L`apprentissage et le CCCA-BTP

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L`apprentissage et le CCCA-BTP
fOCUS
Le Comité de pilotage
national pour
la prévention du risque
routier professionnel
a présenté en janvier
2007 un livre blanc
intitulé 12 propositions
pour un véhicule
utilitaire plus sûr. La
dynamique de progrès
ainsi enclenchée pour,
entre autres objectifs,
un « usage rationnel
du véhicule » fait
déjà sentir ses effets
comme le montre
ce Focus centré sur la
formation d’apprentis
et sur l’aménagement
d’un véhicule
de secours.
APPRENTISSAGe
APPRENTISSAGE
Formation à l’usage
rationnel du véhicule d’entreprise
Certains jeunes salariés du BTP se voient confier les clés d’un fourgon
d’entreprise alors qu’ils ont une faible expérience de la conduite.
D’où l’idée de compléter la formation des apprentis du BTP par
un enseignement de la conduite professionnelle. Le CFA de Blanquefort,
en Gironde, vient de tester une formation innovante en la matière.
Y
oann, Laure-Anne et
Julio ont tous trois
20 ans. Ils préparent
en alternance l’un des six brevets professionnels proposés
par le centre d’apprentissage
(CFA) du BTP de Blanquefort
(cf. encadré ci-contre). Les
deux premiers se destinent
au métier de carreleur, le dernier à celui de peintre. Comme
pour les autres formations
en alternance dispensées à
Blanquefort, ces activités exigent une grande mobilité, et
tous trois ont leur permis de
conduire. « J’utilise le fourgon
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© Yves Cousson/INRS
Véhicules
utilitaires
légers
de l’entreprise pour me rendre
sur les chantiers et je transporte
également l’outillage de carrelage, les matériaux, le ciment et
les différents produits », témoigne Yoann, qui prend le volant
régulièrement. À l’inverse,
Laure-Anne se contente de la
place de passager. « En plus des
produits techniques et des pots
de peinture, nous embarquons
nos échelles », précise, quant
à lui, Julio. Aujourd’hui réunis
en ce début du mois de mai
sur la piste du centre de formation de l’École française de
conduite ECF-CESR d’Eysines,
en Gironde, ces trois élèves
comptent parmi le groupe de
quinze apprentis volontaires
qui suit le second stage expérimental (1) de formation à
l’usage rationnel des véhicules
d’entreprise.
Faible expérience
« Cette initiative, menée conjointement avec l’Institut national de recherche et de sécurité
(INRS) et le CCCA-BTP, s’inscrit
dans le cadre du programme
général 2006-2009 du Comité
de pilotage national pour la
L’apprentissage et le CCCA-BTP
À
Blanquefort, le CFA du BTP accueille chaque année en
moyenne 1 300 apprentis, répartis en 14 sections de métiers
différents. Partie prenante de l’Association pour la formation
professionnelle du BTP de Gironde (AFBTP), il est affilié à un
réseau national. Ce dernier compte 102 centres d’apprentissage
du bâtiment et des travaux publics. Il est animé par un comité
de concertation et de coordination de l’apprentissage (CCCA-BTP).
L’association est financée par une cotisation sociale versée
par les entreprises du BTP à la caisse BTP Prévoyance de Pro BTP.
Cette filière d’enseignement par alternance représente plus
de 20 % des apprentis tous secteurs confondus et 80 % des
apprentis du BTP. Plus de 53 000 entreprises du BTP participent
à la formation d’apprentis dont l’âge est généralement de
20 ans. Près de 80 % des apprentis obtiennent leur diplôme
et trouvent un emploi à l’issue de la formation. En 2008,
environ 76 000 jeunes suivent une formation aux 22 métiers. Ils
peuvent préparer un diplôme du niveau du certificat d’aptitude
professionnelle (CAP), un brevet d’études professionnelles (BEP),
un brevet professionnel (BP), un bac pro ou encore poursuivre
au-delà (brevet de technicien supérieur…). Depuis cinq ans,
leur nombre s’accroît régulièrement, y compris l’effectif féminin :
1 300 jeunes femmes sont actuellement en formation.
© Yves Cousson/INRS
prévention du risque routier professionnel, commente Laurent
Théveny, responsable du programme “formation initiale”
à l’INRS. Actuellement, la compétence “santé et sécurité au
travail” est intégrée aux diplômes, mais rien n’est prévu pour
sensibiliser les jeunes actifs au
risque routier. » À la complexité
de l’activité de conduite professionnelle, s’ajoute la faible
expérience au volant de cette
catégorie de personnes, en particulier pour les véhicules utilitaires de moins de 3,5 tonnes.
« Nos deux organismes ont
sollicité le concours du CFA
de Blanquefort et de la CRAM
Aquitaine pour expérimenter
cette formation afin d’ajuster son contenu et dans le but
d’étudier sa démultiplication
dans d’autres structures », précise Laurent Théveny. Il fallait
développer, chez les apprentis, des compétences liées à la
conduite de véhicules et à son
usage professionnel rationnel.
Pour mener à bien ce projet, les
partenaires engagés dans ce
projet ont sollicité le concours
de l’Institut de formation professionnelle ECF Aquitaine. Cet
organisme possède, en effet,
une expérience de formation
professionnelle en matière de
gestion des risques routiers.
Compétences
complémentaires
« Nous nous sommes appuyés
sur les compétences complémentaires du CFA et
d’ECF-branche formation professionnelle, explique Sandrine
Paradis, ingénieur-conseil en
charge du risque routier à la
CRAM Aquitaine. Au cours des
deux journées de formation,
un formateur prévention des
risques liés à l’activité physique (PRAP) du CFA anime la
partie risques professionnels
Des apprentis du CFA Blanquefort
participent à l’un des deux stages
expérimentaux mis en place
conjointement par l’INRS et le
CCCA-BTP. Objectif : leur permettre
de développer des compétences
liées à la conduite de véhicules et à
son usage professionnel rationnel.
et notamment ceux qui sont
liés aux manutentions. En
parallèle, un formateur référent “métiers du transport” et
Laurence Lacoste-Lacroix, responsable pédagogique et responsable gestion des risques,
abordent plus spécifiquement
les questions de sécurité routière. » À l’occasion de chacun
des neuf ateliers (cf. encadré
page suivante), ces formateurs ont fait le choix de partir d’exemples vécus tant au
cours de la vie professionnelle
que personnelle. En témoigne
le choix, pour illustrer l’atelier
« étude d’un cas d’accident »,
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Deux jours, neuf ateliers
L
habitudes. » Pour la trentaine
d’apprentis maçons, peintres,
carre­leurs et installateurs sanitaires de Blanquefort engagés
dans cette formation expérimentale au cours des deux stages, l’essai est concluant. Reste
à le transformer.
de la vidéo Dure journée (2),
impliquant un véhicule utilitaire léger d’une entreprise de
BTP. Au travail comme sur la
route, « votre sécurité ne doit
pas dépendre des insuffi­sances
des autres, souligne l’un des
formateurs, en décortiquant
les causes de l’accident devant
les stagiaires. La préparation
du travail et sa bonne organisation sont essentielles. »
Jean-Paul Richez
1. Outre la mission risque routier du
Réseau prévention de la sécurité routière,
le groupe professionnel GP2R, auquel
participe ECF, a également contribué à
bâtir ce programme.
Essai concluant
Le formateur poursuit : « Si
vous constatez des anomalies
mettant en jeu votre sécurité,
vous devez informer votre responsable. Demain, vous serez
dans sa situation : la formation
du brevet professionnel vous
prépare à être chefs d’équipe. »
Plusieurs d’entre eux restent
dubitatifs sur leur possibilité
d’agir sur la préparation des
tâches en tant qu’apprentis.
L’essentiel est de leur faire
prendre conscience des dangers auxquels ils peuvent être
exposer et les amener à adopter les bonnes pratiques. C’est
également le rôle des exercices.
« On ne se rend pas compte de la
différence de comportement du
véhicule à vide et en charge »,
témoigne Yoann, qui apprécie
l’apport de ce stage. Avec un
regret cependant : « On devrait
apprendre plus tôt à manipuler
des charges. Cela nous éviterait de prendre de mauvaises
2. Dure journée, film de Pierre Gadrey de
11 minutes réalisé dans le cadre d’un
partenariat entre la préfecture de l’Allier
et la CRAM Auvergne.
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© Yves Cousson/INRS
Outre des ateliers pratiques de
conduite, le stage comporte
également des éléments plus
spécifiques sur l’arrimage des
charges et l’influence
du chargement sur le
comportement du véhicule.
e programme alterne formations théoriques et pratiques,
rythmées par des ateliers. Il débute par une initiation
à la prévention des risques professionnels suivie d’un
enseignement sur la prévention des risques liés à l’activité
physique (PRAP). Les ateliers « sécurité routière » abordent
les notions théoriques par la démonstration pratique
des principes efficaces : vérifications du véhicule, manœuvres
et limite de visibilité, chargement du véhicule et arrimage
des charges, influence du chargement sur le comportement
du véhicule, préparation des déplacements et étude
d’un cas d’accident, déroulement d’un choc, évaluation
des comportements habituels de conduite, distance
de sécurité, activité de conduite et temps de réaction,
freinage d’urgence. Partenaire de la CRAM Aquitaine,
de l’INRS et du CFBTP, l’institut de formation professionnel
ECF a conçu, analysé et développé spécifiquement le module
de formation à l’usage rationnel des véhicules d’entreprises.
Le groupe ECF, spécialisé dans les métiers de la conduite,
est organisé en deux secteurs : la branche formation initiale
préparant au permis de conduire, la branche formation
professionnelle qui compte plus de 25 instituts de formation
professionnelle répartis sur le territoire français.
© Gaël Kerbaol pour l’INRS
Secours en entreprise
Une réalisation pensée
en interne
L’usine PSA Peugeot Citroën de Valenciennes s’est équipée d’un véhicule
utilitaire léger pour ses interventions de premiers secours. L’occasion de
penser l’aménagement du véhicule et d’optimiser en amont les conditions
d’intervention. Pour ce faire, une réflexion mobilisant tous les acteurs
concernés a été menée en interne.
L
orsqu’il y a urgence, il
faut être prêt à tout. Il
est donc impératif de
préparer en amont les interventions de secours. Ce n’est
pas une fois en situation
réelle que l’on doit se rendre compte de lacunes dans
l’organisation et réaliser
l’inefficacité des opérations.
C’est pourquoi les camions
de pompiers exigent un aménagement intérieur des plus
rigoureux. Tout est organisé
pour que les dispositifs de
secours soient accessibles,
quels que soient les besoins.
L’usine PSA Peugeot Citroën
de Valenciennes possède son
propre service de sécurité
générale. Composé de cinq
équipes de quatre personnes,
il assure 24 heures sur 24
la sécurité du site. Il peut
intervenir à tout moment
et en toute circonstance.
Assistance aux personnes et
départs de feux sont les pricipales causes d’intervention.
Il y a deux ans, la sécurité
générale s’est dotée d’un
nouveau véhicule, de type
Jumper.
Groupe
de réflexion interne
« Avec un tel gabarit, nous pouvons désormais circuler dans
les allées à l’intérieur des bâtiments, donc intervenir au plus
près du lieu qui nécessite une
intervention », remarque David
Largillet, un des surveillants
pompiers. L’aménagement du
véhicule utilitaire léger (VUL)
a donc été étudié avant sa
mise en service pour répondre au mieux aux besoins des
secouristes. « Le véhicule a
été transformé d’un commun
accord avec les cinq équipes.
Des réunions informelles se
sont déroulées durant deux
mois sur le terrain, au moment
des changements d’équipes.
Chacun a pu faire part de ses
besoins et de son expérience.
Mais le véhicule actuel n’est
pas figé, de nouvelles évolutions peuvent être envisagées », souligne Jean-François
Gauthiez, responsable de la
sécurité générale. « Il était
logique que nous soyons impliqués dans les réflexions, pour
que le véhicule nous donne
des moyens d’intervention
optimaux », complète David
Largillet. Tout matériel a ainsi
son emplacement attitré : casques, appareils respiratoires
individuels, ceinturons, lignes
de vie... Les secouristes savent
instantanément où trouver les
outils dont ils ont besoin. Par
ailleurs, une « remorque environnement » tractée contient
tout le matériel nécessaire
(boudins obturateurs, granulés absorbants…) pour lutter
contre les pollutions accidentelles. « Aujourd’hui, ce fourgon nous convient, même si
certains points peuvent encore
être améliorés, comme les
fixations de nos tenues de cuir
qui, pour l’heure, n’existent
pas », explique le surveillant
pompier.
Parallèlement, des procédures d’intervention ont été
définies pour assurer la sécurité des secouristes. Car le
VUL est un élément parmi un
ensemble de démarches. Par
exemple, en ciblant au mieux
la nature d’un départ de feu
(localisation précise, présence
de produits inflammables ou
explosifs), les pompiers savent
dans quel contexte ils vont
avoir à intervenir. D’autre part,
des pompiers auxiliaires sont
formés dans les différents services pour servir de relais sur
le terrain. « Nous en sommes
à 63 personnes formées, et en
visons 100, afin d’en avoir au
moins une dans chaque service
en permanence, note encore
Jean-François Gauthiez. Nous
avons la chance d’avoir une
direction qui a une politique
très volontariste en matière de
sécurité et qui y attache une
importance capitale. Ce qui
nous permet de travailler à la
diminution des risques d’incendie de façon quotidienne. »
Céline Ravallec
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