Le secret des origines dans l`assistance médicale à la

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Le secret des origines dans l`assistance médicale à la
10e s
J I R P
씰 MISES AU POINT INTERACTIVES
G. DELAISI DE PARSEVAL
Psychanalyste, PARIS.
Le secret des origines
dans l’assistance médicale à la procréation
avec des dons de gamètes et d’embryons
Q
uelques mots sur la situation française relative à
l’assistance médicale à la procréation avec dons :
– 50 000 enfants sont nés en France par IAD depuis 1972,
– un millier d’enfants sont nés après don d’ovocytes depuis
1987 (un millier de couples sont en attente),
– 60 enfants sont nés après accueil d’embryon depuis 2004
(des dizaines sont en attente),
– une centaine d’enfants sont nés par gestation pour autrui
depuis une quinzaine d’années (conception à l’étranger),
– près de 200 000 embryons congelés sont “en attente”1.
La loi bioéthique votée en 1994 dispose que l’assistance
médicale à la procréation, destinée à répondre à la demande
parentale d’un couple hétérosexuel, a pour objet de remédier
à une infertilité de couple dont le caractère pathologique a été
médicalement diagnostiqué. S’y ajoute une règle d’anonymat
des donneurs de gamètes. La loi a en outre explicitement rattaché la filiation avec dons à la filiation charnelle : les enfants
sont réputés être “né de leurs parents”, comme s’il ne s’était
rien passé. Les enfants conçus ont donc une origine qui est et
restera toujours inconnue tant à eux-mêmes qu’à leurs
parents. Tout incite donc les parents à ne rien dire puisqu’il
n’y a rien à dire… La problématique de l’anonymat se
redouble ainsi de celle du secret. Car même si ses parents veulent dire la vérité à leur enfant, celle-ci sera forcément incomplète car eux-mêmes ignorent tout du donneur.
Un peu plus de 50 000 enfants ont été conçus par IAD depuis
1972 ; la moitié sont majeurs et certains ont déjà procréé. La
majorité d’entre eux ne connaissent pas encore la manière dont
ils ont été conçus ou commencent tout juste à le savoir. Ma
patiente la plus âgée née par IAD a plus de 40 ans et est actuel1. Elise de la Rochebrochard. 200 000 enfants conçus par fécondation in vitro en France depuis 30 ans. Populations et sociétés,
décembre 2008, n° 451.
lement mère de deux enfants. Sa mère m’avait été adressée par
l’ancien pédiatre de sa fille auquel cette dernière avait confié
qu’elle ne supportait plus de garder (avec uniquement son
mari !) le secret de la conception par IAD de sa fille (elle avait
attendu l’âge de 60 ans pour parler à ce pédiatre). La jeune
femme vivait en couple quand je l’ai rencontrée et était en procédure de FIV. Sa mère se reprochait de lui avoir caché la
vérité et craignait que ce mensonge n’ait une influence néfaste
sur la fertilité de sa fille (l’indication médicale de la FIV était
celle d’une infertilité idiopathique). Après quelques mois
d’entretiens avec le couple de parents, il avait été décidé de
révéler le secret à leur fille. Un an après, la FIV a été couronnée de succès et deux ans plus tard, un second enfant est né,
également par FIV.
Plus de 30 ans après le début de l’IAD, la question se pose de
savoir s’il faut donner des informations sur leurs origines aux
enfants conçus ainsi, spécialement en cette année 2009 où est
discutée la loi bioéthique. Significative de l’évolution de la
société dans un domaine proche est la création par la loi du
Conseil National pour l’Accès aux Origines Personnelles
(CNAOP), organisme qui permet aux parents de naissance et
aux enfants nés sous X (en général adoptés) de connaître leurs
identités respectives, voire de se rencontrer à partir de la
majorité de l’enfant si les deux parties en font la demande.
C’est précisément ce type de conservatoire des origines que
souhaite nombre de jeunes gens conçus par IAD. En témoignent ces lignes que m’a adressées une jeune femme qui était
déjà mère de famille (c’est la 2e génération d’IAD) :
“Agée de 24 ans, je suis maman d’un petit garçon de 3 ans.
Je viens d’apprendre depuis peu que mes parents ont fait
appel au CECOS (banque du sperme), par conséquent à un
donneur tiers, afin de nous avoir (mon frère et moi-même). Je
ne vous cache pas que cette annonce m’a profondément affectée, me laissant aujourd’hui un sentiment d’abandon et un
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malaise intérieur grandissant. Je remets toute mon identité en
question et suis d’autant plus démunie face à mon fils dont je
ne connais finalement qu’une partie des origines. Je ne me
vois pas vivre mes 60 prochaines années avec un point d’interrogation sur mes origines et un secret pesant sur les générations à venir. Je comprends par ailleurs que l’anonymat soit
essentiel mais je souhaite pour ma part que le CECOS fasse
l’intermédiaire entre le donneur et moi-même, laissant ainsi
le choix au géniteur de lever l’anonymat… ou non ! Tout au
long de notre vie nous évoluons, notre morale, nos convictions, nos espoirs changent… peut-être certains donneurs
tout comme certains enfants souhaitent découvrir cet AUTRE
ANONYME qui fait partie intégrante de lui.”
Tout est dit sur le manque, le vide, ainsi que sur le désir de
savoir quelque chose de cet “autre anonyme”, comme cette
jeune femme nomme de manière particulièrement clairvoyante le donneur de sperme, quelque chose de cet “ascendant” qui fait partie de ce que j’appelle la vérité biographique
et narrative des sujets conçus ainsi.
>>> Le fait d’avoir été conçu par AMP avec don peut-il
avoir une incidence sur l’équilibre psychique de la
famille ?
Ma propre expérience clinique d’écoute ou de thérapie menée
depuis plus de 20 ans avec des adultes conçus par IAD et avec
leurs parents s’est enrichie récemment d’une recherche en
cours avec une population de jeunes gens âgés de 18 à 40 ans
conçus par IAD. Mes résultats, encore provisoires, vont dans
le sens de ce que montrent nombre de travaux étrangers. J’entends notamment que ces ex-enfants n’ont pas forcément eu
de difficultés avec leur père, leur vrai papa, mais que cela ne
gomme pas pour autant la question du géniteur anonyme.
Leur malaise se situe souvent davantage vis-à-vis de leur
mère qu’ils ressentent parfois comme responsable des conflits
conjugaux (ces couples se séparent beaucoup, près de 2/3
divorcent).
Leurs craintes se focalisent souvent aussi autour de la crainte
ou d’un désir d’une rencontre avec des pairs, des jeunes de
leur classe d’âge, nés du même homme (que ce soit avec les
enfants de cet homme ou avec d’autres sujets nés du même
donneur). On note également chez eux un manque de
confiance vis-à-vis du monde des adultes : avant que leur
aient été révélées les circonstances de leur naissance, certains
disent avoir imaginé quelque chose de trouble au sujet de leur
conception (ils avaient fantasmé “à côté de la plaque” : adoption, adultère de la mère, voire viol…).
Plusieurs disent qu’ils se sentent des “imposteurs”. Ainsi, ces
jeunes semblent surtout curieux du donneur (sa photo, son
métier, ses motivations, le nombre de ses enfants), cette demande
constituant pour eux un moyen de mieux se comprendre et
d’étayer leur sentiment d’identité de façon plus stable. Mais leur
souffrance la plus vive – c’est vrai pour presque tous –, c’est que
quelqu’un (une institution en l’occurrence) en sache plus sur leur
origine, sur leur intimité, qu’eux-mêmes. Ils se sentent des
citoyens de seconde zone. Ma clinique dans le domaine de
l’AMP m’a amenée à constater que la volonté d’être parent, quel
qu’en soit le prix, induit souvent des tableaux d’enfants très
investis, à la fois surprotégés et surstimulés. Le secret est toujours
une violence faite à l’enfant et ce domaine ne fait évidemment
pas exception. L’enfant pressent une énigme, quelle que soit
l’habileté des parents à ne rien laisser paraître; le malaise et l’idée
d’une tromperie filtrent souvent à l’insu du couple.
Les psychanalystes connaissent bien le caractère pathogène
des “squelettes dans le placard” qui sont en outre la plupart du
temps des secrets de polichinelle : “Toujours quelqu’un
sait…” Le “secret suinte”, selon l’excellente expression de
mon collègue Serge Tisseron. La naissance d’un enfant conçu
par don est en outre particulièrement ambivalente dans la
mesure où elle concrétise à la fois une réussite, mais en même
temps signe un échec. Je me souviens du père d’un adolescent
né par IAD qui me disait : “Quand mon fils entre dans la
pièce, j’ai un “double flash” ; je suis très heureux d’avoir un
fils, mais en même temps je me dis que ce n’est pas le mien
puisque j’ai eu recours à un donneur”.
>>> Faut-il dire à un enfant qu’il a été conçu grâce à un
don de gamètes ou d’embryon ?
Je reçois de plus en plus souvent depuis quelque temps des
patients rencontrés dans les années 1980, lors de l’entretien
demandé avant l’insémination, et qui sont maintenant parents
d’adolescents ou de jeunes adultes. Ces parents ont, pour beaucoup, caché à leurs enfants la vérité sur leur conception, mais
plusieurs estiment que le temps est venu de la leur révéler, souvent parce qu’ils pensent devoir lever le secret avant que leurs
enfants ne procréent. Les questions de ces parents sont : “Comment le dire ?”, “Quel est le meilleur moment une fois les
enfants devenus adultes ?”, “Cela ne risque-t-il pas de discréditer le père ?”. Un père me disait : “Ma fille est étudiante à
Centrale, mais c’est “un vrai bébé”, comment va-t-elle
réagir ?” ou “Mon fils termine médecine” est-ce le bon
moment ?” Un autre couple avait un problème lié au fait que
l’un de leurs deux enfants n’était pas conçu par IAD, le second
était né naturellement quelques années après le premier.
Le secret des origines dans l’assistance médicale à la procréation avec des dons de gamètes et d’embryons
Nombre de parents avaient seulement besoin, dans un premier
temps, de parler de toute cette “aventure” après 25 ans de secret
aussi bien vis-à-vis de leur famille que de leurs amis. Tous
regrettaient de ne pas avoir été préparés à cette épreuve existentielle. L’un d’entre eux avait voulu confier au CECOS une
lettre – même non signée – à l’intention du donneur et de sa
famille pour le remercier. Demande refusée, car on ne dit même
pas aux donneurs si leurs dons ont abouti ou pas à des naissances. Un autre couple s’inquiétait des enfants du donneur
dont il supposait qu’ils avaient le même âge que les leurs. Ce
qui est un classique… La clinique montre en outre que de nombreux parents sont fragilisés par la stérilité de l’un des conjoints
et déstabilisés par le “mensonge officiel” d’un don anonyme.
>>> A quel âge le dire ?
Le plus tôt possible, disent les enfants conçus ainsi. De fait,
plus on attend, disent les parents, plus c’est compliqué et
moins c’est le moment (des parents me disent “On voulait lui
dire, à 20 ans, puis à 25, mais là aussi…) et c’est ainsi que des
jeunes gens l’apprenant à 15 ans (le pire moment) à l’occasion
d’une dispute entre les parents, souvent sur fond d’un épisode
alcoolisé. Un jeune homme qui l’a appris à 30 ans et s’était
construit des tas de scénarios autour de sa venue au monde a
dit à ses parents quand il l’a appris (par lettre), en s’étonnant
qu’ils ne lui aient pas dit plus tôt : “Ah ! ce n’était que ça,
j’avais imaginé bien pire” !
>>> L’accueil d’embryons (200 000 embryons sont en
attente et il y en a 20 000 de plus chaque année)
L’AMP – la FIV en particulier – génère trop d’embryons : trop
parce que les couples veulent 1 ou 2 enfants mais pas 5 ou 6
et ne savent que faire de ces embryons surnuméraires. 30 à
40 000 d’entre eux sont “dans un projet parental”, ce qui veut
dire que les parents ont l’intention de demander qu’on les leur
transfère par FIV un jour, par exemple 2 ou 3 ans après une
première naissance (les patients parlent parfois de leurs
“bébés-Findus” ou de leurs “bébés-Picard” qui attendent dans
les “congélos” !)2.
>>> Que devient un enfant né après se savoir issu d’un
embryon congelé ?
L’histoire de Frosty. Il y a quelques années, j’avais passé un
week-end chez les parents de John, 5 ans à l’époque (dans le
2. Les autres (40 %) sont “dépourvus de projet parental” (6 300
embryons ont été donnés à la recherche fin 2004).
cadre d‘une recherche à l’Université Monash, à Melbourne,
en Australie). La mère de John avait eu 2 filles d’un premier
mariage et s’était fait ensuite ligaturer les trompes (procédure
courante dans les pays anglo-saxons). Puis elle avait divorcé
et s’était remariée à un homme qui n’avait pas d’enfant et en
souhaitait. Elle s’est donc inscrite dans un programme FIV.
Le premier replacement avait échoué, mais elle avait eu de
nombreux embryons et les surnuméraires avaient été congelés. A la quatrième tentative de replacement, “ça” a marché et
un petit garçon, John, est né après avoir passé 1 an et des
poussières dans le congélateur de l’hôpital. Or, pendant que sa
famille l’attendait, ses grandes sœurs avaient dessiné leur
petit frère à venir, le représentant dans des cubes de glace d’un
réfrigérateur. John, très fier, m’avait montré les murs de sa
chambre, tapissés de ces dessins !
Sous forme de plaisanterie, on l’avait du coup “baptisé” du
doux nom de “Frosty” (petit congelé) au point que, 5 ans plus
tard, sa mère se plaignait encore du fait que personne ne l’appelait plus par son vrai prénom et ses parents s’apprêtaient à
le changer d’école à la rentrée pour qu’il retrouve son vrai
prénom ! Tout démontre que le psychisme humain peut s’accommoder de situations a priori difficiles si on lui offre la
possibilité de les élaborer. Ce jeune homme a terminé ses
études de médecine et se destine – comme par hasard – à la
biologie de la reproduction… Tout cela pour dire que je ne
diabolise pas le devenir des enfants nés après congélation ! Il
faut noter que le fait que la mère de John ait déjà eu des
enfants – donc ne se sente pas stérile – a sans doute contribué
à la réussite de cette histoire.
La congélation et les fantasmes qui l’accompagnent ne sont
cependant pas sans susciter des contre-attitudes significatives
– et assez drôles – des parents vis-à-vis de leurs enfants. Une
équipe suisse composée d’un psychiatre, d’un pédiatre et
d’une linguiste ont mis en évidence de manière frappante le
malaise parental vis-à-vis des embryons. Notre société a sans
nul doute sous-estimé l’impact des fantasmes et de l’imaginaire parental à propos de la congélation. Ces chercheurs relèvent que les parents estiment que les enfants nés après congélation sont plus sains que les autres, mais en même temps, ils
craignent d’éventuelles malformations de l’enfant à venir !
Attitudes contrastées qui vont jusqu’à induire des comportements spécifiques à leur égard : on leur donne par exemple
une douche froide s’ils se mettent en colère et on les croit plus
sensibles au rhume après l’exposition au froid qu’ils ont
subie. Expérience proche de ce que j’ai entendu chez la mère
d’un petit garçon qui a 5 ans maintenant (je l’avais vue au
moment de sa FIV) : elle m’a dit tout récemment qu’il n’était
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jamais malade, n’a même pas mis de bonnet cet hiver qui a
pourtant été très froid…
Mais il faut se souvenir que tous les embryons congelés n’ont
pas la chance de devenir les enfants du couple procréateur. Il
existe de nombreux embryons congelés “sans projet parental”. En écoutant des couples nantis d’embryons qu’ils n’ont
pu utiliser, soit qu’ils aient fait leur “plein d’enfant”, soit que
tous les transferts après la FIV aient échoué, soit qu’ils aient
adopté un enfant entre temps, je suis frappée de la souffrance
que ces patients expriment même à des années de distance.
Voici ces lignes que m’écrit la mère d’une petite fille conçue
par FIV :
“Il y a 2 ans, j’ai subi une FIV dont le résultat fut une magnifique petite fille, 19 embryons congelés, et… une dépression.
J’exagère un peu sur ce dernier terme, mais je suis en effet en
crise depuis la conception de ma fille, et il me semble qu’une
des causes en est un espèce de deuil, d’autant plus difficile à
faire que son objet n’est pas facilement identifié (est-ce ces
19 petits qui ne sont ni morts ni vivants, qui ne sont que
quelques cellules mais pourtant des enfants en puissance… ?
Je cherche).”
>>> Que recouvre la notion de “vérité sur les origines” ?
Qu’y a-t-il derrière cette expression brandie souvent
comme un slogan ?
Je reviens, pour conclure, à cette question clé qui recèle bien
des malentendus. Au-delà de la recherche de l’identité du
donneur de gamètes proprement dite, on trouve souvent chez
les enfants conçus par IAD le fantasme (que ce soit sous
forme de peur ou de désir) d’une rencontre avec des sujets
conçus avec les gamètes de l’homme qui a donné du sperme
pour leur conception. Ces jeunes évoquent ainsi des demi F/S
d’un genre nouveau : ce ne sont pas des “demi-frères et
sœurs” au sens où on l’entend habituellement dans les
familles recomposées. Ils sont “demi F/S génétiques seulement”, des F/S qui n’ont jamais eu connaissance les uns des
autres. Or, on a beau opposer à ces jeunes gens les calculs de
statistique de population montrant que les risques de rencontre entre eux et ces faux siblings sont très faibles (ils ne
sont pas nuls cependant, donneurs comme receveurs vivant en
France dans le même environnement géographique, venant
du même CECOS), on ne peut à l’évidence balayer ce fantasme d’un revers de main. D’autant que les faits sont là,
têtus : génétiquement, et même si c’est seulement génétique,
ces adultes ont bel et bien un lien. S’ils se mariaient ou procréaient entre eux, il s’agirait alors d’unions consanguines
organisées par la loi. Paradoxe pour le moins étrange.
Voyez ce que m’écrit une jeune femme âgée de 33 ans, sans
enfant :
“En tant qu’enfant conçue par IAD, je souhaite vivement
qu’une révision de la loi bioéthique soit possible. Je souhaite
avoir le choix au moins de connaître mon hérédité. Je souhaite avoir une photo du donneur, des informations sur sa vie,
sa famille, ses ancêtres. J’estime qu’on devrait avoir le droit
de connaître ses origines. Je n’ai qu’un père, c’est celui qui
est toujours à mes côtés et qui m’a désirée pendant dix années
avant que je ne vienne au monde. Je ne recherche donc pas un
père. Je recherche simplement une part d’hérédité qui m’aiderait à mieux me connaître. Il me semble que je pourrais
alors envisager mon rôle de mère avec plus de sérénité.”
On voit clairement que c’est davantage d’un droit à avoir
accès à son histoire qu’il s’agit. Car c’est tout à la fois l’hérédité, un récit de l’histoire de vie des donneurs, la raison du
recours par les parents à la technique d’AMP qui sont demandés par ces jeunes, et souvent, mais pas toujours, le nom des
donneurs. L’expression “droit aux origines” laisse en réalité
faussement penser que la vérité sur la question des origines se
résumerait à la levée d’un “cache” sur un nom, et on voit que
la recherche de ces jeunes est loin de se résumer à une vérité
biologique. Il faut d’ailleurs remarquer que, paradoxalement,
c’est en rendant cette vérité délibérément inaccessible qu’on
lui confère une importance démesurée. Comme psychanalyste, j’estime en tout cas qu’on ne peut pas faire comme si
l’ascendance biologique ou génétique comptait pour rien dans
la “vérité biographique” d’un individu. On ne peut qu’additionner les histoires des sujets humains : l’une n’efface jamais
l’autre. Comme le dit la grande romancière vietnamienne
Duong Thu Huong “La moitié d’un pain, c’est encore un
pain. La moitié de la vérité, ce n’est plus la vérité”, Terre des
Oublis, 2006.
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L’auteur a déclaré ne pas avoir de conflit d’intérêt concernant les données
publiées dans cet article.