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L’Encéphale (2009) 35, 52—56
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
PSYCHOPATHOLOGIE
Contributions des symptômes dissociatifs aux
comportements antisociaux dans un échantillon
d’adolescents scolarisés
Contribution of dissociative symptoms to
antisocial behavior in a sample of
high-school students
H. Chabrol a,∗, C. Saint-Martin a, N. Sejourné a, O. Moyano b
a
Centre d’études et de recherches en psychopathologie, université de
Toulouse-Le Mirail, 31000 Toulouse, France
b
Protection judiciaire de la jeunesse de la Gironde, équipe de recherches
comparatives en éducation et formation, Bordeaux-2, 33000 Bordeaux, France
Reçu le 12 janvier 2007 ; accepté le 17 décembre 2007
Disponible sur Internet le 2 avril 2008
MOTS CLÉS
Comportements
antisociaux ;
Symptômes
dissociatifs ;
Symptômes
dépressifs ;
Traits limites ;
Traits
psychopathiques ;
Adolescents
∗
Résumé La relation entre troubles dissociatifs et délinquance grave à l’adolescence est
connue. Malgré la fréquence des symptômes dissociatifs chez les adolescents de la population générale, les relations entre symptômes dissociatifs et comportements antisociaux n’ont
pas été étudiée. Cent trente adolescents scolarisés ont rempli des questionnaires évaluant les
comportements antisociaux, les symptômes dissociatifs et dépressifs, les traits de personnalité
limite et un trait de la personnalité psychopathique, la dureté. Chez les garçons, une analyse de régression multiple a montré que ces variables psychopathologiques n’influençaient pas
les comportements. Chez les filles cette influence était forte : l’association est positive avec
les symptômes dissociatifs et négative avec les symptômes dépressifs. La dissociation pourrait faciliter les comportements antisociaux que la dépression inhiberait chez les filles. Les
comportements antisociaux des adolescentes de la population générale semblent liés à des
déterminismes psychopathologiques différents de ceux des adolescents.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Auteur correspondant. 21, rue d’Alsace-Lorraine, 31000 Toulouse, France.
Adresse e-mail : [email protected] (H. Chabrol).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008.
doi:10.1016/j.encep.2007.12.006
Les comportements antisociaux des adolescents scolarisés
KEYWORDS
Antisocial behavior;
Dissociative
symptoms;
Depressive
symptoms;
Borderline traits;
Psychopathic traits;
Adolescents
53
Summary
Introduction. — The link between dissociative disorders and delinquent behavior has been reported in forensic and clinical adolescents. Despite the frequency of dissociative symptoms in
nonclinical adolescents, the relation between dissociative disorders and antisocial behavior
has not been studied in community samples of adolescents.
Aim of the study. — The aim of this study is to investigate the relative contribution of dissociative symptoms and other psychopathological variables (depressive symptoms, borderline and
psychopathic personality traits often reported to be associated with behavioral problems) to
antisocial behavior in a sample of high-school students.
Method. — A sample of 130 participants (84 girls, 46 boys; mean age = 16.9 ± 1.2) completed
self-report questionnaires, the adolescent-dissociative experience scale (A-DES), the center for
epidemiological studies-depression scale (CES-D), the Levenson self-report psychopathy scale
(LSRP), the scale of the personality disorder questionnaire (PDQ-4+) assessing the borderline
personality traits, and the scale of the PDQ-4+ assessing antisocial behavior and antecedent
of conduct disorder (aggression to people and animals, destruction of property, deceitfulness
or theft, serious violations of rules) for the diagnosis of antisocial personality disorder. In the
present study, the internal consistency of these scales was satisfactory or excellent as assessed
using Cronbach’s ␣. Regarding the A-DES, the CES-D, the borderline traits scale, the antisocial
behavior scale, alphas were 0.94, 0.76, 0.78, and 0.91, respectively. The consistency of the
LSRP scale assessing callousness (a callous, selfish, and manipulative use of others), which
is considered as the core dimension of psychopathy was satisfactory (␣ = 0.83), whereas the
consistency of the scale assessing impulsivity was poor (␣ = 0.49). This scale was not used in the
present study.
Results. — The comparison between boys and girls revealed the differences usually reported
in studies on community samples of adolescents. Girls displayed higher scores on dissociative
and depressive symptoms, and borderline traits. Boys had higher score on callousness. Among
girls, dissociative symptoms were positively and moderately related to depressive symptoms
(r = 0.62, p < 0.05), borderline traits [(r = 0.62, p < .05), callousness (r = 0.41, p < 0.05). Among
boys, these associations were weaker (depressive symptoms, (r = 0.45, p < 0.05); borderline
traits, (r = 0.47, p < 0.05); callousness, (r = .24, NS)]. A multiple regression analysis predicting
antisocial behavior with the psychopathological variables showed that sex was a significant
predictor (p < 0.01). The analysis was repeated for males and females separately. Among boys,
the model explained a negligible fraction of the variance in antisocial behaviors (R2 = 0.12). No
predictors were significant, perhaps because of the lack of power of this analysis (dissociative
symptoms, ␤ = 0.07, p = 0.71; CES-D, ␤ = 0.20, p = 0.22; borderline traits, ␤ = 0.19, p = 0.30; callousness, ␤ = 0.17, p = 0.27). Among girls, the model explained a modest part of the variance
(R2 = 0.30). Dissociative symptoms were the strongest predictor of antisocial behavior (␤ = 0.54,
p < 0.001). Depressive symptoms were significantly and negatively related to antisocial predictor (CES-D, ␤ = −0.36, p = 0.006). Borderline traits (␤ = 0.08, p = 0.54) and callousness (␤ = 0.18,
p = 0.009) were not significant predictors.
Discussion. — As in other studies, antisocial behavior appeared more linked to psychopathological variables in girls than in boys. The most salient result was the influence of dissociative
symptoms on antisocial behavior in girls contrary to boys. Three hypotheses may explain this
link: dissociative symptoms may facilitate antisocial acting-outs; dissociation may be a defense
against anger and affect dysregulation; antisocial behavior and dissociative symptoms may be
linked to a third variable such as trauma antecedents. Whereas depressive symptoms were
positively linked to antisocial behavior among boys, depressive symptoms were negatively and
significantly linked to antisocial behavior among girls. Depressive symptoms may inhibit antisocial behavior in girls. The association between dissociative and depressive symptoms and
antisocial behavior in girls warrants further studies.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Introduction
Les comportements antisociaux de l’adolescent sont
liés à de nombreux facteurs psychologiques, psychopathologiques, familiaux et sociaux. Parmi les facteurs
psychopathologiques, les troubles dépressifs, les traits de
personnalités limites et psychopathiques, en particulier la
dureté et l’impulsivité, ont été les plus fréquemment rapportés [7,9,11]. Les troubles dissociatifs (au sens du DSM-IV,
qui reprend le cadre classique des troubles hystériques
de type dissociatif, et non à celui de dissociation schizophrénique) ont été moins étudiés alors que l’expérience
clinique montre que les troubles du comportement et les
comportements antisociaux peuvent être une manifestation
54
des troubles dissociatifs à l’adolescence [17]. Deux études
ont retrouvé une fréquence élevée de troubles dissociatifs
chez les adolescents incarcérés : un entretien structuré a
retrouvé des troubles dissociatifs (amnésie dissociative, syndromes de dépersonnalisation et de déréalisation, trouble
dissociatif de l’identité) liés à des antécédents traumatiques
chez près de la moitié de 60 adolescents délinquants détenus [6] ; une autre étude, utilisant un questionnaire, a aussi
rapporté une fréquence élevée de symptômes dissociatifs
chez des adolescents délinquants en détention [15]. Malgré
la fréquence des expériences dissociatives chez les adolescents de la population générale [1], le rôle de la dissociation
dans leurs comportements antisociaux n’a pas fait l’objet
d’étude systématique, d’après une interrogation Medline et
Psycinfo. Une étude a observé une corrélation positive entre
les symptômes dissociatifs et les manifestations de colères
chez des étudiantes [5].
Cette étude s’est centrée sur l’évaluation de la contribution relative des symptômes dissociatifs et dépressifs,
des traits de personnalité limite et psychopathique aux
comportements antisociaux d’adolescents issus de la population générale.
Méthode
Cent trente adolescents, (84 filles et 46 garçons ; âge
moyen = 16,9 ± 1,2) scolarisés dans un lycée d’enseignement
général et technologique du sud de la France (Agen), ont
donné leur consentement éclairé et rempli plusieurs questionnaires. Il n’y a pas eu de refus, mais le nombre d’absents
n’a pas été compté.
Les symptômes dissociatifs ont été évalués par
l’adolescent dissociative experiences scale (A-DES) constituée de 30 items cotés de zéro à dix [1]. La version française
a été traduite, adaptée et validée par Moyano et al. [16].
Sa consistance interne a été évaluée par le coefficient ␣ de
Cronbach qui était de 0,94 dans cet échantillon.
Les symptômes dépressifs ont été mesurés par la
version française de la center for epidemiological studiesdepression scale (CES-D), composée de 20 items cotés de
zéro à trois, qui a été validée [10]. L’␣ de Cronbach était de
0,76 dans cette étude.
Les traits de personnalité limite et psychopathique, en
tant que dimension de la personnalité, ont été évalués par
des questionnaires qui ont été développés pour être utilisés
dans des populations non cliniques. Les traits de personnalité limite ont été mesurés par les neuf items correspondants
de la version française du personality disorder questionnaire (PDQ-4+) [3,13], cotés de zéro à un (absent/présent).
Cette version française du PDQ-4+ n’a pas été validée. L’␣
de Cronbach mesuré avec les coefficients de corrélation
tétrachoriques adaptés aux variables dichotomiques était de
0,85.
Les traits psychopathiques ont été évalués par la version française du Levenson’s self-report psychopathy scale
(LSRP) [14]. Ce travail fait partie de l’étude de validation. Ce questionnaire comprend deux échelles, l’une
explorant la dureté (insensibilité, égocentrisme, manipulation) par 17 items cotés de un à quatre, et l’autre
l’impulsivité (neuf items). La consistance interne de
l’échelle « dureté » était satisfaisante (␣ = 0,83), mais celle
H. Chabrol et al.
de l’échelle « impulsivité » étant insuffisante (␣ = 0,49), elle
n’a pas été utilisée dans cette étude.
Les comportements antisociaux ont été mesurés par les
15 items de la version française du PDQ-4+ évaluant les antécédents de trouble des conduites (comportements agressifs
envers les personnes et les animaux, destruction de propriétés, vols ou escroqueries, violations sérieuses des règles) en
tant qu’un des critères diagnostiques de la personnalité antisociale. Ces 15 items, cotés de zéro à un (absent/présent),
ont été utilisés pour une évaluation dimensionnelle des
comportements antisociaux. La version française de cette
échelle n’a pas été validée. Dans cette étude, sa
consistance interne était de 0,91. Les questionnaires
sont considérés comme des moyens fidèles d’évaluer les
comportements antisociaux et délinquants des adolescents
[9].
Les analyses statistiques ont été réalisées avec la version
6 de Statistica.
Résultats
Les garçons ont rapporté un nombre de comportements antisociaux et une dureté significativement plus élevés que les
filles. Les filles ont rapporté des symptômes dissociatifs et
dépressifs significativement plus intenses que les garçons.
La différence entre les traits limites des filles et des garçons
n’était pas significative (Tableau 1).
Les corrélations entre les symptômes dissociatifs et
dépressifs, les traits limites et la dureté sont présentées
dans le Tableau 2. Les symptômes dissociatifs étaient chez
les filles modérément liés aux symptômes dépressifs, aux
traits limites et à la dureté. Chez les garçons, ces liens
étaient plus faibles, pour les symptômes dépressifs, pour
les traits limites et pour la dureté. Les corrélations entre
la dureté et les traits limites étaient faibles chez les filles
comme chez les garçons.
Pour distinguer la contribution indépendante des symptômes dissociatifs et dépressifs, des traits limites et de
la dureté à la prédiction des comportements antisociaux,
une analyse de régression multiple a été réalisée avec
comme covariable le sexe. Le sexe étant un prédicteur
significatif (p < 0,01), les analyses ont été répétées chez
les garçons et les filles. Le nombre de sujets peut être
considéré comme suffisant pour une analyse de régression
multiple, dépassant la limite de dix sujets par prédicteurs [12]. L’adéquation du modèle a été évaluée par
la statistique F qui en estime la significativité et par le
carré du coefficient de corrélation multiple R qui exprime
la proportion de la variance des comportements antisociaux expliquée par l’ensemble des variables prédictrices.
La contribution unique de chaque prédicteur est rapportée par le coefficient de régression standardisé ˇ, la
statistique t et la valeur de p (Tableau 3). Chez les
garçons, le modèle expliquait une part faible (R2 = 12 %),
mais significative (F(4, 41) = 2,5, p < 0,05) de la variance des
comportements antisociaux. Aucun prédicteur n’est apparu
comme significatif. Chez les filles, le modèle expliquait
une part modérée (30 %) et plus fortement significative
(F(4, 79) = 8,4, p < 0,001) de la variance des comportements antisociaux. Les symptômes dissociatifs et dépressifs
étaient les seuls prédicteurs significatifs. Les symptômes
Les comportements antisociaux des adolescents scolarisés
55
Tableau 1 Comparaison des garçons et des filles pour les comportements antisociaux, les symptômes dissociatifs, dépressifs,
les traits limites et la dureté.
Comportements antisociaux
Dissociation
CES-D
Traits limites
Dureté
Garçons
M (S.D.)
Filles
M (S.D.)
t (128)
p
2,43
64,02
19,32
1,24
40,04
1,38
85,15
23,76
1,79
37,25
2,58
−2,10
−3,03
−1,73
2,93
0,01
0,04
< 0,001
0,09
< 0,001
(2,58)
(39,43)
(6,39)
(1,38)
(4,24)
(2,01)
(61,31)
(8,69)
(1,93)
(5,64)
Tableau 2 Corrélations (coefficient r de Pearson) entre les symptômes dissociatifs et dépressifs, les traits de personnalité
limite et la dureté.
Filles
Dissociation
CES-D
Traits limites
*
Garçons
CES-D
Traits limites
Dureté
CES-D
Traits limites
Dureté
0,62*
0,69*
0,61*
0,41*
0,22*
0,23*
0,45*
0,58*
0,42*
0,24
0,01
0,32*
p < 0,05.
chiatrie ou ayant été sanctionnés par la justice [4,11].
Les traits psychopathiques et les traits limites ne sont pas
apparus comme des prédicteurs statistiquement significatifs des comportements antisociaux dans notre étude. Cette
absence de significativité statistique peut être liée à la
non inclusion de l’impulsivité dans les analyses. Une autre
hypothèse serait que le rôle de ces variables psychopathologiques ne se révèle clairement chez les garçons que
dans les troubles du comportement les plus importants.
Chez les filles, les variables psychopathologiques mesurées
influencent de façon modérée les comportements antisociaux. Cela concorde avec la constatation d’une plus grande
fréquence de troubles psychologiques chez les adolescentes
en détention : les conduites délinquantes pourraient être
plus liées à un trouble psychopathologique chez les filles
que chez les garçons [7]. Cette part plus importante de
la psychopathologie dans les comportements antisociaux
chez les filles peut renvoyer à la question du genre (stéréotypes liés à la différence sexuelle). Il est évident que
tous les comportements qui pourraient devenir antisociaux
en puissance (activité, agressivité, domination, confrontation, prise de risque, indépendance, opposition aux normes
dissociatifs étaient liés positivement aux comportements
antisociaux. Les symptômes dépressifs leur étaient liés
négativement.
Discussion
Cette étude a évalué la contribution relative des symptômes dissociatifs et dépressifs, des traits de personnalité
limite, et de la dureté, en tant que trait de personnalité psychopathique, aux comportements antisociaux d’adolescents
scolarisés.
Les différences observées entre les filles et les garçons
sont conformes aux données de la littérature [2,9,16]. Cette
étude constate une différence sensible, entre les filles et
les garçons, dans le lien entre les comportements antisociaux et les variables psychopathologiques étudiés. Chez
les garçons, ces variables n’apparaissent pas influencer les
comportements antisociaux. Ce résultat est en désaccord
avec les études montrant un lien entre la dureté ou les
traits limites et les comportements antisociaux dans des
échantillons d’adolescents hospitalisés ou suivis en psy-
Tableau 3 Résultats des analyses de régression prédisant les comportements antisociaux avec les symptômes dissociatifs,
dépressifs, les traits limites et la dureté.
Garçons
Dissociation
CES-D
Traits limites
Dureté
Filles
ˇ
t
p
ˇ
t
p
0,07
0,20
0,19
0,17
0,37
1,26
1,05
1,12
0,71
0,22
0,30
0,27
0,54
−0,36
0,08
0,18
3,68
−2,84
0,61
1,69
< 0,001
0,006
0,54
0,09
56
conventionnelles), sont des comportements valorisés par le
corps social chez les garçons. Ce sont donc des comportements en partie repérés comme devant appartenir au genre
garçon/adolescent et on les observe très souvent, sans qu’ils
ne révèlent de psychopathologie chez les garçons. Cela est
différent pour les filles : au contraire de ce qui est attendu
par le corps social pour les garçons, pour les filles, ce
serait plutôt les traits de caractère suivants (attentionnées,
passives, dépendantes et non revendicatives). Les comportements antisociaux et délinquants chez les filles sont en
désaccord avec les stéréotypes sociaux attendus et projetés
pour les filles : le lien entre psychopathologie et comportements antisociaux constaté par notre étude chez les filles
renvoie à deux hypothèses : soit les comportements antisociaux sont la résultante directe de la psychopathologie
des filles (en particulier les troubles limites de la personnalité), soit, comme ils s’expriment à travers des traits
de caractères non valorisés chez la fille, ils la mettent
en porte-à-faux avec les attendus sociaux, ce qui génère
dans un deuxième temps de la souffrance (dépressivité. . .)
chez les filles que l’on peut retrouver en après-coup. On
ne peut exclure l’une des deux possibilités dans l’étude
actuelle.
Dans notre étude, le résultat le plus saillant chez les filles
est que dissociation est fortement liée aux comportements
antisociaux : plus les symptômes dissociatifs sont intenses,
plus les comportements antisociaux sont nombreux. Trois
hypothèses peuvent rendre compte de ce lien : les états de
conscience dissociée peuvent faciliter les passages à l’acte ;
la dissociation peut être une défense contre la colère et
la dysrégulation des affects [5] ; les troubles du comportement et la dissociation peuvent être liés à une troisième
variable comme des antécédents traumatiques [6] ou les
troubles limites de la personnalité. Chez les filles de notre
étude, les symptômes dépressifs apparaissent assez fortement liés négativement aux comportements antisociaux.
Chez les filles, les symptômes dépressifs pourraient protéger contre les comportements antisociaux par les effets
du ralentissement, de l’inhibition ou de l’anxiété qui y
est souvent associée. Une autre explication renvoie aux
théories actuelles de la mentalisation [8] et de sa corrélation négative avec les passages à l’acte, c’est-à-dire
que plus un adolescent est capable d’introspection et de
capacité de mentalisation, y compris en pouvant ressentir et décrire des affects dépressifs, moins il est sujet à
d’autres types de régulation des excitations, c’est-à-dire
qu’il a dans ce cas moins tendance à privilégier le passage
à l’acte et/ou les comportements antisociaux. L’association
entre symptômes dissociatifs, symptômes dépressifs et comportements antisociaux nécessite d’autres études chez les
adolescentes.
H. Chabrol et al.
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