du colloque - Institut EDS

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du colloque - Institut EDS
Actes
du colloque
16 mars 2007
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Les actes du colloque
Différentes perspectives pour un même but :
un meilleur environnement
16 mars 2007, Université Laval, Québec
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
L’IHQEDS
L’Institut Hydro-Québec en environnement, développement
et société (IHQEDS) est un regroupement de membres de la
commu­nauté universitaire, provenant aussi bien de sciences
sociales que de sciences dures ou appliquées, qui partagent un
intérêt commun pour la recherche et la formation en environ­
nement, développement et société.
Le mandat de l’Institut est de soutenir la recherche pluridisci­
plinaire, les synergies entre spécialistes et de promouvoir une
vision d’ensemble sur les questions d’environnement dans
la société. L’Institut réalise ou facilite des activités visant
l’appro­fondissement et la diffusion des connaissances dans le
domaine de l’environnement et du développement durable.
Afin de faciliter l’atteinte de ces objectifs, la structure se veut
souple, rassembleuse et ouverte.
L’IHQEDS relève à la fois du Vice-rectorat à la recherche et
du Vice-rectorat aux études, possède une relation privilégiée
avec deux facultés (sciences sociales et sciences et génie), tout
en collaborant avec l’ensemble des facultés de l’université. Ses
membres peuvent être individuels ou collectifs.
Site Internet : http://www.ihqeds.ulaval.ca
Institut Hydro-Québec en environnement,
développement et société
2440, Pavillon des Services
Boul. Hochelaga, local 3800
Université Laval,
Québec
G1K 7P4
Teléphone: (418) 656-2723
Télécopieur: (418) 656-7330
Courriel: [email protected]
Coordination du colloque et publication des Actes :
Koassi d’Almeida, adjoint à la formation et à la coopération,
IHQEDS
Avec la collaboration de :
Marie-Hélène Bérard, étudiante au doctorat en droit,
Université Laval, point focal étudiant, IHQEDS
Marianne Audette Chapdelaine, étudiante à la maîtrise
en études internationales, Université Laval
Comité colloque : Marie-Hélène Bérard, Sabine Mekki,
Hugo Tremblay, Marie-Claude Desjardins, Nicolas Vézeau
et Peggy Macaigne.
Nos remerciements à Linda Marcoux et Jocelyne Néron de
l’IHQEDS pour leur précieuse collaboration.
Québec, août 2007
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Table des matières
Préface aux actes du 3e colloque étudiant................................................................................................................5
Séance 1 : Les défis actuels de la gestion de l’eau...............................................................................................6
Dynamique des relations entre acteurs publics et privés dans la gestion des services d’eau urbains
Marianne Audette-Chapdelaine, étudiante à la maîtrise en études internationales,
Université Laval............................................................................................................................................7
Controverse publique et conflit de l’utilisation de l’eau souterraine : l’exemple de Franklin
Marie-Pierre Dagenais, étudiante à la maîtrise en sociologie, Université Laval......................13
Contrôle de la contamination et de l’eutrophisation des lacs dans une approche par bassin versant : cas de la Baie Missisquoi Lac Champlain Montérégie
Mohammed Aziz Es-Salhi, étudiant au doctorat en génie civil, Université Laval...................17
Présence et variabilité d’indicateurs de la qualité microbiologique en réseau de distribution d’eau potable
Alex Francisque, étudiant au doctorat en aménagement du territoire
et développement régional (ATDR), Université Laval......................................................................28
Indicateurs pour évaluer la vulnérabilité à la contamination microbiologique des systèmes d’approvisionnement en eau potable
Geneviève Cool, étudiante à la maîtrise en aménagement du territoire
et développement régional (ATDR), Université Laval......................................................................39
Séance 2 : Repenser les transports et les villes...................................................................................................44
Un système d’indicateurs d’étalement urbain : des enjeux d’utilité et de complexité
Pierre Rondier, étudiant au doctorat en aménagement du territoire
et développement régional (ATDR), Université Laval......................................................................45
Évaluer globalement les impacts des scénarios d’aménagement en transport : modélisation de l’accessibilité pour la Communauté Métropolitaine de Québec
Nicolas Lachance-Bernard, étudiant à la maîtrise en aménagement du territoire
et développement régional (ATDR), Université Laval......................................................................50
Estimation d’un modèle agrégé de la distance parcourue par les véhicules légers au Canada
Bernard Lamonde, étudiant à la maîtrise en économie, Université Laval...................................55
L’utilisation de la méthode du tiers inférieur pour l’entretien des fossés routiers dans une perspective de développement durable
Pascal Monast Robineau, étudiant à la maîtrise en géomatique appliquée,
Université de Sherbrooke
Léon Provencher et Jean-Marie Dubois, Université de Sherbrooke..........................................59
Séance 3 : Des arbres et des Hommes....................................................................................................................65
Apport de la géographie historique et de la télédétection à la compréhension de l’évolution de l’environnement au Sahel du xiiie au xxe siècle : le cas du Centre-Est agro-sylvopastoral sénégalais
Aliou Diouf, étudiant au doctorat en géographie, Université Laval
Matthew G. Hatvany, Alain A. Viau et Nathalie Barrette, Université Laval..........................66
L’utilisation de la sylviculture pour régénérer les sapinières de l’île d’Anticosti
Julien Beguin, étudiant à la maîtrise en sciences forestières, Université Laval..........................73
Les plantations d’acajou aux Fidji : modèle d’exploitation durable au Pacifique ?
Mélie Monnerat, étudiante à la maîtrise en géographie, Université Laval.................................75
Séance 4 : Adaptation aux changements climatiques.......................................................................................80
Éthique de la coopération et le développement durable
Ginette Karirekinyana, étudiante au doctorat en philosophie, Université Laval......................81
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Changements climatiques et impacts sur la santé : une étude à George River
(Kangiqsualujjuaq), Nunavik
Judith Alain, étudiante à la maîtrise en santé communautaire, Université Laval......................87
Reconnaissance du statut juridique de réfugié environnemental à titre de mesure d’adaptation aux changements climatiques : Édification d’une nouvelle responsabilité collective en vertu du droit international de l’environnement
Pierre-Olivier Charlebois, étudiant à la maîtrise en droit de l’environnement,
développement durable et sécurité alimentaire, Université Laval
Paule Halley, Université Laval...............................................................................................................92
Société civile, organisations non gouvernementales et nouvelles modalités d’exercice de la souveraineté de l’État dans les accords internationaux sur les changements climatiques
Valérie Demers, étudiante à la maîtrise, Institut des sciences de l’environnement, UQAM..... 101
Séance 5 : Gouvernance : de nouveaux acteurs en émergence.................................................................... 108
La mise en œuvre de la Convention sur la diversité biologique, de l’échelon global au local : étude de cas de l’Équateur
Ariane Gagnon-Légaré, étudiante à la maîtrise en science politique, Université Laval....... 109
La responsabilité élargie des producteurs au Québec : la gouvernance de la production durable
Pierre-Olivier Desmarchais, étudiant au doctorat en droit, Université Laval....................... 117
Pistes de réflexion vers une redéfinition du rôle des ONG en matière de conservation durable des territoires
Julia Sotousek, étudiante au doctorat en droit, Université Laval............................................... 124
L’Internet au service du mouvement environnemental : le cas des associations environnementalistes au Québec
Ghada Touir, étudiante au doctorat en communication et sociologie, Université Laval...... 128
Liste des exposants (affiches)................................................................................................................................... 134
Liste des participants.................................................................................................................................................. 135
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Préface aux Actes du 3e colloque étudiant
Pour sa 3e édition, le colloque annuel étudiant de l’IHQEDS offrait une vingtaine de présentations
pro­ve­nant de disciplines très diverses, allant du droit au génie civil, de la philosophie à la santé,
des études internationales à l’aménagement du territoire. Ce succès est largement dû aux efforts du
comité organisateur étudiant (Marie-Hélène Bérard, Sabine Mekki, Hugo Tremblay, Marie-Claude
Desjardins, Nicolas Vézeau et Peggy Macaigne) qui, cette année, avait la pleine responsabilité de
son organisation. L’ampleur croissante de cet événement et la grande diversité des disciplines repré­
sentées témoignent de la vitalité de la recherche en environnement et développement durable à
l’Université Laval, dont on retrouve également de nombreux exemples dans des rencontres similaires
organisées par certains centres et groupes de recherche. Elles expriment aussi le dynamisme des
jeunes chercheurs qui, au-delà du désir de comprendre, se traduit par la quête de solutions concrètes
aux problèmes et par une volonté de réflexion critique sur ce que l’on pourrait appeler « les lieux
communs du développement durable ».
Cette année encore, le colloque a eu le plaisir d’accueillir plusieurs participants d’autres universités
québécoises. Cette ouverture continuera afin, à terme, d’en faire un véritable carrefour interuniver­
sitaire et interdisciplinaire des jeunes chercheurs en environnement et développement durable à
l’échelle de la province. Les futurs colloques privilégieront particulièrement les nouveaux « passeurs
de frontières » qui font appel à des traditions disciplinaires et des corpus de connaissance différents
afin de proposer de nouvelles conceptualisations des problèmes ou des solutions concrètes visant à
traduire les principes et normes du développement durable en mesures effectives et efficaces.
Philippe Le Prestre
Directeur
Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Séance 1
Les défis actuels de la gestion de l’eau
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Dynamique des relations entre acteurs publics et privés
dans la gestion des services d’eau urbains
Marianne Audette-Chapdelaine
Étudiante à la maîtrise en études internationales
Université Laval
Contexte
Les décideurs doivent constamment concilier différents
intérêts liés aux multiples utilisations des ressources
en eau : production énergétique, procédés industriels,
loisirs et tourisme, pêche, transport, irrigation, hy­giène,
conservation des écosystèmes, etc. Devant ces mul­­tiples
usages de l’eau et enjeux liés à l’eau, nous avons décidé
de nous pencher plus spécifiquement sur la ges­tion des
services d’eau potable et d’assainissement en milieu
urbain. De nombreuses préoccupations font partie du
contexte dans lequel s’inscrit la gestion des services
d’eau.
Tout d’abord, la définition du statut de l’eau est une
préoccupation faisant partie des débats actuels entou­
rant la gestion de l’eau. Selon les circons­tances, l’eau
prend la forme d’une ressource essentielle à la vie, d’une
marchandise exportable, d’un bien commercialisable,
d’un service offert à des consommateurs, ou d’un droit
humain fondamental. Elle est également perçue comme
étant inépuisable ou rare, selon les situations. Cette
perception que nous avons de l’eau en elle-même se
reflète dans nos attentes à l’égard de sa gestion.
Les préoccupations croissantes à l’égard de l’environ­
nement et du développement durable se traduisent de
plus en plus dans les actions individuelles et collec­tives,
et donc dans la prise de décision et la défini­tion du rôle
des institutions. Ainsi, une ville doit gérer ses services
d’eau en tenant compte de tout le cycle d’utilisation
de l’eau, depuis l’adduction jusqu’à l’épuration. Il est
aujourd’hui inacceptable qu’une ville rejette ses déchets
dans un cours d’eau sans les avoir traités, causant
inévitablement des dommages à l’environnement et
aux populations en aval.
L’utilisation de l’eau est également liée à des préoccu­
pations humanitaires. La communauté internationale
s’est engagée, à travers les Objectifs du Millénaire
pour le développement (OMD), à réduire de moitié d’ici
2015 le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’eau
potable et à l’assainissement. Deux des plus grandes
orga­nisations internationales en matière d’eau, le
Conseil mondial de l’eau1 et le Partenariat global pour
l’eau, organisent tous les trois ans le Forum mondial
de l’eau. Lors du forum de 2002, elles ont mis sur pied
le Groupe de travail mondial sur le financement des
infra­structures de l’eau, qui avait pour objectif de
trouver des pistes de solution pour les pays dits en
développement. Les citoyens des pays industrialisés
sont de plus en plus conscients qu’une grande partie
de l’humanité n’a pas accès à l’eau en qualité et en quan­
tité suffisante. Cela pose inévitablement un question­
nement quant à notre devoir de gérer nos ressources
de manière responsable.
Les décideurs doivent également composer avec l’évo­
lu­tion de l’offre et de la demande, qui est influencée
par des habitudes de consommation résiden­tielle et
industrielle changeantes, des normes plus rigou­reuses
et la dégradation de la qualité de l’eau. Les changements
climatiques auront des effets encore mal compris sur le
cycle de l’eau, et donc sur la quantité d’eau disponible.
L’état des infrastructures, les fuites, la croissance démo­
graphique, l’urbanisation et la capacité d’investir dans
des travaux d’entretien influencent également l’offre et
la demande de services d’eau.
Enfin, la redéfinition du rôle de l’État est au cœur
des débats sur la participation du secteur privé à la
gestion de l’eau. Au cours du xxe siècle, l’État s’est
endetté en investissant massivement dans les infra­
struc­tures publiques. Les gouvernements doivent
mainte­nant réfléchir à leur efficacité et à leur mode de
fonctionnement, et non plus uniquement à la finalité
de leurs actions. Plusieurs secteurs d’abord mis en
place par l’État ont ainsi été transférés au privé, avec
l’espoir que les forces du marché améliorent l’effi­ca­cité
de gestion. Cette recherche d’efficacité et de diminution
des coûts a motivé la décision de nom­­breuses villes
et municipalités à déléguer la gestion et la propriété
(à divers degrés selon les con­trats) de leurs services
d’eau au secteur privé. Or, l’approvision­nement en
eau est toujours largement encadré par l’État, même
(et peut-être surtout) là où il a été totalement pri­
vatisé, comme c’est le cas au Royaume Uni. Cet enca­
drement public ne prend pas uniquement la forme
de normes de qualité de l’eau et de réglementation
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
environnementale, mais également d’une surveillance
très stricte de la tarification des usagers, voire du profit
des entreprises.
Problème de recherche
Les principaux débats sur la participation du secteur
privé à la gestion des services d’eau concernent la con­
currence et la réglementation, la mesure de la perfor­
mance, les coûts, et le financement. La littérature à se
sujet est très polarisée et souvent influencée directe­
ment par des groupes d’intérêts (dont les syndicats et
les entreprises du secteur). Or, aucune analyse empi­
rique ne permet d’identifier un modèle (public, privé ou
mixte) qui serait économiquement plus efficace en toute
circonstance (Aït Ouyahia, 2006 ; Griffin, 2006).
Concurrence et réglementation
La plupart des auteurs s’entendent pour dire que les
ser­vices d’eau, comme d’autres infrastructures de
réseaux, sont un monopole naturel. Quelques auteurs
considèrent cependant différents moyens pour instau­
rer une concurrence dans le secteur. Selon une étude
de la Banque mondiale, les efforts de réglementation
visent à contrôler les monopoles privés de services
d’eau afin qu’ils n’abusent pas de leur pouvoir, alors
que la concurrence permet de réduire le pouvoir des
monopoles et donc les besoins de réglementation
(Webb et Ehrhardt, 1998).
répondre est une décision plutôt politique qu’éco­no­
mique ou opérationnelle (Aït Ouyahia, 2006). En ce
sens, le passage de la gestion publique à la gestion
privée peut constituer une manière pour les gou­­­ver­­
nements de se déresponsabiliser face à une prise de
décision difficile mais inévitable : réinvestir dans les
infrastructures, le traitement et l’épuration, et char­ger
un prix qui reflète davantage les coûts réels, notam­
ment environnementaux. En Europe, ce principe de
récupération des coûts est nommé « l’eau paie l’eau ».
Dans ce contexte, le financement est l’un des enjeux
prin­cipaux du secteur de l’eau. La participation des
entreprises privées, qui amènent leur expertise, est
souvent perçue comme un moyen de solutionner le
manque de fonds publics et d’améliorer l’efficacité de
gestion. Certains croient cependant que le secteur
privé ne met pas réellement d’argent sur la table, et
que le capital qui servira à rénover et entretenir les
infra­structures sera de toute manière public, provenant
des taxes ou des tarifs payés par les citoyens (Paquerot,
2004). L’évaluation des coûts doit tenir compte d’élé­
ments tels que les coûts de réglementation, les coûts
liés aux risques inhérents à la nature essentielle des
services d’eau, les coûts de financement plus élevés
pour le secteur privé, la marge bénéficiaire et l’effica­
cité de gestion.
Coûts et financement
S’il est possible d’identifier le prix payé pour les
services d’eau par les utilisateurs, il est très difficile d’en
connaître le coût réel ; il y a souvent confusion entre le
prix payé par le consommateur (taxes ou tarifi­cation
au volume) et le coût réel pour la société. La gestion
publique municipale, par rapport à la régie, rend
encore plus difficile l’évaluation du coût des services
d’eau puisque leur gestion est intégrée à celle d’autres
services municipaux.
Problématique spécifique de recherche
Il est difficile de démontrer que la gestion publique ou
privée est en soi plus efficace pour les services d’eau.
De nombreux exemples illustrent des échecs et des
succès, dans un cas comme dans l’autre. Or, plusieurs
villes ayant délégué leurs services d’eau ont par le fait
même mis en place un cadre de contrôle, de suivi, de
mesure de la performance, de définition des rôles et
de planification des investissements qui était absent
lorsque les services d’eau relevaient directement de
la municipalité. Dans ces cas, ce ne sont donc pas
des caractéristiques intrinsèques au secteur privé
qui con­tribuent à une meilleure gestion mais plutôt
le pro­cessus de réorganisation des services que le
passage au privé oblige pour des raisons politiques et
de sécurité publique. Dans le cadre de cette recherche,
nous souhaitons analyser le processus de mise en place
d’outils permettant à une ville d’encadrer ses services
d’eau, dans un contexte de diversité d’acteurs publics
et privés. Nous nous demanderons donc comment la
dynamique des relations entre acteurs publics et privés
influence la gestion des services d’eau urbains.
Presque partout dans le monde, on constate qu’il y
a un manque chronique d’investissements dans les
infra­­struc­tures, et ce quel que soit le modèle de ges­
tion (privé, public, ou mixte). Les décideurs doivent
faire face aujourd’hui à une augmentation des investis­
sements et des coûts d’entretien. La manière d’y
Cadre conceptuel
L’encadrement public est à la fois une composante
importante de la relation entre secteurs public privé
et un élément essentiel de la gestion des services. Les
concepts au centre de notre analyse sont donc la partici­
pation du secteur privé (PSP) et l’encadrement public dans
Or, maintenir la concurrence dans le secteur de l’eau
nécessite une réglementation importante et agile (Aït
Ouyahia, 2006 ; Webb et Ehrhardt, 1998). Nous sommes
donc en présence d’une situation où la réglemen­tation
est de toute façon nécessaire, soit pour com­penser les
effets négatifs du monopole ou pour l’atténuer en favo­­
risant la concurrence. Le Pacific Institute sou­ligne
qu’il est possible d’instaurer des mécanismes de concur­
rence non marchande au sein de la gestion publique, par
exemple lorsqu’une société d’État paie des « dividendes »
à un gouvernement (Wolff, 2004).
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
la gestion des services d’eau urbains. Nous verrons ici
en quoi ils consistent et ce qu’en disent les principaux
auteurs.
Participation du secteur privé
Il existe trois grands modèles de gestion des services
d’eau : la gestion publique, la concession et la gestion
privée. Alors que la gestion totalement privée n’existe
pratiquement qu’au Royaume Uni, le modèle français
de gestion déléguée a été diffusé à travers le monde par
l’entremise des grandes sociétés françaises du secteur.
La gestion publique est cependant le modèle le plus
courant dans le secteur de l’eau, qui relève presque
par­tout des autorités municipales. Or, les entreprises
privées participent à la gestion des services d’eau
urbains de différentes manières, tant dans le capital
que dans les opérations. Les principaux éléments qui
peuvent être sous responsabilité publique ou privée sont
la construction, l’exploitation et la propriété.
Les questions de partage des responsabilités entre
les secteurs privé et public ne datent pas d’hier. Par
exemple, au cours du xixe siècle, le service d’eau mon­
tréalais a connu deux transformations majeures. La
première est la municipalisation de la Compagnie des
propriétaires des Eaux de Montréal en 1843-1845, par
laquelle la ville est légalement devenue le dépositaire de
service. Il s’agit d’un changement de régime de propriété,
de privée à publique. La seconde transformation a lieu
un peu plus tard, au cours des années 1850, et consiste
en un changement du régime de prestation. D’abord fondé
sur des principes marchands, la prestation des services
répond à partir de cette époque à des préoccupations
d’universalité d’accès à l’eau. La première taxe d’eau,
proportionnelle à la taxe foncière, apparaît avec la
construction du nouvel aque­duc dans les années 1850
(Fougères, 2004).
Depuis, la gestion des services d’eau à Montréal est
publique. Il existe toutefois une expérience et des
pratiques de collaboration entre la ville et les entre­
prises privées qui assurent dans les faits plusieurs
opérations, des chantiers de construction à la gestion
des processus d’appel d’offres. N’étant pas mutuel­
lement exclusifs, les secteurs privé et public sont
donc simultanément présents à toutes les époques de
l’histoire des infrastructures et des services urbains
(Fougères, 2004).
Aujourd’hui, même lorsqu’il est fourni par une entre­
prise privée, l’approvisionnement en eau est considéré
comme un service public essentiel. Nous parlerons dès
lors de la « participation du secteur privé » à la prestation
d’un service public. Au Canada, on parle souvent de
partenariat public-privé (PPP). Nous avons choisi le
terme de PSP car il nous semble plus englobant ; les
entreprises privées participent aux services d’eau par de
simples contrats pour une municipalité, sans qu’il n’y
ait nécessairement de partenariat ou de délégation. Les
formes de PSP considérées et la terminologie utilisée
varient considérablement selon les auteurs. Voyons
quelques exemples.
Privatisation : Wolff et Hallstein (2005) considèrent les
PPP et la PSP comme des formes de privatisation, alors
que l’OCDE évite ce terme, parlant plutôt d’une forme
de PSP caractérisée par un « dessaisissement intégral,
qui suppose le transfert des avoirs et des compétences
pour les gérer » (2003 : 90). Plus généralement, la
priva­­tisation est vue comme une forme extrême et
peu répandue de PSP (Bakker, 2002 ; Boyer, Patry et
Tremblay, 2001a).
Restructuration : Selon Wolff et Hallstein, une restruc­
tu­ration est la transformation d’une organisation pu­
blique ou privée selon l’un des mécanismes suivants :
priva­tisation, consolidation, régionalisation, contrat
d’opération ou de gestion, ou municipalisation (2005 :
11). Bakker voit la restructuration comme le choix
d’un modèle d’affaires, qui consiste en une description
fonctionnelle du partage des risques et responsabilités
et de la structure organisationnelle et de propriété. La
mise en œuvre d’un nouveau modèle d’affaires implique
une révision de la gouvernance. La corporatisation, la
participation du secteur privé, et la privatisation sont
des formes de restructurations (2002 : 14-16). Enfin,
Boyer, Patry et Tremblay parlent de manière générale
de « restructuration et privatisation » des services
d’infra­structures. Ce phénomène irréversible, motivé
par les contraintes budgétaires et la compétitivité
globale, implique que l’État entrepreneur devienne un
État régulateur (2001a : 2-3 ; 44).
Encadrement public
Quelle que soit la nature et l’ampleur de la PSP, ce sont
les gouvernements, et généralement les municipalités,
qui ont la responsabilité d’assurer la prestation des
services d’eau sur leurs territoires. Selon Wolff et
Hallstein, « there is widespread recognition around the
world, including top managers at private water companies,
that some dimensions of water management (e.g., water
quality standards) are inherently public in nature and cannot
be relinquished to private companies operating in unregulated
markets » (2005 : 15). Les auteurs favorables à la gestion
déléguée des services d’eau reconnaissent « l’impossible
démission du secteur public » (Boyer, Patry et Tremblay,
2001a : 48), qui doit mettre en place des mécanismes
de réglementation et de régie des contrats. De plus,
« la nécessité du développement de méca­nismes régle­
mentaires croît avec le degré d’implication du secteur
privé » (Boyer, Patry et Tremblay, 2001a : 6). Il est
donc généralement admis que le secteur public doit
encadrer la prestation des services. Voyons maintenant
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
ce que les principaux auteurs disent de ces mécanismes
d’encadrement.
Selon Wolff et Hallstein (2005), les organisations
publiques ou privées les plus performantes ont des
employés compétents, un soutien public assurant un
financement suffisant, de bons systèmes de gestion des
actifs, des évaluations et des récompenses de la perfor­
mance, et des processus transparents qui permettent
l’implication des parties prenantes. Griffin (2006)
souligne le lien entre les incitatifs à la performance des
gestionnaires et l’efficacité économique. Que la gestion
soit publique ou privée, il importe donc de voir si de tels
incitatifs sont en place. Plus largement, l’encadrement
public peut inciter de manière plus ou moins efficace à la
performance des entreprises impli­quées dans les services
d’eau. Heather et Bridgeman (2006) proposent un
modèle de gestion de la performance des services. Leur
postulat est que les actions courantes doivent permettre
de répondre aux besoins futurs. Un élément important
est donc l’évaluation de l’évolution des besoins. Ceci doit
être mis en parallèle avec l’évaluation de la détérioration
des infrastructures. Enfin, les actions devraient être
orientées vers l’adaptation de la performance actuelle
à la performance requise à l’avenir.
Bakker (2003) examine le cadre réglementaire postprivatisation en Angleterre. Elle affirme que celui-ci n’a
pas su concilier les intérêts divergents entre la quête
de profit et l’amélioration de l’efficacité, ce qui a mené
à une révision de la réglementation. Ces nouvelles
exigences ont à leur tour entraîné une restructuration
des entreprises du secteur, notamment par une diver­
sification vers des activités non réglementées. La divul­
gation d’information semble être l’un des aspects des
plus difficiles à contrôler pour les pouvoirs publics.
De plus, Bakker observe que la détermination par les
pouvoirs publics des tarifs aux usagers est devenue un
moyen de contrôle des retours sur investissements des
entreprises, et non plus un objectif en soi. Ceci incite
les entreprises à surévaluer les investissements prévus
durant la négociation (effet Averch-Johnson).
Dans une situation de gestion déléguée des services
d’eau, les autorités publiques peuvent adopter différents
modes de gestion pour contrôler la relation entre le
prin­cipal (le gouvernement) et l’agent : département
muni­­cipal, régie publique, opérateur sous-traitant,
opéra­teur privé, présence sur le marché par une société
d’État, législation, mécanismes institutionnels et
régle­­­mentaires, centralisation et décentralisation des
con­­trôles, etc. (Boyer, Patry et Tremblay, 2001a : 1216). Le contrat est également un mode de régulation
et de contrôle, notamment par les mécanismes d’appel
d’offres et de renégociation ainsi que par la nature et
10
la pré­cision de ses clauses (Boyer, Patry et Tremblay,
2001a). La gouvernance contractuelle, contrairement à
la gouvernance institutionnelle, est une entente bilaté­
rale entre parties (Boyer, Patry et Tremblay, 2001b : 8).
L’encadrement des services d’eau est lié au concept de
gouvernance. Selon Bakker et Cameron, la gouvernance
est la relation économique, sociale et politique entre une
société et son gouvernement ou entre une organisation
et l’autorité qui la gouverne. Les auteurs distinguent
deux types de gouvernance. La gouvernance des parties
prenantes est le processus et la structure décisionnelle
formelle et informelle par lesquels les acteurs font
valoir leurs intérêts et par lesquels les décideurs en
tiennent compte. La gouvernance corporative est le
processus et la structure encadrant la direction et
la gestion d’une société afin que les décideurs soient
responsables de remplir leurs mandats efficacement
et d’en rende compte (2002 : 36-37). Boyer, Patry et
Tremblay ont une vision différente de la gouvernance.
Selon eux, la gouvernance par le marché politique
(contrôle démocratique) est biaisée par le poids
démesuré des groupes d’intérêts par rapport à celui des
citoyens (2001b : 14-15). Ils perçoivent la gouvernance
plutôt comme un « problème » qui consiste à modifier
le cadre institutionnel et réglementaire afin que les
administrations apprennent à « régir sans s’ingérer »
dans la gestion quotidienne (2001a : 20).
De cette analyse de la littérature, nous pouvons res­sor­
tir trois grandes catégories de mesures par lesquelles
le secteur public encadre les services d’eau urbains.
Premièrement, l’organisation interne des services
(Wolff et Hallstein, 2005 ; Griffin, 2006 ; Heather et
Bridgeman, 2006). Deuxièmement, les mesures législa­
tives et régulatrices (Boyer, Patry et Tremblay, 2001a
et 2001b ; Bakker, 2003). Enfin, la gestion des contrats
(Boyer, Patry et Tremblay, 2001a et 2001b).
Suites de la recherche
Pour les fins de la recherche, nous allons réaliser deux
études de cas approfondies de la gestion des services
d’eau urbains des villes de Montréal et de Marseille.
Pour chacune des villes, nous analyserons l’encadrement
des services d’eau urbains, soit l’organisation interne,
la gestion des contrats et les mesures législatives et
régulatrices. C’est à travers chacune de ces dimensions
spécifiques que nous essaierons de mieux comprendre
la dynamique des relations entre acteurs publics et
privés. Les données seront recueillies surtout par
des entrevues semi-dirigées auprès des gestionnaires
municipaux et des dirigeants d’entreprise.
Note
1. Le président du Conseil mondial de l’eau, Loïc Fauchon, est
également PDG du Groupe des eaux de Marseille.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Bibliographie
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11
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12
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Controverse publique et conflit de l’utilisation
de l’eau souterraine : l’exemple de Franklin
Marie-Pierre DAGENAIS
Étudiante à la maîtrise en sociologie
Université Laval
Résumé
Un regard sociologique est proposé par l’analyse
construc­tiviste. La venue potentielle de projets de
captage d’eau souterraine aux fins commerciales de
l’embouteillage suscite une vive controverse quant au
processus décisionnel de l’allocation de l’eau souterraine.
Porté à l’attention publique et mis à l’agenda politique
tout en soulevant plusieurs enjeux, le répertoire de
définitions et d’activités contestataires se traduit
devant les tribunaux. La mobilisation des résidants de
Franklin oblige une réponse institutionnelle à l’égard
de la gestion de l’eau souterraine. Plusieurs acteurs
s’illustrent dans le faire valoir de leur contribution.
L’exercice juridique témoigne des questions liées au
statut juridique de l’eau souterraine et de l’aspect
parcellaire du processus décisionnel qui revient
aux acteurs locaux. L’exemple de Franklin montre
que l’organisation sociale liée à la gestion de l’eau
souterraine se partage entre différentes visions quant
à la disponibilité et aux possibilités d’utilisation ainsi
qu’elle témoigne de liens privilégiés entre les acteurs
selon leur position dans la hiérarchie décisionnelle.
Introduction
La municipalité de Franklin a fait les manchettes au
milieu des années 1990. La compagnie Labrador-Danone
avait entrepris des explorations hydro­géo­lo­giques afin
de déterminer le potentiel de l’aqui­fère. Pendant les
essais hydrauliques, des puits situés en dehors de la limite
prescrite par les théories hydrogéologiques ont montré
d’importants rabattements. Une vive controverse sur
l’accessibilité à l’eau a amené une pluralité d’acteurs à
faire valoir le rôle que leur organisation peut jouer dans
une décision collective.
La différence des visions sociales en ce qui a trait à la
quantité d’eau souterraine disponible et les possibilités
de son utilisation font apparaître les ambiguïtés
d’un processus décisionnel lié à l’allocation de l’eau
souterraine dans la municipalité de Franklin. L’accès
à l’information a été un enjeu d’une grande importance
dans cette controverse. Des demandes répétées d’accès
à l’information demeurées vaines (Dolbec, 1997) et la
rapidité du traitement du dossier menant à l’obtention
de l’autorisation de captage ont alimenté le doute
chez les résidants quant à l’impartialité des pouvoirs
décisionnels (Francoeur, Le Devoir, 1997). L’absence de
loi et de réglementation pour encadrer l’exploitation
de l’eau souterraine ainsi qu’en assurer la protection
ont mobilisé les résidants devant la venue d’une
nouvelle utilisation en milieu rural où la population
dépend entièrement de l’eau souterraine comme source
d’approvisionnement en eau potable. La communication
entre le gouvernement, le promoteur et les résidants
a donné lieu à une série d’échanges et de négociations
tendues qui ont abouti devant la Commission de la
pro­tection du territoire agricole pour trancher les
différends. Dans l’exemple de Franklin, des liens
privilégiés entre certains acteurs a entretenu le doute
et a conduit à l’envenimement de la controverse.
Nous proposons un regard sociologique de la mise à
l’agenda public des questions liées à l’eau souterraine.
Dans son modèle constructiviste, Hannigan concep­
tualise l’environnement non pas en une ressource
économique à être exploitée, conservée ou transformée,
et non plus comme une série dynamique d’échanges
entre des milieux naturels et les êtres humains ; mais
plutôt comme un répertoire de définitions et d’acti­
vités contestataires, dont plusieurs prennent place
dans un contexte global (Hannigan, 2004 : 187). Le
constructivisme est une méthode d’analyse qui identifie
des phases d’évolution d’une controverse technique, de
l’émergence d’un problème d’environnement particulier
à sa résolution, le cas échéant. Il s’agit de comprendre
un processus social au cours duquel les acteurs
coopèrent ou s’affrontent dans la définition, le cadrage
et la compréhension de problèmes qu’ils jugent d’intérêt
général et qui demandent une décision (Guay, 2004).
Le Projet déclencheur
Une vive polémique à l’endroit des pouvoirs décisionnels
et du mode d’attribution de l’eau souterraine prend
forme avec ce qui initialement se voulait être un projet
de développement économique dans une petite collec­
tivité rurale. Un groupe de résidants, intéressés et
inquiétés par la venue d’une nouvelle utilisation de
l’eau souterraine entraîne une mobilisation locale
13
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
qui s’organise pour bâtir collectivement une idée des
problèmes que peut provoquer le captage de l’eau aux
fins commerciales de l’embouteillage dans un milieu
agricole. Une coalition est formée qui interroge les
autorités et les experts sur les conséquences de cette
nouvelle activité sur la quantité d’eau qui restera
disponible pour les fins agricoles et domestiques.
Les résidants se rendent compte des limites du per­
sonnel et des élus de la municipalité à répondre à leurs
questions. Le ministère de l’Environnement se voit donc
sollicité par les résidants. Les fonctionnaires n’ont pas
toutes les réponses non plus. Des études plus poussées
sont nécessaires pour déterminer la viabilité d’un tel
projet. Or, il revient au promoteur de démontrer ce
fait dans le processus de la demande de l’autorisation
de captage. Une étude hydrogéologique est coûteuse
et demande du temps. Le dossier administratif est
traité rapidement et l’obtention de l’autorisation de
captage est toutefois accordée en moins d’un an. La
rapidité du traitement de la demande et la difficulté
pour les résidants d’obtenir des documents pertinents
pour leur permettre une meilleure compréhension
occasionnent beaucoup d’appréhension. Les résidants
se demandent si les décisions manifestent un souci
plus large des impacts tant sur la ressource que sur
les besoins actuels et futurs de la collectivité pour son
approvisionnement en eau. Les résidants se sont donc
tournés vers les médias de façon à attirer l’attention
sur leurs inquiétudes au sujet du processus décisionnel
d’allocation de l’eau souterraine de leur communauté.
Une contre-expertise est déposée par les citoyens et
la compagnie a retiré le projet pendant le cour des
audiences (CPTAQ, 1997).
Le deuxième Projet : un exercice juridique
Plusieurs mois après ces échanges, une entreprise
locale convaincue qu’un projet d’embouteillage de
l’eau souterraine dans la municipalité est une bonne
idée fait la promotion d’un autre projet non loin de
l’emplacement du premier. Les résidants demeurent
mobilisés (Bisson, La Presse, 1999). Toutefois, le dossier
est remis entre les mains de la Fédération de l’Union
des producteurs agricoles du Québec à qui il est confié
de veiller à la disponibilité de l’eau pour les besoins des
producteurs agricoles.
En 2003, une étude de cartographie des aquifères
régionaux du bassin versant de la rivière Châteauguay
est conjointement menée par le ministère du Dévelop­
pement durable, de l’Environnement et des Parcs
(MDDEP) et la Commission géologique du Canada –
Québec (CGC-Qc) en réponse aux inquiétudes des
citoyens quant à la disponibilité et la qualité de l’eau
souterraine (Lamontagne, Nastev, 2003-2006). D’entrée
de jeu, cette étude obtient une réception mitigée.
14
À plusieurs reprises la validité et l’objectivité des résul­
tats de l’étude est remises en cause (Dagenais et Nastev,
2005) avec un sous-entendu des bénéfices qu’une telle
étude apporte aux promoteurs d’embouteillage d’eau.
En 2004, la Commission de Protection du Territoire
Agricole du Québec (CPTAQ) a refusé de changer
l’usage permis dans la zone convoitée aux alentours
du puits en invoquant les incertitudes futures liées à
la disponibilité de l’eau souterraine pour l’utilisation
agricole (CPTAQ, 2004 : 11). Le promoteur du deuxième
projet a porté en appel cette décision devant le Tribunal
Administratif du Québec en invoquant que les craintes
ne sont pas fondées. Or, pendant les audiences de ce
tribunal, l’administration et l’admission de nouvelles
preuves à la demande de la magistrature ont entraîné
un imbroglio juridique quant aux dispositions de la loi
sur la protection du territoire agricole et de la loi sur
la justice administrative. Un débat juridique persistant
est entrepris et montre avec insistance le vide juridique
occasionné par la nouveauté du débat dans la priorité
des usages.
Par l’intermédiaire des documents déposés au Tribunal
administratif du Québec (2005), les résidants et agricul­
teurs apprennent que des données scientifiques aidant
l’hydrogéologue du promoteur à appuyer la validité de
son projet en réponse de l’invitation de la magistrature
lui ont été transmis par les responsables chargés du
projet de cartographie hydrogéologique du bassin
versant de la rivière Châteauguay.
Les enjeux dans un bassin versant transfrontalier
La controverse de l’eau de Franklin est un exemple
d’enjeux actuels plus larges sur l’utilisation de l’eau
souterraine qui se sont graduellement développées
avec la venue et le maintien de projets de captage d’eau
souterraine aux fins commerciales de l’embouteillage.
Les enjeux liés à ce projet sont complexes. Quelle
utilisation a priorité – l’eau pour l’agriculture ou l’eau
pour l’embouteillage ? À qui revient la décision – le
gouvernement local, régional, provincial, ou fédéral
(l’aquifère se partage sur le territoire transfrontalier) ?
S’agit-il d’une forme déguisée de privatisation ou
d’exportation de l’eau ? Qu’en est-il du statut juridique
de l’eau souterraine, de la loi et de la réglementation qui
visent son administration ? Est-ce que toute l’ampleur
de la décision peut porter sur l’hydrogéologie ?
L’exploitation de l’eau souterraine à des fins commer­
ciales d’embouteillage soulève plusieurs débats sur
la place publique et obligent les gouvernements à
répondre de leur action et de leur décision. La disponi­
bilité de l’eau à la survie apparaît à tous les points de
vue comme élémentaire. Les recherches sociales sur les
enjeux relatifs à l’eau ont montré que la mobilisation des
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
acteurs est motivée par une recherche d’informations
visant à établir une compréhension de l’état de la
situation quant aux possibilités de protection et de
développement liées à l’eau, tant celle de surface que
souterraine.
De manière générale, partout l’eau, notamment là
où elle est rare, engendre des conflits sociaux sur ses
usages dont la résolution est souvent très difficile
(Lasserre, 2004). Des processus délibératifs sont parfois
envisagés pour calmer le jeu et encourager les acteurs
à trouver des solutions acceptables à tous ou du moins
au plus grand nombre. La médiation environnementale
est un autre mécanisme qui a été pratiqué pour éviter
que les conflits perdurent et s’enveniment.
L’exemple de Franklin nous a permis d’observer que
les décisions liées à l’allocation de l’eau souterraine si
elles ne sont pas transparentes risquent de provoquer
et de maintenir les oppositions et les contestations.
Ce qui retient l’attention d’une façon toute spéciale
est que le seul aspect du processus décisionnel qui
revient aux acteurs municipaux – réunion de résidants,
d’agriculteurs et d’entrepreneurs élus et mandatés à la
gestion des affaires municipales – porte sur la capacité
légale de décider si oui ou non un lot déterminé au sein
de la municipalité peut changer d’usage, c’est-à-dire
de passer d’une utilisation agricole à une utilisation
commerciale pour le captage d’eau souterraine aux
fins commerciales. Cet aspect parcellaire prive les
résidants, élus ou non, d’informations techniques et
juridiques valables pour maîtriser la compréhension
des enjeux liés à la venue d’une nouvelle utilisation
de l’eau souterraine sur leur territoire ainsi que les
impacts conséquents sur les usages actuels et futurs,
puisque la compréhension de l’ensemble relève d’une
multitude d’acteurs, desquels il est excessivement
difficile et compliqué d’obtenir réponse.
La sociologie de l’environnement :
une analyse constructiviste
Nous avons utilisé le modèle constructiviste développé
par Hannigan et Guay pour mener notre analyse de
la controverse et du conflit de l’utilisation de l’eau
souterraine dans l’exemple de Franklin. Ce modèle
appartient à la sociologie de l’environnement. D’abord
élaboré pour comprendre les controverses autour des
problèmes sociaux (pauvreté, criminalité, alcoolisme,
etc.), il a été appliqué, avec succès, aux problèmes d’envi­
ron­nement (Hannigan, 1995 ; Guay, 2004).
Le modèle constructiviste, centré sur l’émergence des
problèmes, a été complété par le modèle de Kingdon
(1984) sur la mise à l’agenda politique, où l’on observe
une volonté, ou une tentative, de saisir le problème de
manière institutionnelle afin de proposer et de négocier
des solutions.
Le suivi des institutions et des acteurs pertinents est
un principe central d’une approche constructiviste
(Guay, 2004 : 188). L’évolution décisionnelle fait appel
à une pluralité d’acteurs en matière d’environnement
où chacun cherche à faire valoir le rôle que leur
organisation peut jouer dans une décision collective
(Guay, 2004). L’espace discursif dans lequel s’insère
la recherche d’une solution passe par une coordination
de ce qui relève du domaine de la connaissance et de
ce qui revient à la défense des intérêts matériels et
institutionnels (Guay, 2004). C’est ici que se dessine
clairement sur l’échiquier décisionnel la position de
chacun des acteurs (Dagenais, 2007).
Hannigan (1995) avance que les recherches futures
portant sur la sociologie constructiviste des problèmes
liés à l’environnement seraient porteuses de bénéfices
si elles mettaient en évidence les relations de pouvoir
d’une façon plus explicite. En cherchant à comprendre
la controverse sociotechnique occasionnée par la venue
potentielle d’une nouvelle utilisation de l’eau souter­raine
au sein de la municipalité de Franklin et en observant
la logique de l’action collective et de son influence
sur le déroulement de la controverse ; nous avons
soumis trois hypothèses qui soutiennent que le rôleclé de l’information et de la connaissance est ce qui a
précisément contribué à la controverse – avec le projet
déclencheur et à son envenimement – avec le deuxième
projet. Nous avons ainsi pu constater que l’information
chemine en fonction de la position des acteurs dans une
hiérarchie décisionnelle, et que les acteurs scientifique et
économique se voient avantagés par leur position et leur
accès à des ressources (financière, connaissances, etc.).
Conclusion
Au Québec, comme ailleurs probablement, les questions
entourant l’eau souterraine, sa disponibilité et ses
utilisations sont fortement liées aux aspects légaux
émergents d’une diversité d’aspects allant des facteurs
économiques, techniques et sociaux. Les motivations
et les intérêts parfois divergents se rencontrent sur
la place publique et témoigne d’une valse consultative
entre les acteurs sociaux interpellés par les problèmes
d’environnement. Les discussions et les négociations qui
en émergent cherchent à comprendre le développement
des revendications environnementales, responsables des
changements de mentalité, causes parfois de l’ajustement
des politiques et des modifications législatives. La
controverse de l’eau de Franklin perdure depuis plus
de dix ans avec la venue de projets de captage d’eau
souterraine aux fins commerciales d’embouteillage.
Ces projets ont successivement suscité enthousiasme
et désenchantement pour ensuite mener vers une
contestation de l’administration de l’eau souterraine.
L’exemple de Franklin montre que l’organisation
15
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
sociale liée à la gestion de l’eau souterraine se partage
entre différentes visions quant à la disponibilité de
l’eau souterraine et les possibilités d’utilisation ainsi
qu’elle témoigne de liens privilégiés entre les acteurs
selon leur position dans la hiérarchie décisionnelle. Les
incertitudes liées aux aspects techniques et législatifs
imposent une gestion commune, collective et locale
visant le partage et la conciliation des utilisations entre
tous les acteurs.
Remerciements
L’auteure tient à remercier Louis Guay pour la
diligence de sa supervision lors du cheminement
académique ainsi que pour les précieux conseils tout
au long de la rédaction du mémoire de maîtrise. La
réalisation de ce projet d’étude de deuxième cycle
a été appuyée par une bourse d’étude de l’Institut
Hydro-Québec en Environnement, Développement et
Société pour laquelle l’auteure souhaite exprimée sa
reconnaissance.
Bibliographie
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Francoeur, Louis-Gilles, « Les citoyens de Franklin accusent le MEF de partialité », Le Devoir, samedi 5 juillet
1997, p. A2.
BISSON, Bruno, « Le scandale de l’eau ressoud à Franklin. Un promoteur pompe la nappe phréatique, personne ne
songe à aviser les résidants », La Presse, 9 avril 1999, p. A-11.
DAGENAIS, M.P., 2007, Mémoire de maîtrise en sociologie, sous la direction de Louis Guay, Université Laval,
Québec (sous-presse)
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sufficient 6th Joint IAH-CGS Groundwater Specialty Conference, Saskatoon, 8 p., CD version.
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16
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Contrôle de la contamination et de l’eutrophisation
des lacs dans une approche par bassin versant :
Cas de la Baie Missisquoi Lac Champlain Montérégie
Mohammed AZIZ ES-SALHI
Étudiant au doctorat en génie civil
Université Laval
Résumé
Traditionnellement, les études portant sur les lacs
sont basées sur des données obtenues à une fréquence
mensuelle ou bimensuelle en assumant une certaine
homogénéité des caractéristiques limnologiques dans
le temps. Cependant, certaines études ont montré qu’à
l’échelle de quelques jours, des changements importants
peuvent survenir dans un lac de dimension modeste
avec une fréquence d’échantillonnage élevée (2 fois par
semaine) combiné à des données obtenues en continu.
Des nombreux lacs souffrent d’une dégradation hâtive
(eutrophisation). Des restrictions de consommation de
poisson et/ou de baignade ont été attribuées à plus de
1 000 plans d’eau au Canada.
Basé sur des recherches antérieures et des études faites
à l’échelle de bassin versants, ce projet vise à démontrer
que l’utilisation combinée de la coagulation (en dosage
faibles de coagulant) et du recouvrement actif (avec
matériaux naturels) peut servir de méthode curative
afin d’arrêter la migration des polluants contenus dans
les sédiments et neutraliser ceux dans la colonne d’eau
des lacs eutrophes. Deux sites ont été retenus pour la
démonstration de la technique combinée : le lac SaintAugustin, fortement contamine (localisé dans la Ville
de Saint-Augustin-de-Desmaures en zone urbaine)
et la baie Missisquoi au lac Champlain (localisé en
Montérégie en zone agricole). Ces deux lacs souffrent
d’eutro­phisation. Le lac Saint-Augustin présente des
sédiments très contaminés qui emmagasinent l’excès
de nutriments et reçoit des décharges d’eaux de ruis­
sellement routier avec des concentrations élevées de sels
de déglaçage. Ces contaminants ont un impact direct
sur la reproduction des algues et des cyanobactéries. La
Baie Missisquoi est l’objet d’une entente internationale
entre le Québec et l’état du Vermont (USA) pour le
contrôle du phosphore et sa réhabilitation.
La technique proposée vise :
1. L’assainissement de la colonne d’eau ;
2. L’isolement des sédiments pollués ;
3. L’atténuation des contaminants transportés par les
eaux souterraines.
Cette solution innovatrice vise à récupérer les écosys­
tèmes et les usages de l’eau (esthétiques et récréatifs) ;
la méthode est curative et s’applique là où les mesures
préventives s’avèrent insuffisantes, elle est développée
en utilisant une approche pluridisciplinaire et
transdisciplinaire.
La conception technique de la méthode sera développée
par des chercheurs provenant de divers horizons scienti­
fiques tels le génie civil et l’hydrogéologie, mais aussi
par des biologistes et des toxicologues. La méthode
avant d’être appliquée sur le terrain sera évaluée pour
sa compatibilité biologique.
Les chercheurs ont l’appui des conseils de bassins ver­
sants, des ministères provincial et fédéral de l’environ­
nement, des villes et aussi d’un centre de recherche
américain, permettant ainsi un consensus sur le dévelop­
pement d’une solution adaptée aux exigences du milieu.
Ce projet permettra de développer des connaissances et
une technologie en favorisant son transfert direct vers
les utilisateurs dans une perspective de développement
durable.
Ce présent projet est basé sur différentes recherches
anté­rieures. Cet article qui est axé sur plusieurs élé­
ments, regroupe des résultats préliminaires.
Introduction
L’eutrophisation se défini comme la manifestation, en
terme de métabolisme général (production et respi­
ration) d’un écosystème, des apports exogènes de nutri­
ments qu’il reçoit. Ces manifestations peuvent revêtir
des formes extrêmement diverses selon les secteurs
concernés du réseau hydrographique.
C’est dans les grands cours d’eau (ordre 5 et au-delà),
souvent canalisés, que peut se développer le phyto­­
plancton algal, qui, dans ces secteurs, domine complète­
ment la production primaire.
Ces manifestations diverses résultent toutes d’un
désé­qui­libre quantitatif ou qualitatif de l’approvision­
nement du système en azote, phosphore ou silice. La
compréhension de ces phénomènes nécessite donc un
outil capable de représenter les apports, les transferts
17
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
et les processus de transformation de nutriments à
l’échelle du bassin versant, ainsi que la dynamique des
processus de production primaire et d’hétérotrophie
qui en résultent (voir figure ci-dessous).
Figure 1. Cycle de l’Eutrophisation
Site d’étude
La baie Missisquoi est une large échancrure de la rive
nord du lac Champlain, nappe d’eau que se partagent
le Québec et l’État du Vermont. Cette baie, dont
l’ouverture est de 5 km, est rattachée à la municipalité
de Venise-en-Québec (voir figure ci-dessous).
Depuis son apparition au xviiie siècle, ce toponyme
d’origine amérindienne a connu différentes graphies
en raison de la présence à la fois des Abénaquis, des
Français et des Loyalistes dans la région. Un des
plus anciens documents connus qui font mention du
toponyme est celui de la concession faite le 6 avril
1733 à Paul-Louis Dazemard de Lusignan à la « Baie
de Missiskouy ». Le nom était probablement connu des
Français auparavant. Par ailleurs, une correspondance
datée du 24 mars 1744 entre Louis XV et Gilles
Hocquart, intendant de la Nouvelle-France, mentionne
le nom de Baie de Michiscouy. Un autre document
officiel en langue anglaise de 1783 utilise Missisqui Bay.
Joseph Bouchette orthographie ce nom Missisqui Bay,
en 1815, et écrit Mifsiqui Bay sur une carte de 1831.
Figure 2. Bassin versant Baie Missisquoi
18
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Objectifs de l’étude
La technique proposée vise (voir figure 3) :
Figure 3. Solution proposée
• L’assainissement de la colonne d’eau ;
• L’isolement des sédiments pollués ;
• L’atténuation des contaminants transportés par les
eaux souterraines.
Perspectives :
• Solution innovatrice vise à récupérer les éco­systèmes
et les usages de l’eau (esthétiques et récréatifs) ;
• Curative et s’applique là où les mesures préventives
s’avèrent insuffisantes ;
• Développée en utilisant une approche pluridisci­
plinaire et transdisciplinaire.
• L’amélioration de la qualité de l’eau par la réduction
des contaminants à la source et en priorité, le
phosphore ;
• La protection des écosystèmes aquatiques et de
la santé publique en protégeant l’eau potable, les
activités aquatiques et les différents usages de l’eau
des entreprises commerciales et agricoles ;
• Les ressources en eau et les écosystèmes associés
devraient ressembler à long terme ;
• Sécuriser les usages d’eau potable et les activités
aquatiques, de protéger la santé publique et la santé
des écosystèmes aquatiques ;
• D’assurer une bonne qualité de vie aux citoyens
(résidents, commerçants, agriculteurs, villégiateurs,
touristes).
Concentration du cadmium dans les sédiments
du lac St-Augustin
19
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Accord sur le Programme de surveillance continue
de l’eutrophisation
(Numéro de référence : 2005-4)1
1. Cet accord actualise et remplace l’accord OSPAR
précédent concernant un programme de surveil­
lance continue des nutriments (numéro de référence :
1995-5), adopté en 1995.
2. Le Programme de surveillance continue de
l’eutrophisation OSPAR fait partie intégrante de
la Stratégie d’eutrophisation OSPAR. Il apporte
la base qui permet aux Parties contractantes d’éva­
luer et de classer l’état d’eutrophisation de leurs
eaux maritimes dans le cadre de la « Procédure
exhaustive » de la procédure commune pour l’iden­
ti­fication de l’état d’eutrophisation de la zone
maritime OSPAR (« Procédure commune », numéro
de référence : 2005-3).
3. Un programme de surveillance continue satisfaisant
doit avoir des objectifs clairs et doit être conforme
aux principes directeurs de la Stratégie OSPAR
pour un programme conjoint d’évaluation et de sur­
veillance continue (JAMP) (numéro de référence :
2003-22, telle qu’amendée).
4. Étant donné que les procédures de surveillance
continue et d’évaluation associées à un programme
de surveillance continue de l’eutrophisation appli­
queront différents niveaux de priorité (par exemple
zones à problèmes, zones à problèmes potentiels
et zones sans problèmes en ce qui concerne
l’eutro­­­phisation) aux sous-régions de la zone
mari­­time OSPAR et seront axées sur différentes
carac­téristiques (corps aquatiques stratifiés/non
stratifiés, littoraux rocheux/non rocheux, etc.),
il convient d’incorporer une certaine souplesse
dans la conception du programme de surveillance
continue.
5. Les besoins minimum d’un programme de surveil­
lance continue de l’eutrophisation devraient donc
être comme suit :
a. Zones sans problèmes en ce qui concerne
l’eutrophisation
Dans les zones ne présentant pas de problèmes
d’eutrophisation, le programme de surveil­
lance continue a pour fonction de déceler les
changements intervenus dans l’état d’eutro­
phisation ou de confirmer que certaines zones
sont des zones sans problèmes. Pour ce faire,
on se fonde sur des paramètres d’évaluation et
leurs niveaux d’évaluation qui se rapportent aux
20
teneurs de fond propres à la zone en question,
tels que définis dans la pro­cédure exhaustive.
De toute évidence, les efforts de surveillance
con­tinue ne font intervenir qu’un nombre
limité de paramètres, la fréquence des mesures
est également limitée, quoique la couverture
spatiale ne devrait pas être négligée.
b. Zones à problèmes en ce qui concer ne
l’eutrophisation
Dans les zones à problèmes en ce qui concerne
l’eutrophisation, le programme de surveillance
continue sera axé sur les tendances à long terme
accusées par les teneurs en nutriments et sur
une sélection de paramètres qui sont considérés
comme des effets liés à l’eutrophisation ; on
tient en compte les tendances à long terme
correspondantes affichées par les apports en
nutriments. Un nombre plus important de para­
mètres et une fréquence de prélèvements plus
élevés seront pris en considération que dans le
cas des zones sans problèmes, afin de répondre
aux exigences statistiques. La cou­ver­­ture
spatiale doit également être plus précise que
pour les zones sans problèmes. La surveillance
continue est maintenue jusqu’à ce que la zone
en question ait atteint le statut de zones sans
problèmes.
c. Zones présentant des problèmes potentiels
d’eutrophisation
Concernant leur statut, qui est inconnu, les
zones à problèmes potentiels en matière d’eutro­
phisation devraient être suivies de la même
façon que les zones à problèmes, pendant une
période d’essai ne dépassant pas cinq ans. Ainsi,
la zone pourra être reclassée soit comme zone
à problème ou comme zone sans problèmes
d’eutrophisation.
6. Lorsqu’elles appliqueront ces exigences minimum
en matière de surveillance continue, les Parties
contrac­tantes feront porter leurs efforts sur les
effets de l’eutrophisation qui sont suffisamment
étroitement liés à l’enrichissement en nutriments
pour contribuer à définir l’état d’eutrophisation
d’une zone. Les effets d’eutrophisation seront
choisis sur la base des paramètres d’évaluation énu­
mérés au tableau 1 de la procédure commune.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
7. Si, lorsqu’une zone maritime a été classée en ce
qui concerne l’eutrophisation, des sous-régions
(basées, par exemple, sur des caractéristiques hydro­
graphiques) sont identifiées dans une zone classée
soit comme zone à problèmes, zone à problèmes
potentiels ou zone sans problèmes d’eutrophisation,
alors les exigences minimum précisées au § 5
s’appliqueront à chacune des sous-régions.
8. Avant que soit établi l’état d’eutrophisation de la
zone maritime selon la procédure commune, la
distribution spatiale des stations de surveillance
continue sera proportionnelle à la gravité anticipée
de l’eutrophisation dans la zone étudiée, ainsi que ses
caractéristiques hydrographiques. Par conséquent,
chaque Partie contractante déterminera la fréquence
maximum, par année, et les lieux optimum, pour ses
stations de surveillance continue. Le cas échéant,
les efforts nécessaires seront coordonnés entre les
Parties contractantes.
9. Les exigences minimum, concernant un programme
de surveillance continue de l’eutrophisation, sont
précisées aux tableaux 1 et 2. Les Parties con­
trac­tantes élargiront le champ d’application et
la fréquence de la surveillance continue si elles
considèrent que cela convient.
10.Le Programme de surveillance continue de l’eutro­
phisation fait partie du Programme coordonné
OSPAR de surveillance continue de l’environnement
(le CEMP – numéro de référence : 2005-5 (dernière
mise à jour). Les Parties contractantes notifient
les résultats de la surveillance pour les paramètres
énumérés aux tableaux 1 et 2 selon le mécanisme
du CEMP, convenu et actualisé périodiquement
par OSPAR. Actuellement, le CIEM est le centre
de données OSPAR pour les données concernant
la surveillance continue environnementale marine
et, selon les accords conclus à OSPAR, les Parties
contractantes sont obligées de communiquer leurs
données de surveillance continue au CIEM pour
le 1er septembre de l’année suivant l’année de la
surveillance continue, en se servant des formulaires
convenus ; elles doivent par ailleurs résoudre tout
problème de traitement de données avec le centre
du CIEM.
11.Les programmes et procédures relatifs à l’évaluation
ou la classification par chaque Partie contractante
de l’état de l’eutrophisation de zones situées dans
ses eaux maritimes figurent dans la Stratégie
d’eutro­phisation d’OSPAR (numéro de référence :
2003-21) et dans la procédure exhaustive de la
procédure commune.
Tableau 1. Enrichissement en nutriments1
Zones sans problèmes
NH4-N2,4(µmol l–1)
NO2-N2,4 (µmol l–1)
NO3-N2,4 (µmol l–1)
PO4-P3,4 (µmol l–1)
SiO4-Si4 (µmol l–1)
Salinité
Température
Fréquence5
Zones à problèmes potentiels
Zones à problèmes
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
–
+
+
+
+
+
+
+
+
Environ tous les trois ans Annuellement pendant l’hiver, quand la croissance des algues
pendant l’hiver
est à son niveau minimum et pendant la surveillance continue
des effets directs et indirects
+
–
1.
2.
3.
4.
Nécessité de mesure
Mesures éventuelles, laissées à la discrétion de la Partie contractante
Tous les paramètres doivent être surveillés en conjonction avec les caractéristiques des écosystèmes propres à la zone.
L’azote inorganique dissous hivernal (dissolved inorganic nitrogen (DIN)) est la somme de NH4-N, NO2-N et NO3-N.
Phosphates inorganiques dissous hivernales (dissolved inorganic phosphate (DIP))
Surveillance continue du DIN, du DIP et du Si hivernaux en conjonction avec mesures de salinité (voir procédure
commune §§ 4.25 et 4.28).
5. La surveillance continue devrait comprendre des échantillons suffisants pour confirmer que la teneur maximale hivernale
en nutriments a été déterminée.
21
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Tableau 2. Effets directs et indirects de l’eutrophisation1
Zones sans problèmes
Zones à problèmes potentiels
+
Chlorophylle
phytoplanctonnique a
(µg l–1)
Espèces indicatrices
phytoplanctonniques
(l–1 ; cellules ; composition
des espèces)
–
–
+ Composition des espèces
(généra et espèces de
nuisance/potentiellement
toxiques)
Macrophytes, y
compris macroalgue et
angiospermes3
–
+ biomasse
O2 Conteneurs en (mg l–1 ;
y compris % O2 saturation)
zoo Communautés [zoo]
benthiques
–
+
–
+ Biomasse et composition
des espèces (si une série
temporelle existe déjà)
Fréquence4
–
+
–
1.
2.
3.
4.
22
Zones à problèmes
+
+ composition des espèces
(généra et nuisance et
espèces de nuisance/
potentiellement toxiques)
+ TOC et POC2
+ biomasse
+ composition des espèces,
couverture et distribution
à profondeur réduite
+
+ biomasse, composition
des espèces et espèces
indicatrices de
l’eutrophisation
annuellement pendant la saison de croissance des algues
Nécessité de prendre des mesures
Possibilité de prendre des mesures, à la discrétion de la Partie contractante
Tous les paramètres sont suivis en conjonction avec les caractéristiques des écosystèmes propres à la zone
TOC : Totaux Organic Carbon ; POC : Particulate Organic Carbon
Dans les zones peu profondes, surtout dans les estuaires et les eaux côtières
Avec une fréquence et une couverture géographique adéquates
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Lignes directrices JAMP de la surveillance continue
de l’eutrophisation : Nutriments
1. Introduction........................................................................................................................... 24
2. Objectifs.................................................................................................................................. 24
3. Objectifs quantitatifs............................................................................................................ 24
4. Méthodes d’échantillonnage............................................................................................... 24
4.1 Surveillance aux fins des objectifs 1, 2 et 3............................................................ 24
4.2 Surveillance aux fins de l’objectif 4......................................................................... 25
5. Matériel d’échantillonnage................................................................................................. 25
5.1 Matériel........................................................................................................................... 25
5.2 Contamination............................................................................................................... 25
6. Stockage et pré-traitement des échantillons.................................................................. 25
6.1 Stockage.......................................................................................................................... 25
6.2 Pré-traitement............................................................................................................... 26
7. Méthodes d’analyse............................................................................................................... 26
8. Contrôle de qualité des analyses........................................................................................ 26
9. Impératifs de notification.................................................................................................... 26
10.
Bibliographie.................................................................................................................. 27
23
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Lignes directrices JAMP de la surveillance continue
de l’eutrophisation : Nutriments
1. Introduction
Si les autres conditions y sont favorables, l’enrichis­
sement en nutriments peut donner lieu à une
eutrophisation. Les teneurs en nutriments peuvent être
exploitées afin de pouvoir juger de l’état trophique des
eaux marines, et de déterminer l’origine des problèmes
d’eutrophisation. Les présentes lignes directrices
ont pour but de définir les impératifs minima de la
surveillance dans le cadre du Programme de sur­
veillance des nutriments2.
2. Objectifs
La mesure des teneurs en nutriments dans l’eau de mer
a pour but, entre autres :
1. de surveiller la distribution spatiale des teneurs
en nutriments dans la zone maritime, teneurs
influencées par les apports anthropiques de nutri­
ments, en tenant compte des impératifs minima du
Programme de surveillance des nutriments ;
2. de surveiller les tendances chronologiques des
teneurs en nutriments, sur des périodes s’étalant
sur plusieurs années (dans les zones choisies pour
l’objectif 1), ceci de manière à savoir si les teneurs
ont tendance à augmenter ou à diminuer par suite
du changement des apports, ceci en tenant compte
des impératifs minima du Programme de surveil­
lance des nutriments ;
3. de recueillir des données pour pouvoir apprécier le
degré d’enrichissement en nutriments dans la zone
maritime, ceci dans le contexte de l’élaboration et
de la mise en œuvre d’une Procédure commune de
détermination de l’état d’eutrophisation de la zone
maritime ;
4. de faire progresser les travaux visant à comprendre
les rapports entre les teneurs en nutriments et/ou
les flux d’une part, et d’autre part les paramètres
des phénomènes d’eutrophisation stipulés par les
impératifs minima de surveillance du Programme
de surveillance des nutriments.
3. Objectifs quantitatifs
Les objectifs quantitatifs doivent impérativement
tenir compte des caractéristiques (par exemple, de la
variabilité) des zones maritimes concernées.
Le but est que le programme de surveillance des ten­
dances chronologiques propres à telle ou telle région
permette de déceler (p. ex. à 90 %) une évolution des
teneurs (p. ex. de 50 %) sur une période choisie à cet
effet (p. ex. 10 ans). Pour clarifier la situation et faciliter
24
la définition des objectifs, les Parties contractantes
procéderont à une analyse statistique des séries de
données en leur possession, ce qui leur permettra de
déterminer la représentativité des stations de surveil­
lance et donc de choisir des stations et des fréquences
d’échantillonnage idoines.
Le programme de surveillance de la distribution
spatiale devrait permettre aux Parties contractantes
de déterminer la représentativité de leurs stations de
surveil­lance, ceci sur le plan de la variabilité spatiale
des teneurs en nutriments. Il s’agit notamment de
définir l’ampleur de la zone surveillée, et d’acquérir
une certaine compréhension du caractère aléatoire des
stations de surveillance.
4. Méthodes d’échantillonnage
La surveillance sera exercée sur les nutriments
suivants3 :
• ammonium, nitrate, nitrite, azote en particules,
azote total ;
• orthophosphate, phosphore total, phosphore en
particules ;
• silicate réactif dissous.
Les paramètres connexes suivants sont nécessaires :
température, salinité, chlorophylle a.
En ce qui concerne les phénomènes d’eutrophisation,
les nutriments inorganiques les plus importants sont le
phosphate, ainsi que la somme du nitrite et du nitrate.
Le silicate et le gaz ammoniaque sont surtout impor­
tants dans le cas de certains phénomènes et situations.
Le phosphore total, l’azote total, ainsi que l’azote et
le phosphore en particules sont importants pour les
tendances chronologiques, l’analyse des écosystèmes
et les bilans des nutriments.
4.1 Surveillance aux fins des objectifs 1, 2 et 3
La surveillance aux fins des objectifs 1, 2 et 3 doit avoir
lieu au moment où l’activité algaire est la plus faible,
soit en général en hiver. Ce phénomène est dû au fait
que les eaux de surface contiennent de moins en moins
de nutriments inorganiques pendant le printemps, l’été
et l’automne, car il sont absorbés par le phytoplancton.
De ce fait même, et pour la zone maritime dans son
ensemble, il est impossible de dire pendant quels mois
ou à quelles dates les échantillons doivent être prélevés,
la période de l’échantillonnage variant en fonction des
différences entre les régions et entre les années.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Les nutriments doivent être contrôlés le long des
gradients de salinité, ceci de manière à tenir compte
du ruissellement des eaux douces de la terre à la mer,
cette méthode permettant en outre de renforcer la
cohérence. Dans la surveillance des nutriments, il
convient de prendre en considération les apports et
les caractéristiques océanographiques de chacune des
régions.
La relation entre la teneur en nutriments et la salinité,
telle qu’elle existe dans une zone côtière, permet de
se renseigner sur les processus de régulation des
teneurs en nutriments et sur les quantités totales de
nutriments. Une relation linéaire prouve que le mixage
physique est le principal des processus de régulation
de la teneur en nutriments, tandis qu’une absence de
linéarité est l’indice d’une influence supplémentaire,
due à des processus chimiques et/ou biologiques. La
présence de plusieurs sources d’eau douce ou d’eau de
haute mer est susceptible d’accroître la complexité des
courbes de mixage des nutriments/salinité, tandis que
la variabilité temporelle des teneurs en nutriments dans
les sources peut contribuer à augmenter la dispersion
et la variabilité de la relation.
Pour la stratégie de surveillance des tendances chrono­
logiques il convient de recueillir un volume suffisant
de données pour s’assurer que les maxima des teneurs
hivernales en nutriments sont bien couverts et qu’une
courbe de nutriments/salinité puisse être créée, à partir
de laquelle une teneur adéquate normalisée en fonction
d’une salinité spécifiée puisse être calculée (p. ex. 30).
Dans la plupart des cas, ce n’est qu’après que les échan­
tillons aient été prélevés et en s’aidant de paramètres
connexes (p. ex. la chlorophylle a), prouvant que
l’activité algaire a atteint son plancher, qu’il est possible
de décider si les données sont adaptées à l’étude des
tendances chronologiques.
4.2 Surveillance aux fins de l’objectif 4
La surveillance exercée aux fins de l’objectif 4 a pour
but de répondre à la question 2.2 du JAMP (autrement
dit : « Où les fortes teneurs en nutriments ou les flux
d’origine anthropique provoquent-il une accentuation
de la fréquence et/ou de la grandeur et/ou de la
durée des efflorescences phytoplanctoniques ainsi
qu’une évolution de la composition des espèces ? »).
Pour l’objectif 4, la méthode d’échantillonnage des
nutriments doit être la même que celle appliquée aux
paramètres des phénomènes d’eutrophisation, à savoir
phytoplancton et benthos.
5. Matériel d’échantillonnage
5.1 Matériel
Divers types de bouteilles de prélèvement peuvent être
utilisés pour recueillir les échantillons de nutriments.
Ces bouteilles sont déployées sur une rosette ou
accro­chées à un câble hydrologique puis descendues
à la profondeur prescrite. Il est toutefois préférable
d’utiliser une rosette d’échantillonnage combinée à une
sonde multiparamètres pour mesurer la température et
la salinité (profilographe « CTD »), cette combinaison
autorisant une meilleure maîtrise, les échantillons
étant en effet ainsi prélevés à la profondeur voulue.
En cas d’utilisation d’un échantillonneur CTD à
rosette, l’on prélèvera des sous-échantillons dans les
bou­teilles et on en mesurera la salinité de manière à
s’assurer que le dispositif d’échantillonnage fonctionne
convenablement.
Dans les estuaires et dans les zones côtières, certains
chercheurs ont recueilli des échantillons en pompant
de l’eau à l’aide d’un tube en plastique souple passé par
dessus le bord du navire. Ce dispositif permet d’obtenir
un échantillonnage à structure très fine sur un profil
donné.
5.2 Contamination
Le matériel d’échantillonnage, le navire lui-même
et les activités à bord peuvent être des sources de
contamination pendant le prélèvement des échantillons.
Les déversements des navires (en particulier d’eau de
refroidissement et des eaux résiduaires des toilettes)
peuvent être d’importantes sources d’azote, d’ammoniac
et de phosphate organiques. Les échantillons
doivent être prélevés dans des conditions telles que
ces déversements soient évités. Les bouteilles de
prélèvement doivent rester bouchées lorsqu’elles ne
sont pas utilisées, et, pendant qu’on les manipule, il
convient de veiller à ne pas toucher les parois internes,
tout contact pouvant conduire à une contamination.
6. Stockage et pré-traitement des échantillons
6.1 Stockage
Le dosage des nutriments doit être fait le plus rapide­
ment possible après que les échantillons aient été
prélevés. L’ammoniac doit être dosé immédiatement
après l’échantillonnage, tandis que le nitrate, le
phosphate et le silicate doivent être dosés dans un
délai de quelques jours après l’échantillonnage,
les échantillons devant être à l’abri de la lumière et
conservés dans un réfrigérateur entre le moment du
prélèvement et celui de l’analyse.
25
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
S’il est impossible de procéder immédiatement aux
analyses, il est impératif de préserver les échantillons.
Cependant, aucune méthode de préservation n’étant
universelle, chacun des laboratoires doit valider luimême sa propre méthode de stockage.
6.2 Pré-traitement
On évitera de manipuler inutilement les échantillons,
quoiqu’une filtration ou une centrifugation soient néces­
saires dans les eaux riches en particules (autrement
dit, dans les zones côtières, les estuaires, ou au milieu
des efflorescences de phytoplancton). Une filtration
sur filtres GF-F est adéquate. Si les échantillons sont
analysés sans avoir été filtrés, on corrigera les résultats
en fonction de la turbidité.
7. Méthodes d’analyse
La détermination des nutriments est basée sur des
méthodes colorimétriques (cf. Grasshoff et al., 1983 et
Kirkwood, 1996).
8. Contrôle de qualité des analyses
Le programme de contrôle de qualité devra être tel que
les données conviennent aux fins pour lesquelles elles
ont été recueillies, autrement dit, qu’elles satisfassent
aux seuils de détection et que par leur degré d’exac­
titude, elles soient compatibles avec les objectifs du
programme de surveillance (cf. tableau 1).
On trouvera des renseignements techniques précis
sur le contrôle de qualité dans Kirkwood (1996) et
dans Vijverber et Cofino (1987). Il n’existe à l’heure
actuelle aucun matériau de référence certifié pour les
nutriments dans l’eau de mer, de telle sorte que les
laboratoires devront utiliser le matériau de référence
cité en section 7.2.1 du Rapport 1985 du Comité con­sul­
tatif CIEM sur la pollution marine. Les renseigne­ments
relatifs au contrôle de qualité devront être communiqués
dans les conditions indiquées au chapitre 9.
9. Impératifs de notification
La notification des données se fera dans les conditions
prévues pour les commentaires nationaux, en exploi­
tant les derniers en date des formulaires de notification
CIEM, les méthodes appliquées, les seuils de détection,
les valeurs de référence ainsi que tous les autres
commen­taires ou renseignements utiles à une dernière
évaluation des données devant aussi y figurer. Pour que
l’on puisse savoir si les données sont recevables, les
dates et les résultats des exercices d’interétalonnage
auxquels on aura participé seront également indiqués,
et l’on donnera des renseignements sommaires tirés de
graphiques de contrôle récents, dont les dates correspon­
dantes, les tailles des échantillons, les moyennes et les
écarts types.
Notes
1. Remplace l’accord 1995-5. Origine : Compte rendu de l’EUC
2005, EUC 05/13/1, annexe 6.
2. Le Programme de surveillance des nutriments, adopté par
OSPAR 1995 (OSPAR 95/15/1, annexe 12).
3. Les nutriments stipulés dans les impératifs minima du pro­
gramme de surveillance des nutriments sont les suivants :
ammonium, nitrite, nitrate, phosphate et silicate.
Tableau 1. Impératifs analytiques minima répondant aux impératifs minima de la surveillance
Déterminant
Limite de détection
µmol/l
phosphate
nitrate + nitrite
nitrite
gaz ammoniaque
silicate
0,02
0,1
0,02
0,1
0,1
Impératifs de précision (score |Z| ≤ 2)
Teneurs moyennes
Teneurs basses
– teneurs élevées
± 25 % (max)
± 12 % (max)
± 25 % (max)
± 12 % (max)
± 25 % (max)
± 12 % (max)
± 25 % (max)
± 12 % (max)
± 25 % (max)
± 12 % (max)
Notes relatives au tableau
1. Les teneurs « basses » sont les teneurs qui se situent dans les limites d’un coefficient d’environ 20 fois les seuils de
détection correspondants.
2. L’expression « score Z » est bien connue des laboratoires QUASIMEME. Lors d’un test de performance d’un laboratoire,
un score |Z| ≤ 2 (soit entre –2 et +2) est considéré comme une exigence minimum pour que l’analyse soit satisfaisante.
À titre d’exemple, pour la première phase du programme QUASIMEME (1993), une teneur en nitrate + nitrite de
27,4 µmol/l avait été affectée à un échantillon d’épreuve. Le résultat obtenu par le laboratoire A, soit 30,7 µmol/l,
représentait donc 27,4 µmol/l + 12 % (Z = +2), tandis que celui obtenu par le laboratoire B était de 24,1 µmol/l, soit
27,4 µmol/l – 12 % (Z = –2). Les deux résultats ont été considérés comme « acceptables » mais ne s’en situaient pas moins
aux limites de la fourchette « acceptable ». Un score |Z| ≤ 1 devrait pouvoir être obtenu.
3. Le tableau 1 indique les niveaux de performance prévus. Dans la pratique toutefois, et à l’heure actuelle, des seuils de
détection 2 à 3 fois supérieurs seraient acceptables.
26
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Bibliographie
Grasshoff, K., Ehrhardt, M. and Kremling, K., 1983. Methods of Seawater Analysis, Verlag Chemie, Second Edition.
ICES, 1986. Report of the ICES Advisory Committee on Marine Pollution, 1985. Cooperative Research Report,
No 135, 82 pp.
Kirkwood, D.S., 1996. Nutrients : Practical notes on their determination in sea water. ICES Techniques in Marine
Environmental Sciences, No 17.
Vijverberg, F.A.J.M. and Cofino W.P., 1987. Control procedures : Good laboratory practice and quality assurance.
ICES Techniques in Marine Environmental Sciences No 6.
27
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Présence et variabilité d’indicateurs de la qualité microbiologique
en réseau de distribution d’eau potable
Alex Francisque
Étudiant au doctorat en aménagement du territoire
et développement régional
Université Laval
Introduction
Fournir de l’eau aux consommateurs en quantités
suffisantes et surtout en qualité adéquate ne revient
pas seulement à traiter l’eau prélevée d’une source de
surface ou souterraine à travers une usine de traitement
et ensuite à la distribuer via un réseau de tuyaux. Il
convient de faire un suivi de la qualité de l’eau de la
source jusqu’au robinet du consommateur, en passant
par le système de distribution. L’eau, en effet, après
avoir laissé l’usine de traitement, est sujette, dans le
réseau de distribution, à divers événements dans le
temps et l’espace, pouvant modifier sa qualité. Il peut
s’agir, par exemple, d’une recroissance bactérienne ou
d’une intrusion dans le système, d’une multiplication de
microorganismes à cause du mauvais état des conduites,
etc. Donc l’eau subit des variations spatiotemporelles
susceptibles de modifier sa qualité dans le réseau de
distribution, nécessitant alors un suivi routinier de
celle-ci pour s’assurer de prévenir des problèmes de
santé publique, dus à la consommation d’une eau de
mauvaise qualité.
Pour le suivi routinier de la qualité microbiologique
de l’eau potable à travers un réseau de distribution,
différents indicateurs physico-chimiques (désinfectant
résiduel, turbidité, absorbance à 254 nm, etc.) et micro­
biologiques (coliformes fécaux et totaux, etc.) sont
utilisés. Cependant, ces microorganismes, qui sont
en général absents dans l’eau à la sortie de l’usine de
traitement, sont ainsi d’une utilisation limitée, car leur
absence dans l’eau ne signifie pas forcément que celleci est exempte d’autres microbes pathogènes. C’est
pourquoi, de plus en plus, les bactéries hétérotrophes
anaéro­bies et aérobies facultatives (BHAA) se révèlent
un indicateur microbiologique standard, une bonne
sentinelle pour la surveillance de la qualité micro­
biologique de l’eau en réseau de distribution pour les
fournisseurs d’eau potable. Ces bactéries, très répandues,
peuvent constituer, en effet, une pré-indication de
détérioration de la qualité de l’eau (Sartory, 2004).
28
Les BHAA sont des bactéries, étant hétérotrophes,
qui nécessitent des nutriments organiques (carbone
organique) pour leur croissance ; elles peuvent se multi­
plier, entre autres, dans l’eau en réseau de distribution
(Edberg, 1997). Leurs comptes en réseau de distribu­
tion peuvent atteindre des valeurs supérieures à
10 000 UFC/ml (unités de colonies formées/ml) (Allen
et al., 2002). À partir de 500 UFC/ml, a été mise en
évidence une interférence (sous évaluation des quantités
de coliformes) entre la croissance des BHAA et la
détection des coliformes sur membrane filtrante à base
de cellulose, méthode le plus couramment utilisée pour
le compte des BHAA (Geldreich et al., 1972 ; Chevalier,
1985 ; Allen et al., 2002). Cette valeur se révèle ainsi un
critère lié à l’altération de la qualité microbienne de
l’eau distribuée, d’où son utilisation comme indicateur
de la qualité microbienne de l’eau distribué (GSE,
2003). Pour cette raison, historiquement, le seuil
maximal recommandé en réseau de distribution par
Santé Canada, l’USEPA, etc. est de 500 UCF/ml (Santé
Canada, 2004). Un compte atteignant 100 UFC/ml est
cependant considéré comme problématique par des
pays comme le Japon et certains auteurs.
De fortes valeurs de BHAA dans un réseau de distri­
bution peuvent révéler une inefficacité probable du
processus de traitement, spécialement de la désinfection
(Allen et al., 2002, Leclerc, 2003, Sartory, 2004), une
contamination probable du système de distribution
(Sartory, 2004). Plus encore, la variabilité des comptes
de BHAA entre des points d’échantillonnage (variation
spatiale) et de fortes variations de comptes dans (le
temps) pour les mêmes points d’échantillonnage
peuvent indiquer une intrusion non spécifique en
réseau de distribution (Sartory, 2004), d’où la nécessité
de compter régulièrement ces microorganismes dans
l’eau potable du réseau de distribution dans différents
points d’échantillonnage. Cette opération permet,
en effet, d’évaluer les tendances à long terme de la
qualité microbiologique générale de l’eau en réseau
de distribution (Sartory, 2004), les changements dans
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
l’eau traitée pendant la distribution et le stockage
(Sartory, 2004), la propreté du réseau de distribution
(Allen et al., 2002). Elle permet aussi de mesurer la
recroissance bactérienne (Allen et al., 2004). Cependant,
faire le compte des BHAA de façon régulière dans
tous les points d’échantillonnages, comme cela est fait
pour des paramètres plus simples comme le chlore
libre résiduel, la température, le pH, la turbidité, etc.
coûte de l’argent et consomme du temps. Aussi, est-il
important de mieux comprendre la présence des BHAA
dans les réseaux de distribution, leur variabilité à
travers ce réseau et surtout de les prédire. C’est ce que
cette étude a cherché à faire en partant de l’hypothèse
que les comptes des BHAA sont liés aux paramètres
physico-chimiques les plus routiniers mesurés dans
l’eau du réseau de distribution pour le suivi de la qualité
microbiologique de celle-ci.
Ce travail vise donc, entre autres, i) à identifier les
facteurs expliquant la distribution spatio-temporelle
des BHAA en réseau de distribution ; ii) à développer
des modèles permettant de prédire leur présence ; et
iii) à identifier des points du réseau nécessitant une
attention particulière pour la surveillance de la qualité
microbiologique de l’eau.
Méthodologie
Cas à l’étude
Le cas à l’étude est le principal réseau de la Ville de
Québec, capitale de la province de Québec, Canada.
La ville, en 2002, avait une population de plus de
500 000 habitants (Ville de Québec, 2006). Le climat
est constitué de saisons très marquées : en été, la tempé­
rature peut dépasser les 30 °C, mais peut aussi chuter
jusqu’à –25 °C en hiver (Environnement Canada, 2006).
La ville prélève l’eau de différentes sources. L’eau subit
des traitements, différents selon l’usine de traitement,
puis est distribuée à la population à travers 9 réseaux.
Le principal réseau, qui est utilisé pour ce travail,
est alimenté par la Rivière Saint-Charles et dessert,
à travers 4 sous-réseaux (QC1, QC2, QC3 et QC4)
près de 240 000 personnes avec un volume annuel de
53 millions de m3. Le volume de pointe par jour est de
205 000 m3 (Villeneuve et al., 2002, Ville de Québec,
2004 ;). Pour la surveillance routinière de la qualité de
l’eau, les gestionnaires du service d’eau potable suivent
environ 50 points d’échantillonnage quotidiennement,
deux (2) fois par semaine ou hebdomadairement suivant
la localisation. Pour cette étude, la base de données de
suivi des années 2003 à 2005 (environ 3600 mesures
des BHAA et d’autres paramètres de qualité : chlore
libre résiduel, température, absorbance, pH, turbidité,
etc.) a été utilisée.
Données utilisées
Les données qui sont mises à contribution sont :
• la température de l’eau (degré Celsius) mesurée le
plus souvent sur le lieu d’échantillonnage ;
• le chlore libre résiduel (mg/l qui est un agent chimique
utilisé pour la désinfection et subsistant un certain
temps après son application.
Il tue la plupart des micro-organismes au moment du
traitement à l’usine, la partie résiduelle est destinée à
empêcher leur « remultiplication » dans le réseau de
distribution.
•
•
Figure 1. Localisation de la ville de Québec
•
•
– minimum à la sortie de l’usine de traitement :
0,3 mg/l ;
– maximum dans le réseau (3 mg/l) ;
le pH qui est une mesure du degré d’acidité ou
d’alca­li­nité de l’eau. C’est le logarithme de la concen­
tration ou mieux de l’activité des ions H+ ou H3O+.
Les seuils recommandés sont 6,5 (minimum) et
(8,5) maximum ;
la turbidité qui informe sur les particules en suspen­
sion dans l’eau. Elle est exprimée en unité de
turbi­dité néphélémétrique (UTN). Plus une eau
est turbide, moins le chlore réalise sa fonction de
désinfection. 1 UTN est le maximum recommandé
dans l’eau traitée ;
l’absorbance UV à 254 nm (cm–1) qui décrit la capa­
cité de l’eau à absorber un rayonnement à cette
longueur d’onde. La mesure (unité d’absorbance/
cm a été convertie en unité d’absorbance/m dans
l’étude). C’est l’absorption d’énergie par l’eau par
unité de profondeur ;
les couleurs vraie et apparente : celle mesurée dans
de l’eau contenant des matières en suspension
est la « couleur apparente ». La « couleur vraie »
correspond à la mesure effectuée sur des échantillons
29
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
d’eau débarrassés des particules en suspension. En
général, la couleur vraie d’un échantillon d’eau est
sensiblement moins intense que celle dite apparente
(Santé canada, 2006).
• les BHAA qui ont été présentés ci-dessus ;
• etc.
Mise en forme des données
Pour la mise en forme de ces données brutes qui sont
sous-utilisées, plusieurs opérations ont été faites pour
rendre utilisable la base de données. L’échantillon pour
lequel il n’y pas de compte de BHAA ou de mesure de
chlore libre résiduel est enlevé de la base de données.
Quand pour un échantillon, il manque des données, la
moyenne des valeurs pour le mois correspondant est
retenue, s’il s’agit de la température, le mode dans le
cas du pH et la turbidité et l’absorbance. Les données
ont été groupées en fonction de divers critères dont
les normes à respecter ou des recommandations de
cer­tains organismes intervenant dans le domaine de
l’eau potable (USEPA, Santé Canada, etc.) et de la
forme de leur distribution. Une variable « saison » a
été introduite dans la base de données pour chaque
échantillon retenu.
Analyse descriptive
Pour chaque paramètre, la forme de la distribution a
été analysée, tout comme les paramètres de statistiques
descriptives. La corrélation entre les paramètres a été
analysée aussi. Puis, la distribution des comptes de
BHAA en fonction de chaque paramètre a été inves­
tiguée, de même que celle en fonction de deux (2)
paramètres simultanément.
Application de méthodes de régression
Pour modéliser les comptes de BHAA en fonction
des para­mètres physico-chimiques de qualité de l’eau,
plusieurs méthodes de régression ont été utilisées,
comme la régression logistique, la régression négative
binomiale, etc.
Régression logistique
La régression logistique binaire a été utilisée pour
modé­liser la variable dépendante (présence/absence
de BHAA, ou dépassement d’un seuil donné ou non),
en fonction des variables indépendantes.
– Description sommaire du modèle logistique
Soit un événement Y (Y =1 (présence de BHAA) ou 0
(absence de BHAA)) qui obéit à une loi de Bernoulli,
et une variable indépendante X ; la probabilité nous
permet de passer de 0 ou 1 à [0 1].
P(X) = p(Y =1|X) probabilité pour que Y =1 étant donné X.
30
Ensuite, nous pouvons passer de la probabilité à la cote
d’un événement qui est le rapport de la probabilité
que l’événement se produise à la probabilité qu’il ne se
produise pas, soit :
Cote de X = p(X)/1-p(X) qui varie sur R+
Le Logit p(X) = log [p(X)/1-p(X)] permet d’obtenir
une fonction continue sur R de la forme ß0+ßX, soit :
Log [p(X)/1-p(X)]= ß0+ßX
(1)
On peut tracer la distribution de p(X) en fonction du
logit p(X) qui suit une distribution logistique.
En prenant l’inverse de la fonction logarithmique, soit
la fonction exponentielle, on obtient :
p(X)/1-p(X)=e(ß0+ßX)
(2) ;
et finalement :
p(X) = 1/[1+e(-ß0-ßX)]
(3)
Figure 2. Distribution de p(X) selon logit
p(X)
Les coefficients ß0, ß sont estimés par la méthode de
maximum de vraisemblance. On peut généraliser pour
plusieurs variables indépendantes quelle que soit leur
échelle de mesure. Soit :
1
Prob. (Y=1/X) =
(4)
1+e-ßo.e-ß1X1.e-ß2X2.….e-ßnXn
Régression négative binomiale ou Poisson-Gamma
Étant donné qu’il s’agit de faire le compte d’un événe­
ment (relativement rare en plus), les régressions
de Poisson sont des méthodes qui sont aussi recom­
mandées pour ce genre de situation. Néanmoins, la forte
surdispersion obtenue (due à une forte proportion de
comptes observés valant zéro, dépassant celle pouvant
être produit par le modèle standard de Poisson) implique
d’utiliser un facteur de correction, d’où l’utilisation de la
régression Poisson-Gamma.
Considérant que Y = (Y1,…,Yn) représente n valeurs
aléatoires correspondant aux n échantillons sous
analyse, où Yi est le nombre de BHAA pour les échan­
tillons i (i =1,…,n) pour une période d’observation t.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Soit y = (Y1,…, Yn), représentant les valeurs observées
du vecteur Y, où yi est le nombre de bactéries rapporté
pour la période de temps t pour l’échantillon i. Nous
assumons que les comptes de bactéries pour les n
échantillons sont indépendants et que le nombre de
bactéries pour l’échantillon i, Yi, suit une distribution
de Poisson avec une moyenne par unité de temps de,
tel que :
Yi|µi ~ Poisson(µi) , for i = 1,…, n et , µi > 0,
(5),
où µi est spécifié comme une fonction exponentielle
des attributs spécifiques des échantillons (e.g. Miaou
and Lord, 2003),
µi = f (xi ;ß),
(6)
où ß = (ß0,…,ßk) est un vecteur des paramètres de la
régression à estimer à partir des données. De plus, xi
est un vecteur de variables indépendantes représentant
les caractéristiques spécifiques des échantillons d’eau.
Dans le modèle de régression de Poisson, la variance
et la moyenne des comptes de BHAA doivent être
égales :
E[Yi|µi]=Var[Yi|µi]= µi
(7)
n
(ß) = ∑[yi log(µi) – µi – ln yi!].
i=l
Le modèle NB n’est pas contraint par l’égalité de la
moyenne avec la variance en introduisant un facteur
aléatoire qui multiplie µi, ce qui revient à assumer que
le nombre moyen de BHAA (µi) est distribué aléatoi­
rement (Cameron and Trivedi, 1998). De ce fait, i
est ainsi défini :
(8)
Comme défini ci-dessus, µi = f (xi ; ß) et le but est de
choisir la valeur de ß qui maximise la fonction étant
donné les données. Des méthodes de maximisation
numé­rique, comme Newton-Raphson, sont habituel­
lement appliquées pour maximiser la fonction. L’esti­
mation de ß peut se faire en utilisant certains logiciels
dont LIMPED, STATA, SAS et R (Cameron and
Trivedi, 1998 ; Myers et al., 2002). STATA a été utilisé
dans le cadre de cette étude.
– Correction de la surdispersion du modèle de Poisson
Pour répondre au problème de surdispersion (ou
l’inverse) ci-dessus évoqué, l’introduction de variations
aléatoires dans la moyenne du modèle de Poisson a
été considérée par l’intégration d’un terme d’erreur
multi­plicatif. Ce qui a conduit à des modèles mixtes
comme Poisson-Gamma, Poisson-Lognormal et
Poisson-Gauss inverse. Le modèle Poisson-Gamma ou
Negative binomiale (NB) a été utilisé car il est appliqué
dans de nombreux champs et surtout, l’estimation des
paramètres est plus facile en termes de calculs, et de
nombreux logiciels statistiques sont disponibles pour
i = µiei
(9)
Le terme ei représente l’effet multiplicatif aléatoire
du modèle. Le modèle NB peut donc être représenté
ainsi :
(i)
Yi|i ~ Poisson (i)
~ Poisson (µiei)

(ii) e i
~ Gamma (,)
(10)
où Gamma (.) dénote une fonction de densité de pro­
babilité de paramètres >0 et >0. Cette distribution
assure que i>0 dès que ei>0. En outre, en spécifiant
 = σ, nous obtenons le modèle NB classique (Lawless,
1987). Dans ce cas,
Pour estimer les coefficients de régression ß, comme
pour la régression logistique, la méthode du maximum
de vraisemblance est utilisée. En admettant que les
observations sont indépendantes, il est possible d’écrire
la fonction de vraisemblance :
sa calibration. Il permet aussi de faire plus facilement
une analyse a posteriori.
ei| ~ Gamma (,).
(11)
ei suit ici une distribution Gamma avec E[ei] = 1
et Var[ei] = 1/. Le terme ei est usuellement défini
comme le « paramètre de dispersion inverse » du
modèle Poisson-Gamma. On trouve aussi la notation
 = 1/ (>0) qui est définie comme le paramètre de
dispersion ou de « surdispersion ». Après intégration
de l’erreur aléatoire,  = ei, la distribution marginale
est obtenue par intégration sur , tel que :
m(yi|µi,) = ∫f(yi|µi,i) π (i)di
(12)
où π(.) représente la densité de probabilité de la
distribution Gamma. Le point intéressant de ce modèle
est que la distribution marginale de Yi apparait comme
étant la densité de la distribution NB, laquelle peut
s’écrire ainsi :
(yi + )
  µi
m(yi|µi,) =
, (13),
yi!()  + µi  + µi
( )( )
où (•) est la fonction Gamma. En considérant  =
1/, on obtient :
( )( )
–1
a
(yi + a–1)
1
m(yi|µi,a) =
yi!T(a–1) 1 + a µi
µi
, (14),
a–1 + µi
Dans notre modèle,  est un paramètre fixe. En outre,
les moyenne et variance du modèle de régression NB
sont :
E(yi|µi,a) = µi et Var(yi|µi,a) = µi + aµi2
(15)
31
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Remarquer que quand a tend vers zéro, ce modèle con­
verge vers celui de la régression standard de Poisson
(E(yi|.) = Var(yi|.).
de BHAA est la plus grande. Étant donné qu’en hiver,
en autres, les réactions se font moins rapidement, la
moyenne des comptes est la plus faible (3 UFC/ml).
Finalement, en admettant un prélèvement indépendant,
la fonction de vraisemblance du modèle NG est donnée
par :
Figure 4. Distribution des BHAA
selon la température de l’eau
[
n
]
(ß,a) = ln ∏m(yi|µi,a .
i=l
(16)
Cette fonction peut-être maximisée numériquement
en faisant usage de l’algorithme de Newton-Raphson.
Le modèle NB est le plus utilisé pour le compte de
données, néanmoins, en considérant le paramètre de
surdispersion (a) variable, on aboutit à un modèle
généralisé (GNB).
Résultats et discussions
Analyse descriptive
L’analyse descriptive a été réalisée avec le logiciel
SPSS 13.0. Elle permet de voir comment varie la
moyenne des comptes de BHAA en fonction de cer­
taines variables indépendantes. La figure 3 montre
que la moyenne des comptes de BHAA est très élevée
(43 UFC/ml) quand la concentration en chlore libre
résiduel en ce point du réseau de distribution est faible
(inférieure à la valeur recommandée à la sortie de l’usine
de traitement, soit 0,3 mg/l). Les comptes diminuent
(environ 4 UFC/ml) quand la concentration de chlore
libre résiduel augmente. Elle montre aussi (la portion
de la barre située au-dessus de la moyenne représente
+1 fois la valeur de l’écart-type) que les comptes de
BHAA varient beaucoup.
Pour l’absorbance, la figure 5 indique qu’elle a une
influence directe sur les comptes de BHAA, c’est-àdire, plus il y a de matière organique dans le réseau,
plus les BHAA augmentent. Les moyennes vont de
3 UFC/ml, pour des valeurs d’absorbance ne dépassant
pas 0,10cm–1, à 52 UFC/ml quand celle-ci dépasse
0,30 cm–1. Donc, plus un réseau est sale, plus il y a de
chances que les BHAA s’y multiplient.
Figure 5. Distribution des BHAA selon
l’absorption de l’eau
Figure 3. Distribution des BHAA
selon le chlore libre résiduel
Dans le cas de la turbidité, il existe une relation mais
elle est moins nuancée que celle des cas ci-dessus
abordés. Globalement, la figure 6 montre que les
moyennes des comptes de BHAA augmentent avec la
tur­bi­dité. C’est le cas particulièrement quand celle-ci
dépasse la valeur maximale (1 UNT) recommandée
dans l’eau potable après traitement.
Quand la température de l’eau augmente, (figure 4) la
moyenne des comptes des BHAA varie dans le même
sens. Elle est très faible (2 UCF/ml) si la température
ne dépasse pas 4 °C. Elle est relativement élevée
(39 UFC/ml) quand l’eau est à plus de 18 °C. Le même
constat est fait en ce qui concerne la saison. En effet,
l’été est la saison pour laquelle la moyenne des comptes
32
Dans le cas des quatre (4) sous-réseaux, la figure 7
met en exergue la singularité de QC2. Il a, en effet,
une moyenne de compte de BHAA, assez faible com­
parée aux autres : 4 UFC/ml contre 17 UFC/ml
(valeur maximale) pour QC1, 16 UFC/ml pour QC3
et 14 UFC/ml pour QC4.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Figure 6. Distribution des BHAA
selon la turbidité de l’eau
Figure 8. Distribution des BHAA
selon le chlore libre résiduel
et la température de l’eau
Figure 7. Distribution des BHAA
selon le réseau de distribution
Figure 9. Distribution des BHAA
selon le chlore libre résiduel
et l’absorbance de l’eau
– Cas de 2 variables prises simultanément
La distribution des BHAA en fonction de 2 paramètres
pris simultanément a aussi été investiguée. La figure 8
montre la distribution des moyennes des comptes des
BHAA en fonction du chlore libre résiduel et de la
température. Pour une concentration de chlore libre
résiduel plus faible que 0,3 mg/l, les moyennes des
comptes des BHAA augmentent avec la température
de l’eau : partant d’une valeur quasi nulle (pou une
température ne dépassant pas 4 °C) pour atteindre plus
de 100 UFC/ml, quand la température est plus grande
que 18 °C. Donc, la moyenne des comptes de BHAA
demeure faible même si la concentration en désinfectant
résiduel est faible (moins de 0,3 mg/l) pourvu que la
température est basse (pas plus de 4 °C). En effet, les
réactions chimiques, entre autres, la décomposition de
la matière organique, et corollairement la croissance
des BHAA, se font plus lentement. La situation est
pratiquement identique dans le cas où l’on considère
les saisons à la place de la température de l’eau.
La figure 9 montre que, pour une concentration de
chlore libre résiduel inférieure à 0,3 mg/l, la moyenne
des comptes de BHAA varie dans le même sens que
l’absorbance. Elle est maximale (plus de 60 UFC/
ml) quand celle-ci est supérieure 0,30 cm–1. Quand la
concentration en chlore libre résiduel augmente, la
même tendance est constatée, mais avec un taux de
croissance moindre. Néanmoins, ce taux est négatif
quand l’absorbance est plus grande que 0,30 cm–1.
Pour ce qui est du type de réseau, Québec 2 (QC2),
expé­­­rimente des moyennes de comptes de BHAA
(plus faibles que pour les 3 autres) qui diminuent
avec l’aug­mentation de concentration du chlore libre
résiduel, selon la figure 10. Le réseau QC3 connaît,
dans 3 cas sur 4, la plus grande moyenne des comptes
de BHAA. En outre, quand le chlore libre résiduel
augmente (partant de 0,7 mg/l), les comptes de BHAA,
en moyenne, augmentent paradoxalement. Ce réseau
nécessite donc un suivi plus approfondi.
La représentation cartographique (figure 11) des
comptes de BHAA par saison montre qu’en hiver, il
n’y a aucun compte maximal de BHAA plus grand que
500 UFC/ml. Près d’un tiers des comptes est nul. En
revanche, en été, au moins un compte maximal dépasse
500 ufc/ml, tout comme au printemps et en automne ;
de plus, seuls 13 % des comptes maxima sont nuls et, 4
fois sur 5, les comptes varient entre 1 et 100 UFC/ml.
33
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Figure 10. Distribution des BHAA
selon le chlore libre résiduel
et le type de réseau
Application de méthodes de régression
Régression logistique
Le tableau 1 fait apparaître 3 variables présentant un
effet statistiquement significatif sur le compte des
BHAA. Le chlore libre résiduel a le plus fort impact
(Wald plus élevé), mais négatif (B<0). Donc, plus sa
concen­tration augmente, plus le compte de BHAA chute.
Suivent la température (Wald = 26,03) et l’absorbance
(Wald= 6,42) qui ont impact positif (B>0) sur les
BHAA. Donc, plus la température, respec­tivement
l’absorbance, augmente, plus les BHAA augmentent.
Le modèle décrivant le phénomène s’écrit ainsi :
Tableau 1. Variables entrées dans le modèle, variables significatives, coefficients,
Wald, signification, etc.
34
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Régression Poisson-Gamma
Dans le cas de la régression Poisson-Gamma, les
mêmes 3 variables sont statistiquement significatives en
plus du type de réseau et du pH (tableau 2). Par ordre
d’importance, selon la valeur absolue de z, il s’agit :
i) du chlore libre résiduel qui a un impact négatif sur les
BHAA. Quand la concentration du chlore libre résiduel
augmente, le compte attendu de BHAA diminue. ii) du
type de réseau qui déloge la température. Le coefficient
de cette variable étant négatif, cela veut dire que le
nombre de BHAA attendu dans le réseau QC2, sur la
période considérée, est plus petit que celui des réseaux
QC1 ou QC3 ou QC4 (quand on passe des réseaux
QC1 ou QC3 ou QC4 au réseau QC2, les comptes de
BHAA chutent) ; iii) de la température qui fait augmenter
le compte espéré de BHAA au fur et à mesure qu’elle
croit ; iv) de l’absorbance qui, en augmentant (donc
plus de matière organique dans le réseau), induit une
augmentation du nombre de BHAA attendu ; v) enfin,
du pH varie dans le même sens que le nombre attendu
de BHAA. S’il croit, celui-ci augmente et inversement.
Le facteur traduisant l’effet d’une variable pour une
incrémentation d’une unité (ou d’une catégorie par
rapport à la catégorie de référence, cas des variables
catégorielles) sur le nombre attendu de BHAA, ceteris
paribus, est estimé par l’exponentielle du coefficient
associé à cette variable. Pour une augmentation d’1 mg/
l de chlore, par exemple, le facteur est estimé par e–
2,132, ceteris paribus. Remarquer que le pH n’est pas
statistiquement significatif à moins de 2 % de seuil
de signification. La turbidité l’est pour un seuil de
signification de 15 %. Le modèle décrivant cette réalité
est le suivant :
Adéquation du modèle avec les données
La figure 12 montre que le modèle élaboré utilisé
pour calculer les valeurs de la distribution marginale
m de Yi (distribution marginale des BHAA) s’ajuste
relative­ment bien avec leur distribution observée.
Les 2 distributions sont très semblables, même s’il y a
encore de la place pour l’amélioration du modèle.
Tableau 2. Variables entrées dans le modèle, variables significatives, coefficients, z value et
35
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Figure 12.Comparaison entre valeurs observées et estimées par le modèle NG des comptes
de BHAA
2500
Frequence
2000
1500
Observed values
1000
Estimated values
500
8
0
6
6
5
5
2
0
4
5
5
8
4
5
4
2
0
8
6
4
2
0
6
4
4
4
4
3
3
3
3
3
8
6
2
2
2
0
8
6
4
2
2
2
1
1
2
0
4
1
1
8
1
6
4
0
2
0
BHAA
Figure 12. Comparaison entre valeurs observées et estimées par le modèle NG des comptes de
Exemples d’utilisation du modèle logistique
Pour illustrer l’utilisation du modèle logistique, le point
d’échantillonnage « 02 » sur le réseau QC1, soit QC102,
sera utilisé. Il est situé à une extrémité physique (pas
forcément d’un point de vue hydrodynamique) du
réseau. Un échantillon prélevé en été (13 août 2003)
a une absorbance de 21 m–1, une température de 20 °C,
une con­centration de chlore libre résiduel de 0,2 mg/l.
Les pro­babilités calculées par le modèle classent cet
échantillon dans le groupe 1 (p>0,5), c’est-à-dire, qu’il
y a présence probable de BHAA dans l’échantillon. Alors,
quelle concentration de chlore devrait-on avoir (en utilisant
un poste de rechloration proche, par exemple), pour
faire baisser la probabilité en dessous de 0,5, autrement dit
pour classer ce point d’échantillonnage dans le groupe
0 (absence probable de BHAA) ?
Le tableau 3 montre qu’il faut ajouter du chlore jusqu’à
une concentration de 1,40 mg/l pour faire chuter la
probabilité de présence de BHAA en deçà du seuil de
coupe qui est 0,5. La valeur recommandée à la sortie
de l’usine (0,3 mg/l) ne garantit pas une absence de
BHAA, dans ce cas.
Néanmoins, le chlore réagit avec la matière organique du
réseau pour former des produits, appelés sous-produits
de désinfection qui seraient cancérigènes, à long terme
(Villanueva et al., 2006) et responsables de problèmes
de faibles poids à la naissance (Nieuwenhuijsen, 2005).
Pour diminuer le risque de formation des SPD, il con­
vient de réduire le plus possible le niveau du chlore
libre résiduel et de faire varier une ou plusieurs autres
variables en même temps). La seule variable sur laquelle
on peut agir est l’absorbance UV.
Tableau 3. Utilisation du modèle logistique, variation de la concentration du chlore résiduel
36
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Tableau 4. Utilisation du modèle logistique, variation du chlore résiduel et de l’absorbance
Pour le même point d’échantillonnage et dans le même
contexte, on fait varier l’absorbance (en nettoyant le
réseau) jusqu’à 10 m–1 (par exemple) et la concentration
du chlore. Le tableau 4 indique qu’on atteint une pro­
babilité inférieure à 0,5 quand le chlore libre rési­duel
atteint à 0,68 mg/l, moins de la moitié de la concen­
tration nécessaire quand le chlore seul varie.
Évaluation comparée des 2 modèles
Le tableau 5 résume les forces et les faiblesses des
2 modèles : la régression logistique binaire et la régres­
sion Poisson-Gamma.
Limites, perspectives et conclusion
Limites
Les principales limites de ce travail sont :
i) des données présentant une certaine irrégularité,
laquelle a forcé à une mise en forme susceptible de
générer une certaine perte de précision ;
ii) le manque d’information sur certaines carac­té­
ristiques du réseau a contraint à ne pas prendre en
compte des aspects comme le temps de séjour lié
à la notion très importante d’extrémité de réseau
qui aurait pu permettre d’apprécier et de contrôler
l’auto­corrélation spatiale, très probable dans le
réseau ;
iii) etc.
Tableau 5. Évaluation comparée des 2 modèles : leurs forces et leurs faiblesses
37
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Perspectives
i) Pour améliorer la prédiction ; une relation entre les
modèles et les données historiques sera établie ainsi
que l’intégration de paramètres temporel et spatial ;
ii) 4 campagnes d’échantillonnage d’eau potable dans
300 points du réseau de Québec, une par saison,
sont en cours (3 sur 4 achevées) pour la validation
des modèles ;
iii) une campagne sera réalisée pour déterminer les
temps de séjour de l’eau dans le réseau ;
iv) etc.
Conclusion
Ce travail a permis une valorisation d’une bonne
quantité de données historiques jusqu’ici sous-utilisées ;
il a permis aussi de mieux connaître le réseau principal
de la ville, d’avoir une meilleure compréhension du
comportement des BHAA en réseau de distribution,
de tenir compte de certaines variations saisonnières
et spatiales (un peu moins) sur la croissance de ces
bactéries et sur la qualité microbiologique de l’eau
en général, d’avoir une meilleure compréhension des
interrelations entre divers paramètres de qualité de
l’eau dans ledit réseau, d’y déterminer certains points
particuliers à surveiller. Il devrait ainsi permettre aux
gestionnaires des systèmes de distribution d’eau potable
de mieux asseoir leurs décisions, sachant qu’il leur
permet de mieux anticiper et de fournir des réponses
plus appropriées dans le cadre du suivi de la qualité de
l’eau en réseau de distribution. Enfin, il devrait servir
comme un excellent intrant pour le travail plus large
qui concerne l’optimisation du suivi de la qualité de l’eau
potable en réseau de distribution.
Remerciements
Nous remercions spécialement le Directeur de la
Division des laboratoires du Service de l’environnement
(Ville de Québec), M. François Proulx et tout le
personnel pour leur pleine et entière collaboration,
ainsi que Dr Luis Miranda pour son appui dans la
modélisation, Pablo Montenegro et Christelle Legay.
Bibliographie
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38
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Indicateurs pour évaluer la vulnérabilité
à la contamination microbiologique des systèmes
d’approvisionnement en eau potable
Geneviève COOL1
Étudiante à la maîtrise en aménagement du territoire
et développement régional
Université Laval
Résumé
Dans le passé, les gestionnaires d’eau potable concen­
traient principalement leurs efforts sur l’efficacité du
traitement appliqué en usine. Il est maintenant reconnu
que la qualité de l’eau potable est aussi influencée
par la qualité de l’eau à la source et dans son bassin
d’alimentation, l’intégrité du système de distribution et
l’efficacité de la gestion. De plus, depuis les années 1960,
nous avons observé une intensification de l’agriculture
au Québec, ce qui a apporté une dégradation de la
qualité des eaux brutes, notamment en milieu rural.
Plusieurs scientifiques se questionnent maintenant
sur l’exposition de la population aux contaminants
re­trouvés dans l’eau associés aux pratiques agri­
coles. Dans ce projet, nous avons développé une
métho­dologie pour évaluer de façon comparative la
vulnérabilité des systèmes d’approvisionnement en
eau potable à la contamination microbiologique. La
méthodologie consiste à développer et à évaluer un
réseau d’indicateurs pour décrire le risque que l’eau
potable soit contaminée par des microorganismes. Les
indicateurs considèrent l’intégrité du système d’appro­
visionnement en eau potable de la source au robinet.
Ces indicateurs ont été appliqués à une cinquantaine
de systèmes d’approvisionnement en eau potable dans
la région administrative de Chaudière-Appalaches, au
Québec. Les résultats présentent une comparaison de
la vulnérabilité à la contamination microbiologique de
l’eau potable dans les systèmes étudiés. L’utilité de ces
indicateurs pour les décideurs et pour les chercheurs
en santé publique sera aussi discutée.
Introduction
Énoncé du problème
C’est connu, depuis les années 1950-1960, il y a une
intensification, une spécialisation et une concentration
de l’agriculture au Québec, ce qui amène des problèmes
de surplus de lisier et de fumier (Chevalier et al., 2004 ;
Comité de santé environnementale du Québec (CSEQ),
2000 ; Debailleul, 1998 ; EcoSommet, 1995a ; ministère
du Développement durable, de l’Environnement et des
Parcs (MDDEP), 2003). L’augmentation de l’épandage
de fumiers a un impact majeur sur la qualité des
eaux souterraines et de surface (Debailleul, 1998).
Consé­quemment, durant les dernières décennies, le
Québec connaît une détérioration de la qualité micro­
biologique de ses sources d’eaux souterraines et de
surface (EcoSommet, 1995b ; MDDEP, 2003). De
plus, les déjections des animaux de ferme sont mainte­
nant gérées majoritairement sous forme liquide, ce
qui augmente le risque de contamination des eaux
comparativement à la gestion des déjections sous
forme solide (MDDEP, 2003). Les déjections solides
et liquides contiennent une grande concentration de
microorganismes qui peuvent s’avérer pathogènes pour
les humains (CSEQ, 2000).
Au Québec, l’impact réel des contaminants d’origine
agricole sur la santé des populations avoisinantes n’est
pas encore bien connu. Par contre, plusieurs scienti­
fiques se questionnent sur le risque de l’exposition
de la popu­lation aux contaminants microbiologiques
et chimiques émis dans l’environnement par les pra­
tiques agricoles (CSEQ, 2000). Entre 2002 et 2004,
Rousseau et al. (2004), en collaboration avec le gouver­
nement du Québec, ont effectué une vaste étude sur
sept bassins versants en surplus de fumier et leurs
impacts potentiels sur la santé. Entre autres, cette
étude recommande que des études épidémiologiques
plus approfondies soient menées dans des régions d’agri­
culture intensive afin d’évaluer plus précisément le lien
entre la consommation d’eau et les risques de maladies
entériques. Suite à cette recommandation, une étude
épidémiologique sur l’association entre l’incidence de
cas de gastro-entérite avec hospitalisation chez les
enfants et la qualité de l’eau consommée a été initiée en
collaboration avec l’Institut National de Santé Publique
du Québec (INSPQ), le Ministère du Développement
durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP),
le Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS)
ainsi que différentes universités.
Un des volets de cette étude épidémiologique est d’éva­
luer la qualité microbiologique de l’eau consommée par
les cas témoins. Ce projet de recherche se concentre
d’ailleurs sur l’évaluation de la vulnérabilité des sys­
tèmes d’approvisionnement municipaux à la contami­
nation microbiologique de l’eau distribuée.
39
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Cadre théorique et conceptuel
Par le passé, les gestionnaires des systèmes d’appro­
visionnement en eau potable consacraient leurs efforts
de potabilisation sur le traitement apporté à l’eau brute.
Il est maintenant reconnu que la qualité de l’eau potable
peut également être influencée par d’autres étapes de la
production d’eau potable. Cette nouvelle approche est
mieux connue sous le terme « approche multibarrière de
la source au robinet » (CCME, 2004).
L’approche multibarrière de la source au robinet
com­prend six barrières, à savoir : la surveillance et la
gestion de la qualité de l’eau brute au niveau du bassin
versant ou de l’aquifère ; le traitement physico-chimique
de l’eau potable ; la désinfection de l’eau potable ; la
distribution de l’eau potable ; l’efficacité de la gestion
du système d’approvisionnement en eau potable ; et la
participation du public (CCME, 2004).
Objectifs
Les objectifs de ce projet de recherche sont les
suivants :
(1) Développer une méthodologie qui permettra
d’évaluer la vulnérabilité des systèmes d’approvi­
sionnement en eau potable à la contamination
microbiologique.
(2) Classifier les systèmes d’approvisionnement en eau
potable sous étude selon leur vulnérabilité relative
à la contamination microbiologique.
Question et hypothèse de recherche
La question de recherche est la suivante : quel est le lien
entre la vulnérabilité microbiologique des systèmes
d’approvisionnement en eau potable et la présence de
coliformes fécaux à l’eau potable ?
L’hypothèse de recherche est que les systèmes d’appro­
visionnement les plus vulnérables à la contamination
microbiologique présentent plus d’évènements de
contamination par les coliformes fécaux.
Méthodologie
Région et cas à l’étude
La région à l’étude est la région administrative de
Chaudière-Appalaches, au Québec. La région a été
sélectionnée en raison de sa grande importance au
niveau des productions agricoles.
Les cas à l’étude sont tous les systèmes d’approvision­
nement en eau potable de la région administrative
de Chaudière-Appalaches qui desservent plus de
20 personnes. Les systèmes d’approvisionnement en eau
potable sélectionnés pour l’étude sont ceux desservant
un ou plusieurs cas ou témoins inclus dans l’étude
épidémiologique à laquelle ce projet est rattaché.
40
Développement des indicateurs
Cette étape consiste à sélectionner des indicateurs
qui permettront d’expliquer le risque que des micro­
organismes pathogènes se retrouvent dans l’eau
distribuée. Ces indicateurs doivent permettre d’insérer
toutes les dimensions de la gestion multibarrière (de la
source au robinet).
Acquisition des données
Deux types de données sont utilisés dans le cadre de
ce projet de recherche. Le premier type est constitué
de l’information déjà existante et compilée à partir
de différentes sources pour les besoins de ce projet.
Elles sont : le système d’information hydrogéologique
(MDDEP), la cartographie de l’utilisation du sol
(MAPAQ et Landsat-7), la fiche d’enregistrement
des producteurs agricoles (MAPAQ), le système
informatique Eau Potable (MDDEP), le recensement
de 2001 de Statistiques Canada, un modèle d’élévation
de terrain (RNCan) et une carte de pédologie (MDDEP
et IRDA).
Le deuxième type comprend les données qui sont
recueillies sur le terrain à même ce projet. Premièrement,
une entrevue a été effectuée avec les gestionnaires de
tous les systèmes d’approvisionnement en eau potable
à l’étude. Cette entrevue a permis de recueillir des
informations sur toutes les étapes de la production d’eau
potable. Deuxièmement, chaque source d’eau brute a
été visitée afin de prendre des points GPS permettant
d’identifier la localisation de la source et de prendre des
photos de l’environnement immédiat. Troisièmement,
trois campagnes d’échantillonnage à l’eau brute ont
été effectuées afin d’avoir un indice de la présence de
E. Coli dans les eaux souterraines ou la concentration
des coliformes fécaux présumés des eaux de surface,
ainsi que la turbidité et la température de l’eau brute.
Pour chaque système, il y a eu un échantillon prélevé à
la prise d’eau fournissant le plus grand apport en eau
brute, et ce, en mai, août et octobre/novembre.
Traitement des données
Le traitement des données a été réalisé à l’aide de
systèmes d’informations géographiques (SIG) et du
logiciel d’aide à la décision MACBETH. Les SIG
ont permis de délimiter les bassins d’alimentation
et les aires de protection, de diviser les bassins d’ali­
men­tation en zones de distances et de calculer la
valeur de certains indicateurs à partir des données
disponibles. MACBETH permet de calculer, par une
moyenne pondérée, le risque d’une contamination
microbiologique à l’eau distribuée pour chaque réseau
d’approvisionnement en eau potable (valeur du risque
microbiologique – VRM). La valeur de pondération
des indicateurs a été calculée par une analyse de
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
comparaison par paires à l’aide des avis de trois
experts. MACBETH effectue également une analyse
de sensibilité et une analyse de robustesse.
Analyse des données
L’analyse des données comprend une comparaison de la
valeur du risque microbiologique pour chaque système
d’approvisionnement en eau potable afin de classifier
les systèmes par rapport à ce risque.
Vérification de l’hypothèse
L’hypothèse est vérifiée à l’aide du système infor­
matique Eau Potable offerte par le MDDEP. Cette
base de données inclut, entre autres, les résultats des
analyses de coliformes fécaux à l’eau potable pour tous
les systèmes d’approvisionnement en eau potable du
Québec soumis au Règlement sur la Qualité de l’Eau
potable (MDDEP, 2005).
Résultats
Sélection des systèmes d’approvisionnement en eau potable
Au total, 45 systèmes d’approvisionnement en eau
potable sont inclus dans l’étude. Sur ces derniers, 34
sont desservis par une eau souterraine, 10 sont desser­
vis par une eau de surface et 1 est desservi par une eau
mixte (souterraine et de surface).
Développement des indicateurs
Les indicateurs développés dans le cadre de ce projet
sont quelque peu différents pour l’eau de surface et pour
l’eau souterraine. Le modèle inclut quatre indicateurs
principaux influencés par plusieurs sous indicateurs.
1. Le premier indicateur est la susceptibilité d’une pré­
sence de microorganismes à l’eau brute. Il est influencé
par :
a. Les sources de pollution agricoles
b. Les sources de pollution non agricoles
c. Les mesures de protection de l’eau brute
d. La possibilité de transport des contaminants
jusqu’à la source
e. La conception de la prise d’eau brute et de
l’ouvrage de captage
f. Le taux de dilution (eau de surface)
2. Le deuxième indicateur est l’efficacité du traitement.
L’efficacité du traitement est un calcul effectué
selon une méthode décrite dans le guide de con­
ception des installations de production d’eau
potable (MDDEP, 2006). Cette méthode permet de
calculer les objectifs de traitement, les crédits d’enlè­
vement (traitement physico-chimique) et les crédits
d’inactivation (désinfection) des Cryptosporidium,
des Giardia et des virus.
3. Le troisième indicateur est la distribution et est pesé
par le réseau de distribution et les réservoirs d’eau
potable. Ces derniers sont tous deux influencés
par la possibilité d’une contamination externe
par des microorganismes ou la possibilité d’une
prolifération microbiologique.
4. Le quatrième indicateur comprend toutes les
pratiques de gestion effectuées par les gestionnaires
ou les opérateurs du système, par les responsables
de la municipalité à laquelle le système d’approvi­
sionnement est associé et par la population en
général. Deux sous indicateurs agissent sur cet
indicateur, soit :
a) La gestion de la qualité globale (surveillance,
tenue d’archives, procédures d’opération en cas
d’urgence, fonctionnement global du poste de
traitement)
b) La sensibilisation et la participation du public
dans le processus de production de l’eau
potable.
Analyse de données
Il est à noter que, aux fins de cette présentation, seule­
ment 15 systèmes d’approvisionnement en eau potable,
tous desservis par une eau souterraine, sont considérés.
Les autres systèmes d’approvisionnement n’ayant pas
toutes leurs données acquises.
Pour ces systèmes d’approvisionnement, la valeur du
risque microbiologique, qui varie d’une échelle de 1 à
10, se situe entre 2 et 8 (figure 1). De ces quinze sys­
tèmes, cinq ont une valeur variant entre 2 et 4 (risque
faible), cinq ont une valeur variant entre 4 et 6 (risque
moyen) et cinq ont une valeur variant entre 6 et 8
(risque élevé).
Figure 1. Valeur de risque microbiologique
(VRM)
Risq u e m icro b io lo g iq u e
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 12 13
14 15
S y s tè m e s
41
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Vérification de l’hypothèse
Pour treize des quinze systèmes d’approvisionnement
inclus dans cette étude, les évènements de coliformes
fécaux à l’eau potable entre octobre 2001 et septembre
2004 ont été identifiés (figure 2). Pour l’instant, la base
de données acquise ne contient aucune information
pour les deux autres systèmes d’approvisionnement.
Les systèmes d’approvisionnement comprenant au
moins un échantillon de coliformes fécaux positif sont
considérés comme des systèmes problématiques et les
systèmes d’approvisionnement ne comprenant aucun
échantillon de coliformes fécaux positif sont considérés
comme des systèmes non problématiques (tableau 1).
Tableau 1. Systèmes d’approvisionnement
problématiques versus non
problématiques
Condition
1 échantillon de
coliformes fécaux positif
ou plus
0 échantillon de
coliformes fécaux positif
Situation
Problématique
Non problématique
Figure 2. Valeur de risque microbiologique
et événements de coliformes
fécaux
0
10
9
8
7
06
5
4
3
2
1
0
Risque m icrobiologique e t év éne m e nts
de coliform e s fécaux
3
0
0
1
1
0
1
0
2
3
3
4
5
0
1
6
7
0
8
9
10 11 12 13 14 15
S y s tè m e s
Afin de vérifier l’hypothèse, la moyenne de la valeur
du risque microbiologique (VRM) pour les systèmes
problématiques et les systèmes non problématique a
été calculée afin de comparer les deux. La moyenne
des systèmes problématiques est de 5,3 et celle des
systèmes non problématiques est de 4,6 (figure 3). Les
systèmes problématiques ont donc une valeur de risque
microbiologique un peu plus élevée que les systèmes
non problématiques mais la différence entre les deux
n’est pas significative.
42
Figure 3. Moyenne de la valeur du risque
microbiologique pour les
systèmes problématiques
et non problématiques
Moy enne de la V RM pour systèm e s
problém atiques e t non problém atiques
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
5,29
n=5
4,62
n=8
écart type
= 1,66
écart type
= 1,36
P roblém atique
Non problém atique
Conclusion
Sur un total de 15 systèmes d’approvisionnement en
eau potable, 5 ont un risque microbiologique faible, 5
on un risque microbiologique moyen et 5 on un risque
microbiologique élevé. Nous pouvons donc constater
que les systèmes d’approvisionnement en eau potable
ont un risque microbiologique variable selon leur
performance dans chacune des étapes de l’approche
multibarrières. Les systèmes d’approvisionnement
problématiques ont un risque microbiologique un peu
plus élevé que les systèmes d’approvisionnement non
problématiques mais la différence n’est pas significative.
Donc, nous pouvons observer un certain lien entre le
risque microbiologique et les évènements de coliformes
fécaux à l’eau potable mais ce lien n’est pas assez fort
pour vérifier notre hypothèse. L’hypothèse de recherche
n’est pas vérifiée.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
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43
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Séance 2
Repenser les transports et les villes
44
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Un système d’indicateurs d’étalement urbain :
des enjeux d’utilité et de complexité
Pierre Rondier
Étudiant au doctorat en aménagement du territoire
et développement régional
Université Laval
Introduction
Il existe aujourd’hui un grand nombre d’outils
d’infor­mation sur le territoire qui présentent à des
professionnels, des scientifiques ou des citoyens des
indicateurs qui renseignent sur un thème ou une zone
d’étude particulière. Appelés atlas, observatoires,
tableaux de bords ou système d’indicateurs, ils ont pour
objectif d’aider à communiquer une information et de
participer à effectuer un diagnostic, soit une activité de
compréhension d’une situation, pertinente à une décision
d’action pour une réalité étudiée (Hoc, 1994). Or bien
souvent, ces systèmes conduisent partiellement à ce
diagnostic, ce qui fragilise par la suite la recherche d’un
accord sur les actions à entreprendre.
On observe en effet souvent des systèmes d’indicateurs
qui
– Contiennent un nombre important d’indicateurs
donnant une information précise mais souvent
sectorielle, classée de façon hiérarchique ;
– Possèdent peu de relations entre les indicateurs, ce
qui n’aide pas à comprendre les enjeux ou les facteurs
qui influencent la valeur d’autres indicateurs ;
– Sont trop compliqués et ne donnent pas une image
éclaircissante sur un phénomène, décourageant par
là même les utilisateurs potentiels du système.
Problème
Il existe peu de méthodes pour réaliser des systèmes
d’indicateurs. (OCDE, 2001 ; Noll, 2002). Nous propo­
sons de concevoir une méthode à partir des deux
constats suivants :
1. Il existe un décalage entre la validité scientifique et
la pertinence du système d’indicateurs, c’est à dire
l’utilisation qui en est faite. La proportion d’espaces
verts dans un quartier est un indicateur validé scien­
tifiquement qui peut servir à mesurer la qualité de
vie, même s’il peut ne pas avoir d’utilité pour des
résidents de quartier surtout préoccupés par le
sentiment de sécurité. La conception du système
d’indicateurs doit donc concilier des dimen­sions
scientifiques et pratiques.
2. Il existe un autre décalage entre simplicité et com­
plexité du système. Si le défi n’est pas de donner
des informations simples, l’outil doit être développé
selon une méthode qui maintient un niveau de
complexité élevé tout en participant à une meilleure
compréhension du phénomène étudié.
Objectifs
Cette recherche souhaite proposer une méthode de
conception des systèmes d’indicateurs territoriaux,
afin que ceux-ci aident à mieux poser les problèmes
en aide à la décision. Appliqué à la problématique de
l’étalement urbain, l’outil vise à définir les enjeux reliés
aux villes contemporaines en situation d’étalement,
davantage que de donner des réponses, des solutions,
ou des recommandations pour une meilleure gestion
des problèmes liés à l’étalement urbain. Cet objectif
sera vérifié en réalisant un prototype d’un système
d’indi­cateurs de l’étalement urbain dans une situation
active d’aide à la décision.
Définitions
Indicateurs
Un indicateur est une interprétation empirique de la
réalité dans le but d’informer (OCDE, 1997 ; Von Stokar,
2001, Merkle, 2000 ; Desthieux, 2005). La mesure du
bruit est un exemple d’indicateur qui pourrait être
jugé pertinent dans le but de connaître l’ampleur de la
pollution sonore d’une artère urbaine. Cet indicateur a
un sens univoque (plus il y a de bruit, plus la pollution
sonore augmente), il est comparable dans le temps
(quotidien­nement, mensuellement, etc.), mais aussi
dans l’espace (entre des rues) ou encore selon des
normes établies (limite normale acceptable selon le type
de rue). Cet indicateur possède une méthode de calcul,
avec une unité de mesure, ici la moyenne du nombre
de décibels. Si cet indicateur véhicule une information
transparente, son utilisation n’est pas neutre. Choisir la
moyenne de décibels plutôt que le nombre d’heures par
jour où la pollution sonore dépasse la limite acceptable
peut conduire à représenter une réalité différente.
45
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Systèmes d’indicateurs
Un système d’indicateurs regroupe un ensemble
organisé d’indicateurs (Joerin, 2006). Les relations qui
existent entre les indicateurs définissent le niveau
d’organisation du système. Ce niveau d’organisation
est plus complexe que celui de certains outils comme
les tableaux de bord ou les atlas interactifs, qui pré­
sentent des indicateurs souvent hiérarchisés par
thème ou encore par zone géographique. Si le système
d’indicateurs établit l’existence de relations entre des
indicateurs, celles-ci ne sont pas quantifiées comme
c’est le cas pour les modèles de simulation.
La communauté métropolitaine de Québec, une région étalée
La région de Québec constitue le terrain d’application de
cet outil. Cette région soulève deux enjeux prin­cipaux.
Premièrement, Québec connaît une relative stagnation
démographique, bien qu’un phénomène de croissance
continue se poursuive aux limites du centre urbain.
Certes, la municipalité de Québec possède la plus grande
croissance en valeur absolue (+14 812 habitants) entre
2001 et 20061. Ramené en valeur relative, le taux de
croissance pour la municipalité est de 3,1 %. Cependant,
il s’agit d’une des plus faibles taux de croissance, si l’on
compare avec des municipalités périphériques de la
région de Québec, telles que Stoneham-et-Tewkesbury
(+11,4 %), Saint-Ferréol-les-Neiges (+26,4 %) ou encore
Saint-Gabriel-de-Valcartier (+25,3 %).
Deuxièmement, la forte dépendance à l’automobile des
habitants de la région soulève des enjeux en regard
aux problématiques d’accessibilité aux activités et aux
services. La superficie d’autoroutes par habitant est
notamment l’une des plus élevées d’Amérique du nord
et le nombre de voitures par individu est jugé impor­
tant pour une région urbaine (un véhicule pour deux
personnes), alors que ce ratio tombe à un pour trois
dans la région de Montréal2.
L’utilité du système d’indicateurs est peu définie
Le but d’utiliser un système d’indicateurs n’est pas
nécessairement défini : s’agit-il d’un outil de consul­
tation, d’aide à la décision, de suivi des actions ? À
quelle étape d’un processus décisionnel l’utilisation
actuelle s’effectue-t-elle ?
Cela amène à réfléchir sur le fonctionnement d’un
système d’indicateurs.
Le système d’indicateurs se définit par quatre principales
fonctions (Saulou, 1982), que sont l’alimentation,
la mémorisation, le traitement et la restitution. Le
système reçoit des données qu’il entrepose en vue de les
traiter. Un va-et-vient s’opère alors entre traitement,
mémorisation et alimentation afin d’enrichir le système
par des couches de données analysées et interprétées.
46
Ce processus se réalise dans le but de restituer un
résultat au moyen d’une information.
Le système d’indicateurs aide à former un savoir rationnel
limité
Les systèmes d’indicateurs se trouvent au cœur du pro­
cessus décisionnel, que Simon divise en deux étapes
principales (Simon, 1965), celle de définition du problème
(setting) et celle de résolution (solving). La définition
du problème se réalise souvent par la formalisation
du décalage entre une situation perçue, vécue et une
situation projetée (Le Moigne, 1990 ; Desthieux, 2005).
C’est à cette étape que le système d’indi­cateurs pourrait
servir en participant non seulement au bilan, mais aussi
à la compréhension d’un phénomène.
Une fois le problème défini, il reste alors à choisir des
objectifs qui conduiront la suite du processus (Durand,
1979 ; Hoch, 2002), puis à définir des critères pour les
mesurer afin de proposer différentes variantes d’actions
possibles. C’est parfois à cette étape que des méthodes
d’analyses multicritères sont utilisées, telles que la
méthode Électre (Roy, 1993) ou encore la méthode
MacBeth (Vansnick, 2005)
Dans la pratique pourtant, la plupart des systèmes
d’indicateurs sont en réalité des outils de suivi de
l’action, comme par exemple les indicateurs de suivi
pour le monitoring de certains projets d’entreprises.
Il appert alors le besoin de prendre en compte en
amont des processus décisionnels le savoir cumulatif
(DeSanctis, 1987) ou encore les processus décisionnels
complexes (Klein, 2004).
Les concepteurs du système ne sont pas non plus
clairement définis. L’outil n’est pas plus destiné aux
professionnels qu’aux scientifiques ou encore aux
citoyens. Un outil dédié à prendre des décisions qui
touchent les préoccupations de citoyens peut-il seulement
être conçu par un savoir exclusivement scientifique ?
Cette interrogation s’accorde avec la remise en question
de la décision rationnelle (Simon, 1965 ; Forrester 1971 ;
Habermas, 1981 ; Forester, 2002).
Chaque décideur est influencé par des intérêts, des
intentions. Ces décideurs ne possèdent pas tous la
même information (ni le même accès à l’information).
En outre, un processus décisionnel est souvent limité
dans le temps, ce qui conduit les décisions à contenir
néces­sairement une part d’incertitude. C’est en sens
que le système d’indicateurs prend de l’intérêt, par sa
capacité non pas à optimiser des informations en vue de
prendre la « meilleure décision », mais plutôt de servir
d’interface sur lequel les décideurs vont chercher à
comprendre les phénomènes en jeu et les points de vue
des autres acteurs.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Le système d’indicateurs aide les acteurs à participer aux
négociations
Le système d’indicateurs constitue un outil qui favorise
la négociation et doit donc tenir compte de la variété des
points de vue des décideurs. C’est pourquoi cet outil doit
être conçu en reconnaissant la validité de savoirs autres
que scientifique (Habermas, 1981 ; Després, 2003), comme
le savoir esthétique (expériences, goûts, sentiments), le
savoir éthique (coutumes, croyances, valeurs) ou encore
le savoir instrumental (expé­riences sur le terrain, savoir
pragmatique). Le système d’indicateurs est influencé
par les moyens de planification participative en cours
de développement (Forester, 2002 ; Innes, 1997 ; Hoch,
2002 ; Flyvbjerg, 2006), et devient en ce sens un outil
qui favorise le consensus, une activité où des acteurs
avec des profils différents vont construire, bricoler (Innes,
1997) une représentation globale et intersubjective de
la réalité.
Le système d’indicateurs rassemble un savoir intersubjectif
Un système d’indicateurs devrait être le moyen de
donner une représentation de l’intersubjectivité entre
des individus ou des groupes d’individus. Ceci s’illustre
par l’exemple suivant, tiré d’entrevues individuelles
semi-dirigées effectuées en 2006 auprès de résidents
de la région de Québec, au sujet des questions sur
l’aménagement de la ville de Québec. Parmi les répon­
dants interrogés, trois définissent un même objectif,
celui d’améliorer la situation du transport en commun
à Québec. Selon une répondante, un système d’autobus
plus efficace influence l’utilisation de l’autobus : « Si
on avait un système d’autobus beaucoup plus efficace, les
gens prendraient davantage l’autobus, moi la première ».
L’augmentation de l’attractivité du transport en com­
mun constitue donc l’enjeu. Selon un autre répon­dant,
le transport en commun doit surtout être le moyen
de réduire les inégalités socio-spatiales pour être
considéré comme efficace : « Avec une démarche intégrée
de développement, on pourrait améliorer les liaisons banlieueville en rendant le secteur de la haute-ville piétonnier par
exemple ». L’amélioration du transport en commun passe
selon elle par la planification intégrée des liens entre
centre et périphérie. Enfin, un troisième répondant
doute de la possibilité de maîtriser l’efficacité du
transport en commun car celle-ci dépend des cycles de
congestion autoroutière : « Si on améliore le transport en
commun, ça va réduire la congestion autoroutière, ce qui fait
que les gens vont être plus intéressés à utiliser leur auto ! ».
Alors que les deux premiers répondants proposent
des moyens complémentaires, le troisième se situe
davantage au niveau des conséquences. Cela démontre
ainsi que s’entendre sur un objectif n’est pas toujours
suffisant parce que cela peut masquer des visions
systémiques différentes.
Le système d’indicateurs est un moyen d’apprendre
L’acteur qui participe au développement d’un système
d’indicateurs se trouve au cœur d’un processus de
construction de la connaissance qui est fondamental car
il a en retour une influence sur la structure du schéma
conceptuel du système d’indicateurs. Ce processus
constructif peut être vu comme une phase d’action
intelligente, où l’esprit construit une représentation de
la dissonance qu’il perçoit entre ses comportements et ses
projets, et cherche à inventer quelques réponses ou plans
d’action susceptibles de restaurer une consonance souhaitée
(Le Moigne, 1999 : 83). Cela renvoie à la notion de
diagnostics en situation dynamique, qui évoluent
spontanément durant le déroulement des activités de diagnostic
elles-mêmes (Hoc, 1994). La nature de cet apprentissage
peut être soit individuelle, soit collective. Dans le cas
de ces résultats préliminaires, nous avons concentré
le regard sur l’apprentissage individuel, en exposant
un point de vue plus ou moins différent de celui du
répondant (1) ; s’en suit une confrontation du schéma
de l’individu avec l’autre point de vue (2) ; le répondant
complexifie alors son schéma de représentation (3).
C’est le cas d’une répondante à qui a été exposé un
schéma mental de connotations associées au thème de
l’automobile. L’aspect financier (i.e. celui des coûts)
y ressort majoritairement, en présentant aussi des
associations avec des thèmes comme la pollution, les
fonctions, mai aussi la mobilité, la liberté, le plaisir.
La répondante montre ses réserves sur cette repré­
sentation qui fait ressortir à l’excès les côtés négatifs
de l’automobile. Elle se confie : « Je vais où je veux quand
je veux. L’auto pour moi, c’est seulement du positif ». Elle
utilise le facteur de coûts en y intégrant la dimension de
la contrainte occasionnée par l’utilisation du transport
en commun : Ça coûte cher, oui euh…, mais n’importe quoi
coûte cher j’veux dire, quelqu’un qui va prendre l’autobus…
(Silence) pis il a à subir plein d’inconvénients que moi j’ai pas
à subir. Des difficultés d’expression comme l’hésitation,
le silence et la rupture relèvent des difficultés pour la
participante de présenter un point de vue solide. La
prise de conscience des contradictions de son raison­
nement la conduit alors à raffiner sa conception de
posséder une auto, qui correspond à un choix per­sonnel
communément partagé : On est égoïste. C’est vraiment
notre confort et notre luxe qui comptent.
Ainsi le système favorise l’apprentissage des acteurs
lors de la conception du système. Il accélère aussi
l’émer­­­gence de nouveaux points de vue et devient
en ce sens un laboratoire de créativité. Enfin il est le
préli­minaire d’actions ultérieures qui s’appuieront
sur la compréhension de représentations de réalités
complexes.
47
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Combler le peu de méthodes pour élaborer les systèmes
d’indicateurs soulève aussi l’enjeu d’intégrer l’incertain,
le complexe et le multiple dans cet outil d’aide à la
décision.
Figure 1. Boucle de rétroaction (répondant #19)
Le système d’indicateurs doit maintenir
une représentation complexe de la réalité
Un système se compose d’un ensemble d’éléments
qui entretiennent des liens entre eux. La structure du
système fonctionne afin de répondre à des besoins définis,
ainsi le système n’existe que selon des finalités. Enfin
le système se trouve entouré d’un environnement, plus
large. Ainsi le système a une frontière, plus ou moins
ouverte, ce qui permet l’échange avec l’envi­ronnement
et son évolution dans le temps (Le Moigne, 1977).
La notion de système est ainsi difficilement dissociable
de la notion de complexité. Si l’on veut considérer les
problèmes liés à la croissance des villes par exemple, on
doit dépasser les discours dualistes où le chaos constitue
tout ce qui n’est pas l’ordre (Morin, 1999 ; Law, 2002 ;
Dauphiné, 2003). Le modèle, s’il est vraiment représentatif
de la réalité, doit tenir compte des bruits, des erreurs, de
ce qui n’est pas significatif, ou encore des éléments de
contexte pour pouvoir appré­hender la complexité. Il s’agit
d’un enjeu de taille pour l’aménagement du territoire où
les planificateurs sont souvent confrontés à développer
des plans sur des territoires souvent hétérogènes, à partir
des points de vue variés et parfois opposés, tout en ayant
des ressources et des moyens parfois peu adaptés pour y
parvenir (Innes, 1997).
Parmi les sept principes de complexité proposés par
Morin, celui de rétroaction et de dialogisme présentent
un intérêt pour le développement d’un outil de dia­gnostic
comme les systèmes d’indicateurs (Morin, 1999).
Le système d’indicateurs comme instrument de
modélisation des rétroactions
Concevoir des boucles de rétroaction (ou feedback), c’est-àdire des relations où un phénomène peut être la cause et
l’effet d’autres phénomènes, offre la possibilité d’enrichir
le modèle avec des relations complexes. On parle de
rétroaction positive lorsqu’il y a un effet amplificateur sur
le système, ces relations pouvant agir et transformer le
système. Au contraire, on parle de boucles de rétroaction
négative lorsque les relations ont un effet régulateur sur
le système (retour à la situation initiale).
Dans le schéma ci-dessus proposé par un répondant,
on observe plusieurs boucles de rétroaction. Par
exemple, plus le niveau de congestion autoroutière est
élevé et plus la durée moyenne d’un trajet en voiture
est grande. Ceci a pour effet d’augmenter la part de
l’effort de l’individu ou du ménage à planifier, voire
coordonner ses déplacements et ses activités. En retour,
on peut penser que ceci aura pour effet de diminuer la
congestion. On parle donc de rétroaction négative.
48
Le système d’indicateurs comme instrument de
modélisation des dialogismes
La mise en évidence de contradictions implicites ou
explicites dans les discours est le moyen de définir des
enjeux. Par exemple les représentations de profes­sion­
nels de l’urbanisme ne sont pas unanimes sur la façon de
comprendre les enjeux liés aux questions d’étale­ment. La
définition de Gratz, qualifiant l’étalement urbain comme
un développement de faible densité, consommateur d’espace,
orienté vers l’utilisation exclusive de l’automobile, qui se déplace
de plus en plus loin des limites de la ville et des centres urbains
(Gratz, 1999 : 139) illustre un étalement qui doit être vu
comme un problème à résoudre. Par oppo­sition, celle de
Gammage Jr identifie l’étalement davantage comme un
mal nécessaire : La croissance est basée sur la notion que les
individus peuvent travailler à une place, vivre dans une autre
et s’y rendre en automobile (Gratz, 1999 : 156). L’étalement,
c’est tout ce que vous n’aimez pas à propos de la croissance
(Gammage Jr, 2001 : 1). Comment alors représenter un
phénomène pour lequel les acteurs ne s’entendent pas
sur sa portée et les enjeux qui s’y rattachent ?
Les questions qui touchent aux processus de revita­
lisation des zones centrales anciennes (de ville et de
banlieue) pourraient notamment constituer un enjeu
sous-jacent à ces contradictions.
Conclusion
Dans cet article, nous avons tenté de définir les orien­
tations d’une méthode à élaborer pour concevoir des
systèmes d’indicateurs.
Cet outil est souvent utilisé de façon pragmatique et
son utilité n’est pas définie de façon générique. Nous
proposons de concevoir le système d’indicateurs
comme un outil d’aide au diagnostic qui participe aussi
bien à faire un bilan qu’à comprendre un problème lié
à une réalité. En élaborant le système d’indicateurs,
des individus définissent un savoir rationnel limité.
Ce savoir est le fruit d’une construction, d’une colla­
bo­ration d’acteurs ayant des intérêts variés et qui
entrent en négociation pour participer à une meilleure
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
compréhension de phénomènes. De ces négociations
émane un savoir intersubjectif, qui est le moyen
d’apprendre et de faire émerger de nouvelles idées.
Une question bien posée est à moitié résolue (Crozier, 1977).
C’est dans cette perspective qu’une méthode de con­­
ception des systèmes d’indicateurs devra se poursuivre.
Un système d’indicateurs est aussi un outil qui aide
à repré­senter une réalité complexe. Il aide à mettre
en relation des phénomènes au moyen d’indicateurs
en représentant des relations rétroactives et des dialo­
gismes qui constituent des sources d’enjeux.
Notes
1. StatCan, Profil des communautés 2001-2006. Données sur
le recensement pour la région métropolitaine de Québec.
2. Champagne A.L. (2006), « Québec, Ville de Chars ». Article
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49
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Évaluer globalement les impacts des scénarios d’aménagement
en transport : modélisation de l’accessibilité pour la Communauté
Métropolitaine de Québec (CMQ)
Nicolas Lachance-Bernard
Étudiant à la maîtrise en aménagement du territoire
et développement régional
Université Laval
Résumé
L’accessibilité se définit par la plus ou moins grande
facilité avec laquelle les citoyens effectuent des
déplacements entre divers lieux d’activité, à l’aide
de tout ou partie des moyens de transport existants.
L’accessibilité d’un lieu ou d’un service peut se mesurer
à partir de calculs de distances (métriques, temps,
coûts), d’interactions ou encore d’oppor­tunités. De
plus, la notion d’accessibilité varie selon les perceptions,
les motivations et les préférences individuelles. C’est
pourquoi il est préférable de parler d’ « accessibilités »
plutôt que d’une accessibilité. Trois aspects principaux
sont donc à considérer lors de son évaluation : la
distribution spatiale des lieux d’origine et de destination,
les contraintes spatio-temporelles du territoire concerné
et le type de population en déplacement.
Le premier objectif auquel répond ce projet consiste
à développer une procédure de simulation des déplace­
ments permettant d’évaluer l’accès aux points de
service sur le territoire de la CMQ au moyen des
trans­ports en commun, dans un système d’information
géographique (SIG) et selon une approche désagrégée.
Le second objectif vise à mesurer et comparer les
patrons d’accessibilités depuis les lieux de résidence
vers les agglomérations commerciales de la CMQ. À cet
effet, nous combinons les enquêtes origine-destination
(2001), les réseaux de transport (2004), ainsi que le
système de routage du transport en commun (2004).
Nous utilisons également une méthode basée sur la
logique floue pour estimer des seuils de satisfaction
du temps de déplacement, pour différents types de
personne et de destination, afin d’intégrer ces seuils
comme reflet des préférences individuelles dans nos
mesures d’accessibilités.
Ainsi, des analyses comparatives sont maintenant
possibles pour différentes périodes d’activité et surtout
pour l’ensemble des modes disponibles dans les limites
de la CMQ (voiture, autobus, traversier, vélo, marche).
Il sera désormais possible d’évaluer globalement les
impacts des variations de la demande et/ou de l’offre
en transport et d’analyser différents scénarios d’aména­
gement selon des objectifs économiques, sociaux et
environnementaux.
50
Introduction
Le 16 juin 2006, le gouvernement du Québec rendait
public la première politique québécoise du transport
collectif, visant entre autre à augmenter l’achalandage
du transport en commun de 8 % d’ici 2012. Pour ce faire,
le gouvernement désire accroître l’offre de service à la
population de l’ordre de 16 % en multipliant le nombre
de parcours et les fréquences de passage. (Ministère des
Transports du Québec 2006)
D’autre part, selon le ministère des Transports du
Québec, le transport était responsable à lui seul de près
de 37,5 % des émissions de gaz à effet de serre au Québec
en 2003. De plus, en 2004, 510 millions de déplacements
y étaient effectués en transport en commun, soit près
du tiers du total des déplacements canadiens. Or, de
2003 à 2004, l’achalandage du transport en commun a
diminué de 1 % au Québec, alors qu’il augmentait dans
les autres provinces. Malgré cette baisse, le Québec se
distingue par le plus fort taux d’utilisation du transport
en commun au Canada : 95 déplacements par habitant
par an en moyenne, comparativement à 80 en Ontario
et à 59 en Colombie-Britannique. (Ministère des
Transports du Québec 2006)
Ces dernières années, le gouvernement a développé des
outils administratifs et législatifs afin de répondre à ses
obligations régionales et locales en matière d’environ­
nement. Il est question ici, entre autre, de la Loi sur
le développement durable, de la Nouvelle stratégie
énergétique et du Plan d’action sur les changements
climatiques. Ainsi, le Fonds vert crée dans le cadre de la
Loi sur le développement durable prévoit l’injection de
130 millions de dollars annuellement dans l’amélio­ration
de la qualité des services de transport en commun. De
plus, le ministère des Transports a évalué à 4,6 milliards
de dollars les investissements mini­maux nécessaires
sur les dix prochaines années pour moderniser les
infrastructures et développer les équipements. Ce chiffre
comprend le renforcement de l’aide gouvernementale
aux immobilisations ou encore la création d’un volet
« innovation » au programme d’aide gouvernementale
au transport collectif des personnes. (Ministère des
Transports du Québec 2006)
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Enfin, le plan stratégique de développement des
services 2005-2014, instauré par le Réseau de transport
de la Capitale (RTC) et appuyé par la Ville de Québec,
confirme cette position : « Renforcer la place du transport
collectif en développant l’achalandage de façon à accroître la
part modale du transport collectif. » (Réseau de transport
de la Capitale 2005)
Contexte régional
La gestion de l’offre et de la demande en transport
implique la compréhension de trois axes de connais­
sances et de leurs relations : la socio-démographie,
l’habitat et la mobilité.
Socio-démographie
Les besoins et les demandes de la société évoluent selon
la restructuration rapide des caractéristiques sociales
et économiques de la région (Thériault et al., 2003). Par
exemple. Il est question de l’augmentation des ménages
d’un seul individu ou encore du vieillissement de la
population. Effectivement, le passage des cohortes du
baby-boom de la vie active à la retraite aura des réper­
cussions, entre autre, sur la dispersion géo­graphique et
temporelle de l’achalandage du système de transport.
Plus précisément, dans la région de Québec, la popu­
lation des 65 ans et plus passera de 13 % en 2001 à
27 % en 2026. La population de l’agglomération de
Québec va également continuer de croître légèrement
pour atteindre 770 800 habitants en 2021 (Service de la
modélisation des systèmes de transport 2006).
Concernant les usagers du RTC, en 2001, 48,8 % d’entre
eux étaient aux études, 58,1 % étaient des femmes, et
63 % avaient entre 0 et 34 ans (Service de la modé­lisation
des systèmes de transport 2002). Les changements
sociodémographiques à venir modifieront d’une manière
importante cette distribution et des moyens concrets
doivent être mis en œuvre pour analyser des scénarios
permettant d’évaluer les impacts de ces changements
relativement à la demande en transport.
Habitat
Le second aspect concerne la relocalisation des pro­
cessus urbains selon des tendances généralisées.
(Coffey et Shearmur, 2002) Par exemple, les nouveaux
types d’agglomération commerciale, l’expansion de la
ville en périphérie et la restructuration des quartiers
centraux créent des pressions sur les systèmes de
transport. Les enquêtes origine-destination, des études
sur la mobilité des personnes réalisées tous les cinq
ans pour les régions urbaines majeures du Québec
(Montréal, Québec, Gatineau-Ottawa, Sherbrooke et
Trois-Rivières), permettent de mieux harmoniser les
infrastructures avec l’environnement, selon les besoins
et désirs de la société.
Mobilité
L’agglomération de Québec est considérée dans la
littérature comme une ville de dimension moyenne
possédant un réseau autoroutier surdéveloppé, soit
21,7 km par 100 000 habitants en 1998. (Thériault et
al., 1999) Cette caractéristique perdure encore une
décennie plus tard et assure un faible taux de congestion
sur les routes de la CMQ, comparativement à la région
métropolitaine de Montréal. Aussi, les rythmes
urbains, c’est-à-dire les activités humaines et leurs
relations, ont évolués et se sont complexifiés (Service
de la mo­délisation des systèmes de transport 2006). Il
est important de noter que la demande en transport
est une demande dite dérivée. (Axhausen et Gärling,
1992) Ainsi, les modifications au niveau des activités
et habitudes de la population ont des répercussions sur
les coûts directs et indirects liés aux transports, tant
au niveau des individus que de la société.
Dans cette suite d’idées, le contrôle de ces coûts sociaux,
tels que la pollution et la congestion, et individuels,
tel que le temps de navette, (Levinson, 1998) font en
sorte de restreindre les marges de manœuvre chez
les plani­ficateurs des différentes réseaux. Jusqu’à ce
jour, les décisions à propos des infrastructures sont
principale­ment réalisées d’un point de vue technique,
ou encore basées sur des processus de résolution de
problème et de gestion de projet propres à l’ingénierie.
Or, une méthodologie complémentaire s’affirme de plus
en plus. Cette dernière se base sur une typologie sociale
des ménages et met au centre du processus de prise de
décision la question : « À quel point la population régionale
est-elle bien desservie par le système de transport ? ». Ainsi,
la performance du réseau n’est plus exprimée que par
sa seule capacité journalière en débit, vitesse, etc. La
performance est maintenant également mesurée en
terme d’accessibilité, et une attention particulière
est portée aux disparités d’accessibilité au niveau
géographique et social. (Chang, 2003)
Accessibilité
L’accessibilité se définit par la facilité spatio-temporelle
(distance et durée) avec laquelle les citoyens effectuent
des déplacements entre divers lieux d’activité pour
vaquer à leurs occupations (Thériault et al., 2005).
Lors de ces déplacements, le degré de mobilité des
individus varie selon la combinaison des différents
couples origine-destination, des modes de transport et
des trajets choisis. Deux aspects sont alors importants
dans la mesure de l’accessibilité : la distribution spatiale
des lieux et l’impédance spatio-temporelle des réseaux
de transport impliqués dans les déplacements.
51
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Distribution spatiale
Concernant la distribution spatiale, divers facteurs
influencent la carte mentale des lieux d’ancrage
(résidence, travail, études) et des opportunités poten­
tielles (commerces, loisirs) considérés par l’individu.
Il y a entre autres les modes de transport disponibles
(Vandersmissen et al., 2004), les patrons d’utilisation
du sol selon les aspects de densité, de périphérie et
de centralité (Handy et Niemeier, 1997), l’exclusion
spatiale et l’isolement (Kwan et al., 2003), ou le
temps de participation minimal à une activité (Kim et
Kwan, 2003). De plus, il peut être question en termes
géomatiques du prisme dynamique des réseaux (Wu et
Miller, 2001) ou encore d’espace de chemins potentiels
influencés par les heures d’ouverture (Lenntorp, 1976 ;
Kim et Kwan, 2003).
Impédance spatio-temporelle
L’impédance spatio-temporelle est définie comme une
friction créée par les contraintes. Celle-ci réduit la
facilité de déplacement sur les différents segments (rues,
trajets) et nœuds (intersections, arrêts) des réseaux.
Elle est influencée par différents aspects tels que la
qualité des infrastructures, la configuration des réseaux
(niveau hiérarchique, nombre de voie, congestion,
horaire de desserte, etc.), l’environnement urbain
(conditions climatiques, design urbain, architecture
des constructions immobilières, etc.) ou encore les
comportements des utilisateurs (profils sociologiques,
distribution des types de véhicules, choix modaux, etc.).
L’impédance spatio-temporelle fait varier tant dans
l’espace que dans le temps les coûts de déplacement
spécifiques aux mouvements individuels : économiques,
environnementaux et temporels. Miller soulève, par
une question, la problématique que représentent le
renouvellement du système de transport et la gestion
des acquis : « Comment préserver et rénover les systèmes
de transport saturés sans augmenter l’investissement en
ressources ? » (Miller, 2006) Cette question, dans un
contexte de rationalisation des investissements publics
et de pressions liées à une demande toujours croissante,
nécessite d’être explorée par de nouvelles méthodes.
Une seconde question est soulevée par Miller et
résume bien un usage possible de la méthode que nous
développons : « Nous est-il possible de réduire les effets
environnementaux directs et indirects et ainsi atteindre un
système de transport respectant les dictats du développement
durable malgré la hausse des attentes de la population et de
sa demande en transport ? » (Miller, 2006)
Accessibilité basées sur les individus
La méthode que nous utilisons permet de mesurer
l’acces­sibilité en se basant sur les individus (people-
52
based). Le concept de la géographie temporelle (time
geography), développée par (Hägerstrand, 1970)
et implantée par (Lenntorp, 1976), s’avère être sa
principale assise. D’ailleurs, une question résume bien
ce cadre théorique : « Comment la participation d’un
individu à une activité dans un lieu et un moment donné
limite sa capacité à participer à d’autres activités situées à
des localisations distinctes et à d’autres moments ? » (Miller,
2005) Plus précisément, avec la géographie temporelle
il est question des horaires individuels journaliers
(Kwan, 1998 ; Makrí et Folkesson, 1999 ; Miller et Wu,
2000), des contraintes spatio-temporelles au niveau des
individus (Hägerstrand, 1970 ; Kwan, 1998 ; Makrí et
Folkesson, 1999 ; Miller et Wu, 2000), ou encore des
temps de participation en un lieu et un moment précis
(Miller, 2005).
Questions de recherche
Modélisation des transports
Ce premier aspect du travail comporte deux questions
de recherche. La première est de tester et de valider
le système de transport en commun modélisé par le
Centre de recherche en aménagement et développement
(CRAD). Il est question plus précisément de deux
réseaux de transport en commun : le Réseau de
trans­­port de la Capitale (RTC) et le réseau de la
Société de transport de Lévis (STL). La seconde est
d’auto­matiser et de standardiser la modélisation des
réseaux de transport en commun et les simulations de
déplacements pour la région de Québec (CMQ).
Analyse comportementale
Ce second aspect est de mesurer l’accessibilité globale
en transport en commun aux lieux d’activités :
résidence, travail, magasinage, loisirs, etc. La méthode
utilisée respecte tant les contraintes spatio-temporelles
des réseaux, avec notre modèle calibré, que les seuils
d’acceptabilité des préférences individuelles, par
l’usage de la logique floue relativement aux coûts de
déplacement. Conséquemment, il est désormais possible
d’étudier les patrons d’accessibilité tant du point de vue
territorial que sociologique, et ce dans une perspective
d’aménagement du territoire et de développement
régional. (Shen, 2000 ; Vandersmissen et al., 2003)
Hypothèses
Localisation
La première hypothèse est que la localisation des nou­
velles agglomérations commerciales et leurs effets sur
les temps de déplacement pour fins de consommation
modifient l’accessibilité aux agglomérations commer­
ciales à l’avantage de l’auto et au détriment du transport
en commun.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Évolution spatio-temporelle
La seconde hypothèse est que l’évolution spatiotemporelle rapide (journalière et hebdomadaire) de
la structure des patrons d’accessibilité est distincte
selon les modes de transport motorisés (automobile et
autobus), à l’intérieur de la CMQ.
Objectifs
Développer une procédure
Le premier objectif de notre projet est de développer
une procédure basée sur un SIG spécialisé en transport,
afin de simuler par une approche désagrégée les déplace­
ments et d’évaluer l’accessibilité aux services urbains,
en utilisant les réseaux de transport public. Cette
approche a été documentée par (Chapleau, 1986) et
examinée par (Bonnel et al., 1993). Pour ce projet, nous
utilisons une base de données totalement désagrégée
permettant l’analyse de différents types d’individus
et de ménages. Ces données ont été recueillies lors
de l’enquête O-D 2001. Enfin, l’approche préconisée
utilise des données opérationnelles de 2004 (trajets,
arrêts, horaires, fréquences) faiblement structurées : les
premières fournies par le système de gestion corporatif
du RTC et les secondes saisies manuellement pour ce
qui est de la STL.
Mesurer et comparer l’accessibilité
Le second objectif est de mesurer et de comparer
les patrons d’accessibilité des lieux de résidence vers
les agglo­mérations commerciales de la CMQ. Plus
précisément, cette simulation combinera l’enquête
origine-destination 2001, les réseaux Routier/
Autobus-Traversier/Marche 2004, le système de
routage de transport en commun de 2004 bâti dans
TransCAD™ et l’étude de 2004 réalisée par le
CRAD concernant la localisation des agglomérations
commerciales (Thériault et al., 2004). La logique
floue permet de calculer les seuils d’acceptabilité des
temps de déplacements pour divers groupes socioéconomiques. (Thériault et al., 2005) Ceci à comme
objectif de refléter diverses contraintes individuelles
telles que : la capacité de déplacement (mobilité), les
interrelations de l’individu avec ses pairs (ménage,
société) et les obligations spatio-temporelles (autorité
socio-économique). (Hägerstrand, 1970 ; Makrí et
Folkesson, 1999)
Méthodologie
Une importante partie des efforts de ce projet porte
sur le développement méthodologique. Concrètement,
la méthode développée comporte cinq étapes : (1)
assem­blage et traduction des données opérationnelles,
(2) création des réseaux, (3) simulation des déplace­
ments, (4) évaluation des seuils d’acceptabilité (ou
élasticité) et (5) évaluation comparative des accessibilités
selon divers modes.
À ce jour, deux applications sont fonctionnelles :
CRADVoyagesTC, une application de traitements
topologiques pour l’assemblage des données
opérationnelles, développée avec MapInfo™, et
CRADRoutes Private, une application de simulation
des déplacements pour les modes automobile, piéton
et vélo, développée avec TransCAD™. D’ici quelques
semaines, deux autres applications développées sous
TransCAD™ seront également fonctionnelles :
CRADTNetwork servant à créer des réseaux de
transport en commun et leurs systèmes de trajet
associés, ainsi que CRADRoutes Transit permettant de
simuler des déplacements effectués en autobus et/ou
traversier.
Par ailleurs, le bon fonctionnement de cette suite d’appli­
cations sera démontré avec une étude de cas portant
sur l’accessibilité des lieux de résidence aux lieux de
consommation. Pour ce qui est des destinations de
con­sommation, nous comparerons deux types d’agglo­
mé­rations commerciales : les magasins-entrepôts
(regroupement de magasins de très grandes surfaces
généralement le long des corridors autoroutiers) et les
méga centres d’affaires (ex : Galeries de la Capitale).
Enfin, nous allons réaliser cette étude pour deux modes
de transport : l’automobile et le transport en commun.
Conclusion
Actuellement, il est possible d’énoncer qu’il y a con­
sensus entre les décideurs face aux actions nécessaires
pour une gestion optimale de nos systèmes de transport.
Entre autre, le transfert modal de l’automobile vers le
transport en commun vise le désengorgement des voies
de circulation, la réduction des émissions polluantes
et de gaz à effet de serre, et la réduction des accidents
de la circulation. Or, des outils sont nécessaires afin
de bien analyser les situations actuellement vécues et
perçues par les usagers afin de stimuler ce transfert
modal.
La méthodologie développée par ce projet s’inscrit
entre autre dans les efforts de développement d’outils
d’aide à la décision propre aux transports. On peut dire
en ce sens que notre méthode permet d’optimiser la
création et la réalisation de simulations, ainsi que de
gérer adéquatement les données requises en input et
produites en output. Ainsi, des analyses comparatives
sont maintenant possibles pour différentes périodes
d’activité et surtout pour l’ensemble des modes dispo­
nibles dans les limites de la CMQ (auto, bus, traversier,
vélo, marche). On peut conclure qu’il est désormais
possible d’évaluer globalement les impacts des
variations de la demande et/ou de l’offre en transport et
d’analyser différents scénarios d’aménagement selon des
objectifs économiques, sociaux et environnementaux.
53
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
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54
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Estimation d’un modèle agrégé de la distance
parcourue par les véhicules légers au Canada
Bernard Lamonde
Étudiant à la maîtrise en économie
Université Laval
Introduction
Malgré un lien de mieux en mieux établit entre les
changements climatiques et la production de gaz à
effet de serre (GES) provenant des activités humaines,
celle-ci a cru de 26,5 % entre 1990 et 2004 au Canada
(Environnement Canada, 2006). Dans le bilan des
émissions, les activités de transport représentent une
source significative, 25,1 % des GES totaux en 2004,
et en forte croissance, plus 26,6 % depuis 1990. Les
véhicules légers (VL) à usage privé c’est-à-dire les
automobiles et les camions légers utilisés principale­
ment pour le transport de passagers sont responsables
de près de 50 % des émissions associées aux transports1.
De plus, les VL engendrent également d’autres
externalités dont notamment des épisodes de smogs
en milieu urbain, de la congestion et des accidents sur
les routes.
La mise en place de politiques publiques efficaces et
politiquement acceptables constitue un véritable défi.
Le choix d’instruments dépend en partie de la valeur de
paramètres économiques de base comme les élasticitésprix et revenu de la demande de carburant. Par exemple,
s’il s’avère que cette dernière est peu sensible au prix, la
réduction des GES exigerait des niveaux de taxation sur
les carburants qui seraient certainement insoutenables
d’un point de vue politique. De plus, suivant l’ampleur
des élasticités-revenu, les taxes devraient être ajustées
pour tenir compte de l’augmentation de la demande
engendrée par la croissance de l’économie. Par ailleurs,
l’impact de mesures favorisant l’efficacité énergétique
des VL pourrait être réduit par un effet rebond. Cet
effet résulte de la croissance de l’usage suscitée par la
réduction des coûts d’opération associés aux véhicules
moins énergivores. Par exemple, en imposant des
normes sur les taux de consommation des véhicules ont
réduit directement la consommation de carburant mais
en même temps on stimule la demande de kilométrage
puisque le coût d’usage des véhicules baisse. Cet effet
rebond contrecarre en partie l’effet direct et son
importance est directement liée à l’élasticité-prix de
l’usage des VL. Il existe de très nombreuses études
empiriques qui estiment des élasticités-prix et revenu
pertinentes par contre très peu utilisent des données
canadiennes récentes. L’objectif de notre travail est de
combler en partie ce vide.
Plus spécifiquement, nous estimons un modèle écono­
mé­trique agrégé d’équations simultanées qui vise
à com­prendre les grands déterminants de l’usage,
mesuré par le nombre de kilomètres parcourus, du
taux de consommation moyen de la flotte, mesuré
en terme de litres de carburant par kilomètre et du
stock de VL. La spécification de notre modèle s’inspire
en par­tie d’une récente étude américaine réalisée par
Small et Van Dender (2007). Il est estimé à partir de
données annuelles agrégées au niveau des provinces
cana­diennes pour la période 1990 à 2004 provenant de
la Base de données nationale sur la consommation d’énergie
de Ressources naturelles Canada.
Méthodologie
L’approche retenue repose sur une factorisation de
la consommation de carburant (Q) en un produit du
nombre de kilomètres parcourus par les VL (KM) et de
leur taux de consommation moyen de carburant (TCM).
Nous tenons également compte de l’interdépendance qui
peut exister entre le stock de VL (STOCK) et l’usage.
Ceci permet d’étudier conjointement l’évolution de ces
trois composantes à l’intérieur d’un système d’équations
simultanées. À l’instar de Small et Van Dender, nous
exprimons cette identité en terme de personne âgée de
16 ans et plus (pop16) c’est-à-dire les individus ayant
atteint l’âge légal pour détenir un permis de conduire
standard2. Une variable dichotomique (i) est incluse à
chaque province afin de capturer toutes les spécificités
provinciales qui ne varient pas dans le temps. Celles-ci
incluent notamment des différences dans les goûts des
consommateurs, la taille de la province et de son réseau
routier. Le modèle prend la forme générale suivante :
Q KM
=
* TCM
pop16 pop16
(1)
55
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
(
)
KM
KM
STOCK
it = f it – 1, it,(p_ess*TCM)it,pibcap it, urb it, t, a i (2)
pop16
pop16
pop16
(
)
STOCK
STOCK
FM
it = g it – 1, it,(p_ess*TCM)it,pibcap it,p_vehit urbit, t, a i (3)
pop16
pop16
pop16
(
TCMit = h TCMit – 1,
)
KM
it,(p_ess it,pibcap it, urb it, t, a i (4)
pop16
avec i un indice représentant les provinces, t un indice pour l’année et où :
KM/pop16 :
STOCK/pop16 :
TCM :
p_ess :
pibcap :
Nombre de kilomètres parcourus
par personne en âge de conduire
Nombre de VL par personne en âge
de conduire
Taux de consommation moyen de
carburant de la flotte de VL
Prix de l’essence à la pompe
(indice, 1992=100)
Produit intérieur brut (PIB) par capita
p_veh :
Prix des véhicules neufs
urb :
Proportion de la population habitant
en milieu urbain
Tendance dans le temps
t :
i :
Variable dichotomique captant les effets
provinciaux
Les équations 2 à 4 visent à expliquer respectivement
la demande de kilométrage et le nombre de VL par
per­sonne en âge de conduire ainsi que le taux de
consommation moyen de carburant de la flotte de VL.
Pour tenir compte de l’inertie dans les changements
de comportement, nous incluons la variable endogène
retardée d’une année comme l’une des variables
expli­­catives dans chacune des équations3. D’autres
déterminants apparaissent également dans les trois
équations. C’est le cas notamment des variables reliées
au prix de l’essence et au PIB par capita. On s’attend
intuitivement à ce que p_ess influence négativement les
composantes de la consommation d’essence puisqu’il
agit comme un coût. Dans la mesure où le transport par
VL constitue un bien normal, on anticipe que l’usage et
la possession vont augmenter avec pibcap. Néanmoins,
l’effet du revenu sur TCM demeure ambigu en raison
des forces qui s’opposent. D’une part, un revenu plus
grand permet de renouveler le parc de VL et ainsi
accéder à des technologies plus récentes et efficaces.
D’autre part, une augmentation de revenu implique que
les acheteurs sont moins affectés financièrement par les
coûts plus élevés qu’entraînent le choix et l’utilisation
des véhicules énergivores souvent caractérisés par un
confort et une performance accrue.
sont disponibles par province pour la période 1990 à
20044. Puisqu’il n’existe pas d’enquête continue pour
la période 1990-2004 sur la distance parcourue au
Canada, cette variable est construite à partir de deux
enquêtes couvrant deux sous périodes soit l’ENUVeP
(4e trimestre 1994 à 3e trimestre 1996) et l’EVC (à
par­tir du 4e trimestre de 1999). Les distances par
classe de véhicules sont cependant ajustées en compa­
rant la consommation de carburant estimée et celle
effectivement vendue. Les données sur le stock sont
fondées sur le Recensement des véhicules en service au
Canada de DesRosiers Automotive Constltants Inc. et
des enquêtes réalisées par Statistique Canada. Les taux
de consommation moyens sont évalués en combinant
les données sur le stock de véhicules par classe et le
Système d’information sur l’économie de carburant des
véhicules automobiles de Transports Canada. Notons
que ces taux sont évalués en laboratoire et non pas
à partir d’enquête de consommation auprès des auto­
mobi­listes. Les variables explicatives sont tirées pour
la plupart de CANSIM (Statistique Canada) et de la
Base de données nationale sur la consommation d’énergie
(Ressources naturelles Canada). Soulignons également
la contribution du Conference Board of Canada concer­
nant les données sur le PIB par province.
La Base de données nationale sur la consommation d’énergie
produite par Ressources naturelles Canada constitue
notre source de données principale. Cette base com­
prend notamment des données sur la distance parcourue
par les l’ensemble des VL, le nombre de véhicules et le
taux de consommation moyen de la flotte. Ces variables
Résultats
L’estimation du modèle est faite dans un contexte
d’infor­mation limitée. Les équations sont donc estimées
séparément plutôt que sous la forme d’un système
d’équa­tions simultanées. Les élasticités que nous obte­
nons sont assez conformes à celles rapportées dans
56
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
d’autres études. Ainsi, nous estimons qu’une hausse
du prix de l’essence de 10 % engendre une réduction
de l’usage de 0,8 % à 1,6 % à court terme et de 1,9 %
à 2,4 % à long terme. Cette hausse provoque aussi
une réduction du taux de consommation moyen des
VL de 0,3 % à 0,4 % à court terme et de 0,6 % à 1,2 %
à long terme. La croissance du PIB par capita de
10 % provoque qu’en à elle une hausse du nombre de
kilomètres parcourus de l’ordre de 1,5 % à 2,6 % à court
terme et de 2,9 % à 4 % à long terme. Elle provoque
également une augmentation du stock de véhicules
entre 2,7 % et 3,5 % à court terme ainsi qu’entre 3,9 %
et 4,1 % à long terme. L’effet de p_ess sur le nombre de
véhicules n’est malheureusement pas discernable tout
comme celui du revenu sur TCM. Notre analyse montre
enfin que l’effet rebond au Canada est assez proche
des valeurs rapportées dans la littérature : entre 8 % à
16 % à court terme et entre 19 % à 24 % à long terme.
Comparativement à nos résultats, Small et Van Dender
(2007) obtiennent un effet rebond pour les États-Unis
d’une valeur inférieure à court terme (4,7 %) mais dans
notre intervalle à long terme (22 %).
De part l’équation 1, l’effet d’une variation du prix de
l’essence ou du revenu sur la consommation de carbu­
rant est simplement la somme des élasticités de KM
et TCM. D’après nos résultats, une hausse de p_ess de
10 % diminue la demande de carburant de 1,1 % à 2,5 %
à court terme et de 2,5 % à 3,6 % à long terme. De façon
similaire, un accroissement du revenu agit positivement
sur la consommation de carburant dans un intervalle
de 1,5 % à 2,6 % à court terme et de 2,9 % à 4 % à long
terme5.
La courte période de temps couverte par nos données
rend difficile l’estimation précise de l’impact des
chan­ge­­ments démographiques qui sont, par nature,
généralement assez lents. Nous avons aussi testé
l’impact de variables comme le pourcentage d’enfants
dans la population ou de personnes âgées 65 ans et
plus. Ces variables ne semblaient pas avoir d’impact
sta­tistiquement significatif. Enfin rappelons que notre
modèle se base sur des variables exprimées par per­
sonne en âge de conduire. Cela signifie donc que la
crois­sance de la population devrait également pousser
à la hausse la consommation de carburant.
Implications pour les politiques publiques
Nos résultats ont plusieurs implications pour les
politiques publiques. En autre, en ce qui concerne le
choix d’instruments afin de réduire les émissions de
GES, il est clair qu’il faudrait accroître de manière assez
importante les prix de l’essence pour avoir un impact
significatif sur les émissions. Il faudrait par exemple
hausser les prix de l’essence de plus de 30 % pour
réduire à long terme la quantité demandée de carburant
de 10 %. De plus, cet effet serait assez rapidement con­
trecarré par la croissance des revenus. Sur un autre
plan, les politiques favorisant l’amélioration du taux
de consommation moyen des VL auraient un impact
qui serait réduit par l’effet rebond. En d’autres termes,
pour un effet rebond de 20 %, une baisse de 10 % du
TCM diminuerait la consommation de carburant non
pas de 10 % mais bien de 8 %. Il s’agit d’un effet non
négligeable.
Notes
1. RNCan inclut dans les VL : les voitures et les camions
légers (incluant les camionnettes, fourgonnettes et véhicules
utilitaires sport) dont le poids nominal brut ne dépassent pas
3 855 kilogrammes. Le poids nominal brut d’un véhicule
équivaut à son poids à vide additionné du poids de charge
maximal prévu.
2. L’âge minimum légal pour détenir un permis de conduire de
classe 5 est de 16 ans dans toutes les provinces.
3. L’inclusion de la variable endogène retardée revient dans les
faits à inclure des effets retardés pour toutes les variables
du modèle. Pour le voir, il suffit de substituer de manière
récursive les valeurs retardées de KM en utilisant (2).
4. Les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut sont
regroupés avec la Colombie-Britannique.
5. L’élasticité de la consommation d’essence (Q) par rapport
au revenu est la même que celle de la distance parcourue
par rapport au revenu puisque l’élasticité-revenu de TCM
est non significative dans notre modèle.
57
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Bibliographie
Baltagi, Badi H. (1995), Econometric Analysis of Panel Data, John Wiley & Sons.
Barla, Philippe, Lamonde, Bernard et Boucher, Nathalie (2007), Rapport préliminaire : Modèle agrégé de la distance
parcourue, du stock et l’efficacité énergétique des véhicules privés au Canada, préparé pour Ressources naturelles Canada
dans la cadre du projet no 10 du plan de travail 2006-2007, 30 pages.
Boucher, Nathalie et Vekeman, Francis (2005), Rapport préliminaire : Étude de faisabilité pour l’estimation d’un modèle
structurel agrégé de la distance parcourue par les véhicules légers au Canada, Document N04-05p, préparé pour Ressource
naturelles Canada dans le cadre du projet no 13 du plan de travail 2004-2005, 29 pages.
Environnement Canada (2006). Rapport d’inventaire national 1990-2004, Sources et puits de gaz à effet de serre au
Canada, Gouvernement du Canada, 486 pages.
Goodwin, Phil, Dargay, Joyce et Hanly, Mark (2004), Elasticities of road traffic and fuel consumption with respect
to price and income : A review, Transport Reviews 24 (3), p. 275-292.
Greene, William H. (2003), Econometric Analysis. Fifth Edition, Prentice Hall.
Greene, David L. (1992), Vehicle use and fuel economy : How big is the “rebound” effect ?, Energy Journal 13 (1),
p. 117-144.
Haughton, Jonathan et Sarkar, Soumodip (1996), Gasoline tax as a corrective tax : Estimates for the United States,
1970-1991, Energy Journal 17 (2), p. 103-126.
Johansson, Olof et Schipper, Lee (1997), Measuring the long-run fuel demand for cars : Separate estimations of
vehicle stock, mean fuel intensity, and mean annual driving distance, Journal of transport economics and policy 31 (3),
p. 277-292.
Small, Kenneth A. et Van Dender, Kurt (2007), Fuel efficiency and motor vehicle travel : The declining rebound
effect, Energy Journal 28 (1), p. 25-51.
Small, Kenneth A. et Van Dender, Kurt (2005), The effect of improved fuel economy on vehicle miles traveled : Estimating
the rebound effect using U.S. State data, 1966-2001, Energy Policy and economics working paper series 014, University
of California Energy Institute, Berkeley, 36 pages.
58
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
L’utilisation de la méthode du tiers inférieur
pour l’entretien des fossés routiers dans une perspective
de développement durable
Pascal Monast Robineau
Étudiant à la maîtrise en géomatique appliquée,
Université de Sherbrooke
Léo Provencher et Jean-Marie Dubois
Université de Sherbrooke
Introduction
L’entretien des fossés routiers est nécessaire pour
faci­liter l’écoulement de l’eau et ainsi assurer le drai­
nage des voies de communication. Le nettoyage se fait
par excavation et peut générer des impacts environ­
nementaux dont les effets participent à la dégradation
des lacs et des cours d’eau par un apport important
en sédiments et, parfois, en polluants. De nos jours,
les eaux qui ruissellent dans un bassin versant sont
déviées, pour une large part, par ces fossés.
En 1996, à partir d’une proposition du Regroupement
des associations pour la protection de l’environnement
des lacs et des cours d’eau (RAPPEL), la Direction de
l’Estrie du ministère des Transports du Québec (MTQ)
a expérimenté une nouvelle méthode d’entretien des
fossés routiers, nommée la méthode du tiers inférieur.
Le but premier de cette méthode est d’atténuer l’impact
environnemental des interventions d’entretien des
fossés routiers. Malgré la réduction évidente de
l’érosion à la suite de l’adoption de la méthode du tiers
inférieur, aucune étude n’a été réalisée à ce jour pour
permettre de quantifier la diminution de l’érosion. En
ce sens, un projet permettant de faire la comparaison
entre la méthode dite traditionnelle et la méthode du
tiers inférieur apporte des arguments à l’appui de la
norme, adoptée officiellement en 2002 (ministère des
Transports, 2004). Il est aussi avantageux de connaître
la réduction du volume de matériaux érodés ainsi
que les coûts inhérents à chaque méthode. De plus,
une nouvelle approche, la méthode du tiers inférieur
bonifiée avec seuils en pierres, est évaluée.
Les hypothèses retenues sont les suivantes : 1) la
méthode du tiers inférieur permet des gains environ­
nementaux réels en ce qui a trait tant à la réduction de
l’érosion qu’à la réduction des coûts d’exploitation ; 2)
les sites creusés à l’aide de la méthode du tiers inférieur
bonifiée devraient être moins affectés par l’érosion au
cours des deux années qui suivent le creusage.
Le but du projet est de disposer d’un argumentaire
validé et quantifié pour appuyer la promotion de la
méthode du tiers inférieur tant au MTQ qu’auprès des
autres intervenants sur le territoire.
Caractéristiques des trois méthodes utilisées
La méthode traditionnelle consiste à refaire le profil
transversal d’un fossé routier. Les deux talus ainsi que
le fond du fossé sont mis à nu et donc sujets à l’érosion
(figure 1). Dans ce cas, des bermes filtrantes sont
Figure 1. Méthodes d’entretien de fossés : traditionnelle et du tiers inférieur
Tiré de Ministère des transports du Québec (2004)
59
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
utilisées en aval du fossé pour retenir les sédiments.
La méthode du tiers inférieur consiste à excaver unique­
ment le tiers inférieur du fossé exigeant. La végétation
demeure en place sur les talus du fossé et le volume
de matériaux est ainsi réduit. La méthode du tiers
inférieur bonifiée est une méthode expérimentale qui
consiste à rafraîchir le fossé au moyen de la méthode du
tiers inférieur, en y ajoutant des obstacles anti-érosifs,
les seuils en pierres.
Sélection des sites
Le choix des critères de sélection des sites d’étude
permet d’obtenir l’uniformité désirée pour valider les
hypothèses de l’étude. En s’assurant d’une similarité
entre les sites, il est plus facile par la suite de procéder à
une analyse comparative en fonction des méthodes utili­
sées. Ces critères sont la pente, le bassin de drainage,
le type de formation meuble, l’affectation du territoire
ainsi que la prévision d’intervention du MTQ.
Ces seuils (figure 2), régulièrement espacés pour obtenir
des résultats optimaux, servent à briser la vitesse de
l’eau pour tenter de réduire l’érosion. La hauteur des
seuils est définie en fonction de la hauteur de talus du
fossé (figure 2a). Ainsi, plus la hauteur des talus est
impor­tante, plus le seuil doit être de grande dimension,
sans toutefois dépasser une hauteur maximale d’un
mètre au centre. Le centre du seuil doit être surbaissé
pour éviter qu’il y ait érosion des talus lorsqu’il y a
un débordement d’eau au-dessus du seuil. La distance
séparant les seuils (L) est fonction de la pente du fossé,
puisque la crête du seuil aval (B) doit être à la hauteur
de la base du seuil amont (A) (figure 2c).
Pour avoir une gamme suffisante de données compa­
ra­tives, quatre groupes de pente moyenne ont été
retenus, soient 3 %, 5 %, 7 % et 10 %. Ainsi, pour chacun
des groupes, on a mis en place un site entretenu au
moyen de chacune des trois méthodes. Les sites ont été
sélectionnés dans la partie amont des versants dans le
but d’éviter de trop grands bassins de drainage.
Figure 2. Seuils en pierres : a) vue en largeur ;
b) vue en travers ; c) espacement
entre les seuils
On a sélectionné les sites dans la formation meuble la
plus répandue en Estrie, le till (dépôts glaciaires), et ce
à l’aide des cartes disponibles (Service de la géoinfor­
mation, 1983 ; Service des inventaires forestiers, 1999).
Des analyses granulométriques ont été réalisées pour
valider le type de formation meuble. Enfin, les sites
devaient avoir une longueur de 200 m sans qu’il y ait
de rupture de pente importante.
Au total, 14 sites ont été sélectionnés (figure 3). On
devait avoir uniquement 12 sites pour l’étude mais un
site a été ajouté à cause du creusage d’un site à l’aide
de la méthode du tiers inférieur avec une excavatrice
surdimensionnée, ce qui n’a pas permis de respecter
le tiers inférieur. Un autre a été ajouté à la fin de l’été
2005 à la suite d’un second creusage sur un site déjà
installé.
Figure 3. Carte de localisation des sites
Modifié de Goldman et al. (1986)
Méthodologie
La méthodologie de travail repose sur une sélection
de sites dans des milieux homogènes. Immédiatement
après le creusage de chacun des fossés, des mesures
de profils transversaux sont réalisées pour estimer
la quantité de matériaux érodés. Par la suite, un suivi
régulier est fait tant de l’érosion que de la reprise de
la végétation.
60
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Estimation de l’érosion
Chaque site de 200 mètres est divisé en 8 sections de
25 mètres et on prévoit l’emplacement d’un transect
au centre de chacune de ces sections. C’est sur ces tran­
sects qu’on mesure les profils transversaux. La mesure
des 8 profils transversaux permet d’estimer la quantité
de matériaux érodés de l’ensemble du fossé.
Les extrémités d’un profil transversal sont deux points
fixes de chaque côté du fossé routier. Une chaîne gra­
duée à tous les 5 cm est tendue entre les deux points
(figure 4). Des mesures sont prises à tous les 5 cm à
l’aide d’un fil à plomb qui est gradué au centimètre. Les
mesures des profils transversaux sont conservées sur
un tableur Excel, qui permet d’évaluer l’évolution du
fossé à chaque transect.
En fonction de la pente moyenne, on constate une
constance dans la proportion du volume de matériaux
érodés entre la méthode traditionnelle et les deux
autres méthodes (figure 5). Avec une pente de 10 %,
on a estimé à plus de 160 m3 la quantité de matériaux
érodés au cours des deux années, comparativement à
16 m3 pour la méthode du tiers inférieur bonifiée et
à 13 m3 pour la méthode du tiers inférieur. Pour les
autres groupes de sites, on constate que, plus la pente
est faible, plus la quantité de matériaux érodés dimi­
nue. Lorsque la méthode traditionnelle est utilisée, le
volume de matériaux érodés pour les sites de 3 % et de
5 % est jusqu’à cinq fois plus important que pour les
deux autres méthodes. Le volume est près de sept fois
plus important sur une pente de 7 % et 12 fois sur une
pente de 10 %.
Pour évaluer le volume de matériaux érodés par section,
on calcule l’aire située entre chacune des mesures de
profondeur du fossé (figure 4), qu’on multiplie par
25 m. Avec chaque mesure subséquente, il est possible
de calculer la différence de volume, ce qui donne une
estimation du volume de matériaux érodés ou, dans
certains cas, du volume de sédiments accumulés.
L’érosion dans les fossés est estimée par la différence
entre la première mesure de profil transversal réalisée
immé­diatement après le creusage des sites, entre
mai et juin 2005, avec la dernière mesure prise à
l’automne 2006. La reprise de la végétation est évaluée
visuellement par la prise régulière de photographies.
Suivi des sites de 3 % de pente
Tous les fossés ont subi une érosion importante (figure 5).
Dans le fossé des sites no 3 (méthode du tiers inférieur)
et no 14 (méthode du tiers inférieur bonifiée), on constate
une hausse rapide des matériaux érodés entre les deux
premières mesures de profils transversaux. Cette hausse
est cependant trois fois plus importante dans le fossé
du site no 11 (méthode traditionnelle). Par la suite, on
remarque que les fossés se stabilisent, à l’exception du
fossé du site no 11, où l’augmentation du volume de
matériaux érodés diminue sans pour autant que le fossé
ne se stabilise.
Résultats
Les résultats obtenus sont autant environnementaux
qu’économiques. Les premiers sont obtenus à partir
des mesures des profils transversaux et les deuxièmes
résultent des données recueillies lors du creusage des
sites, ainsi que lors des interventions subséquentes qui
ont été nécessaires au cours de l’étude.
La reprise de la végétation à l’intérieur des fossés de ce
groupe de sites s’est faite rapidement. Dès la première
année, on pouvait observer la présence d’une végé­
tation dense sur les talus des fossés, laissant unique­
ment le fond à nu, là où se fait l’écoulement de l’eau.
La végétation dans le fossé du site no 11 (méthode tradi­
tionnelle) a rapidement repoussé, ce qui a permis de
Figure 4. Mesure de profil transversal et estimation de l’érosion pour une section
61
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Figure 5. Volume total des matériaux érodés
Tiers inférieur
Tiers inférieur bonifié
réduire les effets érosifs de l’eau sur les talus. Dans le
cas du fossé du site no 3 (méthode du tiers inférieur),
il n’y a toujours pas de végétation qui a repoussé dans
le fond du fossé, contrairement au fossé du site no 14
(méthode du tiers inférieur bonifiée), où les seuils ont
causé une rétention d’eau, favorisant la croissance d’une
végé­tation aquatique.
Suivi des sites de 5 % de pente
De façon générale, l’érosion des fossés de 5 % de pente
est environ le double de celle des fossés de 3 % de pente.
C’est dans le fossé du site no 1 (méthode traditionnelle)
qu’on observe la plus forte érosion (figure 5). En effet, le
volume matériaux érodés y est supérieur au double du
volume calculé pour les autres fossés du groupe de 5 %.
Les fossés des sites no 6 (méthode du tiers inférieur) et
no 12 (méthode du tiers inférieur bonifiée) se sont stabi­
lisés, alors que le fossé du site no 1 (méthode tradition­
nelle) ne se stabilise pas, malgré une réduction de la
quantité de matériaux érodés.
Dans le fossé du site no 1 (méthode traditionnelle), la
reprise de la végétation est lente et clairsemée. L’effet
érosif de l’eau s’y poursuit lors de chaque préci­pi­
tation. La végétation a repris plus rapidement dans
la moitié amont des sites no 6 (méthode du tiers infé­
rieur) et no 12 (méthode du tiers inférieur bonifiée). La
végétation est plus dense dans le fossé du site no 12,
tandis que le fond du fossé du site no 6 est encore aux
prises avec de l’érosion linéaire, là où la végétation est
moins dense.
62
Traditionnelle
Suivi des sites de 7 % de pente
L’érosion du fossé du site no 7 (méthode traditionnelle)
est près du double de celle du fossé de 5 % de pente,
creusé à l’aide de la même méthode. Les deux autres
sites de ce groupe ont des bassins de drainage de
moindre superficie et ont donc subi moins d’érosion
que les sites équivalents du groupe de 5 % de pente. La
présence de nombreux affleurements rocheux, combinée
à une faible épaisseur du till à certains endroits du fossé,
explique le faible volume de matériaux érodés dans le
fossé du site no 4 (méthode du tiers inférieur bonifiée).
Le fossé du site no 8 (méthode du tiers inférieur) s’est
rapidement stabilisé.
Le fossé du site no 7 (méthode traditionnelle) montrait
des signes d’instabilité peu après la période de creusage,
en 2005, ce qui a exigé une deuxième mesure des profils
transversaux quelques jours plus tard. Par la suite, le
fossé s’est relativement stabilisé au cours de l’année
2005, au fur et à mesure que le sol s’asséchait. La
première mesure de profils, au printemps 2006, a permis
de constater une reprise de l’érosion, principalement
par décrochement et ravinement. Deux décrochements
impor­tants ont bloqué l’écoulement et ont causé une
importante accumulation de sédiments en amont
(figure 6). À la suite de la réfection des talus affectés,
les sédiments accumulés dans le fond du fossé ont été
transportés par l’eau, expliquant ainsi la hausse subite
du volume de matériaux érodés en juillet 2006.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Figure 6. Décrochement dans le fossé
du site no 7 (23 mai 2006)
Figure 7. Végétation clairsemée sur les
talus du site no 5 (27 mars 2006)
À l’automne 2006, on ne constate pas de reprise de la
végétation dans le fond du fossé du site no 7 (méthode
traditionnelle). Dans le cas du site no 8 (méthode du
tiers inférieur), la végétation a repris rapidement dans
la moitié amont du fossé alors que, dans la moitié
aval, le fond du fossé est encore à nu. La végétation
du fossé no 4 (méthode du tiers inférieur bonifiée) a
repris en 2006, dans les portions en amont des seuils
en pierres.
fond du fossé, là où l’eau s’écoule normalement après
une précipitation. C’est à cet endroit que l’érosion est
toujours active, ce qui provoque la croissance constante
du volume de sédiments érodés.
Suivi des sites de 10 % de pente
Le groupe des sites ayant une pente de 10 % est
celui qui a été plus affecté par l’érosion et ce, dès le
creusage (figure 5). Ceci est le résultat d’une période
de précipitations à la mi-juin 2005, combinée à la
forte pente des fossés. Dès la fin juin, le volume de
matériaux érodés dans le fossé du site no 10 (méthode
traditionnelle) est cinq fois plus important que ceux
des fossés des sites no 9 (méthode du tiers inférieur) et
no 5 (méthode du tiers inférieur bonifiée).
Le fossé du site n o 5 (méthode du tiers inférieur
bonifiée) s’est relativement stabilisé à partir de
l’automne 2005. Entre le creusage du site et le moment
de la stabilisation, l’aval de certains seuils du fossé a
été soumis à de l’érosion provoquée par l’effet de chute
résultant du colmatage des interstices entre les pierres
des seuils. Ce colmatage a aussi provoqué l’accumulation
de sédiments en amont de ces seuils (figure 7). Avec la
fonte de la neige, au printemps 2006, on n’a constaté
que de petites marques d’érosion dans ce fossé, ce qui
indique que ce dernier tend à se stabiliser. Par contre,
la reprise de la végétation dans le fond du fossé ne s’est
faite que de façon clairsemée.
Le fossé du site no 9 (méthode du tiers inférieur)
s’est stabilisé dès l’été 2005. En effet, la reprise de
la végétation s’est faite rapidement, à l’exception du
À l’automne 2006, le fossé du site no 10, creusé à l’aide
de la méthode traditionnelle, n’était toujours pas stable
et l’érosion affectait toute la longueur du fossé. Après
la période d’érosion importante de juin 2005 à la suite
du creusage, le fossé s’est relativement stabilisé au
cours de l’été avec l’assèchement des terres adjacentes.
Ensuite, l’érosion n’a repris qu’avec la fonte de la neige
au printemps 2006. Le sol étant gorgé d’eau, on a
constaté de nombreux décrochements de matériaux
et de végétation dus au fluage sous-jacent ainsi qu’au
ravinement. À l’été 2006, on a constaté que le fossé
s’est relativement stabilisé comme l’été précédent.
Enfin, avec les fortes précipitations d’octobre 2006,
une quantité importante de matériaux a été érodée sur
toute la longueur de ce fossé, causant des dommages
importants, ce qui a exigé l’intervention du MTQ.
Données économiques
Les données économiques ont été pour la plupart ré­
coltées lors de l’excavation des sites et elles incluent
le temps nécessaire pour installer les seuils dans
les fossés creusés à l’aide de la méthode du tiers
inférieur bonifiée. Ainsi, il est possible d’attribuer, à
chaque méthode d’entretien, le temps d’utilisation de
l’excavatrice et le nombre de chargements de camion
de matériaux enlevés (figure 8). Afin d’obtenir des
résultats comparables, on n’a pas tenu compte du temps
requis pour le déplacement de la machinerie et de la
main d’œuvre, pour l’installation de la signalisation,
pour les pauses et pour les retards causés par des bris
de matériel.
63
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Figure 8. Temps de creusage et nombre de chargements de camion (2005)
Le temps requis pour creuser un mètre linéaire de fossé
est de 1 min 24 s au moyen de la méthode tradition­
nelle, pour un temps moyen par site de 4 h 38 min. Il
est de 51 s au moyen de la méthode du tiers inférieur
(avec ou sans seuils) pour un temps moyen par site
de 2 h 49 min. Aussi, le nombre de chargements de
camion requis pour effectuer la méthode traditionnelle,
soit 14,6 chargements, est largement supérieur à
celui pour effectuer la méthode du tiers inférieur, soit
4,9 chargements. Le temps moyen requis pour installer
un seuil est de 4 min avec approximativement 2,1 t de
pierres.
Conclusion
Avec deux années d’observation, on a prouvé que
l’érosion était plus importante dans les fossés des sites
creusés à l’aide de la méthode traditionnelle. Ainsi,
on obtient des gains environnementaux réels avec
l’utilisation de la méthode du tiers inférieur. Par contre,
pour les sites creusés à l’aide de la méthode du tiers
inférieur bonifiée, la réduction de l’érosion n’est pas
significative comparativement à la méthode du tiers
inférieur. Enfin, l’installation des seuils en pierres
exige peu de temps supplémentaire lors de l’excavation
des fossés, mais l’achat de pierres engendre des coûts
supplémentaires.
Bibliographie
Goldman, S.J., Bursztynsky T.A. and Jackson, K. (1986) Erosion & Sediment Control Handbook. McGraw-Hill Book
Company, New York, pagination multiple.
Ministère des Transports du Québec (2004) Fiche de promotion environnementale : Entretien d’été, système de
drainage, nettoyage des fossés. Service des inventaires et du plan de la Direction de l’Estrie, Sherbrooke, 4 p.
Service de la géoinformation (1983) Compilation de la géologie du Quaternaire. Ministère de l’énergie et des
ressources, Québec, 1 : 50 000.
Service des inventaires forestiers (1999) Carte des dépôts de surface. Ministère des forêts, Québec, 1 : 50 000.
64
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Séance 3
Des arbres et des Hommes
65
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Apports de la géographie historique et de la télédétection
à la compréhension de l’évolution environnementale
au Sahel du xiiie au xxe siècle :
le cas du Centre-Est agro-sylvopastoral sénégalais
Aliou DIOUF
Étudiant au doctorant en géographie. Université Laval
Matthew G. HATVANY
Professeur, Département de géographie, Université Laval
Alain A. VIAU
Professeur, Département des Sciences géomatiques, Université Laval
Nathalie BARRETTE
Professeure, Département de géographie, Université Laval
Introduction
Région située dans le domaine climatique soudanosahélien et enregistrant entre 700 mm et 800 mm
de pluies par an, le Centre-Est sénégalais concentre
d’impor­tantes potentialités agro-sylvopastorales.
Elle est en effet le domaine de la savane et des forêts
claires, des sols ferrugineux tropicaux lessivés et des
grandes mares (Michel, 1977 ; Bâ, 1986 ; Ndiaye, 2000).
C’est pourquoi depuis le xiiie siècle et à la faveur de
plusieurs contextes sociopolitiques, différentes vagues
de populations s’y sont installées. Cette colonisation
humaine historique a essentiellement été le fait de
cultivateurs, d’éleveurs sédentaires et transhumants
et de producteurs forestiers originaires d’autres
régions du Sénégal, mais aussi des pays limitrophes
tels que la République de Guinée et le Mali. Depuis,
la crois­sance démographique s’est accrue, notamment
ces quatre dernières décennies. En effet, la région
enre­gistre aujourd’hui l’un des soldes migratoires
les plus significatifs au Sénégal évalué à 0,8 % en
1999 (Direction de la prévision et de la statistique,
2004). Le Centre-Est sénégalais est ainsi une région
de convergence d’acteurs aux intérêts divergents et
d’activités spatialement extensives. Ce qui entraîne
entre ces acteurs, une compétition pour le contrôle de
l’espace et une pression croissante sur les composantes
biophysiques spatiales. Ainsi, le couvert végétal, les
sols et les eaux de surface sont profondément affectés
par ces processus humains auxquels vient s’ajouter
l’incertitude du climat.
Au regard de toutes ces dynamiques environnementales,
le Centre-Est sénégalais ne connaît-il pas depuis
sa colo­nisation par les humains un processus de
déser­­ti­fication dont la cause principale est liée aux
activités humaines ? L’hypothèse est que le suivi des
dynamiques environnementales révèle une rupture
dans l’évolution de l’état de l’environnement à partir
de 1960, qui marque le déclenchement d’un processus
66
de désertification dû au changement de la perception
humaine de l’environnement et des méthodes et
techniques d’exploitation des ressources naturelles
associé au contexte de civilisation postindustrielle.
L’objectif principal de cet article est de suivre
l’évolution de l’environnement au Centre-Est sénégalais
depuis 800 ans. Il s’agit en particulier, d’identifier
et d’analyser les formes et les facteurs d’évolution
du cou­vert végétal, des sols et des eaux de surface.
Pour réaliser cet objectif, plusieurs méthodes et outils
recherche ont été utilisés.
Matériels et méthodes
Le suivi de l’évolution de l’environnement au CentreEst depuis la colonisation humaine au xiiie siècle a
nécessité des méthodes et d’outils divers relevant de la
géographie culturelle historique et de l’analyse spatiale
(télédétection et photo-interprétation). En effet, il pose
la question des contextes de civilisation, très pertinente
dans une telle étude (Courville, 1995). Il pose également
la question des échelles spatiales, car l’environnement
revêt une dimension spatiale importante (Sandron et
Sghaier, 2000). En se référant à Courville (1995), il a
été identifié du point de vue temporel, deux contextes
de civilisation : un contexte de civilisation rurale
agraire et un contexte de civilisation postindustrielle.
Le contexte de civilisation rurale agraire est carac­
té­risé par une économie basée sur l’agriculture de
subsistance tandis que le contexte de civilisation
postin­dustrielle est marqué par une économie dominée
par le tourisme, les services de banque… (Courville,
1995). L’analyse spatiale est faite à partir de trois
secteurs d’étude représentatifs des caractéristiques du
Centre-Est sénégalais : d’abord Koumbidia, à l’Ouest
marquée par une forte emprise agricole avec la culture
de l’arachide ; ensuite Fadiyacounda, au Sud-est où
l’exploitation forestière est très présente ; enfin Wouro
Seeno, au Nord-est caractérisé par l’élevage pastoral.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
L’analyse spatiale s’est en outre appuyée sur l’approche
des indicateurs environnementaux pour le suivi de
l’environnement. Le terme de géo-indicateur est utilisé
dans ce présent article pour intégrer la dimension
spatiale des indicateurs environnementaux.
La démarche méthodologique a été bâtie autour de
trois étapes : une étape exploratoire (pré-analyse docu­
mentaire et exploration du terrain) et docu­mentaire,
une étape de terrain, une étape de laboratoire. L’étape
explo­ratoire et documentaire a permis de préciser l’hypo­
thèse, d’identifier les sources de données, les méthodes
et outils de collecte et d’analyse. Ainsi, ont été acquis :
• des documents sur l’histoire environnementale de
la région ;
• des photographies aériennes (1/40 000 et 1/25 000)
en 1954 et 1982 ;
• des images satellitaires multispectrales de Landsat
7 ETM+, scènes 203-50, 203-51 du 21/10/1999 et
204-50 du 13/11/1999 ;
• des cartes thématiques (topographiques, morphopé­
dologiques) existantes ;
• des données thématiques de terrain sur le couvert
végé­tal, les sols et les eaux de surface géoréférencées
par le GPS ;
• des données socio-économiques issues de l’inven­
taire exhaustif des villages situés dans les secteurs
d’étude, réalisées en 2004.
L’étape de terrain a consisté en des enquêtes socioéconomiques d’entretien, en des relevés sur les compo­
santes biophysiques et spatiales. Les enquêtes et relevés
sur le terrain ont été réalisés grâce au questionnaire, au
guide d’entretien et aux fiches de relevé biophysique.
L’étape de laboratoire a consisté essentiellement aux
traitements d’images et à l’analyse de contenu de
documents historiques et des enquêtes.
Ainsi, des traitements spécialisés ont été appliqués
aux données de base grâce à plusieurs techniques
complémentaires d’analyse spatiale : les prétraitements
numériques d’images aériennes et spatiales, la photointerprétation, la télédétection et leur intégration dans un
système d’informations géographiques pour les besoins
de la cartographie statistique assistée par ordinateur. Il
faut rappeler que ces techniques se sont appuyées sur
des investigations de terrain pour la vérification et la
validation de l’interprétation des données.
Les prétraitements d’images aériennes se sont réalisés
en plusieurs étapes. Les photographies ont été numé­
risées au scanner avec une résolution de 600 points
par pouce. Elles ont ensuite été retouchées pour
l’amé­lio­­ration de leur contraste. Après avoir été
retou­chées, les photographies ont été mosaïquées par
bande horizontale couvrant l’intégralité de chaque
secteur d’étude. Lorsque la phase de mosaiquage a
été achevée, les mosaïques de photos ont été chargées
sous Mapinfo pour le géoréférencement. Cette phase
de géoréférencement a consisté à intégrer les photos
scannées, retouchées et mosaïquées dans un système
de projection et de coordonnées afin de pouvoir les
superposer sur d’autres couches cartographiques
géoréférencées au même système de projection et de
coordonnées. Les mosaïques ont été donc intégrées dans
le système de projection WGS 84 et de coordonnées
cartésiennes UTM 28 Nord. Quelques contraintes dues
à la qualité relativement médiocre des planches photo­
graphiques ont été rencontrées. Il a en effet été difficile
surtout pour le secteur de Wouro Seeno en 1954 de
trouver des points de calage communs à deux clichés
aériens.
Après le géoréférencement, l’étape d’identification
et d’interprétation des géo-indicateurs des unités
bio­géophysiques a suivi. Cette phase a combiné la
stéréo­scopie à la photo-interprétation assistée par
ordinateur. Il s’agit de procéder à la vectorisation
des unités identifiées au stéréoscope et à l’écran de
l’ordinateur avec le logiciel Mapinfo. Ainsi toutes les
unités identifiées sur les mosaïques de photographies
aériennes couvrant l’ensemble du territoire de chacun
des trois secteurs d’étude ont été vectorisées manuel­
lement à l’ordinateur.
La procédure de traitement des images satellitaires
Landsat a consisté après les avoir acquises sous
format Geotiff compressé, à les décompresser, puis à les
convertir sous le format raster (.rst) du logiciel « Idrisi ».
Ensuite, il a été procédé à un découpage de l’image
suivant les dimensions de chacun des trois secteurs
d’étude. Après le découpage de l’image, il a été procédé
à la constitution d’une composition colorée fausse
pour la discrimination des différents indicateurs des
composantes du territoire, ainsi que leurs superficies. Il
s’agit d’affecter aux trois couleurs primaires (le rouge,
le vert et le bleu) trois images de 8 bits contenant des
informations prélevées sur le spectre électromagnétique
(Girard et Girard, 1999). La combinaison 234 a été
effectuée ; elle associe le canal de Landsat centré sur la
partie verte du spectre électromagnétique (canal 2) à la
couleur primaire Bleu, le canal de Landsat centré sur la
partie rouge du spectre électromagnétique (canal 3) à
la couleur primaire Vert et le canal de Landsat centré
sur la partie infrarouge du spectre électromagnétique
(canal 4) à la couleur primaire Rouge.
Après le choix des images devant constituer la com­bi­
naison colorée, un étalonnage linéaire avec défini au
seuil de saturation de 5 a été appliqué pour l’amélio­
ration du contraste de l’image de sortie (rehaus­se­
ment) qui est de 8 bits. Cette image rehaussée a servi
67
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
à une première classification automatique. Cette classi­
fication automatique a facilité l’identification d’unités
thématiques homogènes sur l’image. Lorsque ces
unités homogènes ont été identifiées sur l’image, au
moins deux points ont été prélevés sur chaque unité
pour être vérifiés sur le terrain à travers les relevés
environnementaux.
La phase de vérification de terrain réalisée, une nouvelle
composition colorée fausse couleur 3, 4, 7 étalonnée au
seuil de 5 et portée à 24 bits et qui correspond à l’image
recommandée pour une visualisation et une analyse
d’image a été constituée en vue du choix des zones
ou polygones d’entraînement et de la classification
supervisée ou dirigée. Le choix des polygones d’entraîne­
ment consiste à grouper les pixels ayant la même
signature spectrale dans une classe. C’est une étape
qui comprend la vectorisation des classes de pixels,
puis l’affectation d’une signature et d’un nom à chaque
classe de pixels et enfin la classification supervisée par
l’algorithme du « Maximum de vraisemblance ».
La qualité de l’image classifiée a ensuite été évaluée par
la construction d’une matrice de confusion. Lorsque
la qualité de la classification n’était pas satisfaisante,
la procédure itérative allant du choix des polygones
d’entraînement jusqu’à la classification par « Maximum
de vraisemblance » était reprise et ce, jusqu’à obtenir
une qualité de classification satisfaisante. Suivait
ensuite le filtrage qui sert à éliminer le bruit sur l’image
classifiée et à rendre l’image plus lisse.
Le découpage nécessite d’abord la rastérisation des
polygones. Il s’agit de convertir les polygones des
secteurs d’étude de leur format initial (format vecteur)
en format raster. La rastérisation a pour but de pou­
voir superposer les polygones vectoriels de forme
irrégulière sur l’image matricielle classifiée et filtrée
qui est de forme rectangulaire. Lorsque les polygones
ont pu être superposés sur les images classifiées et
filtrées respectives, l’extraction des polygones des
secteurs d’étude a pu être réalisée. Ainsi, des polygones
classifiés et filtrés épousant les mêmes contours que
les secteurs d’étude ont été obtenus. Après extraction
des polygones des secteurs d’étude qui sont sous
format raster, il convenait de les convertir sous format
vecteur afin de pouvoir le transférer sous un logiciel
de vecteur pour les besoins de la cartographie et du
calcul des superficies. Il faut préciser qu’une agrégation
a été réalisée pour pouvoir disposer d’indicateurs com­
parables dans une approche temporelle dynamique.
En raison de la résolution grossière des images et de
la taille réduite de certains éléments naturels tels que
les mares, l’analyse a été centrée sur les composantes
biophysiques spatiales : la végétation, la zone agricole
et les états de surface des sols.
68
Résultats et discussions
Les résultats du suivi des dynamiques environne­
mentales du xiiie au xxe siècle au Centre-Est révèlent
deux types de processus environnementaux : un
pro­­cessus d’équilibre environnemental associé au
contexte de civilisation rurale agraire (1235-1960) et
un processus de déséquilibre environnemental associé
au contexte de civilisation postindustrielle (de 1960 à
nos jours).
Le processus d’équilibre environnemental (1235-1960)
est traduit par l’état globalement durable dans lequel se
trouvent les composantes naturelles de l’environnement.
En effet, jusque dans les années 1950, les trois secteurs
d’étude sont caractérisés par une prédominance des
géo-indicateurs d’une stabilité environnementale sur
les géo-indicateurs d’un déséquilibre environnemental
(figure 1). Les géo-indicateurs d’équilibre sont la forêtgalerie dense, la savane boisée très dense et la savane
boisée dense. Les géo-indicateurs de déséquilibre sont
la zone agricole, la savane boisée moyennement dense
et la savane arbustive moyennement dense. Cet état de
stabilité environnementale est confirmé par Pélissier
(1966) et Trochain (1940) qui qualifient les formations
naturelles de la région de « démesurées ». La durabilité
des composantes biophysiques spatiales tient aussi au
caractère écologique des activités agricoles, pastorales et
d’exploitation forestière. En effet, la perception humaine
de la nature qui s’est inspirée des religions animiste
puis musulmane véhiculait un ensemble de valeurs qui
dictait un comportement révérencieux et respectueux
vis-à-vis de la nature : une morale environ­nementale.
Ce qui s’est traduit par un faible impact des activités
humaines sur les éléments naturels de l’environnement
dans le contexte de civilisation rurale agraire.
Le processus de déséquilibre environnemental associé
au contexte de civilisation postindustrielle (de 1960
à nos jours) est traduit par une désertification Les
géo-indicateurs de déséquilibre des composantes bio­
physiques spatiales que sont la zone agricole, la savane
arbustive lâche, la forêt-galerie lâche, la savane arbustive
moyennement dense et les sol dégradés con­naissent
une extension continue et occupent la plus importante
superficie (figure 3 ; figure 4 ; figure 5). Certes, le
climat a été caractérisé par des sécheresses dans ce
contexte (1960 à nos jours), mais le développement
spatial de ces géo-indicateurs est incontestablement
lié aux activités humaines. En effet, la nature des géoindicateurs de déséquilibre montre que la zone agricole,
qui est la manifestation directe de l’action des humains,
constitue le géo-indicateur de déséquilibre qui occupe
le plus de superficie. Ce contexte a en effet enregistré
un croît démographique important, mais surtout un
changement des valeurs attribuées à la nature. La
nature est perçue par les populations locales comme une
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Figure 1. Localisation de la région et des secteurs d’étude
Saint-Louis.
.
.
Dakar
Dakar
.
Thiès
.
Fatick
Fatick .
Matam .
Louga
Diourbel
.
Kaolack
Kaolack
Wouro
Wouro Seeno
Koumbidia Socé
Tambacounda
. Tambacounda
Fadiyacounda
Fadiyacounda
Ziguinchor
.
0
100
Kolda
.
200
Kilomètres
Figure 2. État de l’environnement dans les trois secteurs étudiés en 1954
Source : Photographies aériennes, 1954 Mission A.O.F
richesse économique à exploiter. De nouvelles méthodes
et nouveaux outils techniques de production plus
agressifs vis-à-vis de l’environnement sont utilisés pour
accroître la production agricole, animale et forestière.
Ainsi, les pratiques de jachères ont presque disparu et
on note l’apparition de la culture attelée. Au niveau de
l’élevage, la compétition pour disposer de ressources
pastorales entraîne l’apparition des pratiques d’élagage
des arbres. Au niveau de l’exploitation forestière, le front
du charbon et de la gomme qui se traduit par la coupe
radicale ou la saignée profonde des arbres envahit la
région. Ces nouvelles pratiques sont commandées par
la logique productiviste, capitaliste encouragée par les
nouvelles politiques de développement rural de l’État
sénégalais indépendant.
69
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Figure 3. État de l’environnement dans les trois secteurs étudiés en 1982
Source : Photographies aériennes, 1982 Mission OMVG
Figure 4. État de l’environnement dans les trois secteurs étudiés en 1999
Source : Image satellitaire Landsat 7 ETM+ Scènes 204-50, 203-50 et 203-51
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3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Figure 5. Évolution de la proportion de superficie en déséquilibre dans chaque secteur
Koumbidia
Fadyacounda
Wouro Seeno
Proportion
100
80
60
40
20
0
1954
1982
1999
Année
Source : Photographies aériennes, AOF 1954, OMVG 1982 et Image Landsat 7 ETM+, 1999
La combinaison des méthodes et outils de la géo­
graphie historique et de la télédétection présente
une grande pertinence pour un suivi de l’évolution
de l’envi­ronnement. Cette méthode a permis de
confirmer l’existence d’une rupture dans l’évolution
de l’environnement. L’approche historique a en effet
permis de comprendre l’état de l’environnement dans
le passé tandis que l’approche spatiale grâce aux géoindicateurs a permis d’évaluer plus exactement l’état
de l’environnement. Cependant, cette combinaison de
la géographie historique et de la télédétection présente
des limites relatives notamment à l’absence de données
dans le passé et à la différence des échelles des images
analysées.
71
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
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2000, Notes originales
72
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
L’utilisation de la sylviculture pour régénérer
les sapinières de l’île d’Anticosti
Julien BEGUIN
Étudiant à la maîtrise en sciences forestières
Université Laval
Introduction
Les densités de plusieurs populations de cervidés con­
naissent un accroissement spectaculaire depuis plus
d’un demi-siècle dans plusieurs régions du globe,
notam­ment en Europe et en Amérique du Nord, pour
plusieurs raisons telles que la modification des habitats,
la diminution des grands prédateurs et du nombre de
chasseurs ainsi que les hivers moins rigoureux (Côté
et al., 2004). Cette expansion a des impacts socio­
économiques importants qui se manifestent notam­
ment par une augmentation des dégâts causés aux
cultures ou aux peuplements forestiers et par l’accrois­
sement du nombre d’accidents routiers. De plus, les
fortes densités d’herbivores peuvent aussi avoir de
graves répercussions écologiques car le broutement
intensif peut modifier profondément, directement ou
indirectement, la structure et la composition végétale
d’un écosystème et avoir des effets en cascades sur les
autres organismes qui y vivent. Les impacts de cette
pro­lifération des cervidés placent aujourd’hui les scien­
tifiques et les gestionnaires des milieux naturels devant
le défi de comprendre les causes et les conséquences
du phéno­mène, mais aussi d’élaborer et de mettre en
œuvre des stratégies d’aménagement du territoire qui
tiennent compte de cette situation tout en répondant
aux préoccupations et intérêts humains. (Beguin et al.,
2006).
Problématique
Notre étude s’est déroulée sur l’île d’Anticosti (49°30’N,
60°00’O), située sur la côte est de l’Amérique du Nord à
l’embouchure du golfe Saint-Laurent. L’île d’Anticosti
constitue un laboratoire naturel de recherche privilégié
pour étudier les relations cerfs-forêts.
En effet, à la fin du 19e siècle, 200 cerfs de Virginie
(Odocoileus virginianus) ont été introduits sur l’île à des
fins de chasse récréative. Depuis ce jour, la population
de cerfs n’a cessé de s’accroître en profitant d’une niche
écologique disponible pour atteindre un niveau mini­
mum estimé à 120 000 cerfs ou 15 cerfs/km² en 1991
(Potvin et al., 1991). À l’origine, les paysages de l’île
étaient majoritairement couverts par des peuplements
forestiers de sapin baumier. Mais depuis l’introduction
du cerf, on assiste à une transformation graduelle des
sapi­nières en pessières blanches. En effet, en moins
d’un siècle, plus de la moitié de la superficie des sapi­
nières de l’île a aujourd’hui disparue (Potvin et al. 2003).
Cette transformation est principalement due au broute­
ment chronique des cerfs sur la régénération de sapin
baumier au bénéfice de l’épinette blanche, une essence
peu broutée.
Dans ce contexte, si la disparition des sapinières conti­
nue au même rythme, il est à redouter que l’effectif des
populations de cerfs diminue drastiquement une fois
que sa principale ressource alimentaire hivernale, le
sapin, vienne à manquer. Il est important de souligner
que les résidents de l’île, au nombre de 250, ainsi que
le gouvernement du Québec souhaitent éviter cette
situa­tion puisqu’ une densité de population élevée est
un maillon indispensable du tissu économique de l’île
et d’une partie de la côte nord. Les principaux revenus
des résidents provenant, par ailleurs, de la vente de
for­faits de chasse à des chasseurs en provenance du
continent.
Dans le souci de maintenir à la fois des densités de cerfs
suffisantes et un habitat propice au maintien de sa popu­
lation, des méthodes de gestion intégrée sont actuel­
lement développées en collaboration avec les résidents
de l’île, le gouvernement du Québec et les partenaires
scientifiques.
Matériel et Méthode
Parmi ces méthodes, il a été suggéré que certains
traite­ments sylvicoles pourraient faire augmenter la
quantité de semis de sapin et permettre, malgré un
taux de broutement élevé, la régénération des sapi­
nières (par effet de masse). Parmi ces méthodes, nous
avons testé les effets de la coupe progressive d’ense­
mencement. Nos hypothèses étaient qu’en créant une
ouverture graduelle dans le couvert forestier, la plus
grande quantité de lumière arrivant au sol stimulerait
la croissance et le recrutement de la banque de semis
de sapin comparativement à des peuplements nonaménagés. Par ailleurs, cette recrudescence de la banque
de semis serait suffisante pour régénérer les sapinières
à l’étude en présence de cerfs.
73
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Nous avons établi en 1998 un dispositif expérimental
en tiroir avec des parcelles principales disposées de
manière complètement aléatoire. À chaque parcelle,
nous avons appliqué un niveau d’intensité de coupe
particulier (25, 40 ou 0 %). Chaque intensité de coupe
a été répliquée quatre fois pour un total donc de
12 parcelles principales. Dans chaque parcelle principale,
nous avons disposé des placettes d’inventaires de 4 m²
qui étaient clôturées (n=1) et non-clôturées (n=4)
afin de tester l’effet du broutement du cerf sur le
recrute­ment des semis de sapin. Dans chaque parcelle,
nous avons recensé le nombre de semis par essence
et par classe de hauteur avant la coupe, juste après la
coupe et 8 ans après la coupe. Nous avons utilisé la
procédure MIXED, SAS (Little et al. 1996) après avoir
transformer les données en logarithme naturel afin de
respecter l’homogénéité des variances et la distribution
normale des résidus. Puisque les données étaient autocorrélées dans le temps, nous avons utilisé la structure
de matrice de variance-covariance autorégressive qui
minimisait au mieux le critère d’information d’Akaike
corrigé (AICc).
Résultats préliminaires
Les résultats préliminaires montrent que ni l’intensité
de coupe (p=0,82), ni la présence de clôture (p=0,92)
n’ont eu d’effets significatifs sur le nombre de semis de
sapin (h < 5 cm) par hectare, 8 ans après coupe. Par
contre, l’effet du broutement est ressorti significatif
pour la classe de hauteur des semis de sapin supérieure
à 5 cm (p=0,0193). Le test de comparaison de moyenne
LSMeans a permis de mettre en évidence que les
peuple­ments ayant subi une coupe de 25 % avaient
significativement plus de semis de sapin > 5 cm que
les peuplements ayant subi une réduction de 40 %.
Par ailleurs, aucune différence significative n’a été mise
en évidence entre les peuplements témoins et les peuple­
ments coupés à 25 %.
Ces résultats, bien que encore trop préliminaires,
indiquent que la coupe progressive d’ensemencement
améliore peu l’établissement et la croissance des semis
de sapin comme on aurait pu le penser. En effet, le fac­
teur limitant le recrutement des semis de sapin s’est
avéré être le broutement du cerf et ce malgré une
ouver­­ture du couvert qui aurait pu avantager le dévelop­
pement de la banque de semis.
L’hypothèse que nous posions initialement, à savoir
que les peuplements traités par coupes progressive
d’ensemencement seraient préférables aux peuplements
non-aménagés en ce qui concerne l’ensemencement et
la croissance de semis de sapin n’a pas pu être vérifiée
à partir des résultats préliminaires présentés ici.
Conclusion
Il est encore prématuré pour trancher clairement si la
coupe progressive est efficace ou pas afin de régénérer
adéquatement les sapinières de l’île d’Anticosti. Des
analyses supplémentaires devront confirmer ou contre­
dire les résultats préliminaires présentés ci-haut.
Toutefois, à titre juste de tendance, elle semble avoir un
pouvoir limité pour stimuler la dynamique de la banque
de semis en présence de densité importante de cerf de
Virginie. D’autres types de coupe sont actuellement à
l’étude pour tester, comme la coupe progressive, leur
potentiel à produire une régénération naturelle massive
en sapin. Il s’agit de la coupe par bandes et de la coupe
avec réserve d’îlots semenciers. Dans un avenir proche,
les trois types de coupe pourront être comparées
entre elles afin de définir quels sont les variables qui
influencent l’établissement et le recrutement des semis
de sapin et dans quelle mesure ces variables peuvent
compenser les effets négatifs provoqués par le broute­
ment chronique du cerf de Virginie sur la croissance
des jeunes semis.
Bibliographie
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74
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Les plantations d’acajou aux Fidji :
modèle d’exploitation durable au Pacifique ?
Mélie MONNERAT
Étudiante à la maîtrise en géographie
Université Laval
Introduction
L’acajou à grandes feuilles, Swietenia macrophylla,
compte parmi les espèces ligneuses les plus lucratives
sur le marché international du bois tropical. Dans
un contexte mondial où le rythme d’exploitation des
spéci­mens indigènes menace la capacité de survie
de l’espèce, les plantations d’acajou aux Fidji (État
insulaire du Pacifique sud), les plus vastes au monde
prêtes à être récoltées, proposent une alternative et un
modèle en ce qui concerne une exploitation durable de
l’acajou. À l’échelle nationale aux Fidji, la gestion de
ces plantations implique des changements aux niveaux
sociopolitiques, économiques et environnementaux. Le
but de cet article est de situer les plantations d’acajou
de Fidji dans le contexte mondial d’exploitation de
l’acajou et de mettre à jour les problématiques propres
aux plantations d’acajou de Fidji.
L’approche a consisté dans un premier temps, de
septembre 2005 à mars 2006, en un recensement de la
littérature traitant de l’exploitation forestière de l’acajou
en ce qui concerne les aspects environnementaux et
sociaux, particulièrement dans l’aire de répartition
natu­relle de l’arbre. Dans un deuxième temps, un
séjour sur le terrain a été effectué, de juillet à sep­
tembre 2006, permettant une collecte de données
locales de documents proprement relatifs aux Fidji
(rapports ministériels, rapports environnementaux,
documentation universitaire), à quatre visites dans
les plantations, à cinq entrevues auprès d’acteurs clés
impliqués dans l’exploitation forestière de l’acajou et à
un questionnaire passé auprès de treize répondants du
village de Vunaniu possédant des terres à acajou.
Répartition et valeur de l’acajou, hier et aujourd’hui
Lorsque les premiers essais d’essences ligneuses au
potentiel commercial sont tentés aux Fidji dans les
années 1950 et 1960, S. macrophylla se révèle immédia­
tement et de façon probante l’espèce la plus prometteuse
pour le développement du programme de reboisement
national. En effet, l’acajou s’avère pousser plus vite et
mieux que toutes les autres espèces ligneuses mises à
l’essai, et ce, partout où l’espèce est essayée. Il semble en
effet que S. macrophylla s’adapte à tous les gradients de
pH, de pente, d’altitude et de pluviométrie de Fidji, avec
cependant une facilité pour les zones de l’arrière-pays,
plus élevées en altitude et plus pluvieuses. S. macrophylla
est donc établit en monoculture sur 50 000 hectares de
reboisement répartis sur 14 plantations sur les deux
grandes terres de l’archipel : Viti Levu et Vanua Levu
(Jaakko Poyry, 2004 ; Watling et al., 2005).
Étant donné le statut particulier des terres aux Fidji
qui appartient à 90 % aux clans fidjiens, les mataqalis, le
développement des plantations s’est fait sur des terres
louées par l’État par le biais du NLTB (National Land
Trust Board) et les plants ont été achetés, importés et
plantés avec les fonds publics. Les terres choisies par
l’État pour l’instauration des plantations sont princi­
palement les terres ayant été sujettes à une première
exploitation forestière des espèces ligneuses fidjiennes
précieuses, dont le bois de tek. C’est la Fiji Hardwood
Corporation Limited (FHCL), une entreprise d’État
inscrite au ministère des Entreprises privées, qui a la
responsabilité de la gestion des plantations. Son mandat
consiste en la gestion des plantations d’acajou au profit
de l’État et de tous les Fidjiens (Fiji Mahogany Act,
2003 ; Watling et al., 2005).
Le principe moteur du projet est la remise en valeur
des terres défrichées par la plantation d’acajou. Avec
l’accord des chefs de clan de l’époque, les terres ont été
louées pour les sommes dérisoires en cours à l’époque
pour de la simple location, sans égard aux profits qui
pourraient par la suite en être retirés par l’État. Ces
transactions seront par la suite contestées et font
l’objet des revendications des clans qui estiment avoir
été abusés dans leur ignorance de l’enjeu économique
des transactions. Des procédures légales ont depuis été
entamées afin de rétablir une équité envers les clans qui
possèdent des terres à acajous. Certains pourparlers
sont toujours en cours (Korovulavula, 2005).
Position favorable face aux problèmes mondiaux
de production et de disparition de l’acajou
Écologie générale
S. macrophylla est un des trois gènes de la famille
des Meliacea qui comprend également S. humilis et
75
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
S. mahogany. Ces deux derniers sont aujourd’hui éteints
commercialement suite à une surexploitation de l’espèce.
Le commerce de l’acajou remonte au xviie siècle,
lorsque l’industrie de la navigation commence à utiliser
S. mahogany, dans la Caraïbe, pour construire les mâts
des bateaux. L’exploitation se fera jusqu’à l’épuisement
des stocks, l’arbre réunissant des propriétés de dureté,
de longueur du tronc et de droiture du tronc recherchés
pour de bons mâts de bateaux. C’est par la suite que
S. humilis, surtout présent en Bolivie, sera exploité
jusqu’à épuisement des stocks. S. macrophylla est aujour­
d’hui le dernier gène de la famille des Meliacea à être
commercialement exploité (Snook, 1996).
L’aire de répartition des Swietenia s’étend sur tout le
bassin de l’Amazone, de la côte Atlantique à la côte
Pacifique, du sud du Brésil au Mexique, couvrant
ainsi la plus grande partie de l’Amérique du sud, de
l’Amérique centrale, du sud du Mexique et les Caraïbes.
S. macrophylla se retrouve dans son aire de répartition
sous forme de forêt en coupole, c’est-à-dire que les
popu­lations se trouvent groupées et dispersées de
façon discontinue dans le bassin de répartition. Cette
forme de distribution s’explique par le processus de
reproduction de l’acajou (Helgason et al., 1996 ; Brown
et al., 2003).
De fait, l’acajou nécessite une surface aérée pour
que les plants se développent et grandissent et les
individus reproducteurs, les seuls en mesure de pro­
duire des graines, sont les plus anciens et les plus
gros. Les graines sont dispersées par le vent et l’eau
et s’établissent dans les aires perturbées par des évène­
ments naturels (inondation, feux de forêts, cyclone). La
canopée précédente est détruite par la perturbation,
permettant un accès facile et abondant à la lumière par
les jeunes plants d’acajou.
L’acajou est un arbre à canopée haute, à la croissance
rapide, qui demande beaucoup de lumière durant la
pousse. C’est un compétiteur redoutable par sa vitesse de
croissance et sa canopée large qui absorbe rapidement
beaucoup de lumière. Le schéma de distribution de
l’acajou consiste en de larges populations équiennes
(dont la majorité des individus ont le même âge) qui se
trouvent de façon discontinue dans l’aire de répartition.
Ce schéma de distribution s’explique par le fait que
les graines et les jeunes plants nécessitant beaucoup
de lumière pour survivre, colonisent et s’établissent
sur des aires au préalable dégradées par des causes
naturelles (Mayhew et Newton, 1998).
Corrélation entre processus de reproduction et exploitation
Les processus de reproduction sont repris par les
forestiers pour justifier les coupes à blanc qui détruisent
le bassin forestier de l’Amazone : en coupant à blanc les
76
populations d’acajou, ils établissent une aire propice
à sa reproduction. La réalité s’avère différente. En
effet, de nombreuses études le démontrent, les coupes
forestières, qu’elles procèdent par sélection ou par
coupes à blanc, exercent une pression significative sur
la capacité de reproduction de l’acajou en extirpant
systé­ma­tiquement les individus reproducteurs
(Verissimo et al., 1995 ; Rodan et Campbell, 1996 ;
Whitman et al., 1997). Présentement les pratiques
forestières concernant l’acajou à grande feuille sont
dévastatrices sur les populations naturelles de l’espèce.
Si le taux d’exploitation et la façon dont les spécimens
sont exploités ne sont pas changés dans les Amériques,
l’espèce est amenée disparaître sur le plan commercial,
à l’instar de S. humilis et S. mahogany.
C’est dans cette optique que la Convention sur le
commerce international des espèces de faune et de
flore sauvages menacées d’extinction (CITES) a inscrit
en 1998 S. macrophylla à l’annexe II de la Convention.
L’annexe II établit que l’espèce n’est pas immédiatement
en danger d’extinction, mais que le rythme actuel
d’exploitation est incompatible avec ses capacités de
survie (l’annexe II comprend toutes les espèces qui ne
sont pas nécessairement menacées d’extinction, mais
dont le commerce des spécimens doit être réglementé
pour éviter une exploitation incompatible avec leur
survie). L’exploitation des spécimens sauvages de S.
macrophylla est donc soumise à une réglementation
que doivent s’assurer de suivre les États qui en font le
commerce (Rodan et Campbell, 1996).
Le contexte mondial de l’exploitation de l’acajou sauvage
est controversé car le taux d’exploitation est supérieur
à la capacité de renouvellement de l’espèce, ceci ayant
pour conséquence de produire une érosion génétique
de l’espèce et de mener à son extinction commerciale
(Brown et al., 2003). Par ailleurs, le commerce de
l’acajou sauvage est controversé dans le sens que les
coûts humains liés à cette exploitation sont énormes.
En effet, plusieurs compagnies forestières rejettent
toute forme de réglementation et pratiquent des coupes
illégales, notamment dans les réserves autochtones
où vivent par exemple les communautés Kayapos
du Brésil. Des cas de tueries dans les zones reculées
de l’Amazonie où les équipes forestières font appel
à des hommes armés pour contrôler les populations
indigènes ont été signalés (Blundell et Gullison, 2003).
Il se pratique également un commerce illégal de l’acajou
difficilement contrôlable par les États, d’autant plus
que les pays acheteurs (notamment les États-Unis,
l’Angleterre et la Chine) n’exigent pas les certificats
légaux délivrés par les pays exportateurs. Finalement,
les routes forestières ouvertes dans les zones de plus
en plus reculées de l’Amazonie et des arrières pays
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
encouragent une avancée effrénée de la colonisation
agricole par les paysans. Ceci a pour conséquence
d’une part de condamner le renouvellement du bassin
forestier le plus important de la planète, et d’autre
part, d’être à l’origine d’un lessivement des sols dont
la couche fertile est peu profonde et fragile, donc peu
propice à l’agriculture, maintenant dans la pauvreté les
paysans colonisateurs (Walters et al., 2005).
Dans cette optique, les plantations d’acajous de Fidji
présentent une alternative intéressante à plusieurs
niveaux. Il s’agit en effet de la plus grande superficie
d’acajou plantée au monde prête à la récolte. Les stocks
représentent 50 000 hectares qui entreront bientôt
sur le marché international. Les revenus annuels sont
estimés à 250 millions, soit une augmentation de 5 %
du PIB fidjien, cela lorsque l’exploitation forestière sera
en marche et efficace, soit dans une dizaine d’années.
Par contre, ces chiffres tiennent compte des revenus
découlant d’une industrie de transformation et de valeur
ajoutée de l’acajou sur le territoire, qui n’a pas atteint
à ce jour les proportions escomptées. Les plantations
d’acajou ont par ailleurs ceci d’intéressant qu’elles
sont le résultat d’un projet national de reboisement
lancé dans les années 1960. Il s’agit à cet égard d’une
entreprise nationale dont les bénéfices doivent revenir
à toute la population. Les plantations sont loin des
abus et des violences faites à l’encontre des populations
indigènes ainsi que des menaces d’extinction de
l’espèce. De plus, le capital économique que représente
ces plantations a le potentiel de soutenir à long terme
l’économie fidjienne (Nabalarua, 2005).
Est-ce que l’aménagement de l’acajou est durable
maintenant et à l’avenir ? Problèmes et possibilités.
Fidji présente en même temps des particularités
géographiques et sociales spécifiques qui en font un
cas d’étude de premier intérêt pour des recherches sur
l’exploitation forestière de Swietenia macrophylla et qui
demandent à être abordées de façon plus spécifique. Un
des premiers aspects à prendre en compte lorsque l’on
aborde les questions environnementales aux Fidji est le
fait qu’il s’agit d’un écosystème insulaire du Pacifique.
Selon la théorie de la dispersion et de la colonisation de
Robert MacArthur et E.O. Wilson (1967) les espèces
de la flore et de la faune provenant du point chaud de
la biodiversité dans le monde dont les trois angles sont
situés aux Philippines, en Indonésie et en Papouasie
Nouvelle-Guinée, se sont dispersées, transportées par
les courants marins vers les très nombreuses îles du
Pacifique. Or, le nombre d’espèces que l’on retrouve sur
chaque terre émergée est déterminé par 1) le facteur de
distance entre le point chaud et l’île et 2) le facteur de
la superficie de l’île. Ces deux variables déterminent le
taux d’extinction et de migration des espèces. Selon la
théorie, plus l’île est éloignée de la source de dispersion
des espèces, moins il y a de diversité d’espèces et
plus il y a un taux élevé d’endémisme, les processus
d’évolu­tions et d’adaptations étant alors plus marqués
(MacArthur et Wilson, 2001). Les îles Fidji se trouvent
passablement éloignées de la source de diffusion des
espèces et par le fait même présentent des écosystèmes
fragiles.
Les écosystèmes insulaires, dont Fidji est un bon
exemple, sont fragiles car le manque d’espèces laisse
plusieurs niches écologiques libres, présentent peu de
compétiteurs, donc une faible résistance à un possible
compétiteur introduit et peu de nuisibles, donc une
faible résistance à l’introduction d’un nuisible. En ce
qui concerne les écosystèmes forestiers plus particu­
lièrement, ceux des îles du Pacifique présentent
généralement une canopée moins haute car les espèces
ligneuses n’ont pas grand besoin de dominer pour
accéder à la lumière. Ces différentes caractéristiques de
la biodiversité insulaire produisent, dans le cas des îles
Fidji, un écosystème forestier fragile à l’introduction
de nouvelles espèces (Denslow, 2003).
Ainsi, nous pouvons comprendre que l’introduction
à grande échelle de l’acajou présente un risque élevé
d’invasion de l’écosystème terrestre (Richardson,
1998). Déjà, plusieurs signes donnent l’alarme : l’acajou
est régulièrement trouvé en dehors des limites des
plantations, particulièrement le long des cours d’eau et
particulièrement dans les terres en friches des cultures
vivrières qui ceinturent les plantations. S. macrophylla
semble présenter des signes d’invasion virulente que
nous pouvons concrètement comprendre par la fait
que, premièrement, il s’agit d’une espèce issue d’un
écosystème à très forte compétitivité (le bassin de
l’Amazone) où la diversité des espèces en plus de leur
abondance est très élevée et dans cet écosystème, S.
macrophylla est lui-même un dominant. Deuxièmement,
le niveau d’adaptation de S. macrophylla est remarquable,
l’espèce étant fertile dans un fort gradient pH du sol,
un fort gradient de pente, d’altitude et de pluviosité.
Troisièmement, l’agriculture vivrière, partie intégrante
du mode de vie Fidjien, fournit aux graines d’acajou
une multitude de terres en friches, particulièrement
propices à la colonisation (Snook et Negreros-Castillo,
2004). Finalement, les paysans introduisent eux-mêmes
dans les villages et sur leurs terres des plants d’acajou
afin d’en retirer des bénéfices économiques dans le futur.
L’enquête sur le terrain démontre que bien qu’aucun
savoir traditionnel n’accompagne l’acajou, trop récem­
ment introduit aux pays, les villageois ont décelé et
s’inquiètent du potentiel d’invasion de l’acajou.
77
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Parmi les premiers effets observés se trouve la vitesse
de colonisation de S. macrophylla des terres en friches,
une vitesse qui dépasse la capacité des paysans à les
extraire lorsque vient le temps des semis. Cela a pour
conséquence d’obliger un déplacement des terres
agri­coles, les paysans devant battre en retraite et
éloigner de plus en plus leurs cultures des limites
des plan­tations. Cela est notamment dû au fait que
l’acajou siphonne les nutriments du sol, rendant
difficile la cohabitation avec les tubercules et autres
cultures vivrières traditionnellement pratiquées qui,
aux dires des cultivateurs, prennent un goût amer et
dont la taille et le volume sont atrophiés. Par ailleurs,
les feuilles d’acajou qui s’accumulent dans les cours
d’eau entre novembre et février bloquent les drains
d’approvisionnement en eau des villages, l’intoxiquent
et lui donnant une couleur brunâtre ainsi qu’un
mauvais goût. Cette eau endommage les tissus et altère
la faune aquatique fragile des cours d’eau. Il semble
par ailleurs que l’embouchure des cours d’eau qui, en
amont, traversent des plantations d’acajou, puisse avoir
des effets néfastes sur les récifs coralliens des lagons de
Fidji justement à cause de sa toxicité.
L’invasion commence à se manifester, les acajous des
plantations, avec un cycle de maturité précoce de 40
ans, sont matures et donc entament actuellement un
processus de reproduction et de colonisation massif. La
situation est encore jeune mais demande une attention
adéquate et rapide afin de déterminer le potentiel
réel d’invasion de l’acajou spécifique à l’écosystème
insulaire fidjien. Des impacts à plus grande échelle sont
en effet à considérer en ce qui concerne l’invasion de
l’acajou et dans ce sens, des aides pouvant être apporté
aux paysans sont à planifier, ainsi que des moyens de
répression de la colonisation en dehors des limites
des plantations, particulièrement en ce qui concerne
les terres agricoles. Finalement, des campagnes de
sensibilisation et d’information dans les villages sont
à envisager.
Défis et perspectives
Parmi les défis immédiats qui pointent dans la gestion
des plantations, le plus important est certainement celui
du projet de certification par la Forest Stewardship
Council (FSC). Internationalement reconnu, le FSC
est un organisme sans but lucratif qui atteste par son
certificat que les méthodes d’exploitation forestière
sont durables pour la ressource forestière elle-même
ainsi que pour l’environnement dans lequel elle
s’inscrit. Le certificat du FSC atteste également de
l’équité sociale et économique pour les communautés
locales et les différents intervenants (Poschen, 2000).
78
Il s’agit d’un projet à long terme, entamé aux Fidji en
2002 et toujours en cours, plusieurs étapes d’évaluation
par le FSC devant être atteintes, chacune caractérisée
par des recommandations et des corrections – majeures
et mineures (Smartwood, 2005 ; Watling et al., 2005).
Ce processus de certification, s’il est rencontré, ouvrira
pour Fidji une niche économique fort lucrative étant
donné la rareté de l’offre de S. macrophylla portant
l’attestation du FSC. Il va sans dire que le prix des stocks
fidjiens prendraient une nouvelle valeur économique et
pourraient assurer à long terme un revenu économique
important pour l’État (Bass, 1998).
Autre défi à relever dans la gestion des plantations
sera la mise en œuvre des coupes forestières. En
effet, le programme de la FHCL prend du retard, en
raison d’infrastructures inadéquates, d’un manque de
préparation et de tensions avec les clans fidjiens qui
possèdent les terres sur lesquelles se trouvent les
plantations. Or, ces retards dans les coupes altèrent
la qualité des stocks, le cycle de maturité des acajous
avance, augmentant la probabilité des arbres d’être
endommagé par la saison annuelle des cyclones. Le cas
échéant, les branches cassées rendent l’arbre susceptible
d’être atteint de diverses maladies naturelles, dont
l’intrusion de champignons qui affectent directement
la dureté du bois et le rende inutilisable comme bois
de construction. Il s’agit donc d’entrer prochainement
dans les processus de coupes afin de préserver la qualité
du bois.
Conclusion
À l’échelle globale, les plantations de Fidji présentent
une alternative avantageuse dans la production d’acajou,
loin de la surexploitation des spécimens indigènes et
des violences faites aux communautés des réserves
du bassin de l’Amazone. La gestion des plantations
d’acajou dans ce pays du Pacifique insulaire s’inscrit
par ailleurs dans un projet national de reboisement,
géré par une entreprise d’État et où les communautés
locales et les différents intervenants doivent être pris
en compte autant dans les processus décisionnels que
dans l’équité de la distribution des bénéfices.
Il apparaît cependant, lorsque l’on change de niveau
d’échelle, que divers impacts, autant environnementaux
que sociaux et économiques, se manifestent de façon
particulière. Ainsi, dans l’analyse des aspects envi­
ron­nementaux des plantations d’acajou de Fidji,
l’appréhension du phénomène à l’échelle globale,
nationale et communale, semble indispensable pour
tirer la compréhension la plus rigoureuse possible du
phénomène.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
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3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Séance 4
Adaptation aux changements climatiques
80
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Éthique de la coopération et le développement durable
Ginette KARIREKINYANA
Étudiante au doctorat en Philosophie
Université Laval
Introduction
« Un monde sans faim » est la devise de Monsanto,
ce leader mondial des Organismes Génétiquement
Modifiés1 (OGM) de première génération. Toutes les
grandes firmes, organisations internationales avancent
les mêmes arguments à caractère philanthropique
pour promouvoir les biotechnologies agricoles. Ceuxci s’expriment en formules brèves et publicitaires
telles que : « combattre la faim dans le monde »,
« réduire la pauvreté, promouvoir le bien-être des
popu­lations, stimuler la croissance agricole, et protéger
l’environ­nement » 2. Ces promesses sont reprises
avec force et vigueur dans l’initiative de l’Alliance
pour la Révolution verte en Afrique proclamée par
les fondations de Rockefeller et Bill&Melinda Gates
en Septembre 2006 et dont le but est la promotion
d’un modèle de développement agricole basé sur la
sélection de nouvelles variétés de semences destinées
aux petits agriculteurs africains. Elles (ces promesses)
affichent un engagement éthique sous la forme d’une
responsabilité sociale assumées par des entreprises
agro-alimentaires dans un monde où 75 % des pauvres
dépendent de l’agriculture pour survivre. Ainsi
présentée, l’image des entreprises et organisations
œuvrant dans les biotechnologies agricoles paraît
éloignée de l’idéologie de la croissance, « la croissance
pour la croissance ». Accorderaient-elles désormais la
plus grande priorité aux besoins essentiels des plus
vulnérables de la terre ? C’est en restant dans cette
logique philanthropique à l’égard des pays du Sud et
en fonction de la responsabilité sociale des acteurs qui
s’érigent en entreprises des sciences de la vie œuvrant pour
le développement durable3 que nous nous proposons de
poser les jalons d’analyse en vue d’une éthique de la
coopération.
En effet, si on en croit les slogans, la puissance biotech­
nologique se positionne, du moins théoriquement, en
instrument au service de l’homme et réhabilite ainsi
la pratique de la « bienfaisance » envers la plus grande
partie de la population mondiale affligée par la faim, la
pauvreté et « tous ces périls qui font pression sur la vie
humaine en provoquant des multiples souffrances »4.
Assistons-nous à une prise de conscience éthique
des entreprises privées appuyées par les agences
gouvernementales, les organisations internationales
et les fondations caritatives ? Celles-ci semblent avoir
dépassé la vision depuis longtemps dominante de
Milton Freedman décriant, au nom de la primauté
de la performance financière, le concept même de
la responsabilité sociale au sens des exigences de
l’entreprise envers les sociétés locales et le respect des
droits humains.
Au-delà de l’élan bienveillant des entreprises et autres
organisations, force est de constater que l’agriculture
fait aujourd’hui l’objet des négociations commerciales
internationales5. C’est par conséquent dans ce contexte
inédit parce que tributaire d’un jeu complexe inhérent
aux structures internationales du commerce et des
échanges des services et des biotechnologies6 et où les
principes les plus fondamentaux (droit à la propriété
intellectuelle et droit à l’alimentation) peuvent entrer
en contradiction que nous posons la question suivante :
comment les entreprises engagées dans les bio­tech­
nologies agricoles et faisant affaires avec les pays sous
développés concilient-elles les promesses, somme toute
humanistes7 et les exigences du marché capitaliste ?
Il semble que les aspects de la RSE en matière de
l’introduction des OGM dans les pays du Sud se
démarquent du cadre occidental8 à l’intérieur duquel
l’analyse de la RSE s’est développée. Relativement à
cette notion, une lecture éthique s’avère absolument
nécessaire compte tenu des spécificités prioritaires
des pays en développement9. Celles-ci sont de trois
ordre : premièrement, l’ensemble des PED sont de
vocation agricole, deuxièmement l’agriculture est un
facteur incontournable du développement durable,
troisièmement la production agricole garantit la
sécurité alimentaire10. Il s’agit donc dans cette analyse
de relever les implications éthiques des opérations
menées au Sud par différents acteurs de la filière de
production des plantes transgéniques11.
Notre grille d’analyse de la responsabilité sociale en
tant que condition éthique des échanges Nord-Sud
81
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
dans le domaine du développement agricole s’inspire
en toile de fond des critères de la bienfaisance telle que
« décrite par Sénèque lorsqu’il se demande quelle sorte
de bienfaisance il faut pratiquer, et de quelle manière. Il
faut, dit-il, donner d’abord le nécessaire, puis l’utile, puis
l’agréable, et le plus possible ce qui doit durer. Parmi
les choses nécessaires relevons celles qui apportent la
vie (…) ; les choses aussi sans lesquelles on ne peut
pas vivre ; celles sans lesquelles on ne doit pas vivre ;
et celles sans lesquelles on ne voudrait pas vivre (…).
Puis viennent d’autres choses utiles comme l’honneur
(…) »12. De fait, en ce qui concerne les relations NordSud, la RSE soulève une problématique à visage humain
que ne saurait escamoter l’éthique pour autant que
celle-ci s’inscrit dans la perspective d’humanisation
des pratiques de gestion et de codes de conduite des
entreprises et organisations faisant affaires avec les
sociétés humaines.
Notre illustration porte sur l’activité agricole au
Burundi, au risque de se retrouver face à un cas de
figure de la responsabilité sociale de la main invisible13.
Le Burundi est l’un des pays les plus pauvres de la
planète et dont les populations connaissent des famines
de plus en plus meurtrières depuis 2005. L’assistance
humanitaire y est généralisée et se concentre surtout
dans le domaine agricole. On conviendra que ce qui
est valable pour les entreprises privées, l’est également
pour les agences gouvernementales, les organismes
internationaux et les fondations caritatives. Car,
quels que soient les acteurs impliqués dans le débat
qui entoure les OGM, on invoque que la transgenèse
végétale est susceptible de contribuer à l’essor
économique et social des PED. L’accent porte par
conséquent sur les bénéfices anticipés de l’utilisation
de semences transgéniques, et donc en quelque sorte,
sur les promesses du « virage transgénique ».
Vulnérabilités agricoles dans les pays en
développement et l’usage des biotechnologies :
Cas du Burundi.
La vulnérabilité a été définie par World Food Summit
en 1996 comme « une situation dans laquelle se conjuguent
divers facteurs qui mettent les populations dans une situation
de risque les conduisant à l’insécurité alimentaire et/ou
de malnutrition affectant leurs capacités à faire face à ces
risques ». Au Burundi, la vulnérabilité du secteur socioéconomique touchant l’agriculture y est sans mesure
alors même que 90 % de la population dépendent de
leur production agricole. Parmi les multiples causes,
notons – les maladies dévastatrices des cultures
comme le complexe fongique pour la colocase,
la bacté­rie BXW 14 de banane et la mosaïque de
manioc – l’insuf­fisance de terres agraires – la mauvaise
qualité de surface cultivable – l’appauvrissement des
82
sols – les maigres récoltes – le dérèglement clima­
tiques occasionnant tantôt la sécheresse tantôt les
pluies diluviennes (pluies fortes, inondations, grêle,
éboulement, etc.) – les maladies comme le SIDA et la
malaria – les faibles revenus – la malnutrition – la sousalimentation – la vulnérabilité structurelle du pays –
aussi, dans une moindre mesure (selon les propos des
observateurs avisés) les conflits armés et le pillage des
récoltes. L’insécurité alimentaire15 qui y sévit confirme
la vulnérabilité à laquelle fait face les populations. On
parle d’une situation d’extrême précarité caractérisée
d’un déficit alimentaire grave et qui expose les
populations à une faim non pas passagère mais quasi
chronique, responsable d’une grave surmortalité.
En effet, les chiffres16 de décès pour cause de la faim
depuis 2005 montrent que les populations burundaises
font partie des 100 000 personnes qui meurent de faim
ou de ses conséquences immédiates tous les jours17,
des 826 millions d’êtres humains en permanence sousalimentés, des 1,2 milliard d’êtres humains touchés par
la pauvreté extrême (selon les critères de la Banque
mondiale). Les paysans vivent dans une misère incom­
mensurable, celle-là même qui les confinent dans la
vulnérabilité alimentaire grave.
Si c’est vrai que les données montrent l’injection des
semences dites, en jargon des intervenants interna­
tionaux, de variétés supérieures et performantes dans
le système agricole au Burundi depuis 2001-2002,
il convient de vérifier leur efficacité par rapport à
l’impératif de lutte contre la faim et la pauvreté mais
aussi dans la perspective du développement durable.
Crise alimentaire et réponse des organismes
internationaux
Face à la crise alimentaire, la réponse des organismes
humanitaires est massive : Le total des ménages ayant
directement bénéficié de la distribution de semences et
de matériel végétal de qualité depuis la saison 2001B
jusqu’en 2006C s’élève à environ 300 000, soit 19 % de
la population totale18 (30 % en 2007). Ainsi en 2006
par exemple, « l’injection dans le système traditionnel
de variétés performantes et/ou saines des principales
espèces cultivées (haricot, soja, maïs, sorgho, riz, vitroplants de bananiers, plants fruitiers, plants agroforestiers
et boutures de patate douce riche en ß carotène) a
touché environ 64 340 ménages répartis dans toutes les
provinces »19. Signalons que cette intervention s’effectue
exclusivement dans le cadre des aides d’urgence mais
a-t-on pensé aux conséquences sur l’agriculture à
long terme ? L’introduction des plantes issues des
biotechnologies modernes se généralise sans égard aux
principes de précaution tel que prévu par la convention
internationale sur la biosécurité et la biodiversité.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
En Occident en général et en Europe en particulier,
l’utilisation des plantes transgéniques est strictement
sous contrôle de l’autorité publique et la vigilance de
la société civile y est accrue. Ailleurs dans le monde,
les controverses abondent dans tous les sens en raison
de – la dépendance des petits agriculteurs aux semences
importées – l’appauvrissement des populations – la
pollution génétique – la contamination des sols –
l’augmentation des prix des produits alimentaires
de premières nécessités (la tortia au Mexique par
exemple) – l’augmentation des prix des céréales sur
le marchés internationaux. En 2004, des centaines
des ONG représentant les sociétés civiles ont adressé
une correspondance au directeur de la FAO dont voici
l’extrait : « Si nous avons appris quelque chose des
échecs de la Révolution verte, c’est que les «avancées»
technologiques dans la génétique des plantes cultivées
pour que les semences répondent à des intrants
externes vont de pair avec une polarisation socioéconomique croissante, un appauvrissement rural et
urbain et une plus grande insécurité alimentaire. La
tragédie de la Révolution verte réside précisément
dans sa vision technologique étroite qui ignore les
fondements sociaux et structurels bien plus importants
de la faim. » Ces remarques devraient servir de leçon
de prudence dans l’intervention humanitaire. En
dehors des considérations techniques, notons que l’aide
humanitaire telle que livrée au Burundi est éthiquement
problématique dans la mesure où compte tenu de la
situation de vulnérabilité, les populations sont placées
dans une position sans choix « Ou les OGM ou rien ».
Il leur est impossible de discerner si l’aide reçue leur est
bénéfique ou non, si les semences reçues sont adaptées
aux conditions agraires du Burundi. Comment ne
pas s’interroger sur les avenues de ce type d’aide à la
lumière des enjeux mondiaux ?
En plus d’une arme politique, le recours au moratoire20
révèle l’existence d’enjeux économiques majeurs, de
même que le droit de brevet sur les OGM : « Chaque
acte et chaque produit du génie génétique, d’une
part, chaque organisme ou fragment d’organisme qui
en est issu d’autre part, peut être breveté au titre de
technologie innovante pouvant avoir une application
industrielle »21. On constatera en outre qu’en dépit des
possibilités potentiellement infinies d’applications de la
transgénèse22 (végétale), celles-ci ne concerne qu’un
nombre réduit de cultures23 en étroite relation avec les
besoins de l’agriculture industrielle. En 2002, sur 100 %
d’OGM, 75 % sont résistants aux herbicides, 17 % sont
résistants aux insectes BT et 8 % résistants aux deux
soit résistance herbicide et résistance aux insectes24.
On sait par ailleurs que ces plantes spécialement
élaborées pour des fins commerciales ne sont pas celles
dont on fait don aux pays du Sud. Ainsi, le rapport
du Ministère de l’agriculture et d’élevage mentionne
qu’aucours de l’année 2006, « des attaques par les
chenilles légionnaires sur les cultures de riz, de patate
douce et de blé ont été signalées sur tout le territoire
national. » Ce qui compromet la production agricole et
résout difficilement le problème de famine.
Comme le dirait Couloubaritsis, si la bienfaisance
« a le mérite d’allier tout ce qu’on peut accorder à la
solidarité et à la générosité, elle y ajoute les valeurs
de bien faire et de faire le bien »25. Nous avons là des
pistes d’analyse de la RSE, ici appliquée aux organismes
humanitaires en charge de la dissémination des OGM
dans les pays où sévit une grande vulnérabilité tel que
le Burundi. S’il est généreux et louable de répondre
aux besoins ponctuels là et maintenant, les impératifs
du développement durable bien connus par ailleurs en
Occident devraient orienter le mode d’intervention
pour ne pas « compromettre la capacité des générations
futures de répondre aux leurs ». Pour le cas des OGM
en Afrique, la dépendance des populations assistées là et
maintenant est tel qu’on se soucie peu du développement
durable. Les biotechnologies agricoles sont peut-être
susceptibles de contribuer à la lutte contre la faim
et la pauvreté. Le saurons-nous vraiment un jour si
même la philanthropie ne respecte pas les valeurs
élémentaires relatives à l’éthique de la coopération ?
Qu’en est-il de l’efficacité des semences dites de variétés
supérieures ?
Introduction des semences de variété supérieure
et intrants agricoles : pour quelle efficacité ?
Pour pallier à la malnutrition, les organismes huma­
nitaires ont jugé bon d’introduire la patate douce
enrichie de Béta-carotène. Quant aux maladies des
cultures à tubercule comme le manioc et la colocase
et la bactérie de banane, ils prônent l’éradication
systématique pour les remplacer par de nouvelles
boutures. Celle-ci affecte environ 70 % de la superficie
totale cultivable. « Dans le souci de rétablir une sécurité
semencière minimale au niveau des communautés
rurales et de faire face au problème de mosaïque du
manioc qui tend à se généraliser dans tout le pays, la
FAO/CAU a mis en place un programme de multi­
plication et de distribution des boutures de patate
douce dans les provinces affectées par la mosaïque.
À côté de ce programme, la même unité de la FAO a
mis en place un programme de multiplication rapide de
boutures de manioc saines et tolérantes à la mosaïque
et de multiplication in vitro de la colocase. Pour autant
qu’un appui conséquent des bailleurs de fonds soit
disponible, sur base de près de 58 hectares en cours
de multiplication, la FAO et ses partenaires planifie
la mise en place de 600 hectares en octobre 2006
(2007A), et 6 000 hectares en octobre 2007 (2008A).
83
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
À ce rythme, la FAO et ses partenaires pourraient
renouveler 70 % des champs de manioc (84 000 hectares
en 2002, considérée comme une année de référence)
par les nouvelles variétés en multiplication en octobre
2008. »26 Notons l’importance de la culture de patate
douce dans toutes les provinces du pays en raison de
la durée nécessaire à la production de banane, manioc
et colocase. Ce qui entraîne la dégradation de la ration
alimentaire.
En effet, la généralisation, par l’action humanitaire,
de la patate douce enrichie de béta-carotène n’a pas
empêché l’aggravation de la situation nutritionnelle à
cause de l’absence du manioc, de banane, de colocase
dans l’assiette familiale. Ces cultures sont fréquemment
consommées et transformées pour divers besoins
alimentaires (la banane est utilisée pour la cuisson,
mangée comme fruit en plus d’être une importante
source de revenu pour sa production de bière et de
vin de banane. On a beau multiplié la distribution
des boutures de la patate douce, et quelles que soient
ses qualités nutritives, cette plante enrichie de bétacarotène ne peut juguler la crise causée par les
maladies de cultures. En effet, la banane et le manioc
sont considérés comme étant des aliments les plus
importants à la fois au Burundi et dans une grande
partie de la région des Grands Lacs où 20 millions de
personne dépendent de la banane. Incontournable pour
la sécurité alimentaire, la culture de banane couvrait
presque 25 % de la surface cultivée au Burundi. De plus,
le coût de la patate douce enrichie de béta-carotène a
considérablement augmenté. En 2006, elle a enregistré
une importante hausse de prix dans toutes les provinces
du pays (Cankuzo : +71 %, Muyinga, Karuzi : +67 %,
Kayanza : +167 %, Muramvya : +150 %, Mwaro :
+100 % et Gitega : +43 %)27. Cette hausse de prix est
insoutenable dans un pays où, la pauvreté monétaire
augmente sans cesse. Elle est passée de 68,8 % en
1999 à 70,5 % en 2004, selon le rapport national du
développement humain (édition 2005). L’augmentation
des prix à l’interne qui touche l’ensemble des cultures
locales accentue le risque avéré de précarité alimentaire
pour toute la population burundaise. Pour les différentes
multiplications, les variétés se sont comportées
différemment face au virus de la mosaïque. Parmi les
variétés : Abbey-Ife (résistance moyenne) – variétés
7204 et 7688 (plutôt tolérantes) – variétés 0287 et
0735 (susceptibles à la mosaïque sur le même site).
Pourtant, l’injection massive des intrants agricoles se
poursuit : « la FAO prévoit la diffusion pour la saison
2007 de : 6 000 000 de boutures de manioc tolérantes à
la mosaïque, 85 000 vitro plants de colocase, 26 500 000
boutures de patate douce riche en béta-carotène. »28
84
En fin de compte, une réalité saute aux yeux pour
peu qu’on prend la peine de regarder les données : La
comparaison de la production vivrière de ces dernières
années avec celle des années avant-guerre est loin de
certifier l’efficacité de la sécurité semencière visée par
les systèmes agricoles importés : « la production vivrière
totale de 2006 (…) est estimée à 3 696 000 tonnes
contre 3 751 000 tonnes pour l’année précédente, soit
une diminution de 1 %29. Par rapport à la production
moyenne des années d’avant la crise (1988 à 1993)
établie à 3 663 000 tonnes, celle de cette année accuse
une augmentation de 1 % ». Manifestement, l’efficacité
des plantes biotechnologiques au Burundi ne corrobore
pas la promesse des producteurs des OGM. Pourquoi
donc prendre des risques si graves pour l’avenir de
l’activité agricole pour d’aussi minces résultats ?
Les discours promotionnels des biotechnologies agri­
coles oublient souvent de mentionner que les pays du
Sud ne sont que des consommateurs au bas de l’échelle
de la filière de production des plantes transgéniques.
Dans ces conditions, il est difficile de vérifier la
fiabi­lité de leur promesse. Signalons que « 70 % des
investis­sements dans la biotechnologie agricole sont
réalisés dans le secteur privé de la recherche des
pays développés et des pays en développement les
plus avancés. »30 Dans le communiqué de presse du
18 février 2003, Louise Fresco, sous-directrice générale
de la FAO déplore l’absence de programmes publics
d’envergure s’adressant aux principaux problèmes des
pauvres et de l’environnement. Ces propos éclairent
sur le développement inégal (cumulatif pour les
uns, d’exclusion pour les autres) et la concentration
croissante des ressources productives dans les mains
de l’industrie agro-alimentaire. De ce fait, en dehors
de quelques initiatives31 desquelles quelques pays, les
plus avancés des pays en développement tirent leur
épingle du jeu, la véritable mise à disposition des pays
pauvres des biotechnologies reste hypothétique. Ainsi,
les différentes variétés de riz transgénique (riz de rêve
plus nutritif, Aérobic Rice nécessitant moins d’eau, la
pomme de terre transgénique enrichie en acides aminés
nécessaire au développement intellectuel des enfants)
voient le jour en Asie du Sud-Est (Cambodge, Laos,
Inde, Indénésie, Thaillande)32.
Au regard de besoins agricoles et humains des pays
pauvres, il est peu probable que le mode de production
biotechnologique soit leur moteur de développement.
En revanche, la faim continue de faire ses victimes
dans le tiers-monde : en 2015, trois quarts des affamés
seraient des Africains selon les propos de Kofi Annan
en 200233 pendant que la révolution verte alimente la
croissance économique ailleurs. Certes, les coûts de
la recherche biotechnologique sont indéniablement
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
onéreux mais il reste que les principales raisons
d’exclu­­sion relèvent en grande partie des facteurs
indis­sociables du système capitaliste auquel parti­
cipent les organismes internationaux et agences
gouvernementales. La responsabilité sociale à tous
les acteurs est sans aucun doute engagée vis-à-vis des
populations dont ils prétendent venir en aide.
Conclusion
Nous constatons la difficulté à se prononcer clairement
sur la rentabilité des semences transgéniques dans les
pays du Sud. De plus, il n’est pas évident de traiter
de la responsabilité sociale en raison de l’absence de
transparence dans le système des échanges NordSud. Et pourtant, ici et là-bas, « la transparence,
dans une filière nouvelle aux réglementations
mal établies, est une exigence légitime, nécessaire
pour un débat démocratique. Cette transparence
doit porter sur les choix opérés par les recherches
scienti­fiques et technologiques, sur la nature des
OGM, les lieux d’expérimentation en champ, le
fonctionnement des commissions d’experts, l’identi­fi­
cation des responsabilités, la traçabilité des aliments et
l’étiquetage des produits34. » En rapport avec l’insécu­
rité alimentaire, le véritable défi pour les pouvoirs
publics et les sociétés civiles des pays pauvres demeure
la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire, le droit à
chaque nation de maintenir et d’élaborer sa propre capacité
à produire ses propres aliments de base, dans le respect de
la diversité culturelle et productive. Cela reste un idéal
difficilement réalisable dans un contexte spécifique
des pays pauvres. Car, apparemment, si la lutte contre
la faim dans le monde cache les véritables motifs de
l’introduction des plantes transgéniques en Afrique, la
vision moderne du développement agricole qui lui est
unilatéralement imposée, montre le manque de volonté
à prendre en considération le respect de la diversité
culturelle et productive.
Notes
1. L’usage du sigle OGM s’emploie dans ce texte au sens de
plante génétiquement modifiée c’est-à-dire « une plante dans
laquelle chaque noyau de chaque cellule a intégré un gène
(séquence d’ADN) provenant d’une autre espèce. Selon
la protéine produite par ce gène, un trait particulier sera
exprimé dans la plante. » Barbara Bordogna Petriccione,
« OGM et biotechnologies végétales : quelles applications
et pourquoi ? » p. 97 dans L’Europe et les biotechnologies :
urgences et impasses d’un débat démocratique, Université de
Genève, 2004. Pour en savoir sur la question technique du
développement des plantes transgéniques, voir J.D. Watson, M.
Gilman, J. Witkowki and M. Zoller, Recombinant ADN, New
York, Scientific American Books, 2001, 2nd éd., p. 273-290.
2. Peut-on lire sur le site du Groupe Consultatif pour la recherche
agricole internationale, http://www.cgiar.org/languages/langfrench.html.
3. Le rapport Brundtland définit le développement durable
comme « un développement qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des générations
futures de répondre aux leurs. » p. 27, le rapport de Tokyo
sur l’homme et la croissance.
4. Lambros Couloubaritsis, « L’ambiguïté de la bienfaisance »,
p. 156 in Les philosophies de l’humanisme, L’Art de com­
prendre, Paris, 2006, no 15.
5. Jusqu’en 1986, l’agriculture était exclue des négociations
commerciales internationales. Elle était considérée comme
un secteur à part, pouvant bénéficier d’une forte protection
et d’un appui important des États. Plusieurs accords et con­
ventions régionales, internationales et multilatérales sont à
répertorier.
6. La biotechnologie est définie comme étant l’application des
principes scientifiques et biologiques à la modification de
substances par des agents biologiques dans le but de fournir
des biens et des services. Définition tirée du site http://www.
acoa.ca/f/library/reports/biotech.shtml
7. Le qualificatif « humaniste » se rapporte ici à une éthique
du « care » au sens de la prise en compte de la vulnérabilité
des autres. Nous nous référons également au propos de
Couloubaritsis concernant la crise de l’humanisme contem­
porain. Pour lui, l’humanisme renvoie à une obligation de
répondre aux besoins des êtres souffrants. Il écrit, « dans la
mesure où nous vivons dans des régimes démocratiques,
qui admettent, par principe, une forme d’égalité entre les
êtres humains, la réponse à la souffrance ne peut se limi­
ter à un choix facultatif, mais constitue une obligation
qui s’impose comme un principe et une règle de vie. De
sorte que la question qui surgit aussitôt est celle de savoir
comment on peut justifier philosophiquement cette obli­
gation ». « L’ambiguïté de la bienfaisance », p. 144 in Les
philosophies de l’humanisme.
8. Voir la synthèse des arguments et aspects de la RSE sur le
site http://www.generistic.org.
9. Nous utiliserons PED pour désigner les pays en
développement.
10. Selon la définition de la FAO lors du sommet mondial
de l’alimen­tation en 1996, « la sécurité alimentaire existe
lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès
physique et économique à une nourriture suffisante, saine
et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergé­
tiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie
saine et active ».
11. Les acteurs de la filière de production des plantes trans­
géniques sont identifiés par Barbara Bordogna Petriccione,
« OGM et biotechnologies végétales : quelles applications et
pourquoi ? » p. 103, 105, 107. dans L’Europe et les biotech­
nologies : urgences et impasses d’un débat démocratique,
Université de Genève, 2004.
12. Sénèque, Les bienfaits, trad. J. Baillard, Paris, Gallimard,
1996, I, 11-15 commenté par Lambros Couloubaritsis,
« L’ambiguïté de la bienfaisance », p. 156 in Les philosophies
de l’humanisme, L’Art de comprendre, Paris, 2006, no 15.
85
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
13. À notre connaissance, aucune firme agro-alimentaire n’est
localisée au Burundi. Ce pays ne figure pas non plus dans la
liste des bénéficiaires directs des programmes de l’Alliance
pour la Révolution verte en Afrique. Et enfin, aucun institut
de recherche n’est ouvertement identifié comme relié au
Groupe Consultatif pour la recherche agricole internationale
(CGIAR). Néanmoins, les recherches révèlent les
ramifications des activités de ces multinationales au Burundi
même si officiellement seuls les organismes internationaux
comme l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation
et l’Agriculture (FAO), du Programme Alimentaire Mondial
(PAM), du Fond des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF)
et d’OCHA et leurs partenaires assistent les populations à
travers l’introduction des semences et d’autres intrants
agricoles.
14. Il s’agit d’une bactérie connue sous le nom scientifique de
Wilt Xanthomonas.
15. On parle d’une insécurité alimentaire lorsque « les popu­lations
ont un accès limité à des quantités suffisantes de nourriture
saine et nutritive, nécessaire à leur croissance et à leur
développement normal en vue d’une vie saine et active. »
16. Il s’agit des reportages des différents sites d’informations
sur le Burundi comme www.arib.info, www.burundibwacu.
org, www.burundirealite.org, etc. ainsi que les rapports des
organisations internationales présentes au Burundi.
17. « Quiconque meurt de faim meurt d’un assassinat », postface
de Jean Ziegler, rapporteur spécial de la Commission des
droits de l’homme des Nations Unies pour le droit à l’alimen­
tation, dans Via campasina, une alternative paysanne à la
mondialisation libérale, ouvrage collectif, éditions du
CETIM, Genève, 2002.
18. Ministère de l’Agriculture et de l’élevage, « Évaluation
des récoltes, des approvisionnements alimentaires et de
la situa­tion nutritionnelle au Burundi. Saison 2006 B, en
collaboration avec FAO, WFP, UNICEF, OCHA, p. 8.
19. Ibid.
20. Le moratoire sur la commercialisation des OGM fut institué
en Europe en 1997. En raison du caractère provisoire des
moratoires, il a fallu que l’Union européenne se dote de règles
de contrôle plus strictes pour assurer la commercialisation de
produits OGM dans le respect d’exigences sanitaires mais
aussi en guise d’instrument protectionniste. Comme le note
Anne-Sophie Paquez, la réglementation permet depuis 1999 « à l’Europe, de combler son retard par rapport aux ÉtatsUnis en matière de développement des OGM et de préserver
le marché européen des importations américaines », p. 168,
dans L’Europe et les biotechnologies : urgences et impasses
d’un débat démocratique, sous la direction de Maximos
Aligisakis, Université de Genève, 2004.
21. « La privatisation à travers les brevets sur les biotechnologies
touche donc non seulement la matière vivante mais aussi sa
faculté de reproduction et la connaissance qui s’y rapporte. »
R.A. Brac de la perrière, Anne briand-Bouthiaux, « Du
brevet sur les OGM à la privatisation du vivant » p. 64 dans
Société civile contre OGM. Arguments pour ouvrir un débat,
Collectif CC-OGM, sous la direction général de Frédéric
Prat, Geyser, Éditions Yves Michel, 2004.
86
22. Les plantes transgéniques sont obtenues à l’issue d’une
appli­cation des biotechnologies végétales c’est-à-dire un
ensemble de techniques qui utilisent des organismes vivants
dans le domaine végétal. « Le génie génétique et la culture
de tissus sont des techniques les plus importantes des biotech­
nologies végétales ». Barbara Berdogna Petriccione, « OGM
et les biotechnologies végétales : quelles applications et
pourquoi ? » Op. cit.
23. Au total, en 2001, le soja, le maïs, le coton et le colza trans­
géniques ont représenté 99 % des surfaces cultivées, dont
75 % en Amérique du Nord. D’après l’ONG internationale
ETC/RAFI, les OGM de la seule firme Monsanto (Pharmacia)
couvriraient 94 % des surfaces plantées en plantes trans­
géniques dans le monde en 2000. Source : http://www.infogm.
org/article.php3?id_article=601
24. C. James, « Global Review of Commercialized Transgenic
Crops : 2002 », 2003, ISAAA Briefs No 27, Preview. ISAAA,
ITHACA, NY.
25. « L’ambiguité de la bienfaisance », op.cit.
26. Ministère de l’Agriculture et de l’élevage, « Évaluation
des récoltes, des approvisionnements alimentaires et de
la situa­tion nutritionnelle au Burundi. Saison 2006B, en
collaboration avec FAO, WFP, UNICEF, OCHA, p.
27. Ministère de l’Agriculture et de l’élevage, « Évaluation
des ré­coltes, des approvisionnements alimentaires et de
la situation nutritionnelle au Burundi. Saison 2006B, en
collaboration avec FAO, WFP, UNICEF, OCHA, p. 12.
28. Ministère de l’Agriculture et de l’élevage, « Évaluation
des récoltes, des approvisionnements alimentaires et de
la situation nutritionnelle au Burundi. Saison 2006B, en
collaboration avec FAO, WFP, UNICEF, OCHA, p. 16.
29. Ministère de l’Agriculture et de l’élevage, « Évaluation
des récoltes, des approvisionnements alimentaires et de
la situation nutritionnelle au Burundi. Saison 2006B, en
collaboration avec FAO, WFP, UNICEF, OCHA, p. 9.
30. Thierry Raffin, « OGM : La fin de la faim ? » p. 212, dans
Société civile contre OGM. Arguments pour ouvrir un débat
public, 2004.
31. Voir les polémiques autour du riz transgénique doré dans
Dossier Inf’OGM, no 21, juin 2001.
32. Thierry Raffin, « OGM : La fin de la faim ? », p. 213, dans
Société civile contre OGM. Arguments pour ouvrir un débat
public, 2004. Il cite plusieurs sources dont Bowman J.,
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no 37, décembre 2002 ; « GM Potato could improve Child
health », BBC News, 1er janvier 2003.
33. Thierry Raffin, « OGM : La fin de la faim ? » p. 210.
34. Inf’OGM, « Les OGM mis en question », mars 2002, fiche
no 1.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Changements climatiques et impacts sur la santé :
une étude à George River (Kangiqsualujjuaq), Nunavik
Judith ALAIN1
Étudiante à la maîtrise en santé communautaire
Université Laval
Il est désormais reconnu que les impacts du réchauf­
fement climatique sur les écosystèmes et sur la santé
des populations affecteront prioritairement les régions
nordiques du monde, en occurrence l’Arctique canadien.
En effet, la température dans l’Arctique a augmenté
en quelques décennies, deux fois plus rapidement que
dans le reste du monde et des changements encore plus
marqués sont attendus dans l’avenir (ACIA, 2005).
L’objectif de cet article est de présenter les enjeux
prin­cipaux des changements climatiques sur la sécurité
alimentaire des communautés nordiques. Cet article
fait suite à un terrain de recherche de sept semaines à
Kangiqsualujjuaq2, au Nunavik, où l’impact des change­
ments climatiques sur l’accès, la disponibilité et la
qualité de la nourriture traditionnelle a été étudié3.
Les changements climatiques sont maintenant supportés par
des données scientifiques (ACIA, 2005 ; IPCC, 2007), mais
aussi par des observations inuites (McDonald et al., 1997 ;
Fox, 2002, Furgal et al., 2002 ; Communities of Nunavik
et al., 2005). Parmi les changements climatiques observés, on
reconnaît : le retrait des glaciers, la dégradation du pergélisol,
le gel tardif à l’automne et la fonte précoce de la glace au
printemps, la diminution de l’étendue et de l’épaisseur de la
glace de mer, le déplacement de la distribution géographique
et la diminution de certaines espèces végétales et animales
(IPCC, 2007).
Impacts sur la sécurité alimentaire
Non seulement, ces modifications de l’environnement
perturbent les écosystèmes, mais elles risquent d’affecter
certains aspects de la santé des communautés nordiques
(ACIA, 2005). L’accessibilité aux aliments traditionnels
et le maintien de la sécurité alimentaire seront des défis
majeurs pour les populations des régions de l’Arctique qui
subiront un réchauffement du climat global (Nuttall et al.,
2005). Comme plusieurs mammifères marins dépendent du
couvert de glace pour leur survie, une réduction de celui-ci
entraîne des impacts significatifs comme le déplacement de
ces espèces. En effet, la répartition et l’abondance de certaines
espèces importantes pour la nourriture traditionnelle des
Inuit4 comme le morse et le phoque ont déjà commencé
à être modifiées (Nuttall et al., 2005). En plus de ces
facteurs, les conditions changeantes de la glace et de la
température rendent certaines routes impraticables (Ford et
al., 2006 ; Lafortune et al., 2004), perturbant ainsi l’accès
aux animaux (Berner et al., 2005). La qualité de cette
nourriture est également source de préoccupations, puisque
les stress induits par les changements climatiques peuvent
influencer l’étendue, la prolifération et la transmission des
zoonoses, ces maladies infectieuses qui se transmettent des
animaux aux humains (Berner et al., 2005). En ce sens,
les changements environnementaux représentent des enjeux
importants pour l’accès, la disponibilité et la qualité de la
nourriture traditionnelle.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, les popu­
lations autochtones sont particulièrement vulné­rables
aux changements climatiques, par leur lien étroit avec
la faune et la flore pour leur nourriture traditionnelle,
leur distribution géographique, leur état de santé
général, leur statut socio-économique et finalement par
leur accès limité aux infrastructures ou aux services,
comme les services de santé (Kovats et al., 2003). Toutes
modifications importantes dans la quantité ou la qualité
des écosystèmes arctiques représentent de nouveaux
défis pour la sécurité alimentaire des communautés
inuites (Nickels, 2002) et donc pour la santé (Blanchet
et al., 2000).
Il importe d’examiner le concept de sécurité alimentaire
pour saisir son caractère essentiel à la santé. La sécurité
alimentaire est définie par : « la capacité des individus
d’avoir un accès physique, social et économique à une
nourriture saine, suffisante et nutritive qui répond à ses
besoins nutritionnels et ses préférences alimentaires
pour une vie active et en santé (FAO, 1996) ». Parmi la
population canadienne, les autochtones sont d’ailleurs
un des groupes les plus vulnérables à l’insécurité
alimentaire. Par exemple, au Nunavut, plus de la moitié
de la population a déclaré avoir vécu une situation
d’insécurité alimentaire (Ledrou et Gervais, 2005).
Les facteurs attribuables à ce risque s’expliquent en
partie par les faibles revenus, la qualité de la nourriture
importée ainsi que l’accès incertain aux aliments causés
par l’interruption des livraisons, les changements
environnementaux ou les modifications des voies
migratoires des animaux (Duhaime, 2002). L’on entend
87
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
par insécurité alimentaire, l’inhabilité à consommer
une quantité ou une qualité de nourriture de manière
socialement acceptable ou la préoccupation de ne pas
en être capable (Davis and Tarasuk, 1994).
Importance de la nourriture traditionnelle
Malgré l’intérêt grandissant pour la nourriture impor­
tée, il reste que la nourriture traditionnelle comble
une part importante de l’alimentation des Inuit. Au
Nunavik, selon un sondage de 1992, la nourriture tradi­
tionnelle représente environ 25 % de l’énergie totale
de l’alimentation parmi les hommes et les femmes.
La proportion étant supérieure chez les Inuit âgés de
50 ans et plus avec 35 % de l’apport total de l’énergie
(Santé Québec, 1995). Cette consommation varie de 6 %
pour les centres urbains, jusqu’à 40 % pour les villages
isolés (Van Oostdam et al., 2005). Ainsi, plusieurs
communautés du Nord dépendent de la chasse et de
la pêche comme sources de nourriture traditionnelle.
Celle-ci contribue à l’apport principal de protéines
ainsi qu’un apport quotidien de plusieurs vitamines
et d’éléments essentiels. De plus, la consommation de
poissons et de mammifères marins riches en oméga-3,
contribue à la protection des maladies cardio-vasculaires
et à la diminution de la prévalence de certains cancers
et du diabète (Dewailly et al., 1996).
Les individus préférant la nourriture traditionnelle ont
par ailleurs affirmé que les aliments importés sont trop
dispendieux, qu’ils sont moins nutritifs et qu’ils sont
moins frais (Bernier, 2003). En outre, les activités de
chasse et de pêche contribuent au maintien de la forme
physique et apportent des bénéfices sociaux et culturels
associés au bien-être des individus et de la collectivité.
Cette nourriture est donc non seulement essentielle à la
santé nordique en termes de nutrition (Blanchet et al.,
2000 ; Dewailly et al., 1996), mais aussi pour le statut
économique (Chabot, 2004), les bénéfices sociaux et
culturels (Freeman, 1988).
Bien qu’il existe plusieurs effets bénéfiques liés à
la nourriture traditionnelle, un nombre croissant
d’individus se tourne vers les aliments importés du
sud et l’on observe un accroissement des maladies
dites de civilisation comme l’obésité, le diabète, ainsi
que les maladies cardiovasculaires (Van Oostdam et al.,
2005). La réduction de consommation de nourriture
traditionnelle entraîne une série de préoccupations
relatives à la santé physique, mais aussi par rapport à
la santé mentale (Van Oostdam et al., 1999).
Même si des améliorations significatives de l’état de santé des
autochtones canadiens ont été observées au cours des dernières
années, d’importantes disparités résident toujours entre ces
derniers et la population en général (Waldram et al., 1995 ;
Berner, 2001). De fait, l’espérance de vie au Nunavik se
88
situe à 66,7 ans versus 79,3 ans pour la moyenne au Québec
(Statistiques Canada, 2005). Le taux d’analphabétisme
fonctionnel est quatre fois plus élevé que le taux québécois,
la mortalité infantile atteint une proportion trois fois et
demie plus grande et finalement les revenus sont 33 % plus
faibles que la moyenne au Québec (Lepage, 2002). L’impact
supplémentaire du réchauffement climatique est préoccupant,
puisqu’il peut alourdir les priorités en santé publique.
Projet de recherche en cours
La tenue d’études approfondies basées sur le savoir
inuit relativement aux changements climatiques a été
proposée par les Inuit ayant collaboré à des études
antérieures (Nickels et al., 2006). En effet, au cours
des années 2002 à 2005, une série d’ateliers axés sur
les changements environnementaux a été réalisée
auprès de 17 communautés nordiques d’est en ouest du
Canada. Ce projet de recherche s’insère dans cette conti­
nuité et permet d’examiner plus précisément la relation
entre les changements climatiques et la sécurité alimen­
taire au sein d’une communauté côtière du Nunavik :
Kangiqsualujjuaq.
Vingt et un individus pratiquant régulièrement les
activités de chasse et de pêche ont été interviewés à
l’automne 2006 pour documenter les implications des
change­ments climatiques sur leurs activités et sur
leur diète. De plus, afin de comprendre les facteurs
influen­çant les perceptions d’insécurité alimentaire,
un questionnaire a permis d’établir le profil socioéconomique de chaque participant et l’accès à
l’équipement de chasse et de pêche.
Le choix du village de Kangiqsualujjuaq, s’explique
par le fait que cette problématique a été elle-même
soulevée par les résidents de la communauté. De plus,
ce village isolé dépend encore grandement des aliments
tradi­tionnels pour leur alimentation. Les espèces
consom­mées varient énormément, incluant le caribou,
le phoque, plusieurs espèces de poissons, d’oiseaux et
leurs œufs. La recherche sur le terrain a eu lieu en
automne, puisqu’il s’agit d’une période particulièrement
touchée par les changements climatiques.
Les résultats espérés permettront de mieux com­prendre
l’impact des changements climatiques et environ­
nementaux sur la sécurité alimentaire. L’identification
des facteurs environnementaux qui posent davantage de
problèmes quant à l’accès, la disponibilité et la qualité de
la nourriture traditionnelle permettra de mieux cibler
les stratégies d’intervention. Le but de cette étude est
d’outiller les communautés et les professionnels de la
santé à mieux comprendre les impacts de la variabilité
des facteurs environnementaux sur la sécurité
alimentaire traditionnelle et le niveau d’adaptation des
chasseurs et des pêcheurs à ces changements.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
L’adaptation aux changements climatiques
Selon l’analyse des données en cours, plusieurs aspects
environnementaux rapportés semblent affecter de
façon négative la sécurité alimentaire, notamment
au niveau de l’accessibilité physique. Par exemple, la
venue tardive de l’hiver et du gel des lacs restreint les
activités de chasse et de pêche à l’automne. Le même
phénomène a été rapporté au printemps au sujet de
la fonte précoce de la banquise. Plusieurs participants
ont affirmé réduire leurs activités en conséquence à cet
aspect changeant de leur environnement. Une analyse
détaillée permettra toutefois d’approfondir les résultats
d’ici l’été 2007.
L’expérience de recherche sur le terrain permet
également de souligner que l’étude des impacts des
changements climatiques dans un contexte nordique
est indissociable de la modernisation de la société inuite
(Nuttall et al., 2005). En effet, la réduction de l’acces­
sibilité à la nourriture traditionnelle est influencée
par plusieurs facteurs sociaux. Mentionnons, la perte
d’intérêt des jeunes générations pour les activités
de chasse et de pêche, le manque de temps dû aux
emplois à temps plein, le coût élevé de l’équipement
et de l’essence. L’impact des changements climatiques
vient donc rajouter un stress sur les changements
sociaux en cours, qui eux modifient l’état de santé de
ces populations.
Actuellement, face aux impacts des changements
climatiques, on observe une capacité d’adaptation au
sein des communautés. Certaines stratégies d’adaptation
reflètent une modification comportementale, comme
l’ajustement aux périodes de migration changeantes
des animaux. D’autres mesures font appel à des
solutions technologiques, telles que les stations
météorologiques et l’utilisation du GPS. Toutefois, à
long terme, l’existence d’un lien étroit entre l’impact
des changements climatiques et les changements
sociaux complexifie la problématique. En effet, les
communautés nordiques vivent des changements
sociaux qui affectent les activités de chasse et de
pêche (Nuttall et al., 2005), ce qui influence la sécurité
alimentaire des aliments traditionnels. Cette situation
souligne l’importance d’intégrer des volets sociaux
et culturels à des mesures efficaces d’adaptation
aux changements climatiques. À titre d’exemple, la
sédentarisation des communautés inuites a permis
la scolarisation, toutefois la transmission du savoir
inuit traditionnel nécessaire aux activités de chasse
et de pêche s’érode (Ohmagari and Berkes, 1997). Un
résident du Nunatsiavut a lui-même exprimé sa réalité
en ces mots : « Les parents ne montrent pas toujours
aux jeunes le savoir traditionnel comme avant. Cela a
besoin d’être fait maintenant, d’autant plus avec tous
ces changements environnementaux (Nickels et al.,
2006, p. 103) »5. En ce sens, il semble qu’une adaptation
adéquate aux changements climatiques nécessitera
une combinaison d’actions sociales, technologiques,
financières, mais aussi culturelles, et ce, en partenariat
avec les communautés nordiques.
Notes
1. Judith Alain est étudiante à la maîtrise en santé commu­
nautaire au département de médecine sociale et préventive de
l’Université Laval. Elle détient un baccalauréat en biologie
de l’Université Laval, profil international.
2. Ce terrain de recherche a été possible grâce au financement
d’ArcticNet, Réseau de centres d’excellence du Canada et du
Centre Nasivvik pour la santé des Inuit et les changements
environnementaux. Un remerciement particulier à l’Admi­
nistration régionale Kativik pour leur appui sur le terrain
ainsi qu’aux résidents de Kangiqsualujjuaq.
3. Le projet de recherche est supervisé par Christopher
Furgal, Ph.D de l’Unité de Recherche en Santé publique,
du Centre Hospitalier de l’Université Laval – CHUQCHUL également professeur adjoint au département des
ressources environnementales et des études autochtones à
Trent University.
4. Le mot inuit signifie « peuple » dans la langue des Inuit,
l’inuktitut. Selon l’organisme inuit Tapiriit Kanatami, le mot
Inuit en tant que nom propre ne prend pas la marque du
pluriel. Tiré du site des Affaires indiennes et du Nord Canada.
www.ainc-inac.gc.ca/pr/pub/wf/trmrslt_f.asp?term=18
5. Traduction libre de l’anglais
89
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
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91
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Reconnaissance du statut juridique de réfugié environnemental
à titre de mesure d’adaptation aux changements climatiques :
Édification d’une nouvelle responsabilité collective
en vertu du droit international de l’environnement
Pierre-Olivier Charlebois
Étudiant à la maîtrise en droit de l’environnement,
développement durable et sécurité alimentaire
Université Laval
Paule Halley
Professeure titulaire, Université Laval
Lorsque l’on évoque la notion de « réfugié », le réflexe
classique est de l’associer à des enjeux politiques, sociaux
ou encore de sécurité nationale. Par ailleurs, depuis
une vingtaine d’années, la conjoncture internationale
s’est profondément modifiée et les flux migratoires se
sont diversifiés1. Progressivement, de nouvelles causes
d’exils se sont développées sur la base de facteurs diffus
telle que la dégradation de l’environnement.
Selon les experts de l’Institut pour l’environnement
et la sécurité humaine (ci-après UNU-EHS)2, organe
de l’Univer­sité des Nations Unies, les prochaines
décennies seront le théâtre de flux migratoires massifs
directement liés aux conséquences du phénomène de
réchauffement climatique3. Tandis que les victimes
de certains évènements ponctuels à caractère environ­
nemental, tels que les tsunamis et les ouragans, béné­
ficient de toute l’attention de la communauté interna­
tionale, d’autres touchées par des changements
clima­­tiques évoluant progressivement se déplacent
dans l’anonymat. Paradoxalement, ces dernières
demeurent, à l’heure actuelle, les plus vulnérables
aux phénomènes climatiques dès lors que leur mode
d’existence se dégrade de manière permanente.
On observe que les mouvements forcés de populations
ont donné naissance à une nouvelle forme de réfugié,
soit les « réfugiés environnementaux ». Les chiffres
avancés quant à leur nombre sont à ce point inquiétant
que le professeur Norman Myers, de l’Université
d’Oxford, estime que cet exile écologique est en voie
de devenir un enjeu géopolitique majeur sur la scène
internationale. Selon lui, leur nombre pourrait atteindre
200 millions en 20504, prévision d’ailleurs corroborée
par le Rapport Stern (2006) sur les conséquences des
changements climatiques5, ce qui ferait de la dégradation
de l’environnement la principale cause de déplacement
forcé dépassant ainsi les causes traditionnelles reli­
gieuses, politiques et ethniques6.
92
L’application contemporaine de cette notion traduit une
vision renouvelée d’un phénomène ancien, c’est-à-dire
les vastes mouvements des populations vulné­rables
aux changements de leur environnement biophysique7.
Par ailleurs, l’ampleur de ces mouvements aujourd’hui
et leurs conséquences sur la souveraineté des États
exigent maintenant l’initiation d’une réflexion sur le
statut juridique applicable aux individus touchés par
cette problématique. En effet, l’état actuel du droit
international de la migration et des réfugiés ne permet
pas d’attribuer un statut juridique particulier à ces
migrants.
Sans pour autant mettre de côté l’importance d’agir à
la source du problème, c’est-à-dire la prévention et le
contrôle des phénomènes environnementaux, il devient
essentiel de se questionner sur la responsabilité de la
communauté internationale à l’égard de ces exilés de
l’environnement. Cet article présentera une synthèse
de notre première réflexion sur l’opportunité de cons­­
truire un statut juridique international pour résoudre
le problème des réfugiés écologiques. Pour ce faire,
nous proposerons une analyse en termes de régime
international qui abordera les grands principes appli­
cables et une réflexion sur le statut particulier des
individus engagés dans des déplacements internes ou
internationaux suite à la dégradation de leur environ­
nement. Cette réflexion se fondera notamment sur
l’identification de la nature des causes de refuges
écologiques ainsi que de leurs trajectoires de migrations.
Nous présenterons ensuite l’état du droit international
en la matière, avant d’examiner, dans un dernier temps,
les développements entourant la reconnaissance d’une
responsabilité collective à l’égard de ces individus.
Définition et typologie des réfugiés
environnemen­taux : qualification impérative
en vue d’une protection effective
La naissance de la notion de réfugié environnemental,
résultante de la dégradation ou de la destruction des
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
écosystèmes, apparue pour la première fois dans la
litté­rature onusienne en 1985 par l’entremise d’un
expert œuvrant au sein du Programme des Nations Unies
pour l’Environnement (ci-après PNUE)8. M. Essam
El Hinnaoui, dans le cadre de son rapport intitulé
« Environmental Refugee9 », a défini les réfugiés envi­
ronnementaux comme des « personnes forcées de quitter
leur lieu de vie d’une façon temporaire ou permanente,
à cause d’une rupture environnementale (d’origine
naturelle ou anthropique) qui menace leur existence
et/ou affecte sérieusement leur qualité de vie »10. Cette
définition proposée repose sur une obser­vation de la
réalité des flux migratoires de nature écologique mais
elle ne permet pas de distinguer les différents types de
réfugiés environnementaux11. De plus, elle ne fait pas
la distinction entre des déplacements intraétatiques et
des déplacements qui auraient lieu au-delà des frontières
internationalement reconnues d’un État12 .
Qui plus est, la notion même de réfugié environne­
mental a fait l’objet de nombreuses critiques notam­
ment quant au fait que l’utilisation du qualificatif
« environnemental » simplifiait de manière excessive
les causes de migrations13. Aussi, le recours à la termi­
nologie reliée au « réfugié » représente pour d’autres
une erreur stratégique car les États seront portés à
les traiter de la même manière que les « réfugiés écono­
miques » en réduisant leur responsabilité à leur égard14.
Néanmoins, la potentialité d’un développement accru
de ce type de déplacement exige dès maintenant une
réflexion sur la responsabilité internationale.
Typologie des causes de départ :
une démarche risquée
Pour certains, il existe une causalité directe entre la
dégradation de l’environnement et la migration forcée
tandis que d’autres soutiennent qu’il faut tenir compte
d’un ensemble de facteurs qui interagissent de façon
complexe pour expliquer ces migrations 15. Cette
dernière approche remet donc en cause l’existence
même des réfugiés écologiques tout en admettant
que les facteurs environnementaux peuvent influer
sur le choix ou l’obligation d’un individu ou d’une
population de migrer vers une grande agglomération
par exemple.
La doctrine ayant évoluée avec les années, un consensus
s’est alors dessiné et cinq causes principales ont été
identifiées – les désastres naturels16, la dégradation
de l’environnement à long terme17, le développement
dans son sens large, les accidents industriels18 et les
conflits armés19. Cette classification ne peut prétendre
être exhaustive mais elle a tout de même le mérite de
mettre en relief les dimensions écologiques, écono­
miques, anthropiques et politiques qui poussent les
populations à se déplacer. Par ailleurs, de manière à
être effective, la classification devra tenir compte aussi
de certains critères relatifs à la perturbation environ­
nementale elle-même, telles que son origine (naturel ou
technologique), sa durée (temporaire ou permanente)
et son caractère intentionnel ou pas20.
D’autres approches ont été proposées pour tenter de
qualifier les causes de migrations. Mme Diane Bates
soutient que les flux migratoires proviennent de trois
types de perturbations environnementales : désastres,
expro­priations et détériorations21. Premièrement, les
désastres font référence à des évènements extrêmes
auxquels nous pourrions attacher les catastrophes
naturelles et les accidents industriels. Deuxièmement,
les expropriations se rapportent à des évènements per­
tur­bateurs de nature anthropique et intentionnel qui
obligeront une population cible à se déplacer. Les grands
développements industriels tels que la construction du
barrage hydroélectrique des Trois Gorges situé au cœur
de la Chine est un exemple de projet qui force de grandes
populations à se déplacer. Finalement, les réfugiés qui
se déplacent suite à la détérioration graduelle de leur
environnement constituent le troisième type de flux
migra­toire. Les déplacements sont alors conditionnés
par la dégradation des écosystèmes à ce point que les
individus ne peuvent plus survivre avec les ressources
naturelles disponibles22. Les changements climatiques
et la désertification font évidemment partie de cette
catégorie.
Une définition permettant d’englober les nombreuses
causes de l’exode écologique est-elle possible ? Cette
qualification semble inévitable afin d’attribuer un
statut juridique international particulier aux victimes
des aléas environnementaux. Il reste tout de même à
savoir si les distinctions effectuées plus haut quant aux
diffé­rentes causes de migrations exigeront l’édification
de protection internationale indépendante.
Typologie des trajectoires de migrations
Au-delà des raisons qui poussent les individus à quitter
leurs habitations traditionnelles, l’élaboration d’une
typologie doit tenir compte de la destination de la
migration. Cette nécessité découle de la distinction
entre les effets juridiques d’un déplacement interne
et ceux d’un déplacement interétatique. En effet, un
indi­vidu victime d’un départ forcé donnant lieu à un
déplacement à l’intérieur d’un État peut bénéficier
d’une protection domestique24. La migration peut
parfois être saisonnière, notamment lors des moussons,
ou périurbaine par une sédentarisation des nomades
aux abords des grandes agglomérations.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits
de l’Homme (ci-après HCNUDH) qualifie les personnes
déplacées à l’intérieur de leur propre pays comme
93
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
étant « des personnes ou des groupes de personnes
qui ont été forcés ou contraints à fuir ou à quitter leur
foyer ou leur lieu de résidence habituel, notamment
en raison d’un conflit armé, de situations de violence
généralisée, de violations des droits de l’homme ou de
catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme ou
pour en éviter les effets, et qui n’ont pas franchi les
frontières internationalement reconnues d’un État »25.
Le HCNUDH décrète qu’il incombe aux autorités
nationales en premier lieu le devoir et la responsabilité
de fournir une protection et une aide aux personnes
déplacées à l’intérieur de leur propre pays qui relèvent
de leur juridiction26. Ainsi, ces personnes ont le droit
de demander et de recevoir une protection et une aide
humanitaire des dites autorités et ce notamment suite
à une catastrophe naturelle.
Par ailleurs, cette protection est-elle suffisante dans
un contexte où les phénomènes climatiques les plus
dévastateurs ont lieu sur le territoire des États les plus
pauvres de la planète ? De plus, les principes directeurs
cités plus haut sont des instruments juridiques de soft
law n’ayant aucune force contraignante et souffrant
ainsi d’une application bien marginale dans une grande
majorité des États 27. Ils peuvent néanmoins être
considérés comme un cadre pré-normatif permettant
de stimuler la réflexion et de mettre en exergue les
respon­sabilités des États à l’égard de ces déplacés.
Reste à savoir s’il est possible de créer un statut juri­
dique international qui soit apte à protéger ce type de
réfugié sans pour autant compromettre l’application
du principe de droit international de non-ingérence.
À ce titre, mentionnons que la notion d’urgence pourrait
constituer le fondement du passage du principe de noningérence à celui du devoir d’assistance écologique28.
Dans le cas des déplacements interétatiques, le droit
international n’accorde actuellement aucune protection
spécifique aux victimes des aléas environnementaux.
C’est d’ailleurs ce qui nous amène à faire le point sur
l’état du droit international en la matière.
Le droit international et les réfugiés
environnementaux : l’incompatibilité
des textes juridiques universels
Selon le recteur de l’Université des Nations Unies, M.
Hans van Ginkel, « il [les réfugiés environnementaux]
s’agit d’un enjeu très complexe, les institutions
internationales étant déjà débordées par les demandes
des réfugiés tels que définis en 1951. Nous devrions
cependant nous préparer dès maintenant à définir,
intégrer et accommoder cette nouvelle frange de
réfugiés au sein des accords internationaux ». [Notre
encadré]
94
La Convention relative au statut des réfugiés (ci-après la
Convention de 1951)29 et le Protocole relatif au statut
des réfugiés (ci-après le Protocole de 1967)30 sont des
instruments juridiques universels en vertu desquels la
reconnaissance du statut de réfugié est encadrée. Ils
établissent les normes minimales en ce qui concerne le
traitement des personnes reconnues comme réfugiées.
Par ailleurs, il appartient à l’État sur le territoire duquel
la personne se trouve au moment où elle demande le
statut de réfugié d’établir la procédure appropriée afin
de lui conférer ce statut, et ce en accord avec les textes
conventionnels et les particularités constitutionnelles
et administratives qui lui sont propres31. Ainsi, les
États sont liés par leurs obligations en vertu de la
Convention de 1951 et du Protocole de 1967 mais la
majorité des demandes d’asile seront effectuées sur
la base des règles de procédures établies sous les lois
de l’État où se trouve le demandeur32. Ce système de
droit accorde donc aux États une marge discrétionnaire
leur permettant d’interpréter de manière plus ou moins
stricte la définition de réfugié et d’établir les modalités
et les conditions en vertu desquelles le statut de réfugié
pourra être accordé.
La Convention de 1951 définit le terme réfugié ainsi :
« Toute personne craignant avec raison d’être persé­
cutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité,
de son appartenance à un certain groupe social ou de
ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont
elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette
crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays
(…) »33. Sur la base de cette définition, il est difficile
de qualifier les migrants environnementaux comme
étant des réfugiés au sens de la Convention de 1951
compte tenu notamment de la référence à la « crainte
d’être persécuté ». Peut-on considérer la dégradation
de l’environnement comme étant une source réelle de
persécution susceptible de créer chez un individu un
sentiment de crainte ?
Deux éléments limitatifs principaux composent la
définition de « réfugié » ; la crainte d’être persécuté
et les motifs motivant cette crainte 34. À l’échelle
inter­nationale, il n’existe pas de consensus quant à
la définition à accorder à la persécution35. Certains
auteurs l’associent à un « traitement injuste et cruel
infligé avec acharnement »36. Par ailleurs, les autorités
lui ont accordé jusqu’à maintenant une interprétation
restrictive en limitant son application aux « faits des
autorités d’un gouvernement contre des individus »37.
Ainsi, sont exclus de la définition tout individu quit­
tant son pays dans le but de fuir des conditions de
vie devenues intolérables mais qui par ailleurs ne
relèvent pas des faits des autorités d’un gouvernement.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
D’ailleurs, cette rigueur d’interprétation du texte
conven­tionnel se voit confirmée dans une récente
directive dite de « qualification » adoptée en 2004 par
la Communauté Européenne38.
Le deuxième élément limitatif de la définition de
réfugié se réfère aux motifs en vertu desquels un
indi­vidu peut invoquer sa crainte d’être persécuté.
Conformément à la Convention de 1951, cinq bases
factuelles peuvent justifier la qualification de réfugié : la
crainte d’être persécuté du fait de sa race, sa religion, sa
nationalité, son appartenance à un certain groupe social
ou à ses opinions politiques39. Le statut de réfugié peut
dès lors être accordé qu’aux personnes qui quittent leur
pays pour cause de persécution fondée sur l’un des
éléments spécifiquement énumérés à la définition. Dans
ce contexte, il semble peu probable qu’une personne
fuyant son lieu de résidence suite à la dégradation
de l’environnement ou en réaction à une catastrophe
naturelle puisse bénéficier du statut de réfugié40.
Sur la base de ce qui précède, faut-il envisager plutôt
une protection autonome de la définition conven­
tionnelle ? Ces questions méritent réflexion. Le
« Guide des procédures et critères à appliquer pour
déter­miner le statut de réfugié », rédigé par le Haut
Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés41,
exclut expressément la famine et les catastrophes
naturelles des causes valables pouvant mener à la
quali­fication de personne réfugiée. Les résultats des
recherches scientifiques démontrant les conséquences
désastreuses des changements climatiques sur les
populations devraient représenter un incitatif majeur
pour mettre à jour ce type de guide, du moins de
manière provisoire, jusqu’au moment où un consensus
international sera établi sur la question.
Une protection juridique pour les « réfugiés
environ­nementaux » : une approche universelle
pour la reconnaissance d’une responsabilité
collective
Dans la foulée du rapport de l’UNU-EHS42, différentes
initiatives à la fois étatiques et populaires se sont
déve­loppées. À titre d’exemple, citons l’« Appel de
Limoges sur les réfugiés écologiques » qui prend la
forme d’une résolution demandant aux États et autres
acteurs de réfléchir notamment à « l’élaboration
d’un statut international des réfugiés écologiques
per­­met­tant ainsi d’assurer une protection de cette
catégorie à part entière de réfugiés »43. L’édification
de ce statut pourrait s’organiser en fonction de deux
démarches normatives. La première avenue possible est
l’extension de la définition de réfugié énoncée dans la
Convention de 1951 pour y intégrer les dimensions
environnementales en tant que source réelle de per­
sé­­cution susceptible de créer chez un individu un
sentiment de crainte. La deuxième avenue est la
création d’un texte international soutenu par l’ONU
et spécifique aux réfugiés environnementaux44.
L’extension de la définition de réfugié
L’objectif de cette extension serait d’élargir le spectre
des droits protégés par la Convention de 1951 afin
de tenir compte notamment de l’évolution de la prise
en compte des droits de la personne à l’échelle inter­
nationale. En effet, la défense des droits humains
est sans aucun doute au cœur de l’émergence d’une
nouvelle forme de justice environnementale45. À cet
égard, le développement du droit à un environnement
sain est particulièrement révélateur. Bien qu’il y ait eu
plusieurs tentatives d’instaurer un droit international
de l’environnement au vingtième siècle, ce n’est qu’à
la Conférence de Stockholm en 1972 que le droit à un
environnement sain a été explicitement reconnu dans un
document de droit international sur l’environnement46.
Vingt ans plus tard, le principe 1 de la Déclaration de
Rio statuait que les êtres humains sont « au centre des
préoccupations relatives au développement durable. Ils
ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec
la nature »47. En ce sens, l’extension de la définition
de réfugié pour y inclure les aléas environnementaux
s’inscrit dans cette continuité de l’influence des droits
de l’homme sur l’évolution du droit international
contemporain48.
Bien que l’idée d’une extension de la définition de
réfugié paraisse efficace à première vue, reste à savoir si
la question de la faiblesse du traitement nationale d’une
obligation internationale ne viendra pas miner les efforts
de reconnaissance des réfugiés environnementaux49. En
effet, tel que mentionné précédemment, il appartient à
l’État sur le territoire duquel la personne se trouve au
moment où elle demande le statut de réfugié d’établir
la procédure appropriée afin de la lui conférer ce statut.
Cette discrétion étatique accorde la possibilité aux
autorités d’interpréter la définition posée au plan inter­
national. Difficile alors de garantir, tel que le précise
M. Kiss, à tout être humain un droit à un environnement
sain compte tenu notamment que la reconnaissance
d’un droit doit être accompagné de procédures et
d’institutions appropriées qui en assurent l’application
effective50. Or, l’application rigoureuse et restrictive de
la définition soulevée antérieurement serait sans doute
transposée à la nouvelle définition pouvant aller même
jusqu’à déformer l’esprit même de la notion de réfugié.
Qui plus est, une telle démarche d’élargissement soulè­
verait des oppositions sévères de la part des États qui
résistent à ce type de développement51.
95
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Création d’un texte juridique international
autonome et contraignant pour la protection
des réfugiés environnementaux
Le système juridique applicable aux réfugiés tradi­
tionnels semble inapproprié pour répondre aux
besoins de la nouvelle réalité environnementale. Dans
ce contexte, certains auteurs proposent de créer une
convention internationale multilatérale non pas basée
sur les principes applicables au droit des réfugiés mais
sur ceux applicables au droit de l’environnement52.
Cette approche aurait l’avantage de ne pas être soumis
aux considérations politiques liées au droit des réfu­
giés tout en bénéficiant de l’attention particulière
accordée au droit international de l’environnement.
De plus, l’objectif de cette convention serait de porter
assistance aux réfugiés environnementaux sur les lieux
de la persécution et non de prévoir des mécanismes
d’établissement dans l’État d’accueil53. Quels sont les
principes qui pourraient être applicables à une telle
convention ?
En 1972, la Déclaration de Stockholm sur l’environnement54
marqua l’émergence du droit international de l’envi­
ronnement en tant que branche indépendante du droit
international55. Le principe 21 de cette Déclaration se
lit comme suit :
« Conformément à la Charte des Nations Unies
et aux principes du droit international, les États
ont le droit souverain d’exploiter leurs propres
ressources selon leur politique d’environnement et
ils ont le devoir de faire en sorte que les activités
exercées dans les limites de leur juridiction ou sous
leur contrôle ne causent pas de dommage à l’envi­
ronnement dans d’autres États ou dans des régions
ne relevant d’aucune juridiction nationale. »56
Ce principe de souveraineté sur les ressources et de
responsabilité à l’égard de leur exploitation a été
reconnu comme étant une base juridique solide en vue de
la création de règles coutumières de droit international
ou comme l’énoncé de telles règles57. En effet, il est
généralement accepté en tant que norme coutumière
de droit international portant essentiellement sur
l’obli­gation de prévenir la pollution notamment trans­
frontalière58. Par ailleurs, il n’a pas été élargi en vue
d’englober les conséquences de la pollution, dont les
migrations forcées. Pour ce faire, il est nécessaire
de décortiquer les éléments qui sous-tendent le
principe 21. Ces éléments sont les suivants : le devoir
de pré­vention, le devoir de minimiser les dommages
et de procurer assistance qui inclut la notification, la
fourniture d’information, le développement de plans de
contingence et le devoir de compensation59.
96
Le devoir de prévention tire son origine de la pré­
misse qu’il est économiquement plus avantageux
pour un État de prendre des mesures pour prévenir
les dommages à l’environnement que de réagir à ces
derniers. La convention devrait donc préciser que
chaque partie doit tenir compte dans l’élaboration de
leurs politiques de développement économique des
incidences sur l’environnement notamment quant aux
risques d’accidents industriels60. Le devoir de minimiser
les dommages et de procurer assistance, pour sa part,
porterait sur l’obligation d’une partie sur le territoire
duquel survient une catastrophe écologique ou une
dégradation environnementale importante de fournir
assistance aux victimes61. Cette obligation incomberait
aussi aux autres parties à la convention. Finalement, le
devoir de compensation signifie que les parties qui ne
respecteraient pas les obligations ci-dessus mentionnées
devraient indemniser les États victimes des migrations
environnementales.
La construction d’une responsabilité internationale
intégrant des objectifs de protection de l’environnement
passe inévitablement par un partage équitable des
responsabilités. Le principe de responsabilité commune
mais différenciée62, reconnu dans plusieurs instruments
conventionnels multilatéraux63, en est une bonne illus­
tration64. Un devoir de compensation, exercé sur la
base de l’implication directe ou indirecte d’un État
dans la dégradation de l’environnement, contribuerait
à contraindre les responsables de cette dégradation
à endosser une charge financière65. La construction
d’une telle convention représenterait ainsi une mesure
d’adaptation juridique au nouveau contexte écopolitique
qu’engendrent les changements climatiques.
Conclusion
La communauté internationale peut-elle sciemment
négliger de supporter une partie du fardeau provenant
des flux migratoires alors que l’on ne cesse de réitérer
le caractère global des changements climatiques ? À
l’image du principe de « pollueur-payeur », le niveau de
responsabilité des pays doit-il être fixé en proportion
avec leurs émissions polluantes sur la base d’une
nouvelle « justice climatique » ? Ces questions restent
pour le moment sans réponse concrète. Les pays déve­
loppés associent les changements climatiques aux
impacts que ceux-ci sont susceptibles de produire chez
eux en termes de qualité de l’environnement et qualité
de vie de leurs habitants. Par ailleurs, les changements
climatiques ont des impacts encore plus importants sur
des populations plus nombreuses et infiniment moins
préparées et outillées pour y faire face – au point où
cela devient une question de survie quotidienne.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Dans ce contexte, les pays développés doivent faire
face à leurs responsabilités en répartissant la richesse
nationale de manière équitable pour atténuer les
dispa­rités économiques et sociales et assurer un déve­
lop­pement durable au genre humain, ce qui passe
néces­sairement par la gestion des impacts humains
des changements climatiques. Dans l’immédiat, ils
doivent participer à gérer l’urgence qu’ils ont euxmêmes contribué à créer – autant sur le plan juridique
qu’économique. En effet, même si de façon globale on
peut dire que les pays développés – entre autre à titre
de pays colonisateurs et ensuite à titre d’exploitants des
richesses naturelles – ont contribué à l’élargissement
du phénomène des réfugiés, c’est généralement la
politique intérieure de certains pays qui a provoqué
directement l’ampleur de ce phénomène.
Une solution durable au problème du statut des
réfu­giés écologiques devra faire appel aux principes
majeurs du droit international des réfugiés, dont le
principe de la « solidarité internationale » et le prin­
cipe du « non-refoulement ». Par ailleurs, le droit
international de l’environnement permettrait aussi de
répondre à un certains nombres d’inquiétudes. Dans ce
contexte, un partage international du fardeau et une
assistance financière et technique de la communauté
internationale est indispensable.
Notes
1. Cournil, C., 2006, « Les réfugiés écologiques : Quelle(s)
protection(s), quel(s) statut(s) ? », Revue du droit public,
no 4, 2006, Libertés Fondamentales – Observatoire MidiPyrénées/Université des Sciences Sociales de Toulouse 1,
p. 1037.
2. United Nations University – UNU-EHS – Institute for
Environment and Human Security, [En ligne] : http://www.
ehs.unu.edu/ (dernière consultation : 02/03/07).
3. United Nations University – UNU-EHS – Institute for
Environment and Human Security, 2005, « As Ranks of
Environmental Refugees Swell Worldwide, Calls Grow for
Better Definition, Recognition, Support ». L’étude publiée
le 11 octobre 2005 par l’UNU-EHS prévoit que, d’ici 2010,
la dégradation de l’environnement et les changements clima­
tiques forceront 50 millions de personnes sur la planète à
quitter leurs habitations traditionnelles et ainsi former
une nouvelle catégorie de réfugié, les « réfugiés envi­
ronnementaux ». Voir [En ligne] : http://www.ehs.unu.edu/
print.php/article:130 (dernière consultation : 02/03/2007).
4. Myers, N., 1997, « Environmental Refugees », Population
and Environment, vol. 19, no 2, p. 167.
5. Stern, N., 2006, « Stern Review : The Economics of Climate
Change », HM Treasury, p. 77. Le rapport Stern précise par
ailleurs que cette estimation n’a pas encore été testée mais
qu’elle s’inscrit dans la logique des effets dévastateurs des
changements climatiques sur les populations.
6. Myers, N., supra, note 4, p.167. M. Myers estime qu’il y
a actuellement 25 millions de réfugiés environnementaux
comparativement à 22 millions de réfugiés pour causes
traditionnelles.
7. Les migrations étaient utilisées alors comme facteur de
régu­lation des surplus démographiques ou « soupapes
de sûreté » face aux tensions d’ordres divers, c’est-à-dire
qu’elles tendaient à maintenir un équilibre entre le nombre
d’habitants et les possibilités du milieu. À ce titre, voir
Gonin , P., L asailly -J acob , V., 2002, « Les réfugiés
de l’environnement, une nouvelle catégorie de migrants
forcés ? », Revue Européenne des Migrations Internationales,
vol. 18. no 2, p.139.
8. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement
(PNUE) fut crée en 1972, à l’issu de la première conférence
sur l’environnement des Nations Unies qui s’est tenue à
Stockholm.
9. E l H innaoui , E., 1985, « Environmental Refugee »,
Programme des Nations Unies pour l’Environnement.
Étude sur la construction du concept de réfugiés de
l’environnement.
10. E l H innaoui , E., 1985, « Environmental Refugee »,
Programme des Nations Unies pour l’Environnement.
Étude sur la construction du concept de réfugiés de l’environ­
nement, p. 4, cité dans Lassailly-Jacob, V., 2006, « Une
nouvelle catégorie de réfugiés en débat », Revue Européenne
de Droit de l’Environnement, no 4/2006, p. 376.
11. Bates, D.C., 2002, « Environmental Refugees ? Classifying
Human Migrations Caused by Environmental Change »,
Population and Environment, vol. 23, no 5, p. 466. Par
exemple, la définition proposée ne permet pas de distinguer
un réfugié qui fuit les conséquences d’une éruption vol­
ca­­nique d’un autre qui quitte sa terre compte tenu du
tarissement d’une source aquifère.
12. Bell, D., 2004, « Environmental Refugees : What Rights,
Which Duties ? », Res Publica, vol. 10, p. 137.
13. À ce titre, voir Myers, N., « Environmental Refugees : An
Emergent Security Issue », 13th Economic Forum, Prague,
23-27 may 2005.
14. Ibid., p. 138.
15. Goudet, J.J., « Réfugiés écologiques : un débat controversé »,
Revue Européenne de Droit de l’Environnement, no 4/2006,
p. 381.
16. Il fait référence notamment aux éruptions volcaniques, aux
tremblements de terre, cyclones ou tsunamis.
17. Mentionnons les sécheresses, l’érosion des sols, la déser­
ti­fication, l’augmentation du niveau des océans et la
déforestation.
18. L’usine chimique de Bhopal en Inde et le drame de
Tchernobyl.
19. K eane , D., 2004, « The Environmental Causes and
Consequences of Migration : A Search for the Meaning of
Environmental Refugee », The Georgetown International
Environmental Law Review, vol. 16, p. 211. Pour ce qui
est des conflits armés, l’exemple le plus connu est celui des
victimes de « l’agent orange » répandu au Vietnam par les
forces armées américaines.
20. Bates, D.C., supra, note 11, p. 469.
21. Ibid., p. 469.
22. Ibid., p. 469.
23. Cournil, C., supra, note 1, p. 1055.
24. Cournil, C., supra, note 1, p. 1058.
97
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
25. Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de
l’Homme, « Principes directeurs relatifs aux déplacements
de personnes à l’intérieur de leur propre pays », Extrait du
document E/CN.4/1998/53/Add.2, paru le 11 février 1998,
(instrument juridique non contraignant), [En ligne] : http://
www.unhchr.ch/french/html/menu2/7/b/principles_fr.htm#*
(dernière consultation : 03/03/07).
26. Ibid., principe 3.
27. C ournil , C., M azzega , P., 2006, « Catastrophes
écologiques et flux migratoires : Comment protéger les
réfugiés écologiques », Revue Européenne de Droit de
l’Environ­nement, no 4/2006, p. 423. Mentionnons qu’un
travail doctrinal est en élaboration concernant la protection
des droits humains et les catastrophes naturelles. À ce titre,
voir le « IASC Operational Guidelines on Human Rights and
Natural Disasters : Protecting persons affected by Natural
Disasters », Inter-Agency Standing Commitee, Juin 2006,
[En ligne] : http://www.humanitarianinfo.org/iasc/content/
documents/working/OtherDocs/2006_IASC_NaturalDisas
terGuidelines.pdf (dernière consultation : 03/03/07).
28. LaVieille, J.M., 2006, « L’assistance écologique », Revue
Européenne de Droit de l’Environnement, no 4/2006, p. 404.
Le principe 18 de la Déclaration de Rio de 1992 énonce :
« (…) La communauté internationale doit faire tout son
possible pour aider les États sinistrés. ».
29. Convention relative au statut des réfugiés, adoptée le
28 juillet 1951 par une conférence de plénipotentiaires
sur le statut des réfugiés et des apatrides convoquée par
l’Organisation des Nations Unies en application de la
résolution 429 (V) de l’Assemblée générale en date du 14 décembre 1950. Mentionnons que la notion de réfugié est
aussi soulevée par certains accords régionaux, tel que la
Convention de l’Organisation de l’Unité Africaine régissant
les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique,
adoptée le 10 septembre 1969. Cette Convention élargit la
définition de réfugié en utilisant le libellé suivant : Toute
personne qui, « du fait d’une agression, d’une occupation
extérieure, d’une domination étrangère ou d’événements
troublant gravement l’ordre public dans une partie ou la
totalité de son pays d’origine ou du pays dont elle a la
nationalité » est obligée de quitter sa résidence habituelle.
30. Protocole relatif au statut des réfugiés, adoptée le 31 janvier
1967 (entrée en vigueur le 4 octobre 1967).
31. Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer
le statut de réfugié au regard de la convention de 1951 et du
protocole de 1967 relatifs au statut de réfugiés, U.N. Doc.
HCR/1p/4FRE/REV.1 (1992), art. 189.
32. Kozoll, C.M., 2004, « Poisining the Well : Persecution, the
Environment, and Refugee Status », Colo. J. Int’l Envtl L. &
Pol’y, vol. 15, p. 275.
33. Convention relative au statut des réfugiés, supra, note 25,
art.1 A) 2) et Protocole relatif au statut des réfugiés, supra,
note 26, art. 1 2).
34. Cooper, J.B., 1998, « Environmental Refugee : Meeting
the Requirements of the Refugee Definition », N.Y.U.
Environmental Law Journal, vol. 6, p. 482.
35. Kozoll, C.M., supra, note 32, p. 281.
36. Cournil, C., supra, note 1, p. 1042.
98
37. Cooper, J.B., supra, note 34, p. 482. La Convention de
1951 est le fruit d’une réflexion basée sur un contexte
d’après-guerre. Les droits et les obligations garantis par
cette Convention reflètent une vision occidentale des droits
qui à l’heure actuelle, avec le développement de nouvelles
formes de migrations, apparaît inappropriée.
38. Directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions
que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les
apatrides pour pouvoir prétendre aux statut de réfugié ou
les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une
protection internationale, et relatives au contenu de ces
statuts, [En ligne] : http://cfda.rezo.net/textes/directive-2904-04.pdf (dernière consultation : 04/03/07).
39. Protection des Réfugiés : Guide sur le droit international
relatif aux réfugiés, Haut-Commissariat pour les Réfugiés,
décembre 2001, p. 9.
40. C ooper , J.B., supra, note 34, p. 483. Par ailleurs,
mentionnons que Mme Cooper soutient que les désastres
environnementaux peuvent dans certaines circonstances
être causés par l’inaction ou le laxisme des autorités
gouvernementales. Ainsi, il serait possible d’intégrer ces
circonstances dans l’interprétation accordée à la persécution,
c’est-à-dire « faits des autorités d’un gouvernement contre
des individus ». À ce titre, voir Cooper, J.B., supra, note 34,
p. 502.
41. Le Guide, supra, note 31, art. 39.
42. United Nations University – UNU-EHS – Institute for
Environment and Human Security, supra, note 3.
43. A ppel de L imoges sur les réfugiés environ ­
nementaux (2005) adopté par le Centre de Recherches
Interdisciplinaires en Droit de l’Environnement, de
l’Aménagement et de l’Urbanisme (CRIDEAU – CNRS/
INRA), en collaboration avec l’Observatoire des Mutations
Institutionnelles et Juridiques (OMIJ) et le Centre
International de Droit Comparé de l’Environnement
(CIDCE) dans le cadre du Colloque International à Limoges
sur les « réfugiés écologiques » sous le Haut patronage
de l’Institut des Nations Unies pour la Formation et la
Recherche (UNITAR) et de la Société Française pour le
Droit de l’Environnement (SFDE).
44. Michelot-Draft, A., « Enjeux de la reconnaissance du
statut de réfugié écologique pour la construction d’une
nouvelle responsabilité internationale », Revue Européenne
de Droit de l’Environnement, vol. 4/2006, p. 440.
45. Ibid., p. 441.
46. Déclaration de Stockholm, 1972, Doc. N.U. A/CONF.48/14/
Rév. Le principe 1 de la Déclaration énonce ainsi le droit à
un environnement sain : « L’homme a un droit fondamental à
la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes,
dans un environnement dont la qualité lui permettra de vivre
dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de
protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations
présentes et futures ».
47. Déclaration de Rio, 1992, No. E.73.II.A.14. Le droit à la
qualité de l’environnement est reconnu, sous différentes
formes, dans plusieurs autres textes tels que : le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (1966), art.
1 (2), le Pacte international relatifs aux droits économiques,
sociaux et culturels (1966), art. 1 (2), la Déclaration
universelle des droits de l’homme (1948), art. 22 et 25.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
48. Michelot-Draft, A., supra, note 44, p. 442.
49. Cournil, C., supra, note 1, p. 1060.
50. Kiss, A., « Définition et nature juridique d’un droit de
l’homme à l’environnement », in Environnement et droit de
l’homme, UNESCO, 1987, p. 15.
51. Keane, D., supra, note 19, p. 215.
52. M c C ue , G.S., « Environmental Refugees : Applying
International Environmental Law to Involuntary Migration »,
The Georgetown International Environmental Law Review,
vol. 6, p. 178.
53. Ibid., p. 179. Cette précision acquiert une importance
particulière dans la mesure où une telle approche permet de
prendre en considération les inquiétudes des pays développés
quant aux flux migratoires majeurs qui pourraient avoir lieu
sur leur territoire.
54. Déclaration de Stockholm, supra, note 46.
55. Weiss, E.B., Magraw, D.B., Szasz, P., « International
Environmental Law : Basic Instruments and References »,
Transnational Publishers, 1992-1999, p. 22.
56. Déclaration de Stockholm, supra, note 46, principe 21.
57. Doumbé-Billé, S., « Droit international et développement
durable » in Les Hommes et l’Environnement – En hommage
à Alexandre Kiss, Éditions Frison-Roche, Paris, 1998,
p. 248.
58. McCue, G.S., supra, note 52, p. 179.
59. Ibid., p. 180.
60. Ibid., p. 181.
61. Ibid., p. 182. Le volet notification de cette obligation
consisterait à informer les États voisins et le secrétariat de
la convention des risques des flots migratoires. Le volet
information consisterait à rendre disponible l’information
concernant l’accident où l’ampleur de la dégradation
de l’environnement sur le territoire de la partie touchée.
Finalement, le développement de plans de contingence
permettrait de prévoir des solutions aux problèmes engendrés
par les flux migratoires.
62. Déclaration de Rio, 1992, supra, note 47, principe 7. Ce
principe précise ce qui suit : « Les États doivent coopérer
dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de
protéger et de rétablir la santé et l’intégrité de l’écosystème
terrestre. Étant donné la diversité des rôles joués dans la
dégradation de l’environnement mondial, les États ont des
responsabilités communes mais différenciées. (…) ».
63. Notamment dans la Convention de la Bâle de 1989 con­
cernant le contrôle des mouvements transfrontaliers de
déchets dangereux et leur élimination, Convention de
1992 sur la diversité biologique, Convention cadre sur les
changements climatiques.
64. Michelot-Draft, A., supra, note 44, p. 440.
65. Ibid., p. 441. Un fonds d’indemnisation en faveur des États
victimes de migrations environnementales pourrait être mise
en place.
99
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
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100
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Société civile, organisations non gouvernementales
et nouvelles modalités d’exercice de la souveraineté de l’État
dans les accords internationaux sur les changements climatiques
Valérie DEMERS1
Étudiante à la maîtrise en environnement
Université du Québec à Montréal
Introduction
L’enjeu global des changements climatiques est
un phéno­mène possédant l’immense potentiel de
donner une forme nouvelle au monde physique. Pour­
tant, il n’est pas sans avoir un autre potentiel, lui
aussi très vaste, de transformer le monde politique.
Certains paramètres qui ont de tout temps fondé les
caractéristiques des États pourraient ainsi se retrouver
métamorphosés. La souveraineté, en tant qu’élément
constitutif classique de l’État, s’inscrit sans conteste
au nombre de ces paramètres.
Nous postulons comme hypothèse de départ qu’à l’ère
de la mondialisation, l’exercice de la souveraineté se
déploie au sein d’une gouvernance globale à l’échelle
inter­nationale et selon de nouvelles modalités. Une
manière de constater ces dernières consiste d’une
part en l’observation du rôle particulier que tiennent
les orga­nisations non gouvernementales (ONG) dans
le système de la gouvernance, dans lequel elles sont
reconnues comme actrices légitimes et peuvent influen­
cer le contenu des accords internationaux qui y sont
négo­ciés. D’autre part, ces nouvelles modalités sont
visibles à travers la participation de l’État à l’édification
de nouvelles institutions à l’intérieur desquelles il est
toujours un État souverain, avec ses intérêts et concep­
tions propres, et non pas seulement un délégateur de
pouvoir.
Pour étudier ce phénomène, nous avons choisi de nous
pencher sur le cas de la Convention-cadre des Nations
Unies sur les changements climatiques (CCNUCC)
et du Protocole de Kyoto, respectivement entrés en
vigueur en 1992 et en 2005, et qui visent à réduire les
gaz à effet de serre (GES) qui causent le réchauffement
clima­tique. Nous présenterons d’abord certaines
modifications qui ont déjà eu cours autour du concept
de souveraineté. Puis, nous mettrons en relief les
éléments essentiels de la gouvernance internationale.
Nous tracerons ensuite un portrait de l’acteur qu’est
l’ONG et montrerons les efforts que font les acteurs
étatiques pour favoriser son intégration au niveau
international. Suite à cela, nous pourrons dégager les
mutations conceptuelles qui surviennent aujourd’hui
relativement au concept de souveraineté.
L’évolution de la souveraineté
L’évolution du concept de souveraineté s’est effectuée
graduellement, au fil de la transformation du système
international. Un de ses changements les plus mar­
quants a certainement été son passage, au cours du
xix e siècle, d’une souveraineté politique absolue,
monolithique, à une souveraineté légale relative.
La souveraineté politique absolue et l’interdépendance
suscitée par les problèmes globaux
La souveraineté politique absolue de l’État fait en
sorte que ce dernier peut agir sur toute personne ou
chose en dessous, au-dessus ou sur son territoire et, à
l’exclusion de tout autre État ou organisation, établir
les caractéristiques des institutions servant à assurer et
effectuer ses opérations, promulguer ses lois et garantir
leur respect ainsi que déterminer ses structures et ses
tâches et les moyens de les réaliser indépendamment.
Si cette conception politique de la souveraineté est la
base empirique dominante du système international
(Wildhaber, 1983), aujourd’hui, parce qu’elle met
l’accent sur une indépendance prépondérante des États,
elle n’est pas idéale et fonctionnelle. Dans le contexte
des problèmes environnementaux globaux, elle ne
permet donc pas de décrire la réalité des États devenus
interdépendants et surtout, de trouver des solutions à
ces derniers. La souveraineté, si elle n’avait pas changé
aurait donc eu le pouvoir potentiel de créer « une
destruc­tion environnementale à large échelle » (Conca,
1994, p. 702).
La souveraineté légale relative et l’apparition de nouveaux acteurs
D’un point de vue théorique, nombreux ont été ceux qui
ont tenté de trouver une solution à ce qui ressemblait de
plus en plus à une impasse. C’est pour cette raison que
l’on s’est peu à peu retourné vers le droit international
qui, préconisant une souveraineté légale relative, se
constituait en véritable symbole d’interdépendance.
Selon Arbour (2002, p. 260), il ne fait d’ailleurs plus de
doute que le concept de souveraineté ne peut plus être
absolu : « la notion de souveraineté demeure essentiel­
lement relative et l’idée d’omnipotence et d’absolutisme
qu’elle tend à accréditer ne résiste pas à un examen
sérieux de la réalité ».
101
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Si cette souveraineté ne rend pas l’État sujet d’autres
États, elle en fait toutefois un sujet de droit interna­
tional. Dans cette perspective, l’État accepte de trans­
férer certains pouvoirs à l’échelon international. Ce
principe de consentement, qui se définit comme le fait
d’accepter des restrictions à sa liberté d’action (Fried,
1998), ne représente toutefois pas une autolimitation,
mais bien une limitation d’un niveau de souveraineté,
par un exercice de la souveraineté à un autre niveau,
selon des modalités coopératives. L’État, constitutifs
des organes internationaux, continue en effet d’être
partie prenante de ses instances décisionnelles.
Si la souveraineté légale a permis de faire face à la
réalité des problèmes environnementaux globaux, elle
n’en demeure pas moins une conception basée sur les
seuls acteurs étatiques et n’intègre pas tous les acteurs
pertinents à la question des changements climatiques.
Avec une présence accrue d’acteurs non étatiques sur
la scène internationale, comme les ONG, force est donc
d’adapter à nouveau le concept de souveraineté.
La souveraineté verte
En s’attardant au verdissement de la souveraineté dans
le contexte des problèmes environnementaux globaux,
c’est en partie à cette adaptation que s’est consacrée
Karen Litfin (1997), qui a décomposé le concept de souve­
raineté (désormais « verte ») en trois éléments distincts :
le contrôle, l’autonomie, mais surtout, la légitimité.
C’est cette dernière qui, en rappelant la réalité de la sou­
veraineté populaire, nous éclaire sur la manière dont les
ONG peuvent transformer les modalités d’exercice de
la souveraineté. L’« activisme transnational » des ONG
apporterait ainsi de nouvelles sources de légitimité pour
l’État (dont le respect des ententes qu’il prend, même
dans le cas d’ententes non contraignantes). L’État doit
tenir compte, dans une certaine mesure, des demandes
des ONG pour être légitime face à la population (par
exemple, par la mise en place de mesures de réductions
des GES ou encore de nouvelles normes en cette
matière), ce qui impose certains défis à sa traditionnelle
auto­rité. On parvient de cette façon à faire le pont entre
la participation démocratique et la souveraineté (trop
longtemps oublié selon Litfin). Du coup, la légitimité
n’est plus seulement la reconnaissance d’un État par les
autres États.
Selon nous, à partir du moment où l’on accepte le postulat
d’une pluralité d’acteurs et de lieux d’actions, il apparaît
clair que l’on peut référer au concept de gouver­nance pour
expliquer la réalité du monde actuel. Centrale à notre
recherche, la gouvernance est en effet l’environnement
dans lequel la souveraineté doit aujourd’hui exister.
La gouvernance
Le déclin du système stato-centré
Une des caractéristiques les plus saillantes de la gou­
vernance réside dans le fait qu’elle remet en question
le paradigme stato-centré du système international,
qui devient de plus en plus inadéquat pour résoudre les
problèmes politiques clés et pour gérer un vaste éventail
de fonctions publiques (Held, 1995). La recherche du bien
commun, auquel appartient la qualité de l’envi­ronnement,
impliquerait une intégration de la société civile et des
institutions supranationales dans une logique qui enlève
à l’État sa traditionnelle position centrale dans le système
international. On peut donc voir que la société civile, qui
peut se décliner en termes d’activisme transnational
(Litfin, 1997) se déployant dans les ONG, participe de
cette remise en question du modèle stato-centré des
relations internationales et force l’État à coexister avec
de nouveaux acteurs.
La démocratisation des organisations globales
Dans un tel système, les ONG parviennent à se faire
une place sur la scène internationale et à se rap­pro­
cher du processus décisionnel des organisations inter­
gouver­nementales, ce qui est une façon de pallier
un déficit démocratique de plus en plus dénoncé au
niveau international (Cellarius et Ellis, 2005). De cette
manière, les ONG quittent l’État dont elles émergent
et se « transnationalisent » dans le but de prendre place
sur la scène internationale, aux côtés des acteurs que
sont les États, notamment au sein de l’Organisation
des Nations Unies (ONU). Ce faisant, elles contribuent
à la démocratisation des organisations globales de la
gouvernance (Hewson et Sinclairs, 1999). Ce phénomène
fait en sorte que la démocratie, qui se manifeste maintenant
sur la scène internationale, n’est plus un concept propre
aux seules affaires internes des États. Le déclin du
système stato-centré, qui permet une intégration des
ONG dans les organisations internationales, favorise
ainsi la démocratisation des organisations globales de
gouvernance (figure 1).
Figure 1. Évolution de la démocratie dans le système international
Déclin du sytème
stato-centré
102
Intégration des
ONG au sein des
organisations
internationales
Démocratisation
des organisations
globales de la
gouvernance
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Le nouveau paradigme du système international
En repensant les modes d’interactions stato-centrées
des relations internationales, Kehoane et Nye, dès 1973,
ont bien illustré comment se présentent les interactions
entre les acteurs du système international (figure 2).
Ils ont en ce sens effectué un véritable changement de
paradigme, se constituant en authentiques précurseurs
de la gouvernance2.
Dans le schéma du haut, on voit en effet le modèle
classique d’interactions stato-centrées, dans lequel les
sociétés interagissent sur la scène internationale par
le bais de leur gouvernement national (S1 à G1 et S2 à
G2). Le schéma du bas montre pour sa part un modèle
où se déploient de nouvelles interactions. Elles peuvent
avoir lieu entre les sociétés (S1 à S2), entre les sociétés
et les organisations intergouvernementales (S1 à IGO
Figure 2. Changement de paradigme du système international (Tiré de Kehoane et Nye, 1973.)
Modèle d’interactions stato-centrées (paradigme classique) : les gouvernements sont les agences à
travers lesquelles les sociétés traitent les unes avec les autres.
IGO
G1
G2
S1
S2
Politiques interétatiques
Politiques domestiques
G = gouvernement
S = société
IGO = organisations intergouvernementales
Interactions transnationales et politiques interétatiques : pour chacune des lignes « interactions
transnationales »,
au
moins
un
des
acteurs
n’est
pas
gouvernemental
ou
organisation
intergouvernementale.
IGO
G1
G2
S1
S2
Politiques interétatiques classiques
Politiques domestiques
Interactions transnationales
G = gouvernement
S = société
IGO = organisations intergouvernementales
103
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
et S2 à IGO) ou entre une société et un gouvernement
autre que celui qui la gouverne (S1 à G2 et S2 à G1).
Selon la terminologie de ces auteurs, lorsque les
acteurs de cette politique mondiale transcendent les
fron­tières, comme dans la figure du bas, nous abordons
des interactions transnationales, celles-ci impliquant
des acteurs non gouvernementaux – individus ou
organisations – parallèlement ou non à des acteurs
gouvernementaux.
Les organisations non gouvernementales
et les efforts d’intégration au niveau national
et international des acteurs étatiques
Les ONG
Des divers auteurs étudiés, on peut retenir que l’ONG
met de l’avant certaines valeurs et intérêts partagés
par ses membres qui en déterminent collectivement
les activités, qu’elle n’est pas créée en vertu des gouver­
nements centraux mais peut cependant inclure des
personnes des autorités publiques locales, qu’elle ne
comporte pas de but lucratif et que son objectif est
d’une part de répondre aux besoins des membres qui
la composent ou des communautés qui coopèrent avec
elle, et d’autres part, d’influencer les politiques en
faveur de leurs aspirations (Anheier, Glasius et Kaldor,
2001 ; Nowrot, 1996-1997 ; Alkoby, 2003 ; Le Prestre,
2005 ; ONU, Conseil économique et social, 1996 ; ONU,
Assemblée générale, 2004a ; Rosenau, 1990 ; Wapner,
1998 ; Raustiala, 2001 ; Luard, 1990).
Les ONG, sous-catégorie de la société civile, s’en dis­
tinguent par le projet politique qu’elles portent, et en
ce sens, sont davantage porteuses de transformations
sociales.
Les activités des ONG
Pour atteindre les buts politiques qu’ils poursuivent, ces
acteurs non étatiques mènent diverses activités visant
à pénétrer le système international. Principalement, il
s’agit de celles qui sont entreprises de leur propre chef
et de celles qui sont menées dans le cadre des dispositifs
de participation des ONG à la CCNUCC. Bien que nous
ne les détaillerons pas dans le cadre de cet exposé,
les premières consistent en la contribution à la déter­
mination de l’agenda international, la contribution à
la connaissance des enjeux et la popularisation des
problèmes environnementaux auprès du public, la
fourniture de conseils politiques et d’informations
aux acteurs étatiques, l’influence des procédures de
négociations internationales par la pression politique
et la surveillance des actions gouvernementales
(Raustiala, 1997 ; 2001).
Par ailleurs, d’autres activités des ONG se déploient
dans certains dispositifs de l’ONU qui visent à offrir des
moyens de participation aux ONG afin qu’elles puissent
104
exprimer leur point de vue en regard de l’enjeu des
changements climatiques.
À titre d’exemple, on peut lire dans l’article 4.1 i) de la
Convention, que les Parties
Encouragent et soutiennent par leur coopération
l’éducation, la formation et la sensibilisation du
public dans le domaine des changements climatiques
et encouragent la participation la plus large à ce
processus, notamment celle des organisations non
gouvernementales ;
Par ailleurs, en vertu de l’article 7.6 de la Convention,
les ONG qui le demandent jouissent pleinement du
droit d’être observatrices lors des Conférences de
Partie (CdP) et des Réunions des Partie (RdP)3. Lors
des réunions officielles, les ONG parviennent aussi
à se faire une place, notamment par leur assistance
et par la production de déclarations, bien qu’elles ne
disposent que d’un court laps de temps pour exprimer
leurs visions.
Enfin, l’article 7, 2 l) de la Convention spécifie pour
sa part explicitement que la CdP a la possibilité de
recourir à l’expertise des ONG. Ainsi : « Le cas échéant,
elle sollicite et utilise les services et le concours des
orga­nisations internationales et des organismes inter­
gouvernementaux et non gouvernementaux compétents,
ainsi que les informations qu’ils fournissent ».
Les ententes internationales et le droit
international comme instrument d’intégration
des organisations non gouvernementales
Avec l’évolution des ententes internationales et du
droit international, qui se mettent à évoquer de plus
en plus la participation publique, entre autres dans la
Déclaration de Rio4, l’Agenda 215 et la Convention
d’Aarhus6, davantage d’opportunités de pénétrer le
système international sont laissées aux ONG. Bien
que les États « relativement souverains » soient les
entités opérationnelles du système international, les
ONG réussissent tout de même à avoir une certaine
emprise sur eux par leur présence, bien qu’elle ne soit
pas encore formelle et élargie7. En prévoyant certaines
dispositions pour favoriser la participation des ONG,
comme on l’a vu dans plusieurs accords de l’ONU,
l’occul­tation de leur présence, qui se présentait selon
notre cadre théorique comme la principale limite de
la sou­veraineté légale, se résorbe. Nos observations
montrent en effet qu’aujourd’hui, les ententes interna­
tionales et le droit international sont davantage ouvert
qu’auparavant aux autres acteurs que les États. Dans
cette perspective, ils seraient une véritable porte
d’entrée dans les organisations internationales pour
les ONG. L’ONG transnationale pourrait influer par
leur biais sur l’ensemble des États qui se regroupent
dans les organisations intergouvernementales.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
La souveraineté dans le contexte
de la gouvernance
Cette présentation des acteurs de la gouvernance et de
leur intégration sur la scène internationale est certes
convaincante quant au dynamisme du système inter­
national. Qui plus est, elle souligne la nécessité de
réajuster constamment certains paramètres de l’État,
qui constitue la base traditionnelle de ce système. La
souveraineté fait bien entendu partie de ces éléments
appelés à changer.
L’imposition progressive de la gouvernance comme
nouveau paradigme du système international contribue
à expliquer le second temps fort de l’évolution de la
souveraineté, soit le passage d’une souveraineté légale
relative stato-centrée à une souveraineté relative dans
un contexte de gouvernance. Principalement, notre
analyse révèle que la souveraineté peut toujours exister
dans ce contexte, mais qu’elle doit maintenant obéir à
de nouvelles modalités d’exercice. La plus importante
de celles-ci est selon nous la nouvelle quête de légitimité
que doivent poursuivre les acteurs étatiques, en mettant
sur pied des institutions et des procédures visant à faire
participer la société civile.
En se rapprochant de l’ONU, les ONG participeraient
ainsi à l’émergence d’un espace de débat au sein
duquel les acteurs étatiques formeraient certainement
le cœur, mais n’incarneraient toutefois pas les seuls
interlocuteurs légitimes. C’est notamment ce que l’on
constate lorsque la CdP et la RdP accèdent à certaines
demandes provenant des ONG ou acceptent de modifier
leur position en leur faveur.
Une participation des ONG largement circonscrite par les
États
En terminant ainsi notre analyse, nous pourrions con­
clure à un éminent caractère démocratique du système
international. Pourtant, force est de consta­ter que si
les ONG s’intègrent davantage aux organisations
intergouvernementales et se rapprochent du proces­
sus décisionnel, elles n’y prennent toutefois pas
véritablement part. Les canaux démocratiques claire­
ment établis au niveau domestique, notamment le
vote, demeurent en effet ambigus lorsque l’on passe à
l’échelon international. Les ONG, par exemple, n’ont
pas le droit de voter à l’ONU, ni même la possibilité
de participer concrètement à l’élaboration des textes
des accords.
L’ONU intègre de fait les ONG d’une manière précise,
soit selon des modalités qu’elle définit elle-même.
Certes elle les consulte, leur demande des informations
ou les implique dans l’éducation du public par exemple,
mais on remarque malgré tout une participation
plus formelle des ONG au début des processus de
négociations, alors que quand viennent « les choses
sérieuses », elles sont de plus en plus exclues et en
marge des processus officiels (Alkoby, 2003).
L’ONU semble en quelques sorte jouer le rôle d’un
filtre pour les demandes et recommandations des
ONG, ce qui facilite notamment la tâche des États,
au niveau national, constamment à la recherche d’un
équilibre entre la volonté de leur société domestique
et les tractations interétatiques menées au niveau
inter­national. Ceci aurait aussi pour effet de réduire
au maximum les risques de divergences entre l’État
et les citoyens.
Enfin, le pouvoir des ONG demeure soumis à la
volonté des États d’accepter ou de refuser leur position,
les normes démocratiques étant circonscrites par
la volonté de l’ensemble des acteurs étatiques. Les
ententes internationales et le droit international qui
se développent sous l’égide de l’ONU seraient donc
toujours le propre des États, la société civile globale, qui
se regroupent en partie dans les ONG transnationales,
demeurant en marge des procédures officielles (Falk,
1999). En un mot, les ONG seraient libres de faire
ce qu’elles veulent, mais dans les limitent définies par
l’État.
La CCNUCC et le Protocole de Kyoto, constituent
donc bel et bien une entente internationale et un
accord de droit international, mais pas encore « inter
acteurs ». L’État conserve ainsi dans ces accords toute
sa primauté et y déploie sa souveraineté. Il y aurait
donc un pas à faire afin d’évacuer toute tension entre
ces accords internationaux et la gouvernance.
Conclusion : une gouvernance conditionnelle
à la souveraineté
À la lumière des affirmations précédentes, on constate
que la souveraineté de l’État est très loin d’être mise en
péril. Notre étude de cas révèle seulement que la sou­
veraineté s’exerce selon de nouvelles modalités qui se
définissent en rapport avec la compréhension différente
de la gouvernance par les ONG et par les États.
Pour les ONG, la conception du phénomène de gou­
vernance s’effectue avec le souci de consolider leur
pouvoir d’influence sur les États souverains dans le but
moduler le monde selon leurs aspirations. Les nouvelles
modalités d’exercice de la souveraineté résident donc
beaucoup dans le fait que les ONG contraignent l’État
à exercer sa souveraineté selon une quête de légitimité
qui l’oblige à instituer des procédures destinées à la
participation de la société civile au niveau international.
Du coup, les ONG forcent les États à conférer une
forme institutionnelle différente à l’ONU.
105
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Puis, la reconnaissance du phénomène de gouvernance
par les États se réalise quant à elle avec la volonté de
demeurer des acteurs légitimes afin de conserver leur
sou­veraineté et pour avoir primauté sur les autres
acteurs. Pour ce dernier, accepter le nouveau paradigme
de la gouvernance, c’est accepter de nouvelles modalités
d’exercice de la souveraineté, alors que le nier, c’est
soutenir la perte de légitimité, élément fondamental de
la souveraineté, engendrée par cette négation.
Ce sont donc principalement les États qui décident
de la forme du système international, en considérant
juste suffisamment l’influence des ONG, garantes de
la légitimité indispensable à l’État pour demeurer
souverain. Les actions des ONG se déploient ultime­
ment dans cette forme habilement imposée, la légiti­mité
se révélant la clé de voûte de tout un système de pouvoir.
Tout ceci se résume donc en quelques mots : tant que
les États auront cette préoccupation d’être légitimes, les
ONG pourront avoir une certaine influence, ces deux
éléments étant en quelque sorte, proportionnels.
Notes
1. Candidate à la maîtrise en sciences de l’environnement,
Institut des sciences de l’environnement, Étudiante-cher­
cheur, Chaire de responsabilité sociale et de Développement
durable, Université du Québec à Montréal. demers.valerie@
courrier.uqam.ca.
2. À l’époque, c’est surtout le terme de politique mon­diale qui était
utilisé par ces auteurs que l’on disait interdépendantistes.
3. L’organe suprême de la Convention est la CdP (CCNUCC,
art. 7.2) alors que celui du Protocole de Kyoto est la RdP
(Protocole de Kyoto, art. 13.1). Les États qui ont ratifié la
CCNUCC sont tous membres de la CdP, et ceux qui ont
ratifié le Protocole (et préalablement aussi la CCNUCC)
sont tous membres de la RdP. La CdP et la RdP sont donc
essentiellement la même entité. Le rôle de la CdP et de la
RdP est de « faire le point sur l’application de la Convention,
adopter des décisions qui élaborent davantage avant les
règles fixées et négocier de nouveaux engagements » (ONU,
2005a, p. 10).
106
4. Suite à a déclaration de Stockholm, la nécessité de protéger
l’environnement se fait de plus en plus vive et cette volonté
apparaît graduellement dans divers textes, précurseurs
des conventions de Rio. Une grande place est ainsi faite
à l’infor­mation et la Déclaration ira même jusqu’à établir
que la participation publique est un principe fondamental
(Grandbois et Bérard, 2003).
5. Le programme Action 21 vise à agir afin de solutionner les
« problèmes urgents d’aujourd’hui » (ONU, 2005b, art. 1.3)
dans la sphère du développement et de l’environnement résul­
tant d’un « consensus mondial et un engagement politique
au niveau le plus élevé sur la coopération ». (ONU, 2005b,
art. 1.3).
6. La Convention d’Aarhus est celle qui traduit le mieux le
principe de la Déclaration de Rio sur les droits de partici­
pation publique, elle : « s’appuie sur la reconnaissance
des liens entre les droits fondamentaux et la protection de
l’environnement pour imposer aux États des obligations non
seulement à l’égard des autres États membres, mais aussi à
l’endroit de la société civile » (Grandbois et Bérard, 2003,
p. 445). Son objectif est « de “contribuer à protéger le droit
de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre
dans un environnement propre à assurer la santé et son bienêtre » (Grandbois et Bérard, 2003, p. 446).
La Convention prévoit notamment que quiconque doit avoir
accès à la justice en matière d’environnement : « Le droit
interne doit également permettre à la population et aux ONG
d’intenter des recours administratifs et judiciaires pour que les
lois sur l’environnement soient appliquées lorsqu’une infrac­
tion est constatée » (Grandbois et Bérard, 2003, p. 447).
7. Les ONG sont solidement intégrées dans ce que Raustalia
appelle les procédures informelles mais pas encore
véritablement dans les procédures formelles.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
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107
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Séance 5
Gouvernance : de nouveaux acteurs en émergence
108
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
La mise en œuvre de la Convention sur la diversité biologique,
de l’échelon global au local : étude du cas de l’Équateur
Ariane GAGNON-LÉGARÉ
Étudiante à la maîtrise en science politique
Université Laval
Introduction
Parallèlement à la croissance des populations hu­maines
et à l’essor de leurs moyens d’agir sur leur milieu, les
problèmes environnementaux se mul­tiplient et atteignent
des proportions planétaires. Les accords multilatéraux
de l’environnement (AME) sont parmi les outils
utilisés par les États afin de gérer, et éventuellement
de résoudre, des pro­blèmes d’environnement1. Une des
difficultés dans l’application des AME est qu’ils sont
ratifiés par les gouver­nements nationaux, alors que
les problèmes d’environnement relèvent typiquement
de plusieurs paliers gouvernementaux ainsi que d’une
kyrielle d’autres acteurs2. Pour répondre à leurs buts,
les AME doivent avoir un impact, direct ou indirect,
à des échelles diverses, notamment aux échelons
gouver­nementaux infranationaux3. Il importe donc
de comprendre l’influence des AME au-delà des
gouvernements centraux qui les négocient.
Cette recherche vise à décrire l’efficacité en termes
de mise en œuvre d’une entente internationale sur
l’environnement à différents paliers de gouvernement
et à identifier les facteurs qui facilitent ou entravent
cette mise en œuvre. Nous présenterons d’abord cadre
théorique de cette étude et l’état des connaissances
dans le domaine, puis les questions et hypothèses de
recherche et la méthode employée, avant d’exposer et
de discuter les résultats obtenus.
Cadre théorique et état des connaissances
Les régimes
Ce projet de recherche, qui s’intéresse au rôle d’un
AME, peut être associé au programme de recherche
sur les régimes, qui examine comment s’organise la
coopération à l’échelle internationale et la manière
dont les acteurs d’un régime (ou d’un AME) le
mettent en œuvre et s’y conforment4. Notre projet
se situe cependant tout en aval de la théorisation des
régimes, qui concerne habituellement les relations
inter­nationales. Il ne sera pas question ici de la
formation d’un régime, ni de son évolution à l’échelle
globale, mais de l’influence d’un AME existant sur un
gouvernement national et ses échelons internes. Cet
angle d’approche reflète l’évolution des préoccupations
de recherche du domaine, qui ont migré de l’apparition
des régimes vers leur efficacité. Cette influence des
AME sur les États et leur structure politique interne
est essentielle dans les pays où les pouvoirs en matière
d’environnement sont partagés entre paliers et
organismes gouvernementaux.
L’efficacité
À cause de la possibilité limitée d’user de sanctions et
de la mise en œuvre difficile de plusieurs AME, cer­tains
questionnent leur efficacité5. Cette efficacité est d’ailleurs
entendue de plus d’une manière. Nous la mesurerons en
termes de mise en œuvre, un AME est alors efficace si
ses dispositions sont traduites en mesures législatives et
politiques par les États Parties, sans égard à la solution
du problème environnemental visé.
État des connaissances des facteurs affectant la mise en œuvre
Les travaux sur les AME ont plus souvent porté sur
leurs négociations que sur le sort post-signatures des
accords6. En conséquence, la connaissance des facteurs
influençant la mise en œuvre est, à ce jour, approxi­
mative et ne concerne pratiquement que la mise en
œuvre nationale, sans égard aux échelons gouver­
nementaux infranationaux7. S’il est illusoire, compte
tenu de la complexité des phénomènes en cause, de
penser expliquer précisément les facteurs affectant la
mise en œuvre des AME à l’échelle planétaire8, mieux
connaître ce qui affecte la mise en œuvre d’une entente
internationale pourrait permettre de faciliter cette mise
en œuvre9.
Selon notre revue de la littérature, plus de 80 facteurs
affecteraient la mise en œuvre des AME. D’autre part,
la nature de ces facteurs est variée, il peut s’agir des
caractéristiques du problème d’environnement, comme
celles de l’AME, du contexte international ou du pays
(allant de ses culture et histoire, en passant par son
économie, sa politique, ses valeurs et sa géographie)10.
En somme, les facteurs influençant l’efficacité auraient
des effets mitigés, leurs interrelations seraient dyna­
miques, complexes et contradictoires, à l’occasion11.
109
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Chaque problème aurait ses caractéristiques qui déter­
minent les réactions possibles12.
Question et hypothèses de recherche
La question de recherche à laquelle nous avons voulu
répondre est la suivante :
« Pourquoi observe-t-on des différences dans le degré
de mise en œuvre d’un AME entre les échelons des
gouvernements national et infranationaux et entre
les unités politiques (UP)13 ? »
À partir de cette question nous avons formulé trois
hypothèses. Une est descriptive :
HA1 : Il y a une variation de la mise en œuvre de
l’article 6 de la CDB selon et entre les échelons
gouver­nementaux.
Et deux hypothèses sont explicatives :
HB1 : En Équateur, ce sont principalement les ressources
et les capacités des unités politiques qui déterminent le
degré de mise en œuvre.
HB2 : Ce sont des caractéristiques de l’appareil politique,
de la société civile ou l’engagement d’acteurs externes14
qui déterminent le degré de mise en œuvre de l’article
6 de la CDB, plutôt que les ressources et capacités de
l’unité politique.
En formulant ainsi les hypothèses HB1 et HB2, nous
voulions tester l’affirmation, courante dans les négo­
ciations et forums internationaux, selon laquelle les
PED ne peuvent appliquer les accords internationaux,
faute de ressources15.
Méthode
Notre testerons nos hypothèses en menant une étude
de cas multiples. Ces cas proviendront cependant tous
du même pays pour des raisons pratiques, soit nous
permettre d’examiner en détail le lien global-local,
sous-étudié mais capital.
Présentation du cas
Le cas étudié sera celui de la mise en œuvre de la Con­
vention sur la diversité biologique (CDB), une entente
relativement peu étudiée dont l’objet est aussi, voire
davantage, vital pour l’humanité que les changements
climatiques, par exemple16. Plus spécifiquement nous
nous concentrerons sur l’article 6 de cette entente, qui
en constitue le cœur17 :
Article 6. Mesures générales en vue de la conservation
et de l’utilisation durable
Chacune des Parties contractantes, en fonction des
conditions et moyens qui lui sont propres :
a) Élabore des stratégies, plans ou programmes natio­
naux tendant à assurer la conservation et l’utilisation
110
durable de la diversité biologique ou adapte à cette
fin ses stratégies, plans ou pro­grammes existants
qui tiendront compte, entre autres, des mesures
énon­cées dans la présente Convention qui la
concernent ;
b) Intègre, dans toute la mesure possible et comme il
convient, la conservation et l’utilisation durable de la
diversité biologique dans ses plans, programmes et
politiques sectoriels ou intersectoriels pertinents18.
L’étude sera menée en Équateur, un des pays du groupe
dit « méga-divers »19. L’Équateur est une fédération ;
il y existe quatre paliers gouvernementaux20. Nous
avons étudié les trois échelons gouvernementaux
supérieurs (fédéral, provincial, cantonal), le dernier
échelon – paroissial – étant peu organisé à ce jour21.
Quatre provinces ont été examinées (Azuay, Cañar,
Loja, Zamora Chinchipe), dans lesquelles le canton
abritant la capitale provinciale a aussi été étudié. Avec
le niveau fédéral, neuf unités politiques ont ainsi été
analysées. Cela permettra une comparaison entre
quatre provinces et entre quatre cantons.
Puisque notre but n’est pas de statuer sur la progression
de la mise en œuvre et afin de simplifier l’accès aux
données, l’étude porte sur les années 2005 et 2006.
Cependant, certains indicateurs, telle la stabilité
politique, se mesurent à plus long terme. Dans ces cas,
la période retenue est de 1993 à 2006, soit à partir de
la ratification de la CDB par l’Équateur.
Présentation des variables
Les facteurs affectant la mise en œuvre – soit nos six
variables indépendantes – qui ont été analysés sont les
ressources financières et humaines des unités politiques,
la stabilité et la volonté politiques, les capacités de la
société civile ainsi que l’engagement d’acteurs externes.
Ils ont été retenus car ils sont largement soutenus par
la littérature, mais aussi parce qu’ils sont mesurables
à différents échelons gouvernementaux. Les variables
dépendantes mesurées sont la mise en œuvre des
alinéas a) et b) de l’article 6 de la CDB. Chaque variable
a été mesurée grâce à un ou quelques indicateurs.
Collecte de l’information
Deux techniques de collecte d’information ont été
employées. Celle de l’observation documentaire, soit
l’examen des sites Internet, publications, rapports
internes, communiqués et autres productions des unités
politiques ou d’autres organisations, afin de documenter
les indicateurs. Aussi, nous avons interviewé des
personnes expérimentées des gouvernements, d’ONGE
et d’universités de chaque unité politique. Ces entrevues
visaient à cerner la perception des enjeux locaux
relatifs à la biodiversité, à aiguiller la recherche d’autres
documents, à combler les lacunes constatées au cours
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
de l’observation documentaire, ainsi qu’à corroborer
la pertinence des indicateurs et des informations
contenues dans les documents récoltés.
Traitement des données
Dans un premier temps, nous avons déterminé le degré
de mise en œuvre en classant les mesures politiques et
législatives de mise en œuvre de l’article 6 de la CDB
selon les catégories énumérées dans le tableau 1.
D’autre part, nous avons produit un graphique de disper­
sion du degré de mise en œuvre dans les provinces et
cantons en fonction des valeurs de chacun des indicateurs
de chacune de nos variables indépendantes. Nous avons
conclu à une relation entre le degré de mise en œuvre
et l’indicateur quand il n’y avait pas d’incohérence dans
la distribution des points. Nous avons considéré qu’il y
avait de telles incohérences lorsque, avec l’augmentation
de la valeur d’un indicateur, on voyait successivement
des degrés de mise en œuvre élevés puis plus bas (et
vice versa), ou quand un même degré de mise en œuvre
correspondait à des valeurs nettement différentes d’un
indicateur (et vice versa).
Résultats
Nous nous sommes d’abord assurées d’une prémisse :
le partage des compétences liées à la biodiversité entre
paliers gouvernementaux. En Équateur, la conservation
des écosystèmes et de leurs fonctions, de la biodiversité
et de l’intégrité du patrimoine génétique est enchâssée
dans la Constitution22. Concrètement, c’est le ministère
de l’Environnement équatorien, l’autorité environ­
nementale nationale, qui est responsable de la mise
en œuvre de la CDB et de la SNB. Malgré tout, les
provinces et cantons jouissent de pouvoirs importants
touchant directement et indirectement la biodiversité.
Ces gouvernements infranationaux peuvent créer et
administrer des aires protégées, gérer les ressources
naturelles, approuver (ou pas) des projets et en évaluer
les impacts sur les écosystèmes. De cette manière,
et par l’ensemble de leurs travaux sur le territoire
(construction de routes, contrôle de la pollution, gestion
des déchets), les UP infranationales déterminent le sort
de la biodiversité23.
Ce partage des compétences pertinentes constaté, nous
voulions évaluer la mise en œuvre de la CDB dans
chaque UP, puis analyser, le cas échéant, la variabilité
de cette mise en œuvre. L’étude du degré de mise en
œuvre dans les neuf unités politiques a montré une
mise en œuvre plus importante, de manière générale,
aux échelons gouvernementaux supérieurs.
Ces résultats corroborent notre première hypothèse
(HA1), selon laquelle :
Il y a une variation de la mise en œuvre de l’article 6
de la CDB selon les échelons gouvernementaux.
Nous constatons aussi que l’alinéa b) de l’article 6, qui
concerne l’intégration intersectorielle, est moins mis
en œuvre (sept UP sur neuf sans mesures de mise en
œuvre) que le a) (une UP sur neuf sans mesures de mise
en œuvre). Cela correspond à nos attentes et à la litté­
rature. Le tableau 2 présente un bilan de ces résultats.
L’analyse de la mise en œuvre faite, nous voulions voir
lesquels de six facteurs –ressources financières ou
humaines, volonté ou stabilité politiques, capacités de la
société civile, engagement d’acteurs externes – étaient
les plus étroitement associés au degré de mise en
œuvre. Par l’analyse de ces facteurs, nous voulions aussi
étudier de quelle manière les ressources financières et
humaines entravent la mise en œuvre d’un AME dans
un PED.
Tableau 1. Type de documents de mise en œuvre des alinéas a) et b) de l’article 6
de la CDB correspondant aux différents degrés de mise en œuvre
Degré de
Mise en œuvre de l’article
mise en
6 a)
œuvre
0
aucune mesure
1
existence de mesures politiques ou
législatives liées à la biodiversité
2
existence de stratégie ou de plan d’action
sur la biodiversité (SPAB) ou l’équivalent
3
existence de mises à jour des SPAB
4
–
Mise en œuvre de l’article 6 b)
aucune mesure
nombre de plans, programmes et politiques qui visent
directement l’intégration de la protection de la biodiversité dans
les plans, programmes et politiques sectoriels et intersectoriels
existence de mesures liées à la biodiversité hors du secteur
traditionnel
existence de plans, programmes ou politiques sectoriels et
intersectoriels où la protection de la biodiversité a été intégrée
existence de mises à jour de ces plans, programmes ou politiques
sectoriels et intersectoriels
111
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Tableau 2. Bilan des actions de mise en œuvre de l’article 6 a) et b) de la CDB entreprises
par les unités politiques de trois échelons gouvernementaux étudiés en Équateur
Degré de
mise en
œuvre
0
1
2
3
4
Mise en œuvre de l’article 6 a)
Mise en œuvre de l’article 6 b)
pays
provinces
cantons
pays
provinces
cantons
–
–
1 de 1
–
–
–
2 de 4
2 de 4
–
–
1 de 4
3 de 4
–
–
–
–
1 de 1
–
–
–
3 de 4
–
1 de 4
–
–
4 de 4
–
–
–
–
La relation entre le degré de mise en œuvre et nos indi­­
cateurs documentés sur le terrain n’est pas probante.
D’une part, aucun des indicateurs de trois des variables
indépendantes – volonté politique, ressources humaines,
engagement d’acteurs externes – ne montre une relation
avec le degré de mise en œuvre. Ainsi, la volonté
politique, les capacités humaines et l’engagement
d’acteurs externes n’affecteraient pas, selon nos données
de terrain, le degré de mise en œuvre.
Par ailleurs, seuls cinq des 10 indicateurs des trois
autres variables indépendantes, soit la stabilité
politique, les ressources financières et les capacités de la
société civile, montrent un lien avec le degré de mise en
œuvre. Toutefois, sauf pour ce qui est d’un indicateur
des capacités de la société civile (le PIB), cette relation
observée n’est pas cohérente. En effet, selon l’échelon
gouvernemental ou l’alinéa, ces indicateurs sont liés à
une mise en œuvre accrue ou moindre.
Dans ce contexte, notre étude ne permet pas de préciser
la nature des facteurs influençant la mise en œuvre.
Nos hypothèses HB1, selon laquelle :
En Équateur, ce sont principalement les ressources
financières et humaines des unités politiques qui
déter­minent le degré de mise en œuvre,
et HB2, qui stipulait que :
Ce sont la volonté ou la stabilité politique, les capa­
cités de la société civile ou l’engagement d’acteurs
externes qui déterminent le degré de mise en œuvre
de l’article 6 de la CDB, plutôt que les ressources
de l’unité politique,
ne peuvent ainsi pas être étayées par nos résultats.
Nous ne pouvons pas nous avancer sur leur pertinence
relative et ainsi tester l’affirmation selon laquelle les
PED ne peuvent pas, ou ont de la difficulté à mettre
en œuvre les AME, faute de ressources financières ou
humaines. Ces résultats ne permettent pas plus d’écarter
certains facteurs comme étant moins pertinents. Ce
que dénotent d’autre part ces résultats, c’est que, dans
une variété de contextes, les UP peuvent élaborer des
112
mesures de mise en œuvre. En conséquence, même
dans les PED, une marge de manœuvre existe.
D’autre part, au-delà de ces indicateurs, les documents
récoltés en Équateur sont informatifs. En effet, malgré
l’absence de lien observé entre le degré de mise en
œuvre et les indicateurs de l’engagement d’acteurs
externes, ces derniers semblent jouer un rôle pré­
dominant dans la gestion de l’environnement et de la
biodiversité en Équateur. Des dix mesures législatives
ou politiques que nous avons considérées comme
des mesures de mise en œuvre de la CDB, sept ont
été appuyées financièrement ou autrement par des
ONG internationales ou des agences de coopération
internationale24. Qui plus est, au moins cinq des huit
UGE infranationales25 ont été instaurées avec cette
participation d’acteurs externes. En conséquence,
malgré nos indicateurs, il nous semble raisonnable de
conclure au rôle marqué de l’engagement d’acteurs
externes dans la gestion de l’environnement et de la
bio­diversité à certains échelons infranationaux, en
Équateur.
Discussion
Devant ces résultats peu significatifs, nous avons
d’abord réfléchi à la validité des variables et indicateurs
employés. Cependant, le choix des variables et indi­
cateurs est soutenu par la littérature et corroboré
par les acteurs sur le terrain. Néanmoins, le cas de la
volonté politique mérite d’être relevé. Celle-ci est régu­
lière­ment mentionnée dans la littérature scientifique
tout comme sur le terrain, sans que la manière de la
mesurer ne soit rapportée.
D’autre part, si une relation entre les facteurs mesurés
et le degré de mise en œuvre n’apparaît pas, c’est poten­
tiellement parce que la mise en œuvre – la traduction
d’un AME en mesures législatives ou politiques – n’est
pas l’étape limitante. Ce qui est plus demandant, c’est
d’ensuite transformer ces mesures en actions concrètes.
Si nous avions plutôt tenté, donc, de voir l’influence
des six facteurs retenus sur la réalisation concrète de
mesures de mise en œuvre, alors, peut-être, une relation
aurait été mise à jour.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
A posteriori, force est de considérer, qu’en fait, la
complexité du phénomène étudié, soit la diversité des
facteurs agissant, fait qu’il était peut-être irréaliste de
tenter d’expliquer la mise en œuvre par quelques fac­
teurs, sur un tout petit échantillon. Le particularisme
de chaque unité politique brouillerait, à cette échelle,
tout effet des quelques variables indépendantes
considérées.
Parallèlement, la question de l’intégration inter­sec­
torielle de la biodiversité (et des questions environ­
nementales plus généralement) est préoccupante,
tout en étant capitale. Puisque ce sont pratiquement
l’ensemble des activités anthropiques qui ont une
incidence sur la biodiversité, celle-ci doit être considérée
dans la réalisation de l’ensemble de ces activités. Or,
notre étude montre que cette intégration se met en
place difficilement en Équateur, et c’est probablement
le cas partout ailleurs sur la planète, PED et pays dits
développés confondus. En cette matière, d’ailleurs, les
pays développés, les problèmes d’ordre humanitaire en
moins, pourraient faire preuve de leadership.
Conclusion
En somme, suite à ces études de cas, on ne peut répondre
précisément à notre question générale de recherche et
expliquer pourquoi on observe des différences dans le
degré de mise en œuvre de la CDB entre les échelons
gouvernementaux et selon les unités politiques. En
effet, nous ne pouvons préciser la nature des facteurs
influençant le degré de mise en œuvre, mais notre étude
révèle l’existence d’une certaine marge de manœuvre.
Au-delà de ces résultats, nos observations terrain
dénotent l’importance de l’engagement d’acteurs
externes, ce qui rappelle l’importance du débat sur
l’efficacité de l’aide internationale.
Par ailleurs, cette recherche a documenté les actions
de mise en œuvre qui sont réalisées aux échelons
infranationaux, ce qui montre la prise en compte de la
CDB à ces échelons. Dans la perspective de contribuer
à une meilleure protection de l’environnement, cet
angle d’étude devrait être approfondi, puisque dans
tous les cas, il y a un partage des responsabilités, du
moins dans l’accomplissement de certaines tâches,
entre les paliers gouvernementaux d’un pays. Puisque
beaucoup d’actions ont une incidence sur l’état de
l’environnement, du plus simple travail de voirie au
développement des programmes éducatifs, les relations
internationales sur l’environnement ne peuvent faire
l’économie d’un examen de leur impact intra national.
De même, bien que les pays gardent leurs affaires
internes des pourparlers internationaux, et sans
mettre en cause la souveraineté ou l’autodétermination
nationales, il serait pertinent que les façons de favoriser
l’intégration entre le global et le local, mais en respec­
tant les divers paliers des institutions nationales, soient
discutées, et les expériences dans le domaine, partagées,
dans le cadre des négociations de la CDB.
Notes
1. H.K. J acobson et E. B rown W eiss , « A ssessing the
Record and Designing Strategies to Engage Countries »,
dans E. Brown Weiss et H.K. Jacobson (sous la direction
de), Engaging Countries, Strengthening Compliance with
International Environmental Accords, Cambridge, MIT
Press, 2000, p. 511.
2. O. Greene, « Environmental issues », dans J. Baylis et S.
Smith (sous la direction de), The Globalization of World
Politics, An introduction to international relations, Oxford,
Oxford University Press, 2005, p. 457-458.
3. G. Bennett et S. Lightart, « The Implementation of
International Nature Conservation Agreements in Europe :
the Case of the Netherlands », European Environment,
volume 11, numéro 3, 2001, p. 149.
4. B. Martimort-Asso, « Régime international », dans A.
Macleod, E. Dufault et F.G. Dufour (sous la direction
de), Relations internationales, Théories et concepts,
Outremont, Athéna édition, 2004, p. 205-206.
5. R. LIDSKOG et G. Sundqvist, « The Role of Science in
Environmental Regimes : The Case of LRTAP », European
Journal of International Relations, volume 8, numéro 1,
2002, p. 80.
6. O.R. Y oung , « Introduction : The Effectiveness of
International Governance Systems », dans O.R. Young, G.J.
Demko et K. Ramakrishna (sous la direction de), Global
Environmental Change and International Governance,
Londres, University Press of New England, 1996, p. 4.
7. P.F. Steinberg, Transnational relations and the Politics
of Species Conservation in Poor Countries : Evidence from
Costa Rica and Bolivia, 1967-1997, Santa Cruz, University
of California, département de Environmental Studies
(Political Economy and Policy Analysis) (thèse présentée
à), 2001, p. 4.
8. O.R. Young, « Regime Effectiveness : Taking Stock », dans
O.R. Young (sous la direction de), The Effectiveness of
International Environmental Regimes, Causal Connections
and Behavioral Mechanisms, Cambridge, The MIT Press,
1999, p. 249 ; P. Le Prestre, Protection de l’environnement
et relations internationales, Les défis de l’écopolitique
mondiale, Paris, Armand Colin, 2005, p. 341.
9. H.K. Jacobson et E. Brown Weiss, op. cit., p. 511.
10. H.K. Jacobson et E. Brown Weiss, op. cit., p. 523.
11. D. Vogel et T. Kessler, « How Compliance Happens and
Doesn’t Happen Domestically », dans E. Brown Weiss et
H.K. Jacobson (sous la direction de), Engaging Countries,
Strengthening Compliance with International Environmental
Accords, Cambridge, MIT Press, p. 37 ; O.R. Young ,
« Regime Effectiveness : Taking Stock », p. 249, 274.
12. R.B. Mitchell, « Regime Design Matters : Intentional
Oil Pollution and Treaty Compliance », International
Organization, volume 48, numéro 3, 1994, p. 458.
13. On entendra par « unité politique » une structure adminis­
trative, qu’elle soit celle du gouvernement fédéral, d’une
province ou d’un canton.
113
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
14. Les acteurs externes peuvent être toute organisation inter­
nationale ou agence de coopération internationale octroyant
une aide à une unité politique.
15. P.E. Weinthal et Y. Parag, « Two Steps Forward, One Step
Backward : Societal Capacity and Israel’s Implementation
of the Barcelona Convention and the Mediterranean Action
Plan », Global Environmental Politics, volume 3, 2003, p.
60 ; H.K. Jacobson et E. Brown Weiss, op. cit., p. 515.
16. Millennium Ecosystem Assessment, Ecosystems and
Human Well-being : Biodiversity Synthesis, World Resources
Institute, Washington, 2005, p. 42-59.
17. P. Herkenrath, « The Implementation of the Convention
on Biological Diversity – A Non-Government Perspective
Ten Years On », Review of European Community and
International Environmental Law, volume 11, numéro 1,
2002, p. 29.
18. Conférence des Parties à la Convention sur la
diversité biologique, « Article 6. Mesures générales
en vue de la conservation et de l’utilisation durable », La
Convention sur la diversité biologique, [En ligne], 2005, http://
www.biodiv.org/convention/articles.shtml?lg=0&a=cbd-06 (Page consultée le 11 décembre 2005).
19. UICN, Estrategias Nacionales de Biodiversidad, en América
del Sur, Estado Actual y Perspectivas, Quito, UICN – Bureau
régional pour l’Amérique du Sud, 2004, p. 3, 6-8.
20. Center for Latin American Studies (Georgetown
University), « República del Ecuador, Estudio de
Descentralización », Base de Datos Políticos de las Américas,
[En ligne], 2005, http://pdba.georgetown.edu/Decen/Ecuador/
ecuador.html (Page consultée le 11 décembre 2005).
21. Comm. pers. L. Suárez, directeur exécutif de Conservation
International – Ecuador, 28 novembre 2005 (dans le cadre
de la onzième réunion de l’Organe subsidiaire chargé de
fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques,
Montréal (Canada), 28 novembre – 2 décembre 2005).
114
22. República del Ecuador, Constitución Política de la
República del Ecuador, approuvée le 5 juin 1998, [En ligne],
1998, www.presidencia.gov.ec/descargas/constitucion.zip
(Page consultée le 22 octobre 2006), art. 86.
23. L. SUÁREZ, M. AMPARO ALBÁN, C. JOSSE et V. CANO,
« Aspectos institucionales relacionados con el manejo de la
biodiversidad », dans C. JOSSE (sous la direction de), La
biodiversidad del Ecuador, Informe 2000, Quito, Ministerio
del Ambiente, EcoCiencia et UICN, 2001, p. 229-262.
24. Dirección de Gestión Ambiental, Agenda Ambiental
de la Provincia de Loja, Loja, H. Consejo Provincial de
Loja, 2004 ; H. Consejo Provincial del Cañar, Plan
Estratégico de Desarrollo de la Provincia del Cañar,
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Ambiental Regional CAR, Plan Estratégico Ambiental
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del Azuay, 2005-2015, Cuenca, Gobierno Provincial
del Azuay, 2005 ; Dirección de Medio Ambiente y
Turismo, Agenda Ambiental Provincial 2005-6, Zamora, H.
Consejo Provincial de Zamora Chinchipe , 2005 ; Gobierno
Municipal de Loja, Plan Participativo de Fortalecimiento
de la Democracia y Desarrollo del Cantón Loja, Loja, I.
Municipalidad de Loja, 2005.
25. F. Bucheli García, I. Coronel Coronel, E. Idrovo Murillo,
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116
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
La responsabilité élargie des producteurs au Québec :
la gouvernance de la production durable
Pierre-Olivier DESMARCHAIS
Étudiante au doctorat en droit
Université Laval
Introduction
Depuis une quinzaine d’années, la production de
matières résiduelles dans les pays occidentaux n’a
cessé de croître. Selon les dernières statistiques de
l’Orga­nisation de coopération et de développement
économique (« OCDE »), on note une augmentation
de 14 % des matières résiduelles domestiques entre
1990 et 2000. Alors que les pays membres de l’OCDE
généraient environ 530 millions de tonnes de résidus
en 1990, ce chiffre est passé à 605 millions en 20001.
Selon les experts, il existe plusieurs facteurs qui
expliquent ce phénomène :
• la croissance économique jumelée à la hausse du
niveau de vie de la population ;
• la croissance démographique et le vieillissement de
la population (les personnes âgées de 25 à 64 ans
sont considérées comme étant les principaux
consommateurs) ;
• le dépeuplement des régions rurales au profit des
grandes villes ; et
• les habitudes de consommation non viables2.
En ce sens, nos modes de consommation et la manière
dont nous disposons des résidus qui en résultent,
entraînent deux conséquences environnementales
majeures : le gaspillage des ressources naturelles
et la pollution. Pour contrer ces effets, les autorités
publiques ont dû mettre en place des mécanismes de
gestion visant à réduire au maximum les matières
résiduelles destinées à l’élimination. Parmi ceux-ci, il
y a la collecte sélective, la valorisation énergétique des
matières résiduelles et les systèmes de consignation.
Malgré ces efforts, l’enfouissement est de loin la
méthode d’élimination la moins coûteuse et la plus
utilisée de nos jours par les municipalités. Les dom­
mages environnementaux attribués à l’élimination
des matières résiduelles sont nombreux. Dans un
premier temps, ces sites mettent en danger la nappe
phréa­tique étant donné la formation du lixiviat. De
plus, la décomposition des matières organiques en
l’absence d’air forme des gaz à effet de serre comme le
méthane et le dioxyde de carbone. On parle également
de la détérioration de la qualité des sols et de l’eau, de
pollution visuelle et du risque d’incendie3.
Pour atténuer les effets de la consommation des
biens sur l’environnement, l’Assemblée nationale du
Québec a adopté le 12 décembre 2002 le projet de
loi 102 qui s’intitule : Loi modifiant la Loi sur la qualité
de l’environnement et la Loi sur la Société québécoise de
récupération et de recyclage4 (« loi 102 »). Ce projet de loi a
introduit au Québec un régime de compensation à l’égard
des municipalités pour la récupération et la valorisation
des matières résiduelles. Il a permis de compléter la
section VII du chapitre premier de la Loi sur la qualité
de l’Environnement5 (« LQE ») sur la gestion des matières
résiduelles et d’introduire du même coup le concept de la
responsabilité élargie des producteurs (« REP »).
Cette intervention législative a eu pour but de concré­
tiser les objectifs de la Politique québécoise de gestion des
matières résiduelles 1998-2008 qui vise principalement à
« obliger la prise en compte par les fabricants et impor­
tateurs de produits des effets qu’ont ces pro­duits sur
l’environnement et des coûts afférents à la récu­pé­
ration, à la valorisation et à l’élimination des matières
résiduelles générées par ces produits »6. En effet,
l’objectif de cette politique est de mettre en valeur
plus de 65 % des 7,1 millions de tonnes de matières
résiduelles qui peuvent être valorisées annuellement.
Selon le dernier bilan de RECYC-QUÉBEC sur la
gestion des matières résiduelles, le taux global de récu­
pération sur le potentiel de valorisation des matières
est maintenant de 49 %7. Depuis l’élaboration de la
Politique de gestion intégrée des déchets en 1989, l’ancêtre
de la politique actuelle, le taux de récupération au
Québec a quadruplé en 16 ans. Pour atteindre l’objectif
de 65 % fixé par la présente politique, RECYCQUÉBEC soutient qu’il faudrait récupéré plus de deux
tonnes additionnelles de matières résiduelles. On note
également dans ce rapport que le secteur municipal
obtient un faible taux de récupération de 23 % alors
qu’il doit atteindre 60 % d’ici 20088.
117
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Avec l’adoption de nouvelles normes dans le domaine
de la gestion des matières résiduelles, est-ce que le
gouver­nement tend à un mode de gouvernance de
la pro­duction durable ? L’utilisation du concept de
la REP au Québec est sans doute une solution parmi
tant d’autres pour atténuer les effets indésirables des
matières résiduelles sur l’environnement. Par ailleurs, le
programme des Nations Unies « Agenda 21 », propose
aux gouvernements des moyens d’action pour parvenir
à une production durable :
Parallèlement, la société doit mettre au point des
moyens efficaces afin de résoudre le problème de
l’élimination des quantités croissantes de déchets et
produits résiduaires. Les gouvernements devraient
conjuguer leurs efforts avec les milieux indus­
triels, les ménages et le public, afin de réduire la
production des déchets et produits résiduaires en
prenant les mesures suivantes :
a) Encourager le recyclage dans les processus indus­
triels et au niveau des consommateurs ;
b) Réduire les emballages superflus de produits ;
c) Encourager la fabrication de produits plus respec­
tueux de l’environnement.
d) Orienter les choix des particuliers et des ménages
vers des produits écologiquement rationnels9.
Tandis que le Chapitre 21 de ce programme prévoit
qu’une gestion écologique des déchets doit s’atta­quer
aux modes de production qui ne sont pas viables.
Il énonce également les objectifs principaux sur les­
quels les gouvernements devraient axés leurs inter­
ventions. Or, il propose de : 1) réduire la pro­duction de
déchets ; 2) maximiser la réutilisation et le recy­clage
écologiquement rationnels des déchets ; et 3) promouvoir
le traitement et l’élimination écologiquement rationnels
des déchets10.
Dans les prochaines lignes, nous allons discuter de
l’application au Québec du concept de la REP par les
pouvoirs publics. Plus précisément, nous nous penche­
rons sur le Règlement sur la compensation pour les services
municipaux fournis en vue d’assurer la récupération et la
valorisation des matières résiduelles11. Il s’agira d’analyser
les fondements législatifs du règlement et d’interpréter
les modalités de mise en œuvre de la REP au regard
des principes applicables du développement durable.
Toutefois, nous débuterons cette analyse avec une
présentation juridique du concept de la REP. En effet,
nous présenterons les différents outils qui servent à
implanter un régime de REP et les types de respon­
sabilités qui peuvent reposer sur les épaules des pro­
ducteurs. Pour terminer, nous soumettrons des pistes
de solution pour améliorer l’application de la REP
118
au Québec pour la récupération et la valorisation
des matières résiduelles. Nous pourrons comparer ce
régime particulier avec ceux qui s’appliquent aux huiles
usagées et à la peinture.
Les fondements du concept de la responsabilité
élargie des producteurs
Le concept de la responsabilité élargie des producteurs
a été défini par l’Organisation de coopération et de
développement économiques comme étant : « un
instrument de politique de l’environnement qui étend
les obligations du producteur à l’égard d’un produit
jusqu’au stade de son cycle de vie situé en aval de la
consommation »12. Ainsi, cette définition prévoit d’une
part, le transfert de la responsabilité de la gestion
des déchets des municipalités vers les producteurs et
d’autre part, la création d’incitatifs dans la conception
des produits pour les fabricants13. Ensuite, elle permet
la création d’incitatifs en faveur de la prise en compte
des aspects environnementaux par les producteurs
dans le cadre de la conception des produits14.
La REP offre plusieurs avantages afin de réduire
l’impact de la gestion des matières résiduelles sur l’envi­
ron­nement. Par exemple, elle encourage une utilisation
plus efficiente des ressources naturelles et favorise des
modes de fabrication plus durables15. L’objectif de ce
principe est également de réduire les coûts associés à la
gestion des matières résiduelles en fin de vie16.
La REP et le développement durable
L’application du concept de la REP permet de mettre
en œuvre certains principes issus de la Déclaration
de Rio sur l’environnement et le développement. Comme
nous l’avons souligné auparavant, les programmes de
REP doivent influencer implicitement les fabricants à
l’étape de la production. Ces derniers, seront normale­
ment forcés de revoir le design de leurs biens de
consommation afin de faciliter la gestion des matières
en fin de vie. Ainsi, cela respecte le principe de préven­
tion qui vise à forcer les acteurs à prendre des mesures
de protection de l’environnement avant même que le
dommage environnemental ne soit causé17.
Toutefois, l’instrumentalisation du concept de la REP
repose en grande partie sur le principe du pollueurpayeur (PPP). Le PPP a été défini en 1972 par l’OCDE
et prévoit : « que le pollueur devrait se voir imputer les
dépenses relatives aux susdites mesures arrêtées par les
pouvoirs publics pour que l’environnement soit dans un
état acceptable »18. En fait, le PPP vise à répercuter les
frais associés aux interventions étatiques dans le coût
des biens et services qui sont à l’origine de la pollution
lors de la production et tout au long du cycle de vie
du produit.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Pour pallier l’un des principaux obstacles liés au dévelop­
pement durable, on doit tenir compte des externalités
environnementales. Pour surmonter cet obstacle, la
REP peut entraîner l’internalisation des coûts externes
attribués à la gestion des matières résiduelles et sup­
portés par les municipalités19. Cela favoriserait la
mise en application du principe du pollueur-payeur
qui vise à faire supporter au pollueur les coûts de la
prévention et du contrôle de la pollution. L’auteur
Nicolas de SADELEER nous explique le phénomène
des externalités négatives :
Lorsque la production ou la consommation d’un
bien ou d’un service cause des dommages à des
biens environnementaux, ces activités engendrent
des externalités négatives dès que leur coût n’est
pas pris en compte dans le prix de revient du pro­
duit consommé ou du service rendu. Dans ce cas,
le prix du marché est inférieur à ce qu’il aurait dû
être et les consommateurs du bien ou du service,
pareils à des passagers clandestins, tirent forcément
avantage du fait de ne pas devoir payer le « vrai
prix ».
Dans le cas de la REP, il s’agit d’introduire dans le
prix des biens vendus aux consommateurs, les coûts
environnementaux associés à la gestion des matières
résiduelles. Ainsi, cela permettrait de mettre sur le
marché des produits qui intègrent les coûts associés à la
pollution. En obligeant le pollueur à prendre en charge
les coûts externes causés par la pollution des biens de
consommation, le PPP permet à la REP de s’appuyer
sur ces fondements économiques pour responsabiliser
les producteurs.
Dans le domaine de la REP, le pollueur doit être
identifié comme étant le producteur. Les fabricants sont
les principaux responsables de la pollution causée par
leurs produits en fin de vie. De plus, ils sont également
les seuls qui peuvent intervenir au niveau de la
production en modifiant les modes de fabrication et les
choix des matières premières utilisées22. Au niveau de
l’application d’un programme de REP, il est important
de définir l’acteur qui possède la plus grande influence
sur la production des biens. Avec l’application du PPP,
cela permet d’éviter que le contribuable soit l’unique
bailleur de fonds de la collecte sélective.
Modalité de mise en œuvre de la REP
La mise en œuvre d’un programme de REP repose dans
un premier temps sur la responsabilité des fabricants.
Il existe plusieurs manières de responsabiliser les
producteurs. De plus, la mise en application de cette
responsabilité peut être effective à partir de différents
instruments. En fait, les pouvoirs publics auront des
choix à faire, d’une part, quant à la responsabilité qui
incombera aux producteurs et d’autre part, et d’autre
part, quant à la manière d’appliquer le régime de REP à
l’aide de différents instruments comme la consigne, les
programmes de reprise ou les redevances à l’élimination
des déchets. Nous verrons que les différents choix qui
s’offrent au gouvernement auront des répercussions
majeures sur le respect des principes du développement
durable.
Les types de responsabilité
Dans le cadre de cette étude, nous allons uniquement
aborder la responsabilité matérielle et financière. Ces
responsabilités sont l’assise même des programmes
de REP au Québec. De plus, elles ont un caractère
contraignant pour les producteurs et forcent ces der­niers
à financer la gestion des matières résiduelles. Comme
nous l’avons mentionné auparavant, la conception d’un
programme de REP peut entraîner plusieurs types de
responsabilité. Les décideurs devront ainsi déterminer la
nature et l’ampleur de cette respon­sabilité qui reposera
désormais sur les épaules des producteurs. Deux options
se présenteront au gouvernement. Il pourra s’agir d’une
responsabilité matérielle ou financière.
Dans un premier temps, nous allons discuter de la
responsabilité matérielle. Celle-ci oblige les producteurs
à gérer physiquement les produits à la fin de leur vie
utile. Cela implique nécessairement que les producteurs
devront mettre en place un système de récupération et
qu’ils auront l’obligation de disposer de leurs produits
en fin de vie sans obtenir l’aide financière des autorités
locales ou gouvernementales. Les fabricants seront
également responsables du traitement des matières.
Ensuite, il y a la responsabilité financière des produc­
teurs. Ce genre de responsabilité implique uniquement
une participation financière de la part des producteurs
dans la gestion des matières résiduelles en fin de vie.
En vertu de cette responsabilité par exemple, les fabri­
cants doivent financer le régime municipal de la collecte
sélective.
L’implantation d’un régime de REP qui est fondé sur
une responsabilité financière peut être partielle ou totale
pour les entreprises. Une responsabilité totale implique
que l’ensemble des frais reliés à la collecte des matières
résiduelles reposera sur les épaules des producteurs
alors qu’une responsabilité partielle permettra de
diviser la facture avec les autorités locales responsables
de la récupération. Au Québec, nous verrons dans la
prochaine section que les autorités publiques ont décidé
d’utiliser une responsabilité partielle. Cela signifie que
les producteurs et les municipalités seront les entités
responsables de la gestion des matières résiduelles.
119
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Enfin, en vertu ces deux types de responsabilité, le
gouver­nement pourra décider si cette dernière doit être
exercée d’une manière collective ou individuelle. Dans
le cas d’une responsabilité collective, les producteurs
pourront se regrouper sous la forme d’une entité privée
que l’on nomme « éco-organisme » et qui aura pour but
de gérer la collecte ou le traitement des produits et
de négocier avec le gouvernement les obligations des
fabricants. L’option d’une responsabilité individuelle
fera en sorte que le producteur visé devra gérer d’une
manière exclusive et personnelle ses produits en fin de
vie sans l’aide d’un éco-organisme.
L’application du concept de la REP au Québec
L’utilisation du principe de la REP par les pouvoirs
publics n’est pas nouvelle au Québec. En effet, si on
considère que le régime de la consignation répond à
la définition de la REP, nous pouvons affirmer que
l’application du concept remonte à 1984, date où la Loi
sur la vente et la distribution de bière et de boissons gazeuses
dans des contenants à remplissage unique23 a été adoptée
par l’Assemblée nationale.
En 2000, le gouvernement du Québec décide d’adopter
le concept de la REP dans la Politique québécoise de
gestion des matières résiduelles 1998-2008. Pour la
première fois au Québec, on reconnaît l’importance
d’inciter les producteurs à prendre en compte les effets
de leurs produits sur l’environnement tout au long de
leurs cycles de vie et les coûts que représentent la
récu­pé­ration et l’élimination des matières résiduelles.
Avec cette reconnaissance étatique du concept de la
REP, le gouvernement a adopté par la suite, divers
règlements en vue de responsabiliser les producteurs.
Il s’agit notamment du Règlement sur la récupération et
la valorisation des contenants de peinture et des peintures
mis au rebut24 et du Règlement sur la récupération et la
valorisation des huiles usagées, des contenants d’huile ou de
fluide et des filtres usagés25.
Pour les fins de notre étude, nous allons nous pencher
sur le Règlement sur la compensation pour les services
municipaux fournis en vue d’assurer la récupération et la
valorisation de matières résiduelles26. Nous avons décidé
d’analyser ce régime de REP étant donné qu’il est le
seul et unique à reposer sur la responsabilité financière
et collective des fabricants. Après la récupération de
la peinture et des huiles usagées, l’implantation d’un
système de compensation pour la récupération et la
valorisation des matières résiduelles constitue une
étape importante dans la mise en œuvre du concept de
la REP, au Québec.
120
L’apparition d’un nouveau régime de compensation pour
la récupération et la valorisation des matières résiduelles
au Québec
Le Règlement sur la compensation pour les services muni­
ci­paux fournis en vue d’assurer la récupération et la
valorisation de matières résiduelles (« Règlement ») est
entré en vigueur en mars 2005. Son fondement législatif
repose sur les articles 53.31.1 et suivants de la LQE. Il
s’applique à tout matériau, souple ou rigide, qui vise
à contenir, protéger ou envelopper un produit qui est
destiné au consommateur. Il s’agit des sous-catégories
de matières suivantes : 1) le papier ; 2) le carton ; 3) le
plastique ; 4) le verre ; et 5) le métal. Il vise également les
médias écrits qui sont vendus ou offerts gratuitement
et les imprimés qui servent de support à un texte ou à
une image27. Toutefois, l’emballage conçu de manière
à faciliter la manutention et le transport n’est pas visé
par le Règlement.
Les personnes visées par la réglementation sont les
propriétaires de la marque du produit. Lorsque le pro­
prié­taire n’a aucun domicile au Québec, le versement
de la contribution est exigé au premier fournisseur au
Québec. Cependant, les personnes qui sont déjà tenues,
en vertu de la LQE, de contribuer financièrement à des
mesures de récupération et de valorisation de certains
contenants ou emballages ainsi que celles qui doivent
financer un système de consignation au Québec, ne sont
pas visées par le Règlement.
Le gouvernement a décidé d’imposer une responsabilité
financière aux producteurs. En effet, ce régime de REP
prévoit que les personnes visées par le Règlement
doivent financer la moitié des coûts nets associés à la
collecte sélective au Québec. Toutefois, pour les médias
écrits, le montant maximal de la compensation annuelle
ne pourra excéder la somme de 1,3 million de dollars.
Le gouvernement a aussi convenu que cette catégorie
de pro­ducteurs pourrait exécuter ses obligations
financières à l’aide de redevances en nature comme des
espaces publicitaires dans les différents médias.
L’article 53.31.9 de la LQE oblige également les
producteurs à se regrouper au sein d’un éco-organisme
agréé par RECYC-QUÉBEC pour négocier avec les
associations municipales la somme totale représentant
les coûts nets de la collecte sélective et les critères de
distri­bution de la compensation aux municipalités. L’écoorganisme doit aussi développer une grille de contri­
bution, faire approuver cette grille par le gouver­nement
et remettre les sommes dues à RECYC-QUÉBEC28. Or,
Éco Entreprise Québec (EEQ) a été agréé en juin 2005
par RECYC-QUÉBEC pour représenter les personnes
mettant sur le marché des contenants et emballages et
des imprimés. Pour les médias écrits, Recyclemédias agit
en tant qu’éco-organisme.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Les coûts nets estimés pour la collecte sélective ont été
fixés à environ 75 millions de dollars pour l’année 2005.
Néanmoins, le chiffre exact concernant les dépenses
municipales pour la récupération et le traitement des
matières résiduelles devrait être connu d’ici l’automne
2007 étant donné que RECYC-QUÉBEC a mis sur pied
un groupe de travail chargé d’évaluer en profondeur
le montant de la compensation qui doit être versé par
les entreprises visées29. Les grilles de contributions
pour l’année 2005 et 2006 sont entrées en vigueur
le 15 mars 200730. Celles-ci indiquent le montant de
la contri­bution pour les sous-catégories de matières.
Par exemple, on retrouve à côté de chaque matière
assujettie au Règlement, une somme exprimée en
« cent/kilogramme ». Les entreprises auront jusqu’en
juillet 2007 pour verser à EEQ leurs contributions.
Le caractère contraignant de ce régime de compensation
pour la collecte sélective est prévu dans le décret du
gouvernement sur les Règles d’application du Tarif pour
les catégories « contenants et emballages » et « imprimés »
2005 et 200631. En effet, on prévoit des sanctions
pénales pour les personnes n’ayant pas acquitté la
con­tribution exigible par EEQ32. Cependant, l’écoorganisme est responsable des actions de ses membres.
Ceci implique qu’il est apte à intenter des recours
contre les personnes qui n’auraient pas respecté leurs
obliga­tions financières33.
L’analyse de l’utilisation étatique du concept de la REP
au Québec pour la gestion des matières résiduelles
Ces nouvelles normes juridiques concernant le finan­
cement de la gestion des matières résiduelles par les
fabricants sont la preuve que le gouvernement du
Québec a décidé de se mettre sur la voie de la gouver­
nance de la production durable. Nous pouvons nous
interroger sérieusement sur les fondements législatifs
du régime de compensation. Aujourd’hui, les pouvoirs
publics se félicitent d’avoir adopté le concept de la
REP pour responsabiliser les producteurs aux effets
des biens qu’ils produisent sur le milieu ambiant.
Cependant, il serait important de s’interroger sur la
per­tinence de recourir à un régime de REP qui trans­
fère uniquement 50 % des coûts nets de la col­lecte
sélective aux producteurs. Selon les propos tenus
lors des débats parlementaires sur la loi 102, le gou­
vernement du Québec aurait décidé d’adopter le même
pourcentage que celui qui prévalait dans le Waste
Diversion Act34 en Ontario en vue d’accommoder le
commerce interprovincial35.
Cette harmonie normative entre les deux provinces
dans l’application du principe de la REP et dans la
déter­mination du niveau de responsabilité des pro­
ducteurs a pour but de supporter les municipalités
dans leurs objectifs de récupérer et de traiter les
matières résiduelles. Toutefois, le régime québécois, qui
a également pour objectif de permettre l’atteinte des
objectifs de la Politique québécoise de gestion des matières
résiduelles 1998-2008 en finançant implicitement
les plans de gestion des matières résiduelles des
municipalités, ne peut satisfaire dans son ensemble le
principe du pollueur-payeur. Conséquemment, on peut
se demander si ces normes seront à même d’inciter ou
de forcer les producteurs à réduire à la source et ainsi
à revoir le design de leurs produits comme le suggère
le concept de la REP36.
Par exemple : l’auteur Matthieu Glachant, économiste
de l’environnement à l’École des Mines de Paris, est
catégorique, pour observer une réduction à la source
de la part des fabricants, il faut que le transfert de la
responsabilité soit intégral37. Ainsi, il est impératif que
la législation amène des incitatifs économiques pour
faire en sorte que le fabricant soit forcer de revoir ses
modes de production et d’analyser les impacts de ses
produits tout au long de leurs cycles de vie.
Pour atteindre les objectifs de la politique québécoise
de gestion des matières résiduelles, il serait sans
doute préférable d’établir un régime de REP basé sur
une responsabilité matérielle comme dans le cas des
huiles usagées. L’étude de ce régime démontre qu’il a
obtenue des répercussions importantes sur le taux de
récupération des huiles usagées depuis son implantation.
En effet, selon les derniers résultats du bilan annuel de
la Société de gestion des huiles usagées (« SOGHU »),
le taux de récupération des huiles usagées a atteint
84 % en 200538 et dépasse du même coup les objectifs
prévus à l’article 5 du Règlement sur la récupération et la
valorisation des huiles usagées, des contenants d’huile ou de
fluide et des filtres usagés. Toutefois, il faut souligner que
la totalité de la quantité des huiles récupérées par la
SOGHU est valorisée énergétiquement. Cette manière
de gérer les huiles usagées en fin de vie peut avoir des
impacts importants sur la qualité de l’air. Pour sa part,
l’entreprise Safety-Kleen, qui est également visée par ce
règlement, régénère les huiles usagées afin de créer de
nouveaux lubrifiants. Dans cette optique, nous pouvons
remettre en question l’indifférence gouvernementale
relative à l’application de la hiérarchie des 3 RV-E étant
donné que la régénération est une forme de réutilisation
des matières en fin de vie. La LQE prévoit expressément
que l’administration peut, par règlement, prescrire les
modes de récupération ou de valorisation39.
Malgré cela, ce régime fondé sur la responsabilité
matérielle des producteurs démontre à quel point le
taux de récupération est élevé. Cette forme de respon­
sabilisation doit néanmoins être encadrée par le pouvoir
réglementaire si on veut obtenir de meilleurs résultats
121
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
environnementaux lors de la gestion des matières
résiduelles en fin de vie. L’application d’un programme
de REP sans l’intégration du concept de la pensée cycle
de vie peut avoir pour effet de transférer la pollution
à un autre niveau du cycle de vie des produits. En
émettant uniquement des objectifs de récupération, le
gouvernement laisse aux entreprises une grande marge
de manœuvre pour gérer les biens en fin de vie. Il ne
faudrait pas que cela ait pour conséquence d’affecter
l’environnement à un autre niveau.
Conclusion
Dans cette étude, nous avons voulu démontrer que le
régime de compensation pour la collecte sélective des
matières recyclables au Québec constitue bel et bien
une application du concept de la REP. Pour y parvenir,
nous avons débuté en expliquant la problématique des
matières résiduelles et les modalités de mise en œuvre
des programmes de REP.
Les assises législatives et réglementaires du régime de
compensation comportent certaines lacunes qui nous
empêchent d’affirmer que les résultats permettront
d’atteindre les objectifs de la Politique québécoise de
gestion des matières résiduelles 1998-2008. En effet,
le gouvernement a omis de formuler des incitatifs
économiques pour encourager les entreprises à adopter
une « pensée cycle de vie » des produits. De plus, nous
avons également illustré que le choix des instruments
dans la mise en œuvre des programmes de REP peut
avoir des répercussions sur le taux de récupération des
matières résiduelles. La frontière entre l’imposition
d’un droit de polluer et une application stricte du
principe du pollueur-payeur est très mince. Dans le cas
qui nous intéresse, la responsabilité des producteurs
est partagée avec les municipalités et ainsi avec les
contribuables. Heureusement, le gouvernement a
laissé sous-entendre, dans l’entente intervenue sur le
nouveau partenariat fiscal avec les municipalités, que
la compensation financière pourrait être de 100 % d’ici
201040. Pour des raisons économiques, il est impossible
pour le moment d’espérer l’implantation au Québec
d’un régime de compensation pour la collecte sélective
fondé sur la responsabilité matérielle comme en
Allemagne. Considéré comme étant l’exemple parfait
de l’application du concept de la REP, le programme
allemand a eu d’importantes répercussions financières
lors de sa mise en place au début des années 199041.
Avec l’entrée en vigueur, au Québec, en mars 2007,
des tarifs pour la compensation de la collecte sélective,
nous serons en mesure dans les prochains mois
d’éva­luer les résultats empiriques de cette nouvelle
approche réglementaire et d’évaluer les effets de cette
contribution sur les producteurs.
122
Notes
1. OCDE, Addressing the Economics of waste, Paris, OCDE,
2004 à la p. 23.
2. Ibid. à la p. 25.
3. Environnement Canada, Notions élémentaires sur la gestion
des déchets, Gage, Toronto, p. 10 (1995) ; Bureau d’audiences
publiques sur l’environnement, Déchets d’hier, ressources
de demain ; Le rapport d’enquête et d’audience publique,
Bibliothèque nationale du Québec, 1997, aux p. 21-22.
4. Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement et
la Loi sur la Société québécoise de récupération et de
recyclage, L.Q. 2002, c.59.
5. Loi sur la qualité de l’Environnement, L.R.Q. c. Q-2.
6. Politique québécoise de gestion des matières résiduelles
1998-2008, G.O.Q.2000.II.968 (sous « Les orientations »).
7. RECYC-QUÉBEC, « Bilan 2004 de la gestion des matières
résiduelles au Québec » (15 mars 2007), en ligne : RECYCQUÉBEC <http://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/upload/
publications/MICI/BILAN2004/Bilan2004.pdf>.
8. Ibid. : il est important de souligner que le secteur de la
construction et de la démolition a déjà atteint l’objectif de
la politique. Toutefois, le secteur industriel, commercial et
institutionnel a un taux de récupération de 58 % alors qu’il
doit atteindre 80 % d’ici 2008. On peut également ajouter
que les matières suivantes ne rencontrent pas le taux de
récupération établit par la politique : 1) papiers et cartons ;
2) verre ; 3) métaux ; et 4) plastiques.
9. A/CONF.151/26/Rev.1. à l’article 4.19.
10. Ibid., à l’article 21.5.
11. Règlement sur la compensation pour les services municipaux
fournis en vue d’assurer la récupération et la valorisation des
matières résiduelles, D.1049-2004, G.O.Q.2004.II.4839.
12. OCDE, Responsabilité élargie des producteurs : manuel à
l’intention des pouvoirs publics, Paris, OCDE, 2001, à la
page 9.
13. OCDE, Analytical Framework for evaluating the costs and
benefits of extended producer responsibility programmes,
Working Group on Waste Prevention and Recycling, Paris,
OCDE, 2005, à la p. 8 [OECD Analytical framework] ;
OCDE, Extended and Shared Producer Responsibility,
Group on Pollution Prevention and Control, Paris, OCDE,
1998, à la p. 22.
14. Voir notamment sur le principe de l’éco-conpection OCDE,
EPR Policies and Product Design : Economic theory and
Selected Case Studies, Working Group on Waste Prevention
and Recycling, Paris, OCDE, 2006 aux p. 4 à 6 [OCDE
Product Design] ; Joel Schwartz and Dana Joel Gattuso,
« Extended Producer Responsibility : Re-examining its Role
in Environmental Progress » (18 juin 2006), en ligne : Reason
Public Policy Institute <http://www.rppi.org/ps293.pdf> ; Paul
Calcott and Margaret Walls, « Waste, recycling, and “Design
for Environment” : Roles for markets and policy instrument »
(2005) 27 Ressource and Energy Economics 287.
15. Supra note 12, à la p. 17.
16. OECD Analytical framework, supra note 13, à la p. 8.
17. Nicolas de Sadeleer, Les principes du pollueur-payeur, de
prévention et de précaution : Essai sur la genèse et la portée
juridique de quelques principes du droit de l’environnement,
Bruxelles, Bruylant, 1999, à la p. 115.
18. OCDE, Le principe pollueur-payeur : définition, analyse et
mise en œuvre, Paris, OCDE, 1972, à la p. 11.
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
19. Rosalind Malcolm, « Integrated Product Policy : a New
Regulatory Paradigm for a Consumer Society ? » (2005) 5 Eur. Envtl. L. Rev. 134 à la p. 136.
20. Henri Smets, « Examen critique du principe pollueurpayeur » dans Michel Prieur et Claude Lambrechts, dir. Les
Hommes et l’Environnement, Paris, Frison-Roche, 1998 à la
p. 78 ; Jean Duren, « Le Pollueur-Payeur – L’application et
l’avenir du principe » (1987) 305 R.M.C. 144 à la p. 145.
21. Supra note 17, à la p. 50.
22. Supra note 17, aux pp. 75 et 76 ; supra note 12, à la p. 60.
23. Loi sur la vente et la distribution de bière et de boissons
gazeuses dans des contenants à remplissage unique, L.R.Q.
c. V-5.001.
24. Règlement sur la récupération et la valorisation des
contenants de peinture et des peintures mis au rebut, D.
655-2000, 1er juin 2000, G.O.Q.2000.II.3448.
25. Règlement sur la récupération et la valorisation des huiles
usagées, des contenants d’huile ou de fluide et des filtres
usagés, D. 166-2004, 10 mars 2004, G.O.Q.2004.II.1519.
26. Règlement sur la compensation pour les services municipaux
fournis en vue d’assurer la récupération et la valorisation
de matières résiduelles, D. 1049-2004, 24 novembre 2004,
G.O.Q.2004.II.4839.
27. Ibid, à l’article 2.
28. Éco Entreprise Québec, « Plan stratégique 2006-2008 » (13 mars 2007), en ligne : <http://www.ecoentreprises.qc.ca/_site/
DOCUMENTS/PDF/plan_strategique_06-07–10.pdf >.
29. Entrevue de Mario Laquerre (RECYC-QUÉBEC) par PierreOlivier DesMarchais (13 mars 2007) sur le rôle de RECYCQUÉBEC dans l’application du régime de compensation
pour la collecte sélective des matières recyclables.
30. D. 135-2007, 28 février 2007, G.O.Q.2007.II.1329.
31. Ibid.
32. Ibid, à la section 4.4.
33. Supra note 5, à l’article 53.31.16.
34. Waste Diversion Act, S.O. 2002, c. 6, à l’article 25 (5).
35. Québec, Assemblée nationale, Commission permanente
des transports et de l’environnement, « Étude détaillée du
projet de loi 102 » dans Journal des débats de la Commission
permanente des transports et de l’environnement, vol. 37, no
50 (23 mai 2002).
36. OCDE Product Design, supra note 14, à la p. 11.
37. Matthieu Glachant, « Le concept de Responsabilité Élargie
du Producteur et la reduction à la source des déchets de
consommation » (16 juin 2006), en ligne : CERNA <http://
www.cerna.ensmp.fr/Documents/MG-ResponsabiliteElargie.
pdf>.
38. Société de gestion des huiles usagées, Rapport annuel 2005, (15 mars 2007) en ligne : SOGHU <http://www.soghu.com/>.
39. Supra note 5, à l’article 53.30 (2).
40. Gouvernement du Québec, « Entente sur un nouveau parte­
nariat fiscal et financier avec les municipalités » (13 mars
2007), en ligne : Ministère des Affaires municipales et
des Régions <http://www.mamr.gouv.qc.ca/publications/
finances/fina_fisc_part_ente.pdf>.
41. Bette K. Fishbein, EPR : « What does it mean ? Where is
it headed ? » (15 mars 2007), en ligne : Mindfully <http://
www.mindfully.org/Sustainability/EPR-Extended-ProducerResponsibility.htm>. En effet, la mise en place du programme
allemand a eu notamment pour conséquence d’inonder le
marché des matières recyclées. De plus, l’éco-organisme
allemand « Duales System Deutschland », chargé de récupérer
les matières, a enregistré des pertes financières étant donné
qu’il y avait de nombreux « free riders » qui ne remboursait
par leurs cotisations.
123
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Pistes de réflexion pour une redéfinition du rôle des ONG
en matière de conservation durable des territoires
Julia SOTOUSEK
Étudiante au doctorat en droit
Université Laval
Cette ébauche de réflexion sur une redéfinition du
rôle des organisations non gouvernementales1 de
conservation s’inscrit dans le cadre de mon projet
de thèse qui traite de la conciliation en pratique des
dimen­sions du développement durable en matière de
conservation des zones humides. Les ONG interna­
tionales, nationales et locales, notamment les ONG de
conservation, interviennent à plusieurs titres dans la
mise en pratique du concept de développement durable.
À cet égard, il apparaît nécessaire de les confronter à
certains questionnements émergents quant à leur rôle.
Depuis 1990, la présence des ONG sur la scène
inter­na­tionale est indéniable, notamment lors des
conférences des Nations Unies ou des discussions
interorganisations2, et le domaine de la conservation des
ressources naturelles ne fait pas exception. Toutefois,
au gré de leurs interventions sur la scène internationale
et locale, qu’elles poursuivent des intérêts particuliers
ou collectifs, leurs stratégies et leur action d’expertise,
d’expérimentation de gestion environnementale,
voire même de lobbying ne peuvent plus échapper à
l’analyse et l’évaluation. De fait, nombreuses sont les
autorités politiques, journalistiques et scientifiques
à afficher une certaine méfiance vis-à-vis du monde
non gouvernemental. Les éloges ont cédé la place aux
critiques concernant leur légitimité ou leurs modes
de gouvernance et c’est à partir de ces critiques que
nous nous proposons d’étudier l’éventualité d’une
redéfinition du rôle des ONG de conservation.
Ainsi, après avoir brièvement présenté et analysé
l’évolution de l’action des ONG de conservation dans
la création d’aires protégées à travers le monde (1.),
nous dégagerons certaines pistes de réflexion quant
aux critiques formulées à l’égard de leur rôle (2.).
L’action des ONG de conservation
L’histoire de la conservation de la nature a été pro­
fondément marquée par les ONG de conservation.
Toutefois, leurs stratégies de lutte contre la perte de
biodiversité n’ont pas toujours fait l’unanimité des
acteurs concernés par la conservation des territoires.
124
De multiples reformulations du principe de conservation
Rappelons tout d’abord le constat général de la perte
de biodiversité à l’échelle mondiale qui fait aujourd’hui
l’unanimité des scientifiques et des organisations inter­
nationales : près de 60 % des écosystèmes sont touchés3.
De fait, les pressions exercées par les activités humaines
se sont intensifiées avec l’évolution des tech­nologies
et le rythme d’extinction des espèces aurait des consé­
quences irréversibles sur la biodiversité. Celle-ci a été
érigée en patrimoine commun de l’humanité depuis le
Sommet de la Terre tenu à Rio en 1992, et sa conser­
vation a été dès l’origine le « cheval de bataille » des
ONG de conservation.
Cependant, la conservation de la nature a connu de
nombreuses formulations : tantôt perçue comme un
outil de protection alliant gestion prudente et mesurée
des ressources naturelles, tantôt comme un outil de
préservation n’autorisant aucun prélèvement. On lui
confère trois périodes distinctes, de la fin du xixe siècle
à aujourd’hui, pendant lesquelles ont succédées aux
pratiques « ressourcistes » antérieures, la séparation des
activités de conservation et d’exploitation des milieux,
l’imposition d’aires naturelles protégées excluant toute
intervention humaine et l’émergence de la conservation
intégrée4. Les ONG longtemps « conservationnistes »
à l’extrême ont dû redéfinir leurs pratiques face à la
reconnaissance de « l’écologie des écosystèmes » et la
nécessaire articulation entre la sphère économique et
les dynamiques écologiques.
Les ONG les plus célèbres sont sans doute l’Union
mondiale pour la nature (UICN), le World Wildlife
Fund (WWF), Greenpeace ou encore Conservation
International (CI). Les deux premières eurent notam­
ment avec le Programme des Nations unies pour
l’Environnement (PNUE) l’initiative de la Stratégie
mondiale de la conservation, publiée en 1980, qui soulignait
déjà la nécessité de sauvegarder le fonc­tionnement
des processus écologiques essentiels tout en prêtant
attention aux exigences du dévelop­pement, de préserver
la diversité génétique et d’utiliser durablement les
espèces et les écosystèmes5. L’introduction du concept
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
de développement durable et de la notion de biodiversité
participera à la légitimation et l’assise de leur rôle avantgardiste dans le secteur de la conservation6.
La philosophie qui domine aujourd’hui les milieux
dédiés à la protection de la nature considère que la
conservation de la biodiversité ne peut être réduite à
la protection des espèces sauvages dans des réserves
natu­relles mais consiste aussi et principalement à
sauvegarder les grands écosystèmes, base de notre
dévelop­pement7. Toutefois, les ONG n’ont pas toujours
pris en compte les besoins des populations locales ou
autochtones, créant par la même occasion des conflits
d’usage à grande échelle.
Entre conflits d’usage et multiplication des partenariats
Longtemps isolée des dynamiques de développement,
la conservation de la nature s’appuie encore parfois sur
une gestion d’aires naturelles protégées entretenues
par des structures étatiques centralisées qui écartent
l’ensemble des acteurs touchés par ces politiques8.
Cette conception de l’aire naturelle protégée comme
outil de conservation constitue une forme de domi­
na­tion du territoire privilégiée par les adeptes du
« conservationnisme ». Cependant, si elle a permis des
réussites écologiques importantes, elle a également
engendré des conséquences sociales dramatiques9. En
négligeant la prise en compte des populations locales,
la conservation poussée à l’extrême revisite le rêve
néocolonial de certains conservationnistes en quête
d’idéal mais pas de réalisme et rejette conjointement
l’idée d’équité et de développement dans les aires
protégées.
Ces conflits d’usage des ressources naturelles com­
promettent pourtant l’efficacité de leur conservation,
et peuvent parfois aboutir au déplacement de popu­
lations10. Des opérations de conservation excluant
tout intervention humaine ont ainsi été menées sur
l’initiative de grandes organisations de conservation
dans certains territoires considérés comme des lieux de
haute biodiversité avec l’appui financier de fondations,
d’agences de développement et d’entreprises privées
convaincues par ces approches conservationnistes.
Concilier efficacité économique et légitimation sociale
ne requière donc pas uniquement des ONG un rôle de
lobbying mais la prise en compte des réseaux d’acteurs
et d’institutions dont dépend la mise en œuvre de la
conservation dans ces aires naturelles11.
L’intervention des ONG de conservation dans les
prises de décision politique touchant à l’aménagement
territorial et la conservation des ressources naturelles
illustre bien la légitimité acquise par celles-ci dans
le domaine particulier de la conservation. Certaines
de ces ONG, parmi lesquelles le WWF, l’UICN et
CI, « accaparent la majorité des financements »12.
Parallèlement, les partenariats public/privé, national/
international se multiplient avec la participation d’États,
d’organisations internationales gouvernementales et
d’entreprises privées. Les ONG de conservation, qui ont
développé des outils d’expertise et une connaissance des
réalités locales sans équivalence, assurent désormais
une fonction consultative en matière de gestion de la
biodiversité auprès de ces entités.
Désormais perçues comme d’indispensables partenaires
des pouvoirs politiques et économiques, de même
qu’elles se sont instituées les représentants « inspirés »
de la société civile, les ONG font partie de notre quoti­
dien médiatique, et le domaine de la conservation
ne fait pas exception13. Face à l’émergence de cette
« nouvelle diplomatie »14, des questionnements quant
à leur rôle en terme de légitimité, d’indépendance et de
gouvernance font peu à peu surface.
Aspects critiques
Si leur présence ne peut plus être ignorée sur la
scène internationale, les ONG font cependant l’objet
de controverses réelles. Les négociations inter­
nationales, nationales concernant les domaines clés
du développement, des droits de l’homme ou de l’envi­
ronnement qui étaient autrefois des questions inté­
res­sant uniquement la souveraineté étatique, sont
désormais investies par les ONG. Toutefois, les contresommets organisés en parallèle des conférences inter­
nationales rassemblent des organisations hétéroclites
de crédibilité variable et ont des résultats peu signifi­
catifs en comparaison des actions de lobbying menées
par les ONG environnementalistes auprès des
gouvernements15.
Lors du Sommet de Rio en 1992, l’Agenda 2116 contri­
bua à définir de manière non équivoque les fonctions
principales des ONG :
« Les ONG jouent un rôle vital pour ce qui est de modeler
et d’appliquer la démocratie participative. Leur crédibilité
réside dans le rôle judicieux et constructif qu’elles jouent
dans la société […]. La nature du rôle indépendant joué
par les ONG dans la société exige une participation réelle,
c’est pourquoi l’indépendance est une qualité majeure de ces
organisations et l’une des conditions d’une participation
effective […]. La société, les gouvernements et les organismes
internationaux devraient mettre au point des mécanismes
permettant aux organisations non gouvernementales de jouer
effectivement leur rôle de partenaires responsables dans la
mise en œuvre d’un développement écologiquement rationnel
et durable17. »
De fait, la collaboration entre institutions intergouver­
nementales et ONG s’est considérablement développée
conjuguant la fourniture d’avis et d’informations
125
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
techniques, l’assistance aux secrétariats des con­
ven­tions, la promotion de leur mise en œuvre, le
rassemblement et la transmission d’informations sur
les non-conformités, la mise en œuvre des politiques
nationales, la pression sur les gouvernements, la
participation aux processus de prise de décision, et les
actions d’information et de sensibilisation auprès du
public18. Largement associées aux négociations, les
ONG n’ont cependant qu’une influence réduite dans
l’élaboration du droit conventionnel. Leur rôle en terme
de mise en œuvre des règles est plus important. Entre
leurs missions d’expertise et de conduite d’activités
opérationnelles (souvent sollicitées par les États), les
ONG n’en demeurent pas moins des entités critiques
vis-à-vis de l’action étatique ou économique.
Ces collaborations ne se limitent pas au niveau inter­
national, le mouvement économique et politique néolibéral a ouvert le secteur de la conservation à des
partenariats entre ONG de conservation et États afin
de légitimer la gestion de portions des territoires
transformées en réserves naturelles. Les ONG de
con­servation acquièrent donc « une place politique
nouvelle »19. Considérées comme des entités spécialistes
des questions de conservation de la biodiversité, ces
ONG veulent désormais se positionner « comme des
acteurs capables de prendre en charge l’ensemble
des domaines de l’action publique sur un territoire
donné » 20 et revendiquent la légitimité d’acteurs
globaux et non uniquement sectoriels face au recul de
l’État dans la conservation des ressources naturelles.
Le principal reproche qui peut ici être fait aux ONG
de conservation est qu’elles demeurent uniquement
animées par la protection de la biodiversité dans son
état sauvage et limitent donc leur action aux aires
naturelles protégées. Leur rôle se cantonne au secteur
de la conservation et omet fréquemment les conceptions
intégratrices des dimensions économiques et sociales,
ferments du développement durable. En outre, par ce
même biais les ONG deviennent des « policy-makers »
et altèrent leur capacité de recul et de vision critique
quant à l’orientation et la mise en œuvre des politiques
de conservation.
De plus, de nombreuses ONG de conservation consi­
dèrent leurs relations avec certaines entreprises
essen­tielles à leur mission. Comment percevoir ces
rap­prochements entre secteurs économiques et
ONG qui remettent en question l’indépendance de
ces dernières ? Ces partenariats stratégiques doivent
les obliger en contrepartie à répondre aux mêmes
stan­dards de légitimité et de gouvernance que leurs
partenaires économiques21. Face aux lents progrès
constatés en terme de conservation de la biodiversité,
les financeurs réclament plus d’information quant à la
126
manière dont leurs budgets, qui vont grandissant, sont
dépensés. Forcées de gérer leurs organisations comme
des entreprises en quête de financeurs, elles doivent
également recruter des dirigeants et des bureaucrates
issus de gouvernements capables d’assurer une gestion
efficace 22. Un malaise croissant accompagne ces
pratiques.
Conclusion
Les ONG de conservation, comme les ONG environ­
nementales en général, font l’objet de beaucoup d’atten­
tion médiatique depuis quelques années, toutefois leur
rôle ne semble plus correspondre à celui préconisé
par l’Agenda 21 à Rio en 1992. Les diverses critiques
exprimées à leur encontre nous amènent à formuler les
réflexions suivantes. Certes, les ONG de conservation
en tant que vecteur d’innovation dans la gouvernance
de biodiversité constituent des acteurs importants sur
la scène environnementale internationale, nationale et
locale. Cependant, le processus de « gouvernemental
isation » dans lequel elles sont de plus en plus impli­
quées semble entrer en conflit avec leur rôle d’expertise
indépendante. De sorte que la nature des prises de
position médiatique et leur attitude sur le terrain ne
tendent pas à remplir leurs missions de façon impartiale
et efficace.
Les nombreux partenariats conclus en 2002 lors du
Sommet de Johannesburg entre acteurs politiques,
économiques, sociaux et institutionnels ne doivent
pas laisser indifférent. Politisées et étatisées, les
ONG sont largement dépendantes financièrement
de bailleurs de fonds institutionnels et elles entre­
tiennent des liens accrus avec les instances gouver­
ne­mentales et intergouvernementales. Certaines
sont ainsi représentées par des hauts fonctionnaires
au gouvernement qui sont également présidents
d’ONG. Cette tendance au partenariat avec les
institutions gouvernementales au détriment de leur
position d’indépendance absolue paraît critiquable car
en l’absence d’un contrôle de l’État et de la société
civile, l’industrie tout comme des coalitions d’ONG
ont les mains libres « pour contourner les pouvoirs
publics dans la définition et l’application de normes
environnementales »23.
Face au recul de l’État dans les questions de conser­
vation, les ONG semblent s’octroyer un rôle de
gouvernance de la biodiversité qui n’est pas le leur. Elles
doivent tout au plus contribuer à une conscientisation
rationnelle des gouvernements et des populations
dans la mise en œuvre de la conservation durable
car seul l’État et ses institutions décentralisées sont
légitimement habilités à jouer un rôle efficace dans la
gestion territoriale. Les ONG de conservation, ancrées
dans les limites sectorielles du conservationnisme, ne
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
doivent ni prétendre incarner seules les communautés
internationale ou nationales, ni décider des orientations
conditionnant leur devenir car sans État, c’est l’ambi­
tion d’un ordre juridique cohérent qui disparaît, de
même que l’institution de projets politiques durables
globaux24.
Notes
1. Ci-après « ONG ».
2. Près de 400 ONG participèrent à un rassemblement parallèle
lors de la Conférence de Stockholm en 1972. Lors du
Sommet de Johannesburg en 2002, 3000 ONG représentées
par 8000 personnes avaient obtenue une accréditation.
3. Rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environ­
nement, L’avenir de l’environnement mondial, Synthèse
GEO-3, 2002, [En ligne] [http://www.unep.org/geo/geo3/pdfs/
GEO3_Synthesis_fre.pdf] (consulté le 7 novembre 2006).
4. E. Rodary & C. Castellanet, « Les trois temps de la
conservation », in Conservation de la nature et dévelop­
pement – L’intégration impossible ?, E. R odary , C.
Catellanet & G. Rossi (dir.), Éditions GRET et Karthala,
2003, p. 10 à 36.
5. J.-M. Lavieille, Droit international de l’environnement,
Ellipses, Paris, 1998, p. 138 et s.
6. E. Rodary, « Les ONG de conservation de la biodiversité :
limites et phantasme territorial », [En ligne] [http://cnfg.
univ-paris1.fr/cr/rodary.htm] (consulté le 4 février 2007).
7. J.-C. G énot & R. B arbault , « Quelle politique de
conservation ? », in Biodiversité et changements globaux,
R. Barbault & B. Chevassus-au-Louis (dir.), ADPF,
2004, p. 164.
8. D. Dumoulin, « Légitimités croisées », in Courrier de la
Planète, no 75, [En ligne] [http://www.courrierdelaplanete.
org/75/article3.html] (consulté le 14 mars 2007).
9. E. R odary & C. C astellanet , « Les trois temps
de la conservation », in Conservation de la nature et
développement – L’intégration impossible ?, E. Rodary,
C. Catellanet & G. Rossi (dir.), Éditions Karthala et
Gret, 2003, p. 7.
10. A. Muller, « L’envers des parcs naturels – Les tribus
victimes de l’écologie », in Courrier international, n° 851,
21 février 2007, p. 41.
11. L. T ubiana & S. L ouafi , « Conservation et dévelop­
pement », in Courrier de la Planète, no 75, [En ligne] [http://
www.courrierdelaplanete.org/75/article1.html] (consulté le
14 mars 2007).
12. E. Rodary, « Les ONG de conservation de la biodiversité :
limites et phantasme territorial », [En ligne] [http://cnfg.
univ-paris1.fr/cr/rodary.htm] (consulté le 4 février 2007).
13. P. Ryfman, Les ONG, Collection Repères, Éditions La
Découverte, 2004, p. 6.
14. H . R o u i l l é d ’ O r f e u i l , L a d i p l o m a t i e n o n
gouvernementale, Collection Enjeux Planète, 2006, p.
169 et s. ; A. Bauer, « L’émergence d’une diplomatie non
gouvernementale », in Les Échos, no 19348, 10 février 2005,
p. 14 ; A. Bauer, « La diplomatie non gouvernementale.
Les ONG peuvent-elles changer le monde ? », in Les Échos,
n° 19642, 6 avril 2006, p. 23 ; P. Ryfman, « Les ONG,
acteurs controversés des relations internationales », in (2006)
19 Questions internationales 99.
15. D. C ompagnon , « La conservation de la biodiversité,
improbable bien public mondial », in Les Biens Publics
Mondiaux – Un mythe légitimateur pour l’action collective ?,
F. Constantin (dir.), Éditions L’Harmattan, 2002, p. 174.
16. Ces engagements en forme de déclaration ont été adoptés à
Rio en juin 1992 lors de la Conférence de Nations unies sur
l’environnement et le développement.
17. Chapitre 27 de l’Agenda 21.
18. S. Maljean-Dubois, « La gouvernance internationale
des questions environnementales – Les ONG dans le fonc­
tionnement institutionnel des conventions internationales de
protection de l’environnement », in Une société interna­tionale
en mutation : quels acteurs pour une nouvelle gouvernance ?,
L. Boisson de Chazournes & R. Mehdi (dir.), Éditions
Bruylant, Travaux du CERIC, 2005, p. 97 et s.
19. E. Rodary, « Les ONG de conservation de la biodiversité :
limites et phantasme territorial », [En ligne] [http://cnfg.
univ-paris1.fr/cr/rodary.htm] (consulté le 4 février 2007).
20. Id.
21. P. Jepson, « Governance and accountability og environmental
NGOs », in (2005) 8 Environmental Science & Policy 517.
22. Y. Dezalay & B. Garth, « Les ONG au service de la
mondialisation ? Connivence des élites internationalisées »,
in Le Monde diplomatique, juin 2005, p. 30-31.
23. Propos tenus par Madame Maryse Grandbois et Monsieur
Philippe Le Prestre à la suite du Sommet de Johannesburg :
C. G auvreau , « Reconnaître enfin la complexité des
problèmes », in L’UQAM, 23 septembre 2002, [En ligne]
[http://www.journal.uqam.ca/2002-2003/B2902.pdf]
(consulté le 14 mars 2007).
24. R. Mehdi, « Mutations de la société internationale et
adaptations institutionnelles : le grand défi », in Une société
internationale en mutation : quels acteurs pour une nouvelle
gouvernance ?, L. Boisson de Chazournes & R. Mehdi (dir.),
Éditions Bruylant, Travaux du CERIC, 2005, p. 15.
127
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
L’Internet au service du mouvement environnemental :
le cas des associations environnementalistes au Québec
Ghada TOUIR
Étudiante au doctorat en communication et sociologie
Université Laval
La présence de plus en plus accrue, ces dernières
années, des technologies de la communication dans les
foyers suscite plusieurs discours et débats, surtout en
ce qui a trait à la place qu’elles occupent dans la vie
quoti­dienne des usagers citoyens. Fortement amplifié
par l’innovation de l’Internet, ce phénomène rend
la question des activités citoyennes de plus en plus
complexe pour deux raisons. L’Internet, en tant que
média d’échange et d’interactivité, oblige, d’une part, à
réviser la notion même d’usager et, d’autre part, à rendre
compte de façon plus fine l’interrelation entre l’évolution
technologique et le changement social. Quel impact
aura cette interrelation sur les pratiques d’usagers, et
plus particulièrement les pratiques citoyennes, et sur la
création ou l’accumulation d’un capital social en vue de
résoudre certains problèmes sociaux, par exemple ceux
qui sont liés à l’environnement ? Notre communication
se veut une réflexion sur ce sujet dans la perspective de
notre projet de recherche de doctorat.
Afin de répondre à la question qui guidera notre
recherche, nous avons choisi de nous concentrer sur
le cas de l’appropriation de l’Internet par les groupes
sociaux (associations) œuvrant dans le secteur de l’envi­
ronnement et dont leur visibilité ne cesse d’accroître.
Ce terrain d’enquête est en lien, d’une part, avec un
chan­ge­ment social d’importance et, d’autre part, en lien
avec la technologie et l’évolution des relations et des
rapports sociaux entre les citoyens.
Nous formulons à ce propos les hypothèses suivantes.
1. Les pratiques citoyennes en vue de résoudre des
problèmes environnementaux mènent à l’appro­
priation de l’Internet en tant que technologie cogni­
tive de connexion et d’interactivité.
2. Les usages de l’Internet par les associations diffèrent
selon leurs champs d’actions et leurs réponses au
changement social.
3. Les logiques d’appropriation de l’Internet par
les asso­­ciations répondent à des objectifs et à des
stratégies conduisant à renforcer le capital social
existant.
128
Nous utiliserons trois instruments de cueillette de
données : le sondage par questionnaire mis en ligne,
l’ana­lyse documentaire des sites Web d’associations
environ­nementalistes et l’entretien semi-directif indivi­
duel auprès des administrateurs des associations. Ainsi
nous procéderons à la validation de nos données par la
stratégie dite de « triangulation ».
Cet article fait état des résultats préliminaires de la
première phase de notre processus de cueillette de
données, le questionnaire en ligne (Internet), et en lien
avec notre première hypothèse. À partir des données
recueillies auprès d’un échantillon non probabiliste
de membres d’associations environnementalistes au
Québec, il veut contribuer à « mesurer » à la fois leurs
usages de l’Internet dans le développement de pratiques
citoyennes et leur capital social en tant que l’ensemble
des relations en réseau « porteuses de ressources » à des
fins de participation à la société civile. Dans la seconde
partie, nous décrirons brièvement la suite dans notre
tentative de cueillette de données sur le terrain.
Première partie. Le questionnaire en ligne
Dans un premier temps, nous cherchions à mesurer la
capacité de nos répondants d’utiliser les outils d’Internet
pour établir, maintenir et renforcer les relations à
l’extérieur et à l’intérieur des associations. Ce sondage
visait, dans un deuxième temps, à prendre la mesure
du réseau relationnel de chacun, à l’extérieur (famille,
voisins, amis, collègues) et à l’intérieur des associations
environnementalistes (personnes ressources). Pour cela,
nous avons utilisé les générateurs de noms, de contexte
et de professions. Et finalement, nous cherchions, par
la méthode de la simulation ou ce que Franke et ses
collègues (2005) nomment le « module événementiel »,
à identifier les relations « porteuses de ressources ».
Notre questionnaire est composé de 29 grandes ques­
tions de formes variées (ouvertes, fermées, à choix
multiples, etc.) abordant les thèmes suivants :
– Premier thème : les technologies de communication
– Deuxième thème : les réseaux sociaux
– Troisième thème : l’engagement social et politique
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Constitution de l’échantillon
Notre échantillon non-probabiliste est composé de
membres des associations qui ont accepté de collaborer
à notre recherche (CREMTL, Environnement Jeunesse
et Nature Québec) en invitant, par courriel via leurs
listes de diffusion, leurs membres à se mettre en lien
avec notre questionnaire en ligne1. Cependant des
membres d’Équiterre et de Greenpeace (au total, 14)
ont répondu à notre questionnaire en ligne via le site de
l’un ou l’autre des trois associations qui ont accepté de
collaborer à notre sondage. Nous avons reçu, dans un
premier temps2, 65 réponses valides et dans un second
temps, 52 réponses valides (N= 117).
Profil des répondants
La répartition de nos répondants (N = 93) selon les
associations reflète les conditions déjà soulignées de
l’exercice : CREMTL 23,7 %, Environnement Jeunesse
23,7 %, Nature Québec 37,6 %, Équiterre 7,5 % et
Greenpeace 7,5 %. Ces conditions (la collaboration des
associations, la période de l’année, le caractère volon­
taire et anonyme des réponses) ont produit un échan­
tillon non probabiliste (N=117) à majorité féminine
(60 %), d’âge moyen (41 ans), hautement scolarisé – 98 %
ont atteint un niveau d’instruction post-secondaire :
collégiale (22 %), baccalauréat (32 %), maîtrise (33 %) et
doctorat (10,5 %) – et qui œuvre dans un large éventail
de milieux socioprofessionnels.
Les premiers résultats
Thème I : Les technologies de communication
L’analyse des variables rattachées à ce thème nous
permettra, d’une part, de « mesurer » en quelque sorte le
degré d’usage et de maîtrise des fonctionnalités de l’ordi­
nateur et de l’Internet par nos répondants et, d’autre
part, d’apprécier leur capacité d’utiliser l’Internet dans le
maintien et le renforcement de leur réseau relationnel.
Dans un premier temps, nous voulons connaître les
habitudes de consommation des grands médias. Nous
avons demandé aux répondants s’ils avaient regardé la
télévision, écouté la radio, lu un journal ou un magazine
(général ou spécialisé), regardé ou écouté des émissions,
en direct ou en différé, sur Internet soit le jour même
du sondage ou sur des périodes allant de « moins d’une
semaine » à « ça fait longtemps » ou jamais. Si nous
répar­tissons les réponses de nos répondants (N = 117)
sur le très court terme (le jour même) et sur le moyen
terme (moins d’un mois) nous remarquons que pour
la très grande majorité, la consommation quotidienne
des médias, tous contenus confondus, favorise la radio
(75 %) et le journal (58 %) ; la télévision et le magazine
général recueillent respectivement 40 % et 20 %. Si
nous ajoutons la consommation mensuelle, il est clair
que la préférence va aux médias traditionnels (plus de
90 % affirment les consommer au moins une fois depuis
un mois, y compris le jour même), comparativement
à l’Internet (entre 20 % et 37 %) et aux magazines
spécialisés (25 %).
Compte tenu du haut niveau de scolarité des répon­dants
il n’est pas surprenant d’apprendre que près des deux
tiers des répondants évaluent leurs usages de l’ordi­
nateur comme ceux de quelqu’un qui est « connaissant »
ou « très connaissant » alors que 21 % se considèrent
« moyennement connaissant » et 7 % se consi­dèrent
soit « très peu connaissant » ou « expert » (N = 117).
Tous les répondants affirment avoir acquis cette habilité
depuis u moins 10 ans et près du quart, depuis 20 ans.
Dans un troisième temps, nous voulions savoir à quels
usages de l’ordinateur s’emploient nos répondants
(N = 117). Ici encore nous cherchons à cerner la fré­
quence selon le temps court (de « une à plusieurs fois
par jour ») et le temps moyen (de « une fois par mois à
plusieurs fois par semaine »).
En général, nous pouvons dire que l’usage de l’ordi­
nateur est plutôt individualisé. À court terme, on
échange des courriels (84 %), on rédige des documents
(68 %), on cherche des informations (54 %), on consulte
les médias (40 %), et à moyen terme on paye ses factures
(70 %), on se divertit et l’on consulte des banques de
données (41 %). Rarement ou jamais, on navigue sans
but (68 %), on « blogue » (71 %), on clavarde (76 %), on
télécharge des logiciels ou l’on achète en ligne (79 %),
et l’on participe à un forum (88 %).
Parmi les usages, nous avons demandé aux répondants
s’ils utilisaient l’ordinateur pour consulter des sites à
caractère public ou à caractère environnementaliste, et
à quelle fréquence. Plus de la moitié (55 %) consultent
très souvent ou souvent des sites « institutionnels »
(asso­ciations environnementalistes, médias d’actualités
et sites gouvernementaux) alors que plus des trois
quarts consultent rarement ou jamais des sites « indi­
viduels » (Weblogue d’un environnementaliste, d’un
journaliste ou le site d’un député provincial ou fédéral).
Seulement 28 % consultent régulièrement le site du
BAPE et 42 %, les banques de données.
Pour clore ce premier volet, nous voulions savoir ce que
représentait l’Internet chez nos répondants. La très
grande majorité s’accorde pour dire que l’Internet est
une « révolution technologique » (98 %), une « encyclo­
pédie mondiale » ou un « marché économique » (86,2 %),
et un « lieu d’expression citoyenne » (84,8 %). Un peu
plus de la moitié (55,2 %) considère que l’Internet
est un « média comme un autre » alors que la grande
majo­rité (87,8 %) voit l’Internet comme une « mode »
passagère.
129
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Thème II : Les réseaux sociaux
L’analyse des variables de ce thème vise à établir le
réseau relationnel des répondants et à identifier les
relations « porteuses de ressources ». Dans un premier
temps, nous voulions savoir qui font partie de leur
réseau relationnel, depuis quand et quel était le type
de relation. À l’aide de la technique des générateurs de
noms, nous avons demandé aux répondants (N=116)
s’ils connaissent de nom des personnes du domaine
public et le degré de connaissance (simple ou intime).
Si les répondants identifient davantage comme per­
sonnes ressources, et les connaître personnellement (ou
intimement), des personnes directement engagées dans
l’action militante ou environnementale (expert, militant
politique, membre d’un conseil d’administration,
d’une association environnementaliste, fonctionnaire),
par opposition à un conseiller municipal, député ou
journaliste, c’est surtout à l’expert, au membre d’un
conseil d’administration et ou fonctionnaire que le
répondant va demander conseil pour mieux protéger
l’environnement.
Lorsqu’il s’agit d’échanger sur le sujet de l’environ­
nement, le réseau de « personnes ressources » s’élargit
pour inclure des personnes de leur entourage immédiat
(amis, membres de la famille, collègues de travail). C’est
avec eux ainsi qu’avec un membre de l’administration
d’une association environnementaliste, l’expert en
environnement et le fonctionnaire, que les répondants
ont le plus souvent communiqué par courriel au cours
des douze derniers mois sur ce sujet. C’est d’ailleurs ce
moyen de communication que la grande majorité (86 %)
des répondants jugent le meilleur pour échanger avec
les membres d’une association environnementaliste. Par
ailleurs, quand se présente l’occasion d’aider quelqu’un
à résoudre un problème lié à l’environnement, le plus
souvent il s’agit d’un ami ou d’un collègue de travail
plutôt qu’un membre de la famille.
Thème III : L’engagement social et politique
En abordant ce dernier thème nous cherchions à
connaître le degré d’implication sociale de nos répon­
dants, dont l’intérêt pour les questions environ­
nementales remonte, en moyenne, à près de 20 ans.
Dans un premier temps, nous voulions sonder leur
engagement citoyen en leur demandant s’ils ont voté
aux dernières élections fédérale, provinciale, municipale
et scolaire. Compte tenu du profil de nos répondants,
le degré élevé de participation comparé à la moyenne
ne surprend guère : élection fédérale (93,7 %), élection
provinciale (90,8 %), élection municipale (81,7 %),
élection scolaire (28,4 %).
130
Dans un deuxième temps, nous les avions sondés
sur leur participation à des actions citoyennes. C’est
davan­tage le caractère individuel ou « privé » qui
marque leurs actions, ce qui peut s’expliquer aisément
par l’occurrence peu fréquente des actions plus
« collectives » ou publiques (manifestations) ou par la
per­cep­tion du peu d’intérêt que soulève la question
environnementale à un niveau décisionnel de proximité
(conseil municipal ou commission scolaire).
Nos répondants affichent une scolarité nettement audessus de la moyenne, ils sont des consommateurs
réguliers des grands médias, s’intéressent à l’envi­
ronnement depuis une vingtaine d’années, en moyenne,
et s’estiment bien connaître l’usage de l’ordinateur et
de l’Internet. Il n’est donc pas surprenant de constater
que 98 % sont tout à fait d’accord ou plutôt d’accord
lorsqu’il s’agit de se considérer bien informés sur les
problèmes environnementaux. Leur intérêt pour les
problèmes environnementaux (changements clima­
tiques, gaz à effet de serre, réchauffement de la planète,
pollution de l’eau et de l’air, déforestation, fonte des
glaciers, extinction de certaines espèces et trous dans
la couche d’ozone) est très élevé3. Par contre nous
pou­vons noter, comme eux, que certains sont moins
d’actualité (contamination des sols, déchets nucléaires
et pluies acides) parce que moins directement liés
aux problèmes des changements climatiques et au
réchauffement de la planète.
En moyenne, nos répondants sont membres d’une
association environnementaliste depuis 10 ans. Nous
leur avions demandé d’opiner sur le pourquoi de leur
adhésion et sur leur satisfaction à l’égard de leur
association. Ce sont surtout des raisons « objectives » –
degré d’engagement (34 %) et programme d’actions de
l’association (21 %) – qui motivent l’adhésion plutôt que
des raisons « subjectives » : influence d’un membre de la
famille, d’un ami, du site Web ou la proximité (moins
de 5 %).
Si l’influence du site Web est négligeable par rapport
à l’adhésion à une association environnementaliste, les
deux tiers des répondants jugent de très bons ou bons
les moyens de communication de leurs associations.
La très grande majorité estiment qu’elles utilisent de
façon efficace l’Internet en général (87,3 % soit tout à
fait ou plutôt d’accord) et en particulier pour informer
et communiquer avec leurs membres (84,5 %). C’est
d’ailleurs la pertinence des informations sur le site Web
qu’apprécient le plus les répondants (62,5 %).
Par rapport à l’usage de l’Internet près de la moitié
des répondants (N=98) estime qu’il les a incités à
s’impliquer davantage dans leur association (45 %) et
dans les affaires publiques (48,5 %).
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Cette appréciation de l’usage des moyens de commu­
nication par les associations et de la pertinence des
informations sur leur site Web concorde avec la con­
fiance qu’ils accordent à ces informations. Ce sont
davantage le site Web des associations, du BAPE, des
gouvernements, et les médias plus anciens (la radio et
l’imprimé) qui méritent la confiance de nos répondants
par rapport à la télévision et aux sites individuels
(weblogue ou site d’un député)..
Tableau 1. Confiance aux informations
environnementales diffusées
Médias
• Site Web de l’association
• Magazines de vulgarisation scientifique
• Site Web du Bape
• Presse écrite (journaux)
• Radio
• Site Web gouvernemental
• Télévision
• Weblogue d’un environnementaliste
• Weblogue d’un journaliste
• Site Web d’un député
Oui (%)
98,2
97,3
83,6
82,9
78,6
68,2
65,5
53,3
34,6
26,9
Conclusion provisoire
Notre sondage, rappelons-le, a été réalisé auprès de
117 membres d’associations environnementalistes au
Québec. Puisque notre échantillon non probabiliste
est assez petit et limité, nous adoptons une certaine
réserve dans l’interprétation des résultats.
Premier thème : les technologies de communication
• La consommation des médias traditionnels (télévi­
sion, radio et journaux), tous contenus confondus,
s’inscrivent dans les habitudes quotidiennes et
régulières de la majorité des répondants (population
homogène, très scolarisée et relativement âgée).
• La majorité des répondants qui se considèrent « con­
naissants » ou « très connaissants » depuis au moins
10 ans dans la manipulation d’un ordinateur font
des usages plutôt individualisés.
• La majorité des répondants dans leurs habi­tudes
quotidiennes de consultation ou encore de navi­
gation sur Internet privilégient plus les sites
« institutionnels » (associations environne­mentalistes,
gouvernements, médias d’actualité) que les sites
« individuels » (weblogues). C’est d’ailleurs aux
informations de ces sites qu’ils accordent leur plus
grande confiance.
• Selon la majorité des répondants, l’Internet « n’est
pas un média comme un autre » mais plutôt une révo­
lution technologique, une encyclopédie mondiale,
un marché économique et un lieu d’expression
citoyenne.
Deuxième thème : les réseaux sociaux
• Pour la majorité de nos répondants, les personnes
travaillant dans le secteur environnemental
(membre du conseil d’administration d’une asso­
ciation environnementaliste, un expert en matière
d’environnement) et des membres de leur entourage
immédiat font partie de leur réseau relationnel de
« personnes ressources » avec qui ils échangent des
courriels au sujet de l’environnement et demandent
conseil ou encore de l’aide pour résoudre un
problème environnemental.
• Le courriel est jugé le moyen de communication
par excellence pour communiquer et échanger avec
leurs associations.
Troisième thème : l’engagement social et politique
• La majorité de nos répondants sont engagés
socialement et politiquement dans la société civile :
plus souvent que la moyenne, ils votent, signent
des pétitions, font du bénévolat, participent aux
manifestations publiques ou aux marches de pro­
testation, et recyclent très souvent leurs déchets.
• Cette conscience et cet engagement pour les
affaires publiques de la société civile, et plus
préci­sé­ment pour la cause environnementale, ne
doivent surprendre puisque la majorité de nos
répondants « se considèrent bien informés » et ils
s’intéressent, en moyenne depuis 20 ans, aux pro­
blèmes environnementaux qui sont surtout liés aux
changements climatiques et au réchauffement de la
planète.
• Depuis une dizaine d’années, en moyenne, nos
répondants adhèrent à des associations environ­
nementalistes présentes au Québec en raison
principalement du « degré d’engagement » de ces
associations et également des « types d’actions »
qu’elles mènent.
• Selon la grande majorité de nos répondants, ces
associations se servent efficacement de la tech­
nologie de l’Internet pour défendre leurs dossiers
et également pour communiquer et échanger avec
leurs membres.
• Près de la moitié de nos répondants s’entende pour
dire que leur usage de l’Internet les a incités à s’im­
pliquer dans leur association et dans les affaires
publiques.
Seconde partie : La suite de notre enquête
Ces résultats préliminaires vont nous aider à préparer
et réaliser les dernières phases de la cueillette de nos
données.
L’analyse des sites Web
Afin de « mesurer » l’écart – si écart il y a – entre
les « représentations » des membres et celles des
131
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
associations environnementalistes participantes à
notre recherche, nous examinerons les sites Web de
ces associations et toutes leurs déclinaisons de mise en
ligne sur la Toile de l’Internet par les Webmestres.
Grâce à une grille d’analyse qui sera élaborée à cette
fin, et en lien avec notre deuxième hypothèse, nous
tenterons de saisir dans les sites Web des associations,
la « matérialité » de leurs représentations de la cause
environnementale, de leur champ d’action et finalement,
de leurs membres. Cette analyse nous permettra aussi
d’induire les modes d’appropriation de l’Internet
privilégié par chaque association en lien avec leurs
représentations. Notre grille d’analyse des sites Web
prendra la forme d’une description détaillée du contenu
des rubriques, des différents documents et de leurs
hyperliens présents dans les menus des pages d’accueil
de ces sites. Nous débuterons par une classification
générale des sites Web selon la mission spécifique
et les objectifs de chaque association. Quatre thèmes
guideront notre analyse : l’usage du site Web pour se
faire connaître, l’usage du site Web pour maintenir
des relations avec les membres et autres associations,
l’usage du site Web pour renforcer l’engagement
social et politique et l’usage du site Web pour établir
et renforcer l’interactivité.
132
Les entretiens semi-directifs
Des entretiens semi-directifs individuels seront menés
auprès des responsables des équipes chargées du
projet du « changement climatique » des associations
choisies pour notre recherche et de leurs webmestres
pour savoir comment les responsables des associations
évaluent leur appropriation de l’Internet et dans
quelle mesure ils tiennent compte de l’avis (demandes,
opinons et courriels) des membres dans leurs actions
environnementalistes.
Notes
1. Nous voulons remercier Monsieur André Roy du Départe­
ment d’information et communication et Madame Hager
Khechine du Département des systèmes d’information
organisationnels, à l’Université Laval, pour leurs conseils
et aide dans la réalisation et la mise en ligne de notre
questionnaire sondage.
2. La première date du retour du questionnaire en ligne a été
fixée au 15 décembre 2006 et le rappel, au 30 janvier 2007.
3. Le pourcentage des répondants qui considèrent comme
très sérieux ces problèmes varie entre 95 % (changements
climatiques) à 81 % (trou dans la couche d’ozone).
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Bibliographie
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le 10 octobre 2005).
133
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Affiches – Liste des exposants
Compostage des branches des essences forestières feuillues
et caractéristiques physico-chimiques des composts pour
produire des substrats de croissance
Mustapha Bakry, étudiant au doctorat en sciences
forestières, Université Laval
Développement territorial et environnement dans
l’Arctique canadien
Sophie Dupré, étudiante au doctorat en sciences
géographiques, Université Laval
134
Climate Change impacts on traditional food security in
Kangiqsualujjuaq, Nunavik.
Judith Alain, étudiante à la maîtrise en santé
communautaire, Université Laval
Les phénols dans le lixiviat de bois : Développement d’une
méthode d’analyse et réduction par biofiltration
Najat Kamal, étudiante au doctorat en génie civil,
Université Laval
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Liste des participants
Alain, Judith
Département de médecine sociale et préventive
Université Laval
Courriel : [email protected]
Cambon Pierre
Département de géographie
Université Laval
Courriel : [email protected]
Audette-Chapdelaine, Marianne
Institut québécois des Hautes études internationales
Université Laval
Courriel : [email protected]
Charlebois, Pierre-Olivier
Faculté de droit
Université Laval
Courriel : [email protected]
Aziz Es-Salhi, Mohammed
Département de génie civil
Université Laval
Courriel : [email protected]
Charron Andréanne
Département des sciences de la nature
Cegep de Sainte-Foy
Courriel : [email protected]
Baccar, Habib
Faculté de droit
Université Laval
Courriel : [email protected]
Cool, Geneviève
École supérieure d’aménagement du territoire
et de développement régional (ESAD)
Université Laval
Courriel : [email protected]
Baker, Alexandre
Département Aménagement du territoire
Université Laval
Courriel : [email protected]
Bakry, Mustapha
Département des sciences du bois et de la forêt
Université Laval
Courriel : [email protected]
Beguin, Julien
Département des sciences du bois et de la forêt
Université Laval
Courriel : [email protected]
Bérard, Marie-Hélène
Faculté de droit
Université Laval
Courriel : [email protected]
Bouffard Mélanie
Maitrise en environnement
Université de Sherbrooke
Courriel : [email protected]
Cossette, Yves
Département des Sciences de l’Administration
Université Laval
Courriel : [email protected]
Côté, Ghislain
Département de géographie
Université Laval
Courriel :[email protected]
Cyr, Charles
Département de génie électrique et génie
informatique
Université Laval
Courriel : [email protected]
Dagenais, Marie-Pierre
Département de sociologie
Université Laval
Courriel : [email protected]
Demers, Valérie
Institut des sciences de l’environnement
UQAM
Courriel : [email protected]
135
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
DesMarchais, Pierre-Olivier
Faculté de droit
Université Laval
Courriel : [email protected]
Lamonde, Bernard
Département d’économique
Université Laval
Courriel : [email protected]
Diouf, Aliou
Département de géographie
Université Laval
Courriel : [email protected]
Levaque, Renée
Direction de santé publique de la capitale nationale
3320, avenue de la Paix, G1X 3W6
Courriel : [email protected]
Dupré, Sophie
Département de géographie
Université Laval
Courriel : [email protected]
Macaigne, Peggy
Département de génie civil
Local 3955, Pavillon Pouliot
Université Laval
Courriel : [email protected]
Fleury, Frédéric
Département de géographie
Université Laval
Courriel : [email protected]
Francisque, Alex
École supérieure d’aménagement du territoire
et de développement régional (ESAD)
Université Laval
Courriel : [email protected]
Maric, Anita
Faculté ENAC
École Polytechnique Fédérale de Lausanne
Courriel : [email protected]
Martin, François
Département de biologie
Université Laval
Courriel : franç[email protected]
Robert, Francois Simon
Département d’Agriculture
Université Laval
Courriel : [email protected]
Mekki, Sabine
Faculté de droit
Université Laval
Courriel : [email protected]
Karirekinyana, Ginette
Faculté de philosophie
Université Laval
Courriel : [email protected]
Miranda, Luis
Département d’Économique
Université Laval
Gagnon-Légaré, Ariane
Département de science politique
Université Laval
Courriel : [email protected]
Gagnon, Christine
Département Droit
Université Laval
Courriel : [email protected]
Monast-Robineau, Pascal
Département de géomatique appliquée
Université de Sherbrooke
Courriel : [email protected]
Monnerat, Mélie
Département de géographie
Université Laval
Courriel : [email protected]
Kamal Najat
Département Génie Civil
Université Laval
Morales, Sonya
Département Droit
Université Laval
Courriel : [email protected]
Lachance-Bernard, Myriam
Département de Biologie
Université Laval
Courriel : [email protected]
Moreault, Denise
Département Droit
Université Laval
Courriel : [email protected]
Lachance-Bernard, Nicolas
École supérieure d’aménagement du territoire
et de développement régional (ESAD)
Université Laval
Courriel : [email protected]
Moy Anne-Charlotte
Département Droit
Université Laval
Courriel : [email protected]
136
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Ngo, Anh-Thu
Département d’économie agroalimentaire
et des Sciences de la consommation
Université Laval
Courriel : [email protected]
Painchaud-April, Mathieu
Maitrise en environnement
Université de Sherbrooke
Courriel : [email protected]
Rondier, Pierre
École supérieure d’aménagement du territoire
et de développement régional (ESAD)
Université Laval
Courriel : [email protected]
Saint-Laurent Vallée, Anthéa
Département de géographie
Université Laval
Courriel : [email protected]
Sotousek, Julia
Faculté de droit
Université Laval
Courriel : [email protected]
Touir, Ghada
Département d’information et de communication
Université Laval
Courriel : [email protected]
Tremblay, Hugo
Faculté de droit
Université Laval
Courriel : [email protected]
Vézeau, Nicolas
Département de science politique
Université Laval
Courriel : [email protected]
Guay, Louis
Professeur au département de sociologie
Université Laval
Courriel : [email protected]
Halley, Paule
Professeure à la Faculté de droit
Université Laval
Courriel : [email protected]
Joerin, Florent
Professeur à l’école supérieur d’aménagement
du territoire (ESAD)
Université Laval
Courriel : [email protected]
Olivier, Alain
Professeur de département de phytologie
Université Laval
Courriel : [email protected]
Rodriguez, Manuel J.
Professeur au département d’aménagement
Université Laval
Courriel : [email protected]
Équipe de l’IHQEDS
Philippe Le Prestre – Directeur
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 2723
Local : 3857
Courriel : [email protected]
Jocelyne Néron – Chargée des communications
Téléphone : (418) 656-3274
Local : 3853
Courriel : [email protected]
Professeurs
Koassi D’Almeida – Adjoint à la formation
et à la coopération
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 2475
Local : 3849
Courriel : [email protected]
Bernard, Jean-Thomas
Professeur au département d’économique (GREEN)
Université Laval
Courriel : [email protected]
Hélène Laurence – Adjointe à la recherche
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 2598
Local : 3865
Courriel : [email protected]
Boucher, Nathalie
Professeure au département d’économique
Université Laval
Courriel : [email protected]
Aurore Nembrini – Chargée de projets
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 8814
Local : 3827
Courriel : [email protected]
Bouthillier, Luc
Professeur au département des sciences du bois
et de la forêt
Université Laval
Courriel : [email protected]
Linda Marcoux – Adjointe administrative
Téléphone : (418) 656-2723
Local : 3861
Courriel : [email protected]
137
3e colloque étudiant de l’IHQEDS
Ariane Gagnon-Légaré – Assistante (recherche) ;
campus durable
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 5379
Local : 3831
Courriel : [email protected]
Claude Audet-Robitaille – Assistante (recherche)
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 4654
Local : 3835
Courriel : [email protected]
Mathilde Forest-Rivière – Assistante
(communications)
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 4654
Local : 3835
Courriel : [email protected]
138
Lucie Verreault – Assistante (communications)
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 4654
Local : 3835
Courriel : [email protected]
Liliana Diaz – Coordinatrice projet Panama
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 8814
Local : 3827
Courriel : [email protected]
Marie-Hélène Bérard – Liaison membres étudiants,
auxiliaire de recherche
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 5379
Local : 3831
Courriel : [email protected]