3 Le Maroc à l`exposition coloniale
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3 Le Maroc à l`exposition coloniale
Maroc’ 31 3 COMMENTAIRE MarocSoir 04•08•2006 17 Le Maroc à l'exposition coloniale JEAN-LUC PIERRE Les dessus et les dessous de l'Exposition aul Reynaud, ministre des Colonies, lors de l'inauguration de l’exposition coloniale dans le bois de Vincennes le 6 mai 1931 n'a pas de scrupule à déclarer: "La colonisation est le plus grand fait de l'histoire". Il pondère toutefois cette assertion par une interrogation: "Est-il vrai que nous célébrions aujourd'hui une apothéose qui soit proche d'une décadence?" Lyautey, commissaire de l'Exposition coloniale, tient fortement à la présence du sultan du Maroc. Mohammed V a donc finalement accepté le voyage à bord d'un navire de guerre, entouré des plus grandes attentions. Le texte toutefois le présente circonspect, grave et peu souriant. On sait le peu de goût du sultan pour la pompe et les apparences, pourtant, nécessités diplomatiques obligent, le Souverain se plie aux obligations de son règne même si, rappelons-le, le Maroc n'est pas une colonie! Aux côtés de la France, certaines nations coloniales comme le Danemark, la Belgique, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal ont collaboré en dressant un pavillon. L'enthousiasme européen n'est cependant pas unanime. La course aux colonies a été une des causes de la première guerre mondiale, et l'Allemagne vaincue, dépossédée de son empire, n'a pas lieu d'exalter la puissance de la France. L'opposition vient aussi des communistes. Le Komintern mène une forte propagande antiimpérialiste en soutenant les mouvements nationalistes naissants. Mais entre les grandes idées et la perspective d'un "tour du monde en quatre jours" au cours d'une promenade de 6 kilomètres pour 3 francs, le dilemme se pose. La contre-exposition du parti communiste, baptisée "La Vérité sur les colonies" n'attire que bien peu de prolétaires qui préférèrent, pour le prix d'un litre de vin, les merguez du bois de Vincennes. Architecture, artisanat, cuisine et spectacles vivants des natifs de l'Outremer attirent les foules de France et d'Europe. Ces millions de visiteurs du bois de Vincennes peuvent matérialiser les images qui les ont tant fait rêver sur les bancs de l'école communale par des reconstitutions en nature et en relief de la vie aux colonies. Quatorze portes jalonnent l'enceinte et un chemin de fer circulaire en fait le tour. Sur le lac Daumesnil, 16 bateaux à moteur permettent d'effectuer un circuit complet. Les pavillons du Maghreb sont disposés autour d'une place proposant des bâtiments distincts mais judicieusement harmonisés, de façon à donner l'idée d'unité et à démontrer que, de Tunis à Marrakech, il n'y avait pas de frontières. En tout cas, après le thé à la menthe, le café et les sucreries de Moulay Idriss, il est de bon ton d'admirer les méthodes de culture modernes ou la lutte contre les sauterelles que mènent d'altruistes colons… La "Ligue pour l'instruction des illettrés" est un autre témoignage de la bonne conscience du colonisateur. Cette louable institution organise, sous les yeux des visiteurs, des classes pour les travailleurs de l'Exposition coloniale. Louable institution certes, mais qui autorise un voyeurisme non dénué de préjugés ethniques. Jamais le maître ne se pose la question des cultures d'origine. L'école est là aussi pour servir les intérêts à long terme de la puissance occupante. P ARCHIVES Au mois d'août 1931,le sultan du Maroc visite l'exposition coloniale de Paris. La «Vigie Marocaine» Documents Protocole. "Sidi Mohammed ben Youssef, sultan du Maroc, s'est embarqué à Casablanca le dimanche 2 août, à bord du Colbert, pour venir visiter l'Exposition coloniale et faire en France un voyage de tourisme. II est accompagné du résident général de France au Maroc, M. Lucien Saint, du grand vizir El Hadj Mohammed el Mokri, du général Noguès, commandant les troupes françaises au Maroc. Le jeune fils du sultan, le petit prince héritier Moulay Hassan, le suit dans son voyage, sous la garde d'une gouvernante française qui lui apprend les premiers éléments de notre langue. L'enfant, âgé d'un peu plus de deux ans et demi tour à tour souriant et grave, se prêta dès les premières heures de son arrivée de fort bonne grâce aux objectifs des photographes, comme l'atteste notre couverture où l'on voit son père, qui sourit pourtant si rarement, lui désigner d'un air amusé l'appareil photographique dont le jeune prince ne s'effraye pas. Vêtu d'une petite djellaba claire, coiffé du fez, chaussé d'escarpins vernis et portant en sautoir un poignard damasquiné richement ciselé, le petit prince a déjà fait la conquête des Parisiens. La rencontre entre le sultan du Maroc et le Maréchal Lyautey est très attendue. Le Commissaire de l'exposition ne manque en effet jamais de rappeler que c'est à Casablanca en 1915 qu'il a fait ses premières armes dans l'organi- Mohammed V lors de la visite de l'exposition coloniale. On aperçoit à l'arrière-plan la figure du commissaire de l'exposition, sation d'une foire-exposition." le maréchal Lyautey. h histoire plus Ateliers et école à l’exposition coloniale. 13 JUILLET. "Mohamed, écri- vez! La craie grince sur le tableau noir. Le petit marchand de tapis s’applique à tracer des lettres. Nous sommes à l’exposition coloniale, au pavillon de la Ligue pour l’instruction des illettrés, qui œuvre partout en sorte de faire reculer le fléau de l'analphabétisme. Un jeune professeur français qui parle Plan de l’exposition coloniale. l’arabe s’y tient chaque jour et les cours vont bon train. Les soldats d’abord arrivent au matin; leurs visages noirs et balafrés se font attentifs aux explications du maître, de leurs larges mains, plus habi- tuées à manier le fusil et la baïonnette, ils saisissent maladroitement la craie et le crayon. Un même désir de savoir anime les artisans du souq de l’exposition coloniale. Ce sont les plus jeunes qui, on s'en doute, sont les plus réceptifs. Cette école parachève la grande œuvre sociale commencée dans les casernes et poursuivie depuis quelque temps dans les usines". 1 2 M A I . "Le pavillon du Maroc s’inspire de l’architecture des palais impériaux de Marrakech, où ont été aménagés des salons et un souk bien ordonné le long d’une allée où sont installées vingt-deux échoppes spécialisées, occupées par d’industrieux artisans, heureux et fiers de montrer ce qu’ils savent faire en se contentant de modestes salaires. Tisseuses de tapis de haute laine, ébénistes, maroquiniers, céramistes et bijoutiers formeront une véritable cité artisanale. Des pièces de musées de Rabat, Fez, Marrakech et Mekhnès exposés dans le pavillon du Maroc témoignent du niveau où s’élevèrent les arts industriels et décoratifs dans le passé. Cette exposition comporte 4 sections : documents graphiques, céramiques, maroquinerie et tissu brodé de soie et d’or."
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