Les déplacements de la fibula dans les mouvements de la cheville
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Les déplacements de la fibula dans les mouvements de la cheville
Kinesither Rev 2016;16(173):18–19 Pratique / Tuons les mythes Les déplacements de la fibula dans les mouvements de la cheville Fibula motion during dorsiflexion of the ankle joint Michel Pillu École nationale de kinésithérapie et de rééducation, hôpitaux de Saint-Maurice, 94410 Saint-Maurice, France RÉSUMÉ MOTS CLÉS En 1938, Pol LeCœur décrit une rotation latérale de la malléole fibulaire égale à 308 lors de la dorsiflexion de la cheville. Dans les années 1980, l'imagerie moderne a montré que cette rotation était minime, de l'ordre de 0,1 à 0,28 sans direction définie. Niveau de preuve. – Non adapté. Articulation talocrurale Dorsiflexion Mobilité passive Rotation latérale de la malléole fibulaire © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS SUMMARY In 1938, Pol LeCœur described a lateral rotation of the fibular malleolus equal to 308 during the dorsiflexion of the tibiotalar joint. In the 1980s, studies showed that the rotation is minimal from 0.18 to 0.28 and without definite direction. Level of evidence. – N/A. Tibiotalar joint modeling Dorsiflexion Passive motion Lateral rotation of the medial malleolus © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. ans une thèse de médecine soutenue en 1938, Pol LeCœur décrivait les déplacements de la fibula pendant les mouvements de flexion dorsale et plantaire de l'articulation talocrurale [1] : en flexion dorsale, la malléole fibulaire s'ascensionne (de 1 à 2 mm), elle s'écarte du tibia de 2 mm et tourne en rotation latérale de 308 (Fig. 1). L'inverse en flexion plantaire. Les raisons données sont l'accompagnement de la forme de la face latérale du talus par la face médiale de la malléole fibulaire. Depuis cette date, les auteurs francophones successifs qui ont écrit sur la mobilité de la cheville : Castaing et al., Kapandji et Dufour et Pillu [2–5] reprennent le même concept sans réelles vérifications. Ce qui pose problème est l'ampleur de la rotation : 308. La malléole fibulaire est souscutanée et comment peut-on imaginer qu'une rotation d'une telle ampleur passe inaperçue. Or, tout un chacun peut vérifier sur lui-même qu'il n'y a pas de rotation visible de la malléole fibulaire en flexion plantaire ou dorsale de l'articulation talocrurale. Qu'en est-il donc ? D La solution est venue de l'imagerie moderne (radiostéréométrie1) et d'une série d'études menées dans le début des années 1980, sous l'impulsion des ostéopathes et confirmées depuis [6–8]. Tous ces auteurs montrent une rotation autour de l'axe longitudinal de la fibula de l'ordre de 0,1 à 0,28, sans qu'aucune direction constante ne puisse être déterminée. À ce degré d'amplitude, nous sommes d'ailleurs à la limite inférieure de la précision de la méthode. On peut d'ailleurs remarquer que dès 1922 [9], la faible amplitude des déplacements de la fibula avait été signalée et répétée en 1952 [10] mais tous ces travaux avaient été négligés. On peut se demander pourquoi la transmission et la diffusion du savoir sont aussi lentes et difficiles. L'explication est due à l'absence d'un modèle biomécanique fiable et fonctionnel expliquant comment la surface articulaire de la malléole fibulaire pouvait rester en étroit contact avec la surface articulaire latérale du talus. Le modèle biomécanique expliquant le serrage de la pince bi-malléolaire quel que soit le degré de flexion-extension de 1 La radiostéréométrie est un procédé pour effectuer une mesure en trois dimensions et d'analyse de mouvement en utilisant des radiographies stéréoscopiques. Adresse e-mail : [email protected] http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2016.03.008 © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 18 Pratique / Tuons les mythes Les déplacements de la fibula dans les mouvements de la cheville RÉFÉRENCES Figure 1. Jeu transversal de l'articulation tibio-fibulaire inférieure en flexion plantaire et dorsale de la cheville. D'après Dufour M. In « Anatomie de l'appareil locomoteur – membre inférieur ». 2015. la cheville a été décrit tardivement par Inman [11]. Sa diffusion et son acceptation ont forcément pris du temps. La teneur de cet article doit beaucoup au livre de Klein et Sommerfeld [12]. Pour résumer, les déplacements de la fibula sont les suivants : plan frontal : écartement de 1 à 1,5 mm ; plan sagittal : translation antéropostérieure d'environ 1 mm (translation postérieure en flexion dorsale), déplacement proximo-distal d'environ 0,2 mm (déplacement proximal en flexion dorsale) ; plan transversal : rotation selon l'axe longitudinal d'environ 0,1 à 0,28 (pas de sens défini). [1] LeCœur Pol. La pince malléolaire. Physiologie normale et pathologie du péroné. Thèse. Paris: Louis Arnette; 1938. [2] Castaing J, Delplace J, Le Roy JD. La cheville Anatomie fonctionnelle de l'appareil locomoteur, tome 6. Paris: Vigot Ed; 1960. [3] Kapandji IA. 4e édition, Physiologie articulaire Membre inférieur, fascicule 2, 4e édition Paris: Maloine; 1977. [4] Kapandji IA. 6e édition, Physiologie articulaire Membre inférieur, fascicule 2, 6e édition Paris: Maloine; 2012. [5] Dufour M, Pillu M. Biomécanique fonctionnelle. Issy-les-Moulineaux: Elsevier Masson; 2006;219–20. [6] Kärrholm J, Hannsson LI, Selvik G. Mobility of the lateral malleolus. A roentgen stereophotogrammetric analysis. Acta Orthop Scand 1985;56(6):479–83. [7] Lundberg A, Goldie I, Kalin B, Selvik G. Kinematics of the ankle/ foot complex: plantarflexion and dorsiflexion. Foot Ankle Int 1989;9(4):194–200. [8] Franci R, Parenti-Castelli V, Belvedere C, Leardini A. A new one-DOF fully parallel mechanism for modelling passive motion at the human tibiotalar joint. J Biomech 2009;42(10):1403–8. [9] Ashhurst APC, Bromer RS. Classification and mechanism of fractures of the leg bones, involving the ankle. Arch Surg 1922;4:51. Consultable à l'adresse suivante :http://babel. hathitrust.org/cgi/pt?id=hvd.32044103041513;view=1up;seq=1. [10] Barnett CH, Napier JR. The axis of rotation at the ankle joint in man; its influence upon the form of the talus and the mobility of the fibula. J Anat 1952;86(1):1–9. [11] Inman VT. The joints of the ankle. Baltimore: Williams & Wikins; 1976. [12] Klein P, Sommerfeld P. Biomécanique des membres inférieurs. Issy-les-Moulineaux: Elsevier Masson; 2008;328–39. Déclaration de liens d'intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. 19
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