sud ouest - Ephelide

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sud ouest - Ephelide
SUD OUEST
MA)' lûoC
< J'assume ma tristesse. Mes chansons sont des baumes. Si ce n'est pas le cas, cela ne sert à rien »
GAfLLË TOURNIER
|n ovni dans le ciel de la chanson française: C'est rimIpression qu'avait fait Dominique A en 1992, alors qu'il
sortait « la Fossette » sous le label
Lithium. Le CD compilé sur voix
frileuse- et arrangements minimalistes fleurait bon la province
et la piaule d'étudiant. N'empêche : à 23 ans, le môme Ané, domicilié à Nantes, avait interloqué
la presse du rock indé, dont Bernard Lenoir et Arnaud Viviant.
Dans la foulée du A a éclos une
génération spontanée, autodidacte assumée, qualifiée à l'époque d'« école bébête » : Philippe
Katerine pousse ses premiers cris
ludiques à Chantonhay; pas loin,
les Littles Rabbits font leurs premiers bonds à La Roche-sur-Yon.
L'Ouest gris foisonne. Paris s'en
souviendra.
Aujourd'hui, Dominique A est
élevé au rang d'ouvreur potentiel
et taxé « chef de file de la new
chanson française ». L'artiste, pas
indifférent, sourit de cette paternité, mais la balaye d'un « à force,
cela fait beaucoup de pensions
alimentaires ».
i Baume organique. Après « Tout
i sera comme avant » (2004), marqué par l'influencé de Bashung,
on le retrouve avec « l'Horizon »,
titre de son nouvel album sorti en
mars dernier. Entretemps, Dominique A s'est délesté des arrangements grandiloquents pour
regagner sa jacquette d'auteurI compositeur, lyrique et aussi gai
| qu'un dimanche après-midi batI tu par la pluie. « Oui, avoue-t-il,
habitué à cet état d'âme à la Wertjier, J'aime parler d'organique.
Un peu comme Philippe Katerine. Mais, là où il parle d'étron et
de sperme, moi je suis dans l'émotion. J'assume ma tristesse. Mes
•chansons sont des baumes. Si ce
n'est .pas le cas, cela ne sert à
rien, i
Au ciel de la mélancolie
Concert. Souvent désigné comme chef de file de là nouvelle chanson française, Dominique A signe une nouvelle tournée
avec en poche « l'Horizon », son dernier album, sorti en mars dernier. Lyrique, émotif et émouvant, magnifique
Dominique A habite à Bruxelles, et, à en croire son pote Marc
Huyghens, le charismatique
chanteur du groupe Venus, « les
deux belges sont propices à la
mélancolie ». On est heureux de
rapprendre. Là-bas, on apprécie
le talent de l'ex-Nantais qui a
tranché dans le paysage du lieu
commun. D'après Huyghens, les
Belges pensent que la chanson
traditionnelle française se résume à « des textes affublés d'une
guitare. Le travail sur le son est
plutôt rare. Dominique A, c'est
différent. Il attache une grande
importance à la musique.. D'ailleurs, son chant s'est nettement
amélioré. En plus, il conserve cette finesse, sobre et efficace. Sur
scène, il a la puissance d'un Bowie. Il a réussi à se dégager du
« Sur scène,
il a la puissance d'un
Bowie. Il a
réussi à se
dégager du
poids historique qui
plombe en
France, en
imposant sa
personnalité »
poids historique qui plombe en
France, en imposant sa personnalité et en digérant les influences ».
«Austère et religieux ». Si célébré soit-il, Dominique A n'a toujours pas gagné son rang auprès
du grand public. La FM boude le
« chantre du murmure ». Pas assez sexy pop comme son camarade Katerine ou pas assez
« grand large » tels Miossec ou
Yann Tiersen : là est la question.
Pourtant, il ne faut pas rater
« l'Horizon ». Dominique A change de cap et met la barre sur la sérénité. La voix s'est libérée des
atermoiements anciens. Fini
l'ambiance appartement avec ses
antihéros du quotidien. Les vieux
copains sont de la partie (le guitariste Olivier Mellano, le batteur
Sacha Toorop, le producteur Dominique Brusson). En ouverture,
l'aventure d'un baleinier (l'« Horizon ») épique à souhait, où l'imaginaire contre le réel parce que
Mister A « aime parler des glissements. La vie et ses vérités assénées, cela me fait un peu peur. Je
préfère l'intemporel, le sol qui se
dérobe sous les pieds ».
Les chansons de « l'Horizon »
oscillent entre lyrisme et chuchotements, peps et lampe sous
le boisseau. L'âme tressaille des
instants distillés dans cet album
au septième ciel de la solitude
(« Music-Hall »), des amours pas
vraiment réussies avec son riant
pathos («Par l'ouest», «la Pleureuse ») ou du brillant reflet de la
mémoire (l'autobiographique
« Rue des Marais »).
« Dominique A a envie d'avancer», estime Mocke, du groupe
Holden, lié au chanteur par une
filiation spirituelle. « C'est quelqu'un de complexe, un fouilleur
de sentiments. Sa musique peut
sembler inaccessible. Je l'ai découvert quand j'habitais à Dublin. Son premier album a été un
déclic. Il a ouvert une voie en
France, en mêlant poésie, intensité et expérimentation à cheval
entre Ferré et les Anglo-Saxons. Il
me fait penser aux romans de Bernanos. Austère et religieux. »
m Dominique A. En concert le 18 mai à la Rock
School Barbey, à Bordeaux. 18 euros
(05.56.33.66.00); le 20 mai, à la Maison de l'étudiant, à Pau, 14 euros (05.59.40.72.93.); le
13 juillet, aux Francofolies, à La Rochelle, 26 euros.