faim et soif de justice

Transcription

faim et soif de justice
Carrefour biblique
2012-2013
LES BÉATITUDES
5 — FAIM ET SOIF DE JUSTICE
Vérité centrale La faim et la soif tendent tout l'être vers ce qui va pouvoir l'assouvir
ou l'étancher. De même, cette Béatitude parle de ceux qui ne peuvent pas se passer
de la "justice", c'est-à-dire de la fidélité de Dieu à ses promesses.
Justice divine
Ce mot de "justice" peut tourner les regards vers cette grande question : "Comment
être juste aux yeux de Dieu ?". Les Juifs répondaient : en observant scrupuleusement
la loi de Moïse. Les chrétiens ont une réponse différente : "Nous sommes sauvés par
grâce, par le moyen de la foi" (*). Autrement dit, cette Béatitude peut nous conduire à
aborder le thème de la justification (*) ; elle prend alors ce sens : "Heureux ceux qui
ont conscience de leur faiblesse, de leur état de pécheurs, et qui n'aspirent à rien
d'autre que la justice qu'ils vont recevoir de Dieu lui-même".
(*) Ephésiens 2/8-9, Romains 1/16-17, Galates 2/21, Philippiens 3/7-9.
Justice sociale
"Justice" peut aussi nous faire penser à "justice sociale". Nombreux sont ceux qui
prétendent œuvrer pour qu'une meilleure justice sociale puisse exister dans notre pays
ou dans le monde ; nombreuses aussi les organisations, chrétiennes ou non, qui
travaillent dans ce sens : plus de justice dans toutes les relations humaines, qu'elles
soient économiques ou sociales. Ceci conduit à soulager la misère et la souffrance des
uns et à faire respecter les droits les plus fondamentaux des autres (*). "Heureux ceux
qui luttent pour plus de justice".
(*) Esaïe 61/1-2, Ezéchiel 18/1-9.
"Justice"
La compréhension de cette Béatitude se résume-t-elle à cette alternative : justice
divine ou justice sociale ? Certainement pas. En effet, "justice" dans l'Ancien
Testament ne revêt pas seulement un caractère juridique, comme c'est le cas pour
nous. Dieu est avant tout saint, juste et bon. Il a un projet pour notre monde et pour
l'humanité, à cause de son amour ; sa justice est surtout fidélité à ce projet (*).
(*) Deutéronome 7/7-9.
Les actes de justice
Amour et fidélité de Dieu à son "plan" l'ont conduit à poser un certain nombre d'actes
fondamentaux qui constituent de grands moments dans l'histoire des relations de
Dieu avec l'humanité : le passage de la Mer Rouge, l'installation du peuple d'Israël en
Canaan, la montée de David sur le trône, la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Sa
justice-fidélité se manifeste dans ces interventions-là.
L'exemple de Jésus
Jésus a été lui-même LE juste par excellence, celui en qui la loi d'Israël n'aurait pas
trouvé de défaut : c'est en cela qu'il a été "l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du
monde" (*), le Juste qui meurt pour les injustes (*). Jésus-Christ a été l'accomplissement de la loi et de la justice de Dieu.
D'autre part, il a nourri les foules affamées par une nourriture matérielle et par une
nourriture spirituelle ; il n'a jamais négligé un aspect au profit de l'autre.
De plus, il a cherché à faire comprendre que la "justice" de Dieu ne se traduisait pas
seulement dans l'observation servile d'une loi presque déifiée, mais que l'amour pour
Dieu conduit à une attitude motivée par l'amour à l'égard du prochain.
(*) Jean 1/29, 1 Pierre 1/17-21, 3/18, Romains 5/7-8.
Chez Luc
Cette Béatitude prend un tout autre aspect, pour plusieurs raisons : d'une part, le mot
"justice" n'y est pas ; ensuite, Luc ajoute "maintenant" ; et enfin il faut tenir compte
d'une autre parole : "Malheureux vous qui êtes repus maintenant : vous aurez
faim" (*). Luc souligne ainsi l'importance de l'attitude de chacun aujourd'hui par
rapport à la vie du Royaume à venir. Les "repus" peuvent aussi correspondre à ceux
qui sont très satisfaits de leur conduite morale et religieuse, tellement contents d'obéir
à la loi qu'ils en oublient Dieu et l'espérance (*).
(*) Luc 6/21 & 25, Luc 18/11-12.
Faim et soif
Prise au sens figuré, cette expression désigne un désir ardent, un besoin urgent de
recevoir ce qui va apporter l'apaisement. Cette idée est déjà présente dans l'Ancien
Testament pour exprimer la quête de Dieu, le besoin de l'âme d'être en communion
avec lui (*). Comme pour les autres Béatitudes, il s'agit d'être en attente active,
d'espérer ardemment être comblé.
(*) Amos 8/11-14, Psaume 42/2-3.
Ils seront rassasiés
C'est un futur qui est employé ici, ce qui est assez logique, la première partie de la
phrase partant d'une attente et d'une espérance. Le "vide", le manque ressenti sera
comblé de façon parfaite et définitive ; le Royaume à venir est le lieu où toutes les
attentes, tous les besoins de l'homme trouveront enfin leur réponse (*).
(*) Apocalypse 7/16-17, 2 Pierre 3/13.
Remarque finale Heureux ceux qui ne sont pas satisfaits de notre monde tel qu'il
est : heureux ceux qui attendent ardemment la suite de l'accomplissement des projets
de Dieu ! Le Seigneur a besoin de tels "insatisfaits" pour construire son Royaume,
déjà présent dans le monde, mais pas encore pleinement manifesté. „
THÈMES DE REFLEXION :
1. Lire Luc 4/18-19. En quoi le texte prophétique d'Esaïe annonce-t-il le Royaume de
Dieu ? En quoi trouve-t-il un accomplissement en Jésus ?
2. Quelles sont vos attentes et vos espérances ? En quoi pourront-elles être comblées
par la venue du règne de Dieu ?
3. Lire Apocalypse 21/1-4. Quelle "image" vous faites-vous du Royaume de Dieu ?
4. Quelle attitude, quelle démarche, quel comportement vous suggère cette
Béatitude ?
POUR MÉDITER ET PRIER :
Selon tes paroles, Seigneur,
Heureux les affamés et assoiffés de justice.
Tu entends tous ceux qui aspirent
à une vie humainement digne,
à la liberté et à leur modeste pain.
Tu parles de moi
et tu veux que je sois rassasié de justice,
et que j'en rassasie d'autres
qui en sont altérés.
Toi-même, tu es mort, affamé de justice,
et tu nous rassasies.
Seigneur, fais de moi un de tes affamés,
afin que la justice s'exerce par tes mains
et que nombreux soient ceux que rassasie ta force.
Jorge ZINCK. „
« Heureux ceux qui ont faim et soif de justice car ils seront rassasiés ! ». Cette
béatitude complète la précédente. Elle nous appelle à être à la fois un doux et un
assoiffé de justice. « Avoir faim et soif », c’est ne jamais considérer la justice comme
acquise, être toujours en quête. La promesse de cette béatitude est d’être rassasié de
justice, rassasié de droit et de miséricorde, une belle image du royaume.
Antoine NOUIS, Réforme, n° 3343, 12.11.2009, p. 11 (extrait).
J'AI TROP MANGÉ, SEIGNEUR !
J'ai trop mangé, Seigneur…
...tandis qu'au même instant, dans ma ville, plus de 1500 personnes, boite de conserve
en main, faisaient la queue à la soupe populaire.
…tandis que cette femme mangeait, dans sa soupente, ce qu'elle avait ramassé le
matin dans les poubelles.
…tandis que ces gosses, dans leur blockhaus, se partageaient les restes froids du
maigre repas des vieux de l'hôpital.
…tandis que dix, cent, mille malheureux, à l'instant même, dans le monde, se
tordaient de douleur, mouraient de faim devant leurs proches désespérés.
Seigneur, c'est atroce, car je sais,
et les hommes savent maintenant.
Ils savent que non seulement quelques malheureux ont faim, mais des centaines à la
porte de chez eux.
Ils savent que non seulement quelques centaines de malheureux, mais des milliers ont
faim aux frontières de leur pays.
Ils savent que non seulement des milliers, mais des millions ont faim, à travers le
monde.
Les hommes ont dressé la carte de la faim ;
les zones de mort sont là, qui s'imposent, terribles.
Les chiffres dressent leur implacable vérité.
Pour plus de 800 millions d'êtres humains,
le minimum mensuel du Français représente le maximum annuel.
Un tiers de l'humanité est sous-alimenté.
Plusieurs millions d'hommes meurent de faim au cours d'une seule famine aux Indes.
Les Hindous vivent en moyenne à peine 26 ans.
Seigneur, tu vois cette carte, tu lis ces chiffres.
Non comme le statisticien calme en son bureau,
Mais comme un père de famille nombreuse
penché sur le front de chacun de ses fils.
Seigneur, ce n'est pas facile de donner à manger au monde.
J'aime mieux faire ma prière, régulièrement, proprement,
j'aime mieux visiter mon pauvre,
j'aime mieux donner aux kermesses et aux orphelinats ;
mais ce n'est donc pas assez,
ce n'est donc rien, si un jour tu peux me dire : "J'ai eu faim !".
Michel QUOIST, Prières, Les éditions ouvrières, 1954, p. 84-86 (extraits). „
Texte :
Genre :
Auteur :
Source :
(p. 45)
Matthieu 5/6
Prédication
Louis SCHWEITZER
Les Béatitudes ou l’hymne à la joie, collection Parole vive, Les Bergers et les Mages,
2004, p. 45-50 ; conférences de Carême 2004.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice :
ils seront rassasiés
On a pu comprendre cette béatitude de deux manières. La question est en effet de
savoir quelle est cette justice. Certains ont fait de cette phrase la raison de leur
engagement en vue de la justice sociale : avoir faim et soif de justice, c'est alors
aspirer à l'instauration, sur cette terre, d'un monde plus juste. Une tendance plus
actuelle souligne le désir de vivre toujours plus cette justice, cette vie juste, que Dieu
nous demande. Les traductions de la Bible en français courant ou en français
fondamental ne reprennent d'ailleurs plus que cette perspective et traduisent :
« Heureux ceux qui ont faim et soif de vivre comme Dieu le demande, car Dieu
exaucera leur désir ».
Cette faim et cette soif sont en effet l'expression d'un grand désir, d'un désir brûlant
que l'on ressent si fortement qu'il en devient douloureux. Sans doute sommes-nous
nombreux aujourd'hui à ne pas avoir véritablement connu la faim et la soif, mais le
peu que nous avons pu en expérimenter nous fait comprendre qu'il s'agit d'un manque, d'un besoin et non d'un simple désir léger.
Ce qui nous est promis, c'est le rassasiement de notre faim et de notre soif. Mais la
grande question est de savoir si nous avons faim et soif. Pour reprendre la traduction
que j'ai citée, avons-nous faim et soif de vivre comme Dieu le (p. 46) demande ?
L'expérience nous montre que, dans ce domaine, on peut très bien vivre sans éprouver
de grands besoins. Nous sommes des gens équilibrés, pondérés et qui ne tombons
surtout pas dans des excès de spiritualité affective. Les grandes faims et les grandes
soifs, les grands désirs ne sont pas pour nous. Le problème, c'est qu'il nous sera fait
selon notre désir. Il sera donné à celui qui demande, ne trouvera que celui qui
cherche, ne sera rassasié que celui qui a laissé la faim et la soif creuser leur manque
en lui. A celui qui ne désire que peu, il sera peu donné ; à celui qui ne désire rien et
qui croit tout avoir déjà, il ne sera rien donné. Ne croyez surtout pas que Dieu joue
ainsi au petit jeu du donnant-donnant. Ce que Jésus exprime ici, n'est rien d'autre
qu'une règle générale qui s'applique aussi à la réalité spirituelle. L'homme est un être
de désir. Là est le moteur qui le fait avancer. Il ne s'agit aucunement, comme dans
d'autres spiritualités de supprimer le désir, d'entrer dans un détachement serein qui
nous protégerait. En effet, le détachement a bien une place importante dans la
spiritualité chrétienne, mais pas le détachement de toute chose. Le désir n'a pas à être
éradiqué, mais à être bien orienté. Comme le dit si bien la Règle de Reuilly :
« Orienter le cœur là où est son trésor : telle est la discipline ordinaire, l'art familier
de l'amour » (1). Il s'agit, certes, de renoncer à bien des désirs inutiles ou dangereux,
(1) La Règle de Reuilly, parole humaine, appel divin, Lyon, Réveil Publications, 1996, p. 39.
mais pour laisser la place au grand désir essentiel, le désir de Dieu. Car c'est bien
l'amour, fruit de l'Esprit, qui creuse en nous la faim et la soif de Dieu. Vous vous
rappelez certainement le début du psaume 42 : « Comme une biche se tourne vers les
cours d'eau, ainsi mon âme se tourne vers toi, mon Dieu. J'ai soif de Dieu, du Dieu
vivant : quand pourrai-je entrer et paraître face à (p. 47) Dieu ? ». Heureux celui ou
celle qui éprouve cette soif, car elle creuse en nous l'espace nécessaire à la venue de
Dieu.
Trop souvent, nous ne sommes pas rassasiés, simplement parce que Dieu ne trouve
plus de place pour venir. Si la modération peut être une vertu, elle est parfois un
piège. Nous ne demandons pas trop, nous n'aimons pas trop et nous n'attendons rien.
Il est alors bon d'entendre la parole que le Christ de l'Apocalypse adresse à l'Eglise de
Laodicée : « Je sais tes œuvres : tu n'es ni froid ni bouillant ! Mais parce que tu es
tiède, et non froid ou bouillant, je vais te vomir de ma bouche. Parce que tu dis : je
suis riche, je me suis enrichi, je n'ai besoin de rien, et que tu ne sais pas que tu es
misérable, pitoyable, pauvre, aveugle et nu, je te conseille d'acheter chez moi de l'or
purifié au feu pour t'enrichir, et des vêtements blancs pour te couvrir et que ne
paraisse pas la honte de ta nudité et un collyre pour oindre tes yeux et recouvrer la
vue » (Apocalypse 3/15-18). Heureux donc ceux qui sont en manque de Dieu, car
Dieu ne désire que les combler.
Mais si cette compréhension de notre texte est juste, il serait réducteur de s'arrêter là.
Car avoir faim et soif de la justice de Dieu, c'est aussi attendre sa manifestation pleine
et entière sur notre terre ; c'est l'attente du jour où Dieu sera tout en tous, où, comme
le dit l'Apocalypse : « Ils n'auront plus faim, ils n'auront plus soif, le soleil et ses feux
ne les frapperont plus, car l'agneau qui se tient au milieu du trône sera leur berger et
les conduira vers des sources d'eau vive, et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux »
(Apocalypse 7/16-17). Or ce désir de la justice de Dieu ne peut pas, devant les
injustices de ce monde, ne pas avoir de conséquences. Comment pourrions-nous
accepter tranquillement et sans agir que certains souffrent de l'oppression ou de toute
forme d'injustice ? Il est certes bien évident que ce n'est pas à (p. 48) nous, par notre
service, l'action politique ou l'engagement dans la société, de faire venir le Royaume
dans le monde. Mais en revanche, c'est bien ce Royaume et l'avenir que nous
attendons qui peuvent orienter notre action. De même que, nous l'avons vu, certains
attendaient la consolation d'Israël, attendre celle du monde entier, c'est aussi avoir
faim et soif de la justice de Dieu. Mais cette attente, ce désir, ne peuvent être
simplement des idées. Ils s'incarnent dans des situations concrètes. Devant l'injustice
que subit mon prochain, je ne peux pas rester un simple spectateur. L'amour est
concret et ce qu'il cherche à rendre réel et actuel, c'est une situation un peu plus
proche de la justice qui nous est présentée comme conforme à la volonté de Dieu,
cette justice que les prophètes n'ont cessé de proclamer. Il ne s'agit certainement pas
de se prendre pour Dieu et de croire que notre action rendra effectif le règne de la
justice sur la terre. L'Ecriture et l'expérience de l'histoire s'unissent pour nous
préserver de cette illusion. Mais cela n'empêche pas cette faim et cette soif de
déboucher sur l'action. Quel serait d'ailleurs le sérieux de ce désir, s'il restait inactif ?
La grande question est celle des moyens. Comment entrer dans le conflit humain pour
défendre la justice sans commettre à notre tour des injustices, sans ajouter encore à la
souffrance et à la haine ? Il est vrai que le désir de justice a couvert bien des horreurs
dans l'histoire et tout particulièrement au cours du siècle qui vient de s'écouler. Il me
semble pourtant que c'est aussi ce siècle qui a pensé et expérimenté de manière plus
précise les moyens qui peuvent se rapprocher de ce que nous cherchons. Je pense ici
à cette non-violence dont nous avons déjà parlé et qui est une manière d'affronter les
conflits pour la justice en cherchant à n'utiliser que des moyens justes. On connaît les
exemples de Gandhi ou de Martin Luther King. Cette démarche est (p. 49) bien un
moyen de lutte, mais qui cherche à ne pas créer, dans le combat lui-même, les causes
de luttes futures. Comme dans tout conflit, la souffrance sera sans doute présente,
mais celui qui s'engage sur ce chemin du combat pour la justice accepte de porter le
poids de cette souffrance plutôt que de l'imposer aux autres. Il s'engage, s'expose et
accueille la violence adverse sans la retourner en l'augmentant. Ce qui motive cette
attitude, c'est l'espérance, peut-être même la certitude qu'il existe au plus profond de
chacun, même s'il l'ignore, cette même soif de justice. Peut-être est-elle enfouie très
profondément, mais l'action juste sera un moyen de tenter de la réveiller afin
d'amener l'ennemi à accueillir en lui-même ce désir, cette attente de la justice. Nous
aurons encore l'occasion de revenir plus tard sur cette dimension. Disons simplement
aujourd'hui qu'elle est une manière qui me semble privilégiée de vivre jusqu'au bout
cette faim et cette soif de justice pour le monde qui nous entoure.
Je ne suis d'ailleurs pas sûr que cette démarche puisse avoir réponse à tout, ou plutôt,
je ne suis pas sûr que nous en soyons toujours capables, comme l'a dit Simone Veil.
Elle écrivait en effet dans La pesanteur et la grâce : « S'efforcer de devenir tel qu'on
puisse être non-violent » (2). J'ai cité le grand exemple de Martin Luther King ; celui
de Dietrich Bonhoeffer vient également tout de suite à l'esprit. Lui aussi avait été très
marqué par la démarche non-violente grâce à sa rencontre, lors de son séjour aux
Etats-Unis, avec le pasteur Jean Lasserre. Mais devant la situation de l'Allemagne
hitlérienne, il s'est engagé dans la résistance active et a ainsi participé au complot
contre Hitler. Il peut donc arriver que des situations particulières obligent cette soif
de (p. 50) justice à user de moyens violents, et qui sommes-nous pour en juger ? Mais
ne faisons pas trop vite de l'exemple de Bonhoeffer une excuse pour éviter
d'expérimenter avec courage les moyens non-violents qui ont l'avantage de lutter pour
la justice avec les moyens de la justice.
Ce qui compte, c'est ce désir brûlant et concret de vivre selon la justice, de mettre en
pratique la vie que Jésus nous propose. C'est lui qui nous pousse en avant, qui ne
nous permet pas de nous installer dans notre confort et notre prudence. Il nous envoie
vers les autres comme il nous pousse vers Dieu. De cette soif pourront naître et la
prière qui désire Dieu lui-même et la vie à la suite du Christ. C'est l'œuvre de l'Esprit
en nous qui nous fait désirer, vouloir de toutes nos forces et qui nous met en route. La
promesse qui nous est faite, c'est que nous serons rassasiés, c'est que Dieu répondra
pleinement à notre désir. Si j'ose dire, lui-même, il n'attend, il ne désire, que cela :
(2) Simone WEIL, La pesanteur et la grâce, Paris, Union Générale d'Edition, coll. 10.18, p. 90.
trouver en nous le vide du juste désir pour le combler. C'est déjà ce que nous
annonçait le livre des Proverbes : « Celui qui poursuit la justice et la fidélité trouve la
vie, la justice et la gloire » (21/21).
Je vous invite à la prière :
Seigneur, nous sommes souvent devant toi et devant les hommes
secs et protégés.
Fais de nos cœurs de pierre des cœurs de chair.
Par ton Esprit, rends-nous humains et disponibles au visage de l'autre.
Seigneur, creuse en nous le désir, et la faim et la soif de l'attente
et qu'ils nous mettent en route
dans la joie et l'espérance de ta venue. „
J’AVAIS FAIM… — Poème du Malawi
J'avais faim,
et vous avez fondé un club à but humanitaire
où vous avez discuté de ma faim ; je vous en remercie !
J'étais en prison,
et vous vous êtes glissés à l'église,
priant pour ma libération ; je vous eu remercie !
J'étais nu,
et vous avez examiné sérieusement
les conséquences morales de ma nudité.
J'étais malade,
et vous êtes tombés à genoux
pour remercier le Seigneur
de vous avoir donné la santé.
J'étais sans toit,
et vous m'avez prêché les ressources de l'amour de Dieu.
Vous paraissez si pieux, si près de Dieu !
Mais moi, j'ai toujours faim,
je suis toujours seul, nu, malade,
prisonnier et sans toit. J'ai froid... „