Weierstrass - Une nouvelle rigueur
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Weierstrass - Une nouvelle rigueur
Histoire des Mathématiques - 4M039 - 2015/2016 Alexandre Guilbaud - Laurent Mazliak Weierstrass Une nouvelle rigueur Weierstrass Karl Weierstrass (1815-1897) Karl Weirestrass naît en 1815 près de Münster en Prusse De 19 à 23 ans, suit des études de droit à Bonn. S’intéresse de plus en plus aux mathématiques. Conseillé par son professeur von Münchow; se lance, seul, dans l’étude de textes profonds comme la Mécanique Céleste de Laplace et les Fundamenta nova de Jacobi En 1839, retourne à Münster pour suivre une formation d’enseignant en mathématiques Comme professeur, il a notamment Christoph Gudermann. Suit en particulier son cours sur la théorie des fonctions elliptiques. Weierstrass Gudermann a publié dans ces années une série de travaux sur les fonctions elliptiques Posant p Z u= 0 dt hi p 2 (1 − t )(1 − k 2 t 2 ) on introduit les fonctions sn(u) = sin φ cn(u) = cos φ q dn(u) = 1 − k 2 sin2 φ Gudermann obtient les développements en série entière de ces fonctions Weierstrass Premier article de Weierstrass en 1841 (publié en entier uniquement en 1895) Par des développements en série de Gudermann pour résoudre un problème juste abordé par Abel : écrire snu = P(u) Q(u) où P et Q sont des séries entières qui convergent pour tout choix (réel ou complexe) de u et k . Succès décide Weierstrass à se consacrer aux mathématiques Gudermann très laudatif Le candidat se montre dès maintenant l’égal des meilleurs savants mais Weierstrass n’a pas connaissance de ce rapport Weierstrass 1841 : rédaction d’un deuxième article sur la théorie des séries entières. Lui aussi publié pour la première fois dans ses œuvres complètes (modifications ?) Convergence uniforme : Quelque soit le nombre positif δ, on peut enlever de la série un nombre fini de termes de façon que le reste de la série pour tout x dans le domaine de convergence soit plus petit en valeur absolue que δ Dans ce papier, Weierstrass démontre 3 théorèmes sur les séries entières et séries de Laurent. Notamment, si F (x) = +∞ X Aν x ν , −∞ si r > 0 est dans le domaine de convergence et si g = sup|x|=r | F (x) | alors pour tout µ ∈ N I , on a | Aµ |≤ g.r −µ . Weierstrass avait introduit la convergence uniforme suivant Gudermann (1838) comme une comparaison des vitesses de convergence dans le développement de certaines fonctions elliptiques : c’est un fait qui vaut la peine d’être mentionné que les différentes séries juste trouvées ont toutes la même vitesse de convergence. Weierstrass Point assez remarquable : jusque là, Weierstrass ignore Cauchy. 1842 : Définition des fonctions analytiques au moyen des équations algébriques Résolution d’un système de n équations différentielles dxi = Gi (x1 , . . . , xn ) dt en cherchant les solutions sous forme de série entière. Prolongement analytique : xi = Pi (t − t0 , a1 , . . . , an ), i = 1, . . . , n tel que les séries convergent pour tout t ∈ T0 . Si t1 ∈ T0 , on peut écrire Pi (t − t0 , a1 , . . . , an ) = Pi (t − t1 , a10 , . . . , an0 ) avec ai0 = Pi (t1 − t0 , a1 , . . . , an ). La nouvelle série peut converger sur T1 . Coïncidence sur T0 ∩ T1 : sur T1 , on a un prolongement de la fonction initiale. En itérant le processus, on peut obtenir le domaine maximal pour un système de fonctions analytiques. Weierstrass Poincaré (1899) Pour représenter toutes les fonctions au moyen de séries de puissance, et pour être capable d’utiliser cette représentation sans crainte dans toutes les questions de calcul intégral, il est nécessaire de montrer qu’on peut identifier à une série de puissances toute fonction implicite déduite d’un système d’équations dont les premiers membres sont une série de puissances ou l’intégrale d’une équation différentielle dont les coefficients sont des séries de puissances. Cet important théorème devint pour Weierstrass une des pierres d’angle de ces systèmes. Automne 1842 : Weierstrass est professeur au Katholischer Progymnasium à Deutsch-Krone en Prusse Occidentale. enseigne à des classes élémentaires : mathématiques, physique. . . mais aussi parfois : botanique, géographie, histoire, calligraphie ou même. . . la gymnastique. 1848 : Professeur au Gymnasium à Braunsberg. Néanmoins, continue avec acharnement son activité mathématique. Plusieurs articles sur les fonctions analytiques. Surtout en 1854 dans le journal de Crelle : rassemble en résumé les résultats qu’il a obtenus sur les fonctions abéliennes. Weierstrass Impact énorme : Il créa une surprise dans tout le monde mathématique qui reste presque unique dans l’histoire de notre science (Killing, 1897) Liouville congratula Weiestrass et publia l’année même une traduction française dans son Journal de Mathématiques 1855: Weierstrass docteur honoris causa (!) de Königsberg Crelle écrit au Ministre de l’Education de Prusse pour que Weierstrass obtienne une place académique. Dirichlet est consulté. Il confirme ses grandes attentes envers Weierstrass mais émet une réserve sur le fait que les preuves de son papier de 1854 sont assez laconiques et doivent être complétées pour un jugement éclairé. Weierstrass 1855 : Mort de Gauss Dirichlet –> Göttingen / Kummer –> Berlin Kummer propose d’appeler Weierstrass à Berlin mais la décision traîne. Weiestrass est nommé au Berlin Gewerbeinistitut (ancêtre de la Technische Universität) Septembre 1856 : visite Vienne avec Kummer. On lui offre une chaire à Vienne qu’il refuse. Kummer est tellement impressionné par Weierstrass qu’il le fait nommer d’urgence professeur à l’Université de Berlin. Weierstrass Les cours de Weierstrass à l’université de Berlin pendant trente ans vont rencontrer un succès stupéfiant. Les mathématiciens du monde entier viennent suivre ses cours dont l’assistance est parfois de plusieurs centaines de personnes, un chiffre incroyable pour l’époque. Gösta Mittag-Leffler vient à Paris en 1873 pour suivre les cours d’Hermite. Celui-ci lui dit : Vous avez fait erreur. Vous auriez dû suivre les cours de Weierstrass à Berlin. C’est notre maître à tous. Les cours sont restés relativement peu publiés mais nous avons comme document des notes prises par différents étudiants. 1861 : Calcul différentiel. Notes prises par Schwarz, qui deviendra le disciple favori du maître. Weierstrass Introduction des δ et des ε : S’il est possible de déterminer une borne δ telle que pour toute valeur de h plus petite en valeur absolue que δ, f (x + h) − f (x) soit plus petite qu’une quantité ε aussi petite que l’on veut, alors on dira qu’on a fait correspondre à une variation infiniment petite de la variable une variation infiniment petite de la fonction. Début d’une substitution systématique des inégalités à l’expression tendre vers. On commence à voir les ε coupés en 4. Définition de la dérivée : f (x + h) − f (x) = p.h + h.(h) avec (h)− > 0. Montre le théorème des valeurs intermédiaires pour la dérivée. Développement de Taylor Théorème dit de Schwarz ∂ ∂ ∂ ∂ f (x, y ) = f (x, y ) ∂x ∂y ∂y ∂x Convergence uniforme d’une série : vérifie le critère uniforme de Cauchy ϕm (x) + ϕm+1 (x) + · · · + ϕm+r (x) peut-être rendu arbitrairement petite pour tout r . Démontre que sous convergence uniforme, une somme de fonctions continues est continue Weierstrass Certains résultats restent encore imprécis : démonstration lacunaire du théorème des valeurs intermédiaires. Utilise sans démonstration le théorème de la borne supérieure. Schwarz à Cantor (1870) à propos d’une démonstration: Cette démonstration s’appuie pour l’essentiel sur le théorème exposé fréquemment et démontré dans les cours de Monsieur Weierstrass: une fonction réelle continue ϕ(x) définie dans un intervalle (a, b) atteint le maximum g des valeurs qu’elle peut prendre au moins pour une valeur x0 de la variable telle que ϕ(x0 ) = g Probablement élaborée par Schwarz à partir du mémoire de Bolzano de 1817 sur le théorème des valeurs intermédiaires. S’appuie sur l’existence de la borne supérieure d’un ensemble majoré que Bolzano montre à partir du critère de Cauchy (énoncé indépendamment de Cauchy). Weierstrass énonce en particulier le théorème dit de Bolzano-Weierstrass : Si l’on a à l’intérieur d’une partie bornée du plan une infinité de points possédant une certaine propriété, alors il existe dans son intérieur ou sur sa frontière au moins un point tel que dans tout voisinage de ce point, il y a une infinité de points ayant cette propriété. Weierstrass 1874 : cours sur l’introduction à la théorie des fonctions analytiques Weierstrass attribue à Cauchy, Fourier et Dirichlet la définition d’une fonction comme transformation entre deux ensembles Pour lui, trop générale pour être utilisable. But : déterminer les classes de fonctions qui ont une représentation analytique (c’est dans cet esprit que Weierstrass énoncera en 1885 son théorème de représentation d’une fonction continue comme série de polynômes) Cours de 1874 commence l’exposé de la théorie des réels Weierstrass Par des nombres entiers comme une donnée. Notion d’égalité : deux entiers a et b sont égaux s’ils sont composés du même nombre d’unités. Parties exactes de l’unité : un nombre a tel que n.a = 1. Définit alors comme un agrégat { n1 , n1 , . . . , n1 } (k fois) k n Grâce aux transformations : i) n éléments de la forme n1 peuvent être remplacés par l’unité ii) tout nombre peut être remplacé par ses parties exactes Weierstrass définit l’égalité de deux rationnels. Puis l’inégalité : a0 est une partie de a si on peut transformer a0 en a00 de façon que tous les éléments de a00 se trouvent autant de fois en a qu’en a00 . Nombre réels : agrégats infinis de rationnels. Inégalité entre deux agrégats a et a0 : a0 est une partie de a si on peut transformer a0 en a00 de façon que tous les éléments de a00 se retrouve autant de fois dans a. un nombre a a une valeur finie s’il existe un nombre b rationnel plus grand que a. Les réels sont alors soit les rationnels, soit un agrégat infini à valeur finie. Deux tels agrégats sont égaux si les mêmes rationnels sont plus grand qu’eux. Weierstrass Introduction de notions topologiques. Concept d’ouvert borné (domaine): a appartient au domaine O s’il existe un disque ouvert de centre a (voisinage de a) contenu dans O. a est extérieur à O s’il existe un voisinage de a qui ne rencontre pas O. Frontière de O : tout voisinage de a contient des points de O et des points qui ne sont pas dans O. Connexité Weierstrass Principes du calcul différentiel notion de dérivée Riemann avait donné l’exemple f (x) = i X k =0 nfty sin n2 x n2 comme fonction continue qui ne serait quasiment jamais dérivable. En 1970, Gerver montre qu’elle est dérivable en certains multiples rationnels de π. En 1872, exemple de Weierstrass f (x) = ∞ X bn cos(an xπ) n=0 avec a entier impair, 0 < b < 1. Critique de la notion de dérivée : f dérivable au point x s’il existe une fonction affine h 7→ f (x) + c.h (c indépendant de h) telle que f (x + h) = f (x) + c.h + h.h1 avec limh→0 h1 = 0. Weierstrass Weierstrass à Schwarz le 3 octobre 1875 Plus je pense aux principes de la théorie des fonctions - et j’y pense sans arrêt - plus je suis convaincu qu’elle doit être construite sur la base de vérités algébriques de sorte qu’il n’est pas correct que le transcendental, si je puis m’exprimer ainsi, soit pris comme base de propositions algébriques simples et fondamentales. Cette vue semble très attractive dans un premier temps, en cela que grâce à elle, Riemann fut capable de découvrir tant des propriétés les plus importantes des fonctions algébriques. Il va de soi que, tant qu’il est au travail, le chercheur doit être autorisé à suivre toutes les voies qu’il désire; mais c’est seulement une question de système de base. Weierstrass