1562 francois civil

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1562 francois civil
1562
FRANCOIS CIVIL
J’ai retrouvé cette anecdote, que j’avais lu dans un livre dont je ne sais plus
le nom. Ce résumé qui tient plus d’un roman que de l’Histoire est en effet peu
vraisemblable ; mais l’histoire est jolie et je vous la soumets juste pour le plaisir.
Sous le règne de Charles IX, en 1562, la ville de Rouen fut assiégée par
l’armée catholique, à la tête de laquelle était le duc de Guise. Les huguenots,
commandés par Montgomery, le même qui avait causé la mort – accidentelle –
d’Henri II, s’étaient fortifiés dans la place qu’ils refusaient de rendre.
Le duc de Guise, voulant éviter le pillage lorsque la ville serait prise, promit
à ses soldats de fortes sommes d’argent pour racheter leur part de butin. Les
assiégés, au lieu de se montrer reconnaissants, envoyèrent un des leurs dans le
camp des catholiques pour assassiner le duc.
Le misérable fut découvert et arrêté. Il avoua son projet. Amené devant
Guise, celui-ci lui demanda si par hasard il lui aurait donné, sans le savoir,
quelques raisons de le haïr.
L’assassin répondit que non, et ajouta que le seul intérêt de sa religion
l’avait déterminé à tuer le chef des catholiques.
« Eh bien ! s’écria le duc de Guise, si ta religion t’oblige d’ôter la vie à un
homme qui ne t’a jamais offensé, la mienne m’ordonne de te pardonner ; juge par
là quelle est la meilleure. »
L’assassin fut mis en liberté et renvoyé dans la ville. Parmi les huguenots, un
grand nombre se montrait touché de la conduite du duc de Guise. Un gentilhomme
protestant, François Civil, se sentit alors attiré par le catholicisme et se promit,
lorsque le siège serait terminé, de se faire instruire par un prêtre de l’Eglise
romaine.
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Pendant une vigoureuse attaque des catholiques, toute la garnison était aux
remparts, opposant une résistance désespérée. François Civil combattait avec
acharnement pour la défense de la ville.
Etant sur le rempart, il fut atteint d’un coup de feu dans le visage, qui le
défigura en lui brûlant les yeux et noircissant la peau depuis le front jusqu’au
menton.
Laissé parmi les morts et ne donnant plus signe de vie, le malheureux fut
transporté dans un terrain vague avec d’autres compagnons tués pendant le
combat. On creusa une grande fosse, et les corps furent mis en terre
précipitamment, après avoir été dépouillés de leurs vêtements.
François Civil avait un valet fort dévoué qui voulut assurer à son maître une
sépulture digne de son rang en remettant son corps à sa famille.
Ce valet obtint de Montgomery la permission de s’informer du lieu où son
maître était enterré et de l’exhumer le soir ou le lendemain.
Montgomery fit conduire le serviteur près de la fosse. Le valet déterre tous
les cadavres, les examine attentivement l’un après l’autre et ne reconnaît pas son
maître. Désespéré, le serviteur replace tous les corps, et avec l’aide de deux
soldats amoncelle sur eux une masse de terre mêlée de pierres.
Après avoir fait quelques pas, le valet, qui ne s’éloignait qu’avec regret, jette
un dernier regard vers cette grande tombe où il avait reconnu quelques amis de
son maître.
Une main qui n’avait pas été bien couverte sort de terre et frappe les yeux
du valet. Par un sentiment de pitié, pour éviter que les chiens errants ou les
corbeaux ne vinssent dévorer ce corps, le valet revient armé d’une pioche, afin de
creuser encore plus profondément.
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Le serviteur pratique donc un trou assez profond et saisit la main pour l’y
placer. Quel n’est pas sa surprise en voyant briller au second doigt un diamant
semblable à celui de son maître. Le valet approche sa lanterne, déterre le corps
et, après un examen attentif, demeure convaincu qu’il a trouvé son maître.
Il court à la ville, ramène deux amis intimes de Civil, et tous trois, après
avoir lavé son visage couvert de terre et de sang, reconnaissent que c’est bien là
le corps du capitaine François Civil.
Le valet charge le corps sur ses épaules ; ses compagnons et lui rentrent
dans la ville et déposent cet homme nu et glacé dans une écurie, afin de pouvoir
le placer dans un cercueil le lendemain. En attendant, le valet va chez un
menuisier commander un bon cercueil en bois de chêne.
Avant d’ensevelir son maître, le valet prépare un grand bain. L’eau étant
presque bouillante, il y plonge le corps de Civil, et se fait aider du menuisier. Tous
deux, armés de bouchons de paille, lavent le corps immergé.
Tout à coup, le valet pousse un cri, il a cru entendre un gémissement. Ce
n’est pas une illusion ; en plaçant la main sur le cœur, on sent un battement, bien
faible il est vrai.
Le corps est placé dans un lit bien chaud, entouré de chirurgiens. Quelques
jours passent, François Civil est sauvé.
Le mois d’octobre venait de commencer et François ne craignit pas de dire à
Montgomery, qui venait le visiter, qu’il voyait là, un miracle de l’Eglise romaine. Il
ajouta qu’il avait fait un vœu et qu’il l’accomplirait après le siège.
François Civil habitait chez son frère et ne pouvait quitter son lit, sa faiblesse
était extrême lorsque la ville fut prise d’assaut. Les vainqueurs se répandirent
partout, pillant, tuant et mettant tout à feu et à sang.
Le frère de Civil avait un ennemi particulier dans l’armée du duc de Guise,
cet ennemi vint au logis de Civil et trouva François tremblant de fièvre – le fidèle
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valet était aux remparts, et le frère était caché dans une maison voisine –
L’ennemi du frère de Civil ne le trouvant pas, devint féroce, et de colère, prit
François et le jeta par la fenêtre.
Heureusement pour lui, son corps va tomber sur du fumier dont les rues
sont couvertes dans les villes assiégées.
Ce corps reste trois jours sur ce fumier, sans abri, sans vêtements, sans
remèdes et sans nourriture sans une place livrée au pillage !
A son retour, le valet cherche de tous côtés et ne découvrit le corps inanimé
de son maître que le troisième jour dans la soirée. Il le transporta chez les
chirurgiens, mais ceux-ci refusèrent de recevoir François Civil, déclarant qu’il était
mort.
Le valet déposa néanmoins le corps de son maître et s’éloigna, tout en
restant à vue. Les chirurgiens, qui n’avaient qu’un espace resserré pour le plus
grand nombre de blessés, jetaient les morts dans les escaliers ; des hommes de
peine venaient deux fois par jour les enlever et les portaient à la rivière.
Le malheureux valet courut avertir un parent de François, qui s’empressa de
récupérer le corps. Cette fois encore, il était vivant.
On lui donna des soins, mais en laissant croire qu’il était au nombre des
morts, car la garnison demeurait prisonnière, et quelques capitaines devaient être
pendus.
Le duc de Guise leur fit grâce. Dès qu’il pût se mouvoir, François Civil fut
conduit à la campagne, où la guérison s’acheva.
Conformément à sa promesse, le capitaine devint un catholique zélé.
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