Protection animale et production intensive de viande bovine

Transcription

Protection animale et production intensive de viande bovine
Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1994, 13 (1), 79-88
Protection animale et production intensive
de viande bovine
J.-P. MORISSE, J.-P. COTTE et D. HUONNIC *
Résumé : Après un bref rappel du cadre juridique de la protection animale pour
l'espèce bovine tant au niveau du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne
qu'au niveau du droit français, les principales caractéristiques des systèmes
d'élevage utilisés dans les productions intensives du veau de boucherie et de
jeunes bovins sont analysées.
Pour le veau de boucherie, les normes proposées au niveau européen ne
tiennent pas compte des différences très importantes d'âge, de poids et de qualité
de viande des animaux produits par différents Etats Membres.
Dans le domaine de la viande rouge, la production du jeune bovin dans les
unités de production intensive génère un certain nombre d'anomalies du
comportement auxquelles il serait facile de remédier tout en restant dans des
limites économiques compatibles avec les intérêts des éleveurs et ceux des
consommateurs.
MOTS-CLÉS : Bien-être des animaux - Bovins de boucherie - Production de
veaux de boucherie - Production intensive - Veaux.
INTRODUCTION
La recherche par le consommateur de produits homogènes, qu'il s'agisse de viande
rouge ou blanche, amplifiée par les besoins de la grande distribution ainsi que par le
souci de rationaliser le travail des éleveurs, a conduit à la création d ' u n i t é s de
production d e veaux d e boucherie ou d e jeunes bovins regroupant plusieurs dizaines
voire plusieurs centaines d'animaux.
Pour les bovins comme pour d'autres espèces animales, la production de type intensif
impose trois conditions :
- le regroupement des animaux en lots,
- l'élevage en claustration,
- l'alimentation intensive.
Chacune de ces conditions implique des contraintes dont certaines peuvent poser des
problèmes en termes de santé et de bien-être des animaux à différents niveaux :
- les conditions d'élevage,
- le transport,
- l'abattage.
* Centre national d'études vétérinaires et alimentaires, B.P. 53, 22440 Ploufragan, France.
80
Depuis longtemps, l'optimisation des résultats techniques et économiques de ces
élevages spécialisés passe par la maîtrise de l'hygiène, de l'habitat et de l'alimentation,
mais il est évident que productivité élevée et état de santé correct ne sont pas les garants
d'un bien-être satisfaisant p o u r les animaux, d'où l'intérêt croissant p o u r l'opinion
publique d'une prise en compte réelle des problèmes de protection animale.
CADRE JURIDIQUE DE LA PROTECTION ANIMALE
CHEZ LES BOVINS
D e p u i s de n o m b r e u s e s années, le Conseil de l ' E u r o p e et l ' U n i o n e u r o p é e n n e
agissent en parallèle pour améliorer la protection des animaux dans le domaine de
l'élevage, du transport et de l'abattage.
Le Conseil de l'Europe
Œuvrant dans un contexte philosophique et éthique, le Conseil de l'Europe s'est fixé
comme objectif de supprimer t o u t e souffrance inutile et d'assurer aux animaux les
conditions requises par leurs besoins biologiques spécifiques (4).
Trois Conventions é m a n a n t de cet organisme fixent les grandes lignes de la
protection animale dans les domaines :
- de l'élevage,
- du transport international,
- de l'abattage.
Un Comité permanent a été créé dans le cadre de la Convention sur la Protection des
animaux dans les élevages que la France a ratifiée depuis 1976 ; il est chargé d'élaborer
des Recommandations fixant, à partir de données scientifiques, les modalités pratiques
d'application de la Convention.
Pour les bovins :
- les animaux âgés de moins de six mois (veaux) font l'objet d'un projet de
recommandation ;
- les animaux âgés de plus de six mois font l'objet d'une Recommandation adoptée
par le Comité Permanent le 21 octobre 1988.
L'Union européenne
Les E t a t s M e m b r e s de l ' U n i o n e u r o p é e n n e sont également sensibilisés depuis
longtemps à la protection animale pour l'élaboration des réglements communautaires
sur la Politique agricole commune.
Indépendamment des préoccupations de bien-être des animaux, l'Union européenne
a également le souci de faire respecter par les Etats M e m b r e s les mêmes conditions
d'élevage, de transport et d'abattage afin d'éviter toute distorsion commerciale (4).
Pour remplir ces objectifs, l'Union européenne adopte des Directives définissant les
normes minimales relatives à la protection de différentes espèces animales.
Pour les bovins de moins de six mois (veaux), ces normes minimales sont précisées
dans la Directive du 19 novembre 1991.
81
La législation française
L'arsenal réglementaire français portant sur la protection animale est important et
précis ; il concerne l'ensemble des espèces animales dans les différents domaines de
l'élevage, du transport, de la commercialisation, de l'abattage, etc.
La protection des animaux est régie en France par le Code rural, livre deuxième, titre
cinquième : « D e la p r o t e c t i o n des animaux d o m e s t i q u e s et des animaux sauvages
apprivoisés ou tenus en captivité » (loi 76-629 du 10 juillet 1976).
Le p r e m i e r article de cette loi (art. 276) stipule qu'« il est interdit d'exercer des
mauvais t r a i t e m e n t s envers les animaux d o m e s t i q u e s ainsi q u ' e n v e r s les animaux
sauvages apprivoisés ou tenus en captivité ».
Différents décrets en Conseil d'Etat déterminent les mesures propres à assurer la
protection des animaux contre les mauvais traitements ou les utilisations abusives et à
leur éviter des souffrances lors des manipulations inhérentes aux diverses techniques
d'élevage, de p a r c a g e , de t r a n s p o r t et d ' a b a t t a g e des animaux ( D é c r e t 80-79 du
1 octobre 1980).
e r
Les vétérinaires inspecteurs ainsi que les techniciens des Services vétérinaires ont
qualité, dans les limites du d é p a r t e m e n t où ils sont affectés, p o u r r e c h e r c h e r et
constater les infractions (art. 283-1-2-3).
Dans le domaine de l'élevage intensif des bovins, il est prévu notamment (art. 277)
qu'en cours de transport, les animaux doivent être abreuvés et alimentés au moins
toutes les douze h e u r e s . D e m ê m e les précautions à p r e n d r e p o u r la conduite et le
transport à l'abattoir ou pour l'abattage des animaux sont strictement réglementées par
arrêtés préfectoraux (art. 278).
Il incombe aux vétérinaires sanitaires de s'assurer de la salubrité des locaux, foires ou
marchés où sont détenus les animaux (art. 280-281-282) ; ces vétérinaires sont habilités à
pénétrer dans tous les lieux où vivent les animaux. D e même, ils peuvent procéder ou
faire procéder de jour comme de nuit à l'ouverture des véhicules à usage professionnel
transportant des animaux aux fins d'y effectuer leurs contrôles (art. 283-5).
PRODUCTION INTENSIVE DE VEAUX DE BOUCHERIE
Bien qu'en recul de près de 20 % depuis 1988, la production française annuelle de
veaux de boucherie se maintient depuis 1990 aux alentours de 275 000 tonnes pour un
total de 2,3 millions de veaux élevés dans des unités spécialisées (3).
I n d é p e n d a m m e n t de son intérêt économique et social, la production de veaux de
boucherie utilise environ 30 % de tous les veaux nés en France et issus principalement
des cheptels laitiers ; elle représente à ce titre un puissant facteur de régulation de la
production de viande rouge, dont l'Union européenne est largement excédentaire (3).
Avec un poids moyen de carcasse de l ' o r d r e de 120 kg p o u r un a b a t t a g e à
18-19 semaines et une viande blanche spécifiquement exigée par le consommateur, la
France se distingue très nettement de certains de ses partenaires européens : le veau
hollandais par exemple (dont 83 % de la p r o d u c t i o n est destinée à l ' e x p o r t a t i o n ) ,
présente une viande colorée ; il est en grande partie abattu vers 26-28 semaines avec un
poids de carcasse de 155 à 160 kg ; c'est un produit totalement différent du veau français
malgré l'appellation générique commune de « veau de boucherie ».
82
Ces différences nées de cultures et de traditions différentes, rendent évidemment
difficile l'adoption de normes d'élevage uniformes.
E n France, premier pays producteur européen, le veau de boucherie est produit à
80 % dans des ateliers spécialisés (3, 14).
Dans leur très grande majorité, les veaux sont élevés dans des boxes individuels sur
caillebotis de bois ; la taille des boxes varie en moyenne de 0,6 à 0,7 m de large sur 1,6 à
1,7 m de longueur et les séparations e n t r e boxes sont g é n é r a l e m e n t constituées de
parois pleines.
L'alimentation jusque-là strictement liquide est constituée p a r de l'aliment
d'allaitement à base de p o u d r e de lait, distribué en deux buvées dans des seaux
individuels.
La teneur en fer de cet aliment est soigneusement dosée pour provoquer une anémie
relative, permettant l'obtention d'une viande claire.
Ces conditions d'élevage ont focalisé l'attention de l'opinion publique et des divers
m o u v e m e n t s de protection des animaux, au m ê m e titre que l'élevage de poules en
batterie, sans doute du fait de l'absence relative de liberté de mouvement imposée par
ces deux systèmes.
Déjà en 1980, les conditions d'élevage et en amont de ces élevages, les modalités de
collecte et d'acheminement des veaux avaient fait l'objet de travaux (11) montrant les
conséquences physiologiques des agressions auxquelles étaient soumis les j e u n e s
animaux ainsi que leur sensibilité aux imperfections des systèmes d ' a é r a t i o n et
d'alimentation (9) (Fig. 1).
U n ensemble de r e c o m m a n d a t i o n s , essentiellement basées sur le respect de la
physiologie du jeune et sa sensibilité aux agressions, avaient alors été l a r g e m e n t
diffusées (8).
Depuis, une prise de conscience toujours plus grande des problèmes de bien-être
animal a stigmatisé :
- la pauvreté de l'environnement du veau de boucherie privé de contact avec ses
congénères,
- l'exiguïté de la surface disponible et l'impossibilité d'adopter toutes les positions
au coucher,
- l'ennui, seulement rompu par deux repas de quelques minutes ; cet ennui génère
des comportements anormaux : succions non nutritives, jeux de langue, etc.
Sous la pression de certains autres pays e u r o p é e n s , des t e c h n i q u e s d'élevage
différentes (particulièrement adaptées aux besoins des veaux lourds qu'ils produisent
pour l'exportation) sont préconisées tant par le Conseil de l'Europe que par l'Union
européenne, à savoir : la case collective, l'apport d'aliments solides, la suppression des
régimes ferriprives.
A défaut de case collective devant permettre l'attribution individuelle minimum de
1,5 m p o u r un poids vif de 150 kg, la Directive de la C o m m u n a u t é é c o n o m i q u e
européenne ( C E E ) du 19 novembre 1991 admet l'élevage en box sous réserve d'une
largeur minimum de 0,81 m (0,9 m ± 10 %).
2
e r
Après le 1 janvier 1994 et pour une période transitoire de quatre ans, toutes les
installations neuves devront être conformes à ces normes minimales ; si l'on ne peut que
83
Veaux stressés
Veaux non stressés
Neutrophiles 4280/mm
3
Lymphocytes 5470/mm
3
I
6 770/mm
3
P < 0,01
3 800/mm
3
P < 0,01
Gamma-globulines 8,4 g/l
4,9 g/l
P < 0,01
Glycémie 1 g/l
0,65 g/l
P < 0,001
Urémie 0,2 g/l
0,35 g/l
P < 0,05
Sérotonine 4,4 mg/l
6,9 mg/l
P < 0,001
Corticoïdes urinaires
(17 OH Stéroïdes) 8 % > 0,5 mg/l
60 % > 0,5 mg/l
FIG.l
Comparaison du niveau de différents paramètres hématologiques et bio-chimiques
entre veaux non stressés (sous la mère) et veaux stressés (circuits d'approvisionnement)
(8)
se féliciter d e cette prise en c o m p t e d u confort d u veau, on imagine sans peine les
implications socio-économiques de ces modifications.
Face à la confusion créée p a r une appellation unique désignant deux productions
différentes : le veau blanc léger et le veau coloré lourd, force est de constater que les
normes, plus contraignantes p o u r les éleveurs de veaux légers (largeur d e b o x o u
surface au sol de 1,5 m pour 150 kg de poids vif) n e tiennent pas compte des quelques
280 à 300 kg de poids vif atteints par les veaux dans certains pays européens autres que
la France.
2
En France, divers chercheurs ( 1 , 2 , 6 , 7 , 1 4 , 1 5 ) ont réalisé, avec la collaboration des
professionnels, différents travaux sur l'évaluation d u b i e n - ê t r e en fonction des
aménagements. Ils ont montré que si elle favorise les contacts sociaux entre congénères
ainsi que certaines formes d'activités, la case collective est moins favorable que le box
individuel à l'adoption des différentes postures composant le registre comportemental
du veau (1).
D u fait d u risque d e p i é t i n e m e n t , le v e a u en case collective a t e n d a n c e à n e p a s
allonger ses membres ; à cet inconvénient s'ajoutent une viande plus colorée et, sur le
plan sanitaire, une possibilité plus réduite de surveillance individuelle.
C'est en partie ces raisons sanitaires qui avaient fait abandonner en France, dans les
années 1970, la case collective munie d'un nourrisseur automatique.
84
L'appréciation objective des différents systèmes d'élevage est i m p o r t a n t e , car
l'option actuelle : « case collective » ou « box individuel de 0,90 m ± 10 % » peut ne pas
être définitive ; en effet, la Directive de la C E E du 19 novembre 1991 prévoit que la
« Commission soumettra au Conseil, au plus tard le 1 octobre 1997, un rapport du
Comité scientifique vétérinaire sur le ou les systèmes d'élevage intensif qui respecte les
exigences de bien-être des veaux... ainsi que sur les implications socio-économiques des
différents systèmes... ».
e r
Pour cette raison, il importe de poursuivre les études p e r m e t t a n t de définir les
aménagements répondant le mieux aux seuls objectifs de bien-être, dans la mesure où
ils restent compatibles avec les impératifs socio-économiques des éleveurs et des
consommateurs et en tenant compte des spécificités propres à chaque pays.
PRODUCTION INTENSIVE DE JEUNES BOVINS
En 1992, sur une production totale française de viande bovine (à l'exception du veau
de boucherie) de 1,6 million de tonnes, près de 450 000 tonnes étaient produites à partir
de jeunes bovins (taurillons en majorité) abattus vers 16-18 mois avec un poids de
carcasse de l'ordre de 380 kg (13).
Ces animaux issus soit de cheptels laitiers soit de troupeaux allaitants, sont âgés à
leur arrivée dans les unités d'élevage, de deux à trois semaines pour les premiers et de
sept à huit mois pour les seconds (broutards).
Dans le premier cas, les conditions d'élevage jusqu'à l'âge de quatre à cinq mois :
case collective paillée, liberté de mouvements, contacts sociaux et alimentation variée,
répondent en tous points aux exigences de la Directive de la C E E du 19 novembre 1991
(normes minimales relatives à la protection des veaux).
L'écornage, ou plutôt «l'ablation à un stade précoce de la partie produisant la
corne », n'est pas interdite (même sans anesthésie) lorsque les veaux sont âgés de moins
de quatre semaines (projet de recommandation adopté le 21 octobre 1988).
D a n s le cas des b r o u t a r d s , âgés de plus de six mois et donc considérés c o m m e
« b o v i n s » , seul le projet de r e c o m m a n d a t i o n p r é c é d e m m e n t cité s'applique et
l'écornage parfois réalisé à l'arrivée dans les unités d'engraissement n'est autorisé que
s'il est considéré comme une opération chirurgicale ; à ce titre il devrait être pratiqué
sous anesthésie par un vétérinaire.
A l'âge de sept à huit mois pour les broutards et de quatre à cinq mois pour les veaux
d'élevage, les animaux sont regroupés pour la phase d'engraissement par lots de huit à
dix sujets dans des cases dont le sol est constitué par un caillebotis en béton ou par une
surface b é t o n n é e plus ou moins recouverte de paille (pente paillée ou aire paillée).
Chaque animal dispose en moyenne de 2,5 à 3 m . Les animaux consomment à volonté
un ensilage d e maïs auquel est ajouté un a p p o r t de « c o n c e n t r é » constitué p a r des
céréales, du soja et un complexe minéral.
2
Parmi les troubles souvent observés dans ce type d'élevage, les p r o b l è m e s
locomoteurs à l'évidence très douloureux, sont les plus fréquents.
Qu'ils soient d'origine podale (dus à des phénomènes de type fourbure) ou d'origine
articulaire par dégénérescence des cartilages (arthrose), ces troubles ont fait l'objet
d'une vaste étude dans l'Ouest de la France (12).
85
D ' a p r è s la conclusion de cette é t u d e , la fréquence des lésions d ' a r t h r o s e était
infiniment plus importante que ne le laissait supposer celle des boiteries et l'origine de
ces lésions était la r é s u l t a n t e d ' u n e croissance t r o p r a p i d e , liée à une alimentation
hyperénergétique, aggravée par un sol glissant et traumatisant.
Avant l'apparition des troubles et dès l'âge de huit mois, les conditions d'élevage très
différentes selon qu'il s'agisse de veaux laitiers ou de broutards, ont déjà très fortement
modifié de nombreux paramètres du métabolisme osseux (Tableau I).
TABLEAU I
Comparaison
Cheptel
Laitiers
Broutards
Différence P<
de différentes valeursplasmatiques
entre 66 taurillons laitiers et
60 broutards au même âge (8,5 mois)
(12)
Calcium
(mg/I)
93,3
±11
87,8
±5
Calcium
Phosphore
(mg/1)
Phosphore
Lactates
(mmol/1)
Phosphatases
alcalines
(U/l)
ASAT
(U/l)
Hydroxyproline*
(mg/1)
90,5
+ 12
1,04
±0,14
5,5
±2,1
218
±52
74,6
± 12
19,2
55
+ 11
1,68
±0,49
2,9
+ 2,4
65,2
±37
66,6
±22
13,8
0,001
0,001
0,001
0,001
0,001
0,05
0,001
* dosages sur deux lots de dix sujets
ASAT : aspartate aminotransférase
L'étude du comportement du taurillon en fonction des conditions d'élevage, réalisée
en 1992 et 1993, permet de définir de façon précise les indicateurs de bien-être ou de
mal-être du taurillon en claustration (5).
Certaines anomalies flagrantes ont été relevées dans les conditions d'élevage, telles que :
- la compétition à l'auge lorsque la place est insuffisante ou lors de distribution de
concentré appétant non mélangé à l'ensemble de la ration ; cette compétition génère
des comportements agressifs préjudiciables à la quiétude et au repos des animaux ;
- la fréquence des couchers et des levers hésitants ou a n o r m a u x traduisant une
souffrance articulaire ; cette observation conforme à la précédente étude (11) met en
évidence l'influence du sol et du poids de l'animal (Tableaux II, III et IV) ;
- les erreurs dans la conception de l'auge et dans le réglage de l'abreuvoir à l'origine
de postures anormales et d'insuffisance d'abreuvement.
Toutes ces anomalies relevées au niveau des élevages ont des répercussions
évidentes sur le bien-être des animaux ; certaines sont même à l'origine de souffrances
inacceptables. Certains aménagements simples et peu onéreux peuvent apporter une
solution aux problèmes évoqués (5).
Cas des viandes à pH élevés
Bien que le transport et l'abattage soient traités dans d'autres articles du présent
volume, il faut m e n t i o n n e r l'incidence des stress subis p a r les taurillons lors de
l'acheminement vers l'abattoir, sur le p H des carcasses.
86
TABLEAU I I
Fréquence des couchers anormaux (en pourcentage des couchers totaux)
en fonction de la nature du sol (analyse réalisée sur 47 lots)
Nature du sol
Caillebotis en béton
Pente paillée
Litière accumulée
Pâturage
Couchers anormaux
(%)
27,2
7,35
0,44
2,2
(a)
(b)
(b)
(b)
Nombre d'observations
250
204
229
90
2
X : liaison significative au seuil de 1%»
Les traitements suivis d'une même lettre [(a) ou (b)] ne sont pas significativement différents entre eux
TABLEAU III
Fréquence des mouvements anormaux au coucher (en pourcentage
des couchers totaux) en fonction de l'adhérence au sol (analyse réalisée sur 19 lots)
Adhérence au sol
Sols glissants
Sols moyennement glissants
Sols non glissants
Couchers anormaux
(%)
45,0 (a)
10,6 (b)
6,9 (b)
Nombre d'observations
111
132
158
2
X : liaison significative au seuil de 1%„
Les traitements suivis d'une même lettre [(a) ou (b)] ne sont pas significativement différents entre eux
TABLEAU I V
Fréquence des mouvements anormaux au coucher (en pourcentage
des couchers totaux) en fonction de la surface par animal
(analyse réalisée sur 10 lots de taurillons sur caillebotis)
(5)
Surface par animal
(en m )
Couchers anormaux
(%)
2,2 à 2,4
44,3 (a)
88
2,5 à 3,5
15,7 (b)
134
2
Nombre d'observations
2
X : liaison significative au seuil de l % o
Les traitements suivis d'une même lettre [(a) ou (b)] ne sont pas significativement différents entre eux
La durée du trajet, les conditions de collecte (avec ou sans femelles de réforme), la
durée et les conditions de l'attente à l'abattoir, g é n è r e n t des stress qui épuisent les
réserves glucidiques de l'animal et empêchent la chute normale du p H musculaire.
87
Ces viandes dites à p H élevé (supérieur à 6,24 heures après l'abattage) sont fermes,
sombres et leur durée de conservation est inférieure à celle des viandes normales (10).
La prévention de ces anomalies est un impératif éthique, car elles traduisent l'anxiété
et l'inconfort ; c'est aussi un impératif économique, car ces viandes à p H élevé sont
fortement dépréciées.
CONCLUSION
Qu'il s'agisse du veau de boucherie ou du j e u n e bovin, il est évident que certains
aspects de l'élevage en unités intensives peuvent générer chez l'animal une sensation
d'inconfort et être à l'origine d'un certain degré de souffrance physique ou psychologique.
Il importe que les professionnels de l'élevage en prennent conscience et les auteurs
peuvent témoigner que les organisations d'éleveurs qui ont participé à leurs différentes
approches écopathologiques (et qui représentent 10 à 11 % de la production française)
ont parfaitement compris l'enjeu éthique et économique de cette démarche.
*
* *
PROTECCIÓN ANIMAL Y PRODUCCIÓN INTENSIVA D E CARNE BOVINA. J.-P. Morisse, J.-P. Cotte y D. Huonnic.
Resumen: Tras una breve referencia al marco legal de la protección animal para
la especie bovina tanto en el Consejo de Europa y en la Unión Europea como
en el derecho francés, los autores describen las características principales de los
sistemas de cría utilizados en la producción intensiva de terneros y bovinos
jóvenes.
Para el caso de los terneros, las normas propuestas a nivel europeo no tienen
en cuenta las importantes diferencias de edad, de peso y de calidad de la carne
de los animales producidos por los distintos Estados miembros.
Dentro de la carne roja, la producción de añojos en las unidades de
producción intensiva genera ciertas anomalías del comportamiento de estos
animales, a las que no sería difícil remediar sin salirse de los límites económicos
compatibles con los intereses de los ganaderos y de los consumidores.
PALABRAS CLAVE: Bienestar animal - Ganado de carne - Producción de
carne de ternera - Producción intensiva - Terneros.
*
BIBLIOGRAPHIE
1. BERTRAND G. (1993). - Modèles de cases et bien-être. In Veau de boucherie, qualité de la
viande, bien-être, nutrition et pathologie. A.F. T.A.A., 16 et 17 juin, 42-58.
88
2. BERTRAND G . , GESMIER V. & MARTINEAU C . (1992). - Evaluation du bien-être du veau
de boucherie en case collective, demi-case individuelle ou case individuelle. Editions de
l'Institut de l'Elevage, 28 pp.
3. BOUSSIER D. & BARBIN G . (1993). - Des difficultés inquiétantes. In Dossier Veau.
Cultivar, février, 7-8.
4. COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (1993). - Communication to the Council
and the European Parliament on the protection of animals. VI/8955/93.
5. HUONNIC D. (1993). - Etude du comportement du taurillon en élevage intensif en
fonction des conditions d'élevage. Mémoire, Diplôme de l'Ecole pratique des Hautes
Etudes, Paris, 85 pp.
6. INTERSYNDICALE DES FABRICANTS D'ALIMENTS D'ALLAITEMENT (1993). - Bilan dans le
secteur du veau 1980-1992. Sources : SCEES, Douanes, OFIVAL, 15 pp.
7. L E NEINDRE P. (1993). - Evaluating housing systems for veal calves. J. Anim.
71 (5), 1345-1354.
Sci.,
8. MORISSE J.-P. (1983). - La santé du veau 1983. Institut d'Elevage et de Pathologie
Ploufragan éditions, 32 pp.
9. MORISSE J.-P, COTTE J.-P. & HUONNIC D. (1978). - Enquête sanitaire globale bovine.
Institut d'Elevage et de Pathologie Ploufragan éditions, 76 pp.
10. MORISSE J.-P, COTTE J.-P. & HUONNIC D. (1985). - Viande de taurillons à pH élevé,
réduction des stress avant abattage. R.T.V.A., juillet-août, 13-18.
11. MORISSE J.-P., COTTE J.-P. & HUONNIC D. (1988). - Le stress chez le veau, conséquences
physiologiques, zootechniques et sanitaires. Rec. Méd. vét., 164 (10), 849-855.
12. MORISSE J.-P., COTTE J.-P. & HUONNIC D. (1988). - Syndrome arthrosique de croissance
chez les taurillons de type laitier. Rec. Méd. vét., 164 (11), 907-918.
13. SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIELS D E LA N U T R I T I O N A N I M A L E (1993). -
La
production de viande bovine en 1991-1992. Synthèse SNIA, juin, 4 pp.
14. VEISSIER M.I. (1993). - Le bien-être du veau de boucherie : facteurs sociaux liés au
logement. In Veau de boucherie, qualité de la viande, bien-être, nutrition et pathologie.
A.F.T.A.A., 16 et 17 juin, 25-40.
15. VEISSIER M.I., L E NEINDRE P., TRILLAT G . & GESMIER V. (1993). - Le veau de boucherie
en élevage intensif. Info. tech. Serv. vét. (sous presse).