La Maison des morts à l`ombre de Dostoïevski
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La Maison des morts à l`ombre de Dostoïevski
La Maison des morts à l'ombre de Dostoïevski La Maison des morts à l'ombre de Dostoïevski La Maison des morts à l'ombre de Dostoïevski DE LA MAISON DES MORTS (Z MRTVÉHO DOMU) Opéra en trois actes . Livret du compositeur, d'après Fedor Dostoïevski Opéra du Rhin, Strasbourg. C'est l'un des opéras les plus durs du répertoire. Dur comme synonyme d'âpre, violent, noir. Mais aussi dur au sens de difficile, à cause de la complexité musicale comme d'une construction faite de monologues juxtaposés, et non d'une intrigue suivie. De la maison des morts, de Janacek, n'a pas effrayé Robert Carsen, qui signe à l'Opéra du Rhin un spectacle d'une tension et d'une cohérence admirables. Une condition, cependant, pour le goûter pleinement: échapper à l'inévitable tentation des comparaisons et chasser de son esprit la perfection absolue de la production de Patrice Chéreau. Si Carsen ne provoque pas le choc électrique par lequel Chéreau nous laissait flageolants, c'est parce que, même dans la cruauté de l'univers carcéral inspiré à Janacek par Dostoïevski, il conserve un sens esthétique et un refus du naturalisme qui sont parfois à la 1/3 La Maison des morts à l'ombre de Dostoïevski limite de l'abstraction. Ce qui lui sourit dans la scène de la pièce de théâtre montée par les prisonniers, réussite exemplaire. Disons que l'approche de Carsen est plus intellectuelle, là où celle de Chéreau est plus physique. Il n'en reste pas moins que son travail touche au cœur de l'ouvrage en jouant d'un bout à l'autre l'unité de lieu, dans ce décor de briques oppressant conçu par Radu Boruzescu et formidablement éclairé par Peter van Praet. Les prisonniers se ressemblent tous, dans cette machine à broyer les identités, ne se détachant de la masse que pour leurs récits successifs: la relative froideur ressentie est le corollaire de cette vie déshumanisée. « Le chef slovène, Marko Letonja, n'a pas son pareil pour éclaircir les partitions les plus complexes, et celle-ci n'est certes pas la plus simple » La difficulté, ce n'est pas non plus ce qui fait reculer le chef Marko Letonja, autre atout maître de cette production de qualité. Décidément, le chef slovène n'a pas son pareil pour éclaircir les partitions les plus complexes, et celle-ci n'est certes pas la plus simple. Il le fait en jouant la transparence tout en trouvant dans la fosse l'équivalent de la tension provoquée par la mise en scène. Il le fait aussi sans masquer le fait que Janacek place l'Orchestre philharmonique de Strasbourg face à ses limites, voire à ses débandades (la trompette!): cela fait aussi partie du travail de directeur musical d'appuyer là où ça fait mal. Le chœur est un peu prudent, mais la distribution homogène, d'où émergent l'impressionnant Martin Barta, le très digne Nicolas Cavallier, l'intense Andreas Jäggi et le touchant Pascal Charbonneau dans un rôle habituellement travesti, achevant d'en faire un opéra exclusivement masculin. Même si l'on n'aimerait pas y habiter, c'est avec un léger pincement au cœur que l'on a quitté cette Maison des morts : c'était, en effet, le dernier volet du cycle Janacek de Robert Carsen à l'Opéra du Rhin, rendez-vous annuel dont on avait pris l'habitude. Après avoir eu la gorge serrée par sa Jenufa, le sens poétique stimulé par sa Katia Kabanova, le regard d'enfant réveillé par sa Petite Renarde rusée , l'esprit aiguisé par son Affaire Makropoulos, on a maintenant le recul nécessaire pour affirmer que ce cycle passera à la postérité. Pour son ultime opéra, Leoš Janáček choisit d'adapter une œuvre sombre de Dostoïevski, les Souvenirs de la maison des morts. Le grand romancier russe y décrivait, à sa manière toujours puissante et allégorique, son propre séjour dans un bagne de Sibérie. Loin des codes classiques de l'opéra avec ses couples d'amoureux (ici, nous sommes dans un camp : pas de femme !) ou ses conflits politiques, sans véritable trame narrative non plus, Janáček brosse des 2/3 La Maison des morts à l'ombre de Dostoïevski tableaux où s'exprime l'humanité dans sa condition la plus nue. Il sait comme nul autre sonder le tréfonds des âmes livrées à l'enfermement, à la difficulté de vivre, au remords - mais également à l'éveil de la compassion. Un opéra où, malgré un titre et un sujet assurément effrayants, Janáček n'a peut-être jamais offert une musique aussi humaine, tendre et lyrique. 3/3