du colloque - Institut EDS
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Actes du colloque 16 mars 2007 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Les actes du colloque Différentes perspectives pour un même but : un meilleur environnement 16 mars 2007, Université Laval, Québec 3e colloque étudiant de l’IHQEDS L’IHQEDS L’Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société (IHQEDS) est un regroupement de membres de la communauté universitaire, provenant aussi bien de sciences sociales que de sciences dures ou appliquées, qui partagent un intérêt commun pour la recherche et la formation en environ nement, développement et société. Le mandat de l’Institut est de soutenir la recherche pluridisci plinaire, les synergies entre spécialistes et de promouvoir une vision d’ensemble sur les questions d’environnement dans la société. L’Institut réalise ou facilite des activités visant l’approfondissement et la diffusion des connaissances dans le domaine de l’environnement et du développement durable. Afin de faciliter l’atteinte de ces objectifs, la structure se veut souple, rassembleuse et ouverte. L’IHQEDS relève à la fois du Vice-rectorat à la recherche et du Vice-rectorat aux études, possède une relation privilégiée avec deux facultés (sciences sociales et sciences et génie), tout en collaborant avec l’ensemble des facultés de l’université. Ses membres peuvent être individuels ou collectifs. Site Internet : http://www.ihqeds.ulaval.ca Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société 2440, Pavillon des Services Boul. Hochelaga, local 3800 Université Laval, Québec G1K 7P4 Teléphone: (418) 656-2723 Télécopieur: (418) 656-7330 Courriel: [email protected] Coordination du colloque et publication des Actes : Koassi d’Almeida, adjoint à la formation et à la coopération, IHQEDS Avec la collaboration de : Marie-Hélène Bérard, étudiante au doctorat en droit, Université Laval, point focal étudiant, IHQEDS Marianne Audette Chapdelaine, étudiante à la maîtrise en études internationales, Université Laval Comité colloque : Marie-Hélène Bérard, Sabine Mekki, Hugo Tremblay, Marie-Claude Desjardins, Nicolas Vézeau et Peggy Macaigne. Nos remerciements à Linda Marcoux et Jocelyne Néron de l’IHQEDS pour leur précieuse collaboration. Québec, août 2007 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Table des matières Préface aux actes du 3e colloque étudiant................................................................................................................5 Séance 1 : Les défis actuels de la gestion de l’eau...............................................................................................6 Dynamique des relations entre acteurs publics et privés dans la gestion des services d’eau urbains Marianne Audette-Chapdelaine, étudiante à la maîtrise en études internationales, Université Laval............................................................................................................................................7 Controverse publique et conflit de l’utilisation de l’eau souterraine : l’exemple de Franklin Marie-Pierre Dagenais, étudiante à la maîtrise en sociologie, Université Laval......................13 Contrôle de la contamination et de l’eutrophisation des lacs dans une approche par bassin versant : cas de la Baie Missisquoi Lac Champlain Montérégie Mohammed Aziz Es-Salhi, étudiant au doctorat en génie civil, Université Laval...................17 Présence et variabilité d’indicateurs de la qualité microbiologique en réseau de distribution d’eau potable Alex Francisque, étudiant au doctorat en aménagement du territoire et développement régional (ATDR), Université Laval......................................................................28 Indicateurs pour évaluer la vulnérabilité à la contamination microbiologique des systèmes d’approvisionnement en eau potable Geneviève Cool, étudiante à la maîtrise en aménagement du territoire et développement régional (ATDR), Université Laval......................................................................39 Séance 2 : Repenser les transports et les villes...................................................................................................44 Un système d’indicateurs d’étalement urbain : des enjeux d’utilité et de complexité Pierre Rondier, étudiant au doctorat en aménagement du territoire et développement régional (ATDR), Université Laval......................................................................45 Évaluer globalement les impacts des scénarios d’aménagement en transport : modélisation de l’accessibilité pour la Communauté Métropolitaine de Québec Nicolas Lachance-Bernard, étudiant à la maîtrise en aménagement du territoire et développement régional (ATDR), Université Laval......................................................................50 Estimation d’un modèle agrégé de la distance parcourue par les véhicules légers au Canada Bernard Lamonde, étudiant à la maîtrise en économie, Université Laval...................................55 L’utilisation de la méthode du tiers inférieur pour l’entretien des fossés routiers dans une perspective de développement durable Pascal Monast Robineau, étudiant à la maîtrise en géomatique appliquée, Université de Sherbrooke Léon Provencher et Jean-Marie Dubois, Université de Sherbrooke..........................................59 Séance 3 : Des arbres et des Hommes....................................................................................................................65 Apport de la géographie historique et de la télédétection à la compréhension de l’évolution de l’environnement au Sahel du xiiie au xxe siècle : le cas du Centre-Est agro-sylvopastoral sénégalais Aliou Diouf, étudiant au doctorat en géographie, Université Laval Matthew G. Hatvany, Alain A. Viau et Nathalie Barrette, Université Laval..........................66 L’utilisation de la sylviculture pour régénérer les sapinières de l’île d’Anticosti Julien Beguin, étudiant à la maîtrise en sciences forestières, Université Laval..........................73 Les plantations d’acajou aux Fidji : modèle d’exploitation durable au Pacifique ? Mélie Monnerat, étudiante à la maîtrise en géographie, Université Laval.................................75 Séance 4 : Adaptation aux changements climatiques.......................................................................................80 Éthique de la coopération et le développement durable Ginette Karirekinyana, étudiante au doctorat en philosophie, Université Laval......................81 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Changements climatiques et impacts sur la santé : une étude à George River (Kangiqsualujjuaq), Nunavik Judith Alain, étudiante à la maîtrise en santé communautaire, Université Laval......................87 Reconnaissance du statut juridique de réfugié environnemental à titre de mesure d’adaptation aux changements climatiques : Édification d’une nouvelle responsabilité collective en vertu du droit international de l’environnement Pierre-Olivier Charlebois, étudiant à la maîtrise en droit de l’environnement, développement durable et sécurité alimentaire, Université Laval Paule Halley, Université Laval...............................................................................................................92 Société civile, organisations non gouvernementales et nouvelles modalités d’exercice de la souveraineté de l’État dans les accords internationaux sur les changements climatiques Valérie Demers, étudiante à la maîtrise, Institut des sciences de l’environnement, UQAM..... 101 Séance 5 : Gouvernance : de nouveaux acteurs en émergence.................................................................... 108 La mise en œuvre de la Convention sur la diversité biologique, de l’échelon global au local : étude de cas de l’Équateur Ariane Gagnon-Légaré, étudiante à la maîtrise en science politique, Université Laval....... 109 La responsabilité élargie des producteurs au Québec : la gouvernance de la production durable Pierre-Olivier Desmarchais, étudiant au doctorat en droit, Université Laval....................... 117 Pistes de réflexion vers une redéfinition du rôle des ONG en matière de conservation durable des territoires Julia Sotousek, étudiante au doctorat en droit, Université Laval............................................... 124 L’Internet au service du mouvement environnemental : le cas des associations environnementalistes au Québec Ghada Touir, étudiante au doctorat en communication et sociologie, Université Laval...... 128 Liste des exposants (affiches)................................................................................................................................... 134 Liste des participants.................................................................................................................................................. 135 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Préface aux Actes du 3e colloque étudiant Pour sa 3e édition, le colloque annuel étudiant de l’IHQEDS offrait une vingtaine de présentations provenant de disciplines très diverses, allant du droit au génie civil, de la philosophie à la santé, des études internationales à l’aménagement du territoire. Ce succès est largement dû aux efforts du comité organisateur étudiant (Marie-Hélène Bérard, Sabine Mekki, Hugo Tremblay, Marie-Claude Desjardins, Nicolas Vézeau et Peggy Macaigne) qui, cette année, avait la pleine responsabilité de son organisation. L’ampleur croissante de cet événement et la grande diversité des disciplines repré sentées témoignent de la vitalité de la recherche en environnement et développement durable à l’Université Laval, dont on retrouve également de nombreux exemples dans des rencontres similaires organisées par certains centres et groupes de recherche. Elles expriment aussi le dynamisme des jeunes chercheurs qui, au-delà du désir de comprendre, se traduit par la quête de solutions concrètes aux problèmes et par une volonté de réflexion critique sur ce que l’on pourrait appeler « les lieux communs du développement durable ». Cette année encore, le colloque a eu le plaisir d’accueillir plusieurs participants d’autres universités québécoises. Cette ouverture continuera afin, à terme, d’en faire un véritable carrefour interuniver sitaire et interdisciplinaire des jeunes chercheurs en environnement et développement durable à l’échelle de la province. Les futurs colloques privilégieront particulièrement les nouveaux « passeurs de frontières » qui font appel à des traditions disciplinaires et des corpus de connaissance différents afin de proposer de nouvelles conceptualisations des problèmes ou des solutions concrètes visant à traduire les principes et normes du développement durable en mesures effectives et efficaces. Philippe Le Prestre Directeur Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Séance 1 Les défis actuels de la gestion de l’eau 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Dynamique des relations entre acteurs publics et privés dans la gestion des services d’eau urbains Marianne Audette-Chapdelaine Étudiante à la maîtrise en études internationales Université Laval Contexte Les décideurs doivent constamment concilier différents intérêts liés aux multiples utilisations des ressources en eau : production énergétique, procédés industriels, loisirs et tourisme, pêche, transport, irrigation, hygiène, conservation des écosystèmes, etc. Devant ces multiples usages de l’eau et enjeux liés à l’eau, nous avons décidé de nous pencher plus spécifiquement sur la gestion des services d’eau potable et d’assainissement en milieu urbain. De nombreuses préoccupations font partie du contexte dans lequel s’inscrit la gestion des services d’eau. Tout d’abord, la définition du statut de l’eau est une préoccupation faisant partie des débats actuels entou rant la gestion de l’eau. Selon les circonstances, l’eau prend la forme d’une ressource essentielle à la vie, d’une marchandise exportable, d’un bien commercialisable, d’un service offert à des consommateurs, ou d’un droit humain fondamental. Elle est également perçue comme étant inépuisable ou rare, selon les situations. Cette perception que nous avons de l’eau en elle-même se reflète dans nos attentes à l’égard de sa gestion. Les préoccupations croissantes à l’égard de l’environ nement et du développement durable se traduisent de plus en plus dans les actions individuelles et collectives, et donc dans la prise de décision et la définition du rôle des institutions. Ainsi, une ville doit gérer ses services d’eau en tenant compte de tout le cycle d’utilisation de l’eau, depuis l’adduction jusqu’à l’épuration. Il est aujourd’hui inacceptable qu’une ville rejette ses déchets dans un cours d’eau sans les avoir traités, causant inévitablement des dommages à l’environnement et aux populations en aval. L’utilisation de l’eau est également liée à des préoccu pations humanitaires. La communauté internationale s’est engagée, à travers les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), à réduire de moitié d’ici 2015 le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’eau potable et à l’assainissement. Deux des plus grandes organisations internationales en matière d’eau, le Conseil mondial de l’eau1 et le Partenariat global pour l’eau, organisent tous les trois ans le Forum mondial de l’eau. Lors du forum de 2002, elles ont mis sur pied le Groupe de travail mondial sur le financement des infrastructures de l’eau, qui avait pour objectif de trouver des pistes de solution pour les pays dits en développement. Les citoyens des pays industrialisés sont de plus en plus conscients qu’une grande partie de l’humanité n’a pas accès à l’eau en qualité et en quan tité suffisante. Cela pose inévitablement un question nement quant à notre devoir de gérer nos ressources de manière responsable. Les décideurs doivent également composer avec l’évo lution de l’offre et de la demande, qui est influencée par des habitudes de consommation résidentielle et industrielle changeantes, des normes plus rigoureuses et la dégradation de la qualité de l’eau. Les changements climatiques auront des effets encore mal compris sur le cycle de l’eau, et donc sur la quantité d’eau disponible. L’état des infrastructures, les fuites, la croissance démo graphique, l’urbanisation et la capacité d’investir dans des travaux d’entretien influencent également l’offre et la demande de services d’eau. Enfin, la redéfinition du rôle de l’État est au cœur des débats sur la participation du secteur privé à la gestion de l’eau. Au cours du xxe siècle, l’État s’est endetté en investissant massivement dans les infra structures publiques. Les gouvernements doivent maintenant réfléchir à leur efficacité et à leur mode de fonctionnement, et non plus uniquement à la finalité de leurs actions. Plusieurs secteurs d’abord mis en place par l’État ont ainsi été transférés au privé, avec l’espoir que les forces du marché améliorent l’efficacité de gestion. Cette recherche d’efficacité et de diminution des coûts a motivé la décision de nombreuses villes et municipalités à déléguer la gestion et la propriété (à divers degrés selon les contrats) de leurs services d’eau au secteur privé. Or, l’approvisionnement en eau est toujours largement encadré par l’État, même (et peut-être surtout) là où il a été totalement pri vatisé, comme c’est le cas au Royaume Uni. Cet enca drement public ne prend pas uniquement la forme de normes de qualité de l’eau et de réglementation 3e colloque étudiant de l’IHQEDS environnementale, mais également d’une surveillance très stricte de la tarification des usagers, voire du profit des entreprises. Problème de recherche Les principaux débats sur la participation du secteur privé à la gestion des services d’eau concernent la con currence et la réglementation, la mesure de la perfor mance, les coûts, et le financement. La littérature à se sujet est très polarisée et souvent influencée directe ment par des groupes d’intérêts (dont les syndicats et les entreprises du secteur). Or, aucune analyse empi rique ne permet d’identifier un modèle (public, privé ou mixte) qui serait économiquement plus efficace en toute circonstance (Aït Ouyahia, 2006 ; Griffin, 2006). Concurrence et réglementation La plupart des auteurs s’entendent pour dire que les services d’eau, comme d’autres infrastructures de réseaux, sont un monopole naturel. Quelques auteurs considèrent cependant différents moyens pour instau rer une concurrence dans le secteur. Selon une étude de la Banque mondiale, les efforts de réglementation visent à contrôler les monopoles privés de services d’eau afin qu’ils n’abusent pas de leur pouvoir, alors que la concurrence permet de réduire le pouvoir des monopoles et donc les besoins de réglementation (Webb et Ehrhardt, 1998). répondre est une décision plutôt politique qu’écono mique ou opérationnelle (Aït Ouyahia, 2006). En ce sens, le passage de la gestion publique à la gestion privée peut constituer une manière pour les gouver nements de se déresponsabiliser face à une prise de décision difficile mais inévitable : réinvestir dans les infrastructures, le traitement et l’épuration, et charger un prix qui reflète davantage les coûts réels, notam ment environnementaux. En Europe, ce principe de récupération des coûts est nommé « l’eau paie l’eau ». Dans ce contexte, le financement est l’un des enjeux principaux du secteur de l’eau. La participation des entreprises privées, qui amènent leur expertise, est souvent perçue comme un moyen de solutionner le manque de fonds publics et d’améliorer l’efficacité de gestion. Certains croient cependant que le secteur privé ne met pas réellement d’argent sur la table, et que le capital qui servira à rénover et entretenir les infrastructures sera de toute manière public, provenant des taxes ou des tarifs payés par les citoyens (Paquerot, 2004). L’évaluation des coûts doit tenir compte d’élé ments tels que les coûts de réglementation, les coûts liés aux risques inhérents à la nature essentielle des services d’eau, les coûts de financement plus élevés pour le secteur privé, la marge bénéficiaire et l’effica cité de gestion. Coûts et financement S’il est possible d’identifier le prix payé pour les services d’eau par les utilisateurs, il est très difficile d’en connaître le coût réel ; il y a souvent confusion entre le prix payé par le consommateur (taxes ou tarification au volume) et le coût réel pour la société. La gestion publique municipale, par rapport à la régie, rend encore plus difficile l’évaluation du coût des services d’eau puisque leur gestion est intégrée à celle d’autres services municipaux. Problématique spécifique de recherche Il est difficile de démontrer que la gestion publique ou privée est en soi plus efficace pour les services d’eau. De nombreux exemples illustrent des échecs et des succès, dans un cas comme dans l’autre. Or, plusieurs villes ayant délégué leurs services d’eau ont par le fait même mis en place un cadre de contrôle, de suivi, de mesure de la performance, de définition des rôles et de planification des investissements qui était absent lorsque les services d’eau relevaient directement de la municipalité. Dans ces cas, ce ne sont donc pas des caractéristiques intrinsèques au secteur privé qui contribuent à une meilleure gestion mais plutôt le processus de réorganisation des services que le passage au privé oblige pour des raisons politiques et de sécurité publique. Dans le cadre de cette recherche, nous souhaitons analyser le processus de mise en place d’outils permettant à une ville d’encadrer ses services d’eau, dans un contexte de diversité d’acteurs publics et privés. Nous nous demanderons donc comment la dynamique des relations entre acteurs publics et privés influence la gestion des services d’eau urbains. Presque partout dans le monde, on constate qu’il y a un manque chronique d’investissements dans les infrastructures, et ce quel que soit le modèle de ges tion (privé, public, ou mixte). Les décideurs doivent faire face aujourd’hui à une augmentation des investis sements et des coûts d’entretien. La manière d’y Cadre conceptuel L’encadrement public est à la fois une composante importante de la relation entre secteurs public privé et un élément essentiel de la gestion des services. Les concepts au centre de notre analyse sont donc la partici pation du secteur privé (PSP) et l’encadrement public dans Or, maintenir la concurrence dans le secteur de l’eau nécessite une réglementation importante et agile (Aït Ouyahia, 2006 ; Webb et Ehrhardt, 1998). Nous sommes donc en présence d’une situation où la réglementation est de toute façon nécessaire, soit pour compenser les effets négatifs du monopole ou pour l’atténuer en favo risant la concurrence. Le Pacific Institute souligne qu’il est possible d’instaurer des mécanismes de concur rence non marchande au sein de la gestion publique, par exemple lorsqu’une société d’État paie des « dividendes » à un gouvernement (Wolff, 2004). 3e colloque étudiant de l’IHQEDS la gestion des services d’eau urbains. Nous verrons ici en quoi ils consistent et ce qu’en disent les principaux auteurs. Participation du secteur privé Il existe trois grands modèles de gestion des services d’eau : la gestion publique, la concession et la gestion privée. Alors que la gestion totalement privée n’existe pratiquement qu’au Royaume Uni, le modèle français de gestion déléguée a été diffusé à travers le monde par l’entremise des grandes sociétés françaises du secteur. La gestion publique est cependant le modèle le plus courant dans le secteur de l’eau, qui relève presque partout des autorités municipales. Or, les entreprises privées participent à la gestion des services d’eau urbains de différentes manières, tant dans le capital que dans les opérations. Les principaux éléments qui peuvent être sous responsabilité publique ou privée sont la construction, l’exploitation et la propriété. Les questions de partage des responsabilités entre les secteurs privé et public ne datent pas d’hier. Par exemple, au cours du xixe siècle, le service d’eau mon tréalais a connu deux transformations majeures. La première est la municipalisation de la Compagnie des propriétaires des Eaux de Montréal en 1843-1845, par laquelle la ville est légalement devenue le dépositaire de service. Il s’agit d’un changement de régime de propriété, de privée à publique. La seconde transformation a lieu un peu plus tard, au cours des années 1850, et consiste en un changement du régime de prestation. D’abord fondé sur des principes marchands, la prestation des services répond à partir de cette époque à des préoccupations d’universalité d’accès à l’eau. La première taxe d’eau, proportionnelle à la taxe foncière, apparaît avec la construction du nouvel aqueduc dans les années 1850 (Fougères, 2004). Depuis, la gestion des services d’eau à Montréal est publique. Il existe toutefois une expérience et des pratiques de collaboration entre la ville et les entre prises privées qui assurent dans les faits plusieurs opérations, des chantiers de construction à la gestion des processus d’appel d’offres. N’étant pas mutuel lement exclusifs, les secteurs privé et public sont donc simultanément présents à toutes les époques de l’histoire des infrastructures et des services urbains (Fougères, 2004). Aujourd’hui, même lorsqu’il est fourni par une entre prise privée, l’approvisionnement en eau est considéré comme un service public essentiel. Nous parlerons dès lors de la « participation du secteur privé » à la prestation d’un service public. Au Canada, on parle souvent de partenariat public-privé (PPP). Nous avons choisi le terme de PSP car il nous semble plus englobant ; les entreprises privées participent aux services d’eau par de simples contrats pour une municipalité, sans qu’il n’y ait nécessairement de partenariat ou de délégation. Les formes de PSP considérées et la terminologie utilisée varient considérablement selon les auteurs. Voyons quelques exemples. Privatisation : Wolff et Hallstein (2005) considèrent les PPP et la PSP comme des formes de privatisation, alors que l’OCDE évite ce terme, parlant plutôt d’une forme de PSP caractérisée par un « dessaisissement intégral, qui suppose le transfert des avoirs et des compétences pour les gérer » (2003 : 90). Plus généralement, la privatisation est vue comme une forme extrême et peu répandue de PSP (Bakker, 2002 ; Boyer, Patry et Tremblay, 2001a). Restructuration : Selon Wolff et Hallstein, une restruc turation est la transformation d’une organisation pu blique ou privée selon l’un des mécanismes suivants : privatisation, consolidation, régionalisation, contrat d’opération ou de gestion, ou municipalisation (2005 : 11). Bakker voit la restructuration comme le choix d’un modèle d’affaires, qui consiste en une description fonctionnelle du partage des risques et responsabilités et de la structure organisationnelle et de propriété. La mise en œuvre d’un nouveau modèle d’affaires implique une révision de la gouvernance. La corporatisation, la participation du secteur privé, et la privatisation sont des formes de restructurations (2002 : 14-16). Enfin, Boyer, Patry et Tremblay parlent de manière générale de « restructuration et privatisation » des services d’infrastructures. Ce phénomène irréversible, motivé par les contraintes budgétaires et la compétitivité globale, implique que l’État entrepreneur devienne un État régulateur (2001a : 2-3 ; 44). Encadrement public Quelle que soit la nature et l’ampleur de la PSP, ce sont les gouvernements, et généralement les municipalités, qui ont la responsabilité d’assurer la prestation des services d’eau sur leurs territoires. Selon Wolff et Hallstein, « there is widespread recognition around the world, including top managers at private water companies, that some dimensions of water management (e.g., water quality standards) are inherently public in nature and cannot be relinquished to private companies operating in unregulated markets » (2005 : 15). Les auteurs favorables à la gestion déléguée des services d’eau reconnaissent « l’impossible démission du secteur public » (Boyer, Patry et Tremblay, 2001a : 48), qui doit mettre en place des mécanismes de réglementation et de régie des contrats. De plus, « la nécessité du développement de mécanismes régle mentaires croît avec le degré d’implication du secteur privé » (Boyer, Patry et Tremblay, 2001a : 6). Il est donc généralement admis que le secteur public doit encadrer la prestation des services. Voyons maintenant 3e colloque étudiant de l’IHQEDS ce que les principaux auteurs disent de ces mécanismes d’encadrement. Selon Wolff et Hallstein (2005), les organisations publiques ou privées les plus performantes ont des employés compétents, un soutien public assurant un financement suffisant, de bons systèmes de gestion des actifs, des évaluations et des récompenses de la perfor mance, et des processus transparents qui permettent l’implication des parties prenantes. Griffin (2006) souligne le lien entre les incitatifs à la performance des gestionnaires et l’efficacité économique. Que la gestion soit publique ou privée, il importe donc de voir si de tels incitatifs sont en place. Plus largement, l’encadrement public peut inciter de manière plus ou moins efficace à la performance des entreprises impliquées dans les services d’eau. Heather et Bridgeman (2006) proposent un modèle de gestion de la performance des services. Leur postulat est que les actions courantes doivent permettre de répondre aux besoins futurs. Un élément important est donc l’évaluation de l’évolution des besoins. Ceci doit être mis en parallèle avec l’évaluation de la détérioration des infrastructures. Enfin, les actions devraient être orientées vers l’adaptation de la performance actuelle à la performance requise à l’avenir. Bakker (2003) examine le cadre réglementaire postprivatisation en Angleterre. Elle affirme que celui-ci n’a pas su concilier les intérêts divergents entre la quête de profit et l’amélioration de l’efficacité, ce qui a mené à une révision de la réglementation. Ces nouvelles exigences ont à leur tour entraîné une restructuration des entreprises du secteur, notamment par une diver sification vers des activités non réglementées. La divul gation d’information semble être l’un des aspects des plus difficiles à contrôler pour les pouvoirs publics. De plus, Bakker observe que la détermination par les pouvoirs publics des tarifs aux usagers est devenue un moyen de contrôle des retours sur investissements des entreprises, et non plus un objectif en soi. Ceci incite les entreprises à surévaluer les investissements prévus durant la négociation (effet Averch-Johnson). Dans une situation de gestion déléguée des services d’eau, les autorités publiques peuvent adopter différents modes de gestion pour contrôler la relation entre le principal (le gouvernement) et l’agent : département municipal, régie publique, opérateur sous-traitant, opérateur privé, présence sur le marché par une société d’État, législation, mécanismes institutionnels et réglementaires, centralisation et décentralisation des contrôles, etc. (Boyer, Patry et Tremblay, 2001a : 1216). Le contrat est également un mode de régulation et de contrôle, notamment par les mécanismes d’appel d’offres et de renégociation ainsi que par la nature et 10 la précision de ses clauses (Boyer, Patry et Tremblay, 2001a). La gouvernance contractuelle, contrairement à la gouvernance institutionnelle, est une entente bilaté rale entre parties (Boyer, Patry et Tremblay, 2001b : 8). L’encadrement des services d’eau est lié au concept de gouvernance. Selon Bakker et Cameron, la gouvernance est la relation économique, sociale et politique entre une société et son gouvernement ou entre une organisation et l’autorité qui la gouverne. Les auteurs distinguent deux types de gouvernance. La gouvernance des parties prenantes est le processus et la structure décisionnelle formelle et informelle par lesquels les acteurs font valoir leurs intérêts et par lesquels les décideurs en tiennent compte. La gouvernance corporative est le processus et la structure encadrant la direction et la gestion d’une société afin que les décideurs soient responsables de remplir leurs mandats efficacement et d’en rende compte (2002 : 36-37). Boyer, Patry et Tremblay ont une vision différente de la gouvernance. Selon eux, la gouvernance par le marché politique (contrôle démocratique) est biaisée par le poids démesuré des groupes d’intérêts par rapport à celui des citoyens (2001b : 14-15). Ils perçoivent la gouvernance plutôt comme un « problème » qui consiste à modifier le cadre institutionnel et réglementaire afin que les administrations apprennent à « régir sans s’ingérer » dans la gestion quotidienne (2001a : 20). De cette analyse de la littérature, nous pouvons ressor tir trois grandes catégories de mesures par lesquelles le secteur public encadre les services d’eau urbains. Premièrement, l’organisation interne des services (Wolff et Hallstein, 2005 ; Griffin, 2006 ; Heather et Bridgeman, 2006). Deuxièmement, les mesures législa tives et régulatrices (Boyer, Patry et Tremblay, 2001a et 2001b ; Bakker, 2003). Enfin, la gestion des contrats (Boyer, Patry et Tremblay, 2001a et 2001b). Suites de la recherche Pour les fins de la recherche, nous allons réaliser deux études de cas approfondies de la gestion des services d’eau urbains des villes de Montréal et de Marseille. Pour chacune des villes, nous analyserons l’encadrement des services d’eau urbains, soit l’organisation interne, la gestion des contrats et les mesures législatives et régulatrices. C’est à travers chacune de ces dimensions spécifiques que nous essaierons de mieux comprendre la dynamique des relations entre acteurs publics et privés. Les données seront recueillies surtout par des entrevues semi-dirigées auprès des gestionnaires municipaux et des dirigeants d’entreprise. Note 1. Le président du Conseil mondial de l’eau, Loïc Fauchon, est également PDG du Groupe des eaux de Marseille. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Bibliographie AIT OUYAHIA, Meriem (2006). Le partenariat public-privé pour financer les infrastructures municipales d’eau potable : quels sont les défis, document de discussion, Projet de recherche sur les politiques, Gouvernement du Canada, mai, 51 p., (http://recherchepolitique.gc.ca/doclib/DP_SD_PPP_200605_f.pdf, site consulté le 8 mars 2007). 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La mobilisation des résidants de Franklin oblige une réponse institutionnelle à l’égard de la gestion de l’eau souterraine. Plusieurs acteurs s’illustrent dans le faire valoir de leur contribution. L’exercice juridique témoigne des questions liées au statut juridique de l’eau souterraine et de l’aspect parcellaire du processus décisionnel qui revient aux acteurs locaux. L’exemple de Franklin montre que l’organisation sociale liée à la gestion de l’eau souterraine se partage entre différentes visions quant à la disponibilité et aux possibilités d’utilisation ainsi qu’elle témoigne de liens privilégiés entre les acteurs selon leur position dans la hiérarchie décisionnelle. Introduction La municipalité de Franklin a fait les manchettes au milieu des années 1990. La compagnie Labrador-Danone avait entrepris des explorations hydrogéologiques afin de déterminer le potentiel de l’aquifère. Pendant les essais hydrauliques, des puits situés en dehors de la limite prescrite par les théories hydrogéologiques ont montré d’importants rabattements. Une vive controverse sur l’accessibilité à l’eau a amené une pluralité d’acteurs à faire valoir le rôle que leur organisation peut jouer dans une décision collective. La différence des visions sociales en ce qui a trait à la quantité d’eau souterraine disponible et les possibilités de son utilisation font apparaître les ambiguïtés d’un processus décisionnel lié à l’allocation de l’eau souterraine dans la municipalité de Franklin. L’accès à l’information a été un enjeu d’une grande importance dans cette controverse. Des demandes répétées d’accès à l’information demeurées vaines (Dolbec, 1997) et la rapidité du traitement du dossier menant à l’obtention de l’autorisation de captage ont alimenté le doute chez les résidants quant à l’impartialité des pouvoirs décisionnels (Francoeur, Le Devoir, 1997). L’absence de loi et de réglementation pour encadrer l’exploitation de l’eau souterraine ainsi qu’en assurer la protection ont mobilisé les résidants devant la venue d’une nouvelle utilisation en milieu rural où la population dépend entièrement de l’eau souterraine comme source d’approvisionnement en eau potable. La communication entre le gouvernement, le promoteur et les résidants a donné lieu à une série d’échanges et de négociations tendues qui ont abouti devant la Commission de la protection du territoire agricole pour trancher les différends. Dans l’exemple de Franklin, des liens privilégiés entre certains acteurs a entretenu le doute et a conduit à l’envenimement de la controverse. Nous proposons un regard sociologique de la mise à l’agenda public des questions liées à l’eau souterraine. Dans son modèle constructiviste, Hannigan concep tualise l’environnement non pas en une ressource économique à être exploitée, conservée ou transformée, et non plus comme une série dynamique d’échanges entre des milieux naturels et les êtres humains ; mais plutôt comme un répertoire de définitions et d’acti vités contestataires, dont plusieurs prennent place dans un contexte global (Hannigan, 2004 : 187). Le constructivisme est une méthode d’analyse qui identifie des phases d’évolution d’une controverse technique, de l’émergence d’un problème d’environnement particulier à sa résolution, le cas échéant. Il s’agit de comprendre un processus social au cours duquel les acteurs coopèrent ou s’affrontent dans la définition, le cadrage et la compréhension de problèmes qu’ils jugent d’intérêt général et qui demandent une décision (Guay, 2004). Le Projet déclencheur Une vive polémique à l’endroit des pouvoirs décisionnels et du mode d’attribution de l’eau souterraine prend forme avec ce qui initialement se voulait être un projet de développement économique dans une petite collec tivité rurale. Un groupe de résidants, intéressés et inquiétés par la venue d’une nouvelle utilisation de l’eau souterraine entraîne une mobilisation locale 13 3e colloque étudiant de l’IHQEDS qui s’organise pour bâtir collectivement une idée des problèmes que peut provoquer le captage de l’eau aux fins commerciales de l’embouteillage dans un milieu agricole. Une coalition est formée qui interroge les autorités et les experts sur les conséquences de cette nouvelle activité sur la quantité d’eau qui restera disponible pour les fins agricoles et domestiques. Les résidants se rendent compte des limites du per sonnel et des élus de la municipalité à répondre à leurs questions. Le ministère de l’Environnement se voit donc sollicité par les résidants. Les fonctionnaires n’ont pas toutes les réponses non plus. Des études plus poussées sont nécessaires pour déterminer la viabilité d’un tel projet. Or, il revient au promoteur de démontrer ce fait dans le processus de la demande de l’autorisation de captage. Une étude hydrogéologique est coûteuse et demande du temps. Le dossier administratif est traité rapidement et l’obtention de l’autorisation de captage est toutefois accordée en moins d’un an. La rapidité du traitement de la demande et la difficulté pour les résidants d’obtenir des documents pertinents pour leur permettre une meilleure compréhension occasionnent beaucoup d’appréhension. Les résidants se demandent si les décisions manifestent un souci plus large des impacts tant sur la ressource que sur les besoins actuels et futurs de la collectivité pour son approvisionnement en eau. Les résidants se sont donc tournés vers les médias de façon à attirer l’attention sur leurs inquiétudes au sujet du processus décisionnel d’allocation de l’eau souterraine de leur communauté. Une contre-expertise est déposée par les citoyens et la compagnie a retiré le projet pendant le cour des audiences (CPTAQ, 1997). Le deuxième Projet : un exercice juridique Plusieurs mois après ces échanges, une entreprise locale convaincue qu’un projet d’embouteillage de l’eau souterraine dans la municipalité est une bonne idée fait la promotion d’un autre projet non loin de l’emplacement du premier. Les résidants demeurent mobilisés (Bisson, La Presse, 1999). Toutefois, le dossier est remis entre les mains de la Fédération de l’Union des producteurs agricoles du Québec à qui il est confié de veiller à la disponibilité de l’eau pour les besoins des producteurs agricoles. En 2003, une étude de cartographie des aquifères régionaux du bassin versant de la rivière Châteauguay est conjointement menée par le ministère du Dévelop pement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) et la Commission géologique du Canada – Québec (CGC-Qc) en réponse aux inquiétudes des citoyens quant à la disponibilité et la qualité de l’eau souterraine (Lamontagne, Nastev, 2003-2006). D’entrée de jeu, cette étude obtient une réception mitigée. 14 À plusieurs reprises la validité et l’objectivité des résul tats de l’étude est remises en cause (Dagenais et Nastev, 2005) avec un sous-entendu des bénéfices qu’une telle étude apporte aux promoteurs d’embouteillage d’eau. En 2004, la Commission de Protection du Territoire Agricole du Québec (CPTAQ) a refusé de changer l’usage permis dans la zone convoitée aux alentours du puits en invoquant les incertitudes futures liées à la disponibilité de l’eau souterraine pour l’utilisation agricole (CPTAQ, 2004 : 11). Le promoteur du deuxième projet a porté en appel cette décision devant le Tribunal Administratif du Québec en invoquant que les craintes ne sont pas fondées. Or, pendant les audiences de ce tribunal, l’administration et l’admission de nouvelles preuves à la demande de la magistrature ont entraîné un imbroglio juridique quant aux dispositions de la loi sur la protection du territoire agricole et de la loi sur la justice administrative. Un débat juridique persistant est entrepris et montre avec insistance le vide juridique occasionné par la nouveauté du débat dans la priorité des usages. Par l’intermédiaire des documents déposés au Tribunal administratif du Québec (2005), les résidants et agricul teurs apprennent que des données scientifiques aidant l’hydrogéologue du promoteur à appuyer la validité de son projet en réponse de l’invitation de la magistrature lui ont été transmis par les responsables chargés du projet de cartographie hydrogéologique du bassin versant de la rivière Châteauguay. Les enjeux dans un bassin versant transfrontalier La controverse de l’eau de Franklin est un exemple d’enjeux actuels plus larges sur l’utilisation de l’eau souterraine qui se sont graduellement développées avec la venue et le maintien de projets de captage d’eau souterraine aux fins commerciales de l’embouteillage. Les enjeux liés à ce projet sont complexes. Quelle utilisation a priorité – l’eau pour l’agriculture ou l’eau pour l’embouteillage ? À qui revient la décision – le gouvernement local, régional, provincial, ou fédéral (l’aquifère se partage sur le territoire transfrontalier) ? S’agit-il d’une forme déguisée de privatisation ou d’exportation de l’eau ? Qu’en est-il du statut juridique de l’eau souterraine, de la loi et de la réglementation qui visent son administration ? Est-ce que toute l’ampleur de la décision peut porter sur l’hydrogéologie ? L’exploitation de l’eau souterraine à des fins commer ciales d’embouteillage soulève plusieurs débats sur la place publique et obligent les gouvernements à répondre de leur action et de leur décision. La disponi bilité de l’eau à la survie apparaît à tous les points de vue comme élémentaire. Les recherches sociales sur les enjeux relatifs à l’eau ont montré que la mobilisation des 3e colloque étudiant de l’IHQEDS acteurs est motivée par une recherche d’informations visant à établir une compréhension de l’état de la situation quant aux possibilités de protection et de développement liées à l’eau, tant celle de surface que souterraine. De manière générale, partout l’eau, notamment là où elle est rare, engendre des conflits sociaux sur ses usages dont la résolution est souvent très difficile (Lasserre, 2004). Des processus délibératifs sont parfois envisagés pour calmer le jeu et encourager les acteurs à trouver des solutions acceptables à tous ou du moins au plus grand nombre. La médiation environnementale est un autre mécanisme qui a été pratiqué pour éviter que les conflits perdurent et s’enveniment. L’exemple de Franklin nous a permis d’observer que les décisions liées à l’allocation de l’eau souterraine si elles ne sont pas transparentes risquent de provoquer et de maintenir les oppositions et les contestations. Ce qui retient l’attention d’une façon toute spéciale est que le seul aspect du processus décisionnel qui revient aux acteurs municipaux – réunion de résidants, d’agriculteurs et d’entrepreneurs élus et mandatés à la gestion des affaires municipales – porte sur la capacité légale de décider si oui ou non un lot déterminé au sein de la municipalité peut changer d’usage, c’est-à-dire de passer d’une utilisation agricole à une utilisation commerciale pour le captage d’eau souterraine aux fins commerciales. Cet aspect parcellaire prive les résidants, élus ou non, d’informations techniques et juridiques valables pour maîtriser la compréhension des enjeux liés à la venue d’une nouvelle utilisation de l’eau souterraine sur leur territoire ainsi que les impacts conséquents sur les usages actuels et futurs, puisque la compréhension de l’ensemble relève d’une multitude d’acteurs, desquels il est excessivement difficile et compliqué d’obtenir réponse. La sociologie de l’environnement : une analyse constructiviste Nous avons utilisé le modèle constructiviste développé par Hannigan et Guay pour mener notre analyse de la controverse et du conflit de l’utilisation de l’eau souterraine dans l’exemple de Franklin. Ce modèle appartient à la sociologie de l’environnement. D’abord élaboré pour comprendre les controverses autour des problèmes sociaux (pauvreté, criminalité, alcoolisme, etc.), il a été appliqué, avec succès, aux problèmes d’envi ronnement (Hannigan, 1995 ; Guay, 2004). Le modèle constructiviste, centré sur l’émergence des problèmes, a été complété par le modèle de Kingdon (1984) sur la mise à l’agenda politique, où l’on observe une volonté, ou une tentative, de saisir le problème de manière institutionnelle afin de proposer et de négocier des solutions. Le suivi des institutions et des acteurs pertinents est un principe central d’une approche constructiviste (Guay, 2004 : 188). L’évolution décisionnelle fait appel à une pluralité d’acteurs en matière d’environnement où chacun cherche à faire valoir le rôle que leur organisation peut jouer dans une décision collective (Guay, 2004). L’espace discursif dans lequel s’insère la recherche d’une solution passe par une coordination de ce qui relève du domaine de la connaissance et de ce qui revient à la défense des intérêts matériels et institutionnels (Guay, 2004). C’est ici que se dessine clairement sur l’échiquier décisionnel la position de chacun des acteurs (Dagenais, 2007). Hannigan (1995) avance que les recherches futures portant sur la sociologie constructiviste des problèmes liés à l’environnement seraient porteuses de bénéfices si elles mettaient en évidence les relations de pouvoir d’une façon plus explicite. En cherchant à comprendre la controverse sociotechnique occasionnée par la venue potentielle d’une nouvelle utilisation de l’eau souterraine au sein de la municipalité de Franklin et en observant la logique de l’action collective et de son influence sur le déroulement de la controverse ; nous avons soumis trois hypothèses qui soutiennent que le rôleclé de l’information et de la connaissance est ce qui a précisément contribué à la controverse – avec le projet déclencheur et à son envenimement – avec le deuxième projet. Nous avons ainsi pu constater que l’information chemine en fonction de la position des acteurs dans une hiérarchie décisionnelle, et que les acteurs scientifique et économique se voient avantagés par leur position et leur accès à des ressources (financière, connaissances, etc.). Conclusion Au Québec, comme ailleurs probablement, les questions entourant l’eau souterraine, sa disponibilité et ses utilisations sont fortement liées aux aspects légaux émergents d’une diversité d’aspects allant des facteurs économiques, techniques et sociaux. Les motivations et les intérêts parfois divergents se rencontrent sur la place publique et témoigne d’une valse consultative entre les acteurs sociaux interpellés par les problèmes d’environnement. Les discussions et les négociations qui en émergent cherchent à comprendre le développement des revendications environnementales, responsables des changements de mentalité, causes parfois de l’ajustement des politiques et des modifications législatives. La controverse de l’eau de Franklin perdure depuis plus de dix ans avec la venue de projets de captage d’eau souterraine aux fins commerciales d’embouteillage. Ces projets ont successivement suscité enthousiasme et désenchantement pour ensuite mener vers une contestation de l’administration de l’eau souterraine. L’exemple de Franklin montre que l’organisation 15 3e colloque étudiant de l’IHQEDS sociale liée à la gestion de l’eau souterraine se partage entre différentes visions quant à la disponibilité de l’eau souterraine et les possibilités d’utilisation ainsi qu’elle témoigne de liens privilégiés entre les acteurs selon leur position dans la hiérarchie décisionnelle. Les incertitudes liées aux aspects techniques et législatifs imposent une gestion commune, collective et locale visant le partage et la conciliation des utilisations entre tous les acteurs. Remerciements L’auteure tient à remercier Louis Guay pour la diligence de sa supervision lors du cheminement académique ainsi que pour les précieux conseils tout au long de la rédaction du mémoire de maîtrise. La réalisation de ce projet d’étude de deuxième cycle a été appuyée par une bourse d’étude de l’Institut Hydro-Québec en Environnement, Développement et Société pour laquelle l’auteure souhaite exprimée sa reconnaissance. Bibliographie Adirondack Aquifer Project Steering Committee (2004) Summary of the 4th Meeting 7 p. Francoeur, Louis-Gilles, « Les citoyens de Franklin accusent le MEF de partialité », Le Devoir, samedi 5 juillet 1997, p. A2. BISSON, Bruno, « Le scandale de l’eau ressoud à Franklin. Un promoteur pompe la nappe phréatique, personne ne songe à aviser les résidants », La Presse, 9 avril 1999, p. A-11. 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Des nombreux lacs souffrent d’une dégradation hâtive (eutrophisation). Des restrictions de consommation de poisson et/ou de baignade ont été attribuées à plus de 1 000 plans d’eau au Canada. Basé sur des recherches antérieures et des études faites à l’échelle de bassin versants, ce projet vise à démontrer que l’utilisation combinée de la coagulation (en dosage faibles de coagulant) et du recouvrement actif (avec matériaux naturels) peut servir de méthode curative afin d’arrêter la migration des polluants contenus dans les sédiments et neutraliser ceux dans la colonne d’eau des lacs eutrophes. Deux sites ont été retenus pour la démonstration de la technique combinée : le lac SaintAugustin, fortement contamine (localisé dans la Ville de Saint-Augustin-de-Desmaures en zone urbaine) et la baie Missisquoi au lac Champlain (localisé en Montérégie en zone agricole). Ces deux lacs souffrent d’eutrophisation. Le lac Saint-Augustin présente des sédiments très contaminés qui emmagasinent l’excès de nutriments et reçoit des décharges d’eaux de ruis sellement routier avec des concentrations élevées de sels de déglaçage. Ces contaminants ont un impact direct sur la reproduction des algues et des cyanobactéries. La Baie Missisquoi est l’objet d’une entente internationale entre le Québec et l’état du Vermont (USA) pour le contrôle du phosphore et sa réhabilitation. La technique proposée vise : 1. L’assainissement de la colonne d’eau ; 2. L’isolement des sédiments pollués ; 3. L’atténuation des contaminants transportés par les eaux souterraines. Cette solution innovatrice vise à récupérer les écosys tèmes et les usages de l’eau (esthétiques et récréatifs) ; la méthode est curative et s’applique là où les mesures préventives s’avèrent insuffisantes, elle est développée en utilisant une approche pluridisciplinaire et transdisciplinaire. La conception technique de la méthode sera développée par des chercheurs provenant de divers horizons scienti fiques tels le génie civil et l’hydrogéologie, mais aussi par des biologistes et des toxicologues. La méthode avant d’être appliquée sur le terrain sera évaluée pour sa compatibilité biologique. Les chercheurs ont l’appui des conseils de bassins ver sants, des ministères provincial et fédéral de l’environ nement, des villes et aussi d’un centre de recherche américain, permettant ainsi un consensus sur le dévelop pement d’une solution adaptée aux exigences du milieu. Ce projet permettra de développer des connaissances et une technologie en favorisant son transfert direct vers les utilisateurs dans une perspective de développement durable. Ce présent projet est basé sur différentes recherches antérieures. Cet article qui est axé sur plusieurs élé ments, regroupe des résultats préliminaires. Introduction L’eutrophisation se défini comme la manifestation, en terme de métabolisme général (production et respi ration) d’un écosystème, des apports exogènes de nutri ments qu’il reçoit. Ces manifestations peuvent revêtir des formes extrêmement diverses selon les secteurs concernés du réseau hydrographique. C’est dans les grands cours d’eau (ordre 5 et au-delà), souvent canalisés, que peut se développer le phyto plancton algal, qui, dans ces secteurs, domine complète ment la production primaire. Ces manifestations diverses résultent toutes d’un déséquilibre quantitatif ou qualitatif de l’approvision nement du système en azote, phosphore ou silice. La compréhension de ces phénomènes nécessite donc un outil capable de représenter les apports, les transferts 17 3e colloque étudiant de l’IHQEDS et les processus de transformation de nutriments à l’échelle du bassin versant, ainsi que la dynamique des processus de production primaire et d’hétérotrophie qui en résultent (voir figure ci-dessous). Figure 1. Cycle de l’Eutrophisation Site d’étude La baie Missisquoi est une large échancrure de la rive nord du lac Champlain, nappe d’eau que se partagent le Québec et l’État du Vermont. Cette baie, dont l’ouverture est de 5 km, est rattachée à la municipalité de Venise-en-Québec (voir figure ci-dessous). Depuis son apparition au xviiie siècle, ce toponyme d’origine amérindienne a connu différentes graphies en raison de la présence à la fois des Abénaquis, des Français et des Loyalistes dans la région. Un des plus anciens documents connus qui font mention du toponyme est celui de la concession faite le 6 avril 1733 à Paul-Louis Dazemard de Lusignan à la « Baie de Missiskouy ». Le nom était probablement connu des Français auparavant. Par ailleurs, une correspondance datée du 24 mars 1744 entre Louis XV et Gilles Hocquart, intendant de la Nouvelle-France, mentionne le nom de Baie de Michiscouy. Un autre document officiel en langue anglaise de 1783 utilise Missisqui Bay. Joseph Bouchette orthographie ce nom Missisqui Bay, en 1815, et écrit Mifsiqui Bay sur une carte de 1831. Figure 2. Bassin versant Baie Missisquoi 18 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Objectifs de l’étude La technique proposée vise (voir figure 3) : Figure 3. Solution proposée • L’assainissement de la colonne d’eau ; • L’isolement des sédiments pollués ; • L’atténuation des contaminants transportés par les eaux souterraines. Perspectives : • Solution innovatrice vise à récupérer les écosystèmes et les usages de l’eau (esthétiques et récréatifs) ; • Curative et s’applique là où les mesures préventives s’avèrent insuffisantes ; • Développée en utilisant une approche pluridisci plinaire et transdisciplinaire. • L’amélioration de la qualité de l’eau par la réduction des contaminants à la source et en priorité, le phosphore ; • La protection des écosystèmes aquatiques et de la santé publique en protégeant l’eau potable, les activités aquatiques et les différents usages de l’eau des entreprises commerciales et agricoles ; • Les ressources en eau et les écosystèmes associés devraient ressembler à long terme ; • Sécuriser les usages d’eau potable et les activités aquatiques, de protéger la santé publique et la santé des écosystèmes aquatiques ; • D’assurer une bonne qualité de vie aux citoyens (résidents, commerçants, agriculteurs, villégiateurs, touristes). Concentration du cadmium dans les sédiments du lac St-Augustin 19 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Accord sur le Programme de surveillance continue de l’eutrophisation (Numéro de référence : 2005-4)1 1. Cet accord actualise et remplace l’accord OSPAR précédent concernant un programme de surveil lance continue des nutriments (numéro de référence : 1995-5), adopté en 1995. 2. Le Programme de surveillance continue de l’eutrophisation OSPAR fait partie intégrante de la Stratégie d’eutrophisation OSPAR. Il apporte la base qui permet aux Parties contractantes d’éva luer et de classer l’état d’eutrophisation de leurs eaux maritimes dans le cadre de la « Procédure exhaustive » de la procédure commune pour l’iden tification de l’état d’eutrophisation de la zone maritime OSPAR (« Procédure commune », numéro de référence : 2005-3). 3. Un programme de surveillance continue satisfaisant doit avoir des objectifs clairs et doit être conforme aux principes directeurs de la Stratégie OSPAR pour un programme conjoint d’évaluation et de sur veillance continue (JAMP) (numéro de référence : 2003-22, telle qu’amendée). 4. Étant donné que les procédures de surveillance continue et d’évaluation associées à un programme de surveillance continue de l’eutrophisation appli queront différents niveaux de priorité (par exemple zones à problèmes, zones à problèmes potentiels et zones sans problèmes en ce qui concerne l’eutrophisation) aux sous-régions de la zone maritime OSPAR et seront axées sur différentes caractéristiques (corps aquatiques stratifiés/non stratifiés, littoraux rocheux/non rocheux, etc.), il convient d’incorporer une certaine souplesse dans la conception du programme de surveillance continue. 5. Les besoins minimum d’un programme de surveil lance continue de l’eutrophisation devraient donc être comme suit : a. Zones sans problèmes en ce qui concerne l’eutrophisation Dans les zones ne présentant pas de problèmes d’eutrophisation, le programme de surveil lance continue a pour fonction de déceler les changements intervenus dans l’état d’eutro phisation ou de confirmer que certaines zones sont des zones sans problèmes. Pour ce faire, on se fonde sur des paramètres d’évaluation et leurs niveaux d’évaluation qui se rapportent aux 20 teneurs de fond propres à la zone en question, tels que définis dans la procédure exhaustive. De toute évidence, les efforts de surveillance continue ne font intervenir qu’un nombre limité de paramètres, la fréquence des mesures est également limitée, quoique la couverture spatiale ne devrait pas être négligée. b. Zones à problèmes en ce qui concer ne l’eutrophisation Dans les zones à problèmes en ce qui concerne l’eutrophisation, le programme de surveillance continue sera axé sur les tendances à long terme accusées par les teneurs en nutriments et sur une sélection de paramètres qui sont considérés comme des effets liés à l’eutrophisation ; on tient en compte les tendances à long terme correspondantes affichées par les apports en nutriments. Un nombre plus important de para mètres et une fréquence de prélèvements plus élevés seront pris en considération que dans le cas des zones sans problèmes, afin de répondre aux exigences statistiques. La couverture spatiale doit également être plus précise que pour les zones sans problèmes. La surveillance continue est maintenue jusqu’à ce que la zone en question ait atteint le statut de zones sans problèmes. c. Zones présentant des problèmes potentiels d’eutrophisation Concernant leur statut, qui est inconnu, les zones à problèmes potentiels en matière d’eutro phisation devraient être suivies de la même façon que les zones à problèmes, pendant une période d’essai ne dépassant pas cinq ans. Ainsi, la zone pourra être reclassée soit comme zone à problème ou comme zone sans problèmes d’eutrophisation. 6. Lorsqu’elles appliqueront ces exigences minimum en matière de surveillance continue, les Parties contractantes feront porter leurs efforts sur les effets de l’eutrophisation qui sont suffisamment étroitement liés à l’enrichissement en nutriments pour contribuer à définir l’état d’eutrophisation d’une zone. Les effets d’eutrophisation seront choisis sur la base des paramètres d’évaluation énu mérés au tableau 1 de la procédure commune. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS 7. Si, lorsqu’une zone maritime a été classée en ce qui concerne l’eutrophisation, des sous-régions (basées, par exemple, sur des caractéristiques hydro graphiques) sont identifiées dans une zone classée soit comme zone à problèmes, zone à problèmes potentiels ou zone sans problèmes d’eutrophisation, alors les exigences minimum précisées au § 5 s’appliqueront à chacune des sous-régions. 8. Avant que soit établi l’état d’eutrophisation de la zone maritime selon la procédure commune, la distribution spatiale des stations de surveillance continue sera proportionnelle à la gravité anticipée de l’eutrophisation dans la zone étudiée, ainsi que ses caractéristiques hydrographiques. Par conséquent, chaque Partie contractante déterminera la fréquence maximum, par année, et les lieux optimum, pour ses stations de surveillance continue. Le cas échéant, les efforts nécessaires seront coordonnés entre les Parties contractantes. 9. Les exigences minimum, concernant un programme de surveillance continue de l’eutrophisation, sont précisées aux tableaux 1 et 2. Les Parties con tractantes élargiront le champ d’application et la fréquence de la surveillance continue si elles considèrent que cela convient. 10.Le Programme de surveillance continue de l’eutro phisation fait partie du Programme coordonné OSPAR de surveillance continue de l’environnement (le CEMP – numéro de référence : 2005-5 (dernière mise à jour). Les Parties contractantes notifient les résultats de la surveillance pour les paramètres énumérés aux tableaux 1 et 2 selon le mécanisme du CEMP, convenu et actualisé périodiquement par OSPAR. Actuellement, le CIEM est le centre de données OSPAR pour les données concernant la surveillance continue environnementale marine et, selon les accords conclus à OSPAR, les Parties contractantes sont obligées de communiquer leurs données de surveillance continue au CIEM pour le 1er septembre de l’année suivant l’année de la surveillance continue, en se servant des formulaires convenus ; elles doivent par ailleurs résoudre tout problème de traitement de données avec le centre du CIEM. 11.Les programmes et procédures relatifs à l’évaluation ou la classification par chaque Partie contractante de l’état de l’eutrophisation de zones situées dans ses eaux maritimes figurent dans la Stratégie d’eutrophisation d’OSPAR (numéro de référence : 2003-21) et dans la procédure exhaustive de la procédure commune. Tableau 1. Enrichissement en nutriments1 Zones sans problèmes NH4-N2,4(µmol l–1) NO2-N2,4 (µmol l–1) NO3-N2,4 (µmol l–1) PO4-P3,4 (µmol l–1) SiO4-Si4 (µmol l–1) Salinité Température Fréquence5 Zones à problèmes potentiels Zones à problèmes + + + + + + + + + + + + – + + + + + + + + Environ tous les trois ans Annuellement pendant l’hiver, quand la croissance des algues pendant l’hiver est à son niveau minimum et pendant la surveillance continue des effets directs et indirects + – 1. 2. 3. 4. Nécessité de mesure Mesures éventuelles, laissées à la discrétion de la Partie contractante Tous les paramètres doivent être surveillés en conjonction avec les caractéristiques des écosystèmes propres à la zone. L’azote inorganique dissous hivernal (dissolved inorganic nitrogen (DIN)) est la somme de NH4-N, NO2-N et NO3-N. Phosphates inorganiques dissous hivernales (dissolved inorganic phosphate (DIP)) Surveillance continue du DIN, du DIP et du Si hivernaux en conjonction avec mesures de salinité (voir procédure commune §§ 4.25 et 4.28). 5. La surveillance continue devrait comprendre des échantillons suffisants pour confirmer que la teneur maximale hivernale en nutriments a été déterminée. 21 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Tableau 2. Effets directs et indirects de l’eutrophisation1 Zones sans problèmes Zones à problèmes potentiels + Chlorophylle phytoplanctonnique a (µg l–1) Espèces indicatrices phytoplanctonniques (l–1 ; cellules ; composition des espèces) – – + Composition des espèces (généra et espèces de nuisance/potentiellement toxiques) Macrophytes, y compris macroalgue et angiospermes3 – + biomasse O2 Conteneurs en (mg l–1 ; y compris % O2 saturation) zoo Communautés [zoo] benthiques – + – + Biomasse et composition des espèces (si une série temporelle existe déjà) Fréquence4 – + – 1. 2. 3. 4. 22 Zones à problèmes + + composition des espèces (généra et nuisance et espèces de nuisance/ potentiellement toxiques) + TOC et POC2 + biomasse + composition des espèces, couverture et distribution à profondeur réduite + + biomasse, composition des espèces et espèces indicatrices de l’eutrophisation annuellement pendant la saison de croissance des algues Nécessité de prendre des mesures Possibilité de prendre des mesures, à la discrétion de la Partie contractante Tous les paramètres sont suivis en conjonction avec les caractéristiques des écosystèmes propres à la zone TOC : Totaux Organic Carbon ; POC : Particulate Organic Carbon Dans les zones peu profondes, surtout dans les estuaires et les eaux côtières Avec une fréquence et une couverture géographique adéquates 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Lignes directrices JAMP de la surveillance continue de l’eutrophisation : Nutriments 1. Introduction........................................................................................................................... 24 2. Objectifs.................................................................................................................................. 24 3. Objectifs quantitatifs............................................................................................................ 24 4. Méthodes d’échantillonnage............................................................................................... 24 4.1 Surveillance aux fins des objectifs 1, 2 et 3............................................................ 24 4.2 Surveillance aux fins de l’objectif 4......................................................................... 25 5. Matériel d’échantillonnage................................................................................................. 25 5.1 Matériel........................................................................................................................... 25 5.2 Contamination............................................................................................................... 25 6. Stockage et pré-traitement des échantillons.................................................................. 25 6.1 Stockage.......................................................................................................................... 25 6.2 Pré-traitement............................................................................................................... 26 7. Méthodes d’analyse............................................................................................................... 26 8. Contrôle de qualité des analyses........................................................................................ 26 9. Impératifs de notification.................................................................................................... 26 10. Bibliographie.................................................................................................................. 27 23 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Lignes directrices JAMP de la surveillance continue de l’eutrophisation : Nutriments 1. Introduction Si les autres conditions y sont favorables, l’enrichis sement en nutriments peut donner lieu à une eutrophisation. Les teneurs en nutriments peuvent être exploitées afin de pouvoir juger de l’état trophique des eaux marines, et de déterminer l’origine des problèmes d’eutrophisation. Les présentes lignes directrices ont pour but de définir les impératifs minima de la surveillance dans le cadre du Programme de sur veillance des nutriments2. 2. Objectifs La mesure des teneurs en nutriments dans l’eau de mer a pour but, entre autres : 1. de surveiller la distribution spatiale des teneurs en nutriments dans la zone maritime, teneurs influencées par les apports anthropiques de nutri ments, en tenant compte des impératifs minima du Programme de surveillance des nutriments ; 2. de surveiller les tendances chronologiques des teneurs en nutriments, sur des périodes s’étalant sur plusieurs années (dans les zones choisies pour l’objectif 1), ceci de manière à savoir si les teneurs ont tendance à augmenter ou à diminuer par suite du changement des apports, ceci en tenant compte des impératifs minima du Programme de surveil lance des nutriments ; 3. de recueillir des données pour pouvoir apprécier le degré d’enrichissement en nutriments dans la zone maritime, ceci dans le contexte de l’élaboration et de la mise en œuvre d’une Procédure commune de détermination de l’état d’eutrophisation de la zone maritime ; 4. de faire progresser les travaux visant à comprendre les rapports entre les teneurs en nutriments et/ou les flux d’une part, et d’autre part les paramètres des phénomènes d’eutrophisation stipulés par les impératifs minima de surveillance du Programme de surveillance des nutriments. 3. Objectifs quantitatifs Les objectifs quantitatifs doivent impérativement tenir compte des caractéristiques (par exemple, de la variabilité) des zones maritimes concernées. Le but est que le programme de surveillance des ten dances chronologiques propres à telle ou telle région permette de déceler (p. ex. à 90 %) une évolution des teneurs (p. ex. de 50 %) sur une période choisie à cet effet (p. ex. 10 ans). Pour clarifier la situation et faciliter 24 la définition des objectifs, les Parties contractantes procéderont à une analyse statistique des séries de données en leur possession, ce qui leur permettra de déterminer la représentativité des stations de surveil lance et donc de choisir des stations et des fréquences d’échantillonnage idoines. Le programme de surveillance de la distribution spatiale devrait permettre aux Parties contractantes de déterminer la représentativité de leurs stations de surveillance, ceci sur le plan de la variabilité spatiale des teneurs en nutriments. Il s’agit notamment de définir l’ampleur de la zone surveillée, et d’acquérir une certaine compréhension du caractère aléatoire des stations de surveillance. 4. Méthodes d’échantillonnage La surveillance sera exercée sur les nutriments suivants3 : • ammonium, nitrate, nitrite, azote en particules, azote total ; • orthophosphate, phosphore total, phosphore en particules ; • silicate réactif dissous. Les paramètres connexes suivants sont nécessaires : température, salinité, chlorophylle a. En ce qui concerne les phénomènes d’eutrophisation, les nutriments inorganiques les plus importants sont le phosphate, ainsi que la somme du nitrite et du nitrate. Le silicate et le gaz ammoniaque sont surtout impor tants dans le cas de certains phénomènes et situations. Le phosphore total, l’azote total, ainsi que l’azote et le phosphore en particules sont importants pour les tendances chronologiques, l’analyse des écosystèmes et les bilans des nutriments. 4.1 Surveillance aux fins des objectifs 1, 2 et 3 La surveillance aux fins des objectifs 1, 2 et 3 doit avoir lieu au moment où l’activité algaire est la plus faible, soit en général en hiver. Ce phénomène est dû au fait que les eaux de surface contiennent de moins en moins de nutriments inorganiques pendant le printemps, l’été et l’automne, car il sont absorbés par le phytoplancton. De ce fait même, et pour la zone maritime dans son ensemble, il est impossible de dire pendant quels mois ou à quelles dates les échantillons doivent être prélevés, la période de l’échantillonnage variant en fonction des différences entre les régions et entre les années. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Les nutriments doivent être contrôlés le long des gradients de salinité, ceci de manière à tenir compte du ruissellement des eaux douces de la terre à la mer, cette méthode permettant en outre de renforcer la cohérence. Dans la surveillance des nutriments, il convient de prendre en considération les apports et les caractéristiques océanographiques de chacune des régions. La relation entre la teneur en nutriments et la salinité, telle qu’elle existe dans une zone côtière, permet de se renseigner sur les processus de régulation des teneurs en nutriments et sur les quantités totales de nutriments. Une relation linéaire prouve que le mixage physique est le principal des processus de régulation de la teneur en nutriments, tandis qu’une absence de linéarité est l’indice d’une influence supplémentaire, due à des processus chimiques et/ou biologiques. La présence de plusieurs sources d’eau douce ou d’eau de haute mer est susceptible d’accroître la complexité des courbes de mixage des nutriments/salinité, tandis que la variabilité temporelle des teneurs en nutriments dans les sources peut contribuer à augmenter la dispersion et la variabilité de la relation. Pour la stratégie de surveillance des tendances chrono logiques il convient de recueillir un volume suffisant de données pour s’assurer que les maxima des teneurs hivernales en nutriments sont bien couverts et qu’une courbe de nutriments/salinité puisse être créée, à partir de laquelle une teneur adéquate normalisée en fonction d’une salinité spécifiée puisse être calculée (p. ex. 30). Dans la plupart des cas, ce n’est qu’après que les échan tillons aient été prélevés et en s’aidant de paramètres connexes (p. ex. la chlorophylle a), prouvant que l’activité algaire a atteint son plancher, qu’il est possible de décider si les données sont adaptées à l’étude des tendances chronologiques. 4.2 Surveillance aux fins de l’objectif 4 La surveillance exercée aux fins de l’objectif 4 a pour but de répondre à la question 2.2 du JAMP (autrement dit : « Où les fortes teneurs en nutriments ou les flux d’origine anthropique provoquent-il une accentuation de la fréquence et/ou de la grandeur et/ou de la durée des efflorescences phytoplanctoniques ainsi qu’une évolution de la composition des espèces ? »). Pour l’objectif 4, la méthode d’échantillonnage des nutriments doit être la même que celle appliquée aux paramètres des phénomènes d’eutrophisation, à savoir phytoplancton et benthos. 5. Matériel d’échantillonnage 5.1 Matériel Divers types de bouteilles de prélèvement peuvent être utilisés pour recueillir les échantillons de nutriments. Ces bouteilles sont déployées sur une rosette ou accrochées à un câble hydrologique puis descendues à la profondeur prescrite. Il est toutefois préférable d’utiliser une rosette d’échantillonnage combinée à une sonde multiparamètres pour mesurer la température et la salinité (profilographe « CTD »), cette combinaison autorisant une meilleure maîtrise, les échantillons étant en effet ainsi prélevés à la profondeur voulue. En cas d’utilisation d’un échantillonneur CTD à rosette, l’on prélèvera des sous-échantillons dans les bouteilles et on en mesurera la salinité de manière à s’assurer que le dispositif d’échantillonnage fonctionne convenablement. Dans les estuaires et dans les zones côtières, certains chercheurs ont recueilli des échantillons en pompant de l’eau à l’aide d’un tube en plastique souple passé par dessus le bord du navire. Ce dispositif permet d’obtenir un échantillonnage à structure très fine sur un profil donné. 5.2 Contamination Le matériel d’échantillonnage, le navire lui-même et les activités à bord peuvent être des sources de contamination pendant le prélèvement des échantillons. Les déversements des navires (en particulier d’eau de refroidissement et des eaux résiduaires des toilettes) peuvent être d’importantes sources d’azote, d’ammoniac et de phosphate organiques. Les échantillons doivent être prélevés dans des conditions telles que ces déversements soient évités. Les bouteilles de prélèvement doivent rester bouchées lorsqu’elles ne sont pas utilisées, et, pendant qu’on les manipule, il convient de veiller à ne pas toucher les parois internes, tout contact pouvant conduire à une contamination. 6. Stockage et pré-traitement des échantillons 6.1 Stockage Le dosage des nutriments doit être fait le plus rapide ment possible après que les échantillons aient été prélevés. L’ammoniac doit être dosé immédiatement après l’échantillonnage, tandis que le nitrate, le phosphate et le silicate doivent être dosés dans un délai de quelques jours après l’échantillonnage, les échantillons devant être à l’abri de la lumière et conservés dans un réfrigérateur entre le moment du prélèvement et celui de l’analyse. 25 3e colloque étudiant de l’IHQEDS S’il est impossible de procéder immédiatement aux analyses, il est impératif de préserver les échantillons. Cependant, aucune méthode de préservation n’étant universelle, chacun des laboratoires doit valider luimême sa propre méthode de stockage. 6.2 Pré-traitement On évitera de manipuler inutilement les échantillons, quoiqu’une filtration ou une centrifugation soient néces saires dans les eaux riches en particules (autrement dit, dans les zones côtières, les estuaires, ou au milieu des efflorescences de phytoplancton). Une filtration sur filtres GF-F est adéquate. Si les échantillons sont analysés sans avoir été filtrés, on corrigera les résultats en fonction de la turbidité. 7. Méthodes d’analyse La détermination des nutriments est basée sur des méthodes colorimétriques (cf. Grasshoff et al., 1983 et Kirkwood, 1996). 8. Contrôle de qualité des analyses Le programme de contrôle de qualité devra être tel que les données conviennent aux fins pour lesquelles elles ont été recueillies, autrement dit, qu’elles satisfassent aux seuils de détection et que par leur degré d’exac titude, elles soient compatibles avec les objectifs du programme de surveillance (cf. tableau 1). On trouvera des renseignements techniques précis sur le contrôle de qualité dans Kirkwood (1996) et dans Vijverber et Cofino (1987). Il n’existe à l’heure actuelle aucun matériau de référence certifié pour les nutriments dans l’eau de mer, de telle sorte que les laboratoires devront utiliser le matériau de référence cité en section 7.2.1 du Rapport 1985 du Comité consul tatif CIEM sur la pollution marine. Les renseignements relatifs au contrôle de qualité devront être communiqués dans les conditions indiquées au chapitre 9. 9. Impératifs de notification La notification des données se fera dans les conditions prévues pour les commentaires nationaux, en exploi tant les derniers en date des formulaires de notification CIEM, les méthodes appliquées, les seuils de détection, les valeurs de référence ainsi que tous les autres commentaires ou renseignements utiles à une dernière évaluation des données devant aussi y figurer. Pour que l’on puisse savoir si les données sont recevables, les dates et les résultats des exercices d’interétalonnage auxquels on aura participé seront également indiqués, et l’on donnera des renseignements sommaires tirés de graphiques de contrôle récents, dont les dates correspon dantes, les tailles des échantillons, les moyennes et les écarts types. Notes 1. Remplace l’accord 1995-5. Origine : Compte rendu de l’EUC 2005, EUC 05/13/1, annexe 6. 2. Le Programme de surveillance des nutriments, adopté par OSPAR 1995 (OSPAR 95/15/1, annexe 12). 3. Les nutriments stipulés dans les impératifs minima du pro gramme de surveillance des nutriments sont les suivants : ammonium, nitrite, nitrate, phosphate et silicate. Tableau 1. Impératifs analytiques minima répondant aux impératifs minima de la surveillance Déterminant Limite de détection µmol/l phosphate nitrate + nitrite nitrite gaz ammoniaque silicate 0,02 0,1 0,02 0,1 0,1 Impératifs de précision (score |Z| ≤ 2) Teneurs moyennes Teneurs basses – teneurs élevées ± 25 % (max) ± 12 % (max) ± 25 % (max) ± 12 % (max) ± 25 % (max) ± 12 % (max) ± 25 % (max) ± 12 % (max) ± 25 % (max) ± 12 % (max) Notes relatives au tableau 1. Les teneurs « basses » sont les teneurs qui se situent dans les limites d’un coefficient d’environ 20 fois les seuils de détection correspondants. 2. L’expression « score Z » est bien connue des laboratoires QUASIMEME. Lors d’un test de performance d’un laboratoire, un score |Z| ≤ 2 (soit entre –2 et +2) est considéré comme une exigence minimum pour que l’analyse soit satisfaisante. À titre d’exemple, pour la première phase du programme QUASIMEME (1993), une teneur en nitrate + nitrite de 27,4 µmol/l avait été affectée à un échantillon d’épreuve. Le résultat obtenu par le laboratoire A, soit 30,7 µmol/l, représentait donc 27,4 µmol/l + 12 % (Z = +2), tandis que celui obtenu par le laboratoire B était de 24,1 µmol/l, soit 27,4 µmol/l – 12 % (Z = –2). Les deux résultats ont été considérés comme « acceptables » mais ne s’en situaient pas moins aux limites de la fourchette « acceptable ». Un score |Z| ≤ 1 devrait pouvoir être obtenu. 3. Le tableau 1 indique les niveaux de performance prévus. Dans la pratique toutefois, et à l’heure actuelle, des seuils de détection 2 à 3 fois supérieurs seraient acceptables. 26 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Bibliographie Grasshoff, K., Ehrhardt, M. and Kremling, K., 1983. Methods of Seawater Analysis, Verlag Chemie, Second Edition. ICES, 1986. Report of the ICES Advisory Committee on Marine Pollution, 1985. Cooperative Research Report, No 135, 82 pp. Kirkwood, D.S., 1996. Nutrients : Practical notes on their determination in sea water. ICES Techniques in Marine Environmental Sciences, No 17. Vijverberg, F.A.J.M. and Cofino W.P., 1987. Control procedures : Good laboratory practice and quality assurance. ICES Techniques in Marine Environmental Sciences No 6. 27 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Présence et variabilité d’indicateurs de la qualité microbiologique en réseau de distribution d’eau potable Alex Francisque Étudiant au doctorat en aménagement du territoire et développement régional Université Laval Introduction Fournir de l’eau aux consommateurs en quantités suffisantes et surtout en qualité adéquate ne revient pas seulement à traiter l’eau prélevée d’une source de surface ou souterraine à travers une usine de traitement et ensuite à la distribuer via un réseau de tuyaux. Il convient de faire un suivi de la qualité de l’eau de la source jusqu’au robinet du consommateur, en passant par le système de distribution. L’eau, en effet, après avoir laissé l’usine de traitement, est sujette, dans le réseau de distribution, à divers événements dans le temps et l’espace, pouvant modifier sa qualité. Il peut s’agir, par exemple, d’une recroissance bactérienne ou d’une intrusion dans le système, d’une multiplication de microorganismes à cause du mauvais état des conduites, etc. Donc l’eau subit des variations spatiotemporelles susceptibles de modifier sa qualité dans le réseau de distribution, nécessitant alors un suivi routinier de celle-ci pour s’assurer de prévenir des problèmes de santé publique, dus à la consommation d’une eau de mauvaise qualité. Pour le suivi routinier de la qualité microbiologique de l’eau potable à travers un réseau de distribution, différents indicateurs physico-chimiques (désinfectant résiduel, turbidité, absorbance à 254 nm, etc.) et micro biologiques (coliformes fécaux et totaux, etc.) sont utilisés. Cependant, ces microorganismes, qui sont en général absents dans l’eau à la sortie de l’usine de traitement, sont ainsi d’une utilisation limitée, car leur absence dans l’eau ne signifie pas forcément que celleci est exempte d’autres microbes pathogènes. C’est pourquoi, de plus en plus, les bactéries hétérotrophes anaérobies et aérobies facultatives (BHAA) se révèlent un indicateur microbiologique standard, une bonne sentinelle pour la surveillance de la qualité micro biologique de l’eau en réseau de distribution pour les fournisseurs d’eau potable. Ces bactéries, très répandues, peuvent constituer, en effet, une pré-indication de détérioration de la qualité de l’eau (Sartory, 2004). 28 Les BHAA sont des bactéries, étant hétérotrophes, qui nécessitent des nutriments organiques (carbone organique) pour leur croissance ; elles peuvent se multi plier, entre autres, dans l’eau en réseau de distribution (Edberg, 1997). Leurs comptes en réseau de distribu tion peuvent atteindre des valeurs supérieures à 10 000 UFC/ml (unités de colonies formées/ml) (Allen et al., 2002). À partir de 500 UFC/ml, a été mise en évidence une interférence (sous évaluation des quantités de coliformes) entre la croissance des BHAA et la détection des coliformes sur membrane filtrante à base de cellulose, méthode le plus couramment utilisée pour le compte des BHAA (Geldreich et al., 1972 ; Chevalier, 1985 ; Allen et al., 2002). Cette valeur se révèle ainsi un critère lié à l’altération de la qualité microbienne de l’eau distribuée, d’où son utilisation comme indicateur de la qualité microbienne de l’eau distribué (GSE, 2003). Pour cette raison, historiquement, le seuil maximal recommandé en réseau de distribution par Santé Canada, l’USEPA, etc. est de 500 UCF/ml (Santé Canada, 2004). Un compte atteignant 100 UFC/ml est cependant considéré comme problématique par des pays comme le Japon et certains auteurs. De fortes valeurs de BHAA dans un réseau de distri bution peuvent révéler une inefficacité probable du processus de traitement, spécialement de la désinfection (Allen et al., 2002, Leclerc, 2003, Sartory, 2004), une contamination probable du système de distribution (Sartory, 2004). Plus encore, la variabilité des comptes de BHAA entre des points d’échantillonnage (variation spatiale) et de fortes variations de comptes dans (le temps) pour les mêmes points d’échantillonnage peuvent indiquer une intrusion non spécifique en réseau de distribution (Sartory, 2004), d’où la nécessité de compter régulièrement ces microorganismes dans l’eau potable du réseau de distribution dans différents points d’échantillonnage. Cette opération permet, en effet, d’évaluer les tendances à long terme de la qualité microbiologique générale de l’eau en réseau de distribution (Sartory, 2004), les changements dans 3e colloque étudiant de l’IHQEDS l’eau traitée pendant la distribution et le stockage (Sartory, 2004), la propreté du réseau de distribution (Allen et al., 2002). Elle permet aussi de mesurer la recroissance bactérienne (Allen et al., 2004). Cependant, faire le compte des BHAA de façon régulière dans tous les points d’échantillonnages, comme cela est fait pour des paramètres plus simples comme le chlore libre résiduel, la température, le pH, la turbidité, etc. coûte de l’argent et consomme du temps. Aussi, est-il important de mieux comprendre la présence des BHAA dans les réseaux de distribution, leur variabilité à travers ce réseau et surtout de les prédire. C’est ce que cette étude a cherché à faire en partant de l’hypothèse que les comptes des BHAA sont liés aux paramètres physico-chimiques les plus routiniers mesurés dans l’eau du réseau de distribution pour le suivi de la qualité microbiologique de celle-ci. Ce travail vise donc, entre autres, i) à identifier les facteurs expliquant la distribution spatio-temporelle des BHAA en réseau de distribution ; ii) à développer des modèles permettant de prédire leur présence ; et iii) à identifier des points du réseau nécessitant une attention particulière pour la surveillance de la qualité microbiologique de l’eau. Méthodologie Cas à l’étude Le cas à l’étude est le principal réseau de la Ville de Québec, capitale de la province de Québec, Canada. La ville, en 2002, avait une population de plus de 500 000 habitants (Ville de Québec, 2006). Le climat est constitué de saisons très marquées : en été, la tempé rature peut dépasser les 30 °C, mais peut aussi chuter jusqu’à –25 °C en hiver (Environnement Canada, 2006). La ville prélève l’eau de différentes sources. L’eau subit des traitements, différents selon l’usine de traitement, puis est distribuée à la population à travers 9 réseaux. Le principal réseau, qui est utilisé pour ce travail, est alimenté par la Rivière Saint-Charles et dessert, à travers 4 sous-réseaux (QC1, QC2, QC3 et QC4) près de 240 000 personnes avec un volume annuel de 53 millions de m3. Le volume de pointe par jour est de 205 000 m3 (Villeneuve et al., 2002, Ville de Québec, 2004 ;). Pour la surveillance routinière de la qualité de l’eau, les gestionnaires du service d’eau potable suivent environ 50 points d’échantillonnage quotidiennement, deux (2) fois par semaine ou hebdomadairement suivant la localisation. Pour cette étude, la base de données de suivi des années 2003 à 2005 (environ 3600 mesures des BHAA et d’autres paramètres de qualité : chlore libre résiduel, température, absorbance, pH, turbidité, etc.) a été utilisée. Données utilisées Les données qui sont mises à contribution sont : • la température de l’eau (degré Celsius) mesurée le plus souvent sur le lieu d’échantillonnage ; • le chlore libre résiduel (mg/l qui est un agent chimique utilisé pour la désinfection et subsistant un certain temps après son application. Il tue la plupart des micro-organismes au moment du traitement à l’usine, la partie résiduelle est destinée à empêcher leur « remultiplication » dans le réseau de distribution. • • Figure 1. Localisation de la ville de Québec • • – minimum à la sortie de l’usine de traitement : 0,3 mg/l ; – maximum dans le réseau (3 mg/l) ; le pH qui est une mesure du degré d’acidité ou d’alcalinité de l’eau. C’est le logarithme de la concen tration ou mieux de l’activité des ions H+ ou H3O+. Les seuils recommandés sont 6,5 (minimum) et (8,5) maximum ; la turbidité qui informe sur les particules en suspen sion dans l’eau. Elle est exprimée en unité de turbidité néphélémétrique (UTN). Plus une eau est turbide, moins le chlore réalise sa fonction de désinfection. 1 UTN est le maximum recommandé dans l’eau traitée ; l’absorbance UV à 254 nm (cm–1) qui décrit la capa cité de l’eau à absorber un rayonnement à cette longueur d’onde. La mesure (unité d’absorbance/ cm a été convertie en unité d’absorbance/m dans l’étude). C’est l’absorption d’énergie par l’eau par unité de profondeur ; les couleurs vraie et apparente : celle mesurée dans de l’eau contenant des matières en suspension est la « couleur apparente ». La « couleur vraie » correspond à la mesure effectuée sur des échantillons 29 3e colloque étudiant de l’IHQEDS d’eau débarrassés des particules en suspension. En général, la couleur vraie d’un échantillon d’eau est sensiblement moins intense que celle dite apparente (Santé canada, 2006). • les BHAA qui ont été présentés ci-dessus ; • etc. Mise en forme des données Pour la mise en forme de ces données brutes qui sont sous-utilisées, plusieurs opérations ont été faites pour rendre utilisable la base de données. L’échantillon pour lequel il n’y pas de compte de BHAA ou de mesure de chlore libre résiduel est enlevé de la base de données. Quand pour un échantillon, il manque des données, la moyenne des valeurs pour le mois correspondant est retenue, s’il s’agit de la température, le mode dans le cas du pH et la turbidité et l’absorbance. Les données ont été groupées en fonction de divers critères dont les normes à respecter ou des recommandations de certains organismes intervenant dans le domaine de l’eau potable (USEPA, Santé Canada, etc.) et de la forme de leur distribution. Une variable « saison » a été introduite dans la base de données pour chaque échantillon retenu. Analyse descriptive Pour chaque paramètre, la forme de la distribution a été analysée, tout comme les paramètres de statistiques descriptives. La corrélation entre les paramètres a été analysée aussi. Puis, la distribution des comptes de BHAA en fonction de chaque paramètre a été inves tiguée, de même que celle en fonction de deux (2) paramètres simultanément. Application de méthodes de régression Pour modéliser les comptes de BHAA en fonction des paramètres physico-chimiques de qualité de l’eau, plusieurs méthodes de régression ont été utilisées, comme la régression logistique, la régression négative binomiale, etc. Régression logistique La régression logistique binaire a été utilisée pour modéliser la variable dépendante (présence/absence de BHAA, ou dépassement d’un seuil donné ou non), en fonction des variables indépendantes. – Description sommaire du modèle logistique Soit un événement Y (Y =1 (présence de BHAA) ou 0 (absence de BHAA)) qui obéit à une loi de Bernoulli, et une variable indépendante X ; la probabilité nous permet de passer de 0 ou 1 à [0 1]. P(X) = p(Y =1|X) probabilité pour que Y =1 étant donné X. 30 Ensuite, nous pouvons passer de la probabilité à la cote d’un événement qui est le rapport de la probabilité que l’événement se produise à la probabilité qu’il ne se produise pas, soit : Cote de X = p(X)/1-p(X) qui varie sur R+ Le Logit p(X) = log [p(X)/1-p(X)] permet d’obtenir une fonction continue sur R de la forme ß0+ßX, soit : Log [p(X)/1-p(X)]= ß0+ßX (1) On peut tracer la distribution de p(X) en fonction du logit p(X) qui suit une distribution logistique. En prenant l’inverse de la fonction logarithmique, soit la fonction exponentielle, on obtient : p(X)/1-p(X)=e(ß0+ßX) (2) ; et finalement : p(X) = 1/[1+e(-ß0-ßX)] (3) Figure 2. Distribution de p(X) selon logit p(X) Les coefficients ß0, ß sont estimés par la méthode de maximum de vraisemblance. On peut généraliser pour plusieurs variables indépendantes quelle que soit leur échelle de mesure. Soit : 1 Prob. (Y=1/X) = (4) 1+e-ßo.e-ß1X1.e-ß2X2.….e-ßnXn Régression négative binomiale ou Poisson-Gamma Étant donné qu’il s’agit de faire le compte d’un événe ment (relativement rare en plus), les régressions de Poisson sont des méthodes qui sont aussi recom mandées pour ce genre de situation. Néanmoins, la forte surdispersion obtenue (due à une forte proportion de comptes observés valant zéro, dépassant celle pouvant être produit par le modèle standard de Poisson) implique d’utiliser un facteur de correction, d’où l’utilisation de la régression Poisson-Gamma. Considérant que Y = (Y1,…,Yn) représente n valeurs aléatoires correspondant aux n échantillons sous analyse, où Yi est le nombre de BHAA pour les échan tillons i (i =1,…,n) pour une période d’observation t. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Soit y = (Y1,…, Yn), représentant les valeurs observées du vecteur Y, où yi est le nombre de bactéries rapporté pour la période de temps t pour l’échantillon i. Nous assumons que les comptes de bactéries pour les n échantillons sont indépendants et que le nombre de bactéries pour l’échantillon i, Yi, suit une distribution de Poisson avec une moyenne par unité de temps de, tel que : Yi|µi ~ Poisson(µi) , for i = 1,…, n et , µi > 0, (5), où µi est spécifié comme une fonction exponentielle des attributs spécifiques des échantillons (e.g. Miaou and Lord, 2003), µi = f (xi ;ß), (6) où ß = (ß0,…,ßk) est un vecteur des paramètres de la régression à estimer à partir des données. De plus, xi est un vecteur de variables indépendantes représentant les caractéristiques spécifiques des échantillons d’eau. Dans le modèle de régression de Poisson, la variance et la moyenne des comptes de BHAA doivent être égales : E[Yi|µi]=Var[Yi|µi]= µi (7) n (ß) = ∑[yi log(µi) – µi – ln yi!]. i=l Le modèle NB n’est pas contraint par l’égalité de la moyenne avec la variance en introduisant un facteur aléatoire qui multiplie µi, ce qui revient à assumer que le nombre moyen de BHAA (µi) est distribué aléatoi rement (Cameron and Trivedi, 1998). De ce fait, i est ainsi défini : (8) Comme défini ci-dessus, µi = f (xi ; ß) et le but est de choisir la valeur de ß qui maximise la fonction étant donné les données. Des méthodes de maximisation numérique, comme Newton-Raphson, sont habituel lement appliquées pour maximiser la fonction. L’esti mation de ß peut se faire en utilisant certains logiciels dont LIMPED, STATA, SAS et R (Cameron and Trivedi, 1998 ; Myers et al., 2002). STATA a été utilisé dans le cadre de cette étude. – Correction de la surdispersion du modèle de Poisson Pour répondre au problème de surdispersion (ou l’inverse) ci-dessus évoqué, l’introduction de variations aléatoires dans la moyenne du modèle de Poisson a été considérée par l’intégration d’un terme d’erreur multiplicatif. Ce qui a conduit à des modèles mixtes comme Poisson-Gamma, Poisson-Lognormal et Poisson-Gauss inverse. Le modèle Poisson-Gamma ou Negative binomiale (NB) a été utilisé car il est appliqué dans de nombreux champs et surtout, l’estimation des paramètres est plus facile en termes de calculs, et de nombreux logiciels statistiques sont disponibles pour i = µiei (9) Le terme ei représente l’effet multiplicatif aléatoire du modèle. Le modèle NB peut donc être représenté ainsi : (i) Yi|i ~ Poisson (i) ~ Poisson (µiei) (ii) e i ~ Gamma (,) (10) où Gamma (.) dénote une fonction de densité de pro babilité de paramètres >0 et >0. Cette distribution assure que i>0 dès que ei>0. En outre, en spécifiant = σ, nous obtenons le modèle NB classique (Lawless, 1987). Dans ce cas, Pour estimer les coefficients de régression ß, comme pour la régression logistique, la méthode du maximum de vraisemblance est utilisée. En admettant que les observations sont indépendantes, il est possible d’écrire la fonction de vraisemblance : sa calibration. Il permet aussi de faire plus facilement une analyse a posteriori. ei| ~ Gamma (,). (11) ei suit ici une distribution Gamma avec E[ei] = 1 et Var[ei] = 1/. Le terme ei est usuellement défini comme le « paramètre de dispersion inverse » du modèle Poisson-Gamma. On trouve aussi la notation = 1/ (>0) qui est définie comme le paramètre de dispersion ou de « surdispersion ». Après intégration de l’erreur aléatoire, = ei, la distribution marginale est obtenue par intégration sur , tel que : m(yi|µi,) = ∫f(yi|µi,i) π (i)di (12) où π(.) représente la densité de probabilité de la distribution Gamma. Le point intéressant de ce modèle est que la distribution marginale de Yi apparait comme étant la densité de la distribution NB, laquelle peut s’écrire ainsi : (yi + ) µi m(yi|µi,) = , (13), yi!() + µi + µi ( )( ) où (•) est la fonction Gamma. En considérant = 1/, on obtient : ( )( ) –1 a (yi + a–1) 1 m(yi|µi,a) = yi!T(a–1) 1 + a µi µi , (14), a–1 + µi Dans notre modèle, est un paramètre fixe. En outre, les moyenne et variance du modèle de régression NB sont : E(yi|µi,a) = µi et Var(yi|µi,a) = µi + aµi2 (15) 31 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Remarquer que quand a tend vers zéro, ce modèle con verge vers celui de la régression standard de Poisson (E(yi|.) = Var(yi|.). de BHAA est la plus grande. Étant donné qu’en hiver, en autres, les réactions se font moins rapidement, la moyenne des comptes est la plus faible (3 UFC/ml). Finalement, en admettant un prélèvement indépendant, la fonction de vraisemblance du modèle NG est donnée par : Figure 4. Distribution des BHAA selon la température de l’eau [ n ] (ß,a) = ln ∏m(yi|µi,a . i=l (16) Cette fonction peut-être maximisée numériquement en faisant usage de l’algorithme de Newton-Raphson. Le modèle NB est le plus utilisé pour le compte de données, néanmoins, en considérant le paramètre de surdispersion (a) variable, on aboutit à un modèle généralisé (GNB). Résultats et discussions Analyse descriptive L’analyse descriptive a été réalisée avec le logiciel SPSS 13.0. Elle permet de voir comment varie la moyenne des comptes de BHAA en fonction de cer taines variables indépendantes. La figure 3 montre que la moyenne des comptes de BHAA est très élevée (43 UFC/ml) quand la concentration en chlore libre résiduel en ce point du réseau de distribution est faible (inférieure à la valeur recommandée à la sortie de l’usine de traitement, soit 0,3 mg/l). Les comptes diminuent (environ 4 UFC/ml) quand la concentration de chlore libre résiduel augmente. Elle montre aussi (la portion de la barre située au-dessus de la moyenne représente +1 fois la valeur de l’écart-type) que les comptes de BHAA varient beaucoup. Pour l’absorbance, la figure 5 indique qu’elle a une influence directe sur les comptes de BHAA, c’est-àdire, plus il y a de matière organique dans le réseau, plus les BHAA augmentent. Les moyennes vont de 3 UFC/ml, pour des valeurs d’absorbance ne dépassant pas 0,10cm–1, à 52 UFC/ml quand celle-ci dépasse 0,30 cm–1. Donc, plus un réseau est sale, plus il y a de chances que les BHAA s’y multiplient. Figure 5. Distribution des BHAA selon l’absorption de l’eau Figure 3. Distribution des BHAA selon le chlore libre résiduel Dans le cas de la turbidité, il existe une relation mais elle est moins nuancée que celle des cas ci-dessus abordés. Globalement, la figure 6 montre que les moyennes des comptes de BHAA augmentent avec la turbidité. C’est le cas particulièrement quand celle-ci dépasse la valeur maximale (1 UNT) recommandée dans l’eau potable après traitement. Quand la température de l’eau augmente, (figure 4) la moyenne des comptes des BHAA varie dans le même sens. Elle est très faible (2 UCF/ml) si la température ne dépasse pas 4 °C. Elle est relativement élevée (39 UFC/ml) quand l’eau est à plus de 18 °C. Le même constat est fait en ce qui concerne la saison. En effet, l’été est la saison pour laquelle la moyenne des comptes 32 Dans le cas des quatre (4) sous-réseaux, la figure 7 met en exergue la singularité de QC2. Il a, en effet, une moyenne de compte de BHAA, assez faible com parée aux autres : 4 UFC/ml contre 17 UFC/ml (valeur maximale) pour QC1, 16 UFC/ml pour QC3 et 14 UFC/ml pour QC4. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Figure 6. Distribution des BHAA selon la turbidité de l’eau Figure 8. Distribution des BHAA selon le chlore libre résiduel et la température de l’eau Figure 7. Distribution des BHAA selon le réseau de distribution Figure 9. Distribution des BHAA selon le chlore libre résiduel et l’absorbance de l’eau – Cas de 2 variables prises simultanément La distribution des BHAA en fonction de 2 paramètres pris simultanément a aussi été investiguée. La figure 8 montre la distribution des moyennes des comptes des BHAA en fonction du chlore libre résiduel et de la température. Pour une concentration de chlore libre résiduel plus faible que 0,3 mg/l, les moyennes des comptes des BHAA augmentent avec la température de l’eau : partant d’une valeur quasi nulle (pou une température ne dépassant pas 4 °C) pour atteindre plus de 100 UFC/ml, quand la température est plus grande que 18 °C. Donc, la moyenne des comptes de BHAA demeure faible même si la concentration en désinfectant résiduel est faible (moins de 0,3 mg/l) pourvu que la température est basse (pas plus de 4 °C). En effet, les réactions chimiques, entre autres, la décomposition de la matière organique, et corollairement la croissance des BHAA, se font plus lentement. La situation est pratiquement identique dans le cas où l’on considère les saisons à la place de la température de l’eau. La figure 9 montre que, pour une concentration de chlore libre résiduel inférieure à 0,3 mg/l, la moyenne des comptes de BHAA varie dans le même sens que l’absorbance. Elle est maximale (plus de 60 UFC/ ml) quand celle-ci est supérieure 0,30 cm–1. Quand la concentration en chlore libre résiduel augmente, la même tendance est constatée, mais avec un taux de croissance moindre. Néanmoins, ce taux est négatif quand l’absorbance est plus grande que 0,30 cm–1. Pour ce qui est du type de réseau, Québec 2 (QC2), expérimente des moyennes de comptes de BHAA (plus faibles que pour les 3 autres) qui diminuent avec l’augmentation de concentration du chlore libre résiduel, selon la figure 10. Le réseau QC3 connaît, dans 3 cas sur 4, la plus grande moyenne des comptes de BHAA. En outre, quand le chlore libre résiduel augmente (partant de 0,7 mg/l), les comptes de BHAA, en moyenne, augmentent paradoxalement. Ce réseau nécessite donc un suivi plus approfondi. La représentation cartographique (figure 11) des comptes de BHAA par saison montre qu’en hiver, il n’y a aucun compte maximal de BHAA plus grand que 500 UFC/ml. Près d’un tiers des comptes est nul. En revanche, en été, au moins un compte maximal dépasse 500 ufc/ml, tout comme au printemps et en automne ; de plus, seuls 13 % des comptes maxima sont nuls et, 4 fois sur 5, les comptes varient entre 1 et 100 UFC/ml. 33 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Figure 10. Distribution des BHAA selon le chlore libre résiduel et le type de réseau Application de méthodes de régression Régression logistique Le tableau 1 fait apparaître 3 variables présentant un effet statistiquement significatif sur le compte des BHAA. Le chlore libre résiduel a le plus fort impact (Wald plus élevé), mais négatif (B<0). Donc, plus sa concentration augmente, plus le compte de BHAA chute. Suivent la température (Wald = 26,03) et l’absorbance (Wald= 6,42) qui ont impact positif (B>0) sur les BHAA. Donc, plus la température, respectivement l’absorbance, augmente, plus les BHAA augmentent. Le modèle décrivant le phénomène s’écrit ainsi : Tableau 1. Variables entrées dans le modèle, variables significatives, coefficients, Wald, signification, etc. 34 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Régression Poisson-Gamma Dans le cas de la régression Poisson-Gamma, les mêmes 3 variables sont statistiquement significatives en plus du type de réseau et du pH (tableau 2). Par ordre d’importance, selon la valeur absolue de z, il s’agit : i) du chlore libre résiduel qui a un impact négatif sur les BHAA. Quand la concentration du chlore libre résiduel augmente, le compte attendu de BHAA diminue. ii) du type de réseau qui déloge la température. Le coefficient de cette variable étant négatif, cela veut dire que le nombre de BHAA attendu dans le réseau QC2, sur la période considérée, est plus petit que celui des réseaux QC1 ou QC3 ou QC4 (quand on passe des réseaux QC1 ou QC3 ou QC4 au réseau QC2, les comptes de BHAA chutent) ; iii) de la température qui fait augmenter le compte espéré de BHAA au fur et à mesure qu’elle croit ; iv) de l’absorbance qui, en augmentant (donc plus de matière organique dans le réseau), induit une augmentation du nombre de BHAA attendu ; v) enfin, du pH varie dans le même sens que le nombre attendu de BHAA. S’il croit, celui-ci augmente et inversement. Le facteur traduisant l’effet d’une variable pour une incrémentation d’une unité (ou d’une catégorie par rapport à la catégorie de référence, cas des variables catégorielles) sur le nombre attendu de BHAA, ceteris paribus, est estimé par l’exponentielle du coefficient associé à cette variable. Pour une augmentation d’1 mg/ l de chlore, par exemple, le facteur est estimé par e– 2,132, ceteris paribus. Remarquer que le pH n’est pas statistiquement significatif à moins de 2 % de seuil de signification. La turbidité l’est pour un seuil de signification de 15 %. Le modèle décrivant cette réalité est le suivant : Adéquation du modèle avec les données La figure 12 montre que le modèle élaboré utilisé pour calculer les valeurs de la distribution marginale m de Yi (distribution marginale des BHAA) s’ajuste relativement bien avec leur distribution observée. Les 2 distributions sont très semblables, même s’il y a encore de la place pour l’amélioration du modèle. Tableau 2. Variables entrées dans le modèle, variables significatives, coefficients, z value et 35 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Figure 12.Comparaison entre valeurs observées et estimées par le modèle NG des comptes de BHAA 2500 Frequence 2000 1500 Observed values 1000 Estimated values 500 8 0 6 6 5 5 2 0 4 5 5 8 4 5 4 2 0 8 6 4 2 0 6 4 4 4 4 3 3 3 3 3 8 6 2 2 2 0 8 6 4 2 2 2 1 1 2 0 4 1 1 8 1 6 4 0 2 0 BHAA Figure 12. Comparaison entre valeurs observées et estimées par le modèle NG des comptes de Exemples d’utilisation du modèle logistique Pour illustrer l’utilisation du modèle logistique, le point d’échantillonnage « 02 » sur le réseau QC1, soit QC102, sera utilisé. Il est situé à une extrémité physique (pas forcément d’un point de vue hydrodynamique) du réseau. Un échantillon prélevé en été (13 août 2003) a une absorbance de 21 m–1, une température de 20 °C, une concentration de chlore libre résiduel de 0,2 mg/l. Les probabilités calculées par le modèle classent cet échantillon dans le groupe 1 (p>0,5), c’est-à-dire, qu’il y a présence probable de BHAA dans l’échantillon. Alors, quelle concentration de chlore devrait-on avoir (en utilisant un poste de rechloration proche, par exemple), pour faire baisser la probabilité en dessous de 0,5, autrement dit pour classer ce point d’échantillonnage dans le groupe 0 (absence probable de BHAA) ? Le tableau 3 montre qu’il faut ajouter du chlore jusqu’à une concentration de 1,40 mg/l pour faire chuter la probabilité de présence de BHAA en deçà du seuil de coupe qui est 0,5. La valeur recommandée à la sortie de l’usine (0,3 mg/l) ne garantit pas une absence de BHAA, dans ce cas. Néanmoins, le chlore réagit avec la matière organique du réseau pour former des produits, appelés sous-produits de désinfection qui seraient cancérigènes, à long terme (Villanueva et al., 2006) et responsables de problèmes de faibles poids à la naissance (Nieuwenhuijsen, 2005). Pour diminuer le risque de formation des SPD, il con vient de réduire le plus possible le niveau du chlore libre résiduel et de faire varier une ou plusieurs autres variables en même temps). La seule variable sur laquelle on peut agir est l’absorbance UV. Tableau 3. Utilisation du modèle logistique, variation de la concentration du chlore résiduel 36 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Tableau 4. Utilisation du modèle logistique, variation du chlore résiduel et de l’absorbance Pour le même point d’échantillonnage et dans le même contexte, on fait varier l’absorbance (en nettoyant le réseau) jusqu’à 10 m–1 (par exemple) et la concentration du chlore. Le tableau 4 indique qu’on atteint une pro babilité inférieure à 0,5 quand le chlore libre résiduel atteint à 0,68 mg/l, moins de la moitié de la concen tration nécessaire quand le chlore seul varie. Évaluation comparée des 2 modèles Le tableau 5 résume les forces et les faiblesses des 2 modèles : la régression logistique binaire et la régres sion Poisson-Gamma. Limites, perspectives et conclusion Limites Les principales limites de ce travail sont : i) des données présentant une certaine irrégularité, laquelle a forcé à une mise en forme susceptible de générer une certaine perte de précision ; ii) le manque d’information sur certaines caracté ristiques du réseau a contraint à ne pas prendre en compte des aspects comme le temps de séjour lié à la notion très importante d’extrémité de réseau qui aurait pu permettre d’apprécier et de contrôler l’autocorrélation spatiale, très probable dans le réseau ; iii) etc. Tableau 5. Évaluation comparée des 2 modèles : leurs forces et leurs faiblesses 37 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Perspectives i) Pour améliorer la prédiction ; une relation entre les modèles et les données historiques sera établie ainsi que l’intégration de paramètres temporel et spatial ; ii) 4 campagnes d’échantillonnage d’eau potable dans 300 points du réseau de Québec, une par saison, sont en cours (3 sur 4 achevées) pour la validation des modèles ; iii) une campagne sera réalisée pour déterminer les temps de séjour de l’eau dans le réseau ; iv) etc. Conclusion Ce travail a permis une valorisation d’une bonne quantité de données historiques jusqu’ici sous-utilisées ; il a permis aussi de mieux connaître le réseau principal de la ville, d’avoir une meilleure compréhension du comportement des BHAA en réseau de distribution, de tenir compte de certaines variations saisonnières et spatiales (un peu moins) sur la croissance de ces bactéries et sur la qualité microbiologique de l’eau en général, d’avoir une meilleure compréhension des interrelations entre divers paramètres de qualité de l’eau dans ledit réseau, d’y déterminer certains points particuliers à surveiller. Il devrait ainsi permettre aux gestionnaires des systèmes de distribution d’eau potable de mieux asseoir leurs décisions, sachant qu’il leur permet de mieux anticiper et de fournir des réponses plus appropriées dans le cadre du suivi de la qualité de l’eau en réseau de distribution. Enfin, il devrait servir comme un excellent intrant pour le travail plus large qui concerne l’optimisation du suivi de la qualité de l’eau potable en réseau de distribution. Remerciements Nous remercions spécialement le Directeur de la Division des laboratoires du Service de l’environnement (Ville de Québec), M. François Proulx et tout le personnel pour leur pleine et entière collaboration, ainsi que Dr Luis Miranda pour son appui dans la modélisation, Pablo Montenegro et Christelle Legay. Bibliographie Allen, M.J., Edberg, C.S. et Reasoner, D.J. (2002). Heterotrophic plate count bacteria – what is their significance in drinking water ?, International Journal of Microbiology, 92 (2004), p. 265-274 Bernard, P.-M. Régression logistique, Cours EPM-64312. Département de Médecine Sociale et préventive, Canada. Blanc, M., Cahuzac, E. et Tahar, G. (…). Taille du marché du travail et gestion des flux de main-d’œuvre par les firmes. http://www.inra.fr/Internet/Departements/ESR/UR/lea/seminaires/texte0203/BLA02TAI.doc Cameron, A. et Trivedi, P. (1998). Regression Analysis of Count Data, Cambridge, Cambridge University, Press. Centre d’Expertise en Analyse Environnementale du Québec : http://www.ceaeq.gouv.qc.ca/methodes, http://www. ceaeq.gouv.qc.ca/methodes/bio_toxico_micro.htm#bhaa Dionne, G., Desjardins, D. et Pinquet, J. (1999). L’évaluation des risques d’accidents des transporteurs routiers : des résultats préliminaires. Cahier de recherche 99-02, École des Hautes Études Commerciales (HEC) Montréal. Groupe Scientifique sur l’Eau potable : http://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/198-CartableEau/ColoniesAtypiques. pdf, LeChevalier, M.W. et McFeters, G.A. (1985). Interactions between Heterotrophic Plate Count Bacteria and Coliform Organisms. Applied and Environmental Microbiology, 49, p. 1338-1341. Leclerc,H. (2003). Y a-t-il des infections bactériennes opportunistes transmises par les eaux d’alimentation ? Journal Européen d’hydrology, tome 3, fasc. 1, p. 11-44. Lopez, C (2000). La régression de poisson avec GENMOD. Institut de l’Élevage, Service Biométrie, France. MEDDQ : Règlement sur la qualité de l’eau potable : http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/ telecharge.php?type=2&file=//Q_2/Q2R18_1_1.htm Nieuwenhuijsen, J.M. (2005). Adverse reproductive health effects of exposure to chlorination by products. Global Nest : the Int. J. 7, No.1, p. 1-15. Santé canada. http://www.hc-sc.gc.ca/ewh-semt/pubs/water-eau/doc_sup-appui/colour-couleur/index_f.html#1 Sartory, P. 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INRS-Eau/Terre/Environnement, Québec. 38 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Indicateurs pour évaluer la vulnérabilité à la contamination microbiologique des systèmes d’approvisionnement en eau potable Geneviève COOL1 Étudiante à la maîtrise en aménagement du territoire et développement régional Université Laval Résumé Dans le passé, les gestionnaires d’eau potable concen traient principalement leurs efforts sur l’efficacité du traitement appliqué en usine. Il est maintenant reconnu que la qualité de l’eau potable est aussi influencée par la qualité de l’eau à la source et dans son bassin d’alimentation, l’intégrité du système de distribution et l’efficacité de la gestion. De plus, depuis les années 1960, nous avons observé une intensification de l’agriculture au Québec, ce qui a apporté une dégradation de la qualité des eaux brutes, notamment en milieu rural. Plusieurs scientifiques se questionnent maintenant sur l’exposition de la population aux contaminants retrouvés dans l’eau associés aux pratiques agri coles. Dans ce projet, nous avons développé une méthodologie pour évaluer de façon comparative la vulnérabilité des systèmes d’approvisionnement en eau potable à la contamination microbiologique. La méthodologie consiste à développer et à évaluer un réseau d’indicateurs pour décrire le risque que l’eau potable soit contaminée par des microorganismes. Les indicateurs considèrent l’intégrité du système d’appro visionnement en eau potable de la source au robinet. Ces indicateurs ont été appliqués à une cinquantaine de systèmes d’approvisionnement en eau potable dans la région administrative de Chaudière-Appalaches, au Québec. Les résultats présentent une comparaison de la vulnérabilité à la contamination microbiologique de l’eau potable dans les systèmes étudiés. L’utilité de ces indicateurs pour les décideurs et pour les chercheurs en santé publique sera aussi discutée. Introduction Énoncé du problème C’est connu, depuis les années 1950-1960, il y a une intensification, une spécialisation et une concentration de l’agriculture au Québec, ce qui amène des problèmes de surplus de lisier et de fumier (Chevalier et al., 2004 ; Comité de santé environnementale du Québec (CSEQ), 2000 ; Debailleul, 1998 ; EcoSommet, 1995a ; ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP), 2003). L’augmentation de l’épandage de fumiers a un impact majeur sur la qualité des eaux souterraines et de surface (Debailleul, 1998). Conséquemment, durant les dernières décennies, le Québec connaît une détérioration de la qualité micro biologique de ses sources d’eaux souterraines et de surface (EcoSommet, 1995b ; MDDEP, 2003). De plus, les déjections des animaux de ferme sont mainte nant gérées majoritairement sous forme liquide, ce qui augmente le risque de contamination des eaux comparativement à la gestion des déjections sous forme solide (MDDEP, 2003). Les déjections solides et liquides contiennent une grande concentration de microorganismes qui peuvent s’avérer pathogènes pour les humains (CSEQ, 2000). Au Québec, l’impact réel des contaminants d’origine agricole sur la santé des populations avoisinantes n’est pas encore bien connu. Par contre, plusieurs scienti fiques se questionnent sur le risque de l’exposition de la population aux contaminants microbiologiques et chimiques émis dans l’environnement par les pra tiques agricoles (CSEQ, 2000). Entre 2002 et 2004, Rousseau et al. (2004), en collaboration avec le gouver nement du Québec, ont effectué une vaste étude sur sept bassins versants en surplus de fumier et leurs impacts potentiels sur la santé. Entre autres, cette étude recommande que des études épidémiologiques plus approfondies soient menées dans des régions d’agri culture intensive afin d’évaluer plus précisément le lien entre la consommation d’eau et les risques de maladies entériques. Suite à cette recommandation, une étude épidémiologique sur l’association entre l’incidence de cas de gastro-entérite avec hospitalisation chez les enfants et la qualité de l’eau consommée a été initiée en collaboration avec l’Institut National de Santé Publique du Québec (INSPQ), le Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP), le Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) ainsi que différentes universités. Un des volets de cette étude épidémiologique est d’éva luer la qualité microbiologique de l’eau consommée par les cas témoins. Ce projet de recherche se concentre d’ailleurs sur l’évaluation de la vulnérabilité des sys tèmes d’approvisionnement municipaux à la contami nation microbiologique de l’eau distribuée. 39 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Cadre théorique et conceptuel Par le passé, les gestionnaires des systèmes d’appro visionnement en eau potable consacraient leurs efforts de potabilisation sur le traitement apporté à l’eau brute. Il est maintenant reconnu que la qualité de l’eau potable peut également être influencée par d’autres étapes de la production d’eau potable. Cette nouvelle approche est mieux connue sous le terme « approche multibarrière de la source au robinet » (CCME, 2004). L’approche multibarrière de la source au robinet comprend six barrières, à savoir : la surveillance et la gestion de la qualité de l’eau brute au niveau du bassin versant ou de l’aquifère ; le traitement physico-chimique de l’eau potable ; la désinfection de l’eau potable ; la distribution de l’eau potable ; l’efficacité de la gestion du système d’approvisionnement en eau potable ; et la participation du public (CCME, 2004). Objectifs Les objectifs de ce projet de recherche sont les suivants : (1) Développer une méthodologie qui permettra d’évaluer la vulnérabilité des systèmes d’approvi sionnement en eau potable à la contamination microbiologique. (2) Classifier les systèmes d’approvisionnement en eau potable sous étude selon leur vulnérabilité relative à la contamination microbiologique. Question et hypothèse de recherche La question de recherche est la suivante : quel est le lien entre la vulnérabilité microbiologique des systèmes d’approvisionnement en eau potable et la présence de coliformes fécaux à l’eau potable ? L’hypothèse de recherche est que les systèmes d’appro visionnement les plus vulnérables à la contamination microbiologique présentent plus d’évènements de contamination par les coliformes fécaux. Méthodologie Région et cas à l’étude La région à l’étude est la région administrative de Chaudière-Appalaches, au Québec. La région a été sélectionnée en raison de sa grande importance au niveau des productions agricoles. Les cas à l’étude sont tous les systèmes d’approvision nement en eau potable de la région administrative de Chaudière-Appalaches qui desservent plus de 20 personnes. Les systèmes d’approvisionnement en eau potable sélectionnés pour l’étude sont ceux desservant un ou plusieurs cas ou témoins inclus dans l’étude épidémiologique à laquelle ce projet est rattaché. 40 Développement des indicateurs Cette étape consiste à sélectionner des indicateurs qui permettront d’expliquer le risque que des micro organismes pathogènes se retrouvent dans l’eau distribuée. Ces indicateurs doivent permettre d’insérer toutes les dimensions de la gestion multibarrière (de la source au robinet). Acquisition des données Deux types de données sont utilisés dans le cadre de ce projet de recherche. Le premier type est constitué de l’information déjà existante et compilée à partir de différentes sources pour les besoins de ce projet. Elles sont : le système d’information hydrogéologique (MDDEP), la cartographie de l’utilisation du sol (MAPAQ et Landsat-7), la fiche d’enregistrement des producteurs agricoles (MAPAQ), le système informatique Eau Potable (MDDEP), le recensement de 2001 de Statistiques Canada, un modèle d’élévation de terrain (RNCan) et une carte de pédologie (MDDEP et IRDA). Le deuxième type comprend les données qui sont recueillies sur le terrain à même ce projet. Premièrement, une entrevue a été effectuée avec les gestionnaires de tous les systèmes d’approvisionnement en eau potable à l’étude. Cette entrevue a permis de recueillir des informations sur toutes les étapes de la production d’eau potable. Deuxièmement, chaque source d’eau brute a été visitée afin de prendre des points GPS permettant d’identifier la localisation de la source et de prendre des photos de l’environnement immédiat. Troisièmement, trois campagnes d’échantillonnage à l’eau brute ont été effectuées afin d’avoir un indice de la présence de E. Coli dans les eaux souterraines ou la concentration des coliformes fécaux présumés des eaux de surface, ainsi que la turbidité et la température de l’eau brute. Pour chaque système, il y a eu un échantillon prélevé à la prise d’eau fournissant le plus grand apport en eau brute, et ce, en mai, août et octobre/novembre. Traitement des données Le traitement des données a été réalisé à l’aide de systèmes d’informations géographiques (SIG) et du logiciel d’aide à la décision MACBETH. Les SIG ont permis de délimiter les bassins d’alimentation et les aires de protection, de diviser les bassins d’ali mentation en zones de distances et de calculer la valeur de certains indicateurs à partir des données disponibles. MACBETH permet de calculer, par une moyenne pondérée, le risque d’une contamination microbiologique à l’eau distribuée pour chaque réseau d’approvisionnement en eau potable (valeur du risque microbiologique – VRM). La valeur de pondération des indicateurs a été calculée par une analyse de 3e colloque étudiant de l’IHQEDS comparaison par paires à l’aide des avis de trois experts. MACBETH effectue également une analyse de sensibilité et une analyse de robustesse. Analyse des données L’analyse des données comprend une comparaison de la valeur du risque microbiologique pour chaque système d’approvisionnement en eau potable afin de classifier les systèmes par rapport à ce risque. Vérification de l’hypothèse L’hypothèse est vérifiée à l’aide du système infor matique Eau Potable offerte par le MDDEP. Cette base de données inclut, entre autres, les résultats des analyses de coliformes fécaux à l’eau potable pour tous les systèmes d’approvisionnement en eau potable du Québec soumis au Règlement sur la Qualité de l’Eau potable (MDDEP, 2005). Résultats Sélection des systèmes d’approvisionnement en eau potable Au total, 45 systèmes d’approvisionnement en eau potable sont inclus dans l’étude. Sur ces derniers, 34 sont desservis par une eau souterraine, 10 sont desser vis par une eau de surface et 1 est desservi par une eau mixte (souterraine et de surface). Développement des indicateurs Les indicateurs développés dans le cadre de ce projet sont quelque peu différents pour l’eau de surface et pour l’eau souterraine. Le modèle inclut quatre indicateurs principaux influencés par plusieurs sous indicateurs. 1. Le premier indicateur est la susceptibilité d’une pré sence de microorganismes à l’eau brute. Il est influencé par : a. Les sources de pollution agricoles b. Les sources de pollution non agricoles c. Les mesures de protection de l’eau brute d. La possibilité de transport des contaminants jusqu’à la source e. La conception de la prise d’eau brute et de l’ouvrage de captage f. Le taux de dilution (eau de surface) 2. Le deuxième indicateur est l’efficacité du traitement. L’efficacité du traitement est un calcul effectué selon une méthode décrite dans le guide de con ception des installations de production d’eau potable (MDDEP, 2006). Cette méthode permet de calculer les objectifs de traitement, les crédits d’enlè vement (traitement physico-chimique) et les crédits d’inactivation (désinfection) des Cryptosporidium, des Giardia et des virus. 3. Le troisième indicateur est la distribution et est pesé par le réseau de distribution et les réservoirs d’eau potable. Ces derniers sont tous deux influencés par la possibilité d’une contamination externe par des microorganismes ou la possibilité d’une prolifération microbiologique. 4. Le quatrième indicateur comprend toutes les pratiques de gestion effectuées par les gestionnaires ou les opérateurs du système, par les responsables de la municipalité à laquelle le système d’approvi sionnement est associé et par la population en général. Deux sous indicateurs agissent sur cet indicateur, soit : a) La gestion de la qualité globale (surveillance, tenue d’archives, procédures d’opération en cas d’urgence, fonctionnement global du poste de traitement) b) La sensibilisation et la participation du public dans le processus de production de l’eau potable. Analyse de données Il est à noter que, aux fins de cette présentation, seule ment 15 systèmes d’approvisionnement en eau potable, tous desservis par une eau souterraine, sont considérés. Les autres systèmes d’approvisionnement n’ayant pas toutes leurs données acquises. Pour ces systèmes d’approvisionnement, la valeur du risque microbiologique, qui varie d’une échelle de 1 à 10, se situe entre 2 et 8 (figure 1). De ces quinze sys tèmes, cinq ont une valeur variant entre 2 et 4 (risque faible), cinq ont une valeur variant entre 4 et 6 (risque moyen) et cinq ont une valeur variant entre 6 et 8 (risque élevé). Figure 1. Valeur de risque microbiologique (VRM) Risq u e m icro b io lo g iq u e 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 S y s tè m e s 41 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Vérification de l’hypothèse Pour treize des quinze systèmes d’approvisionnement inclus dans cette étude, les évènements de coliformes fécaux à l’eau potable entre octobre 2001 et septembre 2004 ont été identifiés (figure 2). Pour l’instant, la base de données acquise ne contient aucune information pour les deux autres systèmes d’approvisionnement. Les systèmes d’approvisionnement comprenant au moins un échantillon de coliformes fécaux positif sont considérés comme des systèmes problématiques et les systèmes d’approvisionnement ne comprenant aucun échantillon de coliformes fécaux positif sont considérés comme des systèmes non problématiques (tableau 1). Tableau 1. Systèmes d’approvisionnement problématiques versus non problématiques Condition 1 échantillon de coliformes fécaux positif ou plus 0 échantillon de coliformes fécaux positif Situation Problématique Non problématique Figure 2. Valeur de risque microbiologique et événements de coliformes fécaux 0 10 9 8 7 06 5 4 3 2 1 0 Risque m icrobiologique e t év éne m e nts de coliform e s fécaux 3 0 0 1 1 0 1 0 2 3 3 4 5 0 1 6 7 0 8 9 10 11 12 13 14 15 S y s tè m e s Afin de vérifier l’hypothèse, la moyenne de la valeur du risque microbiologique (VRM) pour les systèmes problématiques et les systèmes non problématique a été calculée afin de comparer les deux. La moyenne des systèmes problématiques est de 5,3 et celle des systèmes non problématiques est de 4,6 (figure 3). Les systèmes problématiques ont donc une valeur de risque microbiologique un peu plus élevée que les systèmes non problématiques mais la différence entre les deux n’est pas significative. 42 Figure 3. Moyenne de la valeur du risque microbiologique pour les systèmes problématiques et non problématiques Moy enne de la V RM pour systèm e s problém atiques e t non problém atiques 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 5,29 n=5 4,62 n=8 écart type = 1,66 écart type = 1,36 P roblém atique Non problém atique Conclusion Sur un total de 15 systèmes d’approvisionnement en eau potable, 5 ont un risque microbiologique faible, 5 on un risque microbiologique moyen et 5 on un risque microbiologique élevé. Nous pouvons donc constater que les systèmes d’approvisionnement en eau potable ont un risque microbiologique variable selon leur performance dans chacune des étapes de l’approche multibarrières. Les systèmes d’approvisionnement problématiques ont un risque microbiologique un peu plus élevé que les systèmes d’approvisionnement non problématiques mais la différence n’est pas significative. Donc, nous pouvons observer un certain lien entre le risque microbiologique et les évènements de coliformes fécaux à l’eau potable mais ce lien n’est pas assez fort pour vérifier notre hypothèse. L’hypothèse de recherche n’est pas vérifiée. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Bibliographie Chevalier, Pierre ; Levallois, Patrick et Pascal Michel, 2004. Infections entériques d’origine hydrique potentiellement associées à la production animale : revue de littérature. Vecteur environnement, 37(2) : 90-106. Comité de santé environnementale du Québec (CSEQ), 2000. Les risques à la santé associés aux activités de produc tion animale : Rapport scientifique du comité de santé environnementale pour le ministère de la santé et des services sociaux du Québec. 38 p. Conseil Canadien des ministres de l’environnement et Comité Fédéral-Provincial-Territorial sur l’eau potable, 2004. From source to tap : Guidance on the Multi-Barrier Approach to Save Drinking Water. CCME, Winnipeg, Manitoba. Debailleul, Guy, 1998. Le processus d’intensification de l’agriculture québécoise et ses impacts environnementaux : une rétrospective à méditer. Vecteur Environnement, 31(2) : 49-54. EcoSommet, 1995a. Profil environnemental du Québec : L’agriculture. Québec. Retiré le 12 septembre 2005 du site Internet : http://ecoroute.uqcn.qc.ca/envir/profil/6_1.htm. EcoSommet, 1995b. Profil environnemental du Québec : Les lacs et les cours d’eau. Québec. Retiré le 12 septembre 2005 du site Internet : http://ecoroute.uqcn.qc.ca/envir/profil/6_1.htm. Ministère du développement durable, de l’environnement et des parcs (MDDEP), 2003. Synthèse des informations environnementales disponibles en matière agricole au Québec. Direction des politiques du secteur agricole, ministère de l’Environnement, Québec, Envirodoq ENV/2003/0025, 143 pages. Ministère du développement durable, de l’environnement et des parcs (MDDEP), 2005. Règlement sur la qualité de l’eau potable. Gouvernement du Québec, Québec. Ministère du développement durable, de l’environnement et des parcs (MDDEP), 2006. Guide de conception des installations de production d’eau potable. Retiré le 12 mars 2007 du site Internet : http://www.mddep.gouv.qc.ca/ eau/potable/guide/documents/volume1.pdf. Gouvernement du Québec, Québec. Rousseau, Normand ; Levallois, Patrick ; Roy Nadine ; Ducrocq, Julie ; Gingras, Suzanne ; Gélinas, Pierre ; et Hélène Tremblay, 2004. Étude sur la qualité de l’eau potable dans sept bassins versant en surplus de fumier et impacts poten tiels sur la santé : Sommaire. Gouvernement du Québec, Québec. 43 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Séance 2 Repenser les transports et les villes 44 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Un système d’indicateurs d’étalement urbain : des enjeux d’utilité et de complexité Pierre Rondier Étudiant au doctorat en aménagement du territoire et développement régional Université Laval Introduction Il existe aujourd’hui un grand nombre d’outils d’information sur le territoire qui présentent à des professionnels, des scientifiques ou des citoyens des indicateurs qui renseignent sur un thème ou une zone d’étude particulière. Appelés atlas, observatoires, tableaux de bords ou système d’indicateurs, ils ont pour objectif d’aider à communiquer une information et de participer à effectuer un diagnostic, soit une activité de compréhension d’une situation, pertinente à une décision d’action pour une réalité étudiée (Hoc, 1994). Or bien souvent, ces systèmes conduisent partiellement à ce diagnostic, ce qui fragilise par la suite la recherche d’un accord sur les actions à entreprendre. On observe en effet souvent des systèmes d’indicateurs qui – Contiennent un nombre important d’indicateurs donnant une information précise mais souvent sectorielle, classée de façon hiérarchique ; – Possèdent peu de relations entre les indicateurs, ce qui n’aide pas à comprendre les enjeux ou les facteurs qui influencent la valeur d’autres indicateurs ; – Sont trop compliqués et ne donnent pas une image éclaircissante sur un phénomène, décourageant par là même les utilisateurs potentiels du système. Problème Il existe peu de méthodes pour réaliser des systèmes d’indicateurs. (OCDE, 2001 ; Noll, 2002). Nous propo sons de concevoir une méthode à partir des deux constats suivants : 1. Il existe un décalage entre la validité scientifique et la pertinence du système d’indicateurs, c’est à dire l’utilisation qui en est faite. La proportion d’espaces verts dans un quartier est un indicateur validé scien tifiquement qui peut servir à mesurer la qualité de vie, même s’il peut ne pas avoir d’utilité pour des résidents de quartier surtout préoccupés par le sentiment de sécurité. La conception du système d’indicateurs doit donc concilier des dimensions scientifiques et pratiques. 2. Il existe un autre décalage entre simplicité et com plexité du système. Si le défi n’est pas de donner des informations simples, l’outil doit être développé selon une méthode qui maintient un niveau de complexité élevé tout en participant à une meilleure compréhension du phénomène étudié. Objectifs Cette recherche souhaite proposer une méthode de conception des systèmes d’indicateurs territoriaux, afin que ceux-ci aident à mieux poser les problèmes en aide à la décision. Appliqué à la problématique de l’étalement urbain, l’outil vise à définir les enjeux reliés aux villes contemporaines en situation d’étalement, davantage que de donner des réponses, des solutions, ou des recommandations pour une meilleure gestion des problèmes liés à l’étalement urbain. Cet objectif sera vérifié en réalisant un prototype d’un système d’indicateurs de l’étalement urbain dans une situation active d’aide à la décision. Définitions Indicateurs Un indicateur est une interprétation empirique de la réalité dans le but d’informer (OCDE, 1997 ; Von Stokar, 2001, Merkle, 2000 ; Desthieux, 2005). La mesure du bruit est un exemple d’indicateur qui pourrait être jugé pertinent dans le but de connaître l’ampleur de la pollution sonore d’une artère urbaine. Cet indicateur a un sens univoque (plus il y a de bruit, plus la pollution sonore augmente), il est comparable dans le temps (quotidiennement, mensuellement, etc.), mais aussi dans l’espace (entre des rues) ou encore selon des normes établies (limite normale acceptable selon le type de rue). Cet indicateur possède une méthode de calcul, avec une unité de mesure, ici la moyenne du nombre de décibels. Si cet indicateur véhicule une information transparente, son utilisation n’est pas neutre. Choisir la moyenne de décibels plutôt que le nombre d’heures par jour où la pollution sonore dépasse la limite acceptable peut conduire à représenter une réalité différente. 45 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Systèmes d’indicateurs Un système d’indicateurs regroupe un ensemble organisé d’indicateurs (Joerin, 2006). Les relations qui existent entre les indicateurs définissent le niveau d’organisation du système. Ce niveau d’organisation est plus complexe que celui de certains outils comme les tableaux de bord ou les atlas interactifs, qui pré sentent des indicateurs souvent hiérarchisés par thème ou encore par zone géographique. Si le système d’indicateurs établit l’existence de relations entre des indicateurs, celles-ci ne sont pas quantifiées comme c’est le cas pour les modèles de simulation. La communauté métropolitaine de Québec, une région étalée La région de Québec constitue le terrain d’application de cet outil. Cette région soulève deux enjeux principaux. Premièrement, Québec connaît une relative stagnation démographique, bien qu’un phénomène de croissance continue se poursuive aux limites du centre urbain. Certes, la municipalité de Québec possède la plus grande croissance en valeur absolue (+14 812 habitants) entre 2001 et 20061. Ramené en valeur relative, le taux de croissance pour la municipalité est de 3,1 %. Cependant, il s’agit d’une des plus faibles taux de croissance, si l’on compare avec des municipalités périphériques de la région de Québec, telles que Stoneham-et-Tewkesbury (+11,4 %), Saint-Ferréol-les-Neiges (+26,4 %) ou encore Saint-Gabriel-de-Valcartier (+25,3 %). Deuxièmement, la forte dépendance à l’automobile des habitants de la région soulève des enjeux en regard aux problématiques d’accessibilité aux activités et aux services. La superficie d’autoroutes par habitant est notamment l’une des plus élevées d’Amérique du nord et le nombre de voitures par individu est jugé impor tant pour une région urbaine (un véhicule pour deux personnes), alors que ce ratio tombe à un pour trois dans la région de Montréal2. L’utilité du système d’indicateurs est peu définie Le but d’utiliser un système d’indicateurs n’est pas nécessairement défini : s’agit-il d’un outil de consul tation, d’aide à la décision, de suivi des actions ? À quelle étape d’un processus décisionnel l’utilisation actuelle s’effectue-t-elle ? Cela amène à réfléchir sur le fonctionnement d’un système d’indicateurs. Le système d’indicateurs se définit par quatre principales fonctions (Saulou, 1982), que sont l’alimentation, la mémorisation, le traitement et la restitution. Le système reçoit des données qu’il entrepose en vue de les traiter. Un va-et-vient s’opère alors entre traitement, mémorisation et alimentation afin d’enrichir le système par des couches de données analysées et interprétées. 46 Ce processus se réalise dans le but de restituer un résultat au moyen d’une information. Le système d’indicateurs aide à former un savoir rationnel limité Les systèmes d’indicateurs se trouvent au cœur du pro cessus décisionnel, que Simon divise en deux étapes principales (Simon, 1965), celle de définition du problème (setting) et celle de résolution (solving). La définition du problème se réalise souvent par la formalisation du décalage entre une situation perçue, vécue et une situation projetée (Le Moigne, 1990 ; Desthieux, 2005). C’est à cette étape que le système d’indicateurs pourrait servir en participant non seulement au bilan, mais aussi à la compréhension d’un phénomène. Une fois le problème défini, il reste alors à choisir des objectifs qui conduiront la suite du processus (Durand, 1979 ; Hoch, 2002), puis à définir des critères pour les mesurer afin de proposer différentes variantes d’actions possibles. C’est parfois à cette étape que des méthodes d’analyses multicritères sont utilisées, telles que la méthode Électre (Roy, 1993) ou encore la méthode MacBeth (Vansnick, 2005) Dans la pratique pourtant, la plupart des systèmes d’indicateurs sont en réalité des outils de suivi de l’action, comme par exemple les indicateurs de suivi pour le monitoring de certains projets d’entreprises. Il appert alors le besoin de prendre en compte en amont des processus décisionnels le savoir cumulatif (DeSanctis, 1987) ou encore les processus décisionnels complexes (Klein, 2004). Les concepteurs du système ne sont pas non plus clairement définis. L’outil n’est pas plus destiné aux professionnels qu’aux scientifiques ou encore aux citoyens. Un outil dédié à prendre des décisions qui touchent les préoccupations de citoyens peut-il seulement être conçu par un savoir exclusivement scientifique ? Cette interrogation s’accorde avec la remise en question de la décision rationnelle (Simon, 1965 ; Forrester 1971 ; Habermas, 1981 ; Forester, 2002). Chaque décideur est influencé par des intérêts, des intentions. Ces décideurs ne possèdent pas tous la même information (ni le même accès à l’information). En outre, un processus décisionnel est souvent limité dans le temps, ce qui conduit les décisions à contenir nécessairement une part d’incertitude. C’est en sens que le système d’indicateurs prend de l’intérêt, par sa capacité non pas à optimiser des informations en vue de prendre la « meilleure décision », mais plutôt de servir d’interface sur lequel les décideurs vont chercher à comprendre les phénomènes en jeu et les points de vue des autres acteurs. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Le système d’indicateurs aide les acteurs à participer aux négociations Le système d’indicateurs constitue un outil qui favorise la négociation et doit donc tenir compte de la variété des points de vue des décideurs. C’est pourquoi cet outil doit être conçu en reconnaissant la validité de savoirs autres que scientifique (Habermas, 1981 ; Després, 2003), comme le savoir esthétique (expériences, goûts, sentiments), le savoir éthique (coutumes, croyances, valeurs) ou encore le savoir instrumental (expériences sur le terrain, savoir pragmatique). Le système d’indicateurs est influencé par les moyens de planification participative en cours de développement (Forester, 2002 ; Innes, 1997 ; Hoch, 2002 ; Flyvbjerg, 2006), et devient en ce sens un outil qui favorise le consensus, une activité où des acteurs avec des profils différents vont construire, bricoler (Innes, 1997) une représentation globale et intersubjective de la réalité. Le système d’indicateurs rassemble un savoir intersubjectif Un système d’indicateurs devrait être le moyen de donner une représentation de l’intersubjectivité entre des individus ou des groupes d’individus. Ceci s’illustre par l’exemple suivant, tiré d’entrevues individuelles semi-dirigées effectuées en 2006 auprès de résidents de la région de Québec, au sujet des questions sur l’aménagement de la ville de Québec. Parmi les répon dants interrogés, trois définissent un même objectif, celui d’améliorer la situation du transport en commun à Québec. Selon une répondante, un système d’autobus plus efficace influence l’utilisation de l’autobus : « Si on avait un système d’autobus beaucoup plus efficace, les gens prendraient davantage l’autobus, moi la première ». L’augmentation de l’attractivité du transport en com mun constitue donc l’enjeu. Selon un autre répondant, le transport en commun doit surtout être le moyen de réduire les inégalités socio-spatiales pour être considéré comme efficace : « Avec une démarche intégrée de développement, on pourrait améliorer les liaisons banlieueville en rendant le secteur de la haute-ville piétonnier par exemple ». L’amélioration du transport en commun passe selon elle par la planification intégrée des liens entre centre et périphérie. Enfin, un troisième répondant doute de la possibilité de maîtriser l’efficacité du transport en commun car celle-ci dépend des cycles de congestion autoroutière : « Si on améliore le transport en commun, ça va réduire la congestion autoroutière, ce qui fait que les gens vont être plus intéressés à utiliser leur auto ! ». Alors que les deux premiers répondants proposent des moyens complémentaires, le troisième se situe davantage au niveau des conséquences. Cela démontre ainsi que s’entendre sur un objectif n’est pas toujours suffisant parce que cela peut masquer des visions systémiques différentes. Le système d’indicateurs est un moyen d’apprendre L’acteur qui participe au développement d’un système d’indicateurs se trouve au cœur d’un processus de construction de la connaissance qui est fondamental car il a en retour une influence sur la structure du schéma conceptuel du système d’indicateurs. Ce processus constructif peut être vu comme une phase d’action intelligente, où l’esprit construit une représentation de la dissonance qu’il perçoit entre ses comportements et ses projets, et cherche à inventer quelques réponses ou plans d’action susceptibles de restaurer une consonance souhaitée (Le Moigne, 1999 : 83). Cela renvoie à la notion de diagnostics en situation dynamique, qui évoluent spontanément durant le déroulement des activités de diagnostic elles-mêmes (Hoc, 1994). La nature de cet apprentissage peut être soit individuelle, soit collective. Dans le cas de ces résultats préliminaires, nous avons concentré le regard sur l’apprentissage individuel, en exposant un point de vue plus ou moins différent de celui du répondant (1) ; s’en suit une confrontation du schéma de l’individu avec l’autre point de vue (2) ; le répondant complexifie alors son schéma de représentation (3). C’est le cas d’une répondante à qui a été exposé un schéma mental de connotations associées au thème de l’automobile. L’aspect financier (i.e. celui des coûts) y ressort majoritairement, en présentant aussi des associations avec des thèmes comme la pollution, les fonctions, mai aussi la mobilité, la liberté, le plaisir. La répondante montre ses réserves sur cette repré sentation qui fait ressortir à l’excès les côtés négatifs de l’automobile. Elle se confie : « Je vais où je veux quand je veux. L’auto pour moi, c’est seulement du positif ». Elle utilise le facteur de coûts en y intégrant la dimension de la contrainte occasionnée par l’utilisation du transport en commun : Ça coûte cher, oui euh…, mais n’importe quoi coûte cher j’veux dire, quelqu’un qui va prendre l’autobus… (Silence) pis il a à subir plein d’inconvénients que moi j’ai pas à subir. Des difficultés d’expression comme l’hésitation, le silence et la rupture relèvent des difficultés pour la participante de présenter un point de vue solide. La prise de conscience des contradictions de son raison nement la conduit alors à raffiner sa conception de posséder une auto, qui correspond à un choix personnel communément partagé : On est égoïste. C’est vraiment notre confort et notre luxe qui comptent. Ainsi le système favorise l’apprentissage des acteurs lors de la conception du système. Il accélère aussi l’émergence de nouveaux points de vue et devient en ce sens un laboratoire de créativité. Enfin il est le préliminaire d’actions ultérieures qui s’appuieront sur la compréhension de représentations de réalités complexes. 47 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Combler le peu de méthodes pour élaborer les systèmes d’indicateurs soulève aussi l’enjeu d’intégrer l’incertain, le complexe et le multiple dans cet outil d’aide à la décision. Figure 1. Boucle de rétroaction (répondant #19) Le système d’indicateurs doit maintenir une représentation complexe de la réalité Un système se compose d’un ensemble d’éléments qui entretiennent des liens entre eux. La structure du système fonctionne afin de répondre à des besoins définis, ainsi le système n’existe que selon des finalités. Enfin le système se trouve entouré d’un environnement, plus large. Ainsi le système a une frontière, plus ou moins ouverte, ce qui permet l’échange avec l’environnement et son évolution dans le temps (Le Moigne, 1977). La notion de système est ainsi difficilement dissociable de la notion de complexité. Si l’on veut considérer les problèmes liés à la croissance des villes par exemple, on doit dépasser les discours dualistes où le chaos constitue tout ce qui n’est pas l’ordre (Morin, 1999 ; Law, 2002 ; Dauphiné, 2003). Le modèle, s’il est vraiment représentatif de la réalité, doit tenir compte des bruits, des erreurs, de ce qui n’est pas significatif, ou encore des éléments de contexte pour pouvoir appréhender la complexité. Il s’agit d’un enjeu de taille pour l’aménagement du territoire où les planificateurs sont souvent confrontés à développer des plans sur des territoires souvent hétérogènes, à partir des points de vue variés et parfois opposés, tout en ayant des ressources et des moyens parfois peu adaptés pour y parvenir (Innes, 1997). Parmi les sept principes de complexité proposés par Morin, celui de rétroaction et de dialogisme présentent un intérêt pour le développement d’un outil de diagnostic comme les systèmes d’indicateurs (Morin, 1999). Le système d’indicateurs comme instrument de modélisation des rétroactions Concevoir des boucles de rétroaction (ou feedback), c’est-àdire des relations où un phénomène peut être la cause et l’effet d’autres phénomènes, offre la possibilité d’enrichir le modèle avec des relations complexes. On parle de rétroaction positive lorsqu’il y a un effet amplificateur sur le système, ces relations pouvant agir et transformer le système. Au contraire, on parle de boucles de rétroaction négative lorsque les relations ont un effet régulateur sur le système (retour à la situation initiale). Dans le schéma ci-dessus proposé par un répondant, on observe plusieurs boucles de rétroaction. Par exemple, plus le niveau de congestion autoroutière est élevé et plus la durée moyenne d’un trajet en voiture est grande. Ceci a pour effet d’augmenter la part de l’effort de l’individu ou du ménage à planifier, voire coordonner ses déplacements et ses activités. En retour, on peut penser que ceci aura pour effet de diminuer la congestion. On parle donc de rétroaction négative. 48 Le système d’indicateurs comme instrument de modélisation des dialogismes La mise en évidence de contradictions implicites ou explicites dans les discours est le moyen de définir des enjeux. Par exemple les représentations de profession nels de l’urbanisme ne sont pas unanimes sur la façon de comprendre les enjeux liés aux questions d’étalement. La définition de Gratz, qualifiant l’étalement urbain comme un développement de faible densité, consommateur d’espace, orienté vers l’utilisation exclusive de l’automobile, qui se déplace de plus en plus loin des limites de la ville et des centres urbains (Gratz, 1999 : 139) illustre un étalement qui doit être vu comme un problème à résoudre. Par opposition, celle de Gammage Jr identifie l’étalement davantage comme un mal nécessaire : La croissance est basée sur la notion que les individus peuvent travailler à une place, vivre dans une autre et s’y rendre en automobile (Gratz, 1999 : 156). L’étalement, c’est tout ce que vous n’aimez pas à propos de la croissance (Gammage Jr, 2001 : 1). Comment alors représenter un phénomène pour lequel les acteurs ne s’entendent pas sur sa portée et les enjeux qui s’y rattachent ? Les questions qui touchent aux processus de revita lisation des zones centrales anciennes (de ville et de banlieue) pourraient notamment constituer un enjeu sous-jacent à ces contradictions. Conclusion Dans cet article, nous avons tenté de définir les orien tations d’une méthode à élaborer pour concevoir des systèmes d’indicateurs. Cet outil est souvent utilisé de façon pragmatique et son utilité n’est pas définie de façon générique. Nous proposons de concevoir le système d’indicateurs comme un outil d’aide au diagnostic qui participe aussi bien à faire un bilan qu’à comprendre un problème lié à une réalité. En élaborant le système d’indicateurs, des individus définissent un savoir rationnel limité. Ce savoir est le fruit d’une construction, d’une colla boration d’acteurs ayant des intérêts variés et qui entrent en négociation pour participer à une meilleure 3e colloque étudiant de l’IHQEDS compréhension de phénomènes. De ces négociations émane un savoir intersubjectif, qui est le moyen d’apprendre et de faire émerger de nouvelles idées. Une question bien posée est à moitié résolue (Crozier, 1977). C’est dans cette perspective qu’une méthode de con ception des systèmes d’indicateurs devra se poursuivre. Un système d’indicateurs est aussi un outil qui aide à représenter une réalité complexe. Il aide à mettre en relation des phénomènes au moyen d’indicateurs en représentant des relations rétroactives et des dialo gismes qui constituent des sources d’enjeux. Notes 1. StatCan, Profil des communautés 2001-2006. Données sur le recensement pour la région métropolitaine de Québec. 2. Champagne A.L. (2006), « Québec, Ville de Chars ». Article paru dans le journal Le Soleil du 6 mars 2006. Bibliographie Ascher, F. (2001). Les nouveaux principes de l’urbanisme : la fin des villes n’est pas à l’ordre du jour. La Tour d’Aigues-France, Éditions de l’Aube. Bana E. Costa, C.A., De Corte, J.M., Vansnick, J.C., (2002), « À propos du logiciel MACBETH for MCDA », Bulletin du Groupe de Travail Européen d’Aide Multicritère à la décision, Série 3, no 6, automne 2002 (14-15). Crozier M. et Friedberg E. (1977), L’acteur et le système. Éditions du Seuil, Paris. DeSanctis, G. et Gallupe, B. (1987), « A Foundation for the Study of Group Decision Systems ». Management Science 33(5). Després, C., N. 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De plus, la notion d’accessibilité varie selon les perceptions, les motivations et les préférences individuelles. C’est pourquoi il est préférable de parler d’ « accessibilités » plutôt que d’une accessibilité. Trois aspects principaux sont donc à considérer lors de son évaluation : la distribution spatiale des lieux d’origine et de destination, les contraintes spatio-temporelles du territoire concerné et le type de population en déplacement. Le premier objectif auquel répond ce projet consiste à développer une procédure de simulation des déplace ments permettant d’évaluer l’accès aux points de service sur le territoire de la CMQ au moyen des transports en commun, dans un système d’information géographique (SIG) et selon une approche désagrégée. Le second objectif vise à mesurer et comparer les patrons d’accessibilités depuis les lieux de résidence vers les agglomérations commerciales de la CMQ. À cet effet, nous combinons les enquêtes origine-destination (2001), les réseaux de transport (2004), ainsi que le système de routage du transport en commun (2004). Nous utilisons également une méthode basée sur la logique floue pour estimer des seuils de satisfaction du temps de déplacement, pour différents types de personne et de destination, afin d’intégrer ces seuils comme reflet des préférences individuelles dans nos mesures d’accessibilités. Ainsi, des analyses comparatives sont maintenant possibles pour différentes périodes d’activité et surtout pour l’ensemble des modes disponibles dans les limites de la CMQ (voiture, autobus, traversier, vélo, marche). Il sera désormais possible d’évaluer globalement les impacts des variations de la demande et/ou de l’offre en transport et d’analyser différents scénarios d’aména gement selon des objectifs économiques, sociaux et environnementaux. 50 Introduction Le 16 juin 2006, le gouvernement du Québec rendait public la première politique québécoise du transport collectif, visant entre autre à augmenter l’achalandage du transport en commun de 8 % d’ici 2012. Pour ce faire, le gouvernement désire accroître l’offre de service à la population de l’ordre de 16 % en multipliant le nombre de parcours et les fréquences de passage. (Ministère des Transports du Québec 2006) D’autre part, selon le ministère des Transports du Québec, le transport était responsable à lui seul de près de 37,5 % des émissions de gaz à effet de serre au Québec en 2003. De plus, en 2004, 510 millions de déplacements y étaient effectués en transport en commun, soit près du tiers du total des déplacements canadiens. Or, de 2003 à 2004, l’achalandage du transport en commun a diminué de 1 % au Québec, alors qu’il augmentait dans les autres provinces. Malgré cette baisse, le Québec se distingue par le plus fort taux d’utilisation du transport en commun au Canada : 95 déplacements par habitant par an en moyenne, comparativement à 80 en Ontario et à 59 en Colombie-Britannique. (Ministère des Transports du Québec 2006) Ces dernières années, le gouvernement a développé des outils administratifs et législatifs afin de répondre à ses obligations régionales et locales en matière d’environ nement. Il est question ici, entre autre, de la Loi sur le développement durable, de la Nouvelle stratégie énergétique et du Plan d’action sur les changements climatiques. Ainsi, le Fonds vert crée dans le cadre de la Loi sur le développement durable prévoit l’injection de 130 millions de dollars annuellement dans l’amélioration de la qualité des services de transport en commun. De plus, le ministère des Transports a évalué à 4,6 milliards de dollars les investissements minimaux nécessaires sur les dix prochaines années pour moderniser les infrastructures et développer les équipements. Ce chiffre comprend le renforcement de l’aide gouvernementale aux immobilisations ou encore la création d’un volet « innovation » au programme d’aide gouvernementale au transport collectif des personnes. (Ministère des Transports du Québec 2006) 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Enfin, le plan stratégique de développement des services 2005-2014, instauré par le Réseau de transport de la Capitale (RTC) et appuyé par la Ville de Québec, confirme cette position : « Renforcer la place du transport collectif en développant l’achalandage de façon à accroître la part modale du transport collectif. » (Réseau de transport de la Capitale 2005) Contexte régional La gestion de l’offre et de la demande en transport implique la compréhension de trois axes de connais sances et de leurs relations : la socio-démographie, l’habitat et la mobilité. Socio-démographie Les besoins et les demandes de la société évoluent selon la restructuration rapide des caractéristiques sociales et économiques de la région (Thériault et al., 2003). Par exemple. Il est question de l’augmentation des ménages d’un seul individu ou encore du vieillissement de la population. Effectivement, le passage des cohortes du baby-boom de la vie active à la retraite aura des réper cussions, entre autre, sur la dispersion géographique et temporelle de l’achalandage du système de transport. Plus précisément, dans la région de Québec, la popu lation des 65 ans et plus passera de 13 % en 2001 à 27 % en 2026. La population de l’agglomération de Québec va également continuer de croître légèrement pour atteindre 770 800 habitants en 2021 (Service de la modélisation des systèmes de transport 2006). Concernant les usagers du RTC, en 2001, 48,8 % d’entre eux étaient aux études, 58,1 % étaient des femmes, et 63 % avaient entre 0 et 34 ans (Service de la modélisation des systèmes de transport 2002). Les changements sociodémographiques à venir modifieront d’une manière importante cette distribution et des moyens concrets doivent être mis en œuvre pour analyser des scénarios permettant d’évaluer les impacts de ces changements relativement à la demande en transport. Habitat Le second aspect concerne la relocalisation des pro cessus urbains selon des tendances généralisées. (Coffey et Shearmur, 2002) Par exemple, les nouveaux types d’agglomération commerciale, l’expansion de la ville en périphérie et la restructuration des quartiers centraux créent des pressions sur les systèmes de transport. Les enquêtes origine-destination, des études sur la mobilité des personnes réalisées tous les cinq ans pour les régions urbaines majeures du Québec (Montréal, Québec, Gatineau-Ottawa, Sherbrooke et Trois-Rivières), permettent de mieux harmoniser les infrastructures avec l’environnement, selon les besoins et désirs de la société. Mobilité L’agglomération de Québec est considérée dans la littérature comme une ville de dimension moyenne possédant un réseau autoroutier surdéveloppé, soit 21,7 km par 100 000 habitants en 1998. (Thériault et al., 1999) Cette caractéristique perdure encore une décennie plus tard et assure un faible taux de congestion sur les routes de la CMQ, comparativement à la région métropolitaine de Montréal. Aussi, les rythmes urbains, c’est-à-dire les activités humaines et leurs relations, ont évolués et se sont complexifiés (Service de la modélisation des systèmes de transport 2006). Il est important de noter que la demande en transport est une demande dite dérivée. (Axhausen et Gärling, 1992) Ainsi, les modifications au niveau des activités et habitudes de la population ont des répercussions sur les coûts directs et indirects liés aux transports, tant au niveau des individus que de la société. Dans cette suite d’idées, le contrôle de ces coûts sociaux, tels que la pollution et la congestion, et individuels, tel que le temps de navette, (Levinson, 1998) font en sorte de restreindre les marges de manœuvre chez les planificateurs des différentes réseaux. Jusqu’à ce jour, les décisions à propos des infrastructures sont principalement réalisées d’un point de vue technique, ou encore basées sur des processus de résolution de problème et de gestion de projet propres à l’ingénierie. Or, une méthodologie complémentaire s’affirme de plus en plus. Cette dernière se base sur une typologie sociale des ménages et met au centre du processus de prise de décision la question : « À quel point la population régionale est-elle bien desservie par le système de transport ? ». Ainsi, la performance du réseau n’est plus exprimée que par sa seule capacité journalière en débit, vitesse, etc. La performance est maintenant également mesurée en terme d’accessibilité, et une attention particulière est portée aux disparités d’accessibilité au niveau géographique et social. (Chang, 2003) Accessibilité L’accessibilité se définit par la facilité spatio-temporelle (distance et durée) avec laquelle les citoyens effectuent des déplacements entre divers lieux d’activité pour vaquer à leurs occupations (Thériault et al., 2005). Lors de ces déplacements, le degré de mobilité des individus varie selon la combinaison des différents couples origine-destination, des modes de transport et des trajets choisis. Deux aspects sont alors importants dans la mesure de l’accessibilité : la distribution spatiale des lieux et l’impédance spatio-temporelle des réseaux de transport impliqués dans les déplacements. 51 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Distribution spatiale Concernant la distribution spatiale, divers facteurs influencent la carte mentale des lieux d’ancrage (résidence, travail, études) et des opportunités poten tielles (commerces, loisirs) considérés par l’individu. Il y a entre autres les modes de transport disponibles (Vandersmissen et al., 2004), les patrons d’utilisation du sol selon les aspects de densité, de périphérie et de centralité (Handy et Niemeier, 1997), l’exclusion spatiale et l’isolement (Kwan et al., 2003), ou le temps de participation minimal à une activité (Kim et Kwan, 2003). De plus, il peut être question en termes géomatiques du prisme dynamique des réseaux (Wu et Miller, 2001) ou encore d’espace de chemins potentiels influencés par les heures d’ouverture (Lenntorp, 1976 ; Kim et Kwan, 2003). Impédance spatio-temporelle L’impédance spatio-temporelle est définie comme une friction créée par les contraintes. Celle-ci réduit la facilité de déplacement sur les différents segments (rues, trajets) et nœuds (intersections, arrêts) des réseaux. Elle est influencée par différents aspects tels que la qualité des infrastructures, la configuration des réseaux (niveau hiérarchique, nombre de voie, congestion, horaire de desserte, etc.), l’environnement urbain (conditions climatiques, design urbain, architecture des constructions immobilières, etc.) ou encore les comportements des utilisateurs (profils sociologiques, distribution des types de véhicules, choix modaux, etc.). L’impédance spatio-temporelle fait varier tant dans l’espace que dans le temps les coûts de déplacement spécifiques aux mouvements individuels : économiques, environnementaux et temporels. Miller soulève, par une question, la problématique que représentent le renouvellement du système de transport et la gestion des acquis : « Comment préserver et rénover les systèmes de transport saturés sans augmenter l’investissement en ressources ? » (Miller, 2006) Cette question, dans un contexte de rationalisation des investissements publics et de pressions liées à une demande toujours croissante, nécessite d’être explorée par de nouvelles méthodes. Une seconde question est soulevée par Miller et résume bien un usage possible de la méthode que nous développons : « Nous est-il possible de réduire les effets environnementaux directs et indirects et ainsi atteindre un système de transport respectant les dictats du développement durable malgré la hausse des attentes de la population et de sa demande en transport ? » (Miller, 2006) Accessibilité basées sur les individus La méthode que nous utilisons permet de mesurer l’accessibilité en se basant sur les individus (people- 52 based). Le concept de la géographie temporelle (time geography), développée par (Hägerstrand, 1970) et implantée par (Lenntorp, 1976), s’avère être sa principale assise. D’ailleurs, une question résume bien ce cadre théorique : « Comment la participation d’un individu à une activité dans un lieu et un moment donné limite sa capacité à participer à d’autres activités situées à des localisations distinctes et à d’autres moments ? » (Miller, 2005) Plus précisément, avec la géographie temporelle il est question des horaires individuels journaliers (Kwan, 1998 ; Makrí et Folkesson, 1999 ; Miller et Wu, 2000), des contraintes spatio-temporelles au niveau des individus (Hägerstrand, 1970 ; Kwan, 1998 ; Makrí et Folkesson, 1999 ; Miller et Wu, 2000), ou encore des temps de participation en un lieu et un moment précis (Miller, 2005). Questions de recherche Modélisation des transports Ce premier aspect du travail comporte deux questions de recherche. La première est de tester et de valider le système de transport en commun modélisé par le Centre de recherche en aménagement et développement (CRAD). Il est question plus précisément de deux réseaux de transport en commun : le Réseau de transport de la Capitale (RTC) et le réseau de la Société de transport de Lévis (STL). La seconde est d’automatiser et de standardiser la modélisation des réseaux de transport en commun et les simulations de déplacements pour la région de Québec (CMQ). Analyse comportementale Ce second aspect est de mesurer l’accessibilité globale en transport en commun aux lieux d’activités : résidence, travail, magasinage, loisirs, etc. La méthode utilisée respecte tant les contraintes spatio-temporelles des réseaux, avec notre modèle calibré, que les seuils d’acceptabilité des préférences individuelles, par l’usage de la logique floue relativement aux coûts de déplacement. Conséquemment, il est désormais possible d’étudier les patrons d’accessibilité tant du point de vue territorial que sociologique, et ce dans une perspective d’aménagement du territoire et de développement régional. (Shen, 2000 ; Vandersmissen et al., 2003) Hypothèses Localisation La première hypothèse est que la localisation des nou velles agglomérations commerciales et leurs effets sur les temps de déplacement pour fins de consommation modifient l’accessibilité aux agglomérations commer ciales à l’avantage de l’auto et au détriment du transport en commun. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Évolution spatio-temporelle La seconde hypothèse est que l’évolution spatiotemporelle rapide (journalière et hebdomadaire) de la structure des patrons d’accessibilité est distincte selon les modes de transport motorisés (automobile et autobus), à l’intérieur de la CMQ. Objectifs Développer une procédure Le premier objectif de notre projet est de développer une procédure basée sur un SIG spécialisé en transport, afin de simuler par une approche désagrégée les déplace ments et d’évaluer l’accessibilité aux services urbains, en utilisant les réseaux de transport public. Cette approche a été documentée par (Chapleau, 1986) et examinée par (Bonnel et al., 1993). Pour ce projet, nous utilisons une base de données totalement désagrégée permettant l’analyse de différents types d’individus et de ménages. Ces données ont été recueillies lors de l’enquête O-D 2001. Enfin, l’approche préconisée utilise des données opérationnelles de 2004 (trajets, arrêts, horaires, fréquences) faiblement structurées : les premières fournies par le système de gestion corporatif du RTC et les secondes saisies manuellement pour ce qui est de la STL. Mesurer et comparer l’accessibilité Le second objectif est de mesurer et de comparer les patrons d’accessibilité des lieux de résidence vers les agglomérations commerciales de la CMQ. Plus précisément, cette simulation combinera l’enquête origine-destination 2001, les réseaux Routier/ Autobus-Traversier/Marche 2004, le système de routage de transport en commun de 2004 bâti dans TransCAD™ et l’étude de 2004 réalisée par le CRAD concernant la localisation des agglomérations commerciales (Thériault et al., 2004). La logique floue permet de calculer les seuils d’acceptabilité des temps de déplacements pour divers groupes socioéconomiques. (Thériault et al., 2005) Ceci à comme objectif de refléter diverses contraintes individuelles telles que : la capacité de déplacement (mobilité), les interrelations de l’individu avec ses pairs (ménage, société) et les obligations spatio-temporelles (autorité socio-économique). (Hägerstrand, 1970 ; Makrí et Folkesson, 1999) Méthodologie Une importante partie des efforts de ce projet porte sur le développement méthodologique. Concrètement, la méthode développée comporte cinq étapes : (1) assemblage et traduction des données opérationnelles, (2) création des réseaux, (3) simulation des déplace ments, (4) évaluation des seuils d’acceptabilité (ou élasticité) et (5) évaluation comparative des accessibilités selon divers modes. À ce jour, deux applications sont fonctionnelles : CRADVoyagesTC, une application de traitements topologiques pour l’assemblage des données opérationnelles, développée avec MapInfo™, et CRADRoutes Private, une application de simulation des déplacements pour les modes automobile, piéton et vélo, développée avec TransCAD™. D’ici quelques semaines, deux autres applications développées sous TransCAD™ seront également fonctionnelles : CRADTNetwork servant à créer des réseaux de transport en commun et leurs systèmes de trajet associés, ainsi que CRADRoutes Transit permettant de simuler des déplacements effectués en autobus et/ou traversier. Par ailleurs, le bon fonctionnement de cette suite d’appli cations sera démontré avec une étude de cas portant sur l’accessibilité des lieux de résidence aux lieux de consommation. Pour ce qui est des destinations de consommation, nous comparerons deux types d’agglo mérations commerciales : les magasins-entrepôts (regroupement de magasins de très grandes surfaces généralement le long des corridors autoroutiers) et les méga centres d’affaires (ex : Galeries de la Capitale). Enfin, nous allons réaliser cette étude pour deux modes de transport : l’automobile et le transport en commun. Conclusion Actuellement, il est possible d’énoncer qu’il y a con sensus entre les décideurs face aux actions nécessaires pour une gestion optimale de nos systèmes de transport. Entre autre, le transfert modal de l’automobile vers le transport en commun vise le désengorgement des voies de circulation, la réduction des émissions polluantes et de gaz à effet de serre, et la réduction des accidents de la circulation. Or, des outils sont nécessaires afin de bien analyser les situations actuellement vécues et perçues par les usagers afin de stimuler ce transfert modal. La méthodologie développée par ce projet s’inscrit entre autre dans les efforts de développement d’outils d’aide à la décision propre aux transports. On peut dire en ce sens que notre méthode permet d’optimiser la création et la réalisation de simulations, ainsi que de gérer adéquatement les données requises en input et produites en output. Ainsi, des analyses comparatives sont maintenant possibles pour différentes périodes d’activité et surtout pour l’ensemble des modes dispo nibles dans les limites de la CMQ (auto, bus, traversier, vélo, marche). On peut conclure qu’il est désormais possible d’évaluer globalement les impacts des variations de la demande et/ou de l’offre en transport et d’analyser différents scénarios d’aménagement selon des objectifs économiques, sociaux et environnementaux. 53 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Bibliographie Axhausen, K.W. et T. Gärling (1992). Activity-based approaches to travel analysis : conceptual frameworks, models, and research problems. Transport Reviews. 12 : 323-341. Bonnel, P., M. Le Nir et J.-P. Nicolas (1993). Les enquêtes déplacements urbaines. Lyon, École Nationale des Travaux Publics de l’État. Chang, S. E. (2003). Transportation planning for disasters : an accessibility approach. Environment and Planning A. 35 : 1051-1072. Chapleau, R. (1986). 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Les véhicules légers (VL) à usage privé c’est-à-dire les automobiles et les camions légers utilisés principale ment pour le transport de passagers sont responsables de près de 50 % des émissions associées aux transports1. De plus, les VL engendrent également d’autres externalités dont notamment des épisodes de smogs en milieu urbain, de la congestion et des accidents sur les routes. La mise en place de politiques publiques efficaces et politiquement acceptables constitue un véritable défi. Le choix d’instruments dépend en partie de la valeur de paramètres économiques de base comme les élasticitésprix et revenu de la demande de carburant. Par exemple, s’il s’avère que cette dernière est peu sensible au prix, la réduction des GES exigerait des niveaux de taxation sur les carburants qui seraient certainement insoutenables d’un point de vue politique. De plus, suivant l’ampleur des élasticités-revenu, les taxes devraient être ajustées pour tenir compte de l’augmentation de la demande engendrée par la croissance de l’économie. Par ailleurs, l’impact de mesures favorisant l’efficacité énergétique des VL pourrait être réduit par un effet rebond. Cet effet résulte de la croissance de l’usage suscitée par la réduction des coûts d’opération associés aux véhicules moins énergivores. Par exemple, en imposant des normes sur les taux de consommation des véhicules ont réduit directement la consommation de carburant mais en même temps on stimule la demande de kilométrage puisque le coût d’usage des véhicules baisse. Cet effet rebond contrecarre en partie l’effet direct et son importance est directement liée à l’élasticité-prix de l’usage des VL. Il existe de très nombreuses études empiriques qui estiment des élasticités-prix et revenu pertinentes par contre très peu utilisent des données canadiennes récentes. L’objectif de notre travail est de combler en partie ce vide. Plus spécifiquement, nous estimons un modèle écono métrique agrégé d’équations simultanées qui vise à comprendre les grands déterminants de l’usage, mesuré par le nombre de kilomètres parcourus, du taux de consommation moyen de la flotte, mesuré en terme de litres de carburant par kilomètre et du stock de VL. La spécification de notre modèle s’inspire en partie d’une récente étude américaine réalisée par Small et Van Dender (2007). Il est estimé à partir de données annuelles agrégées au niveau des provinces canadiennes pour la période 1990 à 2004 provenant de la Base de données nationale sur la consommation d’énergie de Ressources naturelles Canada. Méthodologie L’approche retenue repose sur une factorisation de la consommation de carburant (Q) en un produit du nombre de kilomètres parcourus par les VL (KM) et de leur taux de consommation moyen de carburant (TCM). Nous tenons également compte de l’interdépendance qui peut exister entre le stock de VL (STOCK) et l’usage. Ceci permet d’étudier conjointement l’évolution de ces trois composantes à l’intérieur d’un système d’équations simultanées. À l’instar de Small et Van Dender, nous exprimons cette identité en terme de personne âgée de 16 ans et plus (pop16) c’est-à-dire les individus ayant atteint l’âge légal pour détenir un permis de conduire standard2. Une variable dichotomique (i) est incluse à chaque province afin de capturer toutes les spécificités provinciales qui ne varient pas dans le temps. Celles-ci incluent notamment des différences dans les goûts des consommateurs, la taille de la province et de son réseau routier. Le modèle prend la forme générale suivante : Q KM = * TCM pop16 pop16 (1) 55 3e colloque étudiant de l’IHQEDS ( ) KM KM STOCK it = f it – 1, it,(p_ess*TCM)it,pibcap it, urb it, t, a i (2) pop16 pop16 pop16 ( ) STOCK STOCK FM it = g it – 1, it,(p_ess*TCM)it,pibcap it,p_vehit urbit, t, a i (3) pop16 pop16 pop16 ( TCMit = h TCMit – 1, ) KM it,(p_ess it,pibcap it, urb it, t, a i (4) pop16 avec i un indice représentant les provinces, t un indice pour l’année et où : KM/pop16 : STOCK/pop16 : TCM : p_ess : pibcap : Nombre de kilomètres parcourus par personne en âge de conduire Nombre de VL par personne en âge de conduire Taux de consommation moyen de carburant de la flotte de VL Prix de l’essence à la pompe (indice, 1992=100) Produit intérieur brut (PIB) par capita p_veh : Prix des véhicules neufs urb : Proportion de la population habitant en milieu urbain Tendance dans le temps t : i : Variable dichotomique captant les effets provinciaux Les équations 2 à 4 visent à expliquer respectivement la demande de kilométrage et le nombre de VL par personne en âge de conduire ainsi que le taux de consommation moyen de carburant de la flotte de VL. Pour tenir compte de l’inertie dans les changements de comportement, nous incluons la variable endogène retardée d’une année comme l’une des variables explicatives dans chacune des équations3. D’autres déterminants apparaissent également dans les trois équations. C’est le cas notamment des variables reliées au prix de l’essence et au PIB par capita. On s’attend intuitivement à ce que p_ess influence négativement les composantes de la consommation d’essence puisqu’il agit comme un coût. Dans la mesure où le transport par VL constitue un bien normal, on anticipe que l’usage et la possession vont augmenter avec pibcap. Néanmoins, l’effet du revenu sur TCM demeure ambigu en raison des forces qui s’opposent. D’une part, un revenu plus grand permet de renouveler le parc de VL et ainsi accéder à des technologies plus récentes et efficaces. D’autre part, une augmentation de revenu implique que les acheteurs sont moins affectés financièrement par les coûts plus élevés qu’entraînent le choix et l’utilisation des véhicules énergivores souvent caractérisés par un confort et une performance accrue. sont disponibles par province pour la période 1990 à 20044. Puisqu’il n’existe pas d’enquête continue pour la période 1990-2004 sur la distance parcourue au Canada, cette variable est construite à partir de deux enquêtes couvrant deux sous périodes soit l’ENUVeP (4e trimestre 1994 à 3e trimestre 1996) et l’EVC (à partir du 4e trimestre de 1999). Les distances par classe de véhicules sont cependant ajustées en compa rant la consommation de carburant estimée et celle effectivement vendue. Les données sur le stock sont fondées sur le Recensement des véhicules en service au Canada de DesRosiers Automotive Constltants Inc. et des enquêtes réalisées par Statistique Canada. Les taux de consommation moyens sont évalués en combinant les données sur le stock de véhicules par classe et le Système d’information sur l’économie de carburant des véhicules automobiles de Transports Canada. Notons que ces taux sont évalués en laboratoire et non pas à partir d’enquête de consommation auprès des auto mobilistes. Les variables explicatives sont tirées pour la plupart de CANSIM (Statistique Canada) et de la Base de données nationale sur la consommation d’énergie (Ressources naturelles Canada). Soulignons également la contribution du Conference Board of Canada concer nant les données sur le PIB par province. La Base de données nationale sur la consommation d’énergie produite par Ressources naturelles Canada constitue notre source de données principale. Cette base com prend notamment des données sur la distance parcourue par les l’ensemble des VL, le nombre de véhicules et le taux de consommation moyen de la flotte. Ces variables Résultats L’estimation du modèle est faite dans un contexte d’information limitée. Les équations sont donc estimées séparément plutôt que sous la forme d’un système d’équations simultanées. Les élasticités que nous obte nons sont assez conformes à celles rapportées dans 56 3e colloque étudiant de l’IHQEDS d’autres études. Ainsi, nous estimons qu’une hausse du prix de l’essence de 10 % engendre une réduction de l’usage de 0,8 % à 1,6 % à court terme et de 1,9 % à 2,4 % à long terme. Cette hausse provoque aussi une réduction du taux de consommation moyen des VL de 0,3 % à 0,4 % à court terme et de 0,6 % à 1,2 % à long terme. La croissance du PIB par capita de 10 % provoque qu’en à elle une hausse du nombre de kilomètres parcourus de l’ordre de 1,5 % à 2,6 % à court terme et de 2,9 % à 4 % à long terme. Elle provoque également une augmentation du stock de véhicules entre 2,7 % et 3,5 % à court terme ainsi qu’entre 3,9 % et 4,1 % à long terme. L’effet de p_ess sur le nombre de véhicules n’est malheureusement pas discernable tout comme celui du revenu sur TCM. Notre analyse montre enfin que l’effet rebond au Canada est assez proche des valeurs rapportées dans la littérature : entre 8 % à 16 % à court terme et entre 19 % à 24 % à long terme. Comparativement à nos résultats, Small et Van Dender (2007) obtiennent un effet rebond pour les États-Unis d’une valeur inférieure à court terme (4,7 %) mais dans notre intervalle à long terme (22 %). De part l’équation 1, l’effet d’une variation du prix de l’essence ou du revenu sur la consommation de carbu rant est simplement la somme des élasticités de KM et TCM. D’après nos résultats, une hausse de p_ess de 10 % diminue la demande de carburant de 1,1 % à 2,5 % à court terme et de 2,5 % à 3,6 % à long terme. De façon similaire, un accroissement du revenu agit positivement sur la consommation de carburant dans un intervalle de 1,5 % à 2,6 % à court terme et de 2,9 % à 4 % à long terme5. La courte période de temps couverte par nos données rend difficile l’estimation précise de l’impact des changements démographiques qui sont, par nature, généralement assez lents. Nous avons aussi testé l’impact de variables comme le pourcentage d’enfants dans la population ou de personnes âgées 65 ans et plus. Ces variables ne semblaient pas avoir d’impact statistiquement significatif. Enfin rappelons que notre modèle se base sur des variables exprimées par per sonne en âge de conduire. Cela signifie donc que la croissance de la population devrait également pousser à la hausse la consommation de carburant. Implications pour les politiques publiques Nos résultats ont plusieurs implications pour les politiques publiques. En autre, en ce qui concerne le choix d’instruments afin de réduire les émissions de GES, il est clair qu’il faudrait accroître de manière assez importante les prix de l’essence pour avoir un impact significatif sur les émissions. Il faudrait par exemple hausser les prix de l’essence de plus de 30 % pour réduire à long terme la quantité demandée de carburant de 10 %. De plus, cet effet serait assez rapidement con trecarré par la croissance des revenus. Sur un autre plan, les politiques favorisant l’amélioration du taux de consommation moyen des VL auraient un impact qui serait réduit par l’effet rebond. En d’autres termes, pour un effet rebond de 20 %, une baisse de 10 % du TCM diminuerait la consommation de carburant non pas de 10 % mais bien de 8 %. Il s’agit d’un effet non négligeable. Notes 1. RNCan inclut dans les VL : les voitures et les camions légers (incluant les camionnettes, fourgonnettes et véhicules utilitaires sport) dont le poids nominal brut ne dépassent pas 3 855 kilogrammes. Le poids nominal brut d’un véhicule équivaut à son poids à vide additionné du poids de charge maximal prévu. 2. L’âge minimum légal pour détenir un permis de conduire de classe 5 est de 16 ans dans toutes les provinces. 3. L’inclusion de la variable endogène retardée revient dans les faits à inclure des effets retardés pour toutes les variables du modèle. Pour le voir, il suffit de substituer de manière récursive les valeurs retardées de KM en utilisant (2). 4. Les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut sont regroupés avec la Colombie-Britannique. 5. L’élasticité de la consommation d’essence (Q) par rapport au revenu est la même que celle de la distance parcourue par rapport au revenu puisque l’élasticité-revenu de TCM est non significative dans notre modèle. 57 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Bibliographie Baltagi, Badi H. (1995), Econometric Analysis of Panel Data, John Wiley & Sons. Barla, Philippe, Lamonde, Bernard et Boucher, Nathalie (2007), Rapport préliminaire : Modèle agrégé de la distance parcourue, du stock et l’efficacité énergétique des véhicules privés au Canada, préparé pour Ressources naturelles Canada dans la cadre du projet no 10 du plan de travail 2006-2007, 30 pages. 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De nos jours, les eaux qui ruissellent dans un bassin versant sont déviées, pour une large part, par ces fossés. En 1996, à partir d’une proposition du Regroupement des associations pour la protection de l’environnement des lacs et des cours d’eau (RAPPEL), la Direction de l’Estrie du ministère des Transports du Québec (MTQ) a expérimenté une nouvelle méthode d’entretien des fossés routiers, nommée la méthode du tiers inférieur. Le but premier de cette méthode est d’atténuer l’impact environnemental des interventions d’entretien des fossés routiers. Malgré la réduction évidente de l’érosion à la suite de l’adoption de la méthode du tiers inférieur, aucune étude n’a été réalisée à ce jour pour permettre de quantifier la diminution de l’érosion. En ce sens, un projet permettant de faire la comparaison entre la méthode dite traditionnelle et la méthode du tiers inférieur apporte des arguments à l’appui de la norme, adoptée officiellement en 2002 (ministère des Transports, 2004). Il est aussi avantageux de connaître la réduction du volume de matériaux érodés ainsi que les coûts inhérents à chaque méthode. De plus, une nouvelle approche, la méthode du tiers inférieur bonifiée avec seuils en pierres, est évaluée. Les hypothèses retenues sont les suivantes : 1) la méthode du tiers inférieur permet des gains environ nementaux réels en ce qui a trait tant à la réduction de l’érosion qu’à la réduction des coûts d’exploitation ; 2) les sites creusés à l’aide de la méthode du tiers inférieur bonifiée devraient être moins affectés par l’érosion au cours des deux années qui suivent le creusage. Le but du projet est de disposer d’un argumentaire validé et quantifié pour appuyer la promotion de la méthode du tiers inférieur tant au MTQ qu’auprès des autres intervenants sur le territoire. Caractéristiques des trois méthodes utilisées La méthode traditionnelle consiste à refaire le profil transversal d’un fossé routier. Les deux talus ainsi que le fond du fossé sont mis à nu et donc sujets à l’érosion (figure 1). Dans ce cas, des bermes filtrantes sont Figure 1. Méthodes d’entretien de fossés : traditionnelle et du tiers inférieur Tiré de Ministère des transports du Québec (2004) 59 3e colloque étudiant de l’IHQEDS utilisées en aval du fossé pour retenir les sédiments. La méthode du tiers inférieur consiste à excaver unique ment le tiers inférieur du fossé exigeant. La végétation demeure en place sur les talus du fossé et le volume de matériaux est ainsi réduit. La méthode du tiers inférieur bonifiée est une méthode expérimentale qui consiste à rafraîchir le fossé au moyen de la méthode du tiers inférieur, en y ajoutant des obstacles anti-érosifs, les seuils en pierres. Sélection des sites Le choix des critères de sélection des sites d’étude permet d’obtenir l’uniformité désirée pour valider les hypothèses de l’étude. En s’assurant d’une similarité entre les sites, il est plus facile par la suite de procéder à une analyse comparative en fonction des méthodes utili sées. Ces critères sont la pente, le bassin de drainage, le type de formation meuble, l’affectation du territoire ainsi que la prévision d’intervention du MTQ. Ces seuils (figure 2), régulièrement espacés pour obtenir des résultats optimaux, servent à briser la vitesse de l’eau pour tenter de réduire l’érosion. La hauteur des seuils est définie en fonction de la hauteur de talus du fossé (figure 2a). Ainsi, plus la hauteur des talus est importante, plus le seuil doit être de grande dimension, sans toutefois dépasser une hauteur maximale d’un mètre au centre. Le centre du seuil doit être surbaissé pour éviter qu’il y ait érosion des talus lorsqu’il y a un débordement d’eau au-dessus du seuil. La distance séparant les seuils (L) est fonction de la pente du fossé, puisque la crête du seuil aval (B) doit être à la hauteur de la base du seuil amont (A) (figure 2c). Pour avoir une gamme suffisante de données compa ratives, quatre groupes de pente moyenne ont été retenus, soient 3 %, 5 %, 7 % et 10 %. Ainsi, pour chacun des groupes, on a mis en place un site entretenu au moyen de chacune des trois méthodes. Les sites ont été sélectionnés dans la partie amont des versants dans le but d’éviter de trop grands bassins de drainage. Figure 2. Seuils en pierres : a) vue en largeur ; b) vue en travers ; c) espacement entre les seuils On a sélectionné les sites dans la formation meuble la plus répandue en Estrie, le till (dépôts glaciaires), et ce à l’aide des cartes disponibles (Service de la géoinfor mation, 1983 ; Service des inventaires forestiers, 1999). Des analyses granulométriques ont été réalisées pour valider le type de formation meuble. Enfin, les sites devaient avoir une longueur de 200 m sans qu’il y ait de rupture de pente importante. Au total, 14 sites ont été sélectionnés (figure 3). On devait avoir uniquement 12 sites pour l’étude mais un site a été ajouté à cause du creusage d’un site à l’aide de la méthode du tiers inférieur avec une excavatrice surdimensionnée, ce qui n’a pas permis de respecter le tiers inférieur. Un autre a été ajouté à la fin de l’été 2005 à la suite d’un second creusage sur un site déjà installé. Figure 3. Carte de localisation des sites Modifié de Goldman et al. (1986) Méthodologie La méthodologie de travail repose sur une sélection de sites dans des milieux homogènes. Immédiatement après le creusage de chacun des fossés, des mesures de profils transversaux sont réalisées pour estimer la quantité de matériaux érodés. Par la suite, un suivi régulier est fait tant de l’érosion que de la reprise de la végétation. 60 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Estimation de l’érosion Chaque site de 200 mètres est divisé en 8 sections de 25 mètres et on prévoit l’emplacement d’un transect au centre de chacune de ces sections. C’est sur ces tran sects qu’on mesure les profils transversaux. La mesure des 8 profils transversaux permet d’estimer la quantité de matériaux érodés de l’ensemble du fossé. Les extrémités d’un profil transversal sont deux points fixes de chaque côté du fossé routier. Une chaîne gra duée à tous les 5 cm est tendue entre les deux points (figure 4). Des mesures sont prises à tous les 5 cm à l’aide d’un fil à plomb qui est gradué au centimètre. Les mesures des profils transversaux sont conservées sur un tableur Excel, qui permet d’évaluer l’évolution du fossé à chaque transect. En fonction de la pente moyenne, on constate une constance dans la proportion du volume de matériaux érodés entre la méthode traditionnelle et les deux autres méthodes (figure 5). Avec une pente de 10 %, on a estimé à plus de 160 m3 la quantité de matériaux érodés au cours des deux années, comparativement à 16 m3 pour la méthode du tiers inférieur bonifiée et à 13 m3 pour la méthode du tiers inférieur. Pour les autres groupes de sites, on constate que, plus la pente est faible, plus la quantité de matériaux érodés dimi nue. Lorsque la méthode traditionnelle est utilisée, le volume de matériaux érodés pour les sites de 3 % et de 5 % est jusqu’à cinq fois plus important que pour les deux autres méthodes. Le volume est près de sept fois plus important sur une pente de 7 % et 12 fois sur une pente de 10 %. Pour évaluer le volume de matériaux érodés par section, on calcule l’aire située entre chacune des mesures de profondeur du fossé (figure 4), qu’on multiplie par 25 m. Avec chaque mesure subséquente, il est possible de calculer la différence de volume, ce qui donne une estimation du volume de matériaux érodés ou, dans certains cas, du volume de sédiments accumulés. L’érosion dans les fossés est estimée par la différence entre la première mesure de profil transversal réalisée immédiatement après le creusage des sites, entre mai et juin 2005, avec la dernière mesure prise à l’automne 2006. La reprise de la végétation est évaluée visuellement par la prise régulière de photographies. Suivi des sites de 3 % de pente Tous les fossés ont subi une érosion importante (figure 5). Dans le fossé des sites no 3 (méthode du tiers inférieur) et no 14 (méthode du tiers inférieur bonifiée), on constate une hausse rapide des matériaux érodés entre les deux premières mesures de profils transversaux. Cette hausse est cependant trois fois plus importante dans le fossé du site no 11 (méthode traditionnelle). Par la suite, on remarque que les fossés se stabilisent, à l’exception du fossé du site no 11, où l’augmentation du volume de matériaux érodés diminue sans pour autant que le fossé ne se stabilise. Résultats Les résultats obtenus sont autant environnementaux qu’économiques. Les premiers sont obtenus à partir des mesures des profils transversaux et les deuxièmes résultent des données recueillies lors du creusage des sites, ainsi que lors des interventions subséquentes qui ont été nécessaires au cours de l’étude. La reprise de la végétation à l’intérieur des fossés de ce groupe de sites s’est faite rapidement. Dès la première année, on pouvait observer la présence d’une végé tation dense sur les talus des fossés, laissant unique ment le fond à nu, là où se fait l’écoulement de l’eau. La végétation dans le fossé du site no 11 (méthode tradi tionnelle) a rapidement repoussé, ce qui a permis de Figure 4. Mesure de profil transversal et estimation de l’érosion pour une section 61 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Figure 5. Volume total des matériaux érodés Tiers inférieur Tiers inférieur bonifié réduire les effets érosifs de l’eau sur les talus. Dans le cas du fossé du site no 3 (méthode du tiers inférieur), il n’y a toujours pas de végétation qui a repoussé dans le fond du fossé, contrairement au fossé du site no 14 (méthode du tiers inférieur bonifiée), où les seuils ont causé une rétention d’eau, favorisant la croissance d’une végétation aquatique. Suivi des sites de 5 % de pente De façon générale, l’érosion des fossés de 5 % de pente est environ le double de celle des fossés de 3 % de pente. C’est dans le fossé du site no 1 (méthode traditionnelle) qu’on observe la plus forte érosion (figure 5). En effet, le volume matériaux érodés y est supérieur au double du volume calculé pour les autres fossés du groupe de 5 %. Les fossés des sites no 6 (méthode du tiers inférieur) et no 12 (méthode du tiers inférieur bonifiée) se sont stabi lisés, alors que le fossé du site no 1 (méthode tradition nelle) ne se stabilise pas, malgré une réduction de la quantité de matériaux érodés. Dans le fossé du site no 1 (méthode traditionnelle), la reprise de la végétation est lente et clairsemée. L’effet érosif de l’eau s’y poursuit lors de chaque précipi tation. La végétation a repris plus rapidement dans la moitié amont des sites no 6 (méthode du tiers infé rieur) et no 12 (méthode du tiers inférieur bonifiée). La végétation est plus dense dans le fossé du site no 12, tandis que le fond du fossé du site no 6 est encore aux prises avec de l’érosion linéaire, là où la végétation est moins dense. 62 Traditionnelle Suivi des sites de 7 % de pente L’érosion du fossé du site no 7 (méthode traditionnelle) est près du double de celle du fossé de 5 % de pente, creusé à l’aide de la même méthode. Les deux autres sites de ce groupe ont des bassins de drainage de moindre superficie et ont donc subi moins d’érosion que les sites équivalents du groupe de 5 % de pente. La présence de nombreux affleurements rocheux, combinée à une faible épaisseur du till à certains endroits du fossé, explique le faible volume de matériaux érodés dans le fossé du site no 4 (méthode du tiers inférieur bonifiée). Le fossé du site no 8 (méthode du tiers inférieur) s’est rapidement stabilisé. Le fossé du site no 7 (méthode traditionnelle) montrait des signes d’instabilité peu après la période de creusage, en 2005, ce qui a exigé une deuxième mesure des profils transversaux quelques jours plus tard. Par la suite, le fossé s’est relativement stabilisé au cours de l’année 2005, au fur et à mesure que le sol s’asséchait. La première mesure de profils, au printemps 2006, a permis de constater une reprise de l’érosion, principalement par décrochement et ravinement. Deux décrochements importants ont bloqué l’écoulement et ont causé une importante accumulation de sédiments en amont (figure 6). À la suite de la réfection des talus affectés, les sédiments accumulés dans le fond du fossé ont été transportés par l’eau, expliquant ainsi la hausse subite du volume de matériaux érodés en juillet 2006. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Figure 6. Décrochement dans le fossé du site no 7 (23 mai 2006) Figure 7. Végétation clairsemée sur les talus du site no 5 (27 mars 2006) À l’automne 2006, on ne constate pas de reprise de la végétation dans le fond du fossé du site no 7 (méthode traditionnelle). Dans le cas du site no 8 (méthode du tiers inférieur), la végétation a repris rapidement dans la moitié amont du fossé alors que, dans la moitié aval, le fond du fossé est encore à nu. La végétation du fossé no 4 (méthode du tiers inférieur bonifiée) a repris en 2006, dans les portions en amont des seuils en pierres. fond du fossé, là où l’eau s’écoule normalement après une précipitation. C’est à cet endroit que l’érosion est toujours active, ce qui provoque la croissance constante du volume de sédiments érodés. Suivi des sites de 10 % de pente Le groupe des sites ayant une pente de 10 % est celui qui a été plus affecté par l’érosion et ce, dès le creusage (figure 5). Ceci est le résultat d’une période de précipitations à la mi-juin 2005, combinée à la forte pente des fossés. Dès la fin juin, le volume de matériaux érodés dans le fossé du site no 10 (méthode traditionnelle) est cinq fois plus important que ceux des fossés des sites no 9 (méthode du tiers inférieur) et no 5 (méthode du tiers inférieur bonifiée). Le fossé du site n o 5 (méthode du tiers inférieur bonifiée) s’est relativement stabilisé à partir de l’automne 2005. Entre le creusage du site et le moment de la stabilisation, l’aval de certains seuils du fossé a été soumis à de l’érosion provoquée par l’effet de chute résultant du colmatage des interstices entre les pierres des seuils. Ce colmatage a aussi provoqué l’accumulation de sédiments en amont de ces seuils (figure 7). Avec la fonte de la neige, au printemps 2006, on n’a constaté que de petites marques d’érosion dans ce fossé, ce qui indique que ce dernier tend à se stabiliser. Par contre, la reprise de la végétation dans le fond du fossé ne s’est faite que de façon clairsemée. Le fossé du site no 9 (méthode du tiers inférieur) s’est stabilisé dès l’été 2005. En effet, la reprise de la végétation s’est faite rapidement, à l’exception du À l’automne 2006, le fossé du site no 10, creusé à l’aide de la méthode traditionnelle, n’était toujours pas stable et l’érosion affectait toute la longueur du fossé. Après la période d’érosion importante de juin 2005 à la suite du creusage, le fossé s’est relativement stabilisé au cours de l’été avec l’assèchement des terres adjacentes. Ensuite, l’érosion n’a repris qu’avec la fonte de la neige au printemps 2006. Le sol étant gorgé d’eau, on a constaté de nombreux décrochements de matériaux et de végétation dus au fluage sous-jacent ainsi qu’au ravinement. À l’été 2006, on a constaté que le fossé s’est relativement stabilisé comme l’été précédent. Enfin, avec les fortes précipitations d’octobre 2006, une quantité importante de matériaux a été érodée sur toute la longueur de ce fossé, causant des dommages importants, ce qui a exigé l’intervention du MTQ. Données économiques Les données économiques ont été pour la plupart ré coltées lors de l’excavation des sites et elles incluent le temps nécessaire pour installer les seuils dans les fossés creusés à l’aide de la méthode du tiers inférieur bonifiée. Ainsi, il est possible d’attribuer, à chaque méthode d’entretien, le temps d’utilisation de l’excavatrice et le nombre de chargements de camion de matériaux enlevés (figure 8). Afin d’obtenir des résultats comparables, on n’a pas tenu compte du temps requis pour le déplacement de la machinerie et de la main d’œuvre, pour l’installation de la signalisation, pour les pauses et pour les retards causés par des bris de matériel. 63 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Figure 8. Temps de creusage et nombre de chargements de camion (2005) Le temps requis pour creuser un mètre linéaire de fossé est de 1 min 24 s au moyen de la méthode tradition nelle, pour un temps moyen par site de 4 h 38 min. Il est de 51 s au moyen de la méthode du tiers inférieur (avec ou sans seuils) pour un temps moyen par site de 2 h 49 min. Aussi, le nombre de chargements de camion requis pour effectuer la méthode traditionnelle, soit 14,6 chargements, est largement supérieur à celui pour effectuer la méthode du tiers inférieur, soit 4,9 chargements. Le temps moyen requis pour installer un seuil est de 4 min avec approximativement 2,1 t de pierres. Conclusion Avec deux années d’observation, on a prouvé que l’érosion était plus importante dans les fossés des sites creusés à l’aide de la méthode traditionnelle. Ainsi, on obtient des gains environnementaux réels avec l’utilisation de la méthode du tiers inférieur. Par contre, pour les sites creusés à l’aide de la méthode du tiers inférieur bonifiée, la réduction de l’érosion n’est pas significative comparativement à la méthode du tiers inférieur. Enfin, l’installation des seuils en pierres exige peu de temps supplémentaire lors de l’excavation des fossés, mais l’achat de pierres engendre des coûts supplémentaires. Bibliographie Goldman, S.J., Bursztynsky T.A. and Jackson, K. (1986) Erosion & Sediment Control Handbook. McGraw-Hill Book Company, New York, pagination multiple. Ministère des Transports du Québec (2004) Fiche de promotion environnementale : Entretien d’été, système de drainage, nettoyage des fossés. Service des inventaires et du plan de la Direction de l’Estrie, Sherbrooke, 4 p. Service de la géoinformation (1983) Compilation de la géologie du Quaternaire. Ministère de l’énergie et des ressources, Québec, 1 : 50 000. Service des inventaires forestiers (1999) Carte des dépôts de surface. Ministère des forêts, Québec, 1 : 50 000. 64 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Séance 3 Des arbres et des Hommes 65 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Apports de la géographie historique et de la télédétection à la compréhension de l’évolution environnementale au Sahel du xiiie au xxe siècle : le cas du Centre-Est agro-sylvopastoral sénégalais Aliou DIOUF Étudiant au doctorant en géographie. Université Laval Matthew G. HATVANY Professeur, Département de géographie, Université Laval Alain A. VIAU Professeur, Département des Sciences géomatiques, Université Laval Nathalie BARRETTE Professeure, Département de géographie, Université Laval Introduction Région située dans le domaine climatique soudanosahélien et enregistrant entre 700 mm et 800 mm de pluies par an, le Centre-Est sénégalais concentre d’importantes potentialités agro-sylvopastorales. Elle est en effet le domaine de la savane et des forêts claires, des sols ferrugineux tropicaux lessivés et des grandes mares (Michel, 1977 ; Bâ, 1986 ; Ndiaye, 2000). C’est pourquoi depuis le xiiie siècle et à la faveur de plusieurs contextes sociopolitiques, différentes vagues de populations s’y sont installées. Cette colonisation humaine historique a essentiellement été le fait de cultivateurs, d’éleveurs sédentaires et transhumants et de producteurs forestiers originaires d’autres régions du Sénégal, mais aussi des pays limitrophes tels que la République de Guinée et le Mali. Depuis, la croissance démographique s’est accrue, notamment ces quatre dernières décennies. En effet, la région enregistre aujourd’hui l’un des soldes migratoires les plus significatifs au Sénégal évalué à 0,8 % en 1999 (Direction de la prévision et de la statistique, 2004). Le Centre-Est sénégalais est ainsi une région de convergence d’acteurs aux intérêts divergents et d’activités spatialement extensives. Ce qui entraîne entre ces acteurs, une compétition pour le contrôle de l’espace et une pression croissante sur les composantes biophysiques spatiales. Ainsi, le couvert végétal, les sols et les eaux de surface sont profondément affectés par ces processus humains auxquels vient s’ajouter l’incertitude du climat. Au regard de toutes ces dynamiques environnementales, le Centre-Est sénégalais ne connaît-il pas depuis sa colonisation par les humains un processus de désertification dont la cause principale est liée aux activités humaines ? L’hypothèse est que le suivi des dynamiques environnementales révèle une rupture dans l’évolution de l’état de l’environnement à partir de 1960, qui marque le déclenchement d’un processus 66 de désertification dû au changement de la perception humaine de l’environnement et des méthodes et techniques d’exploitation des ressources naturelles associé au contexte de civilisation postindustrielle. L’objectif principal de cet article est de suivre l’évolution de l’environnement au Centre-Est sénégalais depuis 800 ans. Il s’agit en particulier, d’identifier et d’analyser les formes et les facteurs d’évolution du couvert végétal, des sols et des eaux de surface. Pour réaliser cet objectif, plusieurs méthodes et outils recherche ont été utilisés. Matériels et méthodes Le suivi de l’évolution de l’environnement au CentreEst depuis la colonisation humaine au xiiie siècle a nécessité des méthodes et d’outils divers relevant de la géographie culturelle historique et de l’analyse spatiale (télédétection et photo-interprétation). En effet, il pose la question des contextes de civilisation, très pertinente dans une telle étude (Courville, 1995). Il pose également la question des échelles spatiales, car l’environnement revêt une dimension spatiale importante (Sandron et Sghaier, 2000). En se référant à Courville (1995), il a été identifié du point de vue temporel, deux contextes de civilisation : un contexte de civilisation rurale agraire et un contexte de civilisation postindustrielle. Le contexte de civilisation rurale agraire est carac térisé par une économie basée sur l’agriculture de subsistance tandis que le contexte de civilisation postindustrielle est marqué par une économie dominée par le tourisme, les services de banque… (Courville, 1995). L’analyse spatiale est faite à partir de trois secteurs d’étude représentatifs des caractéristiques du Centre-Est sénégalais : d’abord Koumbidia, à l’Ouest marquée par une forte emprise agricole avec la culture de l’arachide ; ensuite Fadiyacounda, au Sud-est où l’exploitation forestière est très présente ; enfin Wouro Seeno, au Nord-est caractérisé par l’élevage pastoral. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS L’analyse spatiale s’est en outre appuyée sur l’approche des indicateurs environnementaux pour le suivi de l’environnement. Le terme de géo-indicateur est utilisé dans ce présent article pour intégrer la dimension spatiale des indicateurs environnementaux. La démarche méthodologique a été bâtie autour de trois étapes : une étape exploratoire (pré-analyse docu mentaire et exploration du terrain) et documentaire, une étape de terrain, une étape de laboratoire. L’étape exploratoire et documentaire a permis de préciser l’hypo thèse, d’identifier les sources de données, les méthodes et outils de collecte et d’analyse. Ainsi, ont été acquis : • des documents sur l’histoire environnementale de la région ; • des photographies aériennes (1/40 000 et 1/25 000) en 1954 et 1982 ; • des images satellitaires multispectrales de Landsat 7 ETM+, scènes 203-50, 203-51 du 21/10/1999 et 204-50 du 13/11/1999 ; • des cartes thématiques (topographiques, morphopé dologiques) existantes ; • des données thématiques de terrain sur le couvert végétal, les sols et les eaux de surface géoréférencées par le GPS ; • des données socio-économiques issues de l’inven taire exhaustif des villages situés dans les secteurs d’étude, réalisées en 2004. L’étape de terrain a consisté en des enquêtes socioéconomiques d’entretien, en des relevés sur les compo santes biophysiques et spatiales. Les enquêtes et relevés sur le terrain ont été réalisés grâce au questionnaire, au guide d’entretien et aux fiches de relevé biophysique. L’étape de laboratoire a consisté essentiellement aux traitements d’images et à l’analyse de contenu de documents historiques et des enquêtes. Ainsi, des traitements spécialisés ont été appliqués aux données de base grâce à plusieurs techniques complémentaires d’analyse spatiale : les prétraitements numériques d’images aériennes et spatiales, la photointerprétation, la télédétection et leur intégration dans un système d’informations géographiques pour les besoins de la cartographie statistique assistée par ordinateur. Il faut rappeler que ces techniques se sont appuyées sur des investigations de terrain pour la vérification et la validation de l’interprétation des données. Les prétraitements d’images aériennes se sont réalisés en plusieurs étapes. Les photographies ont été numé risées au scanner avec une résolution de 600 points par pouce. Elles ont ensuite été retouchées pour l’amélioration de leur contraste. Après avoir été retouchées, les photographies ont été mosaïquées par bande horizontale couvrant l’intégralité de chaque secteur d’étude. Lorsque la phase de mosaiquage a été achevée, les mosaïques de photos ont été chargées sous Mapinfo pour le géoréférencement. Cette phase de géoréférencement a consisté à intégrer les photos scannées, retouchées et mosaïquées dans un système de projection et de coordonnées afin de pouvoir les superposer sur d’autres couches cartographiques géoréférencées au même système de projection et de coordonnées. Les mosaïques ont été donc intégrées dans le système de projection WGS 84 et de coordonnées cartésiennes UTM 28 Nord. Quelques contraintes dues à la qualité relativement médiocre des planches photo graphiques ont été rencontrées. Il a en effet été difficile surtout pour le secteur de Wouro Seeno en 1954 de trouver des points de calage communs à deux clichés aériens. Après le géoréférencement, l’étape d’identification et d’interprétation des géo-indicateurs des unités biogéophysiques a suivi. Cette phase a combiné la stéréoscopie à la photo-interprétation assistée par ordinateur. Il s’agit de procéder à la vectorisation des unités identifiées au stéréoscope et à l’écran de l’ordinateur avec le logiciel Mapinfo. Ainsi toutes les unités identifiées sur les mosaïques de photographies aériennes couvrant l’ensemble du territoire de chacun des trois secteurs d’étude ont été vectorisées manuel lement à l’ordinateur. La procédure de traitement des images satellitaires Landsat a consisté après les avoir acquises sous format Geotiff compressé, à les décompresser, puis à les convertir sous le format raster (.rst) du logiciel « Idrisi ». Ensuite, il a été procédé à un découpage de l’image suivant les dimensions de chacun des trois secteurs d’étude. Après le découpage de l’image, il a été procédé à la constitution d’une composition colorée fausse pour la discrimination des différents indicateurs des composantes du territoire, ainsi que leurs superficies. Il s’agit d’affecter aux trois couleurs primaires (le rouge, le vert et le bleu) trois images de 8 bits contenant des informations prélevées sur le spectre électromagnétique (Girard et Girard, 1999). La combinaison 234 a été effectuée ; elle associe le canal de Landsat centré sur la partie verte du spectre électromagnétique (canal 2) à la couleur primaire Bleu, le canal de Landsat centré sur la partie rouge du spectre électromagnétique (canal 3) à la couleur primaire Vert et le canal de Landsat centré sur la partie infrarouge du spectre électromagnétique (canal 4) à la couleur primaire Rouge. Après le choix des images devant constituer la combi naison colorée, un étalonnage linéaire avec défini au seuil de saturation de 5 a été appliqué pour l’amélio ration du contraste de l’image de sortie (rehausse ment) qui est de 8 bits. Cette image rehaussée a servi 67 3e colloque étudiant de l’IHQEDS à une première classification automatique. Cette classi fication automatique a facilité l’identification d’unités thématiques homogènes sur l’image. Lorsque ces unités homogènes ont été identifiées sur l’image, au moins deux points ont été prélevés sur chaque unité pour être vérifiés sur le terrain à travers les relevés environnementaux. La phase de vérification de terrain réalisée, une nouvelle composition colorée fausse couleur 3, 4, 7 étalonnée au seuil de 5 et portée à 24 bits et qui correspond à l’image recommandée pour une visualisation et une analyse d’image a été constituée en vue du choix des zones ou polygones d’entraînement et de la classification supervisée ou dirigée. Le choix des polygones d’entraîne ment consiste à grouper les pixels ayant la même signature spectrale dans une classe. C’est une étape qui comprend la vectorisation des classes de pixels, puis l’affectation d’une signature et d’un nom à chaque classe de pixels et enfin la classification supervisée par l’algorithme du « Maximum de vraisemblance ». La qualité de l’image classifiée a ensuite été évaluée par la construction d’une matrice de confusion. Lorsque la qualité de la classification n’était pas satisfaisante, la procédure itérative allant du choix des polygones d’entraînement jusqu’à la classification par « Maximum de vraisemblance » était reprise et ce, jusqu’à obtenir une qualité de classification satisfaisante. Suivait ensuite le filtrage qui sert à éliminer le bruit sur l’image classifiée et à rendre l’image plus lisse. Le découpage nécessite d’abord la rastérisation des polygones. Il s’agit de convertir les polygones des secteurs d’étude de leur format initial (format vecteur) en format raster. La rastérisation a pour but de pou voir superposer les polygones vectoriels de forme irrégulière sur l’image matricielle classifiée et filtrée qui est de forme rectangulaire. Lorsque les polygones ont pu être superposés sur les images classifiées et filtrées respectives, l’extraction des polygones des secteurs d’étude a pu être réalisée. Ainsi, des polygones classifiés et filtrés épousant les mêmes contours que les secteurs d’étude ont été obtenus. Après extraction des polygones des secteurs d’étude qui sont sous format raster, il convenait de les convertir sous format vecteur afin de pouvoir le transférer sous un logiciel de vecteur pour les besoins de la cartographie et du calcul des superficies. Il faut préciser qu’une agrégation a été réalisée pour pouvoir disposer d’indicateurs com parables dans une approche temporelle dynamique. En raison de la résolution grossière des images et de la taille réduite de certains éléments naturels tels que les mares, l’analyse a été centrée sur les composantes biophysiques spatiales : la végétation, la zone agricole et les états de surface des sols. 68 Résultats et discussions Les résultats du suivi des dynamiques environne mentales du xiiie au xxe siècle au Centre-Est révèlent deux types de processus environnementaux : un processus d’équilibre environnemental associé au contexte de civilisation rurale agraire (1235-1960) et un processus de déséquilibre environnemental associé au contexte de civilisation postindustrielle (de 1960 à nos jours). Le processus d’équilibre environnemental (1235-1960) est traduit par l’état globalement durable dans lequel se trouvent les composantes naturelles de l’environnement. En effet, jusque dans les années 1950, les trois secteurs d’étude sont caractérisés par une prédominance des géo-indicateurs d’une stabilité environnementale sur les géo-indicateurs d’un déséquilibre environnemental (figure 1). Les géo-indicateurs d’équilibre sont la forêtgalerie dense, la savane boisée très dense et la savane boisée dense. Les géo-indicateurs de déséquilibre sont la zone agricole, la savane boisée moyennement dense et la savane arbustive moyennement dense. Cet état de stabilité environnementale est confirmé par Pélissier (1966) et Trochain (1940) qui qualifient les formations naturelles de la région de « démesurées ». La durabilité des composantes biophysiques spatiales tient aussi au caractère écologique des activités agricoles, pastorales et d’exploitation forestière. En effet, la perception humaine de la nature qui s’est inspirée des religions animiste puis musulmane véhiculait un ensemble de valeurs qui dictait un comportement révérencieux et respectueux vis-à-vis de la nature : une morale environnementale. Ce qui s’est traduit par un faible impact des activités humaines sur les éléments naturels de l’environnement dans le contexte de civilisation rurale agraire. Le processus de déséquilibre environnemental associé au contexte de civilisation postindustrielle (de 1960 à nos jours) est traduit par une désertification Les géo-indicateurs de déséquilibre des composantes bio physiques spatiales que sont la zone agricole, la savane arbustive lâche, la forêt-galerie lâche, la savane arbustive moyennement dense et les sol dégradés connaissent une extension continue et occupent la plus importante superficie (figure 3 ; figure 4 ; figure 5). Certes, le climat a été caractérisé par des sécheresses dans ce contexte (1960 à nos jours), mais le développement spatial de ces géo-indicateurs est incontestablement lié aux activités humaines. En effet, la nature des géoindicateurs de déséquilibre montre que la zone agricole, qui est la manifestation directe de l’action des humains, constitue le géo-indicateur de déséquilibre qui occupe le plus de superficie. Ce contexte a en effet enregistré un croît démographique important, mais surtout un changement des valeurs attribuées à la nature. La nature est perçue par les populations locales comme une 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Figure 1. Localisation de la région et des secteurs d’étude Saint-Louis. . . Dakar Dakar . Thiès . Fatick Fatick . Matam . Louga Diourbel . Kaolack Kaolack Wouro Wouro Seeno Koumbidia Socé Tambacounda . Tambacounda Fadiyacounda Fadiyacounda Ziguinchor . 0 100 Kolda . 200 Kilomètres Figure 2. État de l’environnement dans les trois secteurs étudiés en 1954 Source : Photographies aériennes, 1954 Mission A.O.F richesse économique à exploiter. De nouvelles méthodes et nouveaux outils techniques de production plus agressifs vis-à-vis de l’environnement sont utilisés pour accroître la production agricole, animale et forestière. Ainsi, les pratiques de jachères ont presque disparu et on note l’apparition de la culture attelée. Au niveau de l’élevage, la compétition pour disposer de ressources pastorales entraîne l’apparition des pratiques d’élagage des arbres. Au niveau de l’exploitation forestière, le front du charbon et de la gomme qui se traduit par la coupe radicale ou la saignée profonde des arbres envahit la région. Ces nouvelles pratiques sont commandées par la logique productiviste, capitaliste encouragée par les nouvelles politiques de développement rural de l’État sénégalais indépendant. 69 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Figure 3. État de l’environnement dans les trois secteurs étudiés en 1982 Source : Photographies aériennes, 1982 Mission OMVG Figure 4. État de l’environnement dans les trois secteurs étudiés en 1999 Source : Image satellitaire Landsat 7 ETM+ Scènes 204-50, 203-50 et 203-51 70 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Figure 5. Évolution de la proportion de superficie en déséquilibre dans chaque secteur Koumbidia Fadyacounda Wouro Seeno Proportion 100 80 60 40 20 0 1954 1982 1999 Année Source : Photographies aériennes, AOF 1954, OMVG 1982 et Image Landsat 7 ETM+, 1999 La combinaison des méthodes et outils de la géo graphie historique et de la télédétection présente une grande pertinence pour un suivi de l’évolution de l’environnement. Cette méthode a permis de confirmer l’existence d’une rupture dans l’évolution de l’environnement. L’approche historique a en effet permis de comprendre l’état de l’environnement dans le passé tandis que l’approche spatiale grâce aux géoindicateurs a permis d’évaluer plus exactement l’état de l’environnement. Cependant, cette combinaison de la géographie historique et de la télédétection présente des limites relatives notamment à l’absence de données dans le passé et à la différence des échelles des images analysées. 71 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Bibliographie BA. C (1986) : Les Peul du Sénégal, étude géographique. Edition NEA, 541 pages. COURVILLE, S. (1995) : Introduction à la géographie historique, Sainte-Foy Québec, PUQ, 225 p., Géographie historique. DIOUF, A. (2001a). Analyse diachronique du paysage et de l’occupation du sol dans le Ferlo, Rapport de stage, Pôle pastoral zones sèches, Dakar, 63 p. 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Cette expansion a des impacts socio économiques importants qui se manifestent notam ment par une augmentation des dégâts causés aux cultures ou aux peuplements forestiers et par l’accrois sement du nombre d’accidents routiers. De plus, les fortes densités d’herbivores peuvent aussi avoir de graves répercussions écologiques car le broutement intensif peut modifier profondément, directement ou indirectement, la structure et la composition végétale d’un écosystème et avoir des effets en cascades sur les autres organismes qui y vivent. Les impacts de cette prolifération des cervidés placent aujourd’hui les scien tifiques et les gestionnaires des milieux naturels devant le défi de comprendre les causes et les conséquences du phénomène, mais aussi d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies d’aménagement du territoire qui tiennent compte de cette situation tout en répondant aux préoccupations et intérêts humains. (Beguin et al., 2006). Problématique Notre étude s’est déroulée sur l’île d’Anticosti (49°30’N, 60°00’O), située sur la côte est de l’Amérique du Nord à l’embouchure du golfe Saint-Laurent. L’île d’Anticosti constitue un laboratoire naturel de recherche privilégié pour étudier les relations cerfs-forêts. En effet, à la fin du 19e siècle, 200 cerfs de Virginie (Odocoileus virginianus) ont été introduits sur l’île à des fins de chasse récréative. Depuis ce jour, la population de cerfs n’a cessé de s’accroître en profitant d’une niche écologique disponible pour atteindre un niveau mini mum estimé à 120 000 cerfs ou 15 cerfs/km² en 1991 (Potvin et al., 1991). À l’origine, les paysages de l’île étaient majoritairement couverts par des peuplements forestiers de sapin baumier. Mais depuis l’introduction du cerf, on assiste à une transformation graduelle des sapinières en pessières blanches. En effet, en moins d’un siècle, plus de la moitié de la superficie des sapi nières de l’île a aujourd’hui disparue (Potvin et al. 2003). Cette transformation est principalement due au broute ment chronique des cerfs sur la régénération de sapin baumier au bénéfice de l’épinette blanche, une essence peu broutée. Dans ce contexte, si la disparition des sapinières conti nue au même rythme, il est à redouter que l’effectif des populations de cerfs diminue drastiquement une fois que sa principale ressource alimentaire hivernale, le sapin, vienne à manquer. Il est important de souligner que les résidents de l’île, au nombre de 250, ainsi que le gouvernement du Québec souhaitent éviter cette situation puisqu’ une densité de population élevée est un maillon indispensable du tissu économique de l’île et d’une partie de la côte nord. Les principaux revenus des résidents provenant, par ailleurs, de la vente de forfaits de chasse à des chasseurs en provenance du continent. Dans le souci de maintenir à la fois des densités de cerfs suffisantes et un habitat propice au maintien de sa popu lation, des méthodes de gestion intégrée sont actuel lement développées en collaboration avec les résidents de l’île, le gouvernement du Québec et les partenaires scientifiques. Matériel et Méthode Parmi ces méthodes, il a été suggéré que certains traitements sylvicoles pourraient faire augmenter la quantité de semis de sapin et permettre, malgré un taux de broutement élevé, la régénération des sapi nières (par effet de masse). Parmi ces méthodes, nous avons testé les effets de la coupe progressive d’ense mencement. Nos hypothèses étaient qu’en créant une ouverture graduelle dans le couvert forestier, la plus grande quantité de lumière arrivant au sol stimulerait la croissance et le recrutement de la banque de semis de sapin comparativement à des peuplements nonaménagés. Par ailleurs, cette recrudescence de la banque de semis serait suffisante pour régénérer les sapinières à l’étude en présence de cerfs. 73 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Nous avons établi en 1998 un dispositif expérimental en tiroir avec des parcelles principales disposées de manière complètement aléatoire. À chaque parcelle, nous avons appliqué un niveau d’intensité de coupe particulier (25, 40 ou 0 %). Chaque intensité de coupe a été répliquée quatre fois pour un total donc de 12 parcelles principales. Dans chaque parcelle principale, nous avons disposé des placettes d’inventaires de 4 m² qui étaient clôturées (n=1) et non-clôturées (n=4) afin de tester l’effet du broutement du cerf sur le recrutement des semis de sapin. Dans chaque parcelle, nous avons recensé le nombre de semis par essence et par classe de hauteur avant la coupe, juste après la coupe et 8 ans après la coupe. Nous avons utilisé la procédure MIXED, SAS (Little et al. 1996) après avoir transformer les données en logarithme naturel afin de respecter l’homogénéité des variances et la distribution normale des résidus. Puisque les données étaient autocorrélées dans le temps, nous avons utilisé la structure de matrice de variance-covariance autorégressive qui minimisait au mieux le critère d’information d’Akaike corrigé (AICc). Résultats préliminaires Les résultats préliminaires montrent que ni l’intensité de coupe (p=0,82), ni la présence de clôture (p=0,92) n’ont eu d’effets significatifs sur le nombre de semis de sapin (h < 5 cm) par hectare, 8 ans après coupe. Par contre, l’effet du broutement est ressorti significatif pour la classe de hauteur des semis de sapin supérieure à 5 cm (p=0,0193). Le test de comparaison de moyenne LSMeans a permis de mettre en évidence que les peuplements ayant subi une coupe de 25 % avaient significativement plus de semis de sapin > 5 cm que les peuplements ayant subi une réduction de 40 %. Par ailleurs, aucune différence significative n’a été mise en évidence entre les peuplements témoins et les peuple ments coupés à 25 %. Ces résultats, bien que encore trop préliminaires, indiquent que la coupe progressive d’ensemencement améliore peu l’établissement et la croissance des semis de sapin comme on aurait pu le penser. En effet, le fac teur limitant le recrutement des semis de sapin s’est avéré être le broutement du cerf et ce malgré une ouverture du couvert qui aurait pu avantager le dévelop pement de la banque de semis. L’hypothèse que nous posions initialement, à savoir que les peuplements traités par coupes progressive d’ensemencement seraient préférables aux peuplements non-aménagés en ce qui concerne l’ensemencement et la croissance de semis de sapin n’a pas pu être vérifiée à partir des résultats préliminaires présentés ici. Conclusion Il est encore prématuré pour trancher clairement si la coupe progressive est efficace ou pas afin de régénérer adéquatement les sapinières de l’île d’Anticosti. Des analyses supplémentaires devront confirmer ou contre dire les résultats préliminaires présentés ci-haut. Toutefois, à titre juste de tendance, elle semble avoir un pouvoir limité pour stimuler la dynamique de la banque de semis en présence de densité importante de cerf de Virginie. D’autres types de coupe sont actuellement à l’étude pour tester, comme la coupe progressive, leur potentiel à produire une régénération naturelle massive en sapin. Il s’agit de la coupe par bandes et de la coupe avec réserve d’îlots semenciers. Dans un avenir proche, les trois types de coupe pourront être comparées entre elles afin de définir quels sont les variables qui influencent l’établissement et le recrutement des semis de sapin et dans quelle mesure ces variables peuvent compenser les effets négatifs provoqués par le broute ment chronique du cerf de Virginie sur la croissance des jeunes semis. Bibliographie Beguin, J., de Bellefeuille, S., Barrette, M., Pothier, D., et Côté, S. (2006). L’aménagement intégré des forêts en présence de densités élevées de cervidés : l’île d’Anticosti, un laboratoire grandeur nature. Revue Parcs et Réserves. 63 (3) : 14-23. CÔTÉ, S.D., ROONEY, T.P., TREMBLAY, J.-P., DUSSAULT, C. AND WALLER, D.M. (2004). Ecological impacts of deer overabundance. Annu. Rev. Ecol. Evol. Syst. 35 :113-147. Little, R.C., Milliken, G.A., Stroup, W.W. AND Wolfinger, R.D. (1996), SAS System for Mixed Models. Cary, NC : SAS Institute. 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Dans un contexte mondial où le rythme d’exploitation des spécimens indigènes menace la capacité de survie de l’espèce, les plantations d’acajou aux Fidji (État insulaire du Pacifique sud), les plus vastes au monde prêtes à être récoltées, proposent une alternative et un modèle en ce qui concerne une exploitation durable de l’acajou. À l’échelle nationale aux Fidji, la gestion de ces plantations implique des changements aux niveaux sociopolitiques, économiques et environnementaux. Le but de cet article est de situer les plantations d’acajou de Fidji dans le contexte mondial d’exploitation de l’acajou et de mettre à jour les problématiques propres aux plantations d’acajou de Fidji. L’approche a consisté dans un premier temps, de septembre 2005 à mars 2006, en un recensement de la littérature traitant de l’exploitation forestière de l’acajou en ce qui concerne les aspects environnementaux et sociaux, particulièrement dans l’aire de répartition naturelle de l’arbre. Dans un deuxième temps, un séjour sur le terrain a été effectué, de juillet à sep tembre 2006, permettant une collecte de données locales de documents proprement relatifs aux Fidji (rapports ministériels, rapports environnementaux, documentation universitaire), à quatre visites dans les plantations, à cinq entrevues auprès d’acteurs clés impliqués dans l’exploitation forestière de l’acajou et à un questionnaire passé auprès de treize répondants du village de Vunaniu possédant des terres à acajou. Répartition et valeur de l’acajou, hier et aujourd’hui Lorsque les premiers essais d’essences ligneuses au potentiel commercial sont tentés aux Fidji dans les années 1950 et 1960, S. macrophylla se révèle immédia tement et de façon probante l’espèce la plus prometteuse pour le développement du programme de reboisement national. En effet, l’acajou s’avère pousser plus vite et mieux que toutes les autres espèces ligneuses mises à l’essai, et ce, partout où l’espèce est essayée. Il semble en effet que S. macrophylla s’adapte à tous les gradients de pH, de pente, d’altitude et de pluviométrie de Fidji, avec cependant une facilité pour les zones de l’arrière-pays, plus élevées en altitude et plus pluvieuses. S. macrophylla est donc établit en monoculture sur 50 000 hectares de reboisement répartis sur 14 plantations sur les deux grandes terres de l’archipel : Viti Levu et Vanua Levu (Jaakko Poyry, 2004 ; Watling et al., 2005). Étant donné le statut particulier des terres aux Fidji qui appartient à 90 % aux clans fidjiens, les mataqalis, le développement des plantations s’est fait sur des terres louées par l’État par le biais du NLTB (National Land Trust Board) et les plants ont été achetés, importés et plantés avec les fonds publics. Les terres choisies par l’État pour l’instauration des plantations sont princi palement les terres ayant été sujettes à une première exploitation forestière des espèces ligneuses fidjiennes précieuses, dont le bois de tek. C’est la Fiji Hardwood Corporation Limited (FHCL), une entreprise d’État inscrite au ministère des Entreprises privées, qui a la responsabilité de la gestion des plantations. Son mandat consiste en la gestion des plantations d’acajou au profit de l’État et de tous les Fidjiens (Fiji Mahogany Act, 2003 ; Watling et al., 2005). Le principe moteur du projet est la remise en valeur des terres défrichées par la plantation d’acajou. Avec l’accord des chefs de clan de l’époque, les terres ont été louées pour les sommes dérisoires en cours à l’époque pour de la simple location, sans égard aux profits qui pourraient par la suite en être retirés par l’État. Ces transactions seront par la suite contestées et font l’objet des revendications des clans qui estiment avoir été abusés dans leur ignorance de l’enjeu économique des transactions. Des procédures légales ont depuis été entamées afin de rétablir une équité envers les clans qui possèdent des terres à acajous. Certains pourparlers sont toujours en cours (Korovulavula, 2005). Position favorable face aux problèmes mondiaux de production et de disparition de l’acajou Écologie générale S. macrophylla est un des trois gènes de la famille des Meliacea qui comprend également S. humilis et 75 3e colloque étudiant de l’IHQEDS S. mahogany. Ces deux derniers sont aujourd’hui éteints commercialement suite à une surexploitation de l’espèce. Le commerce de l’acajou remonte au xviie siècle, lorsque l’industrie de la navigation commence à utiliser S. mahogany, dans la Caraïbe, pour construire les mâts des bateaux. L’exploitation se fera jusqu’à l’épuisement des stocks, l’arbre réunissant des propriétés de dureté, de longueur du tronc et de droiture du tronc recherchés pour de bons mâts de bateaux. C’est par la suite que S. humilis, surtout présent en Bolivie, sera exploité jusqu’à épuisement des stocks. S. macrophylla est aujour d’hui le dernier gène de la famille des Meliacea à être commercialement exploité (Snook, 1996). L’aire de répartition des Swietenia s’étend sur tout le bassin de l’Amazone, de la côte Atlantique à la côte Pacifique, du sud du Brésil au Mexique, couvrant ainsi la plus grande partie de l’Amérique du sud, de l’Amérique centrale, du sud du Mexique et les Caraïbes. S. macrophylla se retrouve dans son aire de répartition sous forme de forêt en coupole, c’est-à-dire que les populations se trouvent groupées et dispersées de façon discontinue dans le bassin de répartition. Cette forme de distribution s’explique par le processus de reproduction de l’acajou (Helgason et al., 1996 ; Brown et al., 2003). De fait, l’acajou nécessite une surface aérée pour que les plants se développent et grandissent et les individus reproducteurs, les seuls en mesure de pro duire des graines, sont les plus anciens et les plus gros. Les graines sont dispersées par le vent et l’eau et s’établissent dans les aires perturbées par des évène ments naturels (inondation, feux de forêts, cyclone). La canopée précédente est détruite par la perturbation, permettant un accès facile et abondant à la lumière par les jeunes plants d’acajou. L’acajou est un arbre à canopée haute, à la croissance rapide, qui demande beaucoup de lumière durant la pousse. C’est un compétiteur redoutable par sa vitesse de croissance et sa canopée large qui absorbe rapidement beaucoup de lumière. Le schéma de distribution de l’acajou consiste en de larges populations équiennes (dont la majorité des individus ont le même âge) qui se trouvent de façon discontinue dans l’aire de répartition. Ce schéma de distribution s’explique par le fait que les graines et les jeunes plants nécessitant beaucoup de lumière pour survivre, colonisent et s’établissent sur des aires au préalable dégradées par des causes naturelles (Mayhew et Newton, 1998). Corrélation entre processus de reproduction et exploitation Les processus de reproduction sont repris par les forestiers pour justifier les coupes à blanc qui détruisent le bassin forestier de l’Amazone : en coupant à blanc les 76 populations d’acajou, ils établissent une aire propice à sa reproduction. La réalité s’avère différente. En effet, de nombreuses études le démontrent, les coupes forestières, qu’elles procèdent par sélection ou par coupes à blanc, exercent une pression significative sur la capacité de reproduction de l’acajou en extirpant systématiquement les individus reproducteurs (Verissimo et al., 1995 ; Rodan et Campbell, 1996 ; Whitman et al., 1997). Présentement les pratiques forestières concernant l’acajou à grande feuille sont dévastatrices sur les populations naturelles de l’espèce. Si le taux d’exploitation et la façon dont les spécimens sont exploités ne sont pas changés dans les Amériques, l’espèce est amenée disparaître sur le plan commercial, à l’instar de S. humilis et S. mahogany. C’est dans cette optique que la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) a inscrit en 1998 S. macrophylla à l’annexe II de la Convention. L’annexe II établit que l’espèce n’est pas immédiatement en danger d’extinction, mais que le rythme actuel d’exploitation est incompatible avec ses capacités de survie (l’annexe II comprend toutes les espèces qui ne sont pas nécessairement menacées d’extinction, mais dont le commerce des spécimens doit être réglementé pour éviter une exploitation incompatible avec leur survie). L’exploitation des spécimens sauvages de S. macrophylla est donc soumise à une réglementation que doivent s’assurer de suivre les États qui en font le commerce (Rodan et Campbell, 1996). Le contexte mondial de l’exploitation de l’acajou sauvage est controversé car le taux d’exploitation est supérieur à la capacité de renouvellement de l’espèce, ceci ayant pour conséquence de produire une érosion génétique de l’espèce et de mener à son extinction commerciale (Brown et al., 2003). Par ailleurs, le commerce de l’acajou sauvage est controversé dans le sens que les coûts humains liés à cette exploitation sont énormes. En effet, plusieurs compagnies forestières rejettent toute forme de réglementation et pratiquent des coupes illégales, notamment dans les réserves autochtones où vivent par exemple les communautés Kayapos du Brésil. Des cas de tueries dans les zones reculées de l’Amazonie où les équipes forestières font appel à des hommes armés pour contrôler les populations indigènes ont été signalés (Blundell et Gullison, 2003). Il se pratique également un commerce illégal de l’acajou difficilement contrôlable par les États, d’autant plus que les pays acheteurs (notamment les États-Unis, l’Angleterre et la Chine) n’exigent pas les certificats légaux délivrés par les pays exportateurs. Finalement, les routes forestières ouvertes dans les zones de plus en plus reculées de l’Amazonie et des arrières pays 3e colloque étudiant de l’IHQEDS encouragent une avancée effrénée de la colonisation agricole par les paysans. Ceci a pour conséquence d’une part de condamner le renouvellement du bassin forestier le plus important de la planète, et d’autre part, d’être à l’origine d’un lessivement des sols dont la couche fertile est peu profonde et fragile, donc peu propice à l’agriculture, maintenant dans la pauvreté les paysans colonisateurs (Walters et al., 2005). Dans cette optique, les plantations d’acajous de Fidji présentent une alternative intéressante à plusieurs niveaux. Il s’agit en effet de la plus grande superficie d’acajou plantée au monde prête à la récolte. Les stocks représentent 50 000 hectares qui entreront bientôt sur le marché international. Les revenus annuels sont estimés à 250 millions, soit une augmentation de 5 % du PIB fidjien, cela lorsque l’exploitation forestière sera en marche et efficace, soit dans une dizaine d’années. Par contre, ces chiffres tiennent compte des revenus découlant d’une industrie de transformation et de valeur ajoutée de l’acajou sur le territoire, qui n’a pas atteint à ce jour les proportions escomptées. Les plantations d’acajou ont par ailleurs ceci d’intéressant qu’elles sont le résultat d’un projet national de reboisement lancé dans les années 1960. Il s’agit à cet égard d’une entreprise nationale dont les bénéfices doivent revenir à toute la population. Les plantations sont loin des abus et des violences faites à l’encontre des populations indigènes ainsi que des menaces d’extinction de l’espèce. De plus, le capital économique que représente ces plantations a le potentiel de soutenir à long terme l’économie fidjienne (Nabalarua, 2005). Est-ce que l’aménagement de l’acajou est durable maintenant et à l’avenir ? Problèmes et possibilités. Fidji présente en même temps des particularités géographiques et sociales spécifiques qui en font un cas d’étude de premier intérêt pour des recherches sur l’exploitation forestière de Swietenia macrophylla et qui demandent à être abordées de façon plus spécifique. Un des premiers aspects à prendre en compte lorsque l’on aborde les questions environnementales aux Fidji est le fait qu’il s’agit d’un écosystème insulaire du Pacifique. Selon la théorie de la dispersion et de la colonisation de Robert MacArthur et E.O. Wilson (1967) les espèces de la flore et de la faune provenant du point chaud de la biodiversité dans le monde dont les trois angles sont situés aux Philippines, en Indonésie et en Papouasie Nouvelle-Guinée, se sont dispersées, transportées par les courants marins vers les très nombreuses îles du Pacifique. Or, le nombre d’espèces que l’on retrouve sur chaque terre émergée est déterminé par 1) le facteur de distance entre le point chaud et l’île et 2) le facteur de la superficie de l’île. Ces deux variables déterminent le taux d’extinction et de migration des espèces. Selon la théorie, plus l’île est éloignée de la source de dispersion des espèces, moins il y a de diversité d’espèces et plus il y a un taux élevé d’endémisme, les processus d’évolutions et d’adaptations étant alors plus marqués (MacArthur et Wilson, 2001). Les îles Fidji se trouvent passablement éloignées de la source de diffusion des espèces et par le fait même présentent des écosystèmes fragiles. Les écosystèmes insulaires, dont Fidji est un bon exemple, sont fragiles car le manque d’espèces laisse plusieurs niches écologiques libres, présentent peu de compétiteurs, donc une faible résistance à un possible compétiteur introduit et peu de nuisibles, donc une faible résistance à l’introduction d’un nuisible. En ce qui concerne les écosystèmes forestiers plus particu lièrement, ceux des îles du Pacifique présentent généralement une canopée moins haute car les espèces ligneuses n’ont pas grand besoin de dominer pour accéder à la lumière. Ces différentes caractéristiques de la biodiversité insulaire produisent, dans le cas des îles Fidji, un écosystème forestier fragile à l’introduction de nouvelles espèces (Denslow, 2003). Ainsi, nous pouvons comprendre que l’introduction à grande échelle de l’acajou présente un risque élevé d’invasion de l’écosystème terrestre (Richardson, 1998). Déjà, plusieurs signes donnent l’alarme : l’acajou est régulièrement trouvé en dehors des limites des plantations, particulièrement le long des cours d’eau et particulièrement dans les terres en friches des cultures vivrières qui ceinturent les plantations. S. macrophylla semble présenter des signes d’invasion virulente que nous pouvons concrètement comprendre par la fait que, premièrement, il s’agit d’une espèce issue d’un écosystème à très forte compétitivité (le bassin de l’Amazone) où la diversité des espèces en plus de leur abondance est très élevée et dans cet écosystème, S. macrophylla est lui-même un dominant. Deuxièmement, le niveau d’adaptation de S. macrophylla est remarquable, l’espèce étant fertile dans un fort gradient pH du sol, un fort gradient de pente, d’altitude et de pluviosité. Troisièmement, l’agriculture vivrière, partie intégrante du mode de vie Fidjien, fournit aux graines d’acajou une multitude de terres en friches, particulièrement propices à la colonisation (Snook et Negreros-Castillo, 2004). Finalement, les paysans introduisent eux-mêmes dans les villages et sur leurs terres des plants d’acajou afin d’en retirer des bénéfices économiques dans le futur. L’enquête sur le terrain démontre que bien qu’aucun savoir traditionnel n’accompagne l’acajou, trop récem ment introduit aux pays, les villageois ont décelé et s’inquiètent du potentiel d’invasion de l’acajou. 77 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Parmi les premiers effets observés se trouve la vitesse de colonisation de S. macrophylla des terres en friches, une vitesse qui dépasse la capacité des paysans à les extraire lorsque vient le temps des semis. Cela a pour conséquence d’obliger un déplacement des terres agricoles, les paysans devant battre en retraite et éloigner de plus en plus leurs cultures des limites des plantations. Cela est notamment dû au fait que l’acajou siphonne les nutriments du sol, rendant difficile la cohabitation avec les tubercules et autres cultures vivrières traditionnellement pratiquées qui, aux dires des cultivateurs, prennent un goût amer et dont la taille et le volume sont atrophiés. Par ailleurs, les feuilles d’acajou qui s’accumulent dans les cours d’eau entre novembre et février bloquent les drains d’approvisionnement en eau des villages, l’intoxiquent et lui donnant une couleur brunâtre ainsi qu’un mauvais goût. Cette eau endommage les tissus et altère la faune aquatique fragile des cours d’eau. Il semble par ailleurs que l’embouchure des cours d’eau qui, en amont, traversent des plantations d’acajou, puisse avoir des effets néfastes sur les récifs coralliens des lagons de Fidji justement à cause de sa toxicité. L’invasion commence à se manifester, les acajous des plantations, avec un cycle de maturité précoce de 40 ans, sont matures et donc entament actuellement un processus de reproduction et de colonisation massif. La situation est encore jeune mais demande une attention adéquate et rapide afin de déterminer le potentiel réel d’invasion de l’acajou spécifique à l’écosystème insulaire fidjien. Des impacts à plus grande échelle sont en effet à considérer en ce qui concerne l’invasion de l’acajou et dans ce sens, des aides pouvant être apporté aux paysans sont à planifier, ainsi que des moyens de répression de la colonisation en dehors des limites des plantations, particulièrement en ce qui concerne les terres agricoles. Finalement, des campagnes de sensibilisation et d’information dans les villages sont à envisager. Défis et perspectives Parmi les défis immédiats qui pointent dans la gestion des plantations, le plus important est certainement celui du projet de certification par la Forest Stewardship Council (FSC). Internationalement reconnu, le FSC est un organisme sans but lucratif qui atteste par son certificat que les méthodes d’exploitation forestière sont durables pour la ressource forestière elle-même ainsi que pour l’environnement dans lequel elle s’inscrit. Le certificat du FSC atteste également de l’équité sociale et économique pour les communautés locales et les différents intervenants (Poschen, 2000). 78 Il s’agit d’un projet à long terme, entamé aux Fidji en 2002 et toujours en cours, plusieurs étapes d’évaluation par le FSC devant être atteintes, chacune caractérisée par des recommandations et des corrections – majeures et mineures (Smartwood, 2005 ; Watling et al., 2005). Ce processus de certification, s’il est rencontré, ouvrira pour Fidji une niche économique fort lucrative étant donné la rareté de l’offre de S. macrophylla portant l’attestation du FSC. Il va sans dire que le prix des stocks fidjiens prendraient une nouvelle valeur économique et pourraient assurer à long terme un revenu économique important pour l’État (Bass, 1998). Autre défi à relever dans la gestion des plantations sera la mise en œuvre des coupes forestières. En effet, le programme de la FHCL prend du retard, en raison d’infrastructures inadéquates, d’un manque de préparation et de tensions avec les clans fidjiens qui possèdent les terres sur lesquelles se trouvent les plantations. Or, ces retards dans les coupes altèrent la qualité des stocks, le cycle de maturité des acajous avance, augmentant la probabilité des arbres d’être endommagé par la saison annuelle des cyclones. Le cas échéant, les branches cassées rendent l’arbre susceptible d’être atteint de diverses maladies naturelles, dont l’intrusion de champignons qui affectent directement la dureté du bois et le rende inutilisable comme bois de construction. Il s’agit donc d’entrer prochainement dans les processus de coupes afin de préserver la qualité du bois. Conclusion À l’échelle globale, les plantations de Fidji présentent une alternative avantageuse dans la production d’acajou, loin de la surexploitation des spécimens indigènes et des violences faites aux communautés des réserves du bassin de l’Amazone. La gestion des plantations d’acajou dans ce pays du Pacifique insulaire s’inscrit par ailleurs dans un projet national de reboisement, géré par une entreprise d’État et où les communautés locales et les différents intervenants doivent être pris en compte autant dans les processus décisionnels que dans l’équité de la distribution des bénéfices. Il apparaît cependant, lorsque l’on change de niveau d’échelle, que divers impacts, autant environnementaux que sociaux et économiques, se manifestent de façon particulière. Ainsi, dans l’analyse des aspects envi ronnementaux des plantations d’acajou de Fidji, l’appréhension du phénomène à l’échelle globale, nationale et communale, semble indispensable pour tirer la compréhension la plus rigoureuse possible du phénomène. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Bibliographie BASS, S. (1998) « Forest Certification – The Debate About Standards », Rural Development Forestry Network, Network Paper 23b (Summer 98) : 1-20. BLUNDELL, A.G. et GULLISON R.E. (2003) « Poor regulatory capacity limits the ability of science to influence the management of mahogany », Forest Policy and Economics 5 : 395-405. BROWN, N., JENNINGS, S. et CLEMENTS, T. 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Ces promesses sont reprises avec force et vigueur dans l’initiative de l’Alliance pour la Révolution verte en Afrique proclamée par les fondations de Rockefeller et Bill&Melinda Gates en Septembre 2006 et dont le but est la promotion d’un modèle de développement agricole basé sur la sélection de nouvelles variétés de semences destinées aux petits agriculteurs africains. Elles (ces promesses) affichent un engagement éthique sous la forme d’une responsabilité sociale assumées par des entreprises agro-alimentaires dans un monde où 75 % des pauvres dépendent de l’agriculture pour survivre. Ainsi présentée, l’image des entreprises et organisations œuvrant dans les biotechnologies agricoles paraît éloignée de l’idéologie de la croissance, « la croissance pour la croissance ». Accorderaient-elles désormais la plus grande priorité aux besoins essentiels des plus vulnérables de la terre ? C’est en restant dans cette logique philanthropique à l’égard des pays du Sud et en fonction de la responsabilité sociale des acteurs qui s’érigent en entreprises des sciences de la vie œuvrant pour le développement durable3 que nous nous proposons de poser les jalons d’analyse en vue d’une éthique de la coopération. En effet, si on en croit les slogans, la puissance biotech nologique se positionne, du moins théoriquement, en instrument au service de l’homme et réhabilite ainsi la pratique de la « bienfaisance » envers la plus grande partie de la population mondiale affligée par la faim, la pauvreté et « tous ces périls qui font pression sur la vie humaine en provoquant des multiples souffrances »4. Assistons-nous à une prise de conscience éthique des entreprises privées appuyées par les agences gouvernementales, les organisations internationales et les fondations caritatives ? Celles-ci semblent avoir dépassé la vision depuis longtemps dominante de Milton Freedman décriant, au nom de la primauté de la performance financière, le concept même de la responsabilité sociale au sens des exigences de l’entreprise envers les sociétés locales et le respect des droits humains. Au-delà de l’élan bienveillant des entreprises et autres organisations, force est de constater que l’agriculture fait aujourd’hui l’objet des négociations commerciales internationales5. C’est par conséquent dans ce contexte inédit parce que tributaire d’un jeu complexe inhérent aux structures internationales du commerce et des échanges des services et des biotechnologies6 et où les principes les plus fondamentaux (droit à la propriété intellectuelle et droit à l’alimentation) peuvent entrer en contradiction que nous posons la question suivante : comment les entreprises engagées dans les biotech nologies agricoles et faisant affaires avec les pays sous développés concilient-elles les promesses, somme toute humanistes7 et les exigences du marché capitaliste ? Il semble que les aspects de la RSE en matière de l’introduction des OGM dans les pays du Sud se démarquent du cadre occidental8 à l’intérieur duquel l’analyse de la RSE s’est développée. Relativement à cette notion, une lecture éthique s’avère absolument nécessaire compte tenu des spécificités prioritaires des pays en développement9. Celles-ci sont de trois ordre : premièrement, l’ensemble des PED sont de vocation agricole, deuxièmement l’agriculture est un facteur incontournable du développement durable, troisièmement la production agricole garantit la sécurité alimentaire10. Il s’agit donc dans cette analyse de relever les implications éthiques des opérations menées au Sud par différents acteurs de la filière de production des plantes transgéniques11. Notre grille d’analyse de la responsabilité sociale en tant que condition éthique des échanges Nord-Sud 81 3e colloque étudiant de l’IHQEDS dans le domaine du développement agricole s’inspire en toile de fond des critères de la bienfaisance telle que « décrite par Sénèque lorsqu’il se demande quelle sorte de bienfaisance il faut pratiquer, et de quelle manière. Il faut, dit-il, donner d’abord le nécessaire, puis l’utile, puis l’agréable, et le plus possible ce qui doit durer. Parmi les choses nécessaires relevons celles qui apportent la vie (…) ; les choses aussi sans lesquelles on ne peut pas vivre ; celles sans lesquelles on ne doit pas vivre ; et celles sans lesquelles on ne voudrait pas vivre (…). Puis viennent d’autres choses utiles comme l’honneur (…) »12. De fait, en ce qui concerne les relations NordSud, la RSE soulève une problématique à visage humain que ne saurait escamoter l’éthique pour autant que celle-ci s’inscrit dans la perspective d’humanisation des pratiques de gestion et de codes de conduite des entreprises et organisations faisant affaires avec les sociétés humaines. Notre illustration porte sur l’activité agricole au Burundi, au risque de se retrouver face à un cas de figure de la responsabilité sociale de la main invisible13. Le Burundi est l’un des pays les plus pauvres de la planète et dont les populations connaissent des famines de plus en plus meurtrières depuis 2005. L’assistance humanitaire y est généralisée et se concentre surtout dans le domaine agricole. On conviendra que ce qui est valable pour les entreprises privées, l’est également pour les agences gouvernementales, les organismes internationaux et les fondations caritatives. Car, quels que soient les acteurs impliqués dans le débat qui entoure les OGM, on invoque que la transgenèse végétale est susceptible de contribuer à l’essor économique et social des PED. L’accent porte par conséquent sur les bénéfices anticipés de l’utilisation de semences transgéniques, et donc en quelque sorte, sur les promesses du « virage transgénique ». Vulnérabilités agricoles dans les pays en développement et l’usage des biotechnologies : Cas du Burundi. La vulnérabilité a été définie par World Food Summit en 1996 comme « une situation dans laquelle se conjuguent divers facteurs qui mettent les populations dans une situation de risque les conduisant à l’insécurité alimentaire et/ou de malnutrition affectant leurs capacités à faire face à ces risques ». Au Burundi, la vulnérabilité du secteur socioéconomique touchant l’agriculture y est sans mesure alors même que 90 % de la population dépendent de leur production agricole. Parmi les multiples causes, notons – les maladies dévastatrices des cultures comme le complexe fongique pour la colocase, la bactérie BXW 14 de banane et la mosaïque de manioc – l’insuffisance de terres agraires – la mauvaise qualité de surface cultivable – l’appauvrissement des 82 sols – les maigres récoltes – le dérèglement clima tiques occasionnant tantôt la sécheresse tantôt les pluies diluviennes (pluies fortes, inondations, grêle, éboulement, etc.) – les maladies comme le SIDA et la malaria – les faibles revenus – la malnutrition – la sousalimentation – la vulnérabilité structurelle du pays – aussi, dans une moindre mesure (selon les propos des observateurs avisés) les conflits armés et le pillage des récoltes. L’insécurité alimentaire15 qui y sévit confirme la vulnérabilité à laquelle fait face les populations. On parle d’une situation d’extrême précarité caractérisée d’un déficit alimentaire grave et qui expose les populations à une faim non pas passagère mais quasi chronique, responsable d’une grave surmortalité. En effet, les chiffres16 de décès pour cause de la faim depuis 2005 montrent que les populations burundaises font partie des 100 000 personnes qui meurent de faim ou de ses conséquences immédiates tous les jours17, des 826 millions d’êtres humains en permanence sousalimentés, des 1,2 milliard d’êtres humains touchés par la pauvreté extrême (selon les critères de la Banque mondiale). Les paysans vivent dans une misère incom mensurable, celle-là même qui les confinent dans la vulnérabilité alimentaire grave. Si c’est vrai que les données montrent l’injection des semences dites, en jargon des intervenants interna tionaux, de variétés supérieures et performantes dans le système agricole au Burundi depuis 2001-2002, il convient de vérifier leur efficacité par rapport à l’impératif de lutte contre la faim et la pauvreté mais aussi dans la perspective du développement durable. Crise alimentaire et réponse des organismes internationaux Face à la crise alimentaire, la réponse des organismes humanitaires est massive : Le total des ménages ayant directement bénéficié de la distribution de semences et de matériel végétal de qualité depuis la saison 2001B jusqu’en 2006C s’élève à environ 300 000, soit 19 % de la population totale18 (30 % en 2007). Ainsi en 2006 par exemple, « l’injection dans le système traditionnel de variétés performantes et/ou saines des principales espèces cultivées (haricot, soja, maïs, sorgho, riz, vitroplants de bananiers, plants fruitiers, plants agroforestiers et boutures de patate douce riche en ß carotène) a touché environ 64 340 ménages répartis dans toutes les provinces »19. Signalons que cette intervention s’effectue exclusivement dans le cadre des aides d’urgence mais a-t-on pensé aux conséquences sur l’agriculture à long terme ? L’introduction des plantes issues des biotechnologies modernes se généralise sans égard aux principes de précaution tel que prévu par la convention internationale sur la biosécurité et la biodiversité. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS En Occident en général et en Europe en particulier, l’utilisation des plantes transgéniques est strictement sous contrôle de l’autorité publique et la vigilance de la société civile y est accrue. Ailleurs dans le monde, les controverses abondent dans tous les sens en raison de – la dépendance des petits agriculteurs aux semences importées – l’appauvrissement des populations – la pollution génétique – la contamination des sols – l’augmentation des prix des produits alimentaires de premières nécessités (la tortia au Mexique par exemple) – l’augmentation des prix des céréales sur le marchés internationaux. En 2004, des centaines des ONG représentant les sociétés civiles ont adressé une correspondance au directeur de la FAO dont voici l’extrait : « Si nous avons appris quelque chose des échecs de la Révolution verte, c’est que les «avancées» technologiques dans la génétique des plantes cultivées pour que les semences répondent à des intrants externes vont de pair avec une polarisation socioéconomique croissante, un appauvrissement rural et urbain et une plus grande insécurité alimentaire. La tragédie de la Révolution verte réside précisément dans sa vision technologique étroite qui ignore les fondements sociaux et structurels bien plus importants de la faim. » Ces remarques devraient servir de leçon de prudence dans l’intervention humanitaire. En dehors des considérations techniques, notons que l’aide humanitaire telle que livrée au Burundi est éthiquement problématique dans la mesure où compte tenu de la situation de vulnérabilité, les populations sont placées dans une position sans choix « Ou les OGM ou rien ». Il leur est impossible de discerner si l’aide reçue leur est bénéfique ou non, si les semences reçues sont adaptées aux conditions agraires du Burundi. Comment ne pas s’interroger sur les avenues de ce type d’aide à la lumière des enjeux mondiaux ? En plus d’une arme politique, le recours au moratoire20 révèle l’existence d’enjeux économiques majeurs, de même que le droit de brevet sur les OGM : « Chaque acte et chaque produit du génie génétique, d’une part, chaque organisme ou fragment d’organisme qui en est issu d’autre part, peut être breveté au titre de technologie innovante pouvant avoir une application industrielle »21. On constatera en outre qu’en dépit des possibilités potentiellement infinies d’applications de la transgénèse22 (végétale), celles-ci ne concerne qu’un nombre réduit de cultures23 en étroite relation avec les besoins de l’agriculture industrielle. En 2002, sur 100 % d’OGM, 75 % sont résistants aux herbicides, 17 % sont résistants aux insectes BT et 8 % résistants aux deux soit résistance herbicide et résistance aux insectes24. On sait par ailleurs que ces plantes spécialement élaborées pour des fins commerciales ne sont pas celles dont on fait don aux pays du Sud. Ainsi, le rapport du Ministère de l’agriculture et d’élevage mentionne qu’aucours de l’année 2006, « des attaques par les chenilles légionnaires sur les cultures de riz, de patate douce et de blé ont été signalées sur tout le territoire national. » Ce qui compromet la production agricole et résout difficilement le problème de famine. Comme le dirait Couloubaritsis, si la bienfaisance « a le mérite d’allier tout ce qu’on peut accorder à la solidarité et à la générosité, elle y ajoute les valeurs de bien faire et de faire le bien »25. Nous avons là des pistes d’analyse de la RSE, ici appliquée aux organismes humanitaires en charge de la dissémination des OGM dans les pays où sévit une grande vulnérabilité tel que le Burundi. S’il est généreux et louable de répondre aux besoins ponctuels là et maintenant, les impératifs du développement durable bien connus par ailleurs en Occident devraient orienter le mode d’intervention pour ne pas « compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Pour le cas des OGM en Afrique, la dépendance des populations assistées là et maintenant est tel qu’on se soucie peu du développement durable. Les biotechnologies agricoles sont peut-être susceptibles de contribuer à la lutte contre la faim et la pauvreté. Le saurons-nous vraiment un jour si même la philanthropie ne respecte pas les valeurs élémentaires relatives à l’éthique de la coopération ? Qu’en est-il de l’efficacité des semences dites de variétés supérieures ? Introduction des semences de variété supérieure et intrants agricoles : pour quelle efficacité ? Pour pallier à la malnutrition, les organismes huma nitaires ont jugé bon d’introduire la patate douce enrichie de Béta-carotène. Quant aux maladies des cultures à tubercule comme le manioc et la colocase et la bactérie de banane, ils prônent l’éradication systématique pour les remplacer par de nouvelles boutures. Celle-ci affecte environ 70 % de la superficie totale cultivable. « Dans le souci de rétablir une sécurité semencière minimale au niveau des communautés rurales et de faire face au problème de mosaïque du manioc qui tend à se généraliser dans tout le pays, la FAO/CAU a mis en place un programme de multi plication et de distribution des boutures de patate douce dans les provinces affectées par la mosaïque. À côté de ce programme, la même unité de la FAO a mis en place un programme de multiplication rapide de boutures de manioc saines et tolérantes à la mosaïque et de multiplication in vitro de la colocase. Pour autant qu’un appui conséquent des bailleurs de fonds soit disponible, sur base de près de 58 hectares en cours de multiplication, la FAO et ses partenaires planifie la mise en place de 600 hectares en octobre 2006 (2007A), et 6 000 hectares en octobre 2007 (2008A). 83 3e colloque étudiant de l’IHQEDS À ce rythme, la FAO et ses partenaires pourraient renouveler 70 % des champs de manioc (84 000 hectares en 2002, considérée comme une année de référence) par les nouvelles variétés en multiplication en octobre 2008. »26 Notons l’importance de la culture de patate douce dans toutes les provinces du pays en raison de la durée nécessaire à la production de banane, manioc et colocase. Ce qui entraîne la dégradation de la ration alimentaire. En effet, la généralisation, par l’action humanitaire, de la patate douce enrichie de béta-carotène n’a pas empêché l’aggravation de la situation nutritionnelle à cause de l’absence du manioc, de banane, de colocase dans l’assiette familiale. Ces cultures sont fréquemment consommées et transformées pour divers besoins alimentaires (la banane est utilisée pour la cuisson, mangée comme fruit en plus d’être une importante source de revenu pour sa production de bière et de vin de banane. On a beau multiplié la distribution des boutures de la patate douce, et quelles que soient ses qualités nutritives, cette plante enrichie de bétacarotène ne peut juguler la crise causée par les maladies de cultures. En effet, la banane et le manioc sont considérés comme étant des aliments les plus importants à la fois au Burundi et dans une grande partie de la région des Grands Lacs où 20 millions de personne dépendent de la banane. Incontournable pour la sécurité alimentaire, la culture de banane couvrait presque 25 % de la surface cultivée au Burundi. De plus, le coût de la patate douce enrichie de béta-carotène a considérablement augmenté. En 2006, elle a enregistré une importante hausse de prix dans toutes les provinces du pays (Cankuzo : +71 %, Muyinga, Karuzi : +67 %, Kayanza : +167 %, Muramvya : +150 %, Mwaro : +100 % et Gitega : +43 %)27. Cette hausse de prix est insoutenable dans un pays où, la pauvreté monétaire augmente sans cesse. Elle est passée de 68,8 % en 1999 à 70,5 % en 2004, selon le rapport national du développement humain (édition 2005). L’augmentation des prix à l’interne qui touche l’ensemble des cultures locales accentue le risque avéré de précarité alimentaire pour toute la population burundaise. Pour les différentes multiplications, les variétés se sont comportées différemment face au virus de la mosaïque. Parmi les variétés : Abbey-Ife (résistance moyenne) – variétés 7204 et 7688 (plutôt tolérantes) – variétés 0287 et 0735 (susceptibles à la mosaïque sur le même site). Pourtant, l’injection massive des intrants agricoles se poursuit : « la FAO prévoit la diffusion pour la saison 2007 de : 6 000 000 de boutures de manioc tolérantes à la mosaïque, 85 000 vitro plants de colocase, 26 500 000 boutures de patate douce riche en béta-carotène. »28 84 En fin de compte, une réalité saute aux yeux pour peu qu’on prend la peine de regarder les données : La comparaison de la production vivrière de ces dernières années avec celle des années avant-guerre est loin de certifier l’efficacité de la sécurité semencière visée par les systèmes agricoles importés : « la production vivrière totale de 2006 (…) est estimée à 3 696 000 tonnes contre 3 751 000 tonnes pour l’année précédente, soit une diminution de 1 %29. Par rapport à la production moyenne des années d’avant la crise (1988 à 1993) établie à 3 663 000 tonnes, celle de cette année accuse une augmentation de 1 % ». Manifestement, l’efficacité des plantes biotechnologiques au Burundi ne corrobore pas la promesse des producteurs des OGM. Pourquoi donc prendre des risques si graves pour l’avenir de l’activité agricole pour d’aussi minces résultats ? Les discours promotionnels des biotechnologies agri coles oublient souvent de mentionner que les pays du Sud ne sont que des consommateurs au bas de l’échelle de la filière de production des plantes transgéniques. Dans ces conditions, il est difficile de vérifier la fiabilité de leur promesse. Signalons que « 70 % des investissements dans la biotechnologie agricole sont réalisés dans le secteur privé de la recherche des pays développés et des pays en développement les plus avancés. »30 Dans le communiqué de presse du 18 février 2003, Louise Fresco, sous-directrice générale de la FAO déplore l’absence de programmes publics d’envergure s’adressant aux principaux problèmes des pauvres et de l’environnement. Ces propos éclairent sur le développement inégal (cumulatif pour les uns, d’exclusion pour les autres) et la concentration croissante des ressources productives dans les mains de l’industrie agro-alimentaire. De ce fait, en dehors de quelques initiatives31 desquelles quelques pays, les plus avancés des pays en développement tirent leur épingle du jeu, la véritable mise à disposition des pays pauvres des biotechnologies reste hypothétique. Ainsi, les différentes variétés de riz transgénique (riz de rêve plus nutritif, Aérobic Rice nécessitant moins d’eau, la pomme de terre transgénique enrichie en acides aminés nécessaire au développement intellectuel des enfants) voient le jour en Asie du Sud-Est (Cambodge, Laos, Inde, Indénésie, Thaillande)32. Au regard de besoins agricoles et humains des pays pauvres, il est peu probable que le mode de production biotechnologique soit leur moteur de développement. En revanche, la faim continue de faire ses victimes dans le tiers-monde : en 2015, trois quarts des affamés seraient des Africains selon les propos de Kofi Annan en 200233 pendant que la révolution verte alimente la croissance économique ailleurs. Certes, les coûts de la recherche biotechnologique sont indéniablement 3e colloque étudiant de l’IHQEDS onéreux mais il reste que les principales raisons d’exclusion relèvent en grande partie des facteurs indissociables du système capitaliste auquel parti cipent les organismes internationaux et agences gouvernementales. La responsabilité sociale à tous les acteurs est sans aucun doute engagée vis-à-vis des populations dont ils prétendent venir en aide. Conclusion Nous constatons la difficulté à se prononcer clairement sur la rentabilité des semences transgéniques dans les pays du Sud. De plus, il n’est pas évident de traiter de la responsabilité sociale en raison de l’absence de transparence dans le système des échanges NordSud. Et pourtant, ici et là-bas, « la transparence, dans une filière nouvelle aux réglementations mal établies, est une exigence légitime, nécessaire pour un débat démocratique. Cette transparence doit porter sur les choix opérés par les recherches scientifiques et technologiques, sur la nature des OGM, les lieux d’expérimentation en champ, le fonctionnement des commissions d’experts, l’identifi cation des responsabilités, la traçabilité des aliments et l’étiquetage des produits34. » En rapport avec l’insécu rité alimentaire, le véritable défi pour les pouvoirs publics et les sociétés civiles des pays pauvres demeure la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire, le droit à chaque nation de maintenir et d’élaborer sa propre capacité à produire ses propres aliments de base, dans le respect de la diversité culturelle et productive. Cela reste un idéal difficilement réalisable dans un contexte spécifique des pays pauvres. Car, apparemment, si la lutte contre la faim dans le monde cache les véritables motifs de l’introduction des plantes transgéniques en Afrique, la vision moderne du développement agricole qui lui est unilatéralement imposée, montre le manque de volonté à prendre en considération le respect de la diversité culturelle et productive. Notes 1. L’usage du sigle OGM s’emploie dans ce texte au sens de plante génétiquement modifiée c’est-à-dire « une plante dans laquelle chaque noyau de chaque cellule a intégré un gène (séquence d’ADN) provenant d’une autre espèce. Selon la protéine produite par ce gène, un trait particulier sera exprimé dans la plante. » Barbara Bordogna Petriccione, « OGM et biotechnologies végétales : quelles applications et pourquoi ? » p. 97 dans L’Europe et les biotechnologies : urgences et impasses d’un débat démocratique, Université de Genève, 2004. Pour en savoir sur la question technique du développement des plantes transgéniques, voir J.D. Watson, M. Gilman, J. Witkowki and M. Zoller, Recombinant ADN, New York, Scientific American Books, 2001, 2nd éd., p. 273-290. 2. Peut-on lire sur le site du Groupe Consultatif pour la recherche agricole internationale, http://www.cgiar.org/languages/langfrench.html. 3. Le rapport Brundtland définit le développement durable comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » p. 27, le rapport de Tokyo sur l’homme et la croissance. 4. Lambros Couloubaritsis, « L’ambiguïté de la bienfaisance », p. 156 in Les philosophies de l’humanisme, L’Art de com prendre, Paris, 2006, no 15. 5. Jusqu’en 1986, l’agriculture était exclue des négociations commerciales internationales. Elle était considérée comme un secteur à part, pouvant bénéficier d’une forte protection et d’un appui important des États. Plusieurs accords et con ventions régionales, internationales et multilatérales sont à répertorier. 6. La biotechnologie est définie comme étant l’application des principes scientifiques et biologiques à la modification de substances par des agents biologiques dans le but de fournir des biens et des services. Définition tirée du site http://www. acoa.ca/f/library/reports/biotech.shtml 7. Le qualificatif « humaniste » se rapporte ici à une éthique du « care » au sens de la prise en compte de la vulnérabilité des autres. Nous nous référons également au propos de Couloubaritsis concernant la crise de l’humanisme contem porain. Pour lui, l’humanisme renvoie à une obligation de répondre aux besoins des êtres souffrants. Il écrit, « dans la mesure où nous vivons dans des régimes démocratiques, qui admettent, par principe, une forme d’égalité entre les êtres humains, la réponse à la souffrance ne peut se limi ter à un choix facultatif, mais constitue une obligation qui s’impose comme un principe et une règle de vie. De sorte que la question qui surgit aussitôt est celle de savoir comment on peut justifier philosophiquement cette obli gation ». « L’ambiguïté de la bienfaisance », p. 144 in Les philosophies de l’humanisme. 8. Voir la synthèse des arguments et aspects de la RSE sur le site http://www.generistic.org. 9. Nous utiliserons PED pour désigner les pays en développement. 10. Selon la définition de la FAO lors du sommet mondial de l’alimentation en 1996, « la sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergé tiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ». 11. Les acteurs de la filière de production des plantes trans géniques sont identifiés par Barbara Bordogna Petriccione, « OGM et biotechnologies végétales : quelles applications et pourquoi ? » p. 103, 105, 107. dans L’Europe et les biotech nologies : urgences et impasses d’un débat démocratique, Université de Genève, 2004. 12. Sénèque, Les bienfaits, trad. J. Baillard, Paris, Gallimard, 1996, I, 11-15 commenté par Lambros Couloubaritsis, « L’ambiguïté de la bienfaisance », p. 156 in Les philosophies de l’humanisme, L’Art de comprendre, Paris, 2006, no 15. 85 3e colloque étudiant de l’IHQEDS 13. À notre connaissance, aucune firme agro-alimentaire n’est localisée au Burundi. Ce pays ne figure pas non plus dans la liste des bénéficiaires directs des programmes de l’Alliance pour la Révolution verte en Afrique. Et enfin, aucun institut de recherche n’est ouvertement identifié comme relié au Groupe Consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR). Néanmoins, les recherches révèlent les ramifications des activités de ces multinationales au Burundi même si officiellement seuls les organismes internationaux comme l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), du Programme Alimentaire Mondial (PAM), du Fond des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) et d’OCHA et leurs partenaires assistent les populations à travers l’introduction des semences et d’autres intrants agricoles. 14. Il s’agit d’une bactérie connue sous le nom scientifique de Wilt Xanthomonas. 15. On parle d’une insécurité alimentaire lorsque « les populations ont un accès limité à des quantités suffisantes de nourriture saine et nutritive, nécessaire à leur croissance et à leur développement normal en vue d’une vie saine et active. » 16. Il s’agit des reportages des différents sites d’informations sur le Burundi comme www.arib.info, www.burundibwacu. org, www.burundirealite.org, etc. ainsi que les rapports des organisations internationales présentes au Burundi. 17. « Quiconque meurt de faim meurt d’un assassinat », postface de Jean Ziegler, rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies pour le droit à l’alimen tation, dans Via campasina, une alternative paysanne à la mondialisation libérale, ouvrage collectif, éditions du CETIM, Genève, 2002. 18. Ministère de l’Agriculture et de l’élevage, « Évaluation des récoltes, des approvisionnements alimentaires et de la situation nutritionnelle au Burundi. Saison 2006 B, en collaboration avec FAO, WFP, UNICEF, OCHA, p. 8. 19. Ibid. 20. Le moratoire sur la commercialisation des OGM fut institué en Europe en 1997. En raison du caractère provisoire des moratoires, il a fallu que l’Union européenne se dote de règles de contrôle plus strictes pour assurer la commercialisation de produits OGM dans le respect d’exigences sanitaires mais aussi en guise d’instrument protectionniste. Comme le note Anne-Sophie Paquez, la réglementation permet depuis 1999 « à l’Europe, de combler son retard par rapport aux ÉtatsUnis en matière de développement des OGM et de préserver le marché européen des importations américaines », p. 168, dans L’Europe et les biotechnologies : urgences et impasses d’un débat démocratique, sous la direction de Maximos Aligisakis, Université de Genève, 2004. 21. « La privatisation à travers les brevets sur les biotechnologies touche donc non seulement la matière vivante mais aussi sa faculté de reproduction et la connaissance qui s’y rapporte. » R.A. Brac de la perrière, Anne briand-Bouthiaux, « Du brevet sur les OGM à la privatisation du vivant » p. 64 dans Société civile contre OGM. Arguments pour ouvrir un débat, Collectif CC-OGM, sous la direction général de Frédéric Prat, Geyser, Éditions Yves Michel, 2004. 86 22. Les plantes transgéniques sont obtenues à l’issue d’une application des biotechnologies végétales c’est-à-dire un ensemble de techniques qui utilisent des organismes vivants dans le domaine végétal. « Le génie génétique et la culture de tissus sont des techniques les plus importantes des biotech nologies végétales ». Barbara Berdogna Petriccione, « OGM et les biotechnologies végétales : quelles applications et pourquoi ? » Op. cit. 23. Au total, en 2001, le soja, le maïs, le coton et le colza trans géniques ont représenté 99 % des surfaces cultivées, dont 75 % en Amérique du Nord. D’après l’ONG internationale ETC/RAFI, les OGM de la seule firme Monsanto (Pharmacia) couvriraient 94 % des surfaces plantées en plantes trans géniques dans le monde en 2000. Source : http://www.infogm. org/article.php3?id_article=601 24. C. James, « Global Review of Commercialized Transgenic Crops : 2002 », 2003, ISAAA Briefs No 27, Preview. ISAAA, ITHACA, NY. 25. « L’ambiguité de la bienfaisance », op.cit. 26. Ministère de l’Agriculture et de l’élevage, « Évaluation des récoltes, des approvisionnements alimentaires et de la situation nutritionnelle au Burundi. Saison 2006B, en collaboration avec FAO, WFP, UNICEF, OCHA, p. 27. Ministère de l’Agriculture et de l’élevage, « Évaluation des récoltes, des approvisionnements alimentaires et de la situation nutritionnelle au Burundi. Saison 2006B, en collaboration avec FAO, WFP, UNICEF, OCHA, p. 12. 28. Ministère de l’Agriculture et de l’élevage, « Évaluation des récoltes, des approvisionnements alimentaires et de la situation nutritionnelle au Burundi. Saison 2006B, en collaboration avec FAO, WFP, UNICEF, OCHA, p. 16. 29. Ministère de l’Agriculture et de l’élevage, « Évaluation des récoltes, des approvisionnements alimentaires et de la situation nutritionnelle au Burundi. Saison 2006B, en collaboration avec FAO, WFP, UNICEF, OCHA, p. 9. 30. Thierry Raffin, « OGM : La fin de la faim ? » p. 212, dans Société civile contre OGM. Arguments pour ouvrir un débat public, 2004. 31. Voir les polémiques autour du riz transgénique doré dans Dossier Inf’OGM, no 21, juin 2001. 32. Thierry Raffin, « OGM : La fin de la faim ? », p. 213, dans Société civile contre OGM. Arguments pour ouvrir un débat public, 2004. Il cite plusieurs sources dont Bowman J., « Going for Golden Rice », Spiked On Line, 19 février 2003 ; « India : Bio-engineered Rice may halp tackle Malnutrition », The economic Times (India), 27 février 2003. « Le riz aérobie se cultive comme le blé », AFP, 21 mars 2003, Inf’OGM no 37, décembre 2002 ; « GM Potato could improve Child health », BBC News, 1er janvier 2003. 33. Thierry Raffin, « OGM : La fin de la faim ? » p. 210. 34. Inf’OGM, « Les OGM mis en question », mars 2002, fiche no 1. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Changements climatiques et impacts sur la santé : une étude à George River (Kangiqsualujjuaq), Nunavik Judith ALAIN1 Étudiante à la maîtrise en santé communautaire Université Laval Il est désormais reconnu que les impacts du réchauf fement climatique sur les écosystèmes et sur la santé des populations affecteront prioritairement les régions nordiques du monde, en occurrence l’Arctique canadien. En effet, la température dans l’Arctique a augmenté en quelques décennies, deux fois plus rapidement que dans le reste du monde et des changements encore plus marqués sont attendus dans l’avenir (ACIA, 2005). L’objectif de cet article est de présenter les enjeux principaux des changements climatiques sur la sécurité alimentaire des communautés nordiques. Cet article fait suite à un terrain de recherche de sept semaines à Kangiqsualujjuaq2, au Nunavik, où l’impact des change ments climatiques sur l’accès, la disponibilité et la qualité de la nourriture traditionnelle a été étudié3. Les changements climatiques sont maintenant supportés par des données scientifiques (ACIA, 2005 ; IPCC, 2007), mais aussi par des observations inuites (McDonald et al., 1997 ; Fox, 2002, Furgal et al., 2002 ; Communities of Nunavik et al., 2005). Parmi les changements climatiques observés, on reconnaît : le retrait des glaciers, la dégradation du pergélisol, le gel tardif à l’automne et la fonte précoce de la glace au printemps, la diminution de l’étendue et de l’épaisseur de la glace de mer, le déplacement de la distribution géographique et la diminution de certaines espèces végétales et animales (IPCC, 2007). Impacts sur la sécurité alimentaire Non seulement, ces modifications de l’environnement perturbent les écosystèmes, mais elles risquent d’affecter certains aspects de la santé des communautés nordiques (ACIA, 2005). L’accessibilité aux aliments traditionnels et le maintien de la sécurité alimentaire seront des défis majeurs pour les populations des régions de l’Arctique qui subiront un réchauffement du climat global (Nuttall et al., 2005). Comme plusieurs mammifères marins dépendent du couvert de glace pour leur survie, une réduction de celui-ci entraîne des impacts significatifs comme le déplacement de ces espèces. En effet, la répartition et l’abondance de certaines espèces importantes pour la nourriture traditionnelle des Inuit4 comme le morse et le phoque ont déjà commencé à être modifiées (Nuttall et al., 2005). En plus de ces facteurs, les conditions changeantes de la glace et de la température rendent certaines routes impraticables (Ford et al., 2006 ; Lafortune et al., 2004), perturbant ainsi l’accès aux animaux (Berner et al., 2005). La qualité de cette nourriture est également source de préoccupations, puisque les stress induits par les changements climatiques peuvent influencer l’étendue, la prolifération et la transmission des zoonoses, ces maladies infectieuses qui se transmettent des animaux aux humains (Berner et al., 2005). En ce sens, les changements environnementaux représentent des enjeux importants pour l’accès, la disponibilité et la qualité de la nourriture traditionnelle. Selon l’Organisation mondiale de la santé, les popu lations autochtones sont particulièrement vulnérables aux changements climatiques, par leur lien étroit avec la faune et la flore pour leur nourriture traditionnelle, leur distribution géographique, leur état de santé général, leur statut socio-économique et finalement par leur accès limité aux infrastructures ou aux services, comme les services de santé (Kovats et al., 2003). Toutes modifications importantes dans la quantité ou la qualité des écosystèmes arctiques représentent de nouveaux défis pour la sécurité alimentaire des communautés inuites (Nickels, 2002) et donc pour la santé (Blanchet et al., 2000). Il importe d’examiner le concept de sécurité alimentaire pour saisir son caractère essentiel à la santé. La sécurité alimentaire est définie par : « la capacité des individus d’avoir un accès physique, social et économique à une nourriture saine, suffisante et nutritive qui répond à ses besoins nutritionnels et ses préférences alimentaires pour une vie active et en santé (FAO, 1996) ». Parmi la population canadienne, les autochtones sont d’ailleurs un des groupes les plus vulnérables à l’insécurité alimentaire. Par exemple, au Nunavut, plus de la moitié de la population a déclaré avoir vécu une situation d’insécurité alimentaire (Ledrou et Gervais, 2005). Les facteurs attribuables à ce risque s’expliquent en partie par les faibles revenus, la qualité de la nourriture importée ainsi que l’accès incertain aux aliments causés par l’interruption des livraisons, les changements environnementaux ou les modifications des voies migratoires des animaux (Duhaime, 2002). L’on entend 87 3e colloque étudiant de l’IHQEDS par insécurité alimentaire, l’inhabilité à consommer une quantité ou une qualité de nourriture de manière socialement acceptable ou la préoccupation de ne pas en être capable (Davis and Tarasuk, 1994). Importance de la nourriture traditionnelle Malgré l’intérêt grandissant pour la nourriture impor tée, il reste que la nourriture traditionnelle comble une part importante de l’alimentation des Inuit. Au Nunavik, selon un sondage de 1992, la nourriture tradi tionnelle représente environ 25 % de l’énergie totale de l’alimentation parmi les hommes et les femmes. La proportion étant supérieure chez les Inuit âgés de 50 ans et plus avec 35 % de l’apport total de l’énergie (Santé Québec, 1995). Cette consommation varie de 6 % pour les centres urbains, jusqu’à 40 % pour les villages isolés (Van Oostdam et al., 2005). Ainsi, plusieurs communautés du Nord dépendent de la chasse et de la pêche comme sources de nourriture traditionnelle. Celle-ci contribue à l’apport principal de protéines ainsi qu’un apport quotidien de plusieurs vitamines et d’éléments essentiels. De plus, la consommation de poissons et de mammifères marins riches en oméga-3, contribue à la protection des maladies cardio-vasculaires et à la diminution de la prévalence de certains cancers et du diabète (Dewailly et al., 1996). Les individus préférant la nourriture traditionnelle ont par ailleurs affirmé que les aliments importés sont trop dispendieux, qu’ils sont moins nutritifs et qu’ils sont moins frais (Bernier, 2003). En outre, les activités de chasse et de pêche contribuent au maintien de la forme physique et apportent des bénéfices sociaux et culturels associés au bien-être des individus et de la collectivité. Cette nourriture est donc non seulement essentielle à la santé nordique en termes de nutrition (Blanchet et al., 2000 ; Dewailly et al., 1996), mais aussi pour le statut économique (Chabot, 2004), les bénéfices sociaux et culturels (Freeman, 1988). Bien qu’il existe plusieurs effets bénéfiques liés à la nourriture traditionnelle, un nombre croissant d’individus se tourne vers les aliments importés du sud et l’on observe un accroissement des maladies dites de civilisation comme l’obésité, le diabète, ainsi que les maladies cardiovasculaires (Van Oostdam et al., 2005). La réduction de consommation de nourriture traditionnelle entraîne une série de préoccupations relatives à la santé physique, mais aussi par rapport à la santé mentale (Van Oostdam et al., 1999). Même si des améliorations significatives de l’état de santé des autochtones canadiens ont été observées au cours des dernières années, d’importantes disparités résident toujours entre ces derniers et la population en général (Waldram et al., 1995 ; Berner, 2001). De fait, l’espérance de vie au Nunavik se 88 situe à 66,7 ans versus 79,3 ans pour la moyenne au Québec (Statistiques Canada, 2005). Le taux d’analphabétisme fonctionnel est quatre fois plus élevé que le taux québécois, la mortalité infantile atteint une proportion trois fois et demie plus grande et finalement les revenus sont 33 % plus faibles que la moyenne au Québec (Lepage, 2002). L’impact supplémentaire du réchauffement climatique est préoccupant, puisqu’il peut alourdir les priorités en santé publique. Projet de recherche en cours La tenue d’études approfondies basées sur le savoir inuit relativement aux changements climatiques a été proposée par les Inuit ayant collaboré à des études antérieures (Nickels et al., 2006). En effet, au cours des années 2002 à 2005, une série d’ateliers axés sur les changements environnementaux a été réalisée auprès de 17 communautés nordiques d’est en ouest du Canada. Ce projet de recherche s’insère dans cette conti nuité et permet d’examiner plus précisément la relation entre les changements climatiques et la sécurité alimen taire au sein d’une communauté côtière du Nunavik : Kangiqsualujjuaq. Vingt et un individus pratiquant régulièrement les activités de chasse et de pêche ont été interviewés à l’automne 2006 pour documenter les implications des changements climatiques sur leurs activités et sur leur diète. De plus, afin de comprendre les facteurs influençant les perceptions d’insécurité alimentaire, un questionnaire a permis d’établir le profil socioéconomique de chaque participant et l’accès à l’équipement de chasse et de pêche. Le choix du village de Kangiqsualujjuaq, s’explique par le fait que cette problématique a été elle-même soulevée par les résidents de la communauté. De plus, ce village isolé dépend encore grandement des aliments traditionnels pour leur alimentation. Les espèces consommées varient énormément, incluant le caribou, le phoque, plusieurs espèces de poissons, d’oiseaux et leurs œufs. La recherche sur le terrain a eu lieu en automne, puisqu’il s’agit d’une période particulièrement touchée par les changements climatiques. Les résultats espérés permettront de mieux comprendre l’impact des changements climatiques et environ nementaux sur la sécurité alimentaire. L’identification des facteurs environnementaux qui posent davantage de problèmes quant à l’accès, la disponibilité et la qualité de la nourriture traditionnelle permettra de mieux cibler les stratégies d’intervention. Le but de cette étude est d’outiller les communautés et les professionnels de la santé à mieux comprendre les impacts de la variabilité des facteurs environnementaux sur la sécurité alimentaire traditionnelle et le niveau d’adaptation des chasseurs et des pêcheurs à ces changements. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS L’adaptation aux changements climatiques Selon l’analyse des données en cours, plusieurs aspects environnementaux rapportés semblent affecter de façon négative la sécurité alimentaire, notamment au niveau de l’accessibilité physique. Par exemple, la venue tardive de l’hiver et du gel des lacs restreint les activités de chasse et de pêche à l’automne. Le même phénomène a été rapporté au printemps au sujet de la fonte précoce de la banquise. Plusieurs participants ont affirmé réduire leurs activités en conséquence à cet aspect changeant de leur environnement. Une analyse détaillée permettra toutefois d’approfondir les résultats d’ici l’été 2007. L’expérience de recherche sur le terrain permet également de souligner que l’étude des impacts des changements climatiques dans un contexte nordique est indissociable de la modernisation de la société inuite (Nuttall et al., 2005). En effet, la réduction de l’acces sibilité à la nourriture traditionnelle est influencée par plusieurs facteurs sociaux. Mentionnons, la perte d’intérêt des jeunes générations pour les activités de chasse et de pêche, le manque de temps dû aux emplois à temps plein, le coût élevé de l’équipement et de l’essence. L’impact des changements climatiques vient donc rajouter un stress sur les changements sociaux en cours, qui eux modifient l’état de santé de ces populations. Actuellement, face aux impacts des changements climatiques, on observe une capacité d’adaptation au sein des communautés. Certaines stratégies d’adaptation reflètent une modification comportementale, comme l’ajustement aux périodes de migration changeantes des animaux. D’autres mesures font appel à des solutions technologiques, telles que les stations météorologiques et l’utilisation du GPS. Toutefois, à long terme, l’existence d’un lien étroit entre l’impact des changements climatiques et les changements sociaux complexifie la problématique. En effet, les communautés nordiques vivent des changements sociaux qui affectent les activités de chasse et de pêche (Nuttall et al., 2005), ce qui influence la sécurité alimentaire des aliments traditionnels. Cette situation souligne l’importance d’intégrer des volets sociaux et culturels à des mesures efficaces d’adaptation aux changements climatiques. À titre d’exemple, la sédentarisation des communautés inuites a permis la scolarisation, toutefois la transmission du savoir inuit traditionnel nécessaire aux activités de chasse et de pêche s’érode (Ohmagari and Berkes, 1997). Un résident du Nunatsiavut a lui-même exprimé sa réalité en ces mots : « Les parents ne montrent pas toujours aux jeunes le savoir traditionnel comme avant. Cela a besoin d’être fait maintenant, d’autant plus avec tous ces changements environnementaux (Nickels et al., 2006, p. 103) »5. En ce sens, il semble qu’une adaptation adéquate aux changements climatiques nécessitera une combinaison d’actions sociales, technologiques, financières, mais aussi culturelles, et ce, en partenariat avec les communautés nordiques. Notes 1. Judith Alain est étudiante à la maîtrise en santé commu nautaire au département de médecine sociale et préventive de l’Université Laval. Elle détient un baccalauréat en biologie de l’Université Laval, profil international. 2. Ce terrain de recherche a été possible grâce au financement d’ArcticNet, Réseau de centres d’excellence du Canada et du Centre Nasivvik pour la santé des Inuit et les changements environnementaux. Un remerciement particulier à l’Admi nistration régionale Kativik pour leur appui sur le terrain ainsi qu’aux résidents de Kangiqsualujjuaq. 3. Le projet de recherche est supervisé par Christopher Furgal, Ph.D de l’Unité de Recherche en Santé publique, du Centre Hospitalier de l’Université Laval – CHUQCHUL également professeur adjoint au département des ressources environnementales et des études autochtones à Trent University. 4. Le mot inuit signifie « peuple » dans la langue des Inuit, l’inuktitut. Selon l’organisme inuit Tapiriit Kanatami, le mot Inuit en tant que nom propre ne prend pas la marque du pluriel. Tiré du site des Affaires indiennes et du Nord Canada. www.ainc-inac.gc.ca/pr/pub/wf/trmrslt_f.asp?term=18 5. Traduction libre de l’anglais 89 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Bibliographie ACIA (Arctic Climate Impact Assessment), 2005, Impacts of a Warming Arctic, Cambridge University Press, 1042 p. BLANCHET, C., et al., 2000, Contribution of Selected Traditional and Market Foods to the Diet of Nunavik Inuit Women, Revue Canadienne de la pratique et de la recherche en diététique, p. 50-59. BERNIER, S., 2003, Determinants of food choices in Arctic populations, Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval, Département de médecine sociale et préventive, Faculté de Médecine. BERNER, J., 2001, Alaska Native Tribal Health Consortium, Alaska, United States in AMAP Assessment 2002 : Human Health in the Arctic. BERNER et al., 2005, Human health, in ACIA, 2005, Arctic Climate Impact Assessment, Cambridge University Press, 1042 p. CHABOT, M., 2004, Socio-economic Status and Food Security in Low-income Households in Kuujjiuaq, Nunavik, Research Report funded under Community Health Research Programs, 123 p. 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Toronto : University of Toronto Press. 91 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Reconnaissance du statut juridique de réfugié environnemental à titre de mesure d’adaptation aux changements climatiques : Édification d’une nouvelle responsabilité collective en vertu du droit international de l’environnement Pierre-Olivier Charlebois Étudiant à la maîtrise en droit de l’environnement, développement durable et sécurité alimentaire Université Laval Paule Halley Professeure titulaire, Université Laval Lorsque l’on évoque la notion de « réfugié », le réflexe classique est de l’associer à des enjeux politiques, sociaux ou encore de sécurité nationale. Par ailleurs, depuis une vingtaine d’années, la conjoncture internationale s’est profondément modifiée et les flux migratoires se sont diversifiés1. Progressivement, de nouvelles causes d’exils se sont développées sur la base de facteurs diffus telle que la dégradation de l’environnement. Selon les experts de l’Institut pour l’environnement et la sécurité humaine (ci-après UNU-EHS)2, organe de l’Université des Nations Unies, les prochaines décennies seront le théâtre de flux migratoires massifs directement liés aux conséquences du phénomène de réchauffement climatique3. Tandis que les victimes de certains évènements ponctuels à caractère environ nemental, tels que les tsunamis et les ouragans, béné ficient de toute l’attention de la communauté interna tionale, d’autres touchées par des changements climatiques évoluant progressivement se déplacent dans l’anonymat. Paradoxalement, ces dernières demeurent, à l’heure actuelle, les plus vulnérables aux phénomènes climatiques dès lors que leur mode d’existence se dégrade de manière permanente. On observe que les mouvements forcés de populations ont donné naissance à une nouvelle forme de réfugié, soit les « réfugiés environnementaux ». Les chiffres avancés quant à leur nombre sont à ce point inquiétant que le professeur Norman Myers, de l’Université d’Oxford, estime que cet exile écologique est en voie de devenir un enjeu géopolitique majeur sur la scène internationale. Selon lui, leur nombre pourrait atteindre 200 millions en 20504, prévision d’ailleurs corroborée par le Rapport Stern (2006) sur les conséquences des changements climatiques5, ce qui ferait de la dégradation de l’environnement la principale cause de déplacement forcé dépassant ainsi les causes traditionnelles reli gieuses, politiques et ethniques6. 92 L’application contemporaine de cette notion traduit une vision renouvelée d’un phénomène ancien, c’est-à-dire les vastes mouvements des populations vulnérables aux changements de leur environnement biophysique7. Par ailleurs, l’ampleur de ces mouvements aujourd’hui et leurs conséquences sur la souveraineté des États exigent maintenant l’initiation d’une réflexion sur le statut juridique applicable aux individus touchés par cette problématique. En effet, l’état actuel du droit international de la migration et des réfugiés ne permet pas d’attribuer un statut juridique particulier à ces migrants. Sans pour autant mettre de côté l’importance d’agir à la source du problème, c’est-à-dire la prévention et le contrôle des phénomènes environnementaux, il devient essentiel de se questionner sur la responsabilité de la communauté internationale à l’égard de ces exilés de l’environnement. Cet article présentera une synthèse de notre première réflexion sur l’opportunité de cons truire un statut juridique international pour résoudre le problème des réfugiés écologiques. Pour ce faire, nous proposerons une analyse en termes de régime international qui abordera les grands principes appli cables et une réflexion sur le statut particulier des individus engagés dans des déplacements internes ou internationaux suite à la dégradation de leur environ nement. Cette réflexion se fondera notamment sur l’identification de la nature des causes de refuges écologiques ainsi que de leurs trajectoires de migrations. Nous présenterons ensuite l’état du droit international en la matière, avant d’examiner, dans un dernier temps, les développements entourant la reconnaissance d’une responsabilité collective à l’égard de ces individus. Définition et typologie des réfugiés environnementaux : qualification impérative en vue d’une protection effective La naissance de la notion de réfugié environnemental, résultante de la dégradation ou de la destruction des 3e colloque étudiant de l’IHQEDS écosystèmes, apparue pour la première fois dans la littérature onusienne en 1985 par l’entremise d’un expert œuvrant au sein du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (ci-après PNUE)8. M. Essam El Hinnaoui, dans le cadre de son rapport intitulé « Environmental Refugee9 », a défini les réfugiés envi ronnementaux comme des « personnes forcées de quitter leur lieu de vie d’une façon temporaire ou permanente, à cause d’une rupture environnementale (d’origine naturelle ou anthropique) qui menace leur existence et/ou affecte sérieusement leur qualité de vie »10. Cette définition proposée repose sur une observation de la réalité des flux migratoires de nature écologique mais elle ne permet pas de distinguer les différents types de réfugiés environnementaux11. De plus, elle ne fait pas la distinction entre des déplacements intraétatiques et des déplacements qui auraient lieu au-delà des frontières internationalement reconnues d’un État12 . Qui plus est, la notion même de réfugié environne mental a fait l’objet de nombreuses critiques notam ment quant au fait que l’utilisation du qualificatif « environnemental » simplifiait de manière excessive les causes de migrations13. Aussi, le recours à la termi nologie reliée au « réfugié » représente pour d’autres une erreur stratégique car les États seront portés à les traiter de la même manière que les « réfugiés écono miques » en réduisant leur responsabilité à leur égard14. Néanmoins, la potentialité d’un développement accru de ce type de déplacement exige dès maintenant une réflexion sur la responsabilité internationale. Typologie des causes de départ : une démarche risquée Pour certains, il existe une causalité directe entre la dégradation de l’environnement et la migration forcée tandis que d’autres soutiennent qu’il faut tenir compte d’un ensemble de facteurs qui interagissent de façon complexe pour expliquer ces migrations 15. Cette dernière approche remet donc en cause l’existence même des réfugiés écologiques tout en admettant que les facteurs environnementaux peuvent influer sur le choix ou l’obligation d’un individu ou d’une population de migrer vers une grande agglomération par exemple. La doctrine ayant évoluée avec les années, un consensus s’est alors dessiné et cinq causes principales ont été identifiées – les désastres naturels16, la dégradation de l’environnement à long terme17, le développement dans son sens large, les accidents industriels18 et les conflits armés19. Cette classification ne peut prétendre être exhaustive mais elle a tout de même le mérite de mettre en relief les dimensions écologiques, écono miques, anthropiques et politiques qui poussent les populations à se déplacer. Par ailleurs, de manière à être effective, la classification devra tenir compte aussi de certains critères relatifs à la perturbation environ nementale elle-même, telles que son origine (naturel ou technologique), sa durée (temporaire ou permanente) et son caractère intentionnel ou pas20. D’autres approches ont été proposées pour tenter de qualifier les causes de migrations. Mme Diane Bates soutient que les flux migratoires proviennent de trois types de perturbations environnementales : désastres, expropriations et détériorations21. Premièrement, les désastres font référence à des évènements extrêmes auxquels nous pourrions attacher les catastrophes naturelles et les accidents industriels. Deuxièmement, les expropriations se rapportent à des évènements per turbateurs de nature anthropique et intentionnel qui obligeront une population cible à se déplacer. Les grands développements industriels tels que la construction du barrage hydroélectrique des Trois Gorges situé au cœur de la Chine est un exemple de projet qui force de grandes populations à se déplacer. Finalement, les réfugiés qui se déplacent suite à la détérioration graduelle de leur environnement constituent le troisième type de flux migratoire. Les déplacements sont alors conditionnés par la dégradation des écosystèmes à ce point que les individus ne peuvent plus survivre avec les ressources naturelles disponibles22. Les changements climatiques et la désertification font évidemment partie de cette catégorie. Une définition permettant d’englober les nombreuses causes de l’exode écologique est-elle possible ? Cette qualification semble inévitable afin d’attribuer un statut juridique international particulier aux victimes des aléas environnementaux. Il reste tout de même à savoir si les distinctions effectuées plus haut quant aux différentes causes de migrations exigeront l’édification de protection internationale indépendante. Typologie des trajectoires de migrations Au-delà des raisons qui poussent les individus à quitter leurs habitations traditionnelles, l’élaboration d’une typologie doit tenir compte de la destination de la migration. Cette nécessité découle de la distinction entre les effets juridiques d’un déplacement interne et ceux d’un déplacement interétatique. En effet, un individu victime d’un départ forcé donnant lieu à un déplacement à l’intérieur d’un État peut bénéficier d’une protection domestique24. La migration peut parfois être saisonnière, notamment lors des moussons, ou périurbaine par une sédentarisation des nomades aux abords des grandes agglomérations. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (ci-après HCNUDH) qualifie les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays comme 93 3e colloque étudiant de l’IHQEDS étant « des personnes ou des groupes de personnes qui ont été forcés ou contraints à fuir ou à quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituel, notamment en raison d’un conflit armé, de situations de violence généralisée, de violations des droits de l’homme ou de catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme ou pour en éviter les effets, et qui n’ont pas franchi les frontières internationalement reconnues d’un État »25. Le HCNUDH décrète qu’il incombe aux autorités nationales en premier lieu le devoir et la responsabilité de fournir une protection et une aide aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays qui relèvent de leur juridiction26. Ainsi, ces personnes ont le droit de demander et de recevoir une protection et une aide humanitaire des dites autorités et ce notamment suite à une catastrophe naturelle. Par ailleurs, cette protection est-elle suffisante dans un contexte où les phénomènes climatiques les plus dévastateurs ont lieu sur le territoire des États les plus pauvres de la planète ? De plus, les principes directeurs cités plus haut sont des instruments juridiques de soft law n’ayant aucune force contraignante et souffrant ainsi d’une application bien marginale dans une grande majorité des États 27. Ils peuvent néanmoins être considérés comme un cadre pré-normatif permettant de stimuler la réflexion et de mettre en exergue les responsabilités des États à l’égard de ces déplacés. Reste à savoir s’il est possible de créer un statut juri dique international qui soit apte à protéger ce type de réfugié sans pour autant compromettre l’application du principe de droit international de non-ingérence. À ce titre, mentionnons que la notion d’urgence pourrait constituer le fondement du passage du principe de noningérence à celui du devoir d’assistance écologique28. Dans le cas des déplacements interétatiques, le droit international n’accorde actuellement aucune protection spécifique aux victimes des aléas environnementaux. C’est d’ailleurs ce qui nous amène à faire le point sur l’état du droit international en la matière. Le droit international et les réfugiés environnementaux : l’incompatibilité des textes juridiques universels Selon le recteur de l’Université des Nations Unies, M. Hans van Ginkel, « il [les réfugiés environnementaux] s’agit d’un enjeu très complexe, les institutions internationales étant déjà débordées par les demandes des réfugiés tels que définis en 1951. Nous devrions cependant nous préparer dès maintenant à définir, intégrer et accommoder cette nouvelle frange de réfugiés au sein des accords internationaux ». [Notre encadré] 94 La Convention relative au statut des réfugiés (ci-après la Convention de 1951)29 et le Protocole relatif au statut des réfugiés (ci-après le Protocole de 1967)30 sont des instruments juridiques universels en vertu desquels la reconnaissance du statut de réfugié est encadrée. Ils établissent les normes minimales en ce qui concerne le traitement des personnes reconnues comme réfugiées. Par ailleurs, il appartient à l’État sur le territoire duquel la personne se trouve au moment où elle demande le statut de réfugié d’établir la procédure appropriée afin de lui conférer ce statut, et ce en accord avec les textes conventionnels et les particularités constitutionnelles et administratives qui lui sont propres31. Ainsi, les États sont liés par leurs obligations en vertu de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 mais la majorité des demandes d’asile seront effectuées sur la base des règles de procédures établies sous les lois de l’État où se trouve le demandeur32. Ce système de droit accorde donc aux États une marge discrétionnaire leur permettant d’interpréter de manière plus ou moins stricte la définition de réfugié et d’établir les modalités et les conditions en vertu desquelles le statut de réfugié pourra être accordé. La Convention de 1951 définit le terme réfugié ainsi : « Toute personne craignant avec raison d’être persé cutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) »33. Sur la base de cette définition, il est difficile de qualifier les migrants environnementaux comme étant des réfugiés au sens de la Convention de 1951 compte tenu notamment de la référence à la « crainte d’être persécuté ». Peut-on considérer la dégradation de l’environnement comme étant une source réelle de persécution susceptible de créer chez un individu un sentiment de crainte ? Deux éléments limitatifs principaux composent la définition de « réfugié » ; la crainte d’être persécuté et les motifs motivant cette crainte 34. À l’échelle internationale, il n’existe pas de consensus quant à la définition à accorder à la persécution35. Certains auteurs l’associent à un « traitement injuste et cruel infligé avec acharnement »36. Par ailleurs, les autorités lui ont accordé jusqu’à maintenant une interprétation restrictive en limitant son application aux « faits des autorités d’un gouvernement contre des individus »37. Ainsi, sont exclus de la définition tout individu quit tant son pays dans le but de fuir des conditions de vie devenues intolérables mais qui par ailleurs ne relèvent pas des faits des autorités d’un gouvernement. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS D’ailleurs, cette rigueur d’interprétation du texte conventionnel se voit confirmée dans une récente directive dite de « qualification » adoptée en 2004 par la Communauté Européenne38. Le deuxième élément limitatif de la définition de réfugié se réfère aux motifs en vertu desquels un individu peut invoquer sa crainte d’être persécuté. Conformément à la Convention de 1951, cinq bases factuelles peuvent justifier la qualification de réfugié : la crainte d’être persécuté du fait de sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un certain groupe social ou à ses opinions politiques39. Le statut de réfugié peut dès lors être accordé qu’aux personnes qui quittent leur pays pour cause de persécution fondée sur l’un des éléments spécifiquement énumérés à la définition. Dans ce contexte, il semble peu probable qu’une personne fuyant son lieu de résidence suite à la dégradation de l’environnement ou en réaction à une catastrophe naturelle puisse bénéficier du statut de réfugié40. Sur la base de ce qui précède, faut-il envisager plutôt une protection autonome de la définition conven tionnelle ? Ces questions méritent réflexion. Le « Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié », rédigé par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés41, exclut expressément la famine et les catastrophes naturelles des causes valables pouvant mener à la qualification de personne réfugiée. Les résultats des recherches scientifiques démontrant les conséquences désastreuses des changements climatiques sur les populations devraient représenter un incitatif majeur pour mettre à jour ce type de guide, du moins de manière provisoire, jusqu’au moment où un consensus international sera établi sur la question. Une protection juridique pour les « réfugiés environnementaux » : une approche universelle pour la reconnaissance d’une responsabilité collective Dans la foulée du rapport de l’UNU-EHS42, différentes initiatives à la fois étatiques et populaires se sont développées. À titre d’exemple, citons l’« Appel de Limoges sur les réfugiés écologiques » qui prend la forme d’une résolution demandant aux États et autres acteurs de réfléchir notamment à « l’élaboration d’un statut international des réfugiés écologiques permettant ainsi d’assurer une protection de cette catégorie à part entière de réfugiés »43. L’édification de ce statut pourrait s’organiser en fonction de deux démarches normatives. La première avenue possible est l’extension de la définition de réfugié énoncée dans la Convention de 1951 pour y intégrer les dimensions environnementales en tant que source réelle de per sécution susceptible de créer chez un individu un sentiment de crainte. La deuxième avenue est la création d’un texte international soutenu par l’ONU et spécifique aux réfugiés environnementaux44. L’extension de la définition de réfugié L’objectif de cette extension serait d’élargir le spectre des droits protégés par la Convention de 1951 afin de tenir compte notamment de l’évolution de la prise en compte des droits de la personne à l’échelle inter nationale. En effet, la défense des droits humains est sans aucun doute au cœur de l’émergence d’une nouvelle forme de justice environnementale45. À cet égard, le développement du droit à un environnement sain est particulièrement révélateur. Bien qu’il y ait eu plusieurs tentatives d’instaurer un droit international de l’environnement au vingtième siècle, ce n’est qu’à la Conférence de Stockholm en 1972 que le droit à un environnement sain a été explicitement reconnu dans un document de droit international sur l’environnement46. Vingt ans plus tard, le principe 1 de la Déclaration de Rio statuait que les êtres humains sont « au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature »47. En ce sens, l’extension de la définition de réfugié pour y inclure les aléas environnementaux s’inscrit dans cette continuité de l’influence des droits de l’homme sur l’évolution du droit international contemporain48. Bien que l’idée d’une extension de la définition de réfugié paraisse efficace à première vue, reste à savoir si la question de la faiblesse du traitement nationale d’une obligation internationale ne viendra pas miner les efforts de reconnaissance des réfugiés environnementaux49. En effet, tel que mentionné précédemment, il appartient à l’État sur le territoire duquel la personne se trouve au moment où elle demande le statut de réfugié d’établir la procédure appropriée afin de la lui conférer ce statut. Cette discrétion étatique accorde la possibilité aux autorités d’interpréter la définition posée au plan inter national. Difficile alors de garantir, tel que le précise M. Kiss, à tout être humain un droit à un environnement sain compte tenu notamment que la reconnaissance d’un droit doit être accompagné de procédures et d’institutions appropriées qui en assurent l’application effective50. Or, l’application rigoureuse et restrictive de la définition soulevée antérieurement serait sans doute transposée à la nouvelle définition pouvant aller même jusqu’à déformer l’esprit même de la notion de réfugié. Qui plus est, une telle démarche d’élargissement soulè verait des oppositions sévères de la part des États qui résistent à ce type de développement51. 95 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Création d’un texte juridique international autonome et contraignant pour la protection des réfugiés environnementaux Le système juridique applicable aux réfugiés tradi tionnels semble inapproprié pour répondre aux besoins de la nouvelle réalité environnementale. Dans ce contexte, certains auteurs proposent de créer une convention internationale multilatérale non pas basée sur les principes applicables au droit des réfugiés mais sur ceux applicables au droit de l’environnement52. Cette approche aurait l’avantage de ne pas être soumis aux considérations politiques liées au droit des réfu giés tout en bénéficiant de l’attention particulière accordée au droit international de l’environnement. De plus, l’objectif de cette convention serait de porter assistance aux réfugiés environnementaux sur les lieux de la persécution et non de prévoir des mécanismes d’établissement dans l’État d’accueil53. Quels sont les principes qui pourraient être applicables à une telle convention ? En 1972, la Déclaration de Stockholm sur l’environnement54 marqua l’émergence du droit international de l’envi ronnement en tant que branche indépendante du droit international55. Le principe 21 de cette Déclaration se lit comme suit : « Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les États ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur politique d’environnement et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l’envi ronnement dans d’autres États ou dans des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale. »56 Ce principe de souveraineté sur les ressources et de responsabilité à l’égard de leur exploitation a été reconnu comme étant une base juridique solide en vue de la création de règles coutumières de droit international ou comme l’énoncé de telles règles57. En effet, il est généralement accepté en tant que norme coutumière de droit international portant essentiellement sur l’obligation de prévenir la pollution notamment trans frontalière58. Par ailleurs, il n’a pas été élargi en vue d’englober les conséquences de la pollution, dont les migrations forcées. Pour ce faire, il est nécessaire de décortiquer les éléments qui sous-tendent le principe 21. Ces éléments sont les suivants : le devoir de prévention, le devoir de minimiser les dommages et de procurer assistance qui inclut la notification, la fourniture d’information, le développement de plans de contingence et le devoir de compensation59. 96 Le devoir de prévention tire son origine de la pré misse qu’il est économiquement plus avantageux pour un État de prendre des mesures pour prévenir les dommages à l’environnement que de réagir à ces derniers. La convention devrait donc préciser que chaque partie doit tenir compte dans l’élaboration de leurs politiques de développement économique des incidences sur l’environnement notamment quant aux risques d’accidents industriels60. Le devoir de minimiser les dommages et de procurer assistance, pour sa part, porterait sur l’obligation d’une partie sur le territoire duquel survient une catastrophe écologique ou une dégradation environnementale importante de fournir assistance aux victimes61. Cette obligation incomberait aussi aux autres parties à la convention. Finalement, le devoir de compensation signifie que les parties qui ne respecteraient pas les obligations ci-dessus mentionnées devraient indemniser les États victimes des migrations environnementales. La construction d’une responsabilité internationale intégrant des objectifs de protection de l’environnement passe inévitablement par un partage équitable des responsabilités. Le principe de responsabilité commune mais différenciée62, reconnu dans plusieurs instruments conventionnels multilatéraux63, en est une bonne illus tration64. Un devoir de compensation, exercé sur la base de l’implication directe ou indirecte d’un État dans la dégradation de l’environnement, contribuerait à contraindre les responsables de cette dégradation à endosser une charge financière65. La construction d’une telle convention représenterait ainsi une mesure d’adaptation juridique au nouveau contexte écopolitique qu’engendrent les changements climatiques. Conclusion La communauté internationale peut-elle sciemment négliger de supporter une partie du fardeau provenant des flux migratoires alors que l’on ne cesse de réitérer le caractère global des changements climatiques ? À l’image du principe de « pollueur-payeur », le niveau de responsabilité des pays doit-il être fixé en proportion avec leurs émissions polluantes sur la base d’une nouvelle « justice climatique » ? Ces questions restent pour le moment sans réponse concrète. Les pays déve loppés associent les changements climatiques aux impacts que ceux-ci sont susceptibles de produire chez eux en termes de qualité de l’environnement et qualité de vie de leurs habitants. Par ailleurs, les changements climatiques ont des impacts encore plus importants sur des populations plus nombreuses et infiniment moins préparées et outillées pour y faire face – au point où cela devient une question de survie quotidienne. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Dans ce contexte, les pays développés doivent faire face à leurs responsabilités en répartissant la richesse nationale de manière équitable pour atténuer les disparités économiques et sociales et assurer un déve loppement durable au genre humain, ce qui passe nécessairement par la gestion des impacts humains des changements climatiques. Dans l’immédiat, ils doivent participer à gérer l’urgence qu’ils ont euxmêmes contribué à créer – autant sur le plan juridique qu’économique. En effet, même si de façon globale on peut dire que les pays développés – entre autre à titre de pays colonisateurs et ensuite à titre d’exploitants des richesses naturelles – ont contribué à l’élargissement du phénomène des réfugiés, c’est généralement la politique intérieure de certains pays qui a provoqué directement l’ampleur de ce phénomène. Une solution durable au problème du statut des réfugiés écologiques devra faire appel aux principes majeurs du droit international des réfugiés, dont le principe de la « solidarité internationale » et le prin cipe du « non-refoulement ». Par ailleurs, le droit international de l’environnement permettrait aussi de répondre à un certains nombres d’inquiétudes. Dans ce contexte, un partage international du fardeau et une assistance financière et technique de la communauté internationale est indispensable. Notes 1. Cournil, C., 2006, « Les réfugiés écologiques : Quelle(s) protection(s), quel(s) statut(s) ? », Revue du droit public, no 4, 2006, Libertés Fondamentales – Observatoire MidiPyrénées/Université des Sciences Sociales de Toulouse 1, p. 1037. 2. United Nations University – UNU-EHS – Institute for Environment and Human Security, [En ligne] : http://www. ehs.unu.edu/ (dernière consultation : 02/03/07). 3. United Nations University – UNU-EHS – Institute for Environment and Human Security, 2005, « As Ranks of Environmental Refugees Swell Worldwide, Calls Grow for Better Definition, Recognition, Support ». L’étude publiée le 11 octobre 2005 par l’UNU-EHS prévoit que, d’ici 2010, la dégradation de l’environnement et les changements clima tiques forceront 50 millions de personnes sur la planète à quitter leurs habitations traditionnelles et ainsi former une nouvelle catégorie de réfugié, les « réfugiés envi ronnementaux ». Voir [En ligne] : http://www.ehs.unu.edu/ print.php/article:130 (dernière consultation : 02/03/2007). 4. Myers, N., 1997, « Environmental Refugees », Population and Environment, vol. 19, no 2, p. 167. 5. Stern, N., 2006, « Stern Review : The Economics of Climate Change », HM Treasury, p. 77. Le rapport Stern précise par ailleurs que cette estimation n’a pas encore été testée mais qu’elle s’inscrit dans la logique des effets dévastateurs des changements climatiques sur les populations. 6. Myers, N., supra, note 4, p.167. M. Myers estime qu’il y a actuellement 25 millions de réfugiés environnementaux comparativement à 22 millions de réfugiés pour causes traditionnelles. 7. Les migrations étaient utilisées alors comme facteur de régulation des surplus démographiques ou « soupapes de sûreté » face aux tensions d’ordres divers, c’est-à-dire qu’elles tendaient à maintenir un équilibre entre le nombre d’habitants et les possibilités du milieu. À ce titre, voir Gonin , P., L asailly -J acob , V., 2002, « Les réfugiés de l’environnement, une nouvelle catégorie de migrants forcés ? », Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 18. no 2, p.139. 8. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) fut crée en 1972, à l’issu de la première conférence sur l’environnement des Nations Unies qui s’est tenue à Stockholm. 9. E l H innaoui , E., 1985, « Environmental Refugee », Programme des Nations Unies pour l’Environnement. Étude sur la construction du concept de réfugiés de l’environnement. 10. E l H innaoui , E., 1985, « Environmental Refugee », Programme des Nations Unies pour l’Environnement. Étude sur la construction du concept de réfugiés de l’environ nement, p. 4, cité dans Lassailly-Jacob, V., 2006, « Une nouvelle catégorie de réfugiés en débat », Revue Européenne de Droit de l’Environnement, no 4/2006, p. 376. 11. Bates, D.C., 2002, « Environmental Refugees ? Classifying Human Migrations Caused by Environmental Change », Population and Environment, vol. 23, no 5, p. 466. Par exemple, la définition proposée ne permet pas de distinguer un réfugié qui fuit les conséquences d’une éruption vol canique d’un autre qui quitte sa terre compte tenu du tarissement d’une source aquifère. 12. Bell, D., 2004, « Environmental Refugees : What Rights, Which Duties ? », Res Publica, vol. 10, p. 137. 13. À ce titre, voir Myers, N., « Environmental Refugees : An Emergent Security Issue », 13th Economic Forum, Prague, 23-27 may 2005. 14. Ibid., p. 138. 15. Goudet, J.J., « Réfugiés écologiques : un débat controversé », Revue Européenne de Droit de l’Environnement, no 4/2006, p. 381. 16. Il fait référence notamment aux éruptions volcaniques, aux tremblements de terre, cyclones ou tsunamis. 17. Mentionnons les sécheresses, l’érosion des sols, la déser tification, l’augmentation du niveau des océans et la déforestation. 18. L’usine chimique de Bhopal en Inde et le drame de Tchernobyl. 19. K eane , D., 2004, « The Environmental Causes and Consequences of Migration : A Search for the Meaning of Environmental Refugee », The Georgetown International Environmental Law Review, vol. 16, p. 211. Pour ce qui est des conflits armés, l’exemple le plus connu est celui des victimes de « l’agent orange » répandu au Vietnam par les forces armées américaines. 20. Bates, D.C., supra, note 11, p. 469. 21. Ibid., p. 469. 22. Ibid., p. 469. 23. Cournil, C., supra, note 1, p. 1055. 24. Cournil, C., supra, note 1, p. 1058. 97 3e colloque étudiant de l’IHQEDS 25. Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme, « Principes directeurs relatifs aux déplacements de personnes à l’intérieur de leur propre pays », Extrait du document E/CN.4/1998/53/Add.2, paru le 11 février 1998, (instrument juridique non contraignant), [En ligne] : http:// www.unhchr.ch/french/html/menu2/7/b/principles_fr.htm#* (dernière consultation : 03/03/07). 26. Ibid., principe 3. 27. C ournil , C., M azzega , P., 2006, « Catastrophes écologiques et flux migratoires : Comment protéger les réfugiés écologiques », Revue Européenne de Droit de l’Environnement, no 4/2006, p. 423. Mentionnons qu’un travail doctrinal est en élaboration concernant la protection des droits humains et les catastrophes naturelles. À ce titre, voir le « IASC Operational Guidelines on Human Rights and Natural Disasters : Protecting persons affected by Natural Disasters », Inter-Agency Standing Commitee, Juin 2006, [En ligne] : http://www.humanitarianinfo.org/iasc/content/ documents/working/OtherDocs/2006_IASC_NaturalDisas terGuidelines.pdf (dernière consultation : 03/03/07). 28. LaVieille, J.M., 2006, « L’assistance écologique », Revue Européenne de Droit de l’Environnement, no 4/2006, p. 404. Le principe 18 de la Déclaration de Rio de 1992 énonce : « (…) La communauté internationale doit faire tout son possible pour aider les États sinistrés. ». 29. Convention relative au statut des réfugiés, adoptée le 28 juillet 1951 par une conférence de plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et des apatrides convoquée par l’Organisation des Nations Unies en application de la résolution 429 (V) de l’Assemblée générale en date du 14 décembre 1950. Mentionnons que la notion de réfugié est aussi soulevée par certains accords régionaux, tel que la Convention de l’Organisation de l’Unité Africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, adoptée le 10 septembre 1969. Cette Convention élargit la définition de réfugié en utilisant le libellé suivant : Toute personne qui, « du fait d’une agression, d’une occupation extérieure, d’une domination étrangère ou d’événements troublant gravement l’ordre public dans une partie ou la totalité de son pays d’origine ou du pays dont elle a la nationalité » est obligée de quitter sa résidence habituelle. 30. Protocole relatif au statut des réfugiés, adoptée le 31 janvier 1967 (entrée en vigueur le 4 octobre 1967). 31. Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la convention de 1951 et du protocole de 1967 relatifs au statut de réfugiés, U.N. Doc. HCR/1p/4FRE/REV.1 (1992), art. 189. 32. Kozoll, C.M., 2004, « Poisining the Well : Persecution, the Environment, and Refugee Status », Colo. J. Int’l Envtl L. & Pol’y, vol. 15, p. 275. 33. Convention relative au statut des réfugiés, supra, note 25, art.1 A) 2) et Protocole relatif au statut des réfugiés, supra, note 26, art. 1 2). 34. Cooper, J.B., 1998, « Environmental Refugee : Meeting the Requirements of the Refugee Definition », N.Y.U. Environmental Law Journal, vol. 6, p. 482. 35. Kozoll, C.M., supra, note 32, p. 281. 36. Cournil, C., supra, note 1, p. 1042. 98 37. Cooper, J.B., supra, note 34, p. 482. La Convention de 1951 est le fruit d’une réflexion basée sur un contexte d’après-guerre. Les droits et les obligations garantis par cette Convention reflètent une vision occidentale des droits qui à l’heure actuelle, avec le développement de nouvelles formes de migrations, apparaît inappropriée. 38. Directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre aux statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, [En ligne] : http://cfda.rezo.net/textes/directive-2904-04.pdf (dernière consultation : 04/03/07). 39. Protection des Réfugiés : Guide sur le droit international relatif aux réfugiés, Haut-Commissariat pour les Réfugiés, décembre 2001, p. 9. 40. C ooper , J.B., supra, note 34, p. 483. Par ailleurs, mentionnons que Mme Cooper soutient que les désastres environnementaux peuvent dans certaines circonstances être causés par l’inaction ou le laxisme des autorités gouvernementales. Ainsi, il serait possible d’intégrer ces circonstances dans l’interprétation accordée à la persécution, c’est-à-dire « faits des autorités d’un gouvernement contre des individus ». À ce titre, voir Cooper, J.B., supra, note 34, p. 502. 41. Le Guide, supra, note 31, art. 39. 42. United Nations University – UNU-EHS – Institute for Environment and Human Security, supra, note 3. 43. A ppel de L imoges sur les réfugiés environ nementaux (2005) adopté par le Centre de Recherches Interdisciplinaires en Droit de l’Environnement, de l’Aménagement et de l’Urbanisme (CRIDEAU – CNRS/ INRA), en collaboration avec l’Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques (OMIJ) et le Centre International de Droit Comparé de l’Environnement (CIDCE) dans le cadre du Colloque International à Limoges sur les « réfugiés écologiques » sous le Haut patronage de l’Institut des Nations Unies pour la Formation et la Recherche (UNITAR) et de la Société Française pour le Droit de l’Environnement (SFDE). 44. Michelot-Draft, A., « Enjeux de la reconnaissance du statut de réfugié écologique pour la construction d’une nouvelle responsabilité internationale », Revue Européenne de Droit de l’Environnement, vol. 4/2006, p. 440. 45. Ibid., p. 441. 46. Déclaration de Stockholm, 1972, Doc. N.U. A/CONF.48/14/ Rév. Le principe 1 de la Déclaration énonce ainsi le droit à un environnement sain : « L’homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permettra de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures ». 47. Déclaration de Rio, 1992, No. E.73.II.A.14. Le droit à la qualité de l’environnement est reconnu, sous différentes formes, dans plusieurs autres textes tels que : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), art. 1 (2), le Pacte international relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels (1966), art. 1 (2), la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), art. 22 et 25. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS 48. Michelot-Draft, A., supra, note 44, p. 442. 49. Cournil, C., supra, note 1, p. 1060. 50. Kiss, A., « Définition et nature juridique d’un droit de l’homme à l’environnement », in Environnement et droit de l’homme, UNESCO, 1987, p. 15. 51. Keane, D., supra, note 19, p. 215. 52. M c C ue , G.S., « Environmental Refugees : Applying International Environmental Law to Involuntary Migration », The Georgetown International Environmental Law Review, vol. 6, p. 178. 53. Ibid., p. 179. Cette précision acquiert une importance particulière dans la mesure où une telle approche permet de prendre en considération les inquiétudes des pays développés quant aux flux migratoires majeurs qui pourraient avoir lieu sur leur territoire. 54. Déclaration de Stockholm, supra, note 46. 55. Weiss, E.B., Magraw, D.B., Szasz, P., « International Environmental Law : Basic Instruments and References », Transnational Publishers, 1992-1999, p. 22. 56. Déclaration de Stockholm, supra, note 46, principe 21. 57. Doumbé-Billé, S., « Droit international et développement durable » in Les Hommes et l’Environnement – En hommage à Alexandre Kiss, Éditions Frison-Roche, Paris, 1998, p. 248. 58. McCue, G.S., supra, note 52, p. 179. 59. Ibid., p. 180. 60. Ibid., p. 181. 61. Ibid., p. 182. Le volet notification de cette obligation consisterait à informer les États voisins et le secrétariat de la convention des risques des flots migratoires. Le volet information consisterait à rendre disponible l’information concernant l’accident où l’ampleur de la dégradation de l’environnement sur le territoire de la partie touchée. Finalement, le développement de plans de contingence permettrait de prévoir des solutions aux problèmes engendrés par les flux migratoires. 62. Déclaration de Rio, 1992, supra, note 47, principe 7. Ce principe précise ce qui suit : « Les États doivent coopérer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la santé et l’intégrité de l’écosystème terrestre. Étant donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l’environnement mondial, les États ont des responsabilités communes mais différenciées. (…) ». 63. Notamment dans la Convention de la Bâle de 1989 con cernant le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et leur élimination, Convention de 1992 sur la diversité biologique, Convention cadre sur les changements climatiques. 64. Michelot-Draft, A., supra, note 44, p. 440. 65. Ibid., p. 441. Un fonds d’indemnisation en faveur des États victimes de migrations environnementales pourrait être mise en place. 99 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Bibliographie Bates, Diane C., 2002, « Environmental Refugees ? Classifying Human Migrations Caused by Environmental Change », Population and Environment, vol. 23, no 5, p. 465-477. Bell, Derek, 2004, « Environmental Refugees : What Rights, Which Duties ? », Res Publica, vol. 10, p. 135-152. Cooper, Jessica B., 1998, « Environmental Refugee : Meeting the Requirements of the Refugee Definition », N.Y.U. Environmental Law Journal, vol. 6, p. 480-529. Cournil, Christel, 2006, « Les réfugiés écologiques : Quelle(s) protection(s), quel(s) statut(s) ? », Revue du droit public, no 4-2006, Libertés Fondamentales – Observatoire Midi-Pyrénées/Université des Sciences Sociales de Toulouse 1, p. 1036-1066. 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Nous postulons comme hypothèse de départ qu’à l’ère de la mondialisation, l’exercice de la souveraineté se déploie au sein d’une gouvernance globale à l’échelle internationale et selon de nouvelles modalités. Une manière de constater ces dernières consiste d’une part en l’observation du rôle particulier que tiennent les organisations non gouvernementales (ONG) dans le système de la gouvernance, dans lequel elles sont reconnues comme actrices légitimes et peuvent influen cer le contenu des accords internationaux qui y sont négociés. D’autre part, ces nouvelles modalités sont visibles à travers la participation de l’État à l’édification de nouvelles institutions à l’intérieur desquelles il est toujours un État souverain, avec ses intérêts et concep tions propres, et non pas seulement un délégateur de pouvoir. Pour étudier ce phénomène, nous avons choisi de nous pencher sur le cas de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et du Protocole de Kyoto, respectivement entrés en vigueur en 1992 et en 2005, et qui visent à réduire les gaz à effet de serre (GES) qui causent le réchauffement climatique. Nous présenterons d’abord certaines modifications qui ont déjà eu cours autour du concept de souveraineté. Puis, nous mettrons en relief les éléments essentiels de la gouvernance internationale. Nous tracerons ensuite un portrait de l’acteur qu’est l’ONG et montrerons les efforts que font les acteurs étatiques pour favoriser son intégration au niveau international. Suite à cela, nous pourrons dégager les mutations conceptuelles qui surviennent aujourd’hui relativement au concept de souveraineté. L’évolution de la souveraineté L’évolution du concept de souveraineté s’est effectuée graduellement, au fil de la transformation du système international. Un de ses changements les plus mar quants a certainement été son passage, au cours du xix e siècle, d’une souveraineté politique absolue, monolithique, à une souveraineté légale relative. La souveraineté politique absolue et l’interdépendance suscitée par les problèmes globaux La souveraineté politique absolue de l’État fait en sorte que ce dernier peut agir sur toute personne ou chose en dessous, au-dessus ou sur son territoire et, à l’exclusion de tout autre État ou organisation, établir les caractéristiques des institutions servant à assurer et effectuer ses opérations, promulguer ses lois et garantir leur respect ainsi que déterminer ses structures et ses tâches et les moyens de les réaliser indépendamment. Si cette conception politique de la souveraineté est la base empirique dominante du système international (Wildhaber, 1983), aujourd’hui, parce qu’elle met l’accent sur une indépendance prépondérante des États, elle n’est pas idéale et fonctionnelle. Dans le contexte des problèmes environnementaux globaux, elle ne permet donc pas de décrire la réalité des États devenus interdépendants et surtout, de trouver des solutions à ces derniers. La souveraineté, si elle n’avait pas changé aurait donc eu le pouvoir potentiel de créer « une destruction environnementale à large échelle » (Conca, 1994, p. 702). La souveraineté légale relative et l’apparition de nouveaux acteurs D’un point de vue théorique, nombreux ont été ceux qui ont tenté de trouver une solution à ce qui ressemblait de plus en plus à une impasse. C’est pour cette raison que l’on s’est peu à peu retourné vers le droit international qui, préconisant une souveraineté légale relative, se constituait en véritable symbole d’interdépendance. Selon Arbour (2002, p. 260), il ne fait d’ailleurs plus de doute que le concept de souveraineté ne peut plus être absolu : « la notion de souveraineté demeure essentiel lement relative et l’idée d’omnipotence et d’absolutisme qu’elle tend à accréditer ne résiste pas à un examen sérieux de la réalité ». 101 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Si cette souveraineté ne rend pas l’État sujet d’autres États, elle en fait toutefois un sujet de droit interna tional. Dans cette perspective, l’État accepte de trans férer certains pouvoirs à l’échelon international. Ce principe de consentement, qui se définit comme le fait d’accepter des restrictions à sa liberté d’action (Fried, 1998), ne représente toutefois pas une autolimitation, mais bien une limitation d’un niveau de souveraineté, par un exercice de la souveraineté à un autre niveau, selon des modalités coopératives. L’État, constitutifs des organes internationaux, continue en effet d’être partie prenante de ses instances décisionnelles. Si la souveraineté légale a permis de faire face à la réalité des problèmes environnementaux globaux, elle n’en demeure pas moins une conception basée sur les seuls acteurs étatiques et n’intègre pas tous les acteurs pertinents à la question des changements climatiques. Avec une présence accrue d’acteurs non étatiques sur la scène internationale, comme les ONG, force est donc d’adapter à nouveau le concept de souveraineté. La souveraineté verte En s’attardant au verdissement de la souveraineté dans le contexte des problèmes environnementaux globaux, c’est en partie à cette adaptation que s’est consacrée Karen Litfin (1997), qui a décomposé le concept de souve raineté (désormais « verte ») en trois éléments distincts : le contrôle, l’autonomie, mais surtout, la légitimité. C’est cette dernière qui, en rappelant la réalité de la sou veraineté populaire, nous éclaire sur la manière dont les ONG peuvent transformer les modalités d’exercice de la souveraineté. L’« activisme transnational » des ONG apporterait ainsi de nouvelles sources de légitimité pour l’État (dont le respect des ententes qu’il prend, même dans le cas d’ententes non contraignantes). L’État doit tenir compte, dans une certaine mesure, des demandes des ONG pour être légitime face à la population (par exemple, par la mise en place de mesures de réductions des GES ou encore de nouvelles normes en cette matière), ce qui impose certains défis à sa traditionnelle autorité. On parvient de cette façon à faire le pont entre la participation démocratique et la souveraineté (trop longtemps oublié selon Litfin). Du coup, la légitimité n’est plus seulement la reconnaissance d’un État par les autres États. Selon nous, à partir du moment où l’on accepte le postulat d’une pluralité d’acteurs et de lieux d’actions, il apparaît clair que l’on peut référer au concept de gouvernance pour expliquer la réalité du monde actuel. Centrale à notre recherche, la gouvernance est en effet l’environnement dans lequel la souveraineté doit aujourd’hui exister. La gouvernance Le déclin du système stato-centré Une des caractéristiques les plus saillantes de la gou vernance réside dans le fait qu’elle remet en question le paradigme stato-centré du système international, qui devient de plus en plus inadéquat pour résoudre les problèmes politiques clés et pour gérer un vaste éventail de fonctions publiques (Held, 1995). La recherche du bien commun, auquel appartient la qualité de l’environnement, impliquerait une intégration de la société civile et des institutions supranationales dans une logique qui enlève à l’État sa traditionnelle position centrale dans le système international. On peut donc voir que la société civile, qui peut se décliner en termes d’activisme transnational (Litfin, 1997) se déployant dans les ONG, participe de cette remise en question du modèle stato-centré des relations internationales et force l’État à coexister avec de nouveaux acteurs. La démocratisation des organisations globales Dans un tel système, les ONG parviennent à se faire une place sur la scène internationale et à se rappro cher du processus décisionnel des organisations inter gouvernementales, ce qui est une façon de pallier un déficit démocratique de plus en plus dénoncé au niveau international (Cellarius et Ellis, 2005). De cette manière, les ONG quittent l’État dont elles émergent et se « transnationalisent » dans le but de prendre place sur la scène internationale, aux côtés des acteurs que sont les États, notamment au sein de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Ce faisant, elles contribuent à la démocratisation des organisations globales de la gouvernance (Hewson et Sinclairs, 1999). Ce phénomène fait en sorte que la démocratie, qui se manifeste maintenant sur la scène internationale, n’est plus un concept propre aux seules affaires internes des États. Le déclin du système stato-centré, qui permet une intégration des ONG dans les organisations internationales, favorise ainsi la démocratisation des organisations globales de gouvernance (figure 1). Figure 1. Évolution de la démocratie dans le système international Déclin du sytème stato-centré 102 Intégration des ONG au sein des organisations internationales Démocratisation des organisations globales de la gouvernance 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Le nouveau paradigme du système international En repensant les modes d’interactions stato-centrées des relations internationales, Kehoane et Nye, dès 1973, ont bien illustré comment se présentent les interactions entre les acteurs du système international (figure 2). Ils ont en ce sens effectué un véritable changement de paradigme, se constituant en authentiques précurseurs de la gouvernance2. Dans le schéma du haut, on voit en effet le modèle classique d’interactions stato-centrées, dans lequel les sociétés interagissent sur la scène internationale par le bais de leur gouvernement national (S1 à G1 et S2 à G2). Le schéma du bas montre pour sa part un modèle où se déploient de nouvelles interactions. Elles peuvent avoir lieu entre les sociétés (S1 à S2), entre les sociétés et les organisations intergouvernementales (S1 à IGO Figure 2. Changement de paradigme du système international (Tiré de Kehoane et Nye, 1973.) Modèle d’interactions stato-centrées (paradigme classique) : les gouvernements sont les agences à travers lesquelles les sociétés traitent les unes avec les autres. IGO G1 G2 S1 S2 Politiques interétatiques Politiques domestiques G = gouvernement S = société IGO = organisations intergouvernementales Interactions transnationales et politiques interétatiques : pour chacune des lignes « interactions transnationales », au moins un des acteurs n’est pas gouvernemental ou organisation intergouvernementale. IGO G1 G2 S1 S2 Politiques interétatiques classiques Politiques domestiques Interactions transnationales G = gouvernement S = société IGO = organisations intergouvernementales 103 3e colloque étudiant de l’IHQEDS et S2 à IGO) ou entre une société et un gouvernement autre que celui qui la gouverne (S1 à G2 et S2 à G1). Selon la terminologie de ces auteurs, lorsque les acteurs de cette politique mondiale transcendent les frontières, comme dans la figure du bas, nous abordons des interactions transnationales, celles-ci impliquant des acteurs non gouvernementaux – individus ou organisations – parallèlement ou non à des acteurs gouvernementaux. Les organisations non gouvernementales et les efforts d’intégration au niveau national et international des acteurs étatiques Les ONG Des divers auteurs étudiés, on peut retenir que l’ONG met de l’avant certaines valeurs et intérêts partagés par ses membres qui en déterminent collectivement les activités, qu’elle n’est pas créée en vertu des gouver nements centraux mais peut cependant inclure des personnes des autorités publiques locales, qu’elle ne comporte pas de but lucratif et que son objectif est d’une part de répondre aux besoins des membres qui la composent ou des communautés qui coopèrent avec elle, et d’autres part, d’influencer les politiques en faveur de leurs aspirations (Anheier, Glasius et Kaldor, 2001 ; Nowrot, 1996-1997 ; Alkoby, 2003 ; Le Prestre, 2005 ; ONU, Conseil économique et social, 1996 ; ONU, Assemblée générale, 2004a ; Rosenau, 1990 ; Wapner, 1998 ; Raustiala, 2001 ; Luard, 1990). Les ONG, sous-catégorie de la société civile, s’en dis tinguent par le projet politique qu’elles portent, et en ce sens, sont davantage porteuses de transformations sociales. Les activités des ONG Pour atteindre les buts politiques qu’ils poursuivent, ces acteurs non étatiques mènent diverses activités visant à pénétrer le système international. Principalement, il s’agit de celles qui sont entreprises de leur propre chef et de celles qui sont menées dans le cadre des dispositifs de participation des ONG à la CCNUCC. Bien que nous ne les détaillerons pas dans le cadre de cet exposé, les premières consistent en la contribution à la déter mination de l’agenda international, la contribution à la connaissance des enjeux et la popularisation des problèmes environnementaux auprès du public, la fourniture de conseils politiques et d’informations aux acteurs étatiques, l’influence des procédures de négociations internationales par la pression politique et la surveillance des actions gouvernementales (Raustiala, 1997 ; 2001). Par ailleurs, d’autres activités des ONG se déploient dans certains dispositifs de l’ONU qui visent à offrir des moyens de participation aux ONG afin qu’elles puissent 104 exprimer leur point de vue en regard de l’enjeu des changements climatiques. À titre d’exemple, on peut lire dans l’article 4.1 i) de la Convention, que les Parties Encouragent et soutiennent par leur coopération l’éducation, la formation et la sensibilisation du public dans le domaine des changements climatiques et encouragent la participation la plus large à ce processus, notamment celle des organisations non gouvernementales ; Par ailleurs, en vertu de l’article 7.6 de la Convention, les ONG qui le demandent jouissent pleinement du droit d’être observatrices lors des Conférences de Partie (CdP) et des Réunions des Partie (RdP)3. Lors des réunions officielles, les ONG parviennent aussi à se faire une place, notamment par leur assistance et par la production de déclarations, bien qu’elles ne disposent que d’un court laps de temps pour exprimer leurs visions. Enfin, l’article 7, 2 l) de la Convention spécifie pour sa part explicitement que la CdP a la possibilité de recourir à l’expertise des ONG. Ainsi : « Le cas échéant, elle sollicite et utilise les services et le concours des organisations internationales et des organismes inter gouvernementaux et non gouvernementaux compétents, ainsi que les informations qu’ils fournissent ». Les ententes internationales et le droit international comme instrument d’intégration des organisations non gouvernementales Avec l’évolution des ententes internationales et du droit international, qui se mettent à évoquer de plus en plus la participation publique, entre autres dans la Déclaration de Rio4, l’Agenda 215 et la Convention d’Aarhus6, davantage d’opportunités de pénétrer le système international sont laissées aux ONG. Bien que les États « relativement souverains » soient les entités opérationnelles du système international, les ONG réussissent tout de même à avoir une certaine emprise sur eux par leur présence, bien qu’elle ne soit pas encore formelle et élargie7. En prévoyant certaines dispositions pour favoriser la participation des ONG, comme on l’a vu dans plusieurs accords de l’ONU, l’occultation de leur présence, qui se présentait selon notre cadre théorique comme la principale limite de la souveraineté légale, se résorbe. Nos observations montrent en effet qu’aujourd’hui, les ententes interna tionales et le droit international sont davantage ouvert qu’auparavant aux autres acteurs que les États. Dans cette perspective, ils seraient une véritable porte d’entrée dans les organisations internationales pour les ONG. L’ONG transnationale pourrait influer par leur biais sur l’ensemble des États qui se regroupent dans les organisations intergouvernementales. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS La souveraineté dans le contexte de la gouvernance Cette présentation des acteurs de la gouvernance et de leur intégration sur la scène internationale est certes convaincante quant au dynamisme du système inter national. Qui plus est, elle souligne la nécessité de réajuster constamment certains paramètres de l’État, qui constitue la base traditionnelle de ce système. La souveraineté fait bien entendu partie de ces éléments appelés à changer. L’imposition progressive de la gouvernance comme nouveau paradigme du système international contribue à expliquer le second temps fort de l’évolution de la souveraineté, soit le passage d’une souveraineté légale relative stato-centrée à une souveraineté relative dans un contexte de gouvernance. Principalement, notre analyse révèle que la souveraineté peut toujours exister dans ce contexte, mais qu’elle doit maintenant obéir à de nouvelles modalités d’exercice. La plus importante de celles-ci est selon nous la nouvelle quête de légitimité que doivent poursuivre les acteurs étatiques, en mettant sur pied des institutions et des procédures visant à faire participer la société civile. En se rapprochant de l’ONU, les ONG participeraient ainsi à l’émergence d’un espace de débat au sein duquel les acteurs étatiques formeraient certainement le cœur, mais n’incarneraient toutefois pas les seuls interlocuteurs légitimes. C’est notamment ce que l’on constate lorsque la CdP et la RdP accèdent à certaines demandes provenant des ONG ou acceptent de modifier leur position en leur faveur. Une participation des ONG largement circonscrite par les États En terminant ainsi notre analyse, nous pourrions con clure à un éminent caractère démocratique du système international. Pourtant, force est de constater que si les ONG s’intègrent davantage aux organisations intergouvernementales et se rapprochent du proces sus décisionnel, elles n’y prennent toutefois pas véritablement part. Les canaux démocratiques claire ment établis au niveau domestique, notamment le vote, demeurent en effet ambigus lorsque l’on passe à l’échelon international. Les ONG, par exemple, n’ont pas le droit de voter à l’ONU, ni même la possibilité de participer concrètement à l’élaboration des textes des accords. L’ONU intègre de fait les ONG d’une manière précise, soit selon des modalités qu’elle définit elle-même. Certes elle les consulte, leur demande des informations ou les implique dans l’éducation du public par exemple, mais on remarque malgré tout une participation plus formelle des ONG au début des processus de négociations, alors que quand viennent « les choses sérieuses », elles sont de plus en plus exclues et en marge des processus officiels (Alkoby, 2003). L’ONU semble en quelques sorte jouer le rôle d’un filtre pour les demandes et recommandations des ONG, ce qui facilite notamment la tâche des États, au niveau national, constamment à la recherche d’un équilibre entre la volonté de leur société domestique et les tractations interétatiques menées au niveau international. Ceci aurait aussi pour effet de réduire au maximum les risques de divergences entre l’État et les citoyens. Enfin, le pouvoir des ONG demeure soumis à la volonté des États d’accepter ou de refuser leur position, les normes démocratiques étant circonscrites par la volonté de l’ensemble des acteurs étatiques. Les ententes internationales et le droit international qui se développent sous l’égide de l’ONU seraient donc toujours le propre des États, la société civile globale, qui se regroupent en partie dans les ONG transnationales, demeurant en marge des procédures officielles (Falk, 1999). En un mot, les ONG seraient libres de faire ce qu’elles veulent, mais dans les limitent définies par l’État. La CCNUCC et le Protocole de Kyoto, constituent donc bel et bien une entente internationale et un accord de droit international, mais pas encore « inter acteurs ». L’État conserve ainsi dans ces accords toute sa primauté et y déploie sa souveraineté. Il y aurait donc un pas à faire afin d’évacuer toute tension entre ces accords internationaux et la gouvernance. Conclusion : une gouvernance conditionnelle à la souveraineté À la lumière des affirmations précédentes, on constate que la souveraineté de l’État est très loin d’être mise en péril. Notre étude de cas révèle seulement que la sou veraineté s’exerce selon de nouvelles modalités qui se définissent en rapport avec la compréhension différente de la gouvernance par les ONG et par les États. Pour les ONG, la conception du phénomène de gou vernance s’effectue avec le souci de consolider leur pouvoir d’influence sur les États souverains dans le but moduler le monde selon leurs aspirations. Les nouvelles modalités d’exercice de la souveraineté résident donc beaucoup dans le fait que les ONG contraignent l’État à exercer sa souveraineté selon une quête de légitimité qui l’oblige à instituer des procédures destinées à la participation de la société civile au niveau international. Du coup, les ONG forcent les États à conférer une forme institutionnelle différente à l’ONU. 105 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Puis, la reconnaissance du phénomène de gouvernance par les États se réalise quant à elle avec la volonté de demeurer des acteurs légitimes afin de conserver leur souveraineté et pour avoir primauté sur les autres acteurs. Pour ce dernier, accepter le nouveau paradigme de la gouvernance, c’est accepter de nouvelles modalités d’exercice de la souveraineté, alors que le nier, c’est soutenir la perte de légitimité, élément fondamental de la souveraineté, engendrée par cette négation. Ce sont donc principalement les États qui décident de la forme du système international, en considérant juste suffisamment l’influence des ONG, garantes de la légitimité indispensable à l’État pour demeurer souverain. Les actions des ONG se déploient ultime ment dans cette forme habilement imposée, la légitimité se révélant la clé de voûte de tout un système de pouvoir. Tout ceci se résume donc en quelques mots : tant que les États auront cette préoccupation d’être légitimes, les ONG pourront avoir une certaine influence, ces deux éléments étant en quelque sorte, proportionnels. Notes 1. Candidate à la maîtrise en sciences de l’environnement, Institut des sciences de l’environnement, Étudiante-cher cheur, Chaire de responsabilité sociale et de Développement durable, Université du Québec à Montréal. demers.valerie@ courrier.uqam.ca. 2. À l’époque, c’est surtout le terme de politique mondiale qui était utilisé par ces auteurs que l’on disait interdépendantistes. 3. L’organe suprême de la Convention est la CdP (CCNUCC, art. 7.2) alors que celui du Protocole de Kyoto est la RdP (Protocole de Kyoto, art. 13.1). Les États qui ont ratifié la CCNUCC sont tous membres de la CdP, et ceux qui ont ratifié le Protocole (et préalablement aussi la CCNUCC) sont tous membres de la RdP. La CdP et la RdP sont donc essentiellement la même entité. Le rôle de la CdP et de la RdP est de « faire le point sur l’application de la Convention, adopter des décisions qui élaborent davantage avant les règles fixées et négocier de nouveaux engagements » (ONU, 2005a, p. 10). 106 4. Suite à a déclaration de Stockholm, la nécessité de protéger l’environnement se fait de plus en plus vive et cette volonté apparaît graduellement dans divers textes, précurseurs des conventions de Rio. Une grande place est ainsi faite à l’information et la Déclaration ira même jusqu’à établir que la participation publique est un principe fondamental (Grandbois et Bérard, 2003). 5. Le programme Action 21 vise à agir afin de solutionner les « problèmes urgents d’aujourd’hui » (ONU, 2005b, art. 1.3) dans la sphère du développement et de l’environnement résul tant d’un « consensus mondial et un engagement politique au niveau le plus élevé sur la coopération ». (ONU, 2005b, art. 1.3). 6. La Convention d’Aarhus est celle qui traduit le mieux le principe de la Déclaration de Rio sur les droits de partici pation publique, elle : « s’appuie sur la reconnaissance des liens entre les droits fondamentaux et la protection de l’environnement pour imposer aux États des obligations non seulement à l’égard des autres États membres, mais aussi à l’endroit de la société civile » (Grandbois et Bérard, 2003, p. 445). Son objectif est « de “contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer la santé et son bienêtre » (Grandbois et Bérard, 2003, p. 446). La Convention prévoit notamment que quiconque doit avoir accès à la justice en matière d’environnement : « Le droit interne doit également permettre à la population et aux ONG d’intenter des recours administratifs et judiciaires pour que les lois sur l’environnement soient appliquées lorsqu’une infrac tion est constatée » (Grandbois et Bérard, 2003, p. 447). 7. Les ONG sont solidement intégrées dans ce que Raustalia appelle les procédures informelles mais pas encore véritablement dans les procédures formelles. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Bibliographie Alkoby Asher. 2003. « Non-State Actors and the legitimacy of International environmental law ». Kluwer Law International, vol. 3, p. 23-98. Anheier, Helmut, Marlies Glasius and Mary Kaldor. 2001. « Introducing Global Civil Society ». Chap. in Global Civil Society, p. 3-22, Oxford : University Press. Arbour, J.-Maurice. 2002. Droit international public, Cowansville (Qué.) : Yvon Blais Inc., 840 p. Canada. 2005. 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Les accords multilatéraux de l’environnement (AME) sont parmi les outils utilisés par les États afin de gérer, et éventuellement de résoudre, des problèmes d’environnement1. Une des difficultés dans l’application des AME est qu’ils sont ratifiés par les gouvernements nationaux, alors que les problèmes d’environnement relèvent typiquement de plusieurs paliers gouvernementaux ainsi que d’une kyrielle d’autres acteurs2. Pour répondre à leurs buts, les AME doivent avoir un impact, direct ou indirect, à des échelles diverses, notamment aux échelons gouvernementaux infranationaux3. Il importe donc de comprendre l’influence des AME au-delà des gouvernements centraux qui les négocient. Cette recherche vise à décrire l’efficacité en termes de mise en œuvre d’une entente internationale sur l’environnement à différents paliers de gouvernement et à identifier les facteurs qui facilitent ou entravent cette mise en œuvre. Nous présenterons d’abord cadre théorique de cette étude et l’état des connaissances dans le domaine, puis les questions et hypothèses de recherche et la méthode employée, avant d’exposer et de discuter les résultats obtenus. Cadre théorique et état des connaissances Les régimes Ce projet de recherche, qui s’intéresse au rôle d’un AME, peut être associé au programme de recherche sur les régimes, qui examine comment s’organise la coopération à l’échelle internationale et la manière dont les acteurs d’un régime (ou d’un AME) le mettent en œuvre et s’y conforment4. Notre projet se situe cependant tout en aval de la théorisation des régimes, qui concerne habituellement les relations internationales. Il ne sera pas question ici de la formation d’un régime, ni de son évolution à l’échelle globale, mais de l’influence d’un AME existant sur un gouvernement national et ses échelons internes. Cet angle d’approche reflète l’évolution des préoccupations de recherche du domaine, qui ont migré de l’apparition des régimes vers leur efficacité. Cette influence des AME sur les États et leur structure politique interne est essentielle dans les pays où les pouvoirs en matière d’environnement sont partagés entre paliers et organismes gouvernementaux. L’efficacité À cause de la possibilité limitée d’user de sanctions et de la mise en œuvre difficile de plusieurs AME, certains questionnent leur efficacité5. Cette efficacité est d’ailleurs entendue de plus d’une manière. Nous la mesurerons en termes de mise en œuvre, un AME est alors efficace si ses dispositions sont traduites en mesures législatives et politiques par les États Parties, sans égard à la solution du problème environnemental visé. État des connaissances des facteurs affectant la mise en œuvre Les travaux sur les AME ont plus souvent porté sur leurs négociations que sur le sort post-signatures des accords6. En conséquence, la connaissance des facteurs influençant la mise en œuvre est, à ce jour, approxi mative et ne concerne pratiquement que la mise en œuvre nationale, sans égard aux échelons gouver nementaux infranationaux7. S’il est illusoire, compte tenu de la complexité des phénomènes en cause, de penser expliquer précisément les facteurs affectant la mise en œuvre des AME à l’échelle planétaire8, mieux connaître ce qui affecte la mise en œuvre d’une entente internationale pourrait permettre de faciliter cette mise en œuvre9. Selon notre revue de la littérature, plus de 80 facteurs affecteraient la mise en œuvre des AME. D’autre part, la nature de ces facteurs est variée, il peut s’agir des caractéristiques du problème d’environnement, comme celles de l’AME, du contexte international ou du pays (allant de ses culture et histoire, en passant par son économie, sa politique, ses valeurs et sa géographie)10. En somme, les facteurs influençant l’efficacité auraient des effets mitigés, leurs interrelations seraient dyna miques, complexes et contradictoires, à l’occasion11. 109 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Chaque problème aurait ses caractéristiques qui déter minent les réactions possibles12. Question et hypothèses de recherche La question de recherche à laquelle nous avons voulu répondre est la suivante : « Pourquoi observe-t-on des différences dans le degré de mise en œuvre d’un AME entre les échelons des gouvernements national et infranationaux et entre les unités politiques (UP)13 ? » À partir de cette question nous avons formulé trois hypothèses. Une est descriptive : HA1 : Il y a une variation de la mise en œuvre de l’article 6 de la CDB selon et entre les échelons gouvernementaux. Et deux hypothèses sont explicatives : HB1 : En Équateur, ce sont principalement les ressources et les capacités des unités politiques qui déterminent le degré de mise en œuvre. HB2 : Ce sont des caractéristiques de l’appareil politique, de la société civile ou l’engagement d’acteurs externes14 qui déterminent le degré de mise en œuvre de l’article 6 de la CDB, plutôt que les ressources et capacités de l’unité politique. En formulant ainsi les hypothèses HB1 et HB2, nous voulions tester l’affirmation, courante dans les négo ciations et forums internationaux, selon laquelle les PED ne peuvent appliquer les accords internationaux, faute de ressources15. Méthode Notre testerons nos hypothèses en menant une étude de cas multiples. Ces cas proviendront cependant tous du même pays pour des raisons pratiques, soit nous permettre d’examiner en détail le lien global-local, sous-étudié mais capital. Présentation du cas Le cas étudié sera celui de la mise en œuvre de la Con vention sur la diversité biologique (CDB), une entente relativement peu étudiée dont l’objet est aussi, voire davantage, vital pour l’humanité que les changements climatiques, par exemple16. Plus spécifiquement nous nous concentrerons sur l’article 6 de cette entente, qui en constitue le cœur17 : Article 6. Mesures générales en vue de la conservation et de l’utilisation durable Chacune des Parties contractantes, en fonction des conditions et moyens qui lui sont propres : a) Élabore des stratégies, plans ou programmes natio naux tendant à assurer la conservation et l’utilisation 110 durable de la diversité biologique ou adapte à cette fin ses stratégies, plans ou programmes existants qui tiendront compte, entre autres, des mesures énoncées dans la présente Convention qui la concernent ; b) Intègre, dans toute la mesure possible et comme il convient, la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique dans ses plans, programmes et politiques sectoriels ou intersectoriels pertinents18. L’étude sera menée en Équateur, un des pays du groupe dit « méga-divers »19. L’Équateur est une fédération ; il y existe quatre paliers gouvernementaux20. Nous avons étudié les trois échelons gouvernementaux supérieurs (fédéral, provincial, cantonal), le dernier échelon – paroissial – étant peu organisé à ce jour21. Quatre provinces ont été examinées (Azuay, Cañar, Loja, Zamora Chinchipe), dans lesquelles le canton abritant la capitale provinciale a aussi été étudié. Avec le niveau fédéral, neuf unités politiques ont ainsi été analysées. Cela permettra une comparaison entre quatre provinces et entre quatre cantons. Puisque notre but n’est pas de statuer sur la progression de la mise en œuvre et afin de simplifier l’accès aux données, l’étude porte sur les années 2005 et 2006. Cependant, certains indicateurs, telle la stabilité politique, se mesurent à plus long terme. Dans ces cas, la période retenue est de 1993 à 2006, soit à partir de la ratification de la CDB par l’Équateur. Présentation des variables Les facteurs affectant la mise en œuvre – soit nos six variables indépendantes – qui ont été analysés sont les ressources financières et humaines des unités politiques, la stabilité et la volonté politiques, les capacités de la société civile ainsi que l’engagement d’acteurs externes. Ils ont été retenus car ils sont largement soutenus par la littérature, mais aussi parce qu’ils sont mesurables à différents échelons gouvernementaux. Les variables dépendantes mesurées sont la mise en œuvre des alinéas a) et b) de l’article 6 de la CDB. Chaque variable a été mesurée grâce à un ou quelques indicateurs. Collecte de l’information Deux techniques de collecte d’information ont été employées. Celle de l’observation documentaire, soit l’examen des sites Internet, publications, rapports internes, communiqués et autres productions des unités politiques ou d’autres organisations, afin de documenter les indicateurs. Aussi, nous avons interviewé des personnes expérimentées des gouvernements, d’ONGE et d’universités de chaque unité politique. Ces entrevues visaient à cerner la perception des enjeux locaux relatifs à la biodiversité, à aiguiller la recherche d’autres documents, à combler les lacunes constatées au cours 3e colloque étudiant de l’IHQEDS de l’observation documentaire, ainsi qu’à corroborer la pertinence des indicateurs et des informations contenues dans les documents récoltés. Traitement des données Dans un premier temps, nous avons déterminé le degré de mise en œuvre en classant les mesures politiques et législatives de mise en œuvre de l’article 6 de la CDB selon les catégories énumérées dans le tableau 1. D’autre part, nous avons produit un graphique de disper sion du degré de mise en œuvre dans les provinces et cantons en fonction des valeurs de chacun des indicateurs de chacune de nos variables indépendantes. Nous avons conclu à une relation entre le degré de mise en œuvre et l’indicateur quand il n’y avait pas d’incohérence dans la distribution des points. Nous avons considéré qu’il y avait de telles incohérences lorsque, avec l’augmentation de la valeur d’un indicateur, on voyait successivement des degrés de mise en œuvre élevés puis plus bas (et vice versa), ou quand un même degré de mise en œuvre correspondait à des valeurs nettement différentes d’un indicateur (et vice versa). Résultats Nous nous sommes d’abord assurées d’une prémisse : le partage des compétences liées à la biodiversité entre paliers gouvernementaux. En Équateur, la conservation des écosystèmes et de leurs fonctions, de la biodiversité et de l’intégrité du patrimoine génétique est enchâssée dans la Constitution22. Concrètement, c’est le ministère de l’Environnement équatorien, l’autorité environ nementale nationale, qui est responsable de la mise en œuvre de la CDB et de la SNB. Malgré tout, les provinces et cantons jouissent de pouvoirs importants touchant directement et indirectement la biodiversité. Ces gouvernements infranationaux peuvent créer et administrer des aires protégées, gérer les ressources naturelles, approuver (ou pas) des projets et en évaluer les impacts sur les écosystèmes. De cette manière, et par l’ensemble de leurs travaux sur le territoire (construction de routes, contrôle de la pollution, gestion des déchets), les UP infranationales déterminent le sort de la biodiversité23. Ce partage des compétences pertinentes constaté, nous voulions évaluer la mise en œuvre de la CDB dans chaque UP, puis analyser, le cas échéant, la variabilité de cette mise en œuvre. L’étude du degré de mise en œuvre dans les neuf unités politiques a montré une mise en œuvre plus importante, de manière générale, aux échelons gouvernementaux supérieurs. Ces résultats corroborent notre première hypothèse (HA1), selon laquelle : Il y a une variation de la mise en œuvre de l’article 6 de la CDB selon les échelons gouvernementaux. Nous constatons aussi que l’alinéa b) de l’article 6, qui concerne l’intégration intersectorielle, est moins mis en œuvre (sept UP sur neuf sans mesures de mise en œuvre) que le a) (une UP sur neuf sans mesures de mise en œuvre). Cela correspond à nos attentes et à la litté rature. Le tableau 2 présente un bilan de ces résultats. L’analyse de la mise en œuvre faite, nous voulions voir lesquels de six facteurs –ressources financières ou humaines, volonté ou stabilité politiques, capacités de la société civile, engagement d’acteurs externes – étaient les plus étroitement associés au degré de mise en œuvre. Par l’analyse de ces facteurs, nous voulions aussi étudier de quelle manière les ressources financières et humaines entravent la mise en œuvre d’un AME dans un PED. Tableau 1. Type de documents de mise en œuvre des alinéas a) et b) de l’article 6 de la CDB correspondant aux différents degrés de mise en œuvre Degré de Mise en œuvre de l’article mise en 6 a) œuvre 0 aucune mesure 1 existence de mesures politiques ou législatives liées à la biodiversité 2 existence de stratégie ou de plan d’action sur la biodiversité (SPAB) ou l’équivalent 3 existence de mises à jour des SPAB 4 – Mise en œuvre de l’article 6 b) aucune mesure nombre de plans, programmes et politiques qui visent directement l’intégration de la protection de la biodiversité dans les plans, programmes et politiques sectoriels et intersectoriels existence de mesures liées à la biodiversité hors du secteur traditionnel existence de plans, programmes ou politiques sectoriels et intersectoriels où la protection de la biodiversité a été intégrée existence de mises à jour de ces plans, programmes ou politiques sectoriels et intersectoriels 111 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Tableau 2. Bilan des actions de mise en œuvre de l’article 6 a) et b) de la CDB entreprises par les unités politiques de trois échelons gouvernementaux étudiés en Équateur Degré de mise en œuvre 0 1 2 3 4 Mise en œuvre de l’article 6 a) Mise en œuvre de l’article 6 b) pays provinces cantons pays provinces cantons – – 1 de 1 – – – 2 de 4 2 de 4 – – 1 de 4 3 de 4 – – – – 1 de 1 – – – 3 de 4 – 1 de 4 – – 4 de 4 – – – – La relation entre le degré de mise en œuvre et nos indi cateurs documentés sur le terrain n’est pas probante. D’une part, aucun des indicateurs de trois des variables indépendantes – volonté politique, ressources humaines, engagement d’acteurs externes – ne montre une relation avec le degré de mise en œuvre. Ainsi, la volonté politique, les capacités humaines et l’engagement d’acteurs externes n’affecteraient pas, selon nos données de terrain, le degré de mise en œuvre. Par ailleurs, seuls cinq des 10 indicateurs des trois autres variables indépendantes, soit la stabilité politique, les ressources financières et les capacités de la société civile, montrent un lien avec le degré de mise en œuvre. Toutefois, sauf pour ce qui est d’un indicateur des capacités de la société civile (le PIB), cette relation observée n’est pas cohérente. En effet, selon l’échelon gouvernemental ou l’alinéa, ces indicateurs sont liés à une mise en œuvre accrue ou moindre. Dans ce contexte, notre étude ne permet pas de préciser la nature des facteurs influençant la mise en œuvre. Nos hypothèses HB1, selon laquelle : En Équateur, ce sont principalement les ressources financières et humaines des unités politiques qui déterminent le degré de mise en œuvre, et HB2, qui stipulait que : Ce sont la volonté ou la stabilité politique, les capa cités de la société civile ou l’engagement d’acteurs externes qui déterminent le degré de mise en œuvre de l’article 6 de la CDB, plutôt que les ressources de l’unité politique, ne peuvent ainsi pas être étayées par nos résultats. Nous ne pouvons pas nous avancer sur leur pertinence relative et ainsi tester l’affirmation selon laquelle les PED ne peuvent pas, ou ont de la difficulté à mettre en œuvre les AME, faute de ressources financières ou humaines. Ces résultats ne permettent pas plus d’écarter certains facteurs comme étant moins pertinents. Ce que dénotent d’autre part ces résultats, c’est que, dans une variété de contextes, les UP peuvent élaborer des 112 mesures de mise en œuvre. En conséquence, même dans les PED, une marge de manœuvre existe. D’autre part, au-delà de ces indicateurs, les documents récoltés en Équateur sont informatifs. En effet, malgré l’absence de lien observé entre le degré de mise en œuvre et les indicateurs de l’engagement d’acteurs externes, ces derniers semblent jouer un rôle pré dominant dans la gestion de l’environnement et de la biodiversité en Équateur. Des dix mesures législatives ou politiques que nous avons considérées comme des mesures de mise en œuvre de la CDB, sept ont été appuyées financièrement ou autrement par des ONG internationales ou des agences de coopération internationale24. Qui plus est, au moins cinq des huit UGE infranationales25 ont été instaurées avec cette participation d’acteurs externes. En conséquence, malgré nos indicateurs, il nous semble raisonnable de conclure au rôle marqué de l’engagement d’acteurs externes dans la gestion de l’environnement et de la biodiversité à certains échelons infranationaux, en Équateur. Discussion Devant ces résultats peu significatifs, nous avons d’abord réfléchi à la validité des variables et indicateurs employés. Cependant, le choix des variables et indi cateurs est soutenu par la littérature et corroboré par les acteurs sur le terrain. Néanmoins, le cas de la volonté politique mérite d’être relevé. Celle-ci est régu lièrement mentionnée dans la littérature scientifique tout comme sur le terrain, sans que la manière de la mesurer ne soit rapportée. D’autre part, si une relation entre les facteurs mesurés et le degré de mise en œuvre n’apparaît pas, c’est poten tiellement parce que la mise en œuvre – la traduction d’un AME en mesures législatives ou politiques – n’est pas l’étape limitante. Ce qui est plus demandant, c’est d’ensuite transformer ces mesures en actions concrètes. Si nous avions plutôt tenté, donc, de voir l’influence des six facteurs retenus sur la réalisation concrète de mesures de mise en œuvre, alors, peut-être, une relation aurait été mise à jour. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS A posteriori, force est de considérer, qu’en fait, la complexité du phénomène étudié, soit la diversité des facteurs agissant, fait qu’il était peut-être irréaliste de tenter d’expliquer la mise en œuvre par quelques fac teurs, sur un tout petit échantillon. Le particularisme de chaque unité politique brouillerait, à cette échelle, tout effet des quelques variables indépendantes considérées. Parallèlement, la question de l’intégration intersec torielle de la biodiversité (et des questions environ nementales plus généralement) est préoccupante, tout en étant capitale. Puisque ce sont pratiquement l’ensemble des activités anthropiques qui ont une incidence sur la biodiversité, celle-ci doit être considérée dans la réalisation de l’ensemble de ces activités. Or, notre étude montre que cette intégration se met en place difficilement en Équateur, et c’est probablement le cas partout ailleurs sur la planète, PED et pays dits développés confondus. En cette matière, d’ailleurs, les pays développés, les problèmes d’ordre humanitaire en moins, pourraient faire preuve de leadership. Conclusion En somme, suite à ces études de cas, on ne peut répondre précisément à notre question générale de recherche et expliquer pourquoi on observe des différences dans le degré de mise en œuvre de la CDB entre les échelons gouvernementaux et selon les unités politiques. En effet, nous ne pouvons préciser la nature des facteurs influençant le degré de mise en œuvre, mais notre étude révèle l’existence d’une certaine marge de manœuvre. Au-delà de ces résultats, nos observations terrain dénotent l’importance de l’engagement d’acteurs externes, ce qui rappelle l’importance du débat sur l’efficacité de l’aide internationale. Par ailleurs, cette recherche a documenté les actions de mise en œuvre qui sont réalisées aux échelons infranationaux, ce qui montre la prise en compte de la CDB à ces échelons. Dans la perspective de contribuer à une meilleure protection de l’environnement, cet angle d’étude devrait être approfondi, puisque dans tous les cas, il y a un partage des responsabilités, du moins dans l’accomplissement de certaines tâches, entre les paliers gouvernementaux d’un pays. Puisque beaucoup d’actions ont une incidence sur l’état de l’environnement, du plus simple travail de voirie au développement des programmes éducatifs, les relations internationales sur l’environnement ne peuvent faire l’économie d’un examen de leur impact intra national. De même, bien que les pays gardent leurs affaires internes des pourparlers internationaux, et sans mettre en cause la souveraineté ou l’autodétermination nationales, il serait pertinent que les façons de favoriser l’intégration entre le global et le local, mais en respec tant les divers paliers des institutions nationales, soient discutées, et les expériences dans le domaine, partagées, dans le cadre des négociations de la CDB. Notes 1. H.K. J acobson et E. B rown W eiss , « A ssessing the Record and Designing Strategies to Engage Countries », dans E. Brown Weiss et H.K. Jacobson (sous la direction de), Engaging Countries, Strengthening Compliance with International Environmental Accords, Cambridge, MIT Press, 2000, p. 511. 2. O. Greene, « Environmental issues », dans J. Baylis et S. Smith (sous la direction de), The Globalization of World Politics, An introduction to international relations, Oxford, Oxford University Press, 2005, p. 457-458. 3. G. Bennett et S. 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Selon les experts, il existe plusieurs facteurs qui expliquent ce phénomène : • la croissance économique jumelée à la hausse du niveau de vie de la population ; • la croissance démographique et le vieillissement de la population (les personnes âgées de 25 à 64 ans sont considérées comme étant les principaux consommateurs) ; • le dépeuplement des régions rurales au profit des grandes villes ; et • les habitudes de consommation non viables2. En ce sens, nos modes de consommation et la manière dont nous disposons des résidus qui en résultent, entraînent deux conséquences environnementales majeures : le gaspillage des ressources naturelles et la pollution. Pour contrer ces effets, les autorités publiques ont dû mettre en place des mécanismes de gestion visant à réduire au maximum les matières résiduelles destinées à l’élimination. Parmi ceux-ci, il y a la collecte sélective, la valorisation énergétique des matières résiduelles et les systèmes de consignation. Malgré ces efforts, l’enfouissement est de loin la méthode d’élimination la moins coûteuse et la plus utilisée de nos jours par les municipalités. Les dom mages environnementaux attribués à l’élimination des matières résiduelles sont nombreux. Dans un premier temps, ces sites mettent en danger la nappe phréatique étant donné la formation du lixiviat. De plus, la décomposition des matières organiques en l’absence d’air forme des gaz à effet de serre comme le méthane et le dioxyde de carbone. On parle également de la détérioration de la qualité des sols et de l’eau, de pollution visuelle et du risque d’incendie3. Pour atténuer les effets de la consommation des biens sur l’environnement, l’Assemblée nationale du Québec a adopté le 12 décembre 2002 le projet de loi 102 qui s’intitule : Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement et la Loi sur la Société québécoise de récupération et de recyclage4 (« loi 102 »). Ce projet de loi a introduit au Québec un régime de compensation à l’égard des municipalités pour la récupération et la valorisation des matières résiduelles. Il a permis de compléter la section VII du chapitre premier de la Loi sur la qualité de l’Environnement5 (« LQE ») sur la gestion des matières résiduelles et d’introduire du même coup le concept de la responsabilité élargie des producteurs (« REP »). Cette intervention législative a eu pour but de concré tiser les objectifs de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008 qui vise principalement à « obliger la prise en compte par les fabricants et impor tateurs de produits des effets qu’ont ces produits sur l’environnement et des coûts afférents à la récupé ration, à la valorisation et à l’élimination des matières résiduelles générées par ces produits »6. En effet, l’objectif de cette politique est de mettre en valeur plus de 65 % des 7,1 millions de tonnes de matières résiduelles qui peuvent être valorisées annuellement. Selon le dernier bilan de RECYC-QUÉBEC sur la gestion des matières résiduelles, le taux global de récu pération sur le potentiel de valorisation des matières est maintenant de 49 %7. Depuis l’élaboration de la Politique de gestion intégrée des déchets en 1989, l’ancêtre de la politique actuelle, le taux de récupération au Québec a quadruplé en 16 ans. Pour atteindre l’objectif de 65 % fixé par la présente politique, RECYCQUÉBEC soutient qu’il faudrait récupéré plus de deux tonnes additionnelles de matières résiduelles. On note également dans ce rapport que le secteur municipal obtient un faible taux de récupération de 23 % alors qu’il doit atteindre 60 % d’ici 20088. 117 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Avec l’adoption de nouvelles normes dans le domaine de la gestion des matières résiduelles, est-ce que le gouvernement tend à un mode de gouvernance de la production durable ? L’utilisation du concept de la REP au Québec est sans doute une solution parmi tant d’autres pour atténuer les effets indésirables des matières résiduelles sur l’environnement. Par ailleurs, le programme des Nations Unies « Agenda 21 », propose aux gouvernements des moyens d’action pour parvenir à une production durable : Parallèlement, la société doit mettre au point des moyens efficaces afin de résoudre le problème de l’élimination des quantités croissantes de déchets et produits résiduaires. Les gouvernements devraient conjuguer leurs efforts avec les milieux indus triels, les ménages et le public, afin de réduire la production des déchets et produits résiduaires en prenant les mesures suivantes : a) Encourager le recyclage dans les processus indus triels et au niveau des consommateurs ; b) Réduire les emballages superflus de produits ; c) Encourager la fabrication de produits plus respec tueux de l’environnement. d) Orienter les choix des particuliers et des ménages vers des produits écologiquement rationnels9. Tandis que le Chapitre 21 de ce programme prévoit qu’une gestion écologique des déchets doit s’attaquer aux modes de production qui ne sont pas viables. Il énonce également les objectifs principaux sur les quels les gouvernements devraient axés leurs inter ventions. Or, il propose de : 1) réduire la production de déchets ; 2) maximiser la réutilisation et le recyclage écologiquement rationnels des déchets ; et 3) promouvoir le traitement et l’élimination écologiquement rationnels des déchets10. Dans les prochaines lignes, nous allons discuter de l’application au Québec du concept de la REP par les pouvoirs publics. Plus précisément, nous nous penche rons sur le Règlement sur la compensation pour les services municipaux fournis en vue d’assurer la récupération et la valorisation des matières résiduelles11. Il s’agira d’analyser les fondements législatifs du règlement et d’interpréter les modalités de mise en œuvre de la REP au regard des principes applicables du développement durable. Toutefois, nous débuterons cette analyse avec une présentation juridique du concept de la REP. En effet, nous présenterons les différents outils qui servent à implanter un régime de REP et les types de respon sabilités qui peuvent reposer sur les épaules des pro ducteurs. Pour terminer, nous soumettrons des pistes de solution pour améliorer l’application de la REP 118 au Québec pour la récupération et la valorisation des matières résiduelles. Nous pourrons comparer ce régime particulier avec ceux qui s’appliquent aux huiles usagées et à la peinture. Les fondements du concept de la responsabilité élargie des producteurs Le concept de la responsabilité élargie des producteurs a été défini par l’Organisation de coopération et de développement économiques comme étant : « un instrument de politique de l’environnement qui étend les obligations du producteur à l’égard d’un produit jusqu’au stade de son cycle de vie situé en aval de la consommation »12. Ainsi, cette définition prévoit d’une part, le transfert de la responsabilité de la gestion des déchets des municipalités vers les producteurs et d’autre part, la création d’incitatifs dans la conception des produits pour les fabricants13. Ensuite, elle permet la création d’incitatifs en faveur de la prise en compte des aspects environnementaux par les producteurs dans le cadre de la conception des produits14. La REP offre plusieurs avantages afin de réduire l’impact de la gestion des matières résiduelles sur l’envi ronnement. Par exemple, elle encourage une utilisation plus efficiente des ressources naturelles et favorise des modes de fabrication plus durables15. L’objectif de ce principe est également de réduire les coûts associés à la gestion des matières résiduelles en fin de vie16. La REP et le développement durable L’application du concept de la REP permet de mettre en œuvre certains principes issus de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement. Comme nous l’avons souligné auparavant, les programmes de REP doivent influencer implicitement les fabricants à l’étape de la production. Ces derniers, seront normale ment forcés de revoir le design de leurs biens de consommation afin de faciliter la gestion des matières en fin de vie. Ainsi, cela respecte le principe de préven tion qui vise à forcer les acteurs à prendre des mesures de protection de l’environnement avant même que le dommage environnemental ne soit causé17. Toutefois, l’instrumentalisation du concept de la REP repose en grande partie sur le principe du pollueurpayeur (PPP). Le PPP a été défini en 1972 par l’OCDE et prévoit : « que le pollueur devrait se voir imputer les dépenses relatives aux susdites mesures arrêtées par les pouvoirs publics pour que l’environnement soit dans un état acceptable »18. En fait, le PPP vise à répercuter les frais associés aux interventions étatiques dans le coût des biens et services qui sont à l’origine de la pollution lors de la production et tout au long du cycle de vie du produit. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Pour pallier l’un des principaux obstacles liés au dévelop pement durable, on doit tenir compte des externalités environnementales. Pour surmonter cet obstacle, la REP peut entraîner l’internalisation des coûts externes attribués à la gestion des matières résiduelles et sup portés par les municipalités19. Cela favoriserait la mise en application du principe du pollueur-payeur qui vise à faire supporter au pollueur les coûts de la prévention et du contrôle de la pollution. L’auteur Nicolas de SADELEER nous explique le phénomène des externalités négatives : Lorsque la production ou la consommation d’un bien ou d’un service cause des dommages à des biens environnementaux, ces activités engendrent des externalités négatives dès que leur coût n’est pas pris en compte dans le prix de revient du pro duit consommé ou du service rendu. Dans ce cas, le prix du marché est inférieur à ce qu’il aurait dû être et les consommateurs du bien ou du service, pareils à des passagers clandestins, tirent forcément avantage du fait de ne pas devoir payer le « vrai prix ». Dans le cas de la REP, il s’agit d’introduire dans le prix des biens vendus aux consommateurs, les coûts environnementaux associés à la gestion des matières résiduelles. Ainsi, cela permettrait de mettre sur le marché des produits qui intègrent les coûts associés à la pollution. En obligeant le pollueur à prendre en charge les coûts externes causés par la pollution des biens de consommation, le PPP permet à la REP de s’appuyer sur ces fondements économiques pour responsabiliser les producteurs. Dans le domaine de la REP, le pollueur doit être identifié comme étant le producteur. Les fabricants sont les principaux responsables de la pollution causée par leurs produits en fin de vie. De plus, ils sont également les seuls qui peuvent intervenir au niveau de la production en modifiant les modes de fabrication et les choix des matières premières utilisées22. Au niveau de l’application d’un programme de REP, il est important de définir l’acteur qui possède la plus grande influence sur la production des biens. Avec l’application du PPP, cela permet d’éviter que le contribuable soit l’unique bailleur de fonds de la collecte sélective. Modalité de mise en œuvre de la REP La mise en œuvre d’un programme de REP repose dans un premier temps sur la responsabilité des fabricants. Il existe plusieurs manières de responsabiliser les producteurs. De plus, la mise en application de cette responsabilité peut être effective à partir de différents instruments. En fait, les pouvoirs publics auront des choix à faire, d’une part, quant à la responsabilité qui incombera aux producteurs et d’autre part, et d’autre part, quant à la manière d’appliquer le régime de REP à l’aide de différents instruments comme la consigne, les programmes de reprise ou les redevances à l’élimination des déchets. Nous verrons que les différents choix qui s’offrent au gouvernement auront des répercussions majeures sur le respect des principes du développement durable. Les types de responsabilité Dans le cadre de cette étude, nous allons uniquement aborder la responsabilité matérielle et financière. Ces responsabilités sont l’assise même des programmes de REP au Québec. De plus, elles ont un caractère contraignant pour les producteurs et forcent ces derniers à financer la gestion des matières résiduelles. Comme nous l’avons mentionné auparavant, la conception d’un programme de REP peut entraîner plusieurs types de responsabilité. Les décideurs devront ainsi déterminer la nature et l’ampleur de cette responsabilité qui reposera désormais sur les épaules des producteurs. Deux options se présenteront au gouvernement. Il pourra s’agir d’une responsabilité matérielle ou financière. Dans un premier temps, nous allons discuter de la responsabilité matérielle. Celle-ci oblige les producteurs à gérer physiquement les produits à la fin de leur vie utile. Cela implique nécessairement que les producteurs devront mettre en place un système de récupération et qu’ils auront l’obligation de disposer de leurs produits en fin de vie sans obtenir l’aide financière des autorités locales ou gouvernementales. Les fabricants seront également responsables du traitement des matières. Ensuite, il y a la responsabilité financière des produc teurs. Ce genre de responsabilité implique uniquement une participation financière de la part des producteurs dans la gestion des matières résiduelles en fin de vie. En vertu de cette responsabilité par exemple, les fabri cants doivent financer le régime municipal de la collecte sélective. L’implantation d’un régime de REP qui est fondé sur une responsabilité financière peut être partielle ou totale pour les entreprises. Une responsabilité totale implique que l’ensemble des frais reliés à la collecte des matières résiduelles reposera sur les épaules des producteurs alors qu’une responsabilité partielle permettra de diviser la facture avec les autorités locales responsables de la récupération. Au Québec, nous verrons dans la prochaine section que les autorités publiques ont décidé d’utiliser une responsabilité partielle. Cela signifie que les producteurs et les municipalités seront les entités responsables de la gestion des matières résiduelles. 119 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Enfin, en vertu ces deux types de responsabilité, le gouvernement pourra décider si cette dernière doit être exercée d’une manière collective ou individuelle. Dans le cas d’une responsabilité collective, les producteurs pourront se regrouper sous la forme d’une entité privée que l’on nomme « éco-organisme » et qui aura pour but de gérer la collecte ou le traitement des produits et de négocier avec le gouvernement les obligations des fabricants. L’option d’une responsabilité individuelle fera en sorte que le producteur visé devra gérer d’une manière exclusive et personnelle ses produits en fin de vie sans l’aide d’un éco-organisme. L’application du concept de la REP au Québec L’utilisation du principe de la REP par les pouvoirs publics n’est pas nouvelle au Québec. En effet, si on considère que le régime de la consignation répond à la définition de la REP, nous pouvons affirmer que l’application du concept remonte à 1984, date où la Loi sur la vente et la distribution de bière et de boissons gazeuses dans des contenants à remplissage unique23 a été adoptée par l’Assemblée nationale. En 2000, le gouvernement du Québec décide d’adopter le concept de la REP dans la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008. Pour la première fois au Québec, on reconnaît l’importance d’inciter les producteurs à prendre en compte les effets de leurs produits sur l’environnement tout au long de leurs cycles de vie et les coûts que représentent la récupération et l’élimination des matières résiduelles. Avec cette reconnaissance étatique du concept de la REP, le gouvernement a adopté par la suite, divers règlements en vue de responsabiliser les producteurs. Il s’agit notamment du Règlement sur la récupération et la valorisation des contenants de peinture et des peintures mis au rebut24 et du Règlement sur la récupération et la valorisation des huiles usagées, des contenants d’huile ou de fluide et des filtres usagés25. Pour les fins de notre étude, nous allons nous pencher sur le Règlement sur la compensation pour les services municipaux fournis en vue d’assurer la récupération et la valorisation de matières résiduelles26. Nous avons décidé d’analyser ce régime de REP étant donné qu’il est le seul et unique à reposer sur la responsabilité financière et collective des fabricants. Après la récupération de la peinture et des huiles usagées, l’implantation d’un système de compensation pour la récupération et la valorisation des matières résiduelles constitue une étape importante dans la mise en œuvre du concept de la REP, au Québec. 120 L’apparition d’un nouveau régime de compensation pour la récupération et la valorisation des matières résiduelles au Québec Le Règlement sur la compensation pour les services muni cipaux fournis en vue d’assurer la récupération et la valorisation de matières résiduelles (« Règlement ») est entré en vigueur en mars 2005. Son fondement législatif repose sur les articles 53.31.1 et suivants de la LQE. Il s’applique à tout matériau, souple ou rigide, qui vise à contenir, protéger ou envelopper un produit qui est destiné au consommateur. Il s’agit des sous-catégories de matières suivantes : 1) le papier ; 2) le carton ; 3) le plastique ; 4) le verre ; et 5) le métal. Il vise également les médias écrits qui sont vendus ou offerts gratuitement et les imprimés qui servent de support à un texte ou à une image27. Toutefois, l’emballage conçu de manière à faciliter la manutention et le transport n’est pas visé par le Règlement. Les personnes visées par la réglementation sont les propriétaires de la marque du produit. Lorsque le pro priétaire n’a aucun domicile au Québec, le versement de la contribution est exigé au premier fournisseur au Québec. Cependant, les personnes qui sont déjà tenues, en vertu de la LQE, de contribuer financièrement à des mesures de récupération et de valorisation de certains contenants ou emballages ainsi que celles qui doivent financer un système de consignation au Québec, ne sont pas visées par le Règlement. Le gouvernement a décidé d’imposer une responsabilité financière aux producteurs. En effet, ce régime de REP prévoit que les personnes visées par le Règlement doivent financer la moitié des coûts nets associés à la collecte sélective au Québec. Toutefois, pour les médias écrits, le montant maximal de la compensation annuelle ne pourra excéder la somme de 1,3 million de dollars. Le gouvernement a aussi convenu que cette catégorie de producteurs pourrait exécuter ses obligations financières à l’aide de redevances en nature comme des espaces publicitaires dans les différents médias. L’article 53.31.9 de la LQE oblige également les producteurs à se regrouper au sein d’un éco-organisme agréé par RECYC-QUÉBEC pour négocier avec les associations municipales la somme totale représentant les coûts nets de la collecte sélective et les critères de distribution de la compensation aux municipalités. L’écoorganisme doit aussi développer une grille de contri bution, faire approuver cette grille par le gouvernement et remettre les sommes dues à RECYC-QUÉBEC28. Or, Éco Entreprise Québec (EEQ) a été agréé en juin 2005 par RECYC-QUÉBEC pour représenter les personnes mettant sur le marché des contenants et emballages et des imprimés. Pour les médias écrits, Recyclemédias agit en tant qu’éco-organisme. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Les coûts nets estimés pour la collecte sélective ont été fixés à environ 75 millions de dollars pour l’année 2005. Néanmoins, le chiffre exact concernant les dépenses municipales pour la récupération et le traitement des matières résiduelles devrait être connu d’ici l’automne 2007 étant donné que RECYC-QUÉBEC a mis sur pied un groupe de travail chargé d’évaluer en profondeur le montant de la compensation qui doit être versé par les entreprises visées29. Les grilles de contributions pour l’année 2005 et 2006 sont entrées en vigueur le 15 mars 200730. Celles-ci indiquent le montant de la contribution pour les sous-catégories de matières. Par exemple, on retrouve à côté de chaque matière assujettie au Règlement, une somme exprimée en « cent/kilogramme ». Les entreprises auront jusqu’en juillet 2007 pour verser à EEQ leurs contributions. Le caractère contraignant de ce régime de compensation pour la collecte sélective est prévu dans le décret du gouvernement sur les Règles d’application du Tarif pour les catégories « contenants et emballages » et « imprimés » 2005 et 200631. En effet, on prévoit des sanctions pénales pour les personnes n’ayant pas acquitté la contribution exigible par EEQ32. Cependant, l’écoorganisme est responsable des actions de ses membres. Ceci implique qu’il est apte à intenter des recours contre les personnes qui n’auraient pas respecté leurs obligations financières33. L’analyse de l’utilisation étatique du concept de la REP au Québec pour la gestion des matières résiduelles Ces nouvelles normes juridiques concernant le finan cement de la gestion des matières résiduelles par les fabricants sont la preuve que le gouvernement du Québec a décidé de se mettre sur la voie de la gouver nance de la production durable. Nous pouvons nous interroger sérieusement sur les fondements législatifs du régime de compensation. Aujourd’hui, les pouvoirs publics se félicitent d’avoir adopté le concept de la REP pour responsabiliser les producteurs aux effets des biens qu’ils produisent sur le milieu ambiant. Cependant, il serait important de s’interroger sur la pertinence de recourir à un régime de REP qui trans fère uniquement 50 % des coûts nets de la collecte sélective aux producteurs. Selon les propos tenus lors des débats parlementaires sur la loi 102, le gou vernement du Québec aurait décidé d’adopter le même pourcentage que celui qui prévalait dans le Waste Diversion Act34 en Ontario en vue d’accommoder le commerce interprovincial35. Cette harmonie normative entre les deux provinces dans l’application du principe de la REP et dans la détermination du niveau de responsabilité des pro ducteurs a pour but de supporter les municipalités dans leurs objectifs de récupérer et de traiter les matières résiduelles. Toutefois, le régime québécois, qui a également pour objectif de permettre l’atteinte des objectifs de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008 en finançant implicitement les plans de gestion des matières résiduelles des municipalités, ne peut satisfaire dans son ensemble le principe du pollueur-payeur. Conséquemment, on peut se demander si ces normes seront à même d’inciter ou de forcer les producteurs à réduire à la source et ainsi à revoir le design de leurs produits comme le suggère le concept de la REP36. Par exemple : l’auteur Matthieu Glachant, économiste de l’environnement à l’École des Mines de Paris, est catégorique, pour observer une réduction à la source de la part des fabricants, il faut que le transfert de la responsabilité soit intégral37. Ainsi, il est impératif que la législation amène des incitatifs économiques pour faire en sorte que le fabricant soit forcer de revoir ses modes de production et d’analyser les impacts de ses produits tout au long de leurs cycles de vie. Pour atteindre les objectifs de la politique québécoise de gestion des matières résiduelles, il serait sans doute préférable d’établir un régime de REP basé sur une responsabilité matérielle comme dans le cas des huiles usagées. L’étude de ce régime démontre qu’il a obtenue des répercussions importantes sur le taux de récupération des huiles usagées depuis son implantation. En effet, selon les derniers résultats du bilan annuel de la Société de gestion des huiles usagées (« SOGHU »), le taux de récupération des huiles usagées a atteint 84 % en 200538 et dépasse du même coup les objectifs prévus à l’article 5 du Règlement sur la récupération et la valorisation des huiles usagées, des contenants d’huile ou de fluide et des filtres usagés. Toutefois, il faut souligner que la totalité de la quantité des huiles récupérées par la SOGHU est valorisée énergétiquement. Cette manière de gérer les huiles usagées en fin de vie peut avoir des impacts importants sur la qualité de l’air. Pour sa part, l’entreprise Safety-Kleen, qui est également visée par ce règlement, régénère les huiles usagées afin de créer de nouveaux lubrifiants. Dans cette optique, nous pouvons remettre en question l’indifférence gouvernementale relative à l’application de la hiérarchie des 3 RV-E étant donné que la régénération est une forme de réutilisation des matières en fin de vie. La LQE prévoit expressément que l’administration peut, par règlement, prescrire les modes de récupération ou de valorisation39. Malgré cela, ce régime fondé sur la responsabilité matérielle des producteurs démontre à quel point le taux de récupération est élevé. Cette forme de respon sabilisation doit néanmoins être encadrée par le pouvoir réglementaire si on veut obtenir de meilleurs résultats 121 3e colloque étudiant de l’IHQEDS environnementaux lors de la gestion des matières résiduelles en fin de vie. L’application d’un programme de REP sans l’intégration du concept de la pensée cycle de vie peut avoir pour effet de transférer la pollution à un autre niveau du cycle de vie des produits. En émettant uniquement des objectifs de récupération, le gouvernement laisse aux entreprises une grande marge de manœuvre pour gérer les biens en fin de vie. Il ne faudrait pas que cela ait pour conséquence d’affecter l’environnement à un autre niveau. Conclusion Dans cette étude, nous avons voulu démontrer que le régime de compensation pour la collecte sélective des matières recyclables au Québec constitue bel et bien une application du concept de la REP. Pour y parvenir, nous avons débuté en expliquant la problématique des matières résiduelles et les modalités de mise en œuvre des programmes de REP. Les assises législatives et réglementaires du régime de compensation comportent certaines lacunes qui nous empêchent d’affirmer que les résultats permettront d’atteindre les objectifs de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008. En effet, le gouvernement a omis de formuler des incitatifs économiques pour encourager les entreprises à adopter une « pensée cycle de vie » des produits. De plus, nous avons également illustré que le choix des instruments dans la mise en œuvre des programmes de REP peut avoir des répercussions sur le taux de récupération des matières résiduelles. La frontière entre l’imposition d’un droit de polluer et une application stricte du principe du pollueur-payeur est très mince. Dans le cas qui nous intéresse, la responsabilité des producteurs est partagée avec les municipalités et ainsi avec les contribuables. Heureusement, le gouvernement a laissé sous-entendre, dans l’entente intervenue sur le nouveau partenariat fiscal avec les municipalités, que la compensation financière pourrait être de 100 % d’ici 201040. Pour des raisons économiques, il est impossible pour le moment d’espérer l’implantation au Québec d’un régime de compensation pour la collecte sélective fondé sur la responsabilité matérielle comme en Allemagne. Considéré comme étant l’exemple parfait de l’application du concept de la REP, le programme allemand a eu d’importantes répercussions financières lors de sa mise en place au début des années 199041. Avec l’entrée en vigueur, au Québec, en mars 2007, des tarifs pour la compensation de la collecte sélective, nous serons en mesure dans les prochains mois d’évaluer les résultats empiriques de cette nouvelle approche réglementaire et d’évaluer les effets de cette contribution sur les producteurs. 122 Notes 1. OCDE, Addressing the Economics of waste, Paris, OCDE, 2004 à la p. 23. 2. Ibid. à la p. 25. 3. Environnement Canada, Notions élémentaires sur la gestion des déchets, Gage, Toronto, p. 10 (1995) ; Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, Déchets d’hier, ressources de demain ; Le rapport d’enquête et d’audience publique, Bibliothèque nationale du Québec, 1997, aux p. 21-22. 4. Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement et la Loi sur la Société québécoise de récupération et de recyclage, L.Q. 2002, c.59. 5. Loi sur la qualité de l’Environnement, L.R.Q. c. Q-2. 6. Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008, G.O.Q.2000.II.968 (sous « Les orientations »). 7. RECYC-QUÉBEC, « Bilan 2004 de la gestion des matières résiduelles au Québec » (15 mars 2007), en ligne : RECYCQUÉBEC <http://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/upload/ publications/MICI/BILAN2004/Bilan2004.pdf>. 8. Ibid. : il est important de souligner que le secteur de la construction et de la démolition a déjà atteint l’objectif de la politique. Toutefois, le secteur industriel, commercial et institutionnel a un taux de récupération de 58 % alors qu’il doit atteindre 80 % d’ici 2008. On peut également ajouter que les matières suivantes ne rencontrent pas le taux de récupération établit par la politique : 1) papiers et cartons ; 2) verre ; 3) métaux ; et 4) plastiques. 9. A/CONF.151/26/Rev.1. à l’article 4.19. 10. Ibid., à l’article 21.5. 11. Règlement sur la compensation pour les services municipaux fournis en vue d’assurer la récupération et la valorisation des matières résiduelles, D.1049-2004, G.O.Q.2004.II.4839. 12. OCDE, Responsabilité élargie des producteurs : manuel à l’intention des pouvoirs publics, Paris, OCDE, 2001, à la page 9. 13. OCDE, Analytical Framework for evaluating the costs and benefits of extended producer responsibility programmes, Working Group on Waste Prevention and Recycling, Paris, OCDE, 2005, à la p. 8 [OECD Analytical framework] ; OCDE, Extended and Shared Producer Responsibility, Group on Pollution Prevention and Control, Paris, OCDE, 1998, à la p. 22. 14. Voir notamment sur le principe de l’éco-conpection OCDE, EPR Policies and Product Design : Economic theory and Selected Case Studies, Working Group on Waste Prevention and Recycling, Paris, OCDE, 2006 aux p. 4 à 6 [OCDE Product Design] ; Joel Schwartz and Dana Joel Gattuso, « Extended Producer Responsibility : Re-examining its Role in Environmental Progress » (18 juin 2006), en ligne : Reason Public Policy Institute <http://www.rppi.org/ps293.pdf> ; Paul Calcott and Margaret Walls, « Waste, recycling, and “Design for Environment” : Roles for markets and policy instrument » (2005) 27 Ressource and Energy Economics 287. 15. Supra note 12, à la p. 17. 16. OECD Analytical framework, supra note 13, à la p. 8. 17. Nicolas de Sadeleer, Les principes du pollueur-payeur, de prévention et de précaution : Essai sur la genèse et la portée juridique de quelques principes du droit de l’environnement, Bruxelles, Bruylant, 1999, à la p. 115. 18. OCDE, Le principe pollueur-payeur : définition, analyse et mise en œuvre, Paris, OCDE, 1972, à la p. 11. 3e colloque étudiant de l’IHQEDS 19. Rosalind Malcolm, « Integrated Product Policy : a New Regulatory Paradigm for a Consumer Society ? » (2005) 5 Eur. Envtl. L. Rev. 134 à la p. 136. 20. Henri Smets, « Examen critique du principe pollueurpayeur » dans Michel Prieur et Claude Lambrechts, dir. Les Hommes et l’Environnement, Paris, Frison-Roche, 1998 à la p. 78 ; Jean Duren, « Le Pollueur-Payeur – L’application et l’avenir du principe » (1987) 305 R.M.C. 144 à la p. 145. 21. Supra note 17, à la p. 50. 22. Supra note 17, aux pp. 75 et 76 ; supra note 12, à la p. 60. 23. Loi sur la vente et la distribution de bière et de boissons gazeuses dans des contenants à remplissage unique, L.R.Q. c. V-5.001. 24. Règlement sur la récupération et la valorisation des contenants de peinture et des peintures mis au rebut, D. 655-2000, 1er juin 2000, G.O.Q.2000.II.3448. 25. Règlement sur la récupération et la valorisation des huiles usagées, des contenants d’huile ou de fluide et des filtres usagés, D. 166-2004, 10 mars 2004, G.O.Q.2004.II.1519. 26. Règlement sur la compensation pour les services municipaux fournis en vue d’assurer la récupération et la valorisation de matières résiduelles, D. 1049-2004, 24 novembre 2004, G.O.Q.2004.II.4839. 27. Ibid, à l’article 2. 28. Éco Entreprise Québec, « Plan stratégique 2006-2008 » (13 mars 2007), en ligne : <http://www.ecoentreprises.qc.ca/_site/ DOCUMENTS/PDF/plan_strategique_06-07–10.pdf >. 29. Entrevue de Mario Laquerre (RECYC-QUÉBEC) par PierreOlivier DesMarchais (13 mars 2007) sur le rôle de RECYCQUÉBEC dans l’application du régime de compensation pour la collecte sélective des matières recyclables. 30. D. 135-2007, 28 février 2007, G.O.Q.2007.II.1329. 31. Ibid. 32. Ibid, à la section 4.4. 33. Supra note 5, à l’article 53.31.16. 34. Waste Diversion Act, S.O. 2002, c. 6, à l’article 25 (5). 35. Québec, Assemblée nationale, Commission permanente des transports et de l’environnement, « Étude détaillée du projet de loi 102 » dans Journal des débats de la Commission permanente des transports et de l’environnement, vol. 37, no 50 (23 mai 2002). 36. OCDE Product Design, supra note 14, à la p. 11. 37. Matthieu Glachant, « Le concept de Responsabilité Élargie du Producteur et la reduction à la source des déchets de consommation » (16 juin 2006), en ligne : CERNA <http:// www.cerna.ensmp.fr/Documents/MG-ResponsabiliteElargie. pdf>. 38. Société de gestion des huiles usagées, Rapport annuel 2005, (15 mars 2007) en ligne : SOGHU <http://www.soghu.com/>. 39. Supra note 5, à l’article 53.30 (2). 40. Gouvernement du Québec, « Entente sur un nouveau parte nariat fiscal et financier avec les municipalités » (13 mars 2007), en ligne : Ministère des Affaires municipales et des Régions <http://www.mamr.gouv.qc.ca/publications/ finances/fina_fisc_part_ente.pdf>. 41. Bette K. Fishbein, EPR : « What does it mean ? Where is it headed ? » (15 mars 2007), en ligne : Mindfully <http:// www.mindfully.org/Sustainability/EPR-Extended-ProducerResponsibility.htm>. En effet, la mise en place du programme allemand a eu notamment pour conséquence d’inonder le marché des matières recyclées. De plus, l’éco-organisme allemand « Duales System Deutschland », chargé de récupérer les matières, a enregistré des pertes financières étant donné qu’il y avait de nombreux « free riders » qui ne remboursait par leurs cotisations. 123 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Pistes de réflexion pour une redéfinition du rôle des ONG en matière de conservation durable des territoires Julia SOTOUSEK Étudiante au doctorat en droit Université Laval Cette ébauche de réflexion sur une redéfinition du rôle des organisations non gouvernementales1 de conservation s’inscrit dans le cadre de mon projet de thèse qui traite de la conciliation en pratique des dimensions du développement durable en matière de conservation des zones humides. Les ONG interna tionales, nationales et locales, notamment les ONG de conservation, interviennent à plusieurs titres dans la mise en pratique du concept de développement durable. À cet égard, il apparaît nécessaire de les confronter à certains questionnements émergents quant à leur rôle. Depuis 1990, la présence des ONG sur la scène internationale est indéniable, notamment lors des conférences des Nations Unies ou des discussions interorganisations2, et le domaine de la conservation des ressources naturelles ne fait pas exception. Toutefois, au gré de leurs interventions sur la scène internationale et locale, qu’elles poursuivent des intérêts particuliers ou collectifs, leurs stratégies et leur action d’expertise, d’expérimentation de gestion environnementale, voire même de lobbying ne peuvent plus échapper à l’analyse et l’évaluation. De fait, nombreuses sont les autorités politiques, journalistiques et scientifiques à afficher une certaine méfiance vis-à-vis du monde non gouvernemental. Les éloges ont cédé la place aux critiques concernant leur légitimité ou leurs modes de gouvernance et c’est à partir de ces critiques que nous nous proposons d’étudier l’éventualité d’une redéfinition du rôle des ONG de conservation. Ainsi, après avoir brièvement présenté et analysé l’évolution de l’action des ONG de conservation dans la création d’aires protégées à travers le monde (1.), nous dégagerons certaines pistes de réflexion quant aux critiques formulées à l’égard de leur rôle (2.). L’action des ONG de conservation L’histoire de la conservation de la nature a été pro fondément marquée par les ONG de conservation. Toutefois, leurs stratégies de lutte contre la perte de biodiversité n’ont pas toujours fait l’unanimité des acteurs concernés par la conservation des territoires. 124 De multiples reformulations du principe de conservation Rappelons tout d’abord le constat général de la perte de biodiversité à l’échelle mondiale qui fait aujourd’hui l’unanimité des scientifiques et des organisations inter nationales : près de 60 % des écosystèmes sont touchés3. De fait, les pressions exercées par les activités humaines se sont intensifiées avec l’évolution des technologies et le rythme d’extinction des espèces aurait des consé quences irréversibles sur la biodiversité. Celle-ci a été érigée en patrimoine commun de l’humanité depuis le Sommet de la Terre tenu à Rio en 1992, et sa conser vation a été dès l’origine le « cheval de bataille » des ONG de conservation. Cependant, la conservation de la nature a connu de nombreuses formulations : tantôt perçue comme un outil de protection alliant gestion prudente et mesurée des ressources naturelles, tantôt comme un outil de préservation n’autorisant aucun prélèvement. On lui confère trois périodes distinctes, de la fin du xixe siècle à aujourd’hui, pendant lesquelles ont succédées aux pratiques « ressourcistes » antérieures, la séparation des activités de conservation et d’exploitation des milieux, l’imposition d’aires naturelles protégées excluant toute intervention humaine et l’émergence de la conservation intégrée4. Les ONG longtemps « conservationnistes » à l’extrême ont dû redéfinir leurs pratiques face à la reconnaissance de « l’écologie des écosystèmes » et la nécessaire articulation entre la sphère économique et les dynamiques écologiques. Les ONG les plus célèbres sont sans doute l’Union mondiale pour la nature (UICN), le World Wildlife Fund (WWF), Greenpeace ou encore Conservation International (CI). Les deux premières eurent notam ment avec le Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE) l’initiative de la Stratégie mondiale de la conservation, publiée en 1980, qui soulignait déjà la nécessité de sauvegarder le fonctionnement des processus écologiques essentiels tout en prêtant attention aux exigences du développement, de préserver la diversité génétique et d’utiliser durablement les espèces et les écosystèmes5. L’introduction du concept 3e colloque étudiant de l’IHQEDS de développement durable et de la notion de biodiversité participera à la légitimation et l’assise de leur rôle avantgardiste dans le secteur de la conservation6. La philosophie qui domine aujourd’hui les milieux dédiés à la protection de la nature considère que la conservation de la biodiversité ne peut être réduite à la protection des espèces sauvages dans des réserves naturelles mais consiste aussi et principalement à sauvegarder les grands écosystèmes, base de notre développement7. Toutefois, les ONG n’ont pas toujours pris en compte les besoins des populations locales ou autochtones, créant par la même occasion des conflits d’usage à grande échelle. Entre conflits d’usage et multiplication des partenariats Longtemps isolée des dynamiques de développement, la conservation de la nature s’appuie encore parfois sur une gestion d’aires naturelles protégées entretenues par des structures étatiques centralisées qui écartent l’ensemble des acteurs touchés par ces politiques8. Cette conception de l’aire naturelle protégée comme outil de conservation constitue une forme de domi nation du territoire privilégiée par les adeptes du « conservationnisme ». Cependant, si elle a permis des réussites écologiques importantes, elle a également engendré des conséquences sociales dramatiques9. En négligeant la prise en compte des populations locales, la conservation poussée à l’extrême revisite le rêve néocolonial de certains conservationnistes en quête d’idéal mais pas de réalisme et rejette conjointement l’idée d’équité et de développement dans les aires protégées. Ces conflits d’usage des ressources naturelles com promettent pourtant l’efficacité de leur conservation, et peuvent parfois aboutir au déplacement de popu lations10. Des opérations de conservation excluant tout intervention humaine ont ainsi été menées sur l’initiative de grandes organisations de conservation dans certains territoires considérés comme des lieux de haute biodiversité avec l’appui financier de fondations, d’agences de développement et d’entreprises privées convaincues par ces approches conservationnistes. Concilier efficacité économique et légitimation sociale ne requière donc pas uniquement des ONG un rôle de lobbying mais la prise en compte des réseaux d’acteurs et d’institutions dont dépend la mise en œuvre de la conservation dans ces aires naturelles11. L’intervention des ONG de conservation dans les prises de décision politique touchant à l’aménagement territorial et la conservation des ressources naturelles illustre bien la légitimité acquise par celles-ci dans le domaine particulier de la conservation. Certaines de ces ONG, parmi lesquelles le WWF, l’UICN et CI, « accaparent la majorité des financements »12. Parallèlement, les partenariats public/privé, national/ international se multiplient avec la participation d’États, d’organisations internationales gouvernementales et d’entreprises privées. Les ONG de conservation, qui ont développé des outils d’expertise et une connaissance des réalités locales sans équivalence, assurent désormais une fonction consultative en matière de gestion de la biodiversité auprès de ces entités. Désormais perçues comme d’indispensables partenaires des pouvoirs politiques et économiques, de même qu’elles se sont instituées les représentants « inspirés » de la société civile, les ONG font partie de notre quoti dien médiatique, et le domaine de la conservation ne fait pas exception13. Face à l’émergence de cette « nouvelle diplomatie »14, des questionnements quant à leur rôle en terme de légitimité, d’indépendance et de gouvernance font peu à peu surface. Aspects critiques Si leur présence ne peut plus être ignorée sur la scène internationale, les ONG font cependant l’objet de controverses réelles. Les négociations inter nationales, nationales concernant les domaines clés du développement, des droits de l’homme ou de l’envi ronnement qui étaient autrefois des questions inté ressant uniquement la souveraineté étatique, sont désormais investies par les ONG. Toutefois, les contresommets organisés en parallèle des conférences inter nationales rassemblent des organisations hétéroclites de crédibilité variable et ont des résultats peu signifi catifs en comparaison des actions de lobbying menées par les ONG environnementalistes auprès des gouvernements15. Lors du Sommet de Rio en 1992, l’Agenda 2116 contri bua à définir de manière non équivoque les fonctions principales des ONG : « Les ONG jouent un rôle vital pour ce qui est de modeler et d’appliquer la démocratie participative. Leur crédibilité réside dans le rôle judicieux et constructif qu’elles jouent dans la société […]. La nature du rôle indépendant joué par les ONG dans la société exige une participation réelle, c’est pourquoi l’indépendance est une qualité majeure de ces organisations et l’une des conditions d’une participation effective […]. La société, les gouvernements et les organismes internationaux devraient mettre au point des mécanismes permettant aux organisations non gouvernementales de jouer effectivement leur rôle de partenaires responsables dans la mise en œuvre d’un développement écologiquement rationnel et durable17. » De fait, la collaboration entre institutions intergouver nementales et ONG s’est considérablement développée conjuguant la fourniture d’avis et d’informations 125 3e colloque étudiant de l’IHQEDS techniques, l’assistance aux secrétariats des con ventions, la promotion de leur mise en œuvre, le rassemblement et la transmission d’informations sur les non-conformités, la mise en œuvre des politiques nationales, la pression sur les gouvernements, la participation aux processus de prise de décision, et les actions d’information et de sensibilisation auprès du public18. Largement associées aux négociations, les ONG n’ont cependant qu’une influence réduite dans l’élaboration du droit conventionnel. Leur rôle en terme de mise en œuvre des règles est plus important. Entre leurs missions d’expertise et de conduite d’activités opérationnelles (souvent sollicitées par les États), les ONG n’en demeurent pas moins des entités critiques vis-à-vis de l’action étatique ou économique. Ces collaborations ne se limitent pas au niveau inter national, le mouvement économique et politique néolibéral a ouvert le secteur de la conservation à des partenariats entre ONG de conservation et États afin de légitimer la gestion de portions des territoires transformées en réserves naturelles. Les ONG de conservation acquièrent donc « une place politique nouvelle »19. Considérées comme des entités spécialistes des questions de conservation de la biodiversité, ces ONG veulent désormais se positionner « comme des acteurs capables de prendre en charge l’ensemble des domaines de l’action publique sur un territoire donné » 20 et revendiquent la légitimité d’acteurs globaux et non uniquement sectoriels face au recul de l’État dans la conservation des ressources naturelles. Le principal reproche qui peut ici être fait aux ONG de conservation est qu’elles demeurent uniquement animées par la protection de la biodiversité dans son état sauvage et limitent donc leur action aux aires naturelles protégées. Leur rôle se cantonne au secteur de la conservation et omet fréquemment les conceptions intégratrices des dimensions économiques et sociales, ferments du développement durable. En outre, par ce même biais les ONG deviennent des « policy-makers » et altèrent leur capacité de recul et de vision critique quant à l’orientation et la mise en œuvre des politiques de conservation. De plus, de nombreuses ONG de conservation consi dèrent leurs relations avec certaines entreprises essentielles à leur mission. Comment percevoir ces rapprochements entre secteurs économiques et ONG qui remettent en question l’indépendance de ces dernières ? Ces partenariats stratégiques doivent les obliger en contrepartie à répondre aux mêmes standards de légitimité et de gouvernance que leurs partenaires économiques21. Face aux lents progrès constatés en terme de conservation de la biodiversité, les financeurs réclament plus d’information quant à la 126 manière dont leurs budgets, qui vont grandissant, sont dépensés. Forcées de gérer leurs organisations comme des entreprises en quête de financeurs, elles doivent également recruter des dirigeants et des bureaucrates issus de gouvernements capables d’assurer une gestion efficace 22. Un malaise croissant accompagne ces pratiques. Conclusion Les ONG de conservation, comme les ONG environ nementales en général, font l’objet de beaucoup d’atten tion médiatique depuis quelques années, toutefois leur rôle ne semble plus correspondre à celui préconisé par l’Agenda 21 à Rio en 1992. Les diverses critiques exprimées à leur encontre nous amènent à formuler les réflexions suivantes. Certes, les ONG de conservation en tant que vecteur d’innovation dans la gouvernance de biodiversité constituent des acteurs importants sur la scène environnementale internationale, nationale et locale. Cependant, le processus de « gouvernemental isation » dans lequel elles sont de plus en plus impli quées semble entrer en conflit avec leur rôle d’expertise indépendante. De sorte que la nature des prises de position médiatique et leur attitude sur le terrain ne tendent pas à remplir leurs missions de façon impartiale et efficace. Les nombreux partenariats conclus en 2002 lors du Sommet de Johannesburg entre acteurs politiques, économiques, sociaux et institutionnels ne doivent pas laisser indifférent. Politisées et étatisées, les ONG sont largement dépendantes financièrement de bailleurs de fonds institutionnels et elles entre tiennent des liens accrus avec les instances gouver nementales et intergouvernementales. Certaines sont ainsi représentées par des hauts fonctionnaires au gouvernement qui sont également présidents d’ONG. Cette tendance au partenariat avec les institutions gouvernementales au détriment de leur position d’indépendance absolue paraît critiquable car en l’absence d’un contrôle de l’État et de la société civile, l’industrie tout comme des coalitions d’ONG ont les mains libres « pour contourner les pouvoirs publics dans la définition et l’application de normes environnementales »23. Face au recul de l’État dans les questions de conser vation, les ONG semblent s’octroyer un rôle de gouvernance de la biodiversité qui n’est pas le leur. Elles doivent tout au plus contribuer à une conscientisation rationnelle des gouvernements et des populations dans la mise en œuvre de la conservation durable car seul l’État et ses institutions décentralisées sont légitimement habilités à jouer un rôle efficace dans la gestion territoriale. Les ONG de conservation, ancrées dans les limites sectorielles du conservationnisme, ne 3e colloque étudiant de l’IHQEDS doivent ni prétendre incarner seules les communautés internationale ou nationales, ni décider des orientations conditionnant leur devenir car sans État, c’est l’ambi tion d’un ordre juridique cohérent qui disparaît, de même que l’institution de projets politiques durables globaux24. Notes 1. Ci-après « ONG ». 2. Près de 400 ONG participèrent à un rassemblement parallèle lors de la Conférence de Stockholm en 1972. Lors du Sommet de Johannesburg en 2002, 3000 ONG représentées par 8000 personnes avaient obtenue une accréditation. 3. Rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environ nement, L’avenir de l’environnement mondial, Synthèse GEO-3, 2002, [En ligne] [http://www.unep.org/geo/geo3/pdfs/ GEO3_Synthesis_fre.pdf] (consulté le 7 novembre 2006). 4. E. Rodary & C. Castellanet, « Les trois temps de la conservation », in Conservation de la nature et dévelop pement – L’intégration impossible ?, E. R odary , C. Catellanet & G. Rossi (dir.), Éditions GRET et Karthala, 2003, p. 10 à 36. 5. J.-M. Lavieille, Droit international de l’environnement, Ellipses, Paris, 1998, p. 138 et s. 6. E. Rodary, « Les ONG de conservation de la biodiversité : limites et phantasme territorial », [En ligne] [http://cnfg. univ-paris1.fr/cr/rodary.htm] (consulté le 4 février 2007). 7. J.-C. G énot & R. B arbault , « Quelle politique de conservation ? », in Biodiversité et changements globaux, R. Barbault & B. Chevassus-au-Louis (dir.), ADPF, 2004, p. 164. 8. D. Dumoulin, « Légitimités croisées », in Courrier de la Planète, no 75, [En ligne] [http://www.courrierdelaplanete. org/75/article3.html] (consulté le 14 mars 2007). 9. E. R odary & C. C astellanet , « Les trois temps de la conservation », in Conservation de la nature et développement – L’intégration impossible ?, E. Rodary, C. Catellanet & G. Rossi (dir.), Éditions Karthala et Gret, 2003, p. 7. 10. A. Muller, « L’envers des parcs naturels – Les tribus victimes de l’écologie », in Courrier international, n° 851, 21 février 2007, p. 41. 11. L. T ubiana & S. L ouafi , « Conservation et dévelop pement », in Courrier de la Planète, no 75, [En ligne] [http:// www.courrierdelaplanete.org/75/article1.html] (consulté le 14 mars 2007). 12. E. Rodary, « Les ONG de conservation de la biodiversité : limites et phantasme territorial », [En ligne] [http://cnfg. univ-paris1.fr/cr/rodary.htm] (consulté le 4 février 2007). 13. P. Ryfman, Les ONG, Collection Repères, Éditions La Découverte, 2004, p. 6. 14. H . R o u i l l é d ’ O r f e u i l , L a d i p l o m a t i e n o n gouvernementale, Collection Enjeux Planète, 2006, p. 169 et s. ; A. Bauer, « L’émergence d’une diplomatie non gouvernementale », in Les Échos, no 19348, 10 février 2005, p. 14 ; A. Bauer, « La diplomatie non gouvernementale. Les ONG peuvent-elles changer le monde ? », in Les Échos, n° 19642, 6 avril 2006, p. 23 ; P. Ryfman, « Les ONG, acteurs controversés des relations internationales », in (2006) 19 Questions internationales 99. 15. D. C ompagnon , « La conservation de la biodiversité, improbable bien public mondial », in Les Biens Publics Mondiaux – Un mythe légitimateur pour l’action collective ?, F. Constantin (dir.), Éditions L’Harmattan, 2002, p. 174. 16. Ces engagements en forme de déclaration ont été adoptés à Rio en juin 1992 lors de la Conférence de Nations unies sur l’environnement et le développement. 17. Chapitre 27 de l’Agenda 21. 18. S. Maljean-Dubois, « La gouvernance internationale des questions environnementales – Les ONG dans le fonc tionnement institutionnel des conventions internationales de protection de l’environnement », in Une société internationale en mutation : quels acteurs pour une nouvelle gouvernance ?, L. Boisson de Chazournes & R. Mehdi (dir.), Éditions Bruylant, Travaux du CERIC, 2005, p. 97 et s. 19. E. Rodary, « Les ONG de conservation de la biodiversité : limites et phantasme territorial », [En ligne] [http://cnfg. univ-paris1.fr/cr/rodary.htm] (consulté le 4 février 2007). 20. Id. 21. P. Jepson, « Governance and accountability og environmental NGOs », in (2005) 8 Environmental Science & Policy 517. 22. Y. Dezalay & B. Garth, « Les ONG au service de la mondialisation ? Connivence des élites internationalisées », in Le Monde diplomatique, juin 2005, p. 30-31. 23. Propos tenus par Madame Maryse Grandbois et Monsieur Philippe Le Prestre à la suite du Sommet de Johannesburg : C. G auvreau , « Reconnaître enfin la complexité des problèmes », in L’UQAM, 23 septembre 2002, [En ligne] [http://www.journal.uqam.ca/2002-2003/B2902.pdf] (consulté le 14 mars 2007). 24. R. Mehdi, « Mutations de la société internationale et adaptations institutionnelles : le grand défi », in Une société internationale en mutation : quels acteurs pour une nouvelle gouvernance ?, L. Boisson de Chazournes & R. Mehdi (dir.), Éditions Bruylant, Travaux du CERIC, 2005, p. 15. 127 3e colloque étudiant de l’IHQEDS L’Internet au service du mouvement environnemental : le cas des associations environnementalistes au Québec Ghada TOUIR Étudiante au doctorat en communication et sociologie Université Laval La présence de plus en plus accrue, ces dernières années, des technologies de la communication dans les foyers suscite plusieurs discours et débats, surtout en ce qui a trait à la place qu’elles occupent dans la vie quotidienne des usagers citoyens. Fortement amplifié par l’innovation de l’Internet, ce phénomène rend la question des activités citoyennes de plus en plus complexe pour deux raisons. L’Internet, en tant que média d’échange et d’interactivité, oblige, d’une part, à réviser la notion même d’usager et, d’autre part, à rendre compte de façon plus fine l’interrelation entre l’évolution technologique et le changement social. Quel impact aura cette interrelation sur les pratiques d’usagers, et plus particulièrement les pratiques citoyennes, et sur la création ou l’accumulation d’un capital social en vue de résoudre certains problèmes sociaux, par exemple ceux qui sont liés à l’environnement ? Notre communication se veut une réflexion sur ce sujet dans la perspective de notre projet de recherche de doctorat. Afin de répondre à la question qui guidera notre recherche, nous avons choisi de nous concentrer sur le cas de l’appropriation de l’Internet par les groupes sociaux (associations) œuvrant dans le secteur de l’envi ronnement et dont leur visibilité ne cesse d’accroître. Ce terrain d’enquête est en lien, d’une part, avec un changement social d’importance et, d’autre part, en lien avec la technologie et l’évolution des relations et des rapports sociaux entre les citoyens. Nous formulons à ce propos les hypothèses suivantes. 1. Les pratiques citoyennes en vue de résoudre des problèmes environnementaux mènent à l’appro priation de l’Internet en tant que technologie cogni tive de connexion et d’interactivité. 2. Les usages de l’Internet par les associations diffèrent selon leurs champs d’actions et leurs réponses au changement social. 3. Les logiques d’appropriation de l’Internet par les associations répondent à des objectifs et à des stratégies conduisant à renforcer le capital social existant. 128 Nous utiliserons trois instruments de cueillette de données : le sondage par questionnaire mis en ligne, l’analyse documentaire des sites Web d’associations environnementalistes et l’entretien semi-directif indivi duel auprès des administrateurs des associations. Ainsi nous procéderons à la validation de nos données par la stratégie dite de « triangulation ». Cet article fait état des résultats préliminaires de la première phase de notre processus de cueillette de données, le questionnaire en ligne (Internet), et en lien avec notre première hypothèse. À partir des données recueillies auprès d’un échantillon non probabiliste de membres d’associations environnementalistes au Québec, il veut contribuer à « mesurer » à la fois leurs usages de l’Internet dans le développement de pratiques citoyennes et leur capital social en tant que l’ensemble des relations en réseau « porteuses de ressources » à des fins de participation à la société civile. Dans la seconde partie, nous décrirons brièvement la suite dans notre tentative de cueillette de données sur le terrain. Première partie. Le questionnaire en ligne Dans un premier temps, nous cherchions à mesurer la capacité de nos répondants d’utiliser les outils d’Internet pour établir, maintenir et renforcer les relations à l’extérieur et à l’intérieur des associations. Ce sondage visait, dans un deuxième temps, à prendre la mesure du réseau relationnel de chacun, à l’extérieur (famille, voisins, amis, collègues) et à l’intérieur des associations environnementalistes (personnes ressources). Pour cela, nous avons utilisé les générateurs de noms, de contexte et de professions. Et finalement, nous cherchions, par la méthode de la simulation ou ce que Franke et ses collègues (2005) nomment le « module événementiel », à identifier les relations « porteuses de ressources ». Notre questionnaire est composé de 29 grandes ques tions de formes variées (ouvertes, fermées, à choix multiples, etc.) abordant les thèmes suivants : – Premier thème : les technologies de communication – Deuxième thème : les réseaux sociaux – Troisième thème : l’engagement social et politique 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Constitution de l’échantillon Notre échantillon non-probabiliste est composé de membres des associations qui ont accepté de collaborer à notre recherche (CREMTL, Environnement Jeunesse et Nature Québec) en invitant, par courriel via leurs listes de diffusion, leurs membres à se mettre en lien avec notre questionnaire en ligne1. Cependant des membres d’Équiterre et de Greenpeace (au total, 14) ont répondu à notre questionnaire en ligne via le site de l’un ou l’autre des trois associations qui ont accepté de collaborer à notre sondage. Nous avons reçu, dans un premier temps2, 65 réponses valides et dans un second temps, 52 réponses valides (N= 117). Profil des répondants La répartition de nos répondants (N = 93) selon les associations reflète les conditions déjà soulignées de l’exercice : CREMTL 23,7 %, Environnement Jeunesse 23,7 %, Nature Québec 37,6 %, Équiterre 7,5 % et Greenpeace 7,5 %. Ces conditions (la collaboration des associations, la période de l’année, le caractère volon taire et anonyme des réponses) ont produit un échan tillon non probabiliste (N=117) à majorité féminine (60 %), d’âge moyen (41 ans), hautement scolarisé – 98 % ont atteint un niveau d’instruction post-secondaire : collégiale (22 %), baccalauréat (32 %), maîtrise (33 %) et doctorat (10,5 %) – et qui œuvre dans un large éventail de milieux socioprofessionnels. Les premiers résultats Thème I : Les technologies de communication L’analyse des variables rattachées à ce thème nous permettra, d’une part, de « mesurer » en quelque sorte le degré d’usage et de maîtrise des fonctionnalités de l’ordi nateur et de l’Internet par nos répondants et, d’autre part, d’apprécier leur capacité d’utiliser l’Internet dans le maintien et le renforcement de leur réseau relationnel. Dans un premier temps, nous voulons connaître les habitudes de consommation des grands médias. Nous avons demandé aux répondants s’ils avaient regardé la télévision, écouté la radio, lu un journal ou un magazine (général ou spécialisé), regardé ou écouté des émissions, en direct ou en différé, sur Internet soit le jour même du sondage ou sur des périodes allant de « moins d’une semaine » à « ça fait longtemps » ou jamais. Si nous répartissons les réponses de nos répondants (N = 117) sur le très court terme (le jour même) et sur le moyen terme (moins d’un mois) nous remarquons que pour la très grande majorité, la consommation quotidienne des médias, tous contenus confondus, favorise la radio (75 %) et le journal (58 %) ; la télévision et le magazine général recueillent respectivement 40 % et 20 %. Si nous ajoutons la consommation mensuelle, il est clair que la préférence va aux médias traditionnels (plus de 90 % affirment les consommer au moins une fois depuis un mois, y compris le jour même), comparativement à l’Internet (entre 20 % et 37 %) et aux magazines spécialisés (25 %). Compte tenu du haut niveau de scolarité des répondants il n’est pas surprenant d’apprendre que près des deux tiers des répondants évaluent leurs usages de l’ordi nateur comme ceux de quelqu’un qui est « connaissant » ou « très connaissant » alors que 21 % se considèrent « moyennement connaissant » et 7 % se considèrent soit « très peu connaissant » ou « expert » (N = 117). Tous les répondants affirment avoir acquis cette habilité depuis u moins 10 ans et près du quart, depuis 20 ans. Dans un troisième temps, nous voulions savoir à quels usages de l’ordinateur s’emploient nos répondants (N = 117). Ici encore nous cherchons à cerner la fré quence selon le temps court (de « une à plusieurs fois par jour ») et le temps moyen (de « une fois par mois à plusieurs fois par semaine »). En général, nous pouvons dire que l’usage de l’ordi nateur est plutôt individualisé. À court terme, on échange des courriels (84 %), on rédige des documents (68 %), on cherche des informations (54 %), on consulte les médias (40 %), et à moyen terme on paye ses factures (70 %), on se divertit et l’on consulte des banques de données (41 %). Rarement ou jamais, on navigue sans but (68 %), on « blogue » (71 %), on clavarde (76 %), on télécharge des logiciels ou l’on achète en ligne (79 %), et l’on participe à un forum (88 %). Parmi les usages, nous avons demandé aux répondants s’ils utilisaient l’ordinateur pour consulter des sites à caractère public ou à caractère environnementaliste, et à quelle fréquence. Plus de la moitié (55 %) consultent très souvent ou souvent des sites « institutionnels » (associations environnementalistes, médias d’actualités et sites gouvernementaux) alors que plus des trois quarts consultent rarement ou jamais des sites « indi viduels » (Weblogue d’un environnementaliste, d’un journaliste ou le site d’un député provincial ou fédéral). Seulement 28 % consultent régulièrement le site du BAPE et 42 %, les banques de données. Pour clore ce premier volet, nous voulions savoir ce que représentait l’Internet chez nos répondants. La très grande majorité s’accorde pour dire que l’Internet est une « révolution technologique » (98 %), une « encyclo pédie mondiale » ou un « marché économique » (86,2 %), et un « lieu d’expression citoyenne » (84,8 %). Un peu plus de la moitié (55,2 %) considère que l’Internet est un « média comme un autre » alors que la grande majorité (87,8 %) voit l’Internet comme une « mode » passagère. 129 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Thème II : Les réseaux sociaux L’analyse des variables de ce thème vise à établir le réseau relationnel des répondants et à identifier les relations « porteuses de ressources ». Dans un premier temps, nous voulions savoir qui font partie de leur réseau relationnel, depuis quand et quel était le type de relation. À l’aide de la technique des générateurs de noms, nous avons demandé aux répondants (N=116) s’ils connaissent de nom des personnes du domaine public et le degré de connaissance (simple ou intime). Si les répondants identifient davantage comme per sonnes ressources, et les connaître personnellement (ou intimement), des personnes directement engagées dans l’action militante ou environnementale (expert, militant politique, membre d’un conseil d’administration, d’une association environnementaliste, fonctionnaire), par opposition à un conseiller municipal, député ou journaliste, c’est surtout à l’expert, au membre d’un conseil d’administration et ou fonctionnaire que le répondant va demander conseil pour mieux protéger l’environnement. Lorsqu’il s’agit d’échanger sur le sujet de l’environ nement, le réseau de « personnes ressources » s’élargit pour inclure des personnes de leur entourage immédiat (amis, membres de la famille, collègues de travail). C’est avec eux ainsi qu’avec un membre de l’administration d’une association environnementaliste, l’expert en environnement et le fonctionnaire, que les répondants ont le plus souvent communiqué par courriel au cours des douze derniers mois sur ce sujet. C’est d’ailleurs ce moyen de communication que la grande majorité (86 %) des répondants jugent le meilleur pour échanger avec les membres d’une association environnementaliste. Par ailleurs, quand se présente l’occasion d’aider quelqu’un à résoudre un problème lié à l’environnement, le plus souvent il s’agit d’un ami ou d’un collègue de travail plutôt qu’un membre de la famille. Thème III : L’engagement social et politique En abordant ce dernier thème nous cherchions à connaître le degré d’implication sociale de nos répon dants, dont l’intérêt pour les questions environ nementales remonte, en moyenne, à près de 20 ans. Dans un premier temps, nous voulions sonder leur engagement citoyen en leur demandant s’ils ont voté aux dernières élections fédérale, provinciale, municipale et scolaire. Compte tenu du profil de nos répondants, le degré élevé de participation comparé à la moyenne ne surprend guère : élection fédérale (93,7 %), élection provinciale (90,8 %), élection municipale (81,7 %), élection scolaire (28,4 %). 130 Dans un deuxième temps, nous les avions sondés sur leur participation à des actions citoyennes. C’est davantage le caractère individuel ou « privé » qui marque leurs actions, ce qui peut s’expliquer aisément par l’occurrence peu fréquente des actions plus « collectives » ou publiques (manifestations) ou par la perception du peu d’intérêt que soulève la question environnementale à un niveau décisionnel de proximité (conseil municipal ou commission scolaire). Nos répondants affichent une scolarité nettement audessus de la moyenne, ils sont des consommateurs réguliers des grands médias, s’intéressent à l’envi ronnement depuis une vingtaine d’années, en moyenne, et s’estiment bien connaître l’usage de l’ordinateur et de l’Internet. Il n’est donc pas surprenant de constater que 98 % sont tout à fait d’accord ou plutôt d’accord lorsqu’il s’agit de se considérer bien informés sur les problèmes environnementaux. Leur intérêt pour les problèmes environnementaux (changements clima tiques, gaz à effet de serre, réchauffement de la planète, pollution de l’eau et de l’air, déforestation, fonte des glaciers, extinction de certaines espèces et trous dans la couche d’ozone) est très élevé3. Par contre nous pouvons noter, comme eux, que certains sont moins d’actualité (contamination des sols, déchets nucléaires et pluies acides) parce que moins directement liés aux problèmes des changements climatiques et au réchauffement de la planète. En moyenne, nos répondants sont membres d’une association environnementaliste depuis 10 ans. Nous leur avions demandé d’opiner sur le pourquoi de leur adhésion et sur leur satisfaction à l’égard de leur association. Ce sont surtout des raisons « objectives » – degré d’engagement (34 %) et programme d’actions de l’association (21 %) – qui motivent l’adhésion plutôt que des raisons « subjectives » : influence d’un membre de la famille, d’un ami, du site Web ou la proximité (moins de 5 %). Si l’influence du site Web est négligeable par rapport à l’adhésion à une association environnementaliste, les deux tiers des répondants jugent de très bons ou bons les moyens de communication de leurs associations. La très grande majorité estiment qu’elles utilisent de façon efficace l’Internet en général (87,3 % soit tout à fait ou plutôt d’accord) et en particulier pour informer et communiquer avec leurs membres (84,5 %). C’est d’ailleurs la pertinence des informations sur le site Web qu’apprécient le plus les répondants (62,5 %). Par rapport à l’usage de l’Internet près de la moitié des répondants (N=98) estime qu’il les a incités à s’impliquer davantage dans leur association (45 %) et dans les affaires publiques (48,5 %). 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Cette appréciation de l’usage des moyens de commu nication par les associations et de la pertinence des informations sur leur site Web concorde avec la con fiance qu’ils accordent à ces informations. Ce sont davantage le site Web des associations, du BAPE, des gouvernements, et les médias plus anciens (la radio et l’imprimé) qui méritent la confiance de nos répondants par rapport à la télévision et aux sites individuels (weblogue ou site d’un député).. Tableau 1. Confiance aux informations environnementales diffusées Médias • Site Web de l’association • Magazines de vulgarisation scientifique • Site Web du Bape • Presse écrite (journaux) • Radio • Site Web gouvernemental • Télévision • Weblogue d’un environnementaliste • Weblogue d’un journaliste • Site Web d’un député Oui (%) 98,2 97,3 83,6 82,9 78,6 68,2 65,5 53,3 34,6 26,9 Conclusion provisoire Notre sondage, rappelons-le, a été réalisé auprès de 117 membres d’associations environnementalistes au Québec. Puisque notre échantillon non probabiliste est assez petit et limité, nous adoptons une certaine réserve dans l’interprétation des résultats. Premier thème : les technologies de communication • La consommation des médias traditionnels (télévi sion, radio et journaux), tous contenus confondus, s’inscrivent dans les habitudes quotidiennes et régulières de la majorité des répondants (population homogène, très scolarisée et relativement âgée). • La majorité des répondants qui se considèrent « con naissants » ou « très connaissants » depuis au moins 10 ans dans la manipulation d’un ordinateur font des usages plutôt individualisés. • La majorité des répondants dans leurs habitudes quotidiennes de consultation ou encore de navi gation sur Internet privilégient plus les sites « institutionnels » (associations environnementalistes, gouvernements, médias d’actualité) que les sites « individuels » (weblogues). C’est d’ailleurs aux informations de ces sites qu’ils accordent leur plus grande confiance. • Selon la majorité des répondants, l’Internet « n’est pas un média comme un autre » mais plutôt une révo lution technologique, une encyclopédie mondiale, un marché économique et un lieu d’expression citoyenne. Deuxième thème : les réseaux sociaux • Pour la majorité de nos répondants, les personnes travaillant dans le secteur environnemental (membre du conseil d’administration d’une asso ciation environnementaliste, un expert en matière d’environnement) et des membres de leur entourage immédiat font partie de leur réseau relationnel de « personnes ressources » avec qui ils échangent des courriels au sujet de l’environnement et demandent conseil ou encore de l’aide pour résoudre un problème environnemental. • Le courriel est jugé le moyen de communication par excellence pour communiquer et échanger avec leurs associations. Troisième thème : l’engagement social et politique • La majorité de nos répondants sont engagés socialement et politiquement dans la société civile : plus souvent que la moyenne, ils votent, signent des pétitions, font du bénévolat, participent aux manifestations publiques ou aux marches de pro testation, et recyclent très souvent leurs déchets. • Cette conscience et cet engagement pour les affaires publiques de la société civile, et plus précisément pour la cause environnementale, ne doivent surprendre puisque la majorité de nos répondants « se considèrent bien informés » et ils s’intéressent, en moyenne depuis 20 ans, aux pro blèmes environnementaux qui sont surtout liés aux changements climatiques et au réchauffement de la planète. • Depuis une dizaine d’années, en moyenne, nos répondants adhèrent à des associations environ nementalistes présentes au Québec en raison principalement du « degré d’engagement » de ces associations et également des « types d’actions » qu’elles mènent. • Selon la grande majorité de nos répondants, ces associations se servent efficacement de la tech nologie de l’Internet pour défendre leurs dossiers et également pour communiquer et échanger avec leurs membres. • Près de la moitié de nos répondants s’entende pour dire que leur usage de l’Internet les a incités à s’im pliquer dans leur association et dans les affaires publiques. Seconde partie : La suite de notre enquête Ces résultats préliminaires vont nous aider à préparer et réaliser les dernières phases de la cueillette de nos données. L’analyse des sites Web Afin de « mesurer » l’écart – si écart il y a – entre les « représentations » des membres et celles des 131 3e colloque étudiant de l’IHQEDS associations environnementalistes participantes à notre recherche, nous examinerons les sites Web de ces associations et toutes leurs déclinaisons de mise en ligne sur la Toile de l’Internet par les Webmestres. Grâce à une grille d’analyse qui sera élaborée à cette fin, et en lien avec notre deuxième hypothèse, nous tenterons de saisir dans les sites Web des associations, la « matérialité » de leurs représentations de la cause environnementale, de leur champ d’action et finalement, de leurs membres. Cette analyse nous permettra aussi d’induire les modes d’appropriation de l’Internet privilégié par chaque association en lien avec leurs représentations. Notre grille d’analyse des sites Web prendra la forme d’une description détaillée du contenu des rubriques, des différents documents et de leurs hyperliens présents dans les menus des pages d’accueil de ces sites. Nous débuterons par une classification générale des sites Web selon la mission spécifique et les objectifs de chaque association. Quatre thèmes guideront notre analyse : l’usage du site Web pour se faire connaître, l’usage du site Web pour maintenir des relations avec les membres et autres associations, l’usage du site Web pour renforcer l’engagement social et politique et l’usage du site Web pour établir et renforcer l’interactivité. 132 Les entretiens semi-directifs Des entretiens semi-directifs individuels seront menés auprès des responsables des équipes chargées du projet du « changement climatique » des associations choisies pour notre recherche et de leurs webmestres pour savoir comment les responsables des associations évaluent leur appropriation de l’Internet et dans quelle mesure ils tiennent compte de l’avis (demandes, opinons et courriels) des membres dans leurs actions environnementalistes. Notes 1. Nous voulons remercier Monsieur André Roy du Départe ment d’information et communication et Madame Hager Khechine du Département des systèmes d’information organisationnels, à l’Université Laval, pour leurs conseils et aide dans la réalisation et la mise en ligne de notre questionnaire sondage. 2. La première date du retour du questionnaire en ligne a été fixée au 15 décembre 2006 et le rappel, au 30 janvier 2007. 3. Le pourcentage des répondants qui considèrent comme très sérieux ces problèmes varie entre 95 % (changements climatiques) à 81 % (trou dans la couche d’ozone). 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Bibliographie AFCHAIN, J. (2001). Les associations d’action sociale : outils d’analyse et d’intervention, Paris : Dunod. BODSON, P., STAFFORD, J. (2006). L’analyse multivariée avec SPSS, Sainte-Foy : Les presses de l’Université du Québec ; 245 p. CARTIER, M. (2002). Les groupes d’intérêts et les collectivités locales : une interface entre le citoyen et l’État. 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Judith Alain, étudiante à la maîtrise en santé communautaire, Université Laval Les phénols dans le lixiviat de bois : Développement d’une méthode d’analyse et réduction par biofiltration Najat Kamal, étudiante au doctorat en génie civil, Université Laval 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Liste des participants Alain, Judith Département de médecine sociale et préventive Université Laval Courriel : [email protected] Cambon Pierre Département de géographie Université Laval Courriel : [email protected] Audette-Chapdelaine, Marianne Institut québécois des Hautes études internationales Université Laval Courriel : [email protected] Charlebois, Pierre-Olivier Faculté de droit Université Laval Courriel : [email protected] Aziz Es-Salhi, Mohammed Département de génie civil Université Laval Courriel : [email protected] Charron Andréanne Département des sciences de la nature Cegep de Sainte-Foy Courriel : [email protected] Baccar, Habib Faculté de droit Université Laval Courriel : [email protected] Cool, Geneviève École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional (ESAD) Université Laval Courriel : [email protected] Baker, Alexandre Département Aménagement du territoire Université Laval Courriel : [email protected] Bakry, Mustapha Département des sciences du bois et de la forêt Université Laval Courriel : [email protected] Beguin, Julien Département des sciences du bois et de la forêt Université Laval Courriel : [email protected] Bérard, Marie-Hélène Faculté de droit Université Laval Courriel : [email protected] Bouffard Mélanie Maitrise en environnement Université de Sherbrooke Courriel : [email protected] Cossette, Yves Département des Sciences de l’Administration Université Laval Courriel : [email protected] Côté, Ghislain Département de géographie Université Laval Courriel :[email protected] Cyr, Charles Département de génie électrique et génie informatique Université Laval Courriel : [email protected] Dagenais, Marie-Pierre Département de sociologie Université Laval Courriel : [email protected] Demers, Valérie Institut des sciences de l’environnement UQAM Courriel : [email protected] 135 3e colloque étudiant de l’IHQEDS DesMarchais, Pierre-Olivier Faculté de droit Université Laval Courriel : [email protected] Lamonde, Bernard Département d’économique Université Laval Courriel : [email protected] Diouf, Aliou Département de géographie Université Laval Courriel : [email protected] Levaque, Renée Direction de santé publique de la capitale nationale 3320, avenue de la Paix, G1X 3W6 Courriel : [email protected] Dupré, Sophie Département de géographie Université Laval Courriel : [email protected] Macaigne, Peggy Département de génie civil Local 3955, Pavillon Pouliot Université Laval Courriel : [email protected] Fleury, Frédéric Département de géographie Université Laval Courriel : [email protected] Francisque, Alex École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional (ESAD) Université Laval Courriel : [email protected] Maric, Anita Faculté ENAC École Polytechnique Fédérale de Lausanne Courriel : [email protected] Martin, François Département de biologie Université Laval Courriel : franç[email protected] Robert, Francois Simon Département d’Agriculture Université Laval Courriel : [email protected] Mekki, Sabine Faculté de droit Université Laval Courriel : [email protected] Karirekinyana, Ginette Faculté de philosophie Université Laval Courriel : [email protected] Miranda, Luis Département d’Économique Université Laval Gagnon-Légaré, Ariane Département de science politique Université Laval Courriel : [email protected] Gagnon, Christine Département Droit Université Laval Courriel : [email protected] Monast-Robineau, Pascal Département de géomatique appliquée Université de Sherbrooke Courriel : [email protected] Monnerat, Mélie Département de géographie Université Laval Courriel : [email protected] Kamal Najat Département Génie Civil Université Laval Morales, Sonya Département Droit Université Laval Courriel : [email protected] Lachance-Bernard, Myriam Département de Biologie Université Laval Courriel : [email protected] Moreault, Denise Département Droit Université Laval Courriel : [email protected] Lachance-Bernard, Nicolas École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional (ESAD) Université Laval Courriel : [email protected] Moy Anne-Charlotte Département Droit Université Laval Courriel : [email protected] 136 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Ngo, Anh-Thu Département d’économie agroalimentaire et des Sciences de la consommation Université Laval Courriel : [email protected] Painchaud-April, Mathieu Maitrise en environnement Université de Sherbrooke Courriel : [email protected] Rondier, Pierre École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional (ESAD) Université Laval Courriel : [email protected] Saint-Laurent Vallée, Anthéa Département de géographie Université Laval Courriel : [email protected] Sotousek, Julia Faculté de droit Université Laval Courriel : [email protected] Touir, Ghada Département d’information et de communication Université Laval Courriel : [email protected] Tremblay, Hugo Faculté de droit Université Laval Courriel : [email protected] Vézeau, Nicolas Département de science politique Université Laval Courriel : [email protected] Guay, Louis Professeur au département de sociologie Université Laval Courriel : [email protected] Halley, Paule Professeure à la Faculté de droit Université Laval Courriel : [email protected] Joerin, Florent Professeur à l’école supérieur d’aménagement du territoire (ESAD) Université Laval Courriel : [email protected] Olivier, Alain Professeur de département de phytologie Université Laval Courriel : [email protected] Rodriguez, Manuel J. Professeur au département d’aménagement Université Laval Courriel : [email protected] Équipe de l’IHQEDS Philippe Le Prestre – Directeur Téléphone : (418) 656-2131, ext. 2723 Local : 3857 Courriel : [email protected] Jocelyne Néron – Chargée des communications Téléphone : (418) 656-3274 Local : 3853 Courriel : [email protected] Professeurs Koassi D’Almeida – Adjoint à la formation et à la coopération Téléphone : (418) 656-2131, ext. 2475 Local : 3849 Courriel : [email protected] Bernard, Jean-Thomas Professeur au département d’économique (GREEN) Université Laval Courriel : [email protected] Hélène Laurence – Adjointe à la recherche Téléphone : (418) 656-2131, ext. 2598 Local : 3865 Courriel : [email protected] Boucher, Nathalie Professeure au département d’économique Université Laval Courriel : [email protected] Aurore Nembrini – Chargée de projets Téléphone : (418) 656-2131, ext. 8814 Local : 3827 Courriel : [email protected] Bouthillier, Luc Professeur au département des sciences du bois et de la forêt Université Laval Courriel : [email protected] Linda Marcoux – Adjointe administrative Téléphone : (418) 656-2723 Local : 3861 Courriel : [email protected] 137 3e colloque étudiant de l’IHQEDS Ariane Gagnon-Légaré – Assistante (recherche) ; campus durable Téléphone : (418) 656-2131, ext. 5379 Local : 3831 Courriel : [email protected] Claude Audet-Robitaille – Assistante (recherche) Téléphone : (418) 656-2131, ext. 4654 Local : 3835 Courriel : [email protected] Mathilde Forest-Rivière – Assistante (communications) Téléphone : (418) 656-2131, ext. 4654 Local : 3835 Courriel : [email protected] 138 Lucie Verreault – Assistante (communications) Téléphone : (418) 656-2131, ext. 4654 Local : 3835 Courriel : [email protected] Liliana Diaz – Coordinatrice projet Panama Téléphone : (418) 656-2131, ext. 8814 Local : 3827 Courriel : [email protected] Marie-Hélène Bérard – Liaison membres étudiants, auxiliaire de recherche Téléphone : (418) 656-2131, ext. 5379 Local : 3831 Courriel : [email protected]