une vision de l`école au 21ème siècle

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une vision de l`école au 21ème siècle
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Matu Online : une vision de l’école au 21ème siècle
A l’ère où la Suisse souhaite faire baisser le taux de jeunes quittant prématurément l’école,
Alain Moser, directeur de l’Ecole Moser réorganise l’emploi du temps de la journée
scolaire pour mieux motiver ses étudiants. Depuis une année, un programme en ligne
soutient la préparation des élèves aux examens de la maturité, prouvant qu’il est
possible de dissocier toujours un peu plus l’école de ses contraintes physiques, pour
mieux s’adapter aux besoins de chacun. Nous continuons notre série sur la
technologie au service de l’apprentissage en explorant la « Matu Online », fruit de
l’esprit innovant d’Alain Moser.
L’intégration de la technologie dans l’enseignement intéresse les experts depuis des
décennies déjà. A l’Université de Genève, la TECFA, Unité active dans les technologies
éducatives offre des formations pédagogiques dans ce domaine depuis 1994. Les projets de
recherche en Europe et dans le monde sont innombrables. Depuis 2009, les universités du
monde entier développent l’offre des cours ouverts et gratuits en ligne (MOOCs pour Massive
Open Online Courses). Aujourd’hui, de nombreuses écoles privées en Suisse fournissent des
tablettes aux élèves ; les ordinateurs et autres tableaux interactifs sont légion. Cependant,
comme d’autres experts de l’intégration technologique dans l’éducation, Alain Moser
s’interroge sur la véritable valeur ajoutée de ces supports dans l’offre pédagogique des
écoles, surtout au niveau secondaire.
Réinventer le temps scolaire
Depuis une vingtaine d’années, la Confédération suisse traque l’évolution du taux de jeunes
quittant l’école (appelé parfois « décrochage scolaire »), cause importante de précarité. Si ce
taux baisse depuis 2010, l’objectif de 5% n’est pour l’heure pas encore atteint. A la liste
des causes reconnues (situation familiale et socio-économique, facteurs culturels et
géographiques), Alain Moser ajoute la baisse de motivation due à l’inadéquation de
l’organisation de la journée scolaire. Les longues périodes d’enseignement transmissif (7 x 45
minutes en une journée) n’encouragent ni la participation active dans le processus
d’apprentissage, ni le développement de compétences, comme la collaboration et
l’innovation. Pour devenir acteur de son travail, l’élève doit attendre de commencer ses
devoirs : seul à la maison et pendant les heures extra-scolaires. Les jeunes sont donc souvent
contraints de sacrifier leurs loisirs (pour ne pas dire leurs passions), faute de temps. Quand
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l’autodiscipline fait défaut, l’abandon prématuré de l’école menace à chaque bulletin
trimestriel.
A l’école Moser, les journées ont été repensées pour limiter les périodes transmissives et
favoriser le travail actif au sein de l’école. 80 élèves se regroupent pour assister à quatre
périodes de 20 minutes de cours, suivies de 1.5 heures de travaux pratiques en petits
groupes, où la participation et la collaboration sont valorisées. L’enseignant surveille, aide et
endosse les rôles de personne-ressource, de facilitateur et d’accompagnant. Les devoirs sont
faits immédiatement après le cours. Depuis 15 ans, le taux de réussite à la maturité à l’Ecole
Moser est de 80%. (1) « Chez nous », dit Alain Moser, « les élèves viennent à l’école pour
travailler ».
Du réel au virtuel
Depuis 2009, Alain Moser œuvre pour transposer ce modèle à l’espace virtuel de l’Internet. Il
en résulte le programme « Matu Online », disponible depuis 2012 et affichant un franc succès.
Comme à l’école, chaque module en ligne se compose d’un contenu transmissif, suivi
d’exercices pratiques. La transmission se fait par vidéo, le professeur ayant adapté et filmé
son cours. Les exercices se font par questionnaires en ligne ou par documents à télécharger
et ils sont soumis électroniquement à un professeur pour correction.
Chaque module précise ses prérequis en termes de connaissances préalables, voire en
termes de modules antérieurs réussis. Les modules sont asynchrones, c’est-à-dire qu’il n’y a
pour l’heure pas d’éléments « en direct » : l’élève peut ainsi interrompre le programme et le
reprendre en toute liberté.
Précisons que « Matu Online » couvre tous les domaines académiques, sauf les langues,
l’offre existante sur l’Internet étant jugée suffisante dans ce domaine.
La « Matu Online » permet aux élèves de l’Ecole Moser de se libérer des contraintes
physiques de leur établissement (sauf pour les cours de langue) : ils peuvent poursuivre leur
scolarité à distance, par exemple en participant à un séjour d’études au campus berlinois de
l’Ecole ; et à leur convenance, si d’autres activités à haute valeur éducative exigent un emploi
de temps flexible. Ainsi, un étudiant a pu développer une start-up, un autre poursuivre une
carrière sportive de compétition, tout en obtenant leur maturité. « Moins de sacrifice = plus de
motivation », selon la formule Moser.
Aller encore plus loin
Alain Moser ne compte pas s’arrêter là. Il travaille déjà sur la deuxième phase de « Matu
Online », qui offrira un espace sécurisé plus compact créant une « école virtuelle » sur la toile.
Celle-ci proposera de nouveaux éléments :
1. Un parcours pédagogique hautement personnalisé, selon les besoins individuels de l’élève,
établi par un spécialiste qualifié sur la base d’entretiens, de tests et autres outils
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pédagogiques. Les élèves seront ainsi accompagnés dans leur choix de modules.
2. Certains échanges auront lieu en « live », de façon synchrone, par vidéo, avec des individus
et avec des groupes d’élèves, chacun étant connecté depuis chez lui.
3. Des réseaux d’apprenants pourront ainsi être créés, permettant de passer du virtuel au
monde réel. Selon où se trouvent les participants, des rencontres pourront avoir lieu sur la toile
ou en personne, dans un lieu commun. D’ailleurs, le campus genevois de l’Ecole Moser
dispose déjà de locaux conçus spécialement pour favoriser ce genre d’activité collaborative
d’apprentissage.
4. Une base de données de documents électroniques, ou e-bibliothèque viendra enrichir les
ressources académiques disponibles à distance et en tout temps.
Enfin, d’autres fonctionnalités ont d’ores et déjà été imaginées par le créateur du programme
: l’accès à distance à des conseillers d’orientation, pour bien choisir sa voie professionnelle
ou universitaire ; le soutien au besoin d’un psychologue, d’un logopédiste et d’autres
spécialistes ; le téléchargement de divers contenus multimédia pour enrichir l’apprentissage…
A qui s’adresse la « Matu Online » ?
Dans un premier temps, le programme a été rendu disponible à tous les élèves de l’Ecole
Moser. Actuellement, tout un chacun peut y accéder via l’interface en ligne.
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« La marque Matu Online », constate Alain Moser, « se distancie peu à peu de l’Ecole Moser ».
Il espère qu’elle atteindra, à terme, une notoriété indépendante qui lui permettra de fidéliser
son propre public. Celui-ci englobe plusieurs segments comprenant tous les apprenants qui ne
peuvent se contenter de l’école secondaire traditionnelle entre ses quatre murs, pour une
raison ou une autre : les sportifs d’élite, les adultes, les élèves hospitalisés, les personnes
incarcérées… mais aussi les élèves « traditionnels » qui souhaitent enrichir leur apprentissage
ou qui ont besoin d’un soutien supplémentaire, modulable et flexible. Alain Moser espère
intéresser, à terme, 5-10% des jeunes inscrits chaque année à la préparation de la maturité en
Suisse romande. (2)
L’aventure « Matu Online » : de la persévérance et des solutions
Le principal défi relevé par Alain Moser concerne le modèle économique du programme.
Nécessitant un investissement important, le programme devra, en définitive, être rentable. Or,
la « mode » actuelle est à la gratuité des services proposés en ligne. En conséquence, « Matu
Online » doit présenter des arguments forts concernant sa plus-value, selon des critères
objectifs et pertinents. Le programme doit convaincre ses utilisateurs d’un bon rapport
qualité-prix et du bien-fondé de cet investissement personnel.
S’agissant des cours privés, avec des professeurs en chair et en os, les parents sont moins
réticents à ouvrir le porte-monnaie pour donner à leurs enfants une meilleure chance de
réussite à la maturité. Là aussi, « Matu Online » doit les convaincre que le modèle « vidéo +
exercices sans contrainte » propose une alternative intéressante, se fondant sur une
pédagogie innovante qui a fait ses preuves. La stratégie économique doit tenir compte du coût
d’un cours privé sur le marché et proposer un prix d’appel attractif.
La « Matu Online » ne prépare pas à d’autres formations existant en Suisse romande, comme
le baccalauréat français ou le baccalauréat international. S’adressant à une population très
spécifique, le marché est limité et donc concurrentiel. En contrepartie, le programme est
fortement spécialisé, son offre est clairement différenciée et le diplôme à la clé est hautement
qualitatif, sa reconnaissance jouissant d’un consensus helvétique.
Une autre difficulté concerne la recherche de partenaires. Alors qu’une collaboration avec
l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), qui a atteint une certaine notoriété dans
la production des cours virtuels (MOOCs) reste une possibilité d’avenir, les besoins immédiats
pour passer à la deuxième phase sont d’ordre technique. La plateforme doit être sécurisée
pour assurer les rencontres en « live ». De nouvelles fonctionnalités doivent être développées.
Des modèles de paiement flexibles permettraient non seulement de combiner des contenus
gratuits avec des compléments payants, mais aussi de tester et d’optimiser la stratégie prix.
Le développement d’une telle plateforme sur mesure est coûteux et requiert un savoir-faire
spécialisé.
Musique d’avenir
Alain Moser a parfois le sentiment que sa vision d’une école virtuelle dépasse les mentalités
actuelles. Pourtant, au-delà du programme « Matu Online » et de ses questions de rentabilité
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et d’organisation se trouve un innovateur bien déterminé à faire avancer l’état de la formation
gymnasiale en Suisse.
« Nous sommes peut-être un peu en avance sur notre temps »
D’un côté, il y a sa volonté de diversifier, sinon de « secouer » les modèles pédagogiques
traditionnels. Il y a aussi sa conviction que la Suisse a besoin de diminuer le taux d’échec ou
d’abandon prématuré de l’école. Les élèves catégorisés « perturbateurs », qui finissent
souvent dans les écoles privées (si les moyens des parents le permettent) et en font parfois, à
tort, la réputation seraient les premiers à bénéficier d’un soutien flexible qui s’adapte à leurs
profils personnels d’apprenants, souvent non-conformes. Quitte à leur permettre ainsi de
rester à l’école publique et à y réussir.
Alain Moser aimerait aussi augmenter le nombre de maturités délivrées chaque année, sans
les dévaloriser. L’économie suisse se distingue non pas par ses ressources naturelles, mais
par sa force d’innovation, qui requiert une excellente préparation intellectuelle et académique.
Or, une comparaison internationale avec des pays à développement comparable situe la
Suisse en bas du classement selon les critères suivants : investissement public dans
l’éducation ; espérance de scolarisation dans l’enseignement tertiaire (université ou haute
école) ; et taux d’obtention d’un premier diplôme tertiaire. Une étude de l’Organisation de
Coopération et de Développement Economiques (OCDE) sur les diplômes universitaires fait le
même constat.
L’individu, acteur de la collectivité
En préface à l’une de ses études sur les jeunes quittant prématurément l’école, le Bureau
fédéral de la statistique déclare : « Le savoir et le savoir-faire sont l’une des clés de
l’épanouissement personnel ainsi que la matière première indispensable à toute économie
novatrice et performante. Dans une société et une économie fondées sur le savoir, une
formation post-obligatoire (secondaire II) représente une des conditions minimales pour
échapper à la précarité de l’emploi et au chômage, elle construit les bases d’un
apprentissage tout au long de la vie ».
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Assouplir l’école, valoriser l’apprentissage collaboratif ou en communauté pour en finir avec
l’isolement des élèves ainsi que pour augmenter les taux de réussite et former des futurs
citoyens, chercheurs et entrepreneurs qui feront la fierté économique et intellectuelle de leur
pays : il s’agit d’un projet ambitieux, auquel Alain Moser tente d’apporter une contribution,
traduisant sa vision en innovation pédagogique. Évolution à suivre...
Cliquez ici pour le discours de M. Moser à la conférence TEDx de Genève en 2012
(1) Taux calculé sur trois ans en tenant compte des redoublements. (2) En 2012-13, selon
l’Office fédéral des statistiques, la Suisse comptait 71'375 élèves en formation pour la Maturité
gymnasiale. En région lémanique (Genève, Valais, Vaud), 38'182 élèves étaient inscrits dans
le degré secondaire II. http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/15/22/lexi.html
Sources :
http://www.nouvo.ch/2012/12/les-moocs-ou-luniversit%C3%A9-%C3%A0-port%C3%A9e-de-cli
c http://moocs.epfl.ch/mooc-liste
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