premier lm de Kim Ki-Duk. C’est aussi le premier avec l’acteur Cho Jae-Hyun qui se révélera le pendant masculin du réalisateur dans ses lms, celui qui incarnera au mieux les obsessions corporelles, violentes, qu’attribue Kim Ki-Duk à ses personnages. C’est un lm imparfait, de novice, voir plus, de néophyte. Malgré ses défauts d’inexpérience, il possède quelques traits de fulgurance où l’amour de Kim Ki-Duk pour la peinture transparaît, où il arrive à retranscrire à l’écran certains traits purement picturaux. On suit l’histoire d’un type violent, renfermé sur lui-même, marginal repoussant au possible. Le type même de personnage qui sera au centre du cinéma de Kim Ki-Duk. Son héros vit au bord d’un euve, près d’un pont. Pour survivre, il prote du nombre important de suicides occasionnés par la présence du pont. Qu’un corps tombe vers sa nouvelle tombe d’eaux sales, que notre héros y plonge de lui-même pour aller récupérer les petites affaires du propriétaire du corps. Tout spécialement les portefeuilles. Il survit tout en tolérant la présence d’un vieux et d’un gamin. Dur de dire s’il s’agit de son père et de son ls. Dur d’afrmer le contraire. Forcément, il va commettre un jour l’irréparable, sauver une jeune lle de la noyade. Pourquoi, la question n’a en elle-même aucun intérêt. Commencera une relation ambiguë entre les deux. Elle se retrouvant quelque peu prisonnière du trio. Mais ne cherchant pas à s’enfuir. Lui tombant amoureux de la lle, mais avec ses codes. Avec violence. Ne s’exprimant que par la violence ou par la récupération des restes, à l’instar de certains crocodiles, il n’arrivera à l’aimer qu’au travers des viols. Un semblant de famille se constituera avec la présence de la jeune lle. Une famille bancale, hideuse par ses règles, dure, à l’image de chacun des protagonistes. Malgré tous leurs efforts, ils auront du mal à dépasser leur condition, leur identité pour s’ouvrir l’un à l’autre, les uns aux autres, renfermés qu’ils sont sur eux-mêmes pour se protéger du monde extérieur. L’histoire nira forcément mal, comme toutes les histoires d’amour ou le carcan de la condition est trop lourd à porter. S’il est plus qu’imparfait, Crocodile renferme en lui tous les germes des œuvres principales de Kim Ki-Duk. Une relation entre l’homme et la femme, basé sur une impossibilité masculine à s’exprimer autrement que par la violence où sa condition l’a placé. Une condition de la femme qui en fait une soumise aux désirs des hommes, une victime. Et surtout, un hermétisme du réalisateur envers ses créatures, partagé qu’il est dans son sentiment de ne pas prendre parti, pour ne pas les juger, et son amour qu’il ne peut s’empêcher de leur porter. Note : 3. Wild Animals 1996 Jang Dong-Jik Cho Jae-Hyun Denis Lavant Richard Bohringer Second lm pas vu pour être honnête. D’après les critiques qu’on peut en lire un peu partout, c’est une sorte de nanard sans queue ni tête avec la présence hallucinée de Lavant (un des plus grands acteurs corporels français faut-il le rappeler) et de Bohringer… BirdCage Inn 1998 Lee Hye-Eun Lee Jea-eun Anh Jae-mo Jeong Heyong-gi Son Min-Seok Deuxième vrai lm de Kim Ki-Duk serait-on tenté de dire à propos de ce BirdCage Inn. Il aborde ici de front un thème qui va vite se révéler primordial pour lui : la prostitution. On suit le parcourt de deux jeunes lles. La première est une prostituée envoyée exercer son métier dans un minuscule hôtel de passe de bord de plage, tenu par la famille de la seconde. Kim Ki-Duk nous livre ici une sorte de chronique familiale, typique du cinéma asiatique, mais où une fois de plus la condition des protagonistes amène la différence, le rejet des autres. La jeune lle de maison accepte difcilement que sa famille ne soit qu’une famille de tenanciers. Que sa maison soit une maison close, qu’elle soit quelque peu rejetée, ou obligée de se mettre à l’écart, en raison de ses origines. En face d’elle, la prostituée essaie juste de se faire accepter telle qu’elle est, non pas seulement une prostituée, mais une jeune lle comme les autres, avec ses rêves , sa dignité. L’idée de base est intéressante, le regard des autres, l’acceptation des autres. Une fois de plus, les 4 acteurs principaux, les deux lles, la mère et le père sauvent quelque peu le lm de l’ennui. Dans sa volonté de vouloir toujours rester à la limite, ne pas trop aimer pour ne pas juger, Kim Ki-Duk en oublie son lm et laisse quelque peu ses acteurs livrés à eux-mêmes. Au nal le lm se laisse voir, mais ne ressort absolument pas du lot de tous les lms du même type. Note : 3 L’île 2000 Suh Jung Jang Hang-Seon Voici ce que j’écrivais à l’époque, avant de voir les autres lms de Kim Ki-Duk : Alors là, autant le dire, c’est quand même un grand lm qu’on tient là ! Hee Jin, superbe jeune femme, de celle qu’ont sent mystérieuse, dangereuse, mais incroyablement attirante, s’occupe d’une sorte de camp de vacances pour pêcheurs : une série de minibungalow ottant, sur un lac perdu au milieu de nulle part. Ne se contenant pas de faire l’hôtelière, Hee fait aussi du commerce, matériel, mais aussi de son corps. Une sorte de petite vie tranquille, certes bizarre, mais pourquoi pas. Puis arrive Hyun-Shik, légèrement dépressif, suicidaire ? mais surtout ayant un besoin impérieux de se cacher… Et forcément, les extrêmes s’attirant, Hee et Hyun-Shik vont se chercher, puis nir par s’aimer, terriblement, à la folie, à la haine, à la vie à la mort. C’est tout à la fois un lm sexuel, mythologique, métaphorique, psychanalytique que nous livre-là Ki-Deok. Un lm dur, âpre, où rien n’est gagné, où les âmes doivent souffrir pour aimer, pour vivre, où les corps doivent faire de même, jusqu’à la mutilation. On y retrouve le lac mythique, œil permettant aux mondes souterrains de nous espionner, mais aussi sexe, origine du monde, centre du monde. Lieu tout autant puricateur, symbole de pureté, mais aussi de lieu sale, symbole de pêché. Nos deux héros sont près à mettre en jeu leur intégrité physique pour survivre, à l’instar de ces poissons continuant à nager après qu’un pêcheur lui ait ôté les ancs pour s’en faire des sushis. Nos deux héros sont deux poissons perdus au milieu d’un amour trop grand, trop fort pour eux. Pêchés, repêchés l’un par l’autre, quand l’un d’eux préfère mourir, se perdre plutôt que de perdre l’autre (scène incroyablement forte d’absorption d’hameçon, ou d’introduction vaginale d’hameçon, les transformant en amphibiens accrochés à l’amour de l’autre). Kim Ki-Deok nous livre ici un lm fort, avec plusieurs niveaux de lectures en apparence, mais qui au nal se résume à un seul : l’amour est plus fort que tout, et vaut toutes les souffrances du monde. On rajoutera pour nir la prestation incroyable de l’actrice principale, capable de nous faire peur d’un seul regard, nous séduire par le même. Film à voir absolument ! Un an après que reste-t-il ? Et bien il faut l’avouer, un lm fort par la violence de ses sentiments. Et surtout un lm complètement à part dans la lmographie des lms réussis de Kim Ki-Duk. La faute à qui, ou à quoi ? A son actrice, qui illustre une fois de plus l’importance primordiale des acteurs dans le cinéma de Kim Ki-Duk. A l’instar de la peinture, la force d’expression des tableaux cinématographiques de Kim Ki-Duk résident dans la vérité de ses sujets, dans leur force expressionniste. Rajoutons le cadre du lm, irréel, inquiétant, et tout est fait pour que les sentiments d’amour charnel, de violation, de préjudice, puisse s’exprimer sans être comparés à d’autres lms vus ailleurs. L’Ile est sans contexte le meilleur lm de Kim Ki-Duk parce que le plus atypique, le plus à part, celui où il a laissé au vestiaire ses souvenirs d’enfance, ses repères urbains habituels. Le risque de la terre inconnue s’avère ici plus que payant. Real Fiction 2000 Jao Jin-Mo Kin Jin-a Son Min-Seok Alors là, dur de trouver des circonstances atténuantes à ce ratage. A parier que la vision des lms dogme, que le courant d’un nouveau cinéma, basé sur la réalité, la démocratisation du moyen (enn, tout le lot de connerie qu’on a pu dire sur le dogme) a eu son effet sur Kim Ki-Duk est que lui aussi a voulu tenter le coup. Filmer un lm en temps réel, avec plusieurs caméras, plusieurs points de vues, en limite totale improvisation. Comme beaucoup d’autres, Kim Ki-Duk a oublié qu’un lm servait avant tout à raconter une histoire, et à bien la raconter, quel que soit le moyen employé. D’où un ratage complet. Disons le. (J’en oublie même de vous raconter la trame du lm : un jeune type humilié par des espèces de yakuzas se révolte au contact d’une jeune lle qui décide de le lmer, et qui lui présente son espèce de double lui révélant le sentiment de vengeance qu’il refoule. Notre jeune homme de partir alors dans une quête punitive envers tous ceux qui l’ont humilié dans sa petite vie… Sérieusement, on pourrait presque espérer que le lm prenne à certains la voie panique (Jodorowsky, Topor et Arabal), mais bon, eux racontent avant tout des histoires…) Adress Unknown 2001 Yang Dong-Kun Kim Yong-Min Pau Min-Jong Cho Jae-Hyun Ou le lm le plus personnel de Kim Ki-Duk. Autobiographique, il dépeint la Corée du début de la guerre froide, et la difcile cohabitation entre les coréens et les GI américains. Film fort intéressant à plus d’un titre. Premièrement, à titre politique, car Kim Ki-Duk y dépeint une Corée du Sud rejetant la présence américaine, au bord de la xénophobie qu’elle ne laisse transpirer que dans son rejet des métis, nés des unions entre les GI et les coréennes. Le sujet n’ayant jamais été traité, et à l’heure où la Corée reprend une place importante dans le jeu asiatique, le propose est fort salutaire. Mais ce qui nous intéresse ici est surtout la jeunesse du réalisateur. Ou plutôt son adolescence. Ses deux amis, le métis et la jeune lle borgne. Son attirance pour la jeune lle, du fait même de sa différence, de sa monstruosité aux yeux des autres. La condition de son ami métis, enfant comme les autres, devenu un être de violence, renfermé sur lui-même par le rejet des autres. A l’instar de la plupart des personnages centraux des lms de Kim Ki-Duk, ce dernier n’arrivera à s’exprimer qu’au travers de la violence. Le lm ne brille pas par de grandes scènes à métaphores. Il brille par sa sobriété, par sa violence discrète, transpirant au travers des us et coutumes de la population sud-coréenne. Note : 4 Bad Guy 2001 Cho Jae-Hyun Seo Won Bad Guy est en soi un bon lm, voir un très bon lm. Une fois de plus, dans l’œuvre de Kim Ki-Duk, il est porté par ses acteurs, Cho Jae-Hyun en tête qui reprend quasiment tel quel les rôles que Kim lui a offerts auparavant. Le lm nous le présente donc une fois de plus en marginal violent, Han-Gi. Rencontrant par hasard une jeune lle, Sun-Hwa sur un banc, il en tombe littéralement raide dingue, et ne peut s’empêcher de lui voler un baiser, de lui violer un baiser devrait-on même dire. Intervention plus que musclée de la police, et humiliation publique par la jeune lle. Elle sera à lui, par tous les moyens. Et commence alors un sordide complot. Aidé de ses deux complices, notre personnage réussi à tendre un piège on ne peut plus odieux à la jeune lle, celle-ci se voyant dorénavant redevable d’une énorme somme à la maa locale. Seule solution, rembourser, et pour cela, vendre son corps, et donc tomber dans la prostitution. Le procédé est odieux. Sur la simple volonté d’un salaud, une jeune femme se retrouve à vendre son corps dans une rue sordide, au milieu des prostituées. Refus, violence, acceptation de son destin, rien ne nous est épargné par Kim Ki-Duk sur sa déchéance. Sachant que sa condition ne lui permettra jamais d’entrer dans le monde de la jeune femme, Han-Gi fait tout pour faire tomber cette dernière dans le sien, bravant nos interdits moraux, révoltant notre conscience de gens biens comme il faut. Malgré tout le rejet qu’il nous inspire, le miracle nit par prendre, et l’amour nit par apparaît. Après avoir commencé par assister à la chute au travers d’un miroir sans tain, Han-Gi va commencer peu à peu à s’immiscer dans la nouvelle vie de Sun-Hwa, et commencer peu à peu à lui montrer son amour, avec ses moyens à lui, sa condition d’homme violent. En soi, le lm est âpre, beau, révoltant par son propos, ses moyens surtout. Kim Ki-Duk a, pour une fois, choisi de donner son avis, de nous montrer son empathie pour cet être que tout donne à rejeter tant ce qu’il a fait est odieux, il arrive néanmoins à nous faire accepter la monstruosité qui est en lui en nous en révélant le côté opposé, cette beauté intérieure que même la plus immonde crapule doit quand même quelque peut posséder. D’où vient le malaise alors ? Du fait que Kim Ki-Duk prote de ce lm pour faire la somme de la plupart de ses lms antérieures, Crocodile et Birdcage Inn en tête. Les références y sont nombreuses, le réalisateur n’hésitant même pas à retourner sur les même lieux que dans ses autres lms. On a l’impression d’une volonté de reprendre le destin de personnages de lms anciens, de leur redonner une chance. Ce qui aurait pu être quelque chose d’intéressant, la preuve d’un cinéaste ayant conscience de passer un cap et tournant dénitivement le dos à son passé pour se projeter vers l’avant semble tenir lieu ici de l’usage des bonnes vieilles celles, comme si Kim Ki-Duk ne sachant où aller, se retrouvant aux limites de son œuvre, essayé de relancer la machine en utilisant les bonnes vieilles recettes. C’est fort dommage, mais cela a la mérite de donner un autre regard sur l’œuvre de Kim Ki-Duk. En faisant abstraction de cette petite dérive, on peut quand même se dire que Bad Guy est un très beau lm. Ne surpassant pas toute fois l’Ile. Il faut se l’avouer. Note : 4