Revue d`actualité fiscale n 35

Transcription

Revue d`actualité fiscale n 35
REVUE D’ACTUALITE FISCALE
Avril 2015 – n° 35
Sommaire
La présente revue d’actualité fiscale est consacrée aux principales décisions jurisprudentielles des
derniers mois.
I.
Régime des sociétés mères
L’engagement de conserver les titres pendant
deux ans est exigé par l’article 145.1.c du CGI
pour bénéficier du régime des sociétés mères,
dont la rédaction est antérieure à l’adoption de la
directive
européenne
mères-filles
du
23 juillet 1990, mais qui est demeurée inchangée
suite à cette adoption.
Par ailleurs, le seuil de 5 % s’apprécie
uniquement en capital et non en droits de vote.
La société mère bénéficie en effet du régime des
sociétés mères si elle détient 5 % du capital de sa
filiale, même si elle détient dans cette filiale
moins de 5 % des droits de vote (CE
5 novembre 2014, n°370650, Sté Sofina).
Il ne peut donc être regardé que comme ne
s’appliquant, conformément au deuxième alinéa
du 2 de l’article 3 de ladite directive, qu’aux titres
de participation donnant droit à la qualité de
société mère.
En conséquence, lorsqu’une société détient 5 %
du capital et moins de 5 % des droits de vote, les
distributions provenant des titres assortis d’un
droit de vote bénéficient du régime des sociétés
mères.
L’article 145 du CGI correspond donc à une
transposition implicite de la directive, et il
n’existe aucune différence de traitement entre
les sociétés mères françaises, selon qu’elles
perçoivent des distributions de filiales françaises
ou de filiales établies dans d’autres Etats de
l’Union européenne (CE 15 décembre 2014,
n°380942, Technicolor).
Une société mère qui, du fait d’un prêt de titres,
détenait moins de 5 % du capital de sa filiale, ne
peut plus bénéficier du régime des sociétés
mères car le prêt de titres entraîne transfert de
propriété (CE 26 septembre 2014, n°363555,
SA Artemis).
En conséquence, tant que la société mère
conserve au moins 5 % de la participation de sa
filiale et les a conservés pendant au moins deux
ans, toutes les distributions reçues de cette filiale
bénéficient du régime des sociétés mères.
Les titres acquis via un prêt de titres ne
bénéficient pas du régime des sociétés mères car
cela ressort du texte clair des articles 145 et 216
du CGI, et ce, même si le prêt de titres a été
consenti par une personne physique (CAA
Bordeaux 17 novembre 2014, n°13BX00351).
Villemot, Barthès & Associés - 60, rue Pierre Charron – 75008 Paris - Tél. : 01.45.08.44.07. – Fax. 01.45.08.44.24.
Email : [email protected] - http://www.cvna-avocats.com
Le régime des sociétés mères ne s’applique pas
aux dividendes qui ont transité par un general
partnership américain.
En effet, l’article 145 s’applique aux
participations et donc uniquement aux titres
détenus en direct.
Le fait que le general partnership soit
transparent en fiscalité américaine n’est pas
pertinent, le traitement fiscal à l’étranger ne
pouvant avoir d’influence sur l’analyse que doit
mener le juge français. Cette analyse amène à
assimiler le general partnership à une société
relevant de l’article 8 du CGI.
Enfin, l’article 7 de la convention fiscale francoaméricaine, qui fait référence aux partnerships
américains, ne saurait avoir pour objet de
modifier les modalités d’imposition prévues par
le droit interne français, son objet étant
seulement de répartir entre les deux Etats le droit
d’imposer les dividendes distribués par les
partnerships (CE 24 novembre 2014, n°363556,
SA Artemis).
II.
Acte anormal de gestion
Il n’appartient pas à l’administration de se
prononcer sur l’opportunité des choix arrêtés par
une entreprise pour sa gestion.
En regardant comme ne relevant pas d’une
gestion commerciale normale le choix par
l’entreprise de l’ampleur de la campagne de
lancement et de promotion d’un produit (40 à
55 % de son chiffre d’affaires), en se fondant
notamment sur le dépassement du taux moyen
de ces dépenses dans le secteur de l’industrie
pharmaceutique (12%), l’administration a
méconnu ce principe.
De même, l’absence de marge commerciale prise
par la société quand elle se fait rembourser des
frais de lancement et de promotion par sa mère
italienne ne peut à elle-seule faire présumer un
caractère anormal de la facturation de ces frais
(CE 23 janvier 2015, n°369214 SAS Rottapharm).
III.
Prix de cession de titres différent de leur
valeur vénale
En cas de vente par une société à un prix que les
parties ont délibérément minoré, sans que cet
écart de prix ne comporte une contrepartie, la
libéralité ainsi octroyée représente un avantage
occulte constitutif d’une distribution au sens de
l’article 111 c du CGI, alors même que l’opération
est portée en comptabilité et y est assortie de
toutes les justifications concernant son objet et
l’identité du cocontractant, dès lors que cette
comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la
libéralité en cause.
La preuve de l’avantage occulté est apportée par
l’administration lorsqu’elle établit l’existence
d’un écart significatif entre le prix convenu et la
valeur vénale du bien cédé.
S’agissant de titres de sociétés non cotées, et en
l’absence de transactions pouvant servir de
référence, un écart de 17,5 % entre le prix de
cession pratiqué et la valeur vénale évaluée par
l’administration ne présente pas un écart
significatif.
Par ailleurs, si l’administration relève que la
cession a été faite entre sociétés du même
groupe, et qu’ainsi aucune négociation réelle n’a
pu avoir lieu pour que le prix de cession soit fixé
au prix du marché, cette seule circonstance ne
permet pas de considérer que la cession n’aurait
pas été faite au juste prix, dès lors que
l’administration ne contredit pas l’affirmation de
la société selon laquelle le prix de cession
pratiqué a été déterminé par un cabinet
indépendant et de réputation établie (CAA
Versailles 4 novembre 2014, n°VE00011, Sté Rexel
Développement).
IV.
Imputation des déficits et des
amortissements
dans
l’intégration
fiscale
La lecture combinée des articles 209, I-3ème alinéa
39 et 156 du CGI amène à considérer que le
déficit subi lors d’un exercice antérieur ne peut
pas s’imputer sur le bénéfice avant les
amortissements de l’exercice.
Villemot, Barthès & Associés - 60, rue Pierre Charron – 75008 Paris - Tél. : 01.45.08.44.07. – Fax. 01.45.08.44.24.
Email : [email protected] - http://www.cvna-avocats.com
2
En effet l’article 209, I-3ème alinéa du CGI énonce
que le déficit antérieur ne peut être déduit du
bénéfice de l’exercice que dans la limite de ce
bénéfice, bénéfice qui doit, en application de
l’article 39.1, être établi après déduction de
toutes charges dont font partie les
amortissements de l’exercice.
En conséquence une société intégrée ne peut pas
imputer son déficit antérieur à son entrée dans
l’intégration avant passation des amortissements
de l’exercice (CE 10 avril 2015, n°369667).
V.
Contribution exceptionnelle sur l’impôt
sur les sociétés et intégration fiscale
La contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les
sociétés est due par les redevables de l’impôt sur
les sociétés réalisant un chiffre d’affaires
supérieur à 250 millions d’euros.
Dans l’intégration fiscale, le chiffre d’affaires est
entendu comme la somme des chiffres d’affaires
de chacune des sociétés membres du groupe et la
contribution est due par la société mère.
La question était de savoir si les règles de
l’intégration, en appréciant le seuil de chiffre
d’affaires en se contentant d’additionner les
chiffres d’affaires des sociétés membres du
groupe, alors que certaines de ces sociétés
intervenaient en tant qu’intermédiaires, et donc
que le même chiffre d’affaires était pris en
compte deux fois, ne créait pas une rupture
d’égalité devant les charges publiques.
Le Conseil constitutionnel répond par la négative
car le législateur a entendu imposer spécialement
les grandes entreprises, et parce que les règles
d’assujettissement des sociétés membres d’un
groupe intégré, quelle que soit la nature de
l’activité de certaines sociétés du groupe, ne font
pas peser sur la société mère une charge
excessive au regard de ses facultés contributives
(Conseil constitutionnel, décision n°2014-456,
QPC du 6 mars 2015, Société Nextradio TV).
VI.
Conventions d’intégration fiscale
Une note interne au groupe, émise par la société
mère à l’intention de sa filiale intégrée, peut
valoir avenant à la convention fiscale permettant
à cette filiale de déduire de l’impôt dû à la mère,
qui devait, selon les termes de la convention, être
égal à celui qu’elle aurait acquitté si elle n’avait
pas été intégrée, le montant de l’impôt
correspondant à la reprise de certaines
provisions. De ce fait, les stipulations de cette
note interne ne traduisent pas l’octroi d’une
subvention.
En conséquence, aucun formalisme particulier ne
s’applique
en
matière
de
convention
d’intégration fiscale et il est possible d’adapter au
cas par cas, et dans la limite de l’acte anormal de
gestion, les conventions d’intégration fiscale aux
situations spécifiques des filiales (CAA Versailles
30 décembre 2014, n°VE02872).
VII.
ETNC
Les dispositions du CGI excluant du régime des
sociétés mères les dividendes reçus d’une filiale
établie dans un Etat ou territoire non coopératif
(ETNC) ainsi que celles privant du régime du long
terme les plus ou moins-values réalisées à
l’occasion de la cession des titres de sociétés
établies dans des ETNC répondent à l’objectif
constitutionnel de lutte contre la fraude fiscale.
Elles ne méconnaissent pas le principe d’égalité
devant la loi car la différence de traitement est
fondée sur des critères en rapport direct avec
l’objet de la loi.
Enfin, elles ne sauraient, sans porter une atteinte
disproportionnée au principe d’égalité devant les
charges publiques, faire obstacle à ce que, à
l’instar de ce que le législateur a prévu pour
d’autres dispositifs applicables aux opérations
réalisées dans un ETNC, notamment aux articles
125 A, 182 A bis et 182 B du CGI, le contribuable
puisse être admis à apporter la preuve de ce que
la prise de participation dans une société établie
dans un ETNC correspond à des opérations
réelles qui n’ont ni pour objet ni pour effet de
permettre, dans un but de fraude fiscale, la
localisation de bénéfices dans un tel ETNC
(Conseil constitutionnel, décision n°2014-437,
QPC du 20 janvier 2015, Afep).
Villemot, Barthès & Associés - 60, rue Pierre Charron – 75008 Paris - Tél. : 01.45.08.44.07. – Fax. 01.45.08.44.24.
Email : [email protected] - http://www.cvna-avocats.com
3
VIII.
Crédits d’impôt étrangers
Les conventions fiscales conclues par la France
avec la Nouvelle-Zélande et avec la Chine
(ancienne convention du 30 mai 1984) n’excluent
pas la possibilité de déduire du revenu imposable
en France les impôts acquittés en NouvelleZélande ou en Chine, la seule mention que les
revenus provenant de ces pays sont imposables
pour leur montant brut ne suffisant pas à
interdire cette déduction.
En conséquence, la déduction des impôts
acquittés dans ces pays est possible lorsque le
crédit d’impôt conventionnel ne peut pas être
utilisé par l’entreprise française en raison de sa
situation déficitaire (CAA Versailles 18 novembre
2014, n°12VE00639, SA LVMH Moët Hennessy).
L’entreprise qui a dû acquitter à l’étranger une
imposition alors que la convention réservait à la
France le droit d’imposer le revenu en cause (la
rémunération de prestations de services qualifiée
à tort de redevances par les administrations
étrangères) peut déduire cette imposition de son
résultat imposable en France, en application de
l’article 39.1-4 du CGI.
En effet, les conventions fiscales qui interdisent
de déduire les impôts acquittés à l’étranger ne
visent que les impôts donnant droit à un crédit
d’impôt conventionnel, c’est-à-dire les impôts
perçus en conformité avec la convention
(TA Montreuil 1er décembre 2014, n°1301376,
SA L’Oréal).
IX.
TVA ayant grevé les frais de cession de
titres
Les dépenses préparatoires à une cession de
titres sont présumées faire partie des frais
généraux et la TVA les ayant grevés est, en
principe, déductible, le cas échéant, par
application du coefficient de taxation.
Mais il suffit à l’administration d’alléguer que les
dépenses en cause ont été incorporées dans le
prix de cession des titres pour renverser la
présomption de déductibilité de la TVA. En
l’absence d’éléments contraires produits par la
société, la déduction sera refusée, ce qui est le
cas dans l’affaire faisant l’objet de cette décision,
le contrat de cession ne précisant pas, comme
cela est souvent le cas, que chaque partie
supportera les frais qu’elle aura engagés
(CE 4 février 2015, n°370525).
Villemot, Barthès & Associés - 60, rue Pierre Charron – 75008 Paris - Tél. : 01.45.08.44.07. – Fax. 01.45.08.44.24.
Email : [email protected] - http://www.cvna-avocats.com
4