Salmonelloses
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Salmonelloses
Salmonelloses Les salmonelles (genre Salmonella) sont des bactéries de la famille des Enterobacteriaceae, parasites du tube digestif de l’homme et des animaux. Ce sont des bacilles à Gram négatif, aéro-anaérobies facultatifs. Les travaux taxonomiques les plus récents ont montré que le genre Salmonella ne comprend que deux espèces génétiquement individualisées : S. bongori (très rare) et S. enterica, composée de 6 sous-espèces. La sousespèce I, S. enterica subspecies enterica, représente plus de 99,5 % des souches isolées en pathologie. L’identification des espèces et sous-espèces se fait sur la base de caractères biochimiques. Au sein de ces espèces et sousespèces, les souches peuvent être différenciées par la sérotypie (antigènes somatiques O, antigènes flagellaires H et antigènes Vi d’enveloppe) définissant des sérovars ou sérotypes. La dénomination actuelle des sérovars au sein de la sous-espèce est : • dans la sous-espèce I, par exemple pour le sérotype Typhimurium : S. enterica subsp. enterica sérotype Typhimurium ou plus simplement S. Typhimurium ; • dans les autres sous-espèces, les sérotypes sont désignés uniquement par leur formule antigénique. La sous-espèce I comprend, à ce jour, 2 435 sérovars. La contamination est surtout d’origine hydrique. Elle peut être directe (selles, linge souillé, mains sales, urines) ou indirecte (la plus fréquente) par ingestion d’eau ou d’aliments contaminés. Chez l’homme, les salmonelloses sont à l’origine de deux types de pathologie. • les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes ou salmonelloses majeures : elles sont dues à S. Typhi, S. Paratyphi A, B ou C, au cours desquelles deux mécanismes d’invasion se superposent : un processus entéro-invasif et l’action de l’endotoxine (LPS). Après une période d’incubation variable (5 à 30 jours, en général 15 jours), la typhoïde comporte deux phases successives : – l’apparition séquentielle de symptômes pendant la 1re semaine : asthénie, céphalées, vertiges, signes digestifs (nausées, anorexie), état fébrile qui atteint 40 °C en quelques jours ; – une phase d’état à la 2e semaine, caractérisée par une fièvre en plateau à 40 °C, une diarrhée fétide couleur « jus de melon », des signes cutanés, une hépatosplénomégalie, un état de prostration (tuphos), des urines rares et foncées, parfois des signes respiratoires. Si le diagnostic et le traitement sont précoces, l’évolution est favorable. En l’absence de traitement, on note des complications digestives (hémorragies, cholécystites), cardiovasculaires, neuroméningées et ostéoarticulaires. • les salmonelloses mineures : elles se traduisent le plus souvent par des gastroentérites d’origine alimentaire dues à S. Typhimurium, S. Enteritidis et S. Panama. En France, 64 % des toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) sont dus aux salmonelles, notamment lors de la consommation d’œufs et de produits à base d’œufs. Ces gastroentérites relèvent soit d’un processus entéro-invasif, soit d’un mécanisme endotoxinique, selon les souches bactériennes. Chez les sujets immunodéprimés (traitement immunosuppresseur, infections par le VIH, maladie de Hodgkin) et les nourrissons, ces sérovars peuvent conduire à des septicémies. Le diagnostic repose sur trois types de méthode : • l’isolement en culture et l’identification de l’agent pathogène, qui permettent d’étudier les marqueurs épidémiologiques et la sensibilité aux antibiotiques ; • la détection de S. enterica par PCR en temps réel ; • la mise en évidence d’anticorps dans le sérum. Culture Pour le diagnostic direct, les prélèvements les plus fréquemment utilisés sont l’hémoculture et la coproculture, les urines, la bile et le LCR. L’hémoculture au cours des fièvres typhoïdes et paratyphoïdes est positive dans 90 % des cas dans la 1re semaine, 70 % des cas dans la 2e semaine et 40 % des cas dans la 3e semaine. La coproculture, négative au début de la 1re semaine, se positive ensuite, peut le rester longtemps et permet le dépistage des porteurs chroniques. La réalisation de la coproculture nécessite l’emploi de milieux solides sélectifs type gélose Hektoen ou gélose Salmonella-Shigella (gélose SS) incubés 24 heures à 37 °C. Les colonies lactose–, urée–, indole– et H2S+ mises en évidence sur gélose Hektoen sont ensuite ensemencées sur un milieu Khigler-Hajna. Les colonies lactose– et glucose+ en milieu Khigler-Hajna sont identifiées par des tests biochimiques à l’aide de galeries d’identification. Le sérotype de la souche est ensuite déterminé avec des sérums dirigés contre les antigènes somatiques O et flagellaires H. PCR en temps réel Avant de réaliser l’extraction, la selle est enrichie en milieu liquide type cœur-cervelle en bain-marie agité pendant 4 heures. La technique vise à amplifier le gène invA impliqué dans le mécanisme invasif de Salmonella. Outre la rapidité de la réponse, l’avantage est de mettre Tableau 1. Salmonelles : exemples de résultats de sérodiagnostics 1 2 3 4 5 6 7 TO 400 200 200 100 – 400 – TH 800 – – – 400 1 600 200 AO AH – – – – – – – – – 100 – 100 – – BO 100 400 – 200 – – – BH – 800 – – 200 200 – CO – – – – – – – CH – – – – – – – 1 : Fièvre typhoïde à la période d’état. Coagglutination BO due au facteur 12. 2 : Fièvre paratyphoïde B à la période d’état. Coagglutination TO. 3 : Trois hypothèses au moins à envisager : a) Fièvre typhoïde au début, vers le 8e jour : les agglutines O sont apparues, les agglutines H ne le sont pas encore ; un nouveau sérodiagnostic pratiqué quelques jours plus tard pourra les mettre en évidence. b) Infection due à un sérotype de Salmonella ayant l’antigène O commun avec S. Typhi, mais un antigène H différent : rechercher toujours dans ce cas si la suspension H de S. Enteritidis n’est pas agglutinée. c) Infection due à un agent pathogène autre qu’une Salmonella, par exemple Yersinia pseudotuberculosis type IV : faire, si cette hypothèse peut être retenue en fonction de la clinique, une intradermo-réaction. 4 : Trois hypothèses au moins : a) Paratyphoïde B au début avec coagglutination TO (voir 3a). b) Même raisonnement que 3b). Recherche de l’agglutination de S. Typhimurium H (très fréquent ; structure O similaire à celle de S. Paratyphi B, mais H phase 1 différent). c) Même raisonnement que 3c) avec Y. pseudotuberculosis type II. 5 : Vacciné au TAB depuis plus de 3 mois : les agglutinines O ont disparu, les agglutinines H persistent pendant de nombreuses années. Les agglutinines AH peuvent être absentes, le vaccin contenant moins de A que de T et B. 6 : Patient vacciné au TAB faisant une fièvre typhoïde à la suite d’une contamination massive par des S. Typhi. 7 : Trois hypothèses au moins : a) Malade ayant fait une fièvre typhoïde et en ayant gardé la marque sérologique, comme s’il avait reçu un vaccin T seul. b) Infection due à une Salmonella possédant l’antigène H :d commun avec S. Typhi, mais un antigène O différent de TABC : essayer d’isoler cette bactérie, en particulier par coproculture. c) Fièvre typhoïde traitée précocement par fluoroquinolones. Les agglutinines O peuvent ne pas apparaître. Si un nouveau sérodiagnostic montre une ascension nette des agglutinines TH, si les signes cliniques et hématologiques sont en faveur d’une fièvre typhoïde, cette ascension rend probable ce diagnostic. Mais on ne pourra l’affirmer, la même ascension pouvant s’observer dans l’hypothèse 7b). In : Le Minor L, Veron V. – Bactériologie médicale. 2e édition. – Paris : Flammarion, 1990 ; p. 426. en évidence un facteur de virulence bactérien en cause dans la pathologie. Le sérodiagnostic de Widal et Félix ne peut être appliqué qu’au dépistage d’un nombre limité de sérovars : S. Typhi, S. Paratyphi A, B et C, S. Enteritidis et S. Typhimurium. Il permet la recherche des agglutinines anti-O et anti-H par dilutions croissantes du sérum du malade en présence de suspensions préparées avec les sérovars S. Typhi, S. Paratyphi A, B et C. L’agglutination H est rapide (2 heures) et floconneuse à 37 °C. L’agglutination O est lente (18 heures) et granulaire à température ambiante. Les résultats du sérodiagnostic ou plutôt de la séroorientation doivent être interprétés en fonction de différents éléments : • la notion de la courbe des agglutinines : classiquement, dans les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes, les agglutinines anti-O apparaissent vers le 8e jour, atteignent un titre moyen de 1/400 et disparaissent rapidement après la guérison clinique. Les agglutinines anti-H apparaissent vers le 10 à 12e jour, atteignent un titre moyen de 1/800 à 1/1 600, baissent dans les semaines suivant la guérison clinique et persistent des mois, voire des années, à un titre moyen de 1/100 à 1/200 ; • la montée de la courbe des agglutinines sur deux prélèvements différents : lors de la vaccination par un vaccin TAB (bactéries tuées par chauffage), on assiste à la production d’agglutinines anti-O et anti-H : seules les agglutinines anti-H persisteront à un titre moyen de 1/100 à 1/200. Souvent, le titre de l’agglutination S. Paratyphi A de type H sera inférieur à 1/100 et il ne persistera que des agglutinines de S. Typhi et S. Paratyphi B de type H au titre moyen de 1/100 à 1/200 ; • la structure antigénique des Salmonella : les antigènes O des sérovars S. Typhi et S. Paratyphi B comportent les facteurs majeurs 9 et 4, caractéristiques de groupe, et un facteur commun appelé 12. Il est donc normal de noter des coagglutinations de la suspension S. Paratyphi B de type O lors de la fièvre typhoïde et de la suspension de S. Typhi type O lors d’une para- typhoïde B. Au contraire, il est rare de noter une agglutination S. Paratyphi A de type O lors d’une fièvre typhoïde ou paratyphoïde B. Il existe aussi des facteurs antigéniques partiellement communs avec les antigènes O de Salmonella chez des bactéries du type Yersinia, Brucella, et les Candida. Certaines souches de Y. pseudotuberculosis peuvent donner une agglutination avec BO ou avec TO ; • la notion de traitements antibiotiques précoces ; • la notion d’autres pathologies à type de collagénoses, hémopathies, cirrhoses, cancers digestifs pouvant donner des réactions faussement positives. En conclusion, le diagnostic de certitude reste le diagnostic bactériologique, la sérologie ne constituant qu’un élément complémentaire de l’exploration (tableau 1). ☞ ( Campylobactérioses Desbouchages L, Pangon B, Doucet-Populaire F, Ghnassia JC. Diarrhées infectieuses à salmonelles. Feuillets Biol 2004 ; 45/259 : 7-19. Pennec YL, Garré M. Salmonelloses de l’adulte. EMC – Maladies Infectieuses 2003 ; 8-018-A-15, 9 p.
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