sans nom

Transcription

sans nom
L'escargot matelot
Araignée
Un escargot fumant sa pipe
Portait sa maison sur son dos.
C'était un garçon sympathique,
Un brave et joyeux escargot.
Il avait été matelot
Et navigué sur un cargo.
Il en avait assez de l'eau
Cet ancien marin escargot.
Son ami le petit Léon
Lui apportait du tabac blond.
Et l'escargot fumant sa pipe
Évoquait la mer, les tropiques,
Et le tour du monde en cargo
Qu'il avait fait en escargot,
Un escargot fumant la pipe
Pour n'être pas mélancolique.
Araignée du matin: chagrin,
pensait un bébé coccinelle
cherchant à libérer ses ailes.
Araignée du midi: souci
grognait un rat dans son chagrin
de voir un chat près de sa belle.
Araignée du soir: espoir,
disait au briquet l'étincelle
mourant dans le vent du jardin.
Mais l'araignée dans sa nacelle
prisonnière à vie de sa faim
rêvait qu'elle était hirondelle.
Pierre Béarn
Claude Roy
L'air en conserve
L'orange des rêves
Dans une boîte, je rapporte
Un peu de l'air de mes vacances
Que j'ai enfermé par prudence.
Je l'ouvre ! Fermez bien la porte
Respirez à fond ! Quelle force !
La campagne en ma boîte enclose
Nous redonne l'odeur des roses,
Le parfum puissant des écorces,
Les arômes de la forêt...
Mais couvrez vous bien, je vous prie,
Car la boîte est presque finie :
C'est que le fond de l'air est frais.
Tu peux perdre le nord
comme on dit
tu peux perdre patience
tu peux perdre ton temps
perdre la mémoire
et ses chemins aveugles
Le sommeil peut glisser
comme une truite
dans tes mains
Tu peux perdre ton sourire
Mais ne perds pas
ne perds jamais
l'orange de tes rêves
Jacques Charpentreau
Jean-Pierre Siméon
Le cancre
Liberté
Il dit non avec la tête
Mais il dit oui avec le coeur
Il dit oui à ce qu'il aime
Il dit non au professeur
Il est debout
On le questionne
Et tous les problèmes sont posés
Soudain le fou rire le prend
Et il efface tout
Les chiffres et les mots
Les dates et les noms
Les phrases et les pièges
Et malgré les menaces du maître
Sous les huées des enfants prodiges
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur.
Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom
Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté.
Jacques Prévert
Paul Eluard
Si...
Le pélican
Si la sardine avait des ailes,
Si Gaston s'appelait Gisèle,
Si l'on pleurait lorsque l'on rit,
Si le pape habitait Paris,
Si l'on mourait avant de naître,
Si la porte était la fenêtre,
Si l'agneau dévorait le loup,
Si les Normands parlaient zoulou,
Si la mer Noire était la Manche
Et la mer Rouge la mer Blanche,
Si le monde était à l'envers,
Je marcherais les pieds en l'air,
Le jour je garderais la chambre,
J'irais à la plage en décembre,
Deux et un ne feraient plus trois...
Quel ennui ce monde à l'endroit!
Le capitaine Jonathan,
Etant âgé de dix-huit ans,
Capture un jour un pélican
Dans une île d'Extrême-Orient.
Le pélican de Jonathan,
Au matin, pond un oeuf tout blanc
Et il en sort un pélican
Lui ressemblant étonnamment.
Et ce deuxième pélican
Pond, à son tour, un oeuf tout blanc
D'ou sort, inévitablement,
Un autre qui en fait autant.
Cela peut durer très longtemps
Si l'on ne fait pas d'omelette avant.
Robert Desnos
Jean-Luc Moreau
Demain, dès l'aube...
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Victor Hugo
Portrait dégoûtant
Il avait mauvaise mine
Une langue de vipère
Un nez de fouine
Des oreilles de cocker
Des dents de loup
Des yeux de mouche
Mais surtout
Une bouche d'égout.
C'est pourquoi
Il ne se sentait pas bien du tout.
Antoine Bial
C'est tout un art d'être canard
Le Corbeau et le Renard
C'est tout un art d'être canard
C'est tout un art
d'être canard
canard marchant
canard nageant
canards au sol vont dandinant
canards sur l'eau vont naviguant
être canard
c'est absorbant
terre ou étang
c'est différent
canards au sol s'en vont en rang
canards sur l'eau, s'en vont ramant
être canard
ça prend du temps
c'est tout un art
c'est amusant
canards au sol vont cancanant
canards sur l'eau sont étonnants
il faut savoir
marcher, nager
courir, plonger
dans l'abreuvoir
canards le jour sont claironnants
canards le soir vont clopinant
canards aux champs
ou sur l'étang
c'est tout un art
d'être canard.
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
«Hé! bonjour, monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli! que vous me semblez beau!
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois. »
A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s'en saisit, et dit : «Mon bon monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute :
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.»
Le Corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
Claude Roy
Jean de La Fontaine
La Cigale et la Fourmi
L'oiseau du Colorado
La Cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
«Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'oût, foi d'animal,
Intérêt et principal.»
La Fourmi n'est pas prêteuse ;
C'est là son moindre défaut.
"Que faisiez-vous au temps chaud ?"
Dit-elle à cette emprunteuse.
"Nuit et jour à tout venant je chantais, ne vous déplaise."
"Vous chantiez ? j'en suis fort aise :
Eh bien! dansez maintenant."
L'oiseau du Colorado
Mange du miel et des gâteaux
Du chocolat et des mandarines
Des dragées des nougatines
Des framboises des roudoudous
De la glace et du caramel mou.
L'oiseau du Colorado
Boit du champagne et du sirop
Suc de fraise et lait d'autruche
Jus d'ananas glacé en cruche
Sang de pêche et navet
Whisky menthe et café.
L'oiseau du Colorado
Dans un grand lit fait dodo
Puis il s'envole dans les nuages
Pour regarder les images
Et jouer un bon moment
Avec la pluie et le beau temps.
Robert Desnos
Jean de La Fontaine
Witch, witch
Snail
“Witch, witch, where do you fly?”...
“Under the clouds and over the sky.”
“Witch, witch, what do you eat?”...
“Little black apples from Hurricane Street.”
“Witch, witch, what do you drink?”...
“Vinegar, blacking and good red ink.”
“Witch, witch, where do you sleep?”...
“Up in the clouds where pillows are cheap.”
Snail upon the wall,
Have you got at all
Anything to tell
About your shell?
Only this, my child –
When the wind is wild,
Or when the sun is hot,
It’s all I’ve got.
Rose Fyleman
John Drinkwater
Chanson pour les enfants de l’hiver
Le chou
Dans la nuit de l’hiver
galope un grand homme blanc
galope un grand homme blanc
C’est un bonhomme de neige
avec une pipe en bois
un grand bonhomme de neige
poursuivi par le froid
Il arrive au village
il arrive au village
voyant de la lumière
le voilà rassuré
Dans une petite maison
il entre sans frapper
Dans une petite maison
il entre sans frapper
et pour se réchauffer
et pour se réchauffer
s’asseoit sur le poêle rouge
et d’un coup disparaît
ne laissant que sa pipe
au milieu d’une flaque d’eau
ne laissant que sa pipe
et puis son vieux chapeau.
Un chou se prenant pour un chat
léchant son museau moustachu,
sa bedaine de pacha,
à ses feuilles s’arracha,
pour prouver que sous son poncho
couleur d’artichaut,
son pelage était doux et chaud,
sa queue de soie, sa robe blanche.
En miaulant à belle voix,
le chou se percha sur un toit,
puis dansa le chachacha
de branche en branche.
Or, le chou n’était pas un chat
aux pattes de caoutchouc,
sur la ramure il trébucha
et c’est ainsi que le chou chût
fâcheusement et cacha
sa piteuse mésaventure
dans un gros tas d’épluchures.
Jacques Prévert
Charles Dobzynski
Le cancre
Le bonheur
Il dit non avec la tête
Mais il dit oui avec le cœur
Il dit oui à ce qu'il aime
Il dit non au professeur
Il est debout
On le questionne
Et tous les problèmes sont posés
Soudain le fou rire le prend
Et il efface tout
Les chiffres et les mots
Les dates et les noms
Les phrases et les pièges
Et malgré les menaces du maître
Sous les huées des enfants prodiges
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur.
Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite.
Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer.
Si tu veux le rattraper, cours-y vite, cours-y vite.
Si tu veux le rattraper, cours-y vite. Il va filer.
Dans l’ache et le serpolet, cours-y vite, cours-y vite,
dans l’ache et le serpolet, cours-y vite. Il va filer.
Sur les cornes du bélier, cours-y vite, cours-y vite,
sur les cornes du bélier, cours-y vite. Il va filer.
Sur le flot du sourcelet, cours-y vite, cours-y vite,
sur le flot du sourcelet, cours-y vite. Il va filer.
De pommier en cerisier, cours-y vite, cours-y vite,
de pommier en cerisier, cours-y vite. Il va filer.
Saute par-dessus la haie, cours-y vite, cours-y vite.
Saute par-dessus la haie, cours-y vite ! Il a filé !
Paul Fort
Jacques Prévert
Un dragon chez soi
Trois escargots
Avoir un dragon chez soi
Ce n’est pas si mal que ça,
Surtout quand il fait très froid.
Quand on lui tire la queue
Ca le rend tellement furieux
Que sa gueule crache du feu.
Il réchauffe l’appartement,
Il sèche les vêtements,
Les parents sont tout contents
J'ai rencontré trois escargots
Qui s'en allaient cartable au dos
Et dans le pré trois limaçons
Qui disaient par coeur leur leçon.
Puis dans un champ, quatre lézards
Qui écrivaient un long devoir.
Où peut se trouver leur école ?
Au milieu des avoines folles ?
Et leur maitre est-il ce corbeau
Que je vois dessiner là-haut
De belles lettres au tableau ?
Corinne Albaut
Maurice Carême
Conseils donnés par une sorcière
Grosgnongnon le cochon
Retenez-vous de rire
dans le petit matin.
N'écoutez pas les arbres
qui gardent les chemins.
Ne dites votre nom
à la terre endormie
qu'après minuit sonné.
A la neige à la pluie
ne tendez pas la main.
N'ouvrez votre fenêtre
qu'aux petites planètes
que vous connaissez bien.
Confidence pour confidence
vous qui venez me consulter
méfiance, méfiance
On ne sait pas ce qui peut arriver.
Grosgnongnon le cochon
Rouspète en toute saison
Pour un oui, pour un non
Au printemps quand il fait doux
Il dit qu'il se sent tout mou
En été, quand il fait chaud
Et qu'il se met en maillot
Il se trouve un peu trop gros
Lorsque s'approche l'automne,
Grosgnongnon baille et frissonne.
Et, quand arrive l'hiver
Grosgnongnon est en colère :
Il n'aime pas son bonnet
Qui lui tombe sur le nez!
C'est ainsi toute l'année
Ce qu'il aime, c'est rouspéter.
Jean Tardieu
Claude Clément
Le petit chat
Hommes de toutes les races
Tout d’abord de son nez délicat il le flaire,
Le frôle ; puis à coups de langue très petits
Il le lampe : et dès lors il est à son affaire.
Et l’on entend pendant qu’il boit , un clapotis.
Il boit , bougeant la queue , et sans faire une pause ;
Et ne relève enfin son joli museau plat
Que lorsqu’il a passé sa langue rèche et rose
Partout , bien proprement débarbouillé le plat.
Alors , il se pourlèche un moment les moustaches,
Avec l’air étonné d’avoir déjà fini ;
Et comme il s’aperçoit qu’il s’est fait quelques tâches,
Il relustre avec soin son pelage terni.
Hommes de toutes les races
Le malheur n'est pas fatal
Il vous appartient de vivre
Comme on assemble les roses
Mais respirer est un vol
Tant que l'on enchaîne et tue
Mais manger est criminel
Tant qu'un homme a faim sur terre
Mais il n'y a pas de roses
Dans un jardin sans amour.
Edmond Rostand
Jean Rousselot
Mon cartable
La grève des sapins
Mon cartable a mille odeurs,
Mon cartable sent la pomme,
Le livre, l'encre, la gomme,
Et les crayons de couleurs.
Mon cartable sent l'orange,
Le bison et le nougat,
Il sent tout ce que l'on mange,
Et ce qu'on ne mange pas.
La figue, la mandarine,
Le papier d'argent ou d'or,
Et la coquille marine,
Les bateaux sortant du port.
Les cowboys et les noisettes,
La craie et le caramel,
Les confettis de la fête,
Les billes remplies de ciel.
Les longs cheveux de ma mère,
Et les joues de mon papa.
Les matins dans la lumière,
La rose et le chocolat.
C'est la grève des sapins
Des aiguilles des pommes de pin
Ils veulent tous être palmiers
Cerisiers ou bananiers
(Citronnier abricotier)
Devenir arbres fruitiers
(Jujubier ou grenadier)
- Les sapins sont fatigués
A la fin de chaque année
Toutes ces guirlandes à porter
Ça leur donne le dos courbé
Les sapins sont enrhumés
De vivre près des cheminées
Sans air pur sans horizon
Enfermés dans des maisons
-Les sapins en ont assez
De faire de l'ombre l'été
Sans être remerciés
Et l'hiver d'être coupés
Les sapins font grise mine
Et attrapent des angines
Qu’ils soignent avec du parfum
A la sève de sapin!
-Les sapins ont déclaré
Que pour la nouvelle année
Ils se mettront en congé
La forêt sera fermée
Les sapins s'en vont au vert
Les sapins quittent l'hiver
Pour aller se faire bronzer
Au chaud sous les cocotiers!
Pierre Gamarra
Dominique Dimey
Mon école
Pour devenir une sorcière
Mon école est pleine d'images,
Pleine de fleurs et d'animaux,
Mon école est pleine de mots
Que l'on voit s'échapper des pages,
Pleine d'avions, de paysages,
De trains qui glissent tout là-bas
Où nous attendent les visages
Des amis qu'on ne connait pas.
Mon école est pleine de lettres,
Pleine de chiffres qui s'en vont
Grimper du plancher au plafond
Puis s'envolent par les fenêtres,
Pleine de jacinthes, d'oeillets,
Pleine de haricots qu'on sème ;
Ils fleurissent chaque semaine
Dans un pot et dans nos cahiers.
Ma classe est pleine de problèmes
Gentils ou coquins quelquefois,
De chansons, de vers, de poèmes,
Dont on aime la jolie voix
Pleine de contes et de rêves,
Blancs ou rouges, jaunes ou verts,
De bateaux voguant sur la mer
Quand une brise les soulève.
A l'école des sorcières
On apprend les mauvaises manières
D'abord ne jamais dire pardon
Être méchant et polisson
S'amuser de la peur des gens
Puis détester tous les enfants
A l'école des sorcières
On joue dehors dans les cimetières
D'abord à saute-crapaud
Ou bien au jeu des gros mots
Puis on s'habille de noir
Et l'on ne sort que le soir
A l'école des sorcières
On retient des formules entières
D'abord des mots très rigolos
Comme "chilbernique" et "carlingot"
Puis de vraies formules magiques
Et là il faut que l'on s'applique.
Pierre Gamarra
Jacqueline Moreau
Cher frère blanc
Chanson d’Automne
Quand je suis né, j’étais noir,
Quand j’ai grandi, j’étais noir,
Quand je vais au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai, je serai noir
Tandis que toi, homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu es au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.
Alors, de nous deux,
Qui est l’homme de couleur ?
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême , quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure.
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà , delà
Pareil à la
Feuille morte.
Léopold sédar Senghor
Paul Verlaine
Le blaireau
Le vieux et son chien
Pour faire ma barbe
Je veux un blaireau,
Graine de rhubarbe,
Graine de poireau.
Par mes poils de barbe !
S'écrie le blaireau,
Graine de rhubarbe,
Graine de poireau,
Tu feras ta barbe
Avec un poireau,
Graine de rhubarbe,
T'auras pas ma peau.
S’il était le plus laid
De tous les chiens du monde
Je l’aimerais encore
A cause de ses yeux
Si j’étais le plus vieux
De tous les vieux du monde
L’amour luirait encore
Dans le fond de ses yeux
Et nous serions tous deux
Lui si laid , moi si vieux
Un peu moins seuls au monde
A cause de ses yeux
Robert Desnos
Pierre Menanteau
La vache
Mon petit cochon
Si la Terre était une vache
Ce serait particulier
Les continents seraient ses taches
Elle brouterait la voie lactée
Tous les enfants vivants dessus
Auraient du lait à volonté
Ce serait la plus dodue
Des planètes répertoriées
La science serait tentée
De répondre à cette question
Quelle est donc l'utilité
De cette queue à l'horizon?
Pas besoin d'être ingénieur
Pour trouver la solution
C'est un grand ventilateur
Pour enlever la pollution !
Un petit cochon rose
Était triste et morose.
Il errait dans ma cour
Pour trouver du secours.
Il n'avait pas envie
De terminer sa vie
Découpés en quartiers
Auprès d'un charcutier.
Pour éviter le pire,
Et cet affreuse martyre
Je le mis au cellier
Pour se faire oublier.
La, sa queue fit merveille
Pour oublier les bouteilles ;
Car mon petit cochon
Était tire-bouchon
Flem
B.Casadessus
Si mon stylo
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme celui-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?[…]
Si mon stylo était magique
Avec des mots en herbe,
J'écrirais des poèmes superbes,
Avec des mots en cage,
J'écrirais des poèmes sauvages.
Si mon stylo était artiste,
Avec les mots les plus bêtes,
J'écrirais des poèmes en fête,
Avec des mots de tous les jours
J'écrirais des poèmes d'amour.
Mais mon stylo est un farceur
Qui n'en fait qu'à sa tête,
Et mes poèmes sur mon cœur
Font des pirouettes.
Robert Géli
Joachim Du Bellay
Les hiboux
Bonjour monsieur l'hiver
Ce sont les mères des hiboux
Qui désiraient chercher les poux
De leurs enfants, leurs petits choux,
En les tenant sur les genoux.
Leurs yeux d’or valent des bijoux,
Leur bec est dur comme cailloux,
Ils sont doux comme des joujoux,
Mais aux hiboux point de genoux !
Votre histoire se passait où ?
Chez les Zoulous ? Les Andalous ?
Ou dans la cabane bambou ?
A Moscou ? Ou à Tombouctou ?
En Anjou ou dans le Poitou ?
Au Pérou ou chez les Mandchous ?
Hou ! Hou !
Pas du tout, c’était chez les fous.
Hé ! Bonjour monsieur l'hiver !
Ça faisait longtemps ...
Bienvenue sur notre terre,
Magicien tout blanc.
Les montagnes t'espéraient ;
Les sapins pleuraient ;
Les marmottes s'indignaient ;
Reviendra-t-il jamais ?
Mes patins s'ennuyaient ;
Mes petits skis aussi ;
On était tous inquiets ;
Reviendra-t-il jamais ?
Hé ! Bonjour monsieur l'hiver !
Ça faisait longtemps ...
Bienvenue sur notre terre,
Magicien tout blanc.
Robert Desnos
Patrick Bousquet
Le Globe
Offrons le globe aux enfants, au moins pour une journée.
Donnons leur afin qu’ils en jouent comme d’un ballon multicolore
Pour qu’ils jouent en chantant parmi les étoiles.
Offrons le globe aux enfants,
Donnons leur comme une pomme énorme
Comme une boule de pain tout chaude,
Qu’une journée au moins ils puissent manger a leur faim.
Offrons le globe aux enfants,
Qu’une journée au moins le monde apprenne la camaraderie,
Les enfants prendront de nos mains le globe
Ils y planteront des arbres immortels."
Nâzim Hikmet
Halloween
La soupe de la sorcière
Je suis Robert le ver
Affreux, visqueux, gluant,
J’habite dans un cimetière
Avec des morts vivants :
Vampires, squelettes, gargouilles,
On est copains, copines.
Et le soir d’Halloween,
Dans les rues, en patrouille
Comme une armée en guerre,
Nous sortons nos citrouilles
Pour conquérir la terre.
Parents, parents, ouvrez !
Ouvrez votre maison
Et pour nous rassasier
Jetez-nous des bonbons
Des qu’on suce, des qu’on croque,
Des qu’on gobe, des qu’on cloque
Jetez-nous tous vos bonbons
Parents, contre une chanson
Nous saurons les ramasser.
Les partager, les manger.
Dans son chaudron la sorcière
Avait mis quatre vipères
Quatre crapauds pustuleux
Quatre poils de barbe bleue
Quatre rats, quatre souris
Quatre cruches d'eau croupies
Pour donner un peu de goût
Elle ajouta quatre clous
Sur le feu pendant quatre heures
Ca chauffait dans la vapeur
Elle tourne sa tambouille
Et touille et touille et ratatouille
Sur le feu pendant quatre heures
Ca chauffait dans la vapeur
Elle tourne sa tambouille
Et touille et touille et ratatouille
Quand on put passer à table
Hélas c'était immangeable
La sorcière par malheur
Avait oublié le beurre
Quand on put passer à table
Hélas c'était immangeable
La sorcière par malheur
Avait oublié le beurre
Miguel
Jacques Charpentreau
L'avion
Si mon stylo
L’avion, au fond du ciel clair,
Se promène dans les étoiles,
Tout comme les barques à voile
Vont sur la mer.
C'est un moulin des anciens âges
Qui soudain a quitté le sol
Et qui, par dessus les villages
A pris son vol.
Les oiseaux ont peur de ses ailes,
Mais les enfants le trouvent beau,
Ce grand cerf-volant sans ficelles
Qui va si haut.
Mais plus tard, en aéroplane
Plus hardi que les hardis,
Je compte bien aller sans panne
Au paradis.
Si mon stylo était magique
Avec des mots en herbe,
J'écrirais des poèmes superbes,
Avec des mots en cage,
J'écrirais des poèmes sauvages.
Si mon stylo était artiste,
Avec les mots les plus bêtes,
J'écrirais des poèmes en fête,
Avec des mots de tous les jours
J'écrirais des poèmes d'amour.
Mais mon stylo est un farceur
Qui n'en fait qu'à sa tête,
Et mes poèmes sur mon cœur
Font des pirouettes.
Robert Géli
Lucie Delarue Mardrus
Le dormeur du val
La linotte
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Qu’est- ce que j’ai encore oublié
se dit la linotte
j’ai mis j’ai mis ma culotte
j’ai mis j’ai mis mes souliers
Qu’ est-ce que j’ai encore oublié :
d’embrasser tante Charlotte ?
de faire cuire mes échalotes ?
de repasser mon tablier ?
La linotte s’ envole au vent
les moineaux se tordent de rire
"ah , c’est trop drôle ! !""ah ! j’expire !"
Ils s’en roulent dans la poussière
Car en partant elle a oublié
quoi ? sa tête de linotte* !
* et moi j'ai oublié une rime.
Arthur Rimbaud
Jacques Roubaud
Lettre aux gens très sages
Sévère mais juste
Non il n'est pas fou
Celui qui parle au vent
Aux murs aux rues aux lampadaires
A l'ombre du chat sur la fenêtre
Aux mains fragiles
Qui l'aiment et le connaissent
Il n'est pas fou
Celui qui voit la mer
Dans son miroir
Et des chiens bleus
Dans les nuages
Non il n'est pas fou
Il rêve il rêve
Et nous attend
Sous le manteau de son mystère
Au coeur du monde imagé.
Hier soir, je rentre chez moi... Qu'est-ce que j'apprends ?
Que le chat avait mangé la pâtée du chien...
Dehors le chat !
Là-dessus, qu'est-ce que j'apprends ?
Que le chien avait mangé la côtelette de ma femme...
Dehors le chien !
Là-dessus, qu'est-ce que j'apprends ?
Que ma femme avait mangé mon beefsteak.
Dehors la femme !
Là-dessus, qu'est-ce que je découvre ?
Que le lait que j'avais bu le matin était celui du chat.
Alors j'ai fait rentrer tout le monde...
Et je suis sorti.
Sévère... mais juste.
Raymond Devos.
Jean-Pierre Siméon
La catastrophe
Quel malheur ! Ça me désole :
On vient de fermer l’école !
On a tout cadenassé !
Que je suis bouleversé !
Au soleil ou sous la pluie,
Mon Dieu, que cela m’ennuie !
J’ai beau rire et m’amuser ;
J’en ai le cœur brisé.
Quand finiront les vacances,
Si j’ai survécu par chance,
Épuisé de tant souffrir,
C’est moi qui viendrai rouvrir.
Istvan Csukas
J'ai trempé mon doigt
J'ai trempé mon doigt dans la confiture
Turelure.
Ça sentait les abeilles
Ça sentait les groseilles
Ça sentait le soleil.
J'ai trempé mon doigt dans la confiture
Puis je l'ai sucé,
Comme on suce les joues de bonne grand-maman
Qui n'a plus mal aux dents
Et qui parle de fées ...
Puis je l'ai sucé
Sucé
Mais tellement sucé
Que je l'ai avalé.
René de Obaldia
La pomme et l'escargot
La petite maison
Il y avait une pomme
A la cime d'un pommier ;
Un grand coup de vent d'automne
La fit tomber sur le pré !
Pomme, pomme,
T'es-tu fait mal ?
J'ai le menton en marmelade
Le nez fendu
Et l'œil poché !
Elle tomba, quel dommage,
Sur un petit escargot
Qui s'en allait au village
Sa demeure sur le dos
Ah ! Stupide créature
Gémit l'animal cornu
T'as défoncé ma toiture
Et me voici faible et nu.
Dans la pomme à demi blette
L’escargot, comme un gros ver
Rongea, creusa sa chambrette
Afin d'y passer l'hiver.
Ah ! mange-moi, dit la pomme,
puisque c'est là mon destin ;
par testament je te nomme
héritier de mes pépins.
Tu les mettras dans la terre
Vers le mois de février,
Il en sortira, j’espère,
De jolis petits pommiers.
Sur le versant de la montagne,
A mi-hauteur, on aperçoit
Une petite maison toute seule.
D'ici, elle semble accrochée
A un pan de muraille nue,
Et le soir, on voit sa lumière
Agoniser sous le poids de la nuit.
- Ah ! Comment peut-on vivre là ?
T'exclames-tu en frissonnant.
Moi, je ne connais pas l'endroit
Mais je sais bien que la montagne
N'a pas, pour qui gravit ses pentes,
Ce visage fermé qu'on voit de loin.
Moi, je sais bien qu'elle est vêtue
De fenouil, de myrte et de menthe,
De romarin, de lavande et de thym ;
Et que sa cime se recule
A mesure qu'on va vers elle
Et que son flanc parfois se creuse
Offrant un sûr et calme asile.
Je sais qu'il y a un mûrier,
Des amandiers, des pins, des chênes,
Un tapis d'herbe et deux chevrettes
Derrière la petite maison.
Et devant elle, une terrasse
Avec son banc et sa table de pierre
Où des gens, après leur travail,
Dans l'air doré du crépuscule,
Boivent frais le vin de leur vigne.
Charles Vildrac
Charles Vildrac
Chevauchée sidérale
Le château de Tuileplatte
A cheval sur ma fusée
Partons pour les galaxies
Cueillir des fleurs étoilées
Dans les nocturnes prairies.
Adieu, les maisons, les prés
L'HLM et le verger !
A cheval sur ma fusée
Partons pour les nébuleuses
Cueillir des pommes dorées
Dans les régions ténébreuses.
Adieu, l'école et l'hiver
La rue, le chemin de fer !
A cheval sur ma fusée
Partons pour le fond du ciel
Cueillir la roue du soleil
Qui fabrique les années.
Adieu, les gens qui s’ennuient
Dans la peau couleur de suie
A cheval sur ma fusée
Partons de l’autre côté
Cueillir des chansons nouvelles
Sur des arbres d’étincelles.
Adieu, les bruits, la poussière
Et les odeurs de la terre !
Au château de Tuileplatte
La révolution éclate
J’ai trouvé
Vrai de vrai
Le poulet
Dans le lait
Le lapin
Dans le vin
Le cochon
Dans le charbon
Le cheval
Dans le bocal
Le chevreau
Dans le pot
Le dindon
Dans l’édredon
L’hirondelle
Dans le sel
Le pigeon
Dans le son
La tortue
Dans le bahut
La grenouille
Dans les nouilles
La souris
Dans le riz
Et le chat
Tralala
Dans le plat
De rutabaga
Georges Jean
Glyraine
Le temps des contes
Ballade de la soupe aux choux
S'il était encore une fois
Nous partirions à l'aventure,
Moi, je serais Robin des Bois,
Et toi tu mettrais ton armure.
Nous irions sur nos alezans
Animaux de belle prestance,
Nous serions armés jusqu'aux dents
Parcourant les forêts immenses.
S'il était encore une fois
Vers le château des contes bleus
Je serais le beau-fils du roi,
Et toi tu cracherais le feu.
Nous irions trouver Blanche-Neige
Dormant dans son cercueil de verre,
Nous pourrions croiser le cortège
De Malbrough revenant de guerre.
S'il était encore une fois
Au balcon de Monsieur Perrault,
Nous irions voir Ma Mère l'Oye
Qui me prendrait pour un héros.
Et je dirais à ces gens-là :
Moi qui suis allé dans la lune,
Moi qui vois ce qu'on ne voit pas
Quand la télé le soir s'allume;
Je vous le dis, vos fées, vos bêtes,
Font encore rêver mes copains
Et mon grand-père le poète
Quand nous marchons main dans la main.
Sur feu de hêtre ou de noyer,
Qui tremblote, fuse et crépite,
Pansue et noiraude, voyez,
Au creux de l'âtre qui s'effrite,
Comme elle trône, la marmite
Où bouillonne à larges remous
Le mets que nul autre n'imite,
La succulente soupe aux choux !
Lorsque droite y tient la cuiller,
Oh ! Par la salle décrépite,
Tous les parfums éparpillés...
Et, dans le bol plein, la subite
Éclosion d'yeux où palpite
L'âme fumante du saindoux,
Et comme on la déguste vite,
La succulente soupe aux choux !
A découvrir le lard, noyé
Dans le cœur pommé qui l'abrite,
L'appétit est tout égayé...
Foin des ragoûts hétéroclites,
Du mets savant qui débilite !
Rien ne vaut au corps comme au goût,
Dut-on m'accuser de redite,
La succulente soupe aux choux !
Prince qui soigne ta gastrite,
Ce fumet t'a rendu jaloux...
Goûte, crois m'en, selon le rite,
La succulente soupe aux choux.
Georges Jean
Léon Boyer
Jeux
L’habitant du miroir
Un grain de maïs
sur un mur juché
surprit une poule
et la dévora
Vous n’en croyez rien et pourtant c’est vrai
puisque je l’ai vu quand il l’avala.
Un escargot bleu
filant au galop
heurta un canard
et l’écrabouilla
Vous n’en croyez rien et pourtant c’est vrai
Puisque je l’ai vu quand il trépassa.
Une pipistrelle
Éprise d’un chat
Se coupa les ailes
Et les lui donna
Vous n’en croyez rien et pourtant c’est vrai
Puisque je l’ai vu quand il s’envola.
Un agneau rôdant
La nuit dans les bois
Fit si peur aux loups
Qu’un loup en creva
Vous n’en croyez rien et pourtant c’est vrai
Puisque je l’ai vu quand on l’enterra.
Enfants méfiez-vous des miroirs !
Surtout quand tombe le soir,
Quand le chien-loup du crépuscule
Hurle à la nuit dans la pendule :
A l’heure où le jour va dormir
S’éveille le miroir vampire.
Car cette glace familière
Où se mirent les écolières
Après les belles jadis,
Cette glace, je vous le dis,
Abrite un monstre sans visage
Qui veut dévorer vos images.
Le monstre du miroir attend
Le temps qu’il faut, il a le temps,
Tapi dans son luisant dédale,
Salles de neige et de cristal,
Il attend sans un mouvement
L’instant d’agir, le bon moment.
Quand les yeux dorment, lui se lève
Et, tirant profit de vos rêves,
Sort du verre et marche invisible
Pour aller boire l’eau limpide
Des beaux visages endormis
C’est de la jeunesse qu’il vit !
Puis il regagne en grand silence
Son froid palais de transparences
Et vous ne verrez au réveil
A la lumière du soleil
Qu’un visage presque pareil
Un peu griffé par le sommeil.
Paul-Marie Fontaine
Marc Alain
Le secret
La paix contre la guerre
Sur le chemin près du bois
J'ai trouvé tout un trésor :
Une coquille de noix
Une sauterelle en or
Un arc-en-ciel qu'était mort.
A personne je n'ai rien dit
Dans ma main je les ai pris
Et je l'ai tenue fermée
Fermée jusqu'à l'étrangler
Du lundi au samedi.
Le dimanche l'ai rouverte
Mais il n'y avait plus rien !
Et j'ai raconté au chien
Couché dans sa niche verte
Comme j'avais du chagrin.
Il m'a dit sans aboyer:
« Cette nuit, tu vas rêver. »
La nuit, il faisait si noir
Que j'ai cru à une histoire
Et que tout était perdu.
Mais d'un seul coup j'ai bien vu
Un navire dans le ciel
Traîné par une sauterelle
Sur des vagues d'arc-en-ciel !
La paix! La paix!
Qu´est qu´on en a rêvé!
Malheureusement la
guerre a commencé.
Pour tous ces gens qui
vont peut-être mourir,
nous avons un grand
Chagrin et aucun
Plaisir.
Pas de guerre!
Que la paix!
Ce sont les gens
qui ont décidés.
Un monde en paix nous
le voulons,
Pour le créer nous
combattons.
Nous ne voulons
pas la faire
cette maudite guerre.
René de Obaldia
Paola Farber
Les noisettes
Attention travaux !
Trois noisettes dans le bois
Tout au bout d'une brindille
Dansaient la capucine vivement au vent
En virant ainsi que des filles
De roi.
Un escargot vint à passer :
"Mon bon monsieur, emmenez-moi
dans votre carrosse,
je serai votre fiancée"
disaient-elles toutes trois.
Mais le vieux sire sourd et fatigué,
Le sire aux quatre cornes sous les feuilles
Ne s'est point arrêté,
Et, c'est l'ogre de la forêt, je crois
C'est le jeune ogre rouge, gourmand et futé
Monseigneur l'écureuil
Qui les a croquées.
C'est une honte ! S'exclama
L'inspecteur des travaux infinis
Devant le chantier
Silencieux :
Le vitrier dort, les maçons sommeillent,
Le serrurier ronfle, l'architecte rêve,
Les peintres reposent,
Les menuisiers somnolent,
Les plombiers roupillent,
Les carreleurs pioncent,
Les sanitaires en écrasent
Il n'y a que vous, mon cher, que vous
A rester debout :
Votre zèle est honorable
Quelle est votre affectation ?
- je suis le marchand de sable.
Pierre Ferran
Tristan Klingsor
Réveil
Bonjour le bois !
Cria l’enfant.
Bonjour l’enfant !
Cria le bois.
Bonjour l’abeille !
Cria l’enfant.
Bonjour l’enfant !
Cria l’abeille.
Alors, et moi ! dit le soleil,
Alors, et moi ! qui me réveille.
Je l’ai crié, lui dit l’enfant.
Je l’ai crié en m’éveillant,
Mais tu avais encore, soleil,
ton gros bonnet sur les oreilles.
Maurice Carême
La télévision
Dans le regard d’un enfant
Quand on branche la télé,
Mes amis, quel défilé !
Le négus, le roi d'Ecosse,
De vieux gus et de grands gosses,
Cendrillon dans son carrosse,
La véloce
Carabosse
Chevauchant son balai-brosse,
Des prélats, des portes crosses,
De beaux blonds, des rousses rosses,
Des colosses,
Des molosses,
Des rhinocéros atroces...
Et quand c'est le plus joli :
"Les enfants ! C'est l'heure ! Au lit !"
J'ai vu des continents
Des îles lointaines
De fabuleux océans
Des rives incertaines
Dans le regard d'un enfant.
J'ai vu des châteaux
Des jardins à la française
Des bois des coteaux
De blancs rochers sous la falaise
Dans le regard d'un enfant.
J'ai vu les Champs-Elysées
L'Arc de Triomphe, la Tour Eiffel
Le Louvre et la Seine irisée
Comme un arc-en-ciel
Dans le regard d'un enfant.
Jean-Luc Moreau
Claude Haller
Tu dis
La rentrée de Poème
Tu dis sable
Et déjà
La mer est à tes pieds
Tu dis forêt
Et déjà
Les arbres te tendent leurs bras
Tu dis colline
Et déjà
Le sentier court avec toi vers le sommet
Tu dis nuage
Et déjà
Un cumulus t’offre la promesse du voyage
Tu dis poème
Et déjà
Les mots volent et dansent comme des étincelles dans ta cheminée
C’est un petit mot
Tout propre et tout beau
Qui ne veut ni école
Ni sac sur le dos.
Il préfère les flaques d’eau
Et les feuilles qui volent,
Il préfère les étoiles
Et les bateaux à voiles…
Pourtant les enfants l’aiment
Le petit Poème,
Alors, tout propre et tout beau,
Son sac sur le dos,
Il court sur les cahiers
Des petits écoliers
Joseph-Paul Schneider
Christine Fayolle
Lettre aux gens très sages
Mice
Non il n'est pas fou
Celui qui parle au vent
Aux murs aux rues aux lampadaires
A l'ombre du chat sur la fenêtre
Aux mains fragiles
Qui l'aiment et le connaissent
Il n'est pas fou
Celui qui voit la mer
Dans son miroir
Et des chiens bleus
Dans les nuages
Non il n'est pas fou
Il rêve il rêve
Et nous attend
Sous le manteau de son mystère
Au cœur du monde imagé.
I think mice
Are rather nice.
Their tails are long,
Their faces small,
They haven’t any
Chins at all.
Their ears are pink,
Their teeth are white,
They run about
The house at night.
They nibble things
They shouldn’t touch
And no one seems
To like them much.
Bu I think mice
Are nice.
Jean-Pierre Siméon
Rose Fyleman
L'école
Le perroquet
Dans notre ville, il y a
Des tours, des maisons par milliers,
Du béton, des blocs, des quartiers,
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat
Tout bas.
Dans mon quartier, il y a
Des boulevards, des avenues,
Des places, des ronds-points, des rues,
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat
Tout bas.
Dans notre rue, il y a
Des autos, des gens qui s'affolent,
Un grand magasin, une école.
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat
Tout bas.
Dans cette école, il y a
Des oiseaux chantant tout le jour
Dans les marronniers de la cour.
Mon cœur, mon cœur, mon cœur qui bat
Est là.
C’est très coquet
Un perroquet
Des plumes rouges
Bleues violettes
Ça vit ça bouge
Et ça répète
C’est très coquet
Un perroquet
Dans un baquet
Un perroquet
Ça fait trempette
Et ça répète
C’est très coquet
Un perroquet
Tais ton caquet
Vieux perroquet
Mais ça répète
Saperlipopette
C’est très coquet
Un perroquet
Jacques Charpentreau
Jean Hugues Malineau
Liberté
Les moustiques
Prenez du soleil
Dans le creux des mains,
Un peu de soleil
Et partez au loin !
Partez dans le vent,
Suivez votre rêve;
Partez à l'instant,
la jeunesse est brève !
Il est des chemins
Inconnus des hommes,
Il est des chemins
Si aériens !
Ne regrettez pas
Ce que vous quittez.
Regardez, là-bas,
L'horizon briller.
Loin, toujours plus loin,
Partez en chantant !
Le monde appartient
A ceux qui n'ont rien.
Les moustiques.
Piquent, piquent.
Les gens qui
Pique-niquent.
Ils attaquent
En oblique
Les hamacs
Élastiques.
Et bivouaquent,
Sans panique,
Dans les sacs
En plastique.
Les moustiques
Font la nique
Aux gens qui
Pique-niquent.
Et qu’ils piquent
Et repiquent
En musique.
C’est comique
Maurice Carême
Pierre Coran