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SPÉCIAL IMMOBILIER
LILLE
Photos : Mikael Libert / Asa-Pictures
Construire pour tous
La Ville poursuit une politique de logement active, suivie désormais par les promoteurs.
Mais la baisse des prix met dans l’embarras ceux qui avaient acheté avant la crise
andis qu’ils obtenaient leur premier poste de professeur à Lille,
Camille et Bernard ont acheté en
mai 2007 un 3-pièces en plein centre-ville de Lille. « Nous n’avions
visité que trois appartements avant de prendre notre décision. L’agence faisait pression
sur nous : “Vous ne trouverez pas d’équivalent dans le centre-ville à ce prix-là”, nous précisait-on alors. » Ce prix-là ? Tout de même
près de 4 200 euros/m2 ! Aujourd’hui, nouvellement mutés, nos deux acquéreurs constatent que, catastrophe, le mètre carré n’est plus
qu’à 3 500 euros au maximum. « Nous partons avant la fin juin pour Montpellier. Nous
allons devoir vendre avec une perte, au mini-
T
mum, de 40 000 euros, sans compter les travaux effectués dans l’appartement. »
Ce type de mésaventure arrive de plus en
plus fréquemment, car le marché de l’ancien,
à Lille, surévalué jusqu’en septembre 2008,
connaît depuis une sévère correction. « Nous
avons sur les bras depuis deux ans une maison de maître de 500 m2, évaluée 1,2 million
d’euros en 2007, en vente actuellement à
800 000 euros. Selon mes estimations et celles
d’un confrère, il faudrait la vendre entre
600 000 et 650 000 euros, mais le propriétaire ne veut rien entendre », regrette JeanJacques Hamel, de l’agence Guy Hoquet
l’Immobilier de Lille-Solferino. Fini les surenchères, les envolées, les prêts astronomiques,
les crédits-relais… l’atterrissage en douceur
des prix du mètre carré dans l’ancien se transforme pour certains en cauchemar.
Lille, comme les autres grandes villes, a
connu la flambée et la spéculation, mais il
semble que cette époque soit révolue, sans
possibilité à court terme de retournement.
Pour Hugues Lemaire, vice-président du
conseil régional des notaires, chargé de la
communication, « la baisse du prix du mètre
carré se situe entre 10% à 15% pour des biens
vendus entre 150 000 et 200 000 euros. Audelà, c’est surtout le volume des transactions
qui a marqué le pas en 2009. Il s’agit moins
d’un effondrement du marché immobilier que
d’un réajustement nécessaire des prix ». ☛
●I
DR
Spécial immobilier
JOFFREY
ROUTIER
Directeur de
l’agence Meilleurtaux à Lille
Le Nouvel Observateur. – Quel est
le profil des personnes qui viennent
vous consulter pour financer un achat
immobilier ?
Joffrey Routier. – Ce sont principalement des jeunes couples de primoaccédants, qui ont entre 30 et 35 ans.
Ils se décident car ils considèrent
qu’il est plus intéressant d’acheter
plutôt que d’être locataire. Le montant des demandes de prêt est d’environ 150 000 euros.
N. O. – Quelle est la tendance forte du
moment chez les emprunteurs ?
J. Routier. – La renégociation du
prêt. Le taux se situait ces dernières
années entre 4 et 5% sur vingt ans.
Un prêt de 150 000 euros à 4,7% sur
lequel il reste vingt ans à rembourser est aujourd’hui renégociable à
3,8% sur dix-huit ans à une mensualité équivalente, soit deux ans de
gain sur la durée. On peut aussi
choisir de réduire sa mensualité en
conservant la même durée de prêt et
ainsi augmenter son pouvoir
d’achat. Il faut calculer avec les emprunteurs l’opportunité d’un rachat
ou d’une négociation de prêt.
Attention aux frais : les pénalités de
remboursement anticipé s’élèvent à
3% du capital restant dû plafonnés
à six mois d’intérêts.
N. O. – Qu’en est-il des crédits-relais ?
J. Routier. – Nous ne voyons quasiment plus de prêts-relais. Certaines
banques demandent maintenant
des expertises précises sur la valeur
réelle d’un bien avant d’accorder un
crédit, et si elle s’avère très inférieure au prix demandé, la banque
s’autorise à refuser le financement
de la transaction. Nous avons eu
l’exemple d’un client qui avait
vendu sa maison avant de solliciter
un prêt pour une autre acquisition,
il ne l’a pas obtenu et se retrouve
maintenant locataire. Je conseille
par conséquent de verrouiller la
nouvelle acquisition avant de vendre l’ancienne.
Propos recueillis par R. K.
II ● LE NOUVEL OBSERVATEUR
Fini la flambée et la spéculation dans la ville
Une cinquantaine d’agences ont mis la clé
sous la porte pour avoir préféré le chiffre d’affaires aux besoins réels d’une clientèle qui
devient de plus en plus experte en immobilier.
« Internet, les revues, les émissions télé n’y
sont pas pour rien, et c’est tant mieux », précise Pascale Crombez, directrice de l’agence
Le Lion Immobilier, pas mécontente que
l’agent retrouve son rôle de conseil et d’analyse, ce qui fut loin d’être le cas ces dernières
années. « Les acheteurs sont devenus de plus
en plus exigeants, faisant par exemple, au
moindre défaut, effectuer des travaux de mise
en conformité », poursuit-elle.
CHAQUE OPÉRATION
DE PLUS DE 10 LOGEMENTS
DOIT OBLIGATOIREMENT
INCLURE UN POURCENTAGE
DE LOGEMENTS SOCIAUX
Le marché du neuf, à Lille, se porte assez
bien, grâce notamment aux nombreux chantiers municipaux. On ne construit plus n’importe quoi, n’importe où. Désormais, pour
obtenir un permis de construire, il faut respecter les nouvelles règles du jeu. Chaque
opération de plus de 10 logements doit inclure
un pourcentage de logements sociaux afin de
maintenir la mixité sociale chère à Martine
Aubry. En clair, les promoteurs vendent, à
3 200 euros/m2 en moyenne, une partie de
leurs programmes dans le neuf aux investis-
seurs ou aux familles aisées. L’autre partie
des programmes est proposée en accession
urbaine à la propriété aux revenus modestes,
à un coût modéré variant entre 1 900 et 2 400
euros/m2, une offre possible grâce aux subventions de la Ville et aux autres dispositifs
existants (prêt à taux zéro, etc.). Ainsi, des
quartiers à l’abandon se revitalisent. C’est le
cas de Fives, avec le programme Organum
mis en place par Escaut Habitat ; de Lille-Sud
avec Le Carré Orchestra, aménagé par Pierres
et Territoires de France, et le programme
Fleurs de Lille, rendu possible par KIC
Bouygues Immobilier construit pour sa part
dans le Faubourg de Béthune.
« Ces programmes et leur succès sont importants pour nous, car ils font la démonstration qu’il existe une alternative à la
périurbanisation pour les familles modestes,
dès lors qu’on crée des conditions de marché
qui leur conviennent, affirme Audrey
Linkenheld, adjointe au maire chargée de la
politique du logement. Nous souhaitons garder les familles dans Lille, même les familles
modestes et les moyennes, et nous commençons à y arriver. Pour mémoire, Lille compte
25% de logements sociaux et ce taux devrait
atteindre 30% dans les prochaines années. »
Plus que réticents au début, les promoteurs
ont compris qu’ils avaient intérêt à collaborer
avec la municipalité. Rien qu’en 2010, près de
1 800 logements sont en chantier à Lille, tant
dans le marché libre que dans le marché
social, en accession à la propriété comme en
locatif, et ce dans tous les quartiers.
ROBERT KASSOUS