Droit des Successions

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Droit des Successions
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CHAPITRE
1
Introduction générale
Le droit des successions forme avec le droit des régimes matrimoniaux le droit patrimonial de la famille.
1 • LA NOTION DE SUCCESSION
A - Définition de la succession
La succession désigne plusieurs choses :
– il s’agit d’abord d’un procédé de transmission des droits subjectifs par le décès : il
nécessite un auteur (le de cujus) et un ayant cause (l’héritier) ;
– il s’agit également du patrimoine ou d’une partie du patrimoine qui passe de la tête
du de cujus à la tête de l’héritier ;
– il s’agit enfin du droit même de l’héritier : on parle par exemple de « droit de succession du conjoint survivant ».
B - Fondement de la succession
Dans une première conception, le droit de succession est rattaché au droit de
propriété. Le de cujus a une place primordiale. La dévolution ab intestat est fondée sur
les affections présumées du de cujus. Il s’agit d’un système individualiste.
Dans une seconde conception prédomine l’idée de conservation des biens dans les
familles ; il s’agit d’un moyen d’assurer des ressources aux générations futures. La
succession peut être vue comme une forme capitalisée et anticipée de l’obligation alimentaire. Il existe une réserve héréditaire pour les héritiers les plus proches c’est-à-dire
qu’une partie du patrimoine ne peut se voir entamée par des libéralités. Cette conception exclut de la succession ab intestat le conjoint survivant et les enfants naturels.
Dans une troisième conception, c’est à la puissance publique de déterminer à qui
revient le patrimoine héréditaire. L’État est partie prenante dans les successions en
raison des impôts qu’il prélève à l’occasion de la transmission des biens.
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2 • HISTOIRE DES SUCCESSIONS
L’étude de l’histoire des successions permet de montrer l’opposition qui peut exister
entre la succession légale, ab intestat, et la succession testamentaire, qui selon les
époques ou les lieux ont tour à tour prédominé1.
A - Droit primitif
Il existe peu de renseignements relativement au droit primitif.
B - Droit romain
En droit romain, le testament tient une place privilégiée, ce qui s’explique par le caractère individualiste du droit romain et par l’importance du droit de propriété. Par le testament, le testateur instituait son héritier et lui transmettait ses biens en même temps
qu’une tradition familiale. Des mesures pouvaient cependant être prises afin que le
testateur n’exhérède pas totalement ses proches.
C - Ancien Droit
Les pays de coutume, au Nord, s’opposent au pays de droit écrit, situés au Sud.
1) Droit écrit
Au Moyen-Âge, le testament est, comme en droit romain, largement prédominant
mais il existe également des mesures destinées à protéger les droits des proches du
de cujus.
2) Droit coutumier
Dans les pays de coutume, il existe de nombreux régimes qui possèdent néanmoins
quelques traits communs. Le droit de succession a un caractère collectif, familial. Dès
lors, la dévolution est principalement légale. Le testament est largement secondaire.
La préoccupation principale qui domine le droit coutumier est celle de la conservation
des biens dans la famille. Le moyen de parvenir à ce but consiste dans la distinction
entre les propres, constitués par les biens immobiliers reçus par le de cujus par succession et les acquêts acquis par le de cujus durant sa vie. Les propres doivent rester dans
la famille au moins pour les 4/5e d’entre eux. Le de cujus peut disposer des acquêts et
des meubles comme bon lui semble avec parfois des limites qui varient selon les
coutumes. Il s’agit d’un droit successoral conservateur.
D - Droit intermédiaire
L’idée d’égalité domine le droit révolutionnaire. Les révolutionnaires ont le souci de
réagir contre les excès de la féodalité. La loi du 6 août 1790 supprime les privilèges
ainsi que les inégalités attachées à la qualité d’étranger. Le décret du 8 avril 1791
1. Bosse-Platière (H.), « L’esprit de famille après les réformes du droit des successions et des libéralités », Informations sociales 2007.
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supprime les inégalités attachées à la qualité d’aîné, de puîné et à la différence de
sexe, celui du 4 juin 1793 les inégalités liées à la filiation. La loi du 17 Nivôse an II
(6 janvier 1794) illustre cette volonté d’établir une égalité à l’intérieur de la famille :
ainsi, une personne ne peut tester qu’au profit d’un membre de sa famille et dans la
limite d’1/10e de la succession afin d’éviter toute rupture d’égalité. Cependant, des
legs peuvent être consentis à des tiers. Le patrimoine du de cujus est attribué à ses
descendants, à défaut à ses frères et sœurs et à leurs descendants, à défaut aux père
et mère. Aucune limite n’est fixée à la parenté. En revanche, il n’est pas fait mention
du conjoint survivant. Il s’agit d’une loi rétroactive qui s’applique à toutes les successions ouvertes depuis 1789. Elle remet alors en cause des successions liquidées. Plusieurs lois successives seront nécessaires pour venir à bout de cette rétroactivité.
E - Code de 1804
Le Code civil de 1804 accomplit une œuvre transactionnelle entre l’ancien régime et le
droit transitoire. La dévolution est principalement déterminée par la loi : il s’agit d’une
dévolution ab intestat. La dévolution est aménagée en fonction des affections du de
cujus et surtout de la parenté par le sang jusqu’au douzième degré. Le conjoint survivant est exclu ainsi que les enfants naturels. Une réserve héréditaire existe au profit
des parents les plus proches. Le testament est prévu mais tient une place secondaire.
En ce qui concerne la liquidation et le partage, aucun règlement n’est prévu dans le
Code civil pour faire cesser l’indivision entre les héritiers.
F - L’évolution ultérieure au Code civil
L’évolution s’est accomplie ensuite en fonction des modifications de la conception de
la famille et pour des raisons économiques.
1) Les modifications liées à la conception de la famille
De 1804 à 1917, la famille successorale existe jusqu’au douzième degré. À partir de
1917, la succession ab intestat est arrêtée en principe au sixième degré de parenté.
Le conjoint survivant a vu ses droits ab intestat augmenter en 1891 et en 1972. Les
enfants naturels simples ont vu leurs droits relevés en 1896 et en 1925, 1930, 1957,
1958, 1963 et 1972, ils sont alors devenus l’équivalent des enfants légitimes du point de
vue successoral. Les enfants naturels adultérins se sont vus reconnaître des droits successoraux. Le droit tient de plus en plus compte des affections présumées du défunt.
La réforme des droits du conjoint survivant avait fait l’objet de projets de lois déposés
à l’Assemblée nationale en 1988, 1991 et 1995. C’est finalement un projet déposé en
janvier 2001 qui a donné lieu à la loi du 3 décembre 2001 « relative aux droits du
conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de
droit successoral »2. Cette loi présente donc trois volets :
2. Loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et
modernisant dans ses dispositions de droit successoral, JO 4 décembre 2001, p. 19279.
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– les droits du conjoint survivant : la loi du 3 décembre 2001 améliore sensiblement la
vocation successorale légale du conjoint survivant, et organise un certain nombre de
mesures de protection en sa faveur telles que le droit de rester dans son logement ou
le droit à pension ;
– les droits de l’enfant naturel adultérin : les discriminations successorales subies par
les enfants naturels sont supprimées : il s’agit d’abroger les dispositions qui prévoient
une restriction aux droits successoraux de l’enfant naturel adultérin et d’ouvrir l’action
en retranchement aux enfants naturels ;
– les diverses dispositions d’ordre successoral : un certain nombre d’articles du Code
civil ont été réécrits afin de les rendre plus clairs notamment concernant les divisions
par branche, ordre, degré… La répartition inégale de la succession entre les collatéraux privilégiés selon qu’ils sont utérins, consanguins ou germains est supprimée, ainsi
que la théorie des comourants. Le régime de l’indignité successorale est largement
réformé. Les dispositions relatives à la preuve de la qualité d’héritier sont également
modifiées.
La loi du 23 juin 20063, portant réforme des successions et des libéralités a pour
objectif de faciliter le règlement des successions : réforme de l’acceptation à concurrence de l’actif net, assouplissement des règles de l’indivision, création de différents
types de mandat pour gérer la succession…
2) Les modifications liées à des raisons économiques
a) L’attribution préférentielle
En 1938, le législateur a décidé que, si certaines conditions sont remplies, il peut y
avoir lieu à une attribution préférentielle de l’exploitation agricole à charge d’une
soulte et si l’attributaire se montre capable de diriger l’exploitation. La loi du 23 juin
2006 a apporté quelques modifications au régime de l’attribution préférentielle.
b) La loi du 31 décembre 1976
La loi du 31 décembre 1976 a incorporé au Code civil un statut précis de l’indivision.
La loi du 23 juin 2006 a largement modifié les dispositions relatives à l’indivision en
assouplissant notamment la règle de l’unanimité.
BIBLIOGRAPHIE
ARON (G.), « Étude sur les lois successorales de la Révolution française », Nouv. rev. hist., 1901,
p. 444 et 585.
BEIGNIER (B.), La réforme du droit des successions. Loi du 3 décembre 2001 : analyse et commentaire,
Litec, Coll. « Carré droit », 2002.
3. Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, JO 24 juin 2006, p. 9513,
complétée par le décret n° 2006-1805 du 23 décembre 2006 relatif à la procédure en matière successorale et
modifiant certaines dispositions de procédure civile, JO 31 décembre 2006, p. 20370.