Febvay : quand l`habit fait le moine…
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Febvay : quand l`habit fait le moine…
Febvay : quand l’habit fait le moine… Implanté au cœur des Vosges, Febvay, dernier fabricant français de vêtements professionnels sur mesure, vient de s’offrir un joli coup de projecteur médiatique qui réjouit à juste titre toutes les parties prenantes de sa chaîne vertueuse ; clients, fournisseurs, employés et… leur dirigeant : Raphael Hans qui se bat — au pays — pour préserver une certaine idée du Made in France. Rencontre… Un sujet de plus de deux minutes en prime time sur TF1 ; difficile de souhaiter mieux. Raphaël Hans, « à la fois DG et VRP » de l’entreprise — il passe la moitié de son temps sur la route — ce sont surtout les clients qui lui parlent du reportage ; ces dirigeants de grands hôtels et de palaces dont Febvay conçoit et réalise les uniformes. « Ils sont fiers, contents pour nous. Et puis cela les conforte dans leur choix ». Mais lui, Raphael ?... « La reconnaissance qui nous touche, c’est avant tout celle des clients ; ils nous renvoient en miroir la passion qu’on met à faire du beau, de l’hyperfonctionnel, de la qualité vraie. Sinon, bien sûr que c’est important pour le pays de montrer qu’il existe encore de petites entreprises, possédant un vrai savoir-faire, ancrées dans l’humain et… qui marchent ». Balbutiements du Made in France Motif de la soudaine mise en lumière de cette PME de 27 personnes située à Vagney, dans les Vosges ? L’attribution coup sur coup de deux marchés aussi prestigieux que symboliques : la réalisation des tenues du personnel du Ministère des Finances et de l’Assemblée Nationale : cuisines et restaurant. « C’est super, bien sûr. Cela nous garantit quelques commandes alors que les perspectives d’avenir sont plutôt floues. Parce que le revers de la médaille, quand vous faites de la qualité, c’est que ça dure ! Nos vêtements sont quasi inusables et avec la crise, les gens les font durer davantage encore. L’Assemblée Nationale, prestige oblige, doit se renouveler tous les ans. Mais au-delà, la vraie bonne nouvelle, c’est qu’on ait pu l’emporter ! Rien de tel n’aurait été possible il y a encore cinq ans ; seuls les prix bas comptaient et nous, avec notre main d’œuvre française, on est, forcément, un peu plus cher. Pas tant que cela d’ailleurs, il faut le souligner, car tous nos concurrents, 30 à 40 fois plus gros que nous, ont de sérieux problèmes de stocks qui impactent leurs prix… Mais depuis quelques temps, c’est vrai, on sent comme un début de prise de conscience concernant le Made In France : une tentation de retour vers une qualité qui dure, est naturelle et… maintient les emplois situés derrière. Comme si la société de consommation à outrance touchait à sa fin. Oh ! Juste un frémissement… » S’adapter ! Attentif au monde et à ses mouvements, c’est il y a deux ans que, pour la première fois, Raphael a décidé de participer aux appels d’offres publics. Grand bien lui en a pris donc, même si ce n’était pas la première fois que Raphael avait une bonne idée au bon moment. Febvay aurait déjà coulé, sinon. Comme la plupart des entreprises textiles de la région et comme tous les autres fabricants de vêtements de travail français ; enfin… sauf les « gros » qui, eux, ont, tous, délocalisé. Mais prenons les choses dans l’ordre. Febvay, créé en 1947 fut repris en 1996 par Hans père & fils. Rapidement, Raphael se retrouve seul à la tête de l’entreprise qui, jusqu’à cette époque, ne confectionne que des tenues de travail pour les métiers de bouche (boucheries, boulangeries, etc.). C’est là, au début des années 2000 qu’il réfléchit à une diversification possible… bon sang, mais c’est bien sûr : le personnel des grands hôtels ! Il tâte le terrain, embauche une styliste, s’achète une mallette de VRP et en avant ! Innover Aujourd’hui, plus de la moitié du CA (1,2 M€) est réalisée grâce aux 400 à 450 établissements de prestige qui lui font confiance et trouvent chez lui ce qui n’existe plus ailleurs : du sur-mesure ou quasi, bien au-delà de la simple personnalisation, une réactivité absolue, une qualité exemplaire et le sens du service qu’on imagine. Sans oublier une innovation perpétuelle qui, si elle suit la mode, devance en revanche les besoins du client : « quand vous travaillez toute la journée dans un uniforme que vous n’avez pas choisi, à faire le service ou le ménage, vous avez intérêt à vous y sentir bien » : tissus très résistants et pourtant agréables, fibres techniques et « respirantes » (déclinées des vêtements de sport) et souvent… naturelles. Tous les tissus sont fabriqués en Europe, bien sûr ; si possible en France et si possible dans les Vosges. D’où le « Label Vosges Terre textile », une AOC industrielle garantissant que plus de 75 % de l’ensemble de la filière est Made in Vosges. Auquel s’est ajouté le prestigieux Label EPV distinguant depuis 2010 une poignée d’Entreprises du Patrimoine Vivant pour "l’excellence de leurs savoir-faire". Grandir C’est comme ça que, des années durant, Raphaël, a fait croître son entreprise et comme ça que depuis 2009, il s’est fixé comme objectif de… ne pas reculer : « stable en chiffre et en personnel. Non pas que nos clients aillent voir ailleurs, mais comme je l’ai dit, ils renouvellent moins leurs vêtements. Équation simple : s’ils achètent moins, il faut en trouver plus ; et nous tourner vers l’export. Je suis donc plus souvent dehors, mais en mon absence, en dépit d’un management très participatif et d’une prise de décision souvent partagée, chacun est tellement impliqué qu’il sait parfaitement ce qu’il doit faire : de son mieux comme d’habitude, décidant avec sa tête et son cœur. Et puis, on est une petite équipe, rompue à la gestion de l’urgence par un dialogue permanent ; flexibles, adaptables, autonomes, dévoués. Pourquoi en irait-il autrement quand je ne suis pas là ? » Serait-ce l’influence du CJD ? « Ah ! la solitude du dirigeant, je n’y croyais pas trop au début, cela me faisait presque rire. Et puis… » Existe-t-il une vie après le CJD ?... « … Et puis, la réalité m’a rattrapé : quand vous récoltez les angoisses de chacun, quand chacun décharge son stress et ses problèmes sur vous, vous en faites quoi ?!... J’ai adoré ce lieu d’échanges : soudain on n’est plus seul, tous partagent un vécu semblable et nul ne vous juge ; cet espace d’action et d’investissement : j’ai essayé d’apporter ma pierre à l’édifice côté formation ; ce cocon de transformation : j’ai considérablement évolué et grandi en suivant les programmes de développement personnel. Douze années formidables. Heureusement qu’Epinal compte un réseau d’aînés très actif. On se voit, se met au service, se forme encore un peu… C’est certes beaucoup plus light, mais cela a le mérite d’exister, de créer un “après-CJD”. Parce que, sérieusement, une rupture totale n’aurait pas été envisageable ; cela m’a fait tellement bizarre, déjà… » Jérôme Bourgine Le 11-12-2014