Les contraintes matérielles et physiques lors de l
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Les contraintes matérielles et physiques lors de l
PSIR – IR/SEP/SEPA (2015) Projet Scientifique d’Initiation à la Recherche (PSIR) Les contraintes matérielles et physiques lors de l’assemblage des blocs des pyramides égyptiennes B. ADOUM KOKOI, M. BIYAMOU, M. CANEVAL, T. MFUNI, W.RANO, M. COLLETTE* Groupe esaip – 18 rue du 8 mai 1945, CS 80022 49180 St Barthélémy d’Anjou Cedex ARTICLE INFO ABSTRACT Article history: Received 13 february 2015 The three Great pyramids of Giza (Egypt), remains of this civilization, stand as worldwide monuments. These are the necropolis of the Pharaoh Kheops, his son Khephren and his grandson Mykerinos. Furthermore, the pyramid of Kheops features in the Seven Wonders of the Ancient World. Introduced at the beginning of the 4th Dynasty (more than 4 500 years ago), the construction techniques of the pyramids are still a mystery though. Depending on whether Egyptians controlled physical and material abilities, the issue raised through this article is how the stones have been assembled according to the means and technical skills. Scientists mention the potential use of internal, external or in spiral ramps, the use of re-agglomerated stones, and even the help of divine beings: giants. Thus, the first two theories will be exposed and discussed here, so that a genuine new suggestion will emerge from this analysis, to explain the construction pattern of the structure Keywords: Pyramid Constraints Geopolymer Ramps 1. INTRODUCTION Les hypothèses et théories qui tentent d’expliquer les méthodes d’édification des pyramides égyptiennes sont nombreuses et se heurtent toutes à des obstacles à un moment ou un autre de l’ossature. A l’heure actuelle, les données archéologiques disponibles ne permettent pas d’apporter une réponse claire et définitive au système utilisé pour ériger ces monuments colossaux. D’autre part, aucun plan de construction des pyramides de l’Ancien Empire n’a été conservé et ne fait état des techniques appliquées ou des modes d’organisation lors de la pose des blocs de pierres. Elles indiquent néanmoins l’utilisation d’outils d’une faible dureté, distincts des moyens techniques robustes que nous connaissons actuellement dans le domaine de la construction. En effet, les pyramides furent érigées à une époque où la civilisation égyptienne ne faisait pas l’usage du fer travaillé, de la roue et de la poulie [1]. Récemment, la découverte d’un palier dans l’angle nord-est de la Grande Pyramide de Khéops en 2008 sousentend une construction en spirale [2]. Ce palier localise l’emplacement d’une pièce de 3 mètres carrés et étaye l’hypothèse selon laquelle une rampe construite de l’intérieur aurait servi en partie pour manœuvrer les blocs de pierres, à chaque angle et permettre l’élévation de la pyramide. Les travaux de recherche menés parallèlement par l’équipe projet réunissent les critères d’une hypothèse scientifique [3]. *[email protected] Les blocs de pierres pesaient plus de deux tonnes et étaient essentiellement soulevés par une main d’œuvre résistant aux stress physiques et mentaux. D’un point de vue scientifique, il est correct de penser que les architectes égyptiens ont facilité l’ascension des blocs en utilisant des pierres de synthèse, façonnées sur site à partir d’un moule. Aussi, cette étude scientifique aborde la théorie de la rampe interne et celle des pierres moulées dans le but de considérer la construction dans sa globalité. Ces deux théories vivantes s’affinent depuis une quinzaine d’années grâce aux connaissances techniques actuelles (modélisation 3D, chimie des polymères, microgravimétrie) et font toujours débat entre les experts. La présente publication s’attachera à étudier les difficultés liées à l’achèvement de la structure de trois pyramides à savoir la grande pyramide de Khéops, la pyramide de Khéphren et la pyramide de Mykérinos, construites sur le plateau de Gizeh en Egypte sous la IVème dynastie et illustrées à la Fig.1. Afin d’identifier les contraintes matérielles et physiques rencontrées par les égyptiens, nous aborderons le contexte de la construction, puis nous explorerons la pyramide dans son volume et sa hauteur. Les résultats exposés feront également l’objet d’une discussion en fin de partie. B. ADOUM KOKOI et al. / PSIR SEP/IR/SEPA (2015) Fig. 1. Géolocalisation du plateau de Gizeh, Egypte. Le plateau s’étend sur 2200 m d’ouest en est et sur 1500 m de nord en sud. Les pyramides royales (Grand Pyramide de Khéops, Pyramide de Khéphren, Pyramide de Mykérinos) se situent en son centre et s’alignent du nord-est au sud-ouest. (4) 2. LE CONTEXTE DE LA CONSTRUCTION 2.1. Les ressources matérielles nécessaires La Grande Pyramide de Khéops est la plus grande pyramide jamais construite, avec un volume estimé de 2 500 000 millions de mètres cubes. La modélisation géométrique de la pyramide permet d’apprécier la présence de 2 300 000 blocs de pierre d’un poids moyen de 2,5 tonnes et d’une hauteur de 50 cm. La structure externe de la Grande Pyramide était revêtue d’un calcaire blanc et poli dont il ne reste que des vestiges après son prélèvement à la fin du XIIème siècle pour reconstruire la ville du Caire [5]. Parmi les ressources disponibles, figurent l’argile et la boue que les égyptiens soumettaient, tout comme les outils en cuivre et en bois à des manipulations afin d’en exploiter les qualités et en déterminer les limites. La chronologie des pyramides de Gizeh indique d’ailleurs une meilleure maîtrise des matériaux, marquée par une tendance à utiliser des blocs de pierre de plus en plus gros. Ainsi, la pyramide de Khéphren présente des blocs d’un poids moyen de 3 tonnes et celle de Mykérinos, construite en dernier mais plus complexe, abrite un bloc de 200 tonnes. Toutefois, l’existence de blocs de granite de plus de 60 tonnes pour la couverture de la chambre interne du roi Khéops intrigue quant à la manutention manuelle des pierres par les hommes. De telles nécessités impliquent une organisation efficace afin de prévoir des ressources suffisantes, l’usure des outils et la quantification du travail humain. 2.2. Comment l’organisation prévoyait-elle la gestion des ressources et l’ascension des blocs ? La géométrie de la pyramide lui confère l’essentiel de son volume dans son tiers inférieur. Les égyptiens devaient donc combler le centre par des blocs plus grossiers, afin de sauvegarder une partie des ressources et économiser les coûts. Néanmoins, la structure interne particulière de Khéops apporte plus de complexité à cette hypothèse. Le choix de la distribution interne, la hauteur et le volume des pyramides appellent à une logistique indispensable pour manipuler des dimensions colossales. Le lancement de la construction après calcul du nombre de blocs et de personnes nécessaires prend en compte aussi bien les facteurs physiques que les facteurs humains. 2 De même que la pyramide doit supporter son propre poids, les matériaux doivent être résistants à l’érosion. Le taillage des pierres s’effectuait avec maîtrise ; la formation des bâtisseurs était sans doute réalisée en ce sens lors du levage et de la pose afin de ne pas fragiliser la structure. Notamment, si l’on tient compte de la pyramide de Khéphren, on dénote que ses arêtes ne se joignent pas exactement au sommet de l’édifice. Des inscriptions sur le plateau de Gizeh font état des calculs des scribes et de la préparation du travail [6]. De plus, des marques retrouvées sur les blocs de pierre des pyramides renseignaient les bâtisseurs qui ne savaient pas lire, sur l’emplacement prévu du bloc et prouvent une organisation du matériel [6]. Les hommes qui intervenaient dans la construction devaient forcément être résistants physiquement en plus d’être encadrés par des professionnels. 2.3. Qui étaient les hommes intervenant dans la construction ? Pour pallier les dépenses liées aux ressources, les chefs de chantier et scribes recherchaient certainement une main d’œuvre à faible coût. La localisation d’une enceinte située au sud-est de la pyramide de Mykérinos correspond au village où les ouvriers et artisans de Gizeh vivaient. Ainsi, la présence de centaines d’hommes sur site est avérée par la découverte d’ossements dans cette région du plateau et l’excavation du cimetière en 1987 [7]. Le succès des pyramides relève d’une grande discipline et d’un savoir-faire acquis qui auraient pu être motivés par une récompense. Il est pertinent de s’interroger sur les capacités de tels hommes compte-tenu des éventuels risques d’accident. Effectivement, les données disponibles tendent à démontrer que les hommes intervenant sur le chantier n’étaient pas de simples esclaves battus au cuir et forcés [7]. Précisément, il s’agissait de citoyens payés par l’Etat par des rétributions en nature. Les ossements ont révélé de nombreuses fractures et des déformations de la colonne vertébrale (arthrite) [8]. Le travail physique et répétitif incluait une longue posture courbée. Toutefois, ces hommes étaient en meilleure santé que les autres citoyens car ils recevaient des soins médicaux. Les fractures notamment font apparaître la soudure bien droite des os cassés. Les ouvriers bénéficiaient de plus, d’une alimentation saine riche en protéines animales et travaillaient par roulement de trois mois pour récupérer. Les informations délivrées par les squelettes corroborent la théorie selon laquelle les ouvriers hissaient à la force des bras les énormes blocs. 3. COMPETENCES MATHEMATIQUES Les quelques preuves dont nous disposons aujourd'hui sur les connaissances scientifiques de l'Egypte ancienne sont entre autres celles fournies par les inscriptions au niveau des façades des temples ou encore sur les murs tombales. Les papyrus dans lesquels sont regroupés des problèmes mathématiques résolus, donnent également un aperçu sur le développement des sciences à cette époque [9]. Ceux-ci évoquent des problèmes de la vie courante tels que la gestion du bétail ou encore celle des denrées alimentaires. 3 2015 B. ADOUM KOKOI et al. / PSIR SEP On retient parmi les plus célèbres le papyrus de Rhind visible sur la Fig. 2. , de même que ceux de Berlin et de Moscou. Ces documents contiennent, en ce qui concerne les mathématiques, les résolutions d'équations à une voire deux inconnues ainsi que des applications faisant intervenir les suites arithmétiques. Le contenu laisse supposer un niveau de développement avancé de la civilisation. Fig. 2. Papyrus de Rhind (9) A cette époque déjà, les Egyptiens utilisaient un système de numérotation décimale dans lequel le zéro était encore inexistant. Il s'agissait en réalité d'un système additionnel dans lequel chaque ordre de grandeur était représenté par un hiéroglyphe particulier. La répétition des signes le nombre de fois nécessaire permettait la constitution de nombres, indépendamment de l'ordre des symboles Cela étant, les méthodes utilisées avaient plus un sens pratique qu'elles ne bénéficiaient de justifications, alors il est souvent repris que les mathématiques de l'époque relevaient de l'empirisme. 4. TECHNIQUES D’ASSEMBLAGE ET EDIFICATION DES PYRAMIDES L’édification des pyramides égyptiennes est un sujet à controverse et oppose diverses théories qui ne cessent de fleurir et se multiplier. Deux théories scientifiquement prouvées, à savoir celles de Jean-Pierre Houdin et de Joseph Davidovits, seront exposées ci-après, puisqu’elles figurent parmi les conceptions les plus plébiscitées et dont les fondements sont à l’heure actuelle des plus tangibles. 4.1. Approche selon la théorie de Jean-Pierre Houdin [10] C’est dans l’optique de trouver une réponse scientifiquement prouvée que l'architecte français JeanPierre Houdin défend une théorie de construction des pyramides selon laquelle l’édification des pyramides égyptiennes serait basée sur l'utilisation d'une rampe extérieure frontale et d'une rampe intérieure. Ces deux rampes utilisées sont visibles sur la Fig. 3. Ce précepte s’appuie sur des relevés de mesures micro-gravimétriques et repose sur deux piliers que sont : - L’utilisation d’une rampe extérieure pour la construction des quarante-trois premiers mètres de la pyramide, autrement dit 65 % de son volume total. - L’utilisation d’une rampe interne en forme de spirale courant sous les faces de la pyramide pour terminer. Dans l'Egypte antique, les fractions aussi étaient maitrisées. Les calculs faisaient intervenir les puissances, les carrés en l'occurrence, et également les racines dont par contre aucune explication quant à leur extraction n'a été jusque-là trouvée. Afin d'édifier leurs temples, palais et autres structures, les Egyptiens avaient développé des connaissances géométriques et avaient déjà recours à la trigonométrie pour déterminer l'inclinaison des pentes par exemple. Ils étaient capables de calculer des surfaces (triangles, rectangles, disque...) et des volumes (prisme droit, cylindre, sphère...). Pour illustration, ils calculaient l'aire du disque en élevant au carré les 8/9 du diamètre, ce qui revenait à considérer une valeur approximative du nombre "pi" à 3,1605. Dans leurs démarches, on peut lire une préfiguration des théorèmes que l'on connait aujourd'hui tel que celui de Pythagore ou encore Thales. En ce qui concerne les unités de mesure, il existait alors deux systèmes: celui de la coudée royale (meh mi-sout) et celui de la coudée sacrée (meh djeser). La première utilisée dans la mesure de hauteurs est l'équivalent de 0,5 mètres et représente la distance entre l'extrémité du majeur et la pointe du coude. La seconde davantage utilisée pour la décoration est l'équivalent de près de 0,7 mètres. Fig. 3. Plan de la construction des quarante-trois premiers mètres de la Grande Pyramide (11) En 2005, l'architecte démontre que tous les processus décrits dans son modèle sont plausibles. Ils permettraient de reconstruire en une vingtaine d'années une pyramide identique avec le même volume, le parement en pierre de Tourah et avec les contraintes de l’époque c’est-à-dire le nombre d’hommes, les matériaux et les outils dont ils disposaient à ce moment. 4.1.1. La rampe externe frontale Jean-Pierre Houdin suppose donc l'utilisation d'une rampe frontale à double voie, érigée avec les mêmes matériaux que la pyramide, pour la construction des quarante-trois premiers mètres. Elle permet d’élever la pyramide jusqu'au niveau de la base de la chambre du roi. Pour bâtir la chambre du roi B. ADOUM KOKOI et al. / PSIR SEP/IR/SEPA (2015) d’environ soixante-trois tonnes, les bâtisseurs égyptiens mettaient en place des poutres en granite, hissées à partir de la rampe extérieure à l'aide d'un contrepoids installé dans la Grande Galerie. Les bâtisseurs utilisaient ensuite une des deux voies de la rampe pour monter les blocs de pierre d’une à deux tonnes, pendant que la seconde voie, plus rehaussée, permettait de continuer les travaux en parallèle. La rampe extérieure s’élève donc peu à peu avec la construction. On construisait ainsi le premier tiers en hauteur de la pyramide, soit les deux tiers de son volume. Lorsque les bâtisseurs dépassaient les quarante-trois premiers mètres, le volume de pierres augmentait avec la longueur de la rampe extérieure. Rapportée au volume décroissant de la pyramide restant à construire, la longueur de cette rampe serait vite démesurée. C’est à ce niveau que la rampe intérieure a toute son importance. 4.1.2 La rampe interne Selon Jean-Pierre Houdin, il y aurait une seconde rampe, rampe intérieure cette fois, qui aurait permis de monter les blocs pour la suite des travaux. Ladite rampe serait en forme de spirale, constituée de segments rectilignes raccordés à angle droit et construite depuis la base de la pyramide. La rampe interne, parallèle à chaque face de la pyramide, se prolongerait de la base de la chambre du roi jusqu’au sommet. La rampe visible en Fig. 4. aurait suivi une pente douce à travers une segmentation en 21 tronçons pour une longueur totale de 1600 mètres. La pente douce permettait aux hommes de manœuvrer les blocs en minimisant les efforts physiques. L’intérêt de la rampe réside dans la possibilité de consolider les blocs très fragiles de la façade de l’édifice. De plus, à chaque rencontre de l'une des arêtes, les bâtisseurs laissaient un espace ouvert afin de pouvoir faire pivoter les blocs de pierre. Fig. 4. Schéma de la rampe interne parcourant les faces de la pyramide (12) D’après l’architecte français, les égyptiens auraient pris les pierres de la rampe extérieure pour terminer la partie supérieure de la pyramide et éviter par la même occasion un travail important en carrière. Cela expliquerait, en effet, l’absence sur le terrain de résidus importants qu’une rampe extérieure unique n’aurait pas manqué de laisser. Les ouvriers acheminaient ces pierres à l’intérieur à travers la rampe interne en relais avec plusieurs groupes d’ouvriers. 4 Pour étayer sa théorie, Jean-Pierre Houdin se sert de ce qu'il considère comme les défauts d'autres théories. Il prend l’exemple de la théorie de l'égyptologue Georges Goyon avec sa théorie de rampe en spirale enveloppante [13], qui aurait manqué de stabilité et n’aurait pas offert assez de liberté aux haleurs. Cette rampe aurait également fortement compliqué la parfaite exécution de la pyramide, sans oublier que la construction de la chambre du roi impliquait le transport de poutres de granite de plus de 60 tonnes jusqu’à une hauteur de 60 mètres. 4.2 Approche selon la théorie de Joseph Davidovits La théorie développée par le professeur Joseph Davidovits est basée sur la chimie des géopolymères. L’explication de ce processus mettant en œuvre des matières minérales naturelles est simple. La chimie des géopolymères repose sur des réactions chimiques que la nature réalise elle-même sur des cycles de plusieurs millions d'années. Elle fait intervenir des matériaux d'origine géologique comme les roches et dans le cas des pyramides les roches calcaires majoritairement. Le but est d'obtenir, à partir de ces-dernières, d'autres roches reconstituées. Ainsi, en partant d’une roche naturellement désagrégée, érodée ou délitée, on va lui redonner une structure plus compacte. Une colle géologique va permettre d’agglomérer les particules minérales entre elles, favorisant alors ce phénomène. L’utilisation de matériaux intégralement géologiques conduit à la formation de roches plus solides dont l’aspect semble naturel [14]. Le professeur Davidovits émet donc la théorie selon laquelle les pierres n’ont pas été transportées, assemblées, puis taillées, mais coulées sur place. Aussi, la validité de cette théorie est soutenue par le professeur Guy Demortier (Physicien, directeur du Laboratoire d’Analyse par Réactions Nucléaires (LARN) aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur (Belgique). Il y apporte sa démonstration scientifique en analysant un agrégat provenant de la pyramide de Kheops [15]. Cette approche est intéressante car elle apporte des arguments et des éléments de réponse aidant à comprendre comment les pierres constitutives des pyramides ont été assemblées entre elles et répond à de nombreux points non élucidés par les autres théories. Pour appuyer sa théorie, Davidovits mène une expérience de plusieurs jours en septembre 2002 avec une équipe de l’Institut Géopolymère. La méthode consiste à couler les blocs massifs à partir de roches calcaires ré-agglomérés semblables aux blocs de pierres constitutifs des pyramides de Gizeh. Ensemble, les scientifiques s’attachent à utiliser les mêmes composants géologiques que ceux dont disposaient les égyptiens. Le point fort de cette expérience est que tout est mis en œuvre pour se rapprocher le plus possible des conditions de l’époque. La matière est donc transportée à la main. Les mélanges et le moulage sont réalisés avec des outils semblables aux outils d’époque qu’ils ont pu identifier [16]. 5 2015 La fabrication des pierres moulées se fait en plusieurs étapes. Dans un premier temps, les ouvriers utilisent un calcaire désagrégé identique à celui trouvé en Egypte. Ensuite dans un bassin, ils font réagir ce calcaire à la chaux, au natron et à l’argile caolin qui servent de réactifs chimiques. Après ajout d’eau, le mélange de réactifs se fait à l’aide d’outils en bois. Quelques jours plus tard, l’eau s’évapore. Puis, la boue obtenue est transportée de la zone de mélange à la zone de moulage en faisant une chaîne humaine. La mixtion est tassée par une dame (outil) dans un moule fabriqué de planches de bois, d’autres pierres et de briques crues visible en Fig. 5. Ce sont ces mêmes éléments qui seront réutilisés pour faire les autres blocs, sachant que les parties déjà coulées serviront de bords. On démoule ensuite et on coule les autres blocs à côté en respectant la forme que l’on veut donner [16] Fig. 5. Exemple d’un moule en bois utilisé pour l’expérience de septembre 2002 (16) En outre, le professeur Davidovits identifie l’utilisation de nasses pour transporter les éléments solides, principalement du calcaire. Les éléments liquides auraient été transportés à l’aide d’outres. Le travail réalisé par les ouvriers est illustré en Fig. 6. Les boues créées, futures pierres non consolidées, ont alors transportées dans des paniers. Fig. 6. Ouvriers aplanissant la mixture à l’aide de dames (outils en bois). La mixture est transportée en parallèle par d’autres ouvriers dans des outres (16) Selon les expériences menées par l’équipe de recherches de Davidovits, il est vraisemblable que les pierres aient pu être moulées sur site les unes à côté des autres. B. ADOUM KOKOI et al. / PSIR SEP 4.3. Les résultats L’expérience de construction de pyramide dirigée par Davidovits avec des pierres ré-agglomérées a permis une vision plus concrète du travail. Cependant, seuls quelques blocs ont été réalisés. Les outils employés, relativement simples, correspondent aux matériaux que pouvaient avoir à leur disposition les égyptiens de l’époque. L’aspect, la composition et le poids des blocs de pierres consolidées autorisent à penser que les blocs obtenus sont semblables à ceux identifiés sur les pyramides. Les blocs de pierres moulées sont visibles en Fig. 7. L’organisation du travail pour construire les blocs sur les différents niveaux en utilisant des chaînes humaines est aussi validée par cette expérience. De plus, la méthode utilisée est semblable à la méthode du Pisé que l’on rencontre encore à ce jour [16]. Fig. 7. Blocs obtenus suite à l'expérience menée en septembre 2002 par Joseph Davidovits et son équipe (16) D’autre part, Jean-Pierre Houdin émet une théorie différente. Plusieurs éléments tels que les indices archéologiques confortent cette thèse. Le socle de l’obélisque du temple solaire de Niouserrê, à Abousir présente notamment une rampe interne [17]. Le site révèle une structure interne en colimaçon qui ne semblait indiquer jusqu’à présent qu’un simple escalier d'accès à la terrasse du premier tronc de l'obélisque. D’après l’architecte Houdin, cette structure interne démontre à suffisance que le concept de couloir en spirale à angle droit était un élément architectural, utilisé par les bâtisseurs égyptiens lors la construction de la grande pyramide. B. ADOUM KOKOI et al. / PSIR SEP/IR/SEPA (2015) Aussi, en étudiant de près les vestiges, on retrouve les traces d’une rampe d’origine qui est beaucoup plus large que le couloir définitif lui-même. On découvre également que les premiers rangs de blocs de pierre des murs latéraux visibles sont posés parallèlement à la pente de cette rampe. Cela suppose qu’une rampe en spirale non couverte à l’intérieur du socle aurait été utilisée lors de la construction de ce dernier. Par la suite, un couloir couvert permettant l’accès à la terrasse aurait été construit dans l’emprise de cette rampe. Pour étayer sa théorie, JeanPierre Houdin s’appuie également sur l’élément concernant le contrôle des arêtes de la pyramide. En effet, seule l’édification d’une rampe intérieure aurait permis de maîtriser les angles des arêtes. En 1986, EDF réalise des mesures micro-gravimétriques pendant les recherches de l'architecte français Gilles Dormion qui mettent en exergue des différences de densité dans l'édifice, qu’il interprète comme étant la preuve de la présence de gradins dans le corps de la pyramide. Il est à noter que ces gradins ont déjà été constatés dans un état de ruine plus avancé, dans d'autres pyramides. Jean-Pierre Houdin s’appuie sur ces indices afin de justifier sa théorie selon laquelle une distribution interne en colimaçon est présente. Houdin énonce d’autres arguments pour justifier la véracité de sa théorie. Le contrôle de l’élévation de la pyramide en est un fondamental. En effet, selon l’architecte, l’élévation de la pyramide ne peut être assurée qu’en posant les blocs de parement en calcaire fin déjà surfacés en premier. La pose s’effectuant niveau après niveau, les arêtes diagonales ainsi que les angles de façades sont de ce fait parfaitement contrôlables. Les blocs constitutifs de la façade sont introduits en premier dans le périmètre de la pyramide. Ils sont alors positionnés sur la façade de l’intérieur vers l’extérieur. La rampe extérieure permet l’élévation de la pyramide dans les quarante-trois premiers mètres et le contrôle des arêtes durant toute la durée de son utilisation. Toutefois, c’est uniquement la rampe intérieure qui permet de continuer le processus jusqu’au sommet de l’édifice. Selon Jean-Pierre Houdin, le calcaire de Tourah constitue l’un des principaux éléments qui ont permis la construction des grandes pyramides lisses avec la technique de l’encorbellement. On peut citer comme exemple la pyramide de Khéops et la pyramide de Khéphren. 6 eux. En effet, certaines théories montrent que de nombreux blocs étaient assemblés de manière quasiparfaite et ne peuvent pas l’expliquer. En ayant été coulés puis durcis sur place, on obtient alors ce type d’agencement entre les blocs, laissant peu d’espace entre ceux-ci. Aussi, les analyses révèlent que la composition géologique des blocs et le pourcentage d’eau dans les blocs supérieur à la teneur habituelle correspondent à celles que l’on peut observer sur les pyramides [18]. Enfin, en moulant les pierres sur place, il n’est plus nécessaire de les tailler. Ceci constitue un des points forts de cette théorie puisqu’à ce jour, il n’a pas été démontré l’existence d’un outil assez performant et adapté au taillage du calcaire grossier. 5. DISCUSSION Le principe de moulage « in situ » que met en avant Davidovits résout le problème du taillage des pierres ainsi que celui du levage de ces blocs. En effet, le taillage des pierres est sujet à d’interminables controverses compte tenu de la faible résistance des outils utilisés en Egypte antique. La vraisemblance de la théorie des pierres moulées est que les outils employés pour la réalisation du moulage étaient principalement en bois, l’un des outils usuels de l’époque et facilement disponibles. Il est scientifiquement admissible que les blocs constitutifs des pyramides sont issus de pierres réagglomérées. Les études ont montré que cette méthode permettait d’obtenir des blocs de résistance similaire ou supérieure à celle des roches naturelles. La solidité actuelle des blocs ne constitue donc pas un frein à la théorie de Davidovits. Aussi, l’érosion naturelle de la pyramide de Khéops met en évidence des blocs de forme rectangulaire qui étaient cachés sous le revêtement. Les pierres observées pourraient donc être des pierres reconstituées. Ainsi, la théorie du professeur Davidovits serait légitime. La pyramide de Mykérinos que l’on peut voir en Fig. 8. laisse entrevoir des blocs compacts, assemblés les uns aux autres de façon régulière sur la majorité de son volume. Cette structure homogène des blocs constituants la pyramide rappelle les spécificités des pierres reconstituées. En effet, le calcaire de Tourah a une particularité remarquable. Il est tendre à l’état naturel dans la carrière, mais durcit très vite à l’air libre après son extraction. Or, les bâtisseurs égyptiens de l’époque ne disposaient pas d’outils de coupe plus solides que le cuivre. Ils avaient compris l’intérêt primordial de façonner définitivement les blocs de calcaire dès l’extraction. De ce fait, il était indispensable de pouvoir mettre en place ce parement en premier, cela, niveau après niveau. La méthode d’assemblage de Joseph Davidovits, quant à elle, répond à des interrogations à ce jour non élucidées par d’autres théories comme celle de Jean-Pierre Houdin. Un des éléments essentiels mis en évidence dans cette théorie repose sur la disposition parfaite des blocs entre 8. Structure de la pyramide de Mykérinos (19) LesFig. strates étroitesexterne de la pyramide de Khéphren comme le montre la Fig. 9. permettent en réalité d’identifier des 7 2015 blocs aux mêmes aspects mais situés en basse partie de l’édifice. Certes la pyramide a conservé une partie de son revêtement, toutefois l’observation de tels aspects suppose bien le recours au moulage des pierres par les égyptiens. B. ADOUM KOKOI et al. / PSIR SEP Alors, la présence des blocs de pierres équivalents aux blocs de pierres ré-agglomérées amène à penser que les égyptiens ont véritablement utilisé cette technique afin de construire la base de la pyramide. L’élévation de la pyramide a ensuite pu être réalisée en association avec la méthode développée par Jean-Pierre Houdin. L'existence d'une rampe externe, soutenue par JeanPierre Houdin et servant à la construction des quarantetrois premiers mètres de la pyramide est compatible avec la théorie des pierres moulées du professeur Joseph Davidovits. En effet, ces pierres sont essentiellement retrouvées à la base des pyramides. Bien que le professeur ne fonde pas sa théorie sur son existence, on remarque qu'une rampe externe a été nécessaire lors de la construction des premiers mètres des pyramides. De plus, la vidéo publiée par l'Institut Géopolymère, dont l’objectif est d’expliquer la théorie des pierres ré-agglomérées en fait explicitement état comme les images suivantes en Fig. 11. peuvent l'illustrer. Fig. 9. Blocs de pierres à l’aspect reconstitué visibles sous le revêtement de la Pyramide de Khéphren (19) La présence de tels blocs se dénote également au niveau de la base de la Grande Pyramide de Khéops comme le montre la Fig. 10. Fig. 11. Elévation de la pyramide au moyen d’une rampe externe que les ouvriers parcourent afin de préparer le mélange nécessaire au moulage et de couler les pierres sur les 65 % du volume de la pyramide (16). Fig. 10. Blocs de pierres reconstituées visibles sous le revêtement de la Grande Pyramide de Khéops (19) Ces observations confortent l'hypothèse du professeur Davidovits. De plus, on observe que la présence de telles pierres sur les pyramides s’accroît avec le temps. En effet, les strates de la pyramide de Mykérinos, la plus récente des pyramides de Gizeh, sont majoritairement composées de ces roches façonnées. En revanche, on les observe principalement à la base de la pyramide de Kheops, la plus ancienne des pyramides du plateau. Il est raisonnable de se dire que l'utilisation des pierres reconstituées s'est accentuée avec le temps. On suppose alors que la maîtrise de cette technique s'est améliorée au fil des années. L’existence de ces rampes apporte une réponse concernant le contrôle des angles au niveau des arêtes. La théorie de Jean Pierre Houdin est aussi plausible. Les traces de rampes retrouvées dans certains vestiges pourraient en être une assertion. Par ailleurs, les efforts physiques des hommes intervenant dans la construction sont réduits. En hissant les blocs sur les rampes et en moulant les pierres sur la pyramide, ils ne lèvent pas autant de charges que s’ils devaient les soulever de strate en strate. Ils réalisent d’autres part, de longs déplacements et des mouvements répétés qui expliqueraient les courbures décelées sur les ossements. Quant à la finition, la précision du polissage aujourd’hui observée au niveau des façades des pyramides constitue un élément d’interrogation supplémentaire. A cela, Houdin propose l’utilisation du calcaire de Tourah qui lui, est lisse de nature. Si les théories de Houdin et Davidovits présentent des éléments pertinents, en revanche, celles-ci ne sont pas sans limites. B. ADOUM KOKOI et al. / PSIR SEP/IR/SEPA (2015) Une rampe en colimaçon à l’extérieur de la pyramide pourrait résoudre le problème de stabilité de l’édifice. Cependant, en admettant que les égyptiens bâtissaient les rampes en terre cuite, il est difficile de concevoir qu’une telle structure supporte le poids des blocs de pierres et celui des hommes. Là, l’architecte Jean-Pierre Houdin apporte une issue complémentaire : une rampe intérieure construite parallèlement à la rampe externe. Comment peut-on affirmer que ce modèle s’appliquait concrètement ? La posture inclinée d’une rampe en colimaçon n’est pas cohérente avec l’alignement rectiligne des pierres extérieures. Une des limites communes aux deux théories exposées est la construction du sommet. Bien que la progression dans l‘édification de la pyramide en partant de la base soit expliquée dans les deux approches, le mystère sur la construction du sommet reste entier. En effet, la forme pointue que doit prendre la pyramide alimente de nouvelles problématiques. Par exemple, on peut s’interroger sur la terminaison de la rampe interne ou encore sur la possibilité d’effectuer les moulages. 5. CONCLUSION L'étude apporte une réponse autre à la question soulevée en introduction. Les contraintes matérielles et physiques impliquées dans l'édification des pyramides ont été ingénieusement contournées par les égyptiens. En effet, l'erreur dans les réflexions à propos des techniques employées réside dans le fait que la construction n'a pas été considérée dans son ensemble. Chaque spécialiste tend à proposer une théorie comme méthode exclusive. Or, l'étude permet d'approcher les contraintes de façon différente et d'autoriser la combinaison de plusieurs théories pour concourir au même objectif : la construction. Dans sa théorie, Davidovits présente une solution aux problématiques liées à la main d’œuvre (résistance physique des hommes pour soulever et poser les blocs de pierre) en venant faciliter cet aspect de la construction par le moulage des blocs. D'ailleurs, l'architecte Houdin ne met pas explicitement en lumière une façon pour pallier les questions relatives aux ouvriers et à l'organisation du travail dans son scénario de construction. Dans ce contexte, une combinaison des deux techniques exprimées par JeanPierre Houdin et Joseph Davidovits semble être à propos. 6. REFERENCES [1]A. GROS DE BELER, J-C.GOLVIN. Guide de l’Egypte ancienne. ISBN-13: 978-2877722391, 2002, Editions Errance, 256 p. [2] A. KINER. Nouvelle découverte dans Khéops. Sciences et Avenir, no 743, 2009. [3] J-P HOUDIN, B. DRIER. 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